Séance du
vendredi 27 janvier 2023 à
16h05
2e
législature -
5e
année -
9e
session -
53e
séance
La séance est ouverte à 16h05, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assistent à la séance: MM. Antonio Hodgers et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Diane Barbier-Mueller, Jacques Béné, Pierre Eckert, Christian Flury, Raymond Wicky, François Wolfisberg et Christian Zaugg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Rémy Burri, Maria José Quijano Garcia, Helena Rigotti, Gabriela Sonderegger et Pascal Uehlinger.
Annonces et dépôts
Néant.
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de Thierry Cerutti : Politique de l'immobilité à Vernier-Village sur la route de Peney (QUE-1852)
Question écrite urgente de Sylvain Thévoz : « Qui veut soustraire des millions ». L'Etat en fait-il assez pour lutter contre ce jeu florissant ? (QUE-1853)
Question écrite urgente de Christina Meissner : Sablière du Cannelet à Vernier ? Le grain de sable de trop ? (QUE-1854)
Question écrite urgente de Stéphane Florey : Frontaliers longue distance : un non-sens écologique et social ! (QUE-1855)
Question écrite urgente de Nicolas Clémence : Pour quelles raisons et selon quels critères le Conseil d'Etat a-t-il accepté de déroger à l'obligation d'élaborer un PLQ pour le projet de densification du 24 route de Chancy, malgré le préavis défavorable de la Ville de Lancy ? (QUE-1856)
Question écrite urgente de Philippe de Rougemont : Projet d'échangeur autoroutier de Viry (F) (QUE-1857)
Question écrite urgente de Guy Mettan : Mâchefers : où en sommes-nous ? (QUE-1858)
Question écrite urgente de Aude Martenot : Sortir les personnes dans l'asile des abris PC au plus vite ! Egalité de traitement pour touxtes ! (QUE-1859)
Question écrite urgente de Philippe de Rougemont : Agir davantage pour réaffecter les logements à leur fonction initiale ? (QUE-1860)
Question écrite urgente de André Pfeffer : Renseignements sur les personnes assistées par l'Hospice général ? (QUE-1861)
Question écrite urgente de André Pfeffer : Déni démocratique et non-respect d'un scrutin populaire ? (QUE-1862)
Question écrite urgente de Natacha Buffet-Desfayes : ChatGPT et travaux de fin d'études au sein de l'enseignement secondaire II : quelle conciliation ? (QUE-1863)
Question écrite urgente de Marjorie de Chastonay : Mutualiser les réserves des caisses maladie : est-ce que le Conseil d'Etat a une réponse du Conseil fédéral par rapport au projet pilote de mutualiser les réserves des caisses maladie ? (QUE-1864)
Question écrite urgente de Sylvain Thévoz : « Malgré qu'on me traite comme de la merde, je suis quand même gentille » ? (QUE-1865)
Question écrite urgente de Marjorie de Chastonay : Route de Chancy - une piste cyclable ? (QUE-1866)
Question écrite urgente de Pierre Conne : La DGS a-t-elle programmé la pénurie de médecins de famille ? (QUE-1867)
Question écrite urgente de Patrick Dimier : Les missions impossibles du Conseil d'Etat (QUE-1868)
Question écrite urgente de Sylvain Thévoz : Quelle est l'opportunité du maintien des ordonnances pénales contre les manifestantes et manifestants de la Critical Mass par le service des contraventions alors que la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a constaté que les amendes prononcées pour « entrave à la circulation », pour le simple fait d'avoir « mis le pied à terre », étaient contraires aux droits fondamentaux ? (QUE-1869)
QUE 1852 QUE 1853 QUE 1854 QUE 1855 QUE 1856 QUE 1857 QUE 1858 QUE 1859 QUE 1860 QUE 1861 QUE 1862 QUE 1863 QUE 1864 QUE 1865 QUE 1866 QUE 1867 QUE 1868 QUE 1869
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. Vous avez également reçu par messagerie les questions écrites suivantes:
Question écrite de Denis Chiaradonna : Fiscalité des revenus du télétravail en France suite à la conclusion d'un nouvel accord : quels effets sur les finances du canton de Genève ? (Q-3917)
Question écrite de Nicolas Clémence : Dérogations à l'élaboration de plans localisés de quartier (PLQ) en zone de développement dans les quartiers fortement urbanisés : quelle pratique du Conseil d'Etat ? (Q-3918)
Question écrite de Boris Calame : Aéroport international de Genève : qu'en est-il de la redevance bruit sur les aéronefs, du financement et de l'utilisation du Fonds environnement de l'AIG ? (Q-3919)
Question écrite de Sylvain Thévoz : Les fraudeurs fiscaux peuvent-ils continuer à bénéficier impunément du secret fiscal ? (Q-3920)
Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 16 décembre 2022 à 14h
Le président. La Q 3909 étant identique à la QUE 1819, elle ne fera pas l'objet d'une réponse du Conseil d'Etat. Son auteur l'a donc retirée.
La question écrite 3909 est retirée par son auteur (voir QUE 1819-A).
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux avec les points fixes suivants: l'IN 186 associée à l'IN 186-A, qui sont classées en catégorie II, trente minutes. La parole échoit tout d'abord à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Je cite la conclusion du rapport du Conseil d'Etat, qui «considère [...] que la réactivation du bonus conjoncturel à la rénovation n'est pas l'instrument adéquat pour répondre à ces préoccupations». Ainsi, le financement via la quote-part cantonale du bénéfice de la BNS n'est pas voulu par le gouvernement.
Voici sa deuxième remarque: «Le Conseil d'Etat souhaite [...] trouver des modalités permettant d'exclure que la part des travaux subventionnée par des fonds publics, quelle que soit leur origine, puisse être répercutée sur les loyers. La question du "déplafonnement" des loyers pour la part des travaux non subventionnés devra être approfondie dans le cadre des travaux parlementaires.»
Ces deux avis de l'exécutif sont intéressants. Le parc immobilier de notre canton est le moins entretenu du pays en raison d'une surréglementation et de l'absence de dialogue positif entre les représentants des milieux des locataires et ceux des propriétaires. La transition énergétique concerne tout le monde et exigera également l'engagement de tout le monde. Il devient urgent que Genève développe un environnement favorable, satisfaisant autant les locataires que les propriétaires.
C'est d'autant plus souhaitable que le nombre d'immeubles appartenant à des entités publiques ou à des institutionnels progresse, il y en a de plus en plus à Genève, ce qui signifie que les propriétaires sont indirectement propriétaires. (Commentaires.) Que les locataires sont indirectement propriétaires, mille excuses !
Des voix. Ah !
M. André Pfeffer. Cette initiative sera traitée en commission, laquelle disposera de quatre mois pour établir un éventuel contreprojet. Pour une fois, il faut le souligner, le groupe UDC partage les conclusions du Conseil d'Etat. Merci de votre attention.
M. Alberto Velasco (S). Chers collègues, cette initiative a été lancée dans un contexte que vous connaissez: Genève est le canton et la ville dont les loyers sont les plus élevés de Suisse, et vous savez très bien que ces derniers temps, ils ont encore augmenté, parfois deux fois pendant l'année à cause de baux indexés. Il s'agit donc d'un canton où les locataires sont extrêmement sollicités et doivent payer des loyers très chers.
Et qu'est-ce qu'on veut par-dessus le marché ? On veut que l'assainissement du parc immobilier - le but est d'améliorer l'air ambiant, de réduire les émissions de CO2 - soit fait sur le dos des locataires, une fois de plus. Vous comprendrez que quand on rénove des immeubles à la Jonction ou dans des quartiers populaires, eh bien les habitants de Cologny en profitent tout autant.
Pour notre part, nous considérons qu'assainir le bâti afin de diminuer les émissions de CO2 constitue une politique publique, une mission de l'Etat, et à ce titre, l'Etat doit la financer et la subventionner. C'est la raison pour laquelle, dans cette initiative, nous proposons la création d'un fonds qui serait alimenté par les revenus de la Banque nationale, car nous désirons que le coût des travaux ne soit pas répercuté sur les loyers.
Dans votre rapport, Monsieur le conseiller d'Etat - vous transmettrez, Monsieur le président -, vous indiquez qu'il faut tenir compte de la situation de la Banque nationale, mais je viens de lire il y a deux ou trois jours que la BNS a engrangé un bénéfice de 40 milliards alors qu'elle était en déficit il y a quelques mois à peine. Ainsi, voyez-vous, les fluctuations que connaît la Banque nationale m'amènent à dire qu'on ne peut pas prendre ce critère en considération.
Ensuite, le deuxième argument que vous avancez, c'est que cette réactivation du bonus conjoncturel à la rénovation que nous proposons créerait des problèmes avec la LGAF, la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat. Peut-être, peut-être, nous n'avons pas étudié le cas, mais ce dispositif a fonctionné pendant des années et c'est une raison suffisante pour le relancer.
Enfin, Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez déposé un crédit de 200 millions, mais je dois dire que c'est presque grâce à notre initiative si le gouvernement a présenté ce montant. Cela étant, nous sommes d'avis qu'il faut renvoyer cet objet en commission - à celle de l'énergie, je crois; cela nous permettra peut-être de trouver un compromis ou une solution afin que les travaux puissent se faire et surtout que les locataires ne subissent pas les coûts engendrés par ces rénovations. Merci.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Aujourd'hui, les locataires paient la facture pour des charges gonflées et un état déplorable des bâtiments, lesquels nécessitent d'énormes rénovations thermiques. On prend un retard terrible sur d'autres cantons, on chauffe l'extérieur parce que nos immeubles sont des passoires.
A part les locataires qui s'acquittent de factures d'énergie trop chères, citons également les espèces les plus fragiles ainsi que les autres populations dans le monde les plus vulnérables au changement climatique, qui, dans leur chair, paient le fait que nous n'assainissons pas les bâtiments, et pas seulement à Genève.
L'objectif, c'est de passer de 1% à 3% de bâtiments rénovés chaque année. Sauf qu'il y a un dilemme, voilà pourquoi ça ne se fait pas, et l'initiative de l'ASLOCA vise précisément à corriger ce problème. Ce dilemme se joue entre les propriétaires, qui engagent des frais pour les travaux, et les locataires qui, si l'assainissement fonctionne, bénéficient d'une baisse des charges; les premiers n'ont pas vraiment intérêt à se lancer, parce qu'ils ne profiteront pas de la diminution des charges, et les seconds, qui y trouveraient un intérêt, ne sont pas ceux qui déclenchent l'investissement.
C'est un dilemme auquel les coopératives échappent par ailleurs, parce que dans ce cas de figure, l'acteur qui finance la rénovation énergétique est celui qui en bénéficie in fine, donc vivement que le modèle des coopératives essaime et devienne la norme pour une vaste majorité des bâtiments, c'est vraiment ce qu'il nous faudrait pour que nous ne soyons plus enfermés dans ce dilemme.
L'autre défi, c'est la transparence sur le rendement locatif. Il existe une enveloppe de rénovation des immeubles financée par la Confédération à laquelle les propriétaires ont droit, à condition de communiquer leur rendement locatif, et c'est là que peut être calculé le montant de la subvention. Or ils ne le font pas, parce que les taux hypothécaires étaient extrêmement bas ces dernières années - mais sans répercussion sur les loyers, lesquels auraient pourtant dû baisser. Voilà le deuxième grand dilemme, il faut regarder cette réalité en face, et l'initiative de l'ASLOCA propose une solution avec le bonus conjoncturel basé sur les dividendes de la BNS.
Alors certes, la Banque nationale n'a peut-être pas réalisé un immense bénéfice cette année, mais les années précédentes, c'était spectaculaire, et elle a accumulé un capital. Il se trouve que la BNS est soumise à un règlement stipulant que le versement des dividendes aux cantons doit être lissé dans le temps; il peut y avoir des années fastes et des années moins fastes, mais il faut un lissage.
Toutes ces raisons font que c'est à la commission de l'énergie, qui a déjà traité ce sujet-là, que le travail devra se faire, il faudra discuter entre les différents représentants, auditionner des gens et réfléchir. Voilà, donc merci à l'ASLOCA d'avoir déposé cette initiative qui mérite une discussion.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la question de la rénovation énergétique des bâtiments pour répondre à nos objectifs de diminution à terme des émissions de gaz à effet de serre va nous occuper relativement longuement. L'initiative de l'ASLOCA tombe à point nommé, parce qu'il s'agit ni plus ni moins d'une réaction aux discussions que nous menons en ce moment à propos de la loi sur l'énergie: l'objectif est d'abaisser le seuil des IDC à 450 mégajoules par mètre carré, mais il faut déterminer de quelle manière le financer et, in fine, qui en portera la charge financière.
Genève est un canton de locataires, cela a été indiqué, et il est vrai aussi que les loyers y sont élevés. Cela étant, et on y reviendra quand on traitera le PL 12593, Mesdames et Messieurs, les sommes dont il faudra disposer pour atteindre nos objectifs se chiffrent à des centaines de millions, on parle même de milliards. Il ne vous aura pas échappé que le canton a demandé un budget d'un milliard pour ses propres bâtiments, et si on ajoute l'argent que le privé doit investir, on se trouve bien au-delà de ces montants. La question sera de savoir qui paie, quels leviers sont disponibles pour financer tout cela.
Si l'ASLOCA veut éviter que les locataires passent à la caisse, eh bien il faut penser à ces outils, parce que les financements à Berne sont multipliés par deux. Je doute qu'avec l'argent de la BNS, on obtienne cet effet de levier. On doit trouver un moyen pour qu'un franc investi à Genève en génère un deuxième à Berne. Le projet du Conseil d'Etat ouvrant un crédit de 200 millions est jugé insatisfaisant par une bonne partie de la commission.
On aura largement le temps de discuter de la problématique, mais une chose est sûre en ce qui concerne cette initiative: il faut trouver une solution «win-win». Evidemment, les propriétaires vous diront qu'ils ne peuvent pas prendre en charge des rénovations à hauteur de 600 à 1000 francs le mètre carré sans avoir de retours, et les locataires, eux, expliqueront qu'ils n'ont pas les moyens de payer. Le débat sera passionnant, et je me plais à relever que les deux projets seront étroitement liés à l'issue du PL 12593 - je le cite pour ceux qui veulent le lire - et que les différentes positions pourront vraisemblablement nous aider à répondre à l'initiative. Merci, Monsieur le président.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative de l'ASLOCA touche un sujet brûlant, celui de la rénovation énergétique des bâtiments. Il s'agit de déterminer qui va financer les travaux: les propriétaires, les locataires ou les deux en même temps ? A la commission de l'énergie, on est en pleine discussion autour de cette problématique avec le PL 12593 que vient de citer mon collègue Jacques Blondin, et on espère trouver enfin une solution. Il n'y a pas de raison que les locataires, qui paient déjà des loyers très chers à Genève, soient finalement les dindons de la farce, et au MCG, on veillera à ce que le coût des travaux ne se répercute pas sur les loyers. Voilà la première chose.
Maintenant, le financement proposé dans l'initiative est assez hasardeux. Les bénéfices de la Banque nationale ne sont pas suffisamment réguliers, c'est le moins qu'on puisse dire. Même si, au mois de janvier, la BNS a empoché 40 milliards, elle n'a pas encore couvert les pertes de 2022 qui culminent à 140 milliards. Par conséquent, il faut rester prudent.
Il va falloir aider les propriétaires pour qu'ils accélèrent le processus d'assainissement des bâtiments qui est absolument nécessaire, mais il faut aussi qu'ils jouent le jeu, c'est-à-dire que ceux qui en ont les moyens se lancent et que ceux qui ne les ont pas ouvrent leur compte, et on les aidera. Voilà la ligne qu'on doit suivre dans cette affaire, soit à travers l'initiative, soit à travers le projet de loi 12593 qui devrait normalement revenir très bientôt devant ce parlement.
On n'a pas réussi à trouver d'accord à la commission de l'énergie, mais peut-être qu'on y parviendra en plénière de façon à voter les fonds et à entreprendre ces rénovations énergétiques indispensables. Il faut que chacun y trouve son compte: que les locataires ne subissent pas de nouvelles hausses de loyer et que les propriétaires qui en ont besoin soient soutenus via la manne publique. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.
Le président. Merci, Monsieur le député. Avant de céder la parole à M. Yvan Zweifel, je salue à la tribune notre ancienne collègue, Mme Helena Verissimo de Freitas, qui est présente parmi nous ce soir ! (Applaudissements.) Allez-y, Monsieur Zweifel.
M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas trop aborder le fond du sujet, d'abord parce que d'autres l'ont fait avant moi et surtout, comme l'a relevé M. Blondin précédemment, parce que la thématique est déjà traitée à la commission de l'énergie, donc les travaux continueront à ce sujet. Je me permets néanmoins d'apporter deux petits points de précision pour ceux qui auront à réfléchir au sein de la commission qui examinera cet objet.
Le premier a trait non pas au financement en tant que tel, mais à la manière dont celui-ci sera inscrit au niveau du budget et des comptes de l'Etat. Les initiants, si j'ai bien compris, souhaitent une forme de dépense d'investissement. Or le Conseil d'Etat rappelle que, initiative ou pas, le crédit sera soumis aux règles de la LGAF et notamment aux normes comptables IPSAS; de facto, cela signifie qu'il faudrait a priori plutôt envisager une dépense de fonctionnement, ce qui n'a naturellement pas du tout le même impact. Je sais que la commission de l'énergie discute déjà de cet élément, mais il me semblait tout de même important de le souligner, parce que cela influence beaucoup d'autres choses, notamment notre planification budgétaire.
Le deuxième aspect concerne la Banque nationale. Le Conseil d'Etat soulève une question à juste titre, expliquant que la BNS n'a pas versé d'argent l'année dernière par exemple, puisqu'elle n'a pas réalisé de bénéfices, et que dès lors, l'initiative stipulant que la moitié de la part cantonale doit être affectée aux rénovations, cela signifie que rien ne serait accordé. Outre cela, il y a un autre problème, et j'aimerais vraiment le rappeler ici: il faut opérer une distinction importante entre un bénéfice comptable et la conséquence en liquidités. Ce n'est pas parce qu'une entreprise ou la BNS enregistre un bénéfice comptable, c'est-à-dire une différence entre ses revenus et ses charges, que l'argent est pour autant disponible en cash afin d'être distribué.
C'est même le contraire pour ce qui a trait à la BNS. En effet, Mesdames et Messieurs, comme vous le savez, la Banque nationale émet des francs suisses et les utilise pour acheter des euros, parfois des dollars ou encore d'autres devises dans le but de soutenir le franc suisse contre ces autres devises. Aussi, si nous voulions aujourd'hui verser des francs suisses aux cantons, comme il n'y en a pas réellement dans le bilan ou les caisses de la BNS, il faudrait transformer des euros ou des dollars en francs suisses, et vous imaginez bien l'effet que cela aurait sur le cours du franc suisse face à l'euro ou au dollar et, partant, les répercussions pour nos entreprises, notamment celles qui exportent.
Je souhaitais vraiment vous rendre attentifs à ce point. Penser qu'un bénéfice de 40 milliards implique 40 milliards de francs suisses dans les caisses et qu'on peut aller se servir allégrement est faux, cela n'a strictement rien à voir. Agir ainsi pourrait avoir des conséquences extrêmement dommageables pour toute l'économie et donc, par ricochet, pour les recettes fiscales non seulement de la Confédération, mais aussi des cantons. J'invite les commissaires qui étudieront cette initiative à tenir compte de cette donnée. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les conseillers municipaux... Les députés, pardon ! (Rires.)
Une voix. Ça faisait longtemps !
M. Rémy Pagani. Oui, ça faisait longtemps que je n'avais pas eu ce réflexe tout pavlovien. (L'orateur rit.) Excusez-moi ! J'aimerais d'abord rappeler un fait: on parle de la Banque nationale, mais il est tout de même extraordinaire qu'on oublie de préciser que celle-ci avait - et a encore - des réserves extraordinaires qu'elle peut dissoudre, ce qui fait que même si elle subit des pertes, sa stabilité n'est pas remise en cause, bien au contraire. Bien au contraire !
De plus, on a appris dernièrement que la BNS avait réalisé d'importants bénéfices, donc la logique nous conduit à soutenir cette initiative qui part d'un bon principe. D'ailleurs, c'est ainsi que les choses se sont passées ces vingt dernières années: les bénéfices ont été redistribués et nous en avons disposé, ils ont été inscrits dans la comptabilité du canton.
Cette initiative permettra au peuple de trancher, et j'en suis content, la question des subventions à hauteur de 20% ou de 50%, parce que nos amis du PLR - enfin, nos adversaires du PLR - ont tenté de déstabiliser les membres de la commission de l'énergie lors des discussions en disant: «Ça va coûter tellement cher qu'on va payer 50%, voire 100%, des frais de rénovation, pas seulement ceux qui découlent de la mise en conformité avec les exigences énergétiques, mais de toutes les rénovations.» On a vu le gouvernement débarquer à la commission de l'énergie, Mme Fontanet et M. Hodgers sont venus nous alarmer en annonçant que cette proposition, si elle passait en plénière, viderait complètement les caisses de l'Etat, mais alors complètement ! Complètement !
Cette initiative arrive au bon moment, elle stipule que pas plus de 20% des rénovations énergétiques ne doivent être... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...subventionnées, et heureusement, heureusement ! Elle dispose encore autre chose, à savoir que les propriétaires qui dégagent des bénéfices extraordinaires - et je suis bien placé pour le savoir, puisque j'ai été l'un des responsables de la caisse de pension de la Ville de Genève, dont la rentabilité des immeubles est exceptionnelle...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Rémy Pagani. ...au bénéfice des employés retraités de la Ville de Genève, bien sûr, mais toujours est-il qu'il y a des rentrées extraordinaires...
Le président. C'est terminé !
M. Rémy Pagani. Je vous remercie de votre attention.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, merci pour ce débat introductif qui, dans l'ensemble, a bien posé les enjeux. Le Conseil d'Etat partage à la fois la préoccupation et l'intention des initiants. En effet, nous devons réaliser d'importants travaux d'assainissement énergétique, c'est un défi qui fait consensus aujourd'hui. Il est important que les choses se déroulent en bon équilibre, et quoi de plus naturel pour l'ASLOCA que de se soucier de protéger les locataires dans leur droit de bénéficier, y compris après rénovation, d'un loyer décent et accessible ?
Toutefois, le Conseil d'Etat vous invite à rejeter cette initiative. Pourquoi ? Tout d'abord, cela a été souligné, l'outil ressuscité par ce texte est celui du bonus conjoncturel, un système que nous avons abandonné il y a déjà une dizaine d'années, puisqu'il n'est plus compatible avec la LGAF et le fonctionnement des normes IPSAS qui, vous le savez, en tout cas pour les députés qui suivent assidûment les travaux de la commission des finances, régissent les finances de l'Etat à l'heure actuelle.
Pour le dire plus trivialement, le Grand Conseil a voulu bannir ces cagnottes qui étaient utilisées et alimentées au fil de l'eau et qui, par conséquent, échappaient largement au contrôle parlementaire. Ainsi, l'acceptation de cette initiative réactiverait un dispositif que nous avons aboli. C'est problématique, non pas en ce qui concerne la question énergétique, à vrai dire, mais vraiment eu égard à la bonne gestion financière de l'Etat.
Je soulève un autre problème - l'initiative ne contredit pas réellement cette information, mais ne l'énonce pas non plus: entre l'époque où nous utilisions le bonus conjoncturel à la rénovation et aujourd'hui, le programme bâtiments de la Confédération, c'est-à-dire le financement fédéral, s'est renforcé. Comme vous le savez, Berne ajoute 1,70 franc à chaque franc cantonal que nous dépensons. Il est donc très intéressant de mener des projets compatibles avec les normes fédérales: dès lors qu'ils sont reconnus par Berne, cela double pratiquement la mise. Par conséquent, il est essentiel, dans la mise en oeuvre du dispositif genevois, que nos projets soient compatibles avec les normes fédérales, ne serait-ce que pour bénéficier de la manne du Parlement suisse.
Le troisième écueil de l'initiative qui a été évoqué dans cette enceinte est celui de la source de financement, à savoir la Banque nationale suisse. Certes, la BNS redistribue parfois une partie de ses bénéfices, mais en réalité, ce ne sont pas ses bénéfices; dans le système des dividendes, une partie des réserves qui lui sont mises à disposition retournent parfois aux cantons, mais chacun sait que ce n'est pas là la mission première de la BNS.
Ce qui a été relevé par M. Zweifel sur le bénéfice nominal de 40 milliards est parfaitement juste: non, il n'y a pas 40 milliards à disposition dans les caisses de la BNS. La Banque nationale a pour rôle de stabiliser le franc suisse dans le cadre d'une économie internationale et nationale, c'est sa vocation première, et la mobilisation de sommes qui semblent très importantes au vu de l'extérieur doit être affectée à cet objectif. Si, de manière subsidiaire, des rendements sont parfois redistribués, tant mieux. Voilà pour la question du fonctionnement de la BNS.
Qu'est-ce que cela signifie pour le canton de Genève ? Que nous ne devons pas faire dépendre une politique publique - en l'occurrence la rénovation des bâtiments, mais le Conseil d'Etat en dirait de même pour l'ensemble des politiques publiques - d'une source de financement aussi aléatoire. Les rentrées de la BNS dépendent très largement des fluctuations de l'euro. Comment peut-on imaginer faire dépendre l'assainissement de nos immeubles d'une devise aussi faible actuellement ? Chacun comprendra qu'on ne peut pas se démunir à ce point de notre souveraineté, si je puis dire, en matière de finances et que, par conséquent, un mode de financement intracantonal doit être mis en place si on veut stabiliser, et je crois que c'est le but des initiants, cette rénovation énergétique.
La question qui se pose, et j'en terminerai par là, puisque vous avez déjà largement entamé les travaux à la commission de l'énergie, est la suivante: qui paie ? Qui paie ces importants travaux ? Le Conseil d'Etat s'en tient à un principe, au principe libéral selon lequel il revient au propriétaire d'entretenir son actif. Lorsqu'il s'est agi de mettre en conformité les voitures avec les nouvelles normes environnementales, par exemple, nous avons demandé aux automobilistes de payer pour adapter leur véhicule. Dans le cas d'espèce, si les propriétaires immobiliers doivent s'ajuster à de nouvelles normes publiques - qu'elles soient environnementales ou de sécurité, peu importe -, c'est principalement à eux d'assumer financièrement les frais.
C'est un principe libéral sain de financement et de fonctionnement entre l'économie publique et privée. Si on part de ce principe, il est évidemment possible, de manière complémentaire, d'instituer des aides publiques. Et à ce sujet, le Conseil d'Etat entre en matière. Il est juste que dans le cadre de cet effort extrêmement important qui est exigé des propriétaires privés, il y ait aussi de l'argent public, et c'est dans cette optique que le Conseil d'Etat a déposé un projet de loi ouvrant un crédit de 200 millions; il s'agit d'une somme conséquente, mais qui, je le dis tout de suite, à l'échelle des enjeux cantonaux, semble plutôt modeste, du moins si on la déploie sur plusieurs décennies. Il y a peut-être un espace de discussion autour de ce montant.
Enfin, est-ce que les locataires doivent participer ? De l'avis du Conseil d'Etat, il faut s'en tenir à la LDTR. Dans sa teneur actuelle, la LDTR permet aux propriétaires de valoriser des travaux, qu'ils soient énergétiques ou pas, mais jusqu'à certains plafonds. Ces plafonds, le Conseil d'Etat n'entend pas les toucher. Le Conseil d'Etat ne compte pas non plus permettre aux privés qui reçoivent de l'argent public de l'utiliser afin de le valoriser dans le cadre des travaux et d'obtenir ensuite les augmentations de loyer correspondantes. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, si je puis dire. Aux yeux du Conseil d'Etat, il serait impropre que cette subvention importante - 200 millions ou plus, s'il vous convient - permette des hausses de loyer, cela contredirait l'esprit de la LDTR. En revanche, le reste des mécanismes doit s'appliquer.
Je crois qu'avec les principes que nous venons d'évoquer, Mesdames et Messieurs, il y a matière à compromis, il y a matière à contreprojet, et le Conseil d'Etat oeuvrera avec vous pour trouver si possible un consensus qui satisfasse toutes les parties et qui nous permette de relever ensemble le défi de la transition énergétique des bâtiments dans le respect de la propriété privée, dans le respect des locataires, mais aussi dans le respect du climat, puisque c'est le but. Merci beaucoup de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote sur le renvoi à la commission du logement; en cas de refus, les deux objets iront à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.
Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 186 et du rapport du Conseil d'Etat IN 186-A à la commission du logement est rejeté par 75 non contre 10 oui.
L'initiative 186 et le rapport du Conseil d'Etat IN 186-A sont donc renvoyés à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.
Débat
Le président. Nous passons à notre dernier point fixe et traitons l'IN 189 et l'IN 189-A, classées en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez tout de cette initiative puisque ce n'est en fait que la reprise d'un projet de loi dont nous avons longuement débattu en plénière du Grand Conseil et à la commission des droits politiques - où il a fait l'objet d'une quinzaine de séances et d'un rapport de majorité de Jean-Marc Guinchard qui l'appuyait - mais dont l'entrée en matière avait échoué à une voix près. Une voix, Mesdames et Messieurs ! Aujourd'hui, c'est la voix de 10 188 citoyens, ou du moins leur signature, qui a remis cette proposition à l'ordre du jour de notre parlement.
C'est un texte important, un texte décisif pour la démocratie genevoise: il propose de mettre fin à cet apartheid politique qui fait que 40% de nos résidents, en raison de la couleur de leur passeport, ne peuvent pas participer au processus démocratique dans ce canton. C'est un renforcement des processus démocratiques dans ce canton. C'est un renforcement des droits de tous les citoyens de ce canton - des citoyens actuels et des personnes qui seront associées à cette citoyenneté cantonale. C'est un renforcement de la démocratie et il ne faut pas en avoir peur; à cet égard, je félicite le Conseil d'Etat pour sa position consistant à appuyer cette initiative.
Mesdames et Messieurs, la question des droits des étrangers, des natifs, des habitants est au centre de débats politiques - de débats révolutionnaires notamment - depuis le XVIIIe siècle dans cette république ! Nous avons - je dis «nous», les Genevois - fait une révolution en 1782 qui tournait autour de cette question: est-ce que les natifs et les habitants, qui ne faisaient pas partie de la petite caste des citoyens - comme on les appelait, alors que ce n'était qu'une petite caste de patriciens -, allaient ou non avoir des droits politiques dans notre république ? Eh bien le résultat de cette révolution a été cassé par l'intervention de troupes étrangères ! Elles sont venues dicter aux Genevois le fait qu'ils ne devaient pas associer plus largement un certain nombre d'habitants à leur démocratie.
Aujourd'hui, d'aucuns nous disent: il suffit que ces gens se naturalisent et ils auront les droits politiques. Certes ! Certes, c'est une voie, mais la naturalisation est définie à Berne, selon des critères extrêmement restrictifs ! Renvoyer à la naturalisation, c'est donc dessaisir les citoyens genevois de la décision sur cette question. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous invite bien sûr à renvoyer cette initiative en commission et j'invite par ailleurs la commission, qui a déjà traité ce sujet, à ne pas rouvrir de longs travaux afin de donner le plus rapidement possible la parole aux électrices et aux électeurs pour leur permettre de faire ce pas en avant en faveur de la démocratie dans notre canton. Merci.
Mme Xhevrie Osmani (S). Mesdames et Messieurs les députés, il y a deux ans, la droite nous reprochait d'avoir créé un besoin et le fait que l'extension des droits politiques n'était qu'une lubie de la gauche. Aujourd'hui, c'est une partie de l'électorat qui affirme sa volonté de voir les droits politiques cantonaux s'étendre aux étrangers. Alors que leur direz-vous ? Qu'ils sont tous de gauche ?
L'extension des droits politiques ne peut pas se résumer à un débat stérile gauche-droite. Octroyer des droits ne peut pas se faire dans une optique utilitariste ou une finalité électorale, et les études le montrent: il n'y a jamais eu de tendance de vote une fois ces droits acquis. Le seul objectif qui doit nous occuper, c'est le renforcement de notre démocratie et une meilleure représentation de notre population dans les instances politiques aux niveaux communal et cantonal. C'est une autonomie qui a été prévue par la Constitution fédérale. Beaucoup d'enjeux sociaux, économiques, environnementaux, pour ne citer qu'eux, se jouent à l'échelon cantonal notamment et vous le savez très bien. Plus de 40% de résidents, étrangers, étant exclus des décisions politiques dans notre canton, nous nous retrouvons dans une société à deux vitesses qui fait fi d'une sous-représentation criante.
Mesdames et Messieurs les députés, la diversité de ce canton est une richesse. La participation politique est un vrai instrument d'intégration - cela a été répété lors des auditions sur le PL 12441 -, confère une légitimité accrue aux résultats sortis des urnes, et amène un renforcement de la cohésion sociale et une confiance raffermie dans l'Etat et ses institutions politiques. C'est aussi une manière de privilégier une meilleure représentation des différences plutôt que la polarisation et l'exclusion. L'exclusion, la restriction, c'est bien le tournant pris par la droite fédérale en 2018, lors de la révision de la loi sur les étrangers et l'intégration, en rendant la naturalisation plus restrictive.
Compte tenu du fait qu'un travail conséquent et des auditions de qualité ont déjà été menés sur un sujet parfaitement similaire, le groupe socialiste demande un traitement de cette initiative dans les meilleurs délais. Cela permettra aussi de laisser rapidement la place à un débat populaire. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Je viens de recevoir un message à l'instant: on me signale que, selon notre règlement, on ne porte normalement pas de couvre-chef dans la salle. (Remarque.) Je vous remercie. (Commentaires.) Maintenant, s'agissant de cette initiative, il s'agit tout simplement d'acharnement thérapeutique vis-à-vis des dernières décisions de ce Grand Conseil. Le peuple a par ailleurs déjà voté à plusieurs reprises sur cette question et il l'a toujours refusée.
Pour l'UDC, le droit de vote doit demeurer indissociable de la naturalisation, que l'on obtient bien évidemment à la fin d'un long processus. Oui, il y a un processus: on fait une demande de naturalisation pour obtenir la nationalité du pays où l'on vit - mais ça, c'est propre à chacun ! - et une fois qu'on l'a, on obtient les droits entiers de tout citoyen de notre pays. C'est pour ces raisons que l'UDC refusera bien évidemment cette initiative et refusera tout contreprojet.
Pour finir, ce que je regrette, moi, dans ce canton et même dans le pays tout entier, c'est que ce genre de question ne souffre pas d'un délai de carence obligatoire dès qu'il est soumis au vote une fois, deux fois. Au bout d'un moment, on devrait dire stop pendant vingt ou trente ans: on n'en parle plus parce que ça a été refusé - fini, terminé. Voilà ce que je voulais dire. Je vous remercie.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il est assez pénible d'entendre systématiquement la gauche nous casser les oreilles... (Protestations.) ...avec des discours selon lesquels les étrangers seraient exclus ! C'est ce délire insupportable... (L'orateur insiste sur le mot «insupportable».) ...que vous nous servez à toutes les plénières en parlant systématiquement d'exclusion à toutes les sauces. Aucun étranger n'est exclu ! Tout étranger qui remplit les conditions de la naturalisation peut demander un passeport suisse et ensuite devenir un citoyen à part entière aux échelons communal, cantonal et fédéral. Il n'y a pas d'exclusion !
Je m'étonne par ailleurs du virage à 180 degrés de la position du Conseil d'Etat dans cette affaire. Il y a deux ans, le Conseil d'Etat nous disait être attaché au principe selon lequel les droits politiques sont indissociables de la nationalité et il soutient aujourd'hui une initiative maximaliste, jusqu'au-boutiste, qui revient en quelque sorte à donner les droits politiques aux échelons communal et cantonal à tous les étrangers qui vivent en Suisse depuis huit ans et ont leur domicile à Genève - et même l'éligibilité et le droit de vote pour le Conseil des Etats, puisque, chacun le sait, l'élection au Conseil des Etats est une élection cantonale. En gros, ça revient donc à dire que des étrangers pourraient siéger sous la coupole fédérale, au sein du Conseil des Etats, et avoir accès à des documents classifiés confidentiels... (Protestations.) ...qui abordent des enjeux de sécurité internationale ou nationale. C'est tout simplement n'importe quoi !
Cette initiative a un autre immense défaut: contrairement à toutes les solutions qui existent dans d'autres cantons, elle n'exige pas le permis C. Le simple écoulement du temps - huit années - suffit à établir que l'on est présumé suffisamment intégré au sein de la société genevoise pour participer au processus de prise de décision. C'est tout simplement n'importe quoi ! Partout ailleurs, on demande le permis C. C'est justement en raison de ce jusqu'au-boutisme, pour ne pas dire du fanatisme de la gauche sur ce sujet, que Genève est malheureusement - ou heureusement, à chacun d'en juger - moins généreuse sur ce sujet que d'autres cantons, comme Neuchâtel ou le Jura.
J'aimerais surtout poser une question, très simple, à ceux qui sont si ardemment en faveur de l'extension des droits politiques des étrangers: dans quel pays au monde les Suisses ont-ils le droit de vote sans en avoir la nationalité ? Pouvez-vous répondre ne serait-ce qu'à cette simple question ? Je crois que la moindre des choses, en la matière, serait de garantir la réciprocité.
Pour terminer, je rappelle encore une fois que la naturalisation a été facilitée ces dernières années: on a réduit le temps de résidence de douze à dix ans et les étrangers de la troisième génération peuvent être naturalisés plus facilement. Je vous invite donc à rejeter cette initiative et à renvoyer le dossier à la commission des droits politiques afin qu'elle puisse à tout le moins plancher sur un contreprojet. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Cette initiative est absurde. Elle est absurde parce que si elle devait, par malheur, être appliquée, des étrangers qui n'auraient pas fait l'effort de se naturaliser pourraient être conseillers d'Etat; c'est la conséquence logique de cette initiative. Et, un préopinant l'a dit, ça pourrait aussi être le cas pour un conseiller aux Etats, à Berne, c'est-à-dire qui s'occuperait de secrets d'Etat - un Russe pourrait par exemple viser des affaires qui concernent l'Ukraine et la Russie. C'est possible ! C'est l'aberration de votre système ! On marche sur la tête et on ne devrait jamais aller dans de telles directions.
La voie à suivre, la voie royale, c'est la naturalisation. C'est par ce biais qu'on s'intègre réellement dans la société, c'est par ce biais qu'on a l'égalité de tous les citoyens. Autrement, vous allez créer des demi-citoyens, des trois quarts de citoyens, des citoyens à 80%: quelque chose de complètement absurde. C'est l'absurdité de cette initiative qui est d'ailleurs tout à fait incompréhensible. C'est au final... (Rires.) Quand on voit rire certains militants de gauche qui sont dans une optique soviétique, post-soviétique, on a quelques craintes pour notre canton. (Commentaires.) En fait, cette initiative est une trahison de la citoyenneté. C'est un crime contre la citoyenneté ! Il faut s'y opposer de toutes nos forces.
Des voix. Bravo, François !
Mme Virna Conti (UDC). Madame et Messieurs les députés, j'ai entendu parler de sous-représentation de ces étrangers, qui ne peuvent pas voter; c'est une réalité. A vrai dire, ce n'est pas qu'ils ne peuvent pas voter, c'est que, déjà maintenant, ils ne veulent pas voter ! L'Université de Genève a mené une étude en matière de droit de vote sur le plan communal et les chercheurs ont réussi à démontrer très simplement, par A + B, qu'ils étaient tout de même deux fois moins nombreux que les Suisses à aller aux urnes. Votre espèce de fantasme idéologique ne correspond donc absolument pas à la réalité et il serait temps - vraiment, il serait temps - d'arrêter de vouloir sans cesse revoir les conditions à la baisse. C'est absolument insupportable.
Alors c'est vrai, en Suisse, nous avons... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je fais vite. ...nous avons une législation très restrictive, mais elle se justifie par le fait qu'on n'a pas le droit du sol - et d'ailleurs Dieu merci. En revanche, depuis un certain temps, nous sommes sans arrêt en train de retirer des années pour l'accès à la naturalisation. On se rend compte avec le temps que si ces personnes veulent vraiment s'investir, veulent participer de manière active à la vie de la société... Eh bien en fait, vous devenez suisse, et puis c'est tout !
Une voix. Bravo, Virna !
Mme Virna Conti. Pour ces raisons, l'UDC refusera cette initiative et tout contreprojet y relatif. Merci.
M. Yves de Matteis (Ve). Je dois dire que je me suis posé la question: comment peut-on penser qu'il est légitime, ou même concevable, de refuser à 40% de la population sur notre territoire le droit de s'exprimer sur des objets qui la concernent quotidiennement au premier chef, alors qu'ils et elles vivent dans le canton, contribuent à l'économie locale, que leurs enfants fréquentent les écoles genevoises, etc. ? Ces 40% d'étrangers et d'étrangères ont-ils les mêmes devoirs que les autres ? Pourquoi n'auraient-ils pas alors les mêmes droits ?
Il est vrai qu'on a pu entendre certains partis critiquer cette initiative et même accuser le Conseil d'Etat d'avoir - je cite - «perdu la tête». Pourtant, d'autres Conseils d'Etat, dans d'autres cantons, se sont prononcés pour ces mêmes droits; les gouvernements, parlements et même peuples neuchâtelois ou jurassiens, qui ont accordé ces droits à leur population étrangère, ont-ils donc complètement perdu la tête ? J'ai quand même un peu de peine à le croire.
Genève a été le troisième canton, après Neuchâtel et Vaud, à attribuer le droit de vote aux femmes et le premier, avant Zurich et Neuchâtel, à introduire un partenariat enregistré, et il a en cela chaque fois été suivi par la Confédération. Pourquoi Genève ne serait-il pas le troisième canton à accorder le droit de vote cantonal aux étrangers et aux étrangères ?
Mon groupe remercie quant à lui chaleureusement le Conseil d'Etat d'avoir approuvé cette initiative qui pourrait constituer une réelle avancée citoyenne dans notre canton. Il acceptera donc le renvoi à la commission des droits politiques et espère que cette initiative, qui a en substance d'ores et déjà fait l'objet de très nombreux échanges, sera très rapidement traitée afin de laisser au peuple le soin d'avoir le dernier mot en la matière. Merci, Monsieur le président.
M. Xavier Magnin (PDC). Cet hémicycle a en effet déjà voté sur ce sujet en mars 2021 et l'a refusé à une courte majorité, et l'on revient déjà à la charge - mais il est vrai qu'il y a eu un changement de majorité au Conseil d'Etat. Si l'initiative est acceptée, toute personne habitant sur notre territoire depuis huit ans - toute personne ! - aura des droits civiques pleins et entiers, ce qui peut paraître difficile à comprendre pour certains. Effectivement, aucun pays, aucune nation, ne dilue ou ne diluerait le fonctionnement de ses institutions démocratiques en faveur des non-détenteurs de la nationalité - pour autant encore que l'on vive dans un pays démocratique.
Finalement, cette initiative dévalorise la citoyenneté suisse, notamment pour ceux qui l'ont demandée et acquise. Etre suisse en Suisse, c'est se conformer à des devoirs et avoir en contrepartie le droit de s'exprimer dans les urnes et de se faire élire. En cas d'acceptation, les Suisses et les étrangers seront confrontés à une inégalité de traitement. Peut-on attendre qu'elle soit naturalisée ? Oui, on peut attendre qu'elle soit naturalisée ! La procédure n'est pas si compliquée - elle peut être un peu longue - et Genève, s'agissant des formalités de naturalisation, est l'un des cantons parmi les plus ouverts. On ne peut pas vouloir absolument jouer sur tous les tableaux, et on doit être attentif à cela.
Le droit de vote et la citoyenneté vont de pair: qui veut voter doit demander la nationalité. C'est une base du fonctionnement de notre démocratie; il est préférable de faciliter l'accès à la nationalité suisse pour celles et ceux qui le souhaitent. Pour donner un chiffre, 16% des étrangers votent en moyenne, pour ceux qui ont le droit de voter, avec un pic à 23% lors des élections communales de 2020 et les efforts déployés par le département pour la communication sur le vote. Ce n'est donc pas à un renforcement mais bien à un écroulement de la participation et à une dilution de la démocratie que nous assisterions en cas d'acceptation. A cet égard, je vous recommande la lecture du rapport du 3 septembre 2020 cité précédemment sur la participation des étrangers et étrangères aux élections communales dans le canton de Genève, fait par MM. Pascal Sciarini et Simon Maye.
Enfin, cette initiative découragera peut-être de demander la naturalisation - alors qu'il faut la renforcer - et d'accomplir les formalités ultimes d'une intégration réussie, pleine et entière. Le PDC-Le Centre demande donc un renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Francisco Valentin, vous avez la parole pour une minute.
M. Francisco Valentin (MCG). Merci, Monsieur le président. Moi, je n'ai aucun problème à parler de cette initiative: je suis naturalisé - comme beaucoup de gens ici.
On l'a déjà évoqué, s'agissant de l'implication dans la vie politique, j'imagine que ce serait effectivement une première mondiale que de donner le pouvoir à des étrangers. Où irait leur loyauté ? Vers qui se tourneraient-ils en cas de problème ? Ce sont des points qu'on peut évoquer sans rougir.
Je vous l'ai dit, j'ai été naturalisé. J'ai rempli mes devoirs: j'ai fait mon service militaire, j'ai gradé et je travaille ici comme fonctionnaire. Quand un pays vous donne une chance, je trouve que la saisir est vraiment la moindre des choses ! N'oublions pas que si on donne le droit d'éligibilité aux étrangers, ils n'accompliront pas les devoirs dont s'acquitte le citoyen suisse, ne serait-ce que le service militaire. Ça ne parle pas beaucoup aux inaptes... (Rires. Commentaires.) ...mais ceux qui l'ont fait savent ce que c'est, et ils s'engagent ! Donc je vous invite, moi, à rejeter totalement cette initiative. Merci.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Vanek, il vous reste une minute !
M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, hier soir, on me traitait de marxiste-léniniste parce que je voulais, notre groupe voulait une toute petite contribution des très riches pour le fonctionnement de cette république; aujourd'hui, Dieu sait pourquoi, on nous a traités de soviétiques. Je ne vois pas le rapport - ça n'a aucun rapport ! Par contre, nous sommes effectivement dans l'esprit d'un certain nombre de révolutionnaires ! (Exclamations.) Des révolutionnaires comme le radical James Fazy, Mesdames et Messieurs !
Une voix. Pol Pot !
M. Pierre Vanek. Non, James Fazy ! Parce que cette question-là était en effet au coeur des débats politiques de la Genève du XIXe siècle ! Je vais vous lire un article de la constitution issue de la révolution de 1846 de James Fazy, qui dit ceci: «Les natifs étrangers de la seconde génération, les heimatlosen nés dans le canton et actuellement reconnus comme tels, peuvent dès à présent se réclamer de la qualité de citoyens genevois [...]» ! C'est ça, le droit du sol que Mme Conti conspuait tout à l'heure !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. C'est une conquête démocratique, à Genève, du parti radical... (Commentaires.)
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Pierre Vanek. ...et de sa révolution, de l'esprit... (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. ...dont nous nous inspirons... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. C'est terminé, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Philippe de Rougemont pour une minute.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Monsieur le président, on a entendu: on ne veut pas créer de demi-citoyens. Mais c'est déjà le cas ! Dans la Ville de Genève, où nous siégeons aujourd'hui, les étrangers votent et élisent au bout de huit ans de résidence. Ce sont des demi-citoyens, si vous voulez; ils ont le droit de vote, ça fonctionne.
On entend: nous serions le seul pays au monde. Ce n'est pas vrai ! En Suède, les citoyens de l'Union européenne ne sont pas de nationalité suédoise, mais ils peuvent voter et élire. Et ce n'est pas le seul pays.
Donc voilà: est-ce que l'on continuera à obliger les étrangers habitant ici à payer des taxes, à respecter les lois mais sans qu'ils aient leur mot à dire ? Est-ce que c'est audible ? Non, ce n'est pas audible, alors votons oui à ce progrès ! Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Deonna, vous avez la parole pour une minute trente.
M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a un peu plus de cinquante ans, on vient de le rappeler, les femmes recevaient enfin le droit de vote et d'éligibilité. Une victoire historique: elle fut le résultat d'années de lutte politique acharnée. Le féminisme, mais aussi l'antiracisme et l'anticapitalisme exigent de défendre la liberté et l'égalité des droits pour toutes et tous ! Aujourd'hui, et mes préopinants de gauche l'ont aussi rappelé, environ 1,5 million de personnes sont privées de participation démocratique en Suisse, et cela uniquement parce qu'elles possèdent le mauvais passeport. Il y a des exceptions, que l'on a également rappelées: le Jura et Neuchâtel.
Bien sûr, la naturalisation est une possibilité, mais c'est aujourd'hui, en Suisse, un processus extrêmement complexe, marqué par beaucoup de disparités et de nombreux dysfonctionnements. Il faut le dire et le répéter: le système, le processus de naturalisation ne fonctionne pas bien en Suisse. Les étrangers qui vivent ici, en Suisse, avec leur famille, paient des impôts; ils doivent pouvoir déterminer leur avenir, avec les citoyens. Ils doivent pouvoir participer entièrement à la vie de la collectivité. C'est pourquoi nous vous demandons d'accepter que cette initiative, signée par plus de 10 000 citoyens, soit réellement examinée par le Grand Conseil. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'est plus demandée. (Commentaires.)
L'initiative 189 et le rapport du Conseil d'Etat IN 189-A sont renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
Premier débat
Le président. Nous traitons à présent notre première urgence, le PL 13193-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi fait suite à la loi adoptée par notre Grand Conseil en septembre 2021, qui fixait l'aide aux personnes sans abri et plus particulièrement les critères et les responsabilités du canton et des communes s'agissant de soutien aux personnes sans abri.
Suite à cela, l'ACG devait fixer la répartition et le financement de ces aides, qui sont délivrées par la Ville de Genève - puisque nous connaissons, dans notre canton urbain, une forme de centralisation du phénomène du sans-abrisme, qui se situe principalement au centre-ville. On se souvient des difficultés qu'a rencontrées l'Association des communes genevoises, après différents recours, à financer ces aides, notamment via le fonds intercommunal.
Face à ces défis qui lui ont été fixés par le Grand Conseil, et dans un souci de responsabilité - puisque, dans un canton tel que le nôtre, on ne peut pas laisser une pauvreté au grand jour, notamment dans les conditions qu'on connaît cet hiver, par des froids quand même extrêmes, et laisser des personnes dans la rue sans aide -, l'ACG s'est réunie, a trouvé un compromis et a proposé au Conseil d'Etat un projet de loi qui a été accepté à la majorité absolue dès le premier tour. Certains critiqueront peut-être cette méthode, mais pour une association de communes, trouver un compromis et que celui-ci puisse être accepté au premier tour, à la majorité absolue, est la méthode la plus démocratique. Si plusieurs tours avaient eu lieu dans le cadre des débats de l'ACG, peut-être même que la majorité aurait été encore plus importante.
Revenons sur le fond du projet de loi, qui a pour but de financer de manière durable les prestations sociales aux personnes sans abri et également de faire en sorte d'avoir un fonds intercommunal qui ne soit pas à découvert. Le mécanisme de ce projet de loi est relativement simple - enfin, simple... Quand on étudie le projet de loi, et j'espère que vous l'avez fait, on voit que les formules ne sont en réalité pas si évidentes d'un point de vue mathématique, mais le principe est simple: il touche à la péréquation intercommunale, plus particulièrement à la péréquation des ressources, en faisant en sorte que le potentiel des ressources passe de 2% - c'est le taux actuel - à 3,5%, donc une augmentation de 1,5% du potentiel des ressources des communes.
Il faut savoir qu'aujourd'hui, ce taux à 2% du potentiel des ressources des communes engendre un financement de l'ordre de 40 millions de francs. L'augmentation à 3,5% de ce potentiel représenterait une augmentation de 30 millions, servant à financer notamment les prestations pour lutter contre le sans-abrisme à Genève.
Pour toutes ces raisons, puisque nous avons un accord entre les communes genevoises, puisqu'il s'agit d'appliquer la loi que notre Grand Conseil a votée et parce qu'il est nécessaire et urgent d'agir dans notre canton pour ne pas laisser de côté la problématique du sans-abrisme, la majorité de ce Grand Conseil vous invite à voter ce projet de loi.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, chers collègues, hier, la majorité de ce Grand Conseil a refusé l'initiative 185, qui voulait taxer les gros contribuables. Alors aujourd'hui, on a du lourd, du très lourd, c'est vraiment la cerise sur le gâteau ! On nous propose un projet de loi qui a été parfaitement bien monté, c'est vrai, il a été parfaitement bien monté pour noyer le poisson. Pourquoi ? Je vais vous le dire: pour embrouiller et endormir les communes et les députés, et ça a marché, parce que, comme l'a dit mon collègue, la majorité des commissaires ont accepté sans discuter. Mais, excusez-moi de le dire, ce projet de loi est pernicieux ! Pourquoi est-il pernicieux ? Il est pernicieux au niveau financier, moralement et socialement.
Qu'est-ce qu'on nous propose de voter aujourd'hui ? On nous propose de voter un texte - écoutez bien ! - qui permet à l'Etat de tirer à bout portant sur les gros contribuables d'une commune, en saisissant 75% des recettes fiscales de ladite commune ! C'est ça, votre projet de loi ! Cette commune devra donc augmenter considérablement ses impôts communaux, avec les mêmes conséquences qu'on a discutées hier: la fuite inévitable des contribuables, une baisse des recettes communales et cantonales. Alors il ne faut pas venir nous parler de cohésion sociale, parce que la cohésion sociale, ça va dans les deux sens ! Ce n'est pas seulement racketter les riches ! La cohésion sociale, c'est également avoir du respect ! Et donc votre solidarité, tout ça, c'est du blabla, car en réalité, nous sommes ici dans une logique d'extorsion - carrément ! C'est un putsch qui a été rondement mené, qui vise à voler les trois quarts des revenus d'une commune considérée comme trop prospère aujourd'hui. Ce projet est donc beaucoup plus dangereux que l'initiative que nous avons refusée hier.
C'est vrai que ce projet de loi a été avalisé par l'Association des communes genevoises, mais il faut dire la vérité: il a été avalisé à la raclette, carrément à 50-50 ! Il manquait quatre communes, et les petites communes se sont fait clairement rouler dans la farine. Il y a quand même eu des... Comment on dit ? Les putschistes n'ont pas réfléchi aux conséquences que ça allait avoir ! Ce projet de loi est donc tout à fait excessif, il est totalement disproportionné, il est fiscalement confiscatoire: prendre 75% des revenus communaux est dangereux. Cela va inévitablement provoquer une guerre entre les communes et une guerre avec l'Etat ! En plus, ce projet de loi est mauvais dans son état d'esprit, parce qu'il fait voler en éclat les principes du dialogue, les principes de la proportionnalité, les principes de l'équilibre et de l'écoute qui régnaient au sein de l'ACG; on a donc pourri cette association avec ce projet, je suis désolé !
J'espère que le Conseil d'Etat est conscient que ce projet de loi est foncièrement malhonnête dans son esprit, qu'il provoque la discorde et la zizanie au sein des communes. Personne, personne n'accepterait qu'on lui confisque les 75% de ses revenus communaux. Personne ! C'est inadmissible !
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Marc Falquet. Je pense qu'au Grand Conseil, on a la responsabilité de garantir le bon fonctionnement de nos institutions; il faut refuser catégoriquement ce projet de loi qui attise les conflits et qui va les attiser durablement, c'est clair, avec des conséquences désastreuses pour la stabilité des institutions et pour la prospérité de Genève. Je reparlerai après parce que j'ai encore des choses à dire. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Une voix. Bravo, Marc !
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, mon groupe s'inscrit en faux contre l'interprétation outrancière développée par le rapporteur de minorité. J'avoue que j'ai été assez étonnée d'entendre les termes qu'il a utilisés, parlant de malhonnêteté, de pourrissement d'une instance, alors qu'en fait, il s'agit d'un projet de loi du Conseil d'Etat, qui a été négocié avec l'Association des communes genevoises et qui a trouvé en son sein une majorité. Je trouve un peu fort de café les termes qui ont été employés à propos d'une mesure que nous attendons quand même depuis des années ! La question du sans-abrisme, de la répartition des compétences concernant cette problématique est sur la table depuis... (L'oratrice est interpellée.) Vous permettez, Monsieur Ivanov ? (Remarque. Exclamations.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Ivanov ! (Exclamations. Commentaires.)
Mme Jocelyne Haller. Alors ce sera le président qui vous répondra !
Le président. Continuez, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi représente une étape majeure dans la mise en place et le financement du dispositif relatif au sans-abrisme. Elle était attendue de longue date: pendant plus de deux décennies, la Ville de Genève a assumé principalement l'accueil d'urgence des personnes sans abri. La question de la répartition des tâches entre canton et communes est restée en suspens, soit éludée, soit renvoyée aux calendes grecques. En septembre 2021, l'adoption par ce parlement de la loi sur l'aide aux personnes sans abri, la LAPSA, a apporté une clarification déterminante des compétences du canton et des communes. Schématiquement, elle se présente ainsi: le canton prend en charge le volet sanitaire, alors que les communes sont chargées de l'hébergement. Restait alors la question sensible de la contribution de l'ensemble des communes et des moyens de celles-ci pour faire face à cette charge.
Le projet de loi 13193 aborde de front cette problématique et propose de modifier le mécanisme de péréquation afin de prendre en compte la disparité des moyens des communes et de préserver par cet instrument les communes les plus modestes financièrement. Ce projet de loi pose également un système qui permettra, le moment venu, d'intégrer d'autres éventuels transferts de compétences entre le canton et les communes. L'Association des communes genevoises cautionne ce projet de loi. Il a été débattu en son sein et y a trouvé une majorité pour son soutien. Le rapport de la CACRI nous apprend que lors de leur audition, les représentants de l'ACG ont relevé qu'avec ce dispositif, il est assuré que, quel que soit le lieu où une personne demande de l'aide, un soutien collectif lui sera apporté. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) En vertu de ce projet de loi, ce dispositif sera pris en charge financièrement par toutes les communes et, du point de vue opérationnel, principalement par la Ville de Genève.
Au regard de ces travaux, il est affligeant de constater que ce sont les communes les plus aisées, celles qui sont le moins directement affectées par le problème du sans-abrisme, qui rechignent à augmenter leur contribution.
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Merci, je termine, Monsieur le président. Et soyons sérieux: il ne s'agit pas de leur ôter 75% de leurs revenus fiscaux ! Soyez honnêtes ! Ce n'est pas de ça qu'il s'agit ! Il faut se donner les moyens de faire face au sans-abrisme. Il faut que les communes prennent leurs responsabilités.
Le président. C'est terminé, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Nous, nous en prendrons la responsabilité politique et nous assumerons notre devoir de solidarité à l'égard des personnes sans abri. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur de majorité pour la qualité de son rapport et d'avoir rappelé le contexte de l'adoption de ce projet de loi.
Les relations entre les communes et l'Etat sont parfois difficiles, en particulier lorsqu'il s'agit de péréquation financière. Pour le Grand Conseil et pour la commission qui a traité ce dossier, il ne s'agit pas de remettre en cause la représentativité de l'Association des communes genevoises. L'ACG est représentative de nos 45 communes. Dès lors, il ne nous appartient pas de remettre en question les majorités - qu'elles soient fortes ou non - qui ont prévalu pour les trois piliers du projet de loi qui vous est soumis ce soir.
Cela a été un dossier délicat, qui a demandé de la part des commissaires un travail approfondi et délicat, avec de nombreuses auditions, de nombreux allers-retours aussi entre l'ACG et le Conseil d'Etat, afin que les commissaires puissent déterminer avec exactitude quelles étaient leurs volontés réciproques.
Je n'accepte pas les termes qui ont été utilisés tout à l'heure et qui prétendent que les députés se sont fait rouler dans la farine et qu'ils ont voté à l'aveugle. Nous avons voté en pleine conscience, en écoutant essentiellement l'Association des communes genevoises, dont l'entier du comité a été reçu, et nous avons eu droit à des explications extrêmement claires à ce sujet. Au final, le groupe démocrate-chrétien, Le Centre, estime que ce projet de loi est équilibré. Il y a des perdants, certes, mais il y a aussi des gagnants, pour le bien et la sauvegarde des personnes sans abri dans ce canton.
Finalement, c'est une disposition relativement équitable, qui respecte l'égalité de traitement. Nous vous recommandons d'adopter le projet de loi tel que sorti de commission et de ne pas accepter les amendements du PLR qui vous seront soumis tout à l'heure. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le Grand Conseil est appelé à voter ce projet de loi, qui est en fait une discussion qui a eu lieu à l'ACG; ses membres se sont mis d'accord pour trouver une solution pour le financement de l'accueil des sans-abri, qui, jusqu'à ce jour, était essentiellement assuré par la Ville de Genève ! Je pense qu'il était logique que cette discussion vienne à l'Association des communes genevoises. Après de très longues tractations, un accord a été trouvé. Je ne crois pas qu'il appartienne au Grand Conseil de dire - puisque ce n'est pas l'Etat, mais les communes qui vont assurer ce financement - que cet accord n'est pas valable, disproportionné ou qu'il ne tient pas la route.
Je pense que les députés ont fait leur boulot. Ils ont constaté que cet accord des communes, confirmé dans un projet de loi, est tout à fait équilibré et qu'il était absolument nécessaire et attendu, parce qu'il y a quand même, contrairement à ce que certains pensent, un nombre assez conséquent de sans-abri à Genève - je rappelle l'étude de l'université à ce sujet. Dans une ville aussi riche que Genève, on doit faire l'effort d'accueillir ces sans-abri, et cette charge doit être répartie d'une manière équitable et juste entre les communes, entre celles qui font le travail et celles qui ne le font pas - je dis «qui ne le font pas», mais ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas le faire, mais parce que le sans-abrisme, c'est évidemment au centre-ville, je ne pense pas que c'est à Russin, à Soral ou ailleurs que les personnes sans abri vont se rendre: elles sont en ville, dans les centres urbains.
Par conséquent, je trouve que c'est un bon accord. Et, au sein de l'Association des communes genevoises, vous savez que les communes votent, que chaque commune a une voix et...
Une voix. Mais non ! (Commentaires.)
M. Daniel Sormanni. Oui, oui ! Chaque commune a une voix !
Une voix. Mais il dit n'importe quoi ! C'est proportionnel à la population !
M. Daniel Sormanni. Chaque commune a une voix à l'assemblée générale. (Commentaires.)
Une voix. C'est pas vrai !
M. Daniel Sormanni. Par conséquent, bien entendu, le résultat peut être différent entre une commune comme Russin - je n'ai rien contre Russin, mais je dis ça parce que c'est une petite commune - et les communes urbaines. Cet accord est équilibré. Le MCG votera ce projet de loi de façon à mettre un point final - en tout cas s'agissant du financement de l'accueil des sans-abri, qui est nécessaire. Merci.
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. Yvan Zweifel (PLR). La péréquation intercommunale est un sujet récurrent. J'ai moi-même eu le plaisir d'exercer pendant treize ans au sein du Conseil municipal de ma commune, Onex. Onex, c'est une commune dont un tiers du budget est financé par les divers mécanismes péréquatifs. C'est vous dire l'importance de ceux-ci. C'est vous dire aussi la dépendance qu'a une commune comme Onex à ces systèmes péréquatifs, et c'est vous dire aussi pourquoi on ne pourra pas me taxer de quoi que ce soit lorsque j'évoquerai les amendements que dépose le PLR.
La péréquation est juste et nécessaire. Personne ne remet cela en cause. Et, lorsqu'il y a des tâches supplémentaires - on parle du sans-abrisme -, il est juste aussi et tout à fait compréhensible qu'on la renforce. Personne n'est contre. Mais il ne faudrait pas nous faire croire ici qu'il n'y avait qu'une seule solution sur la table, celle qui a été votée à 50,9% par l'ACG, alors qu'il y avait trois variantes possibles ! Trois manières de renforcer la péréquation, dont deux avaient l'assentiment de l'intégralité des communes ! C'est la version maximaliste qui a été choisie à 50,9%, non pas avec le principe une commune, une voix, puisque - M. Sormanni devrait le savoir - à l'ACG, lorsqu'il s'agit de questions financières, les voix sont proportionnelles à la population et que ce n'est en aucun cas une commune, une voix. Elle a donc été votée à 50,9%, une majorité extrêmement étriquée, alors qu'il y avait matière à trouver... Et c'est le but des amendements du PLR, à savoir oui à un renforcement, mais un renforcement qui ait l'assentiment de toutes les communes et pas seulement de 50,9%.
Parce que c'est aussi le rôle de notre autorité cantonale, à un moment donné, d'assurer et de favoriser la cohésion entre les communes. Que vont dire celles à qui aujourd'hui on va prendre 60%, 65%, 70% ou 75% des revenus, lorsqu'il s'agira ensuite de discuter entre communes sur des sujets intercommunaux ? Elles diront: «Ecoutez, on a déjà assez donné, débrouillez-vous de votre côté !» Ce n'est évidemment pas ce qu'on souhaite, en particulier pas sur un territoire aussi petit que le canton de Genève, avec 45 communes, alors qu'on veut précisément favoriser le travail intercommunal, la mutualisation d'un certain nombre de charges. C'est bien sûr le contraire qui va se passer, alors qu'on peut la renforcer avec nos amendements, mais de manière raisonnable et acceptable.
Et puis imaginez l'autre côté: celui d'un contribuable qui, parce que ses impôts augmenteront, se déplacera dans une autre commune, qui était, elle, bénéficiaire et qui va se retrouver contributrice. Vous aurez un effet de domino absolument stupide, qu'il faut évidemment éviter.
Dernier point: tous ceux dans ce parlement, nombreux, qui s'égosillent tous les jours en nous expliquant que Genève est défavorisée dans la péréquation intercantonale, en expliquant que les autres cantons nous imposent, à nous, canton de Genève, de contribuer pour d'autres cantons, qui, eux, baissent leurs impôts, n'auront plus rien à dire si aujourd'hui ils n'acceptent pas nos amendements, puisque c'est exactement la même chose qui se passe avec ces communes contributrices.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs, de voter oui à un renforcement de la péréquation, mais un renforcement acceptable et raisonnable. C'est le but de nos amendements et je vous invite à les voter. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, la LAPSA, que nous avons votée ici en 2021, avait clarifié les compétences communales en matière d'accueil d'urgence des personnes sans abri. Or ce financement et la répartition entre les communes de ces prestations n'étaient à ce jour pas réalisés et celles-ci reposaient, pratiquement, sur la Ville de Genève. Avec cette modification - que nous allons voter bien sûr -, les communes genevoises ont décidé de mettre en oeuvre cette LAPSA, à travers une répartition décidée par et entre les communes. Ce financement sera donc enfin durablement réglé et nous ne devrions plus connaître les problèmes rencontrés encore l'hiver passé. Ça, c'est un point qui a été voté dans le cadre de ce projet de loi, et il ne faut pas mélanger cela avec les autres points qui ont été votés séparément, à savoir le renforcement de la répartition des ressources, qui n'est pas en lien avec le sans-abrisme.
Les communes ont voulu, en plus de cette mise en oeuvre vraiment urgente, une meilleure répartition des ressources en augmentant le prélèvement sur le potentiel des ressources, pour permettre un renforcement général des contributions des communes à fort potentiel et ainsi permettre aux autres communes de faire face à des dépenses futures - par exemple Onex, qui en a bien besoin - qui seront issues des nouvelles répartitions entre le canton et les communes.
J'aimerais aussi dire au rapporteur de minorité, quand il prétend que c'est l'Etat qui va ponctionner les communes, que nous sommes dans une répartition horizontale: c'est une péréquation entre les communes, et l'Etat ne va rien prélever de ces montants, ce sont vraiment les communes qui se répartissent de l'argent entre elles.
Nous sommes convaincus, comme la commission dans sa majorité, qu'il faut soutenir ces modifications, qui, comme je le disais, concernent uniquement les communes - c'est une péréquation horizontale - et qui sont approuvées par l'assemblée générale de l'ACG. Et là, je ne peux pas non plus entendre ce que dit le rapporteur de minorité: la procédure de vote au sein de l'ACG serait biaisée, c'est quelque chose de pourri et ça s'est mal passé. Ce n'est pas du tout le cas, nous avons entendu à deux reprises le comité de l'ACG dans son intégralité, qui a transmis un tout autre message, et je pense que le rapporteur de minorité devrait relire plus attentivement le rapport de M. de Sainte Marie.
Les Verts ont aussi exprimé la volonté de ne pas remettre en cause le choix des communes. C'est vrai qu'on ne peut pas imaginer que le Grand Conseil vienne dire aux communes comment elles doivent se répartir leur argent. C'est vraiment elles qui devraient le faire entre elles, et elles l'ont fait en décidant à la majorité. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Finalement, je dirais encore que les Verts... (L'orateur s'interrompt.) Pardon ! Nous avons bien entendu que ces modifications touchaient un système de péréquation qui devenait toujours plus complexe et que les communes souhaitaient lancer le chantier de la réforme globale de cette péréquation, réforme dont la procédure est lancée, mais qui va durer effectivement plusieurs années. Il n'est donc pas possible d'attendre plus longtemps et nous devons maintenant prendre une décision, notamment pour la mise en oeuvre et le financement de la LAPSA. C'est pourquoi nous vous remercions de soutenir clairement ce projet de loi et de refuser les amendements du PLR qui, eux, vont justement semer la pagaille entre les communes. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Emmanuel Deonna pour une minute cinquante.
M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Laisser des personnes mourir de froid en plein hiver est inacceptable. (Exclamations.) Le canton de Genève, capitale internationale des droits humains, se déshonorerait s'il agissait ainsi. Le projet de loi dont nous discutons est le fruit d'un accord entre les communes genevoises. Il est un pas vers la mise en oeuvre du droit fondamental à la dignité humaine. Pour rappel, le droit à la dignité humaine est protégé par l'article 7 de la Constitution fédérale et par l'article 14 de la constitution de la République et canton de Genève. Depuis le début de la législature, le Conseil d'Etat s'est fixé pour objectif de faire participer les communes à certaines charges dynamiques qui affectent son budget. C'est un processus - on vient de le mentionner - qui va prendre plusieurs années.
En septembre 2020, le Conseil d'Etat a déposé le projet de loi sur la participation des communes au financement des prestations sociales et des mesures de soutien aux personnes âgées. Depuis 2002, et malgré le fait que la compétence de fournir une assistance aux plus démunis revient au canton, la Ville de Genève a développé un dispositif d'accueil d'urgence pour les personnes sans abri. La Ville a sollicité à plusieurs reprises une meilleure répartition de la charge que représente pour elle l'accomplissement de cette tâche. Les propositions formulées à l'époque n'ayant pas permis d'aboutir à un consensus, il y a eu de longues discussions, qui ont été reprises durant la législature.
Comme l'ont rappelé mes préopinants, notamment les députés de Sainte Marie, Guinchard, Sormanni et Poget, avec la loi que nous votons aujourd'hui, nous avalisons un accord entre les communes genevoises, dans le cadre d'un processus démocratique horizontal. Ces communes se sont entendues sur le fait d'augmenter progressivement sur trois ans aussi bien la contribution des communes à fort potentiel de ressources aux communes dotées d'un faible potentiel de ressources, que l'attribution des contributions de l'ensemble des communes en faveur de la Ville de Genève. C'est pourquoi je vous demande d'approuver, s'il vous plaît, ce projet de loi.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur de Sainte Marie, il vous reste dix secondes ! Il faudra être synthétique et bref !
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. On a parlé de cohésion entre les communes, eh bien, je pense que si on veut véritablement de la cohésion entre les communes, on ne peut pas tolérer d'aussi grandes inégalités et notamment les plaintes d'une commune - il faut le mentionner: c'est Cologny qui s'est plainte de ce projet de loi, qui a enchaîné les comptes excédentaires année après année et qui a baissé quatre fois le taux de centimes additionnels au cours des cinq dernières années. Par conséquent, on ne peut pas juste écouter une commune aussi riche dire aujourd'hui ne pas vouloir participer à la cohésion entre les communes et à la cohésion sociale. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole pour deux minutes.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, bon, on sait très bien que ce sont les communes-villes qui ont influencé les autres communes et qu'il y a eu des rapports de force, donc il ne faut pas non plus prendre les gens pour des imbéciles.
Ce projet de loi contribue effectivement au gaspillage de l'argent public, non seulement par la politique du sans-abrisme... Je répète que la politique du sans-abrisme, c'est à la base une politique de la Ville de Genève. Et pourquoi les communes n'y sont-elles pas favorables ? (Commentaires.) Simplement parce qu'elles veulent respecter la loi ! La Ville de Genève accepte tout le monde dans ces abris: les demandeurs d'asile déboutés qui devraient quitter la Suisse... (Commentaires.) ...les clandestins...
Une voix. C'est faux ! (Commentaires.)
M. Marc Falquet. ...les sans-papiers... (Commentaires de désapprobation.) ...les bandes de mendiants ! Je suis désolé, c'est vrai ! Ces bandes qui occupent... Et les Genevois, vous les trouvez dans la rue ! Les Genevois, vous les trouvez dans la rue ! (Commentaires.) C'est donc normal que les communes refusent de financer cette politique, qui est une politique de la Ville de Genève, qu'elle devrait assumer. C'est normal que, d'année en année, il y ait toujours plus de monde, parce qu'on attire les gens avec cette politique, qui amène le désordre et l'illégalité à Genève. (Brouhaha.)
Je répète que ce projet de loi est tout à fait excessif: ponctionner 75% des recettes communales... «Ce n'est pas l'Etat qui les ponctionne.» Oui, mais c'est quand même un projet du Conseil d'Etat, qui a été...
Une voix. C'est Cologny, seulement.
M. Marc Falquet. Oui, la commune de Cologny, mais sur le principe, je trouve que ce n'est pas normal ! (Commentaires.) Si c'était votre commune, personne n'aurait été d'accord... (Commentaires.) ...et je n'aurais pas été d'accord non plus. C'est inadmissible, c'est injuste, c'est disproportionné. Je ne comprends pas qu'on puisse voter ce projet de loi qui va amener, je le répète, la guerre ! On va avoir une guerre ! Vous allez voir ! (Commentaires.) Nous allons avoir une guerre entre les communes ! Je ne pense pas que Cologny va se laisser ponctionner, se laisser racketter de la sorte. (Commentaires. Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Je vous propose donc de refuser clairement ce projet de loi qui est - pour moi, je vous le dis franchement, en pesant mes mots - le plus mauvais projet de loi des trois dernières législatures, parce qu'il est malhonnête dans son esprit. C'est vrai ! C'est vrai, ce n'est pas de la solidarité, c'est du manque de respect ! Parce que c'est une commune riche, parce qu'on...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Marc Falquet. ...a réussi à diviser pour mieux régner, on se permet de racketter une commune...
Le président. C'est terminé.
M. Marc Falquet. ...en lui piquant, en lui volant les trois quarts de ses recettes ! C'est inadmissible, ça va avoir des conséquences...
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous avons bien compris.
M. Marc Falquet. ...très très fâcheuses pour Genève et sa prospérité. Merci. (Brouhaha.)
Une voix. Bravo, Marc !
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous vous apprêtez à voter un projet de loi important. Important pour la solidarité intercommunale, important aussi sous l'angle des effets que cette loi va occasionner sur un certain nombre de politiques publiques. La première a été longuement abordée, c'est la politique liée au sans-abrisme, qui est assumée par la seule Ville de Genève - ou en tout cas majoritairement, puisque d'autres communes ont quelques places à disposition.
Il faut se souvenir que cette politique publique s'est construite sur l'initiative de la Ville de Genève à la suite d'un drame à Lausanne. A ce moment-là, le conseiller administratif Manuel Tornare avait monté des dispositifs en urgence, pour permettre à des personnes sans abri dans notre canton de bénéficier d'un toit. Cette volonté politique qui s'est ainsi exprimée a permis d'offrir de nouveaux logements et, avec la collaboration du canton, d'offrir de la dignité à celles et ceux qui ne disposent pas de logement.
Force est de constater qu'à l'époque, et cela a toujours été le cas, les autres communes genevoises n'ont pas contribué à ce dispositif de financement de logements. Après plusieurs tentatives, votre parlement a voté la motion 2214, qui demandait que la solidarité en la matière soit effective. Elle a été déposée en 2014 et votée par votre parlement en 2019, et le Conseil d'Etat, déjà en 2017, commençait des négociations avec l'Association des communes genevoises, mais ne trouvait pas de majorité pour assurer le financement du dispositif. Avec mes collègues au Conseil d'Etat, deux ans plus tard, nous remettions l'ouvrage sur le métier, au travers notamment de deux objets, provenant d'abord de vos rangs - puisque des députés déposent des projets de lois -, et j'aimerais à ce titre remercier le président d'alors de la commission des affaires communales, M. le député Subilia, qui a accepté, avec sa commission, de suspendre ses travaux pour permettre à l'ACG et au Conseil d'Etat de négocier un accord - un accord qui a été travaillé, durement, difficilement, je le sais de la part de l'ACG -, ce dont nous pouvons évidemment nous réjouir.
Ce volet de la LAPSA est-il la seule raison de nous réjouir ? La réponse est bien sûr non, puisque ce renforcement de la péréquation intercommunale permettra également des dotations, notamment pour le fonds intercommunal, qui passera ainsi de 23 à 30 millions. Ce sera également bon pour la culture, pour le sport, pour les projets intercantonaux. Cette loi augmentera de 75% la péréquation des ressources entre les communes riches et les communes les moins aisées.
Avec cette loi, nous sommes également convaincus que nous développons des capacités d'action des communes vis-à-vis du canton dans les champs de compétences qui sont les leurs aujourd'hui et qui se développeront, nous l'espérons, demain, avec des compétences supplémentaires. Nous sommes aussi convaincus que la crédibilité des communes se trouve renforcée. Lorsque le Conseil d'Etat a préparé son programme de législature, il entendait déjà faire en sorte que les communes puissent s'entraider dans le cadre de l'exercice de nouvelles compétences.
Pour l'instant, le Conseil d'Etat admet ou reconnaît qu'il va devoir renoncer à un autre combat, celui qui visait à faire participer les communes particulièrement aisées en matière de revenus fiscaux notamment à la politique sociale du canton. Je veux évidemment parler du projet de loi d'écrêtage. Avec le soutien de la LRPFI, la loi sur le renforcement de la péréquation financière intercommunale et le développement de l'intercommunalité, les ressources sont désormais à disposition des communes qui veulent créer des projets à destination de leur population. Mais je vous le dis aussi, Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est la dernière fois que le Conseil d'Etat entend renforcer la péréquation intercommunale. Je vous le dis, parce que nous avons estimé que le processus est désormais à bout, que l'exercice était intéressant, mais que nous avons aujourd'hui besoin de changer le système de fond en comble. La fiscalité communale doit être entièrement revue. Le Conseil d'Etat a demandé à plusieurs reprises que les travaux s'enclenchent s'agissant de cette réflexion de fond. Les travaux ont certes débuté, mais timidement. Nous espérons qu'avec le vote favorable de ce projet de loi, nous pourrons passer à autre chose, et cette autre chose, c'est la refonte complète de la fiscalité communale, qui devra s'accélérer pour cette prochaine législature. Quant aux amendements, le Conseil d'Etat estime qu'il convient d'en rester au projet de loi qu'il a déposé et, partant, de les refuser. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13193 est adopté en premier débat par 77 oui contre 13 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1, lettre d (nouvelle), et 2, lettre a, chiffre 5 (nouveau).
Le président. A l'article 5, nous sommes saisis de l'amendement suivant de M. Yvan Zweifel:
«Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Les communes à fort potentiel de ressources, apprécié au regard de la moyenne des communes, versent aux communes à faible potentiel de ressources une allocation dont le montant total équivaut à 3% de la somme des potentiels de ressources de chacune des communes.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 32 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 5, al. 1 (nouvelle teneur), est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Yvan Zweifel à l'article 13:
«Art. 13 (nouvelle teneur)
La contribution à charge de chaque commune au sens de l'article 12 est calculée en multipliant par 0.70 la valeur du centime de la commune concernée.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 33 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 13 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les art. 18, al. 2 (nouveau, l'al. 2 ancien devenant l'al. 3), à 30, al. 2 et 3 (nouvelle teneur).
Le président. M. Yvan Zweifel présente un amendement à l'article 36, dont voici la teneur:
«Art. 36, al. 4 (nouvelle teneur)
4 En 2023, le pourcentage déterminant le calcul de la contribution des communes à fort potentiel de ressources, selon l'article 5, alinéa 1, est de 2.5%. Le facteur de multiplication déterminant le taux des contributions des autres communes en faveur de la Ville de Genève, au sens de l'article 13, est de 0.65. En 2024, le pourcentage est porté à 3% et le facteur de multiplication à 0.70.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 28 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 36, al. 3 à 8 (nouveaux), est adopté.
Le président. Nous sommes encore saisis de deux amendements de M. Yvan Zweifel aux annexes 1 et 2. Voici le premier:
«L'annexe 1 (formules de calcul) est modifiée en conséquence, en remplaçant chaque fois le coefficient de 3.5% par un coefficient de 3%.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 32 oui et 1 abstention.
Le président. Et voici le deuxième:
«L'annexe 2 (formules de calcul) est modifiée en conséquence, en remplaçant chaque fois le coefficient de 3.5% par un coefficient de 3%.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 34 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que les art. 2 et 3 (soulignés).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13193 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 33 non et 1 abstention (vote nominal).
Le président. Mesdames et Messieurs, nous faisons une pause d'un quart d'heure. Nous reprendrons à 18h.
La séance est levée à 17h45.