Séance du
vendredi 3 juin 2022 à
16h
2e
législature -
5e
année -
1re
session -
9e
séance
M 2662-A
Débat
Le président. Nous poursuivons nos travaux avec la M 2662-A, classée en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Où le rapporteur de majorité se cache-t-il ? Monsieur Béné ? Est-ce que quelqu'un du groupe PLR peut remplacer M. Béné ? Je vois que M. Edouard Cuendet se désigne volontaire ! Monsieur Cuendet, vous avez la parole.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Si vous êtes d'accord, Monsieur le président, par galanterie, je laisserai la rapporteure de minorité s'exprimer en premier, le temps que le rapporteur de majorité arrive - et il sera moins galant que moi ! (L'orateur rit.)
Une voix. Désolé, ils sont tous en télétravail !
Le président. Monsieur Béné, voulez-vous prendre la parole maintenant ? Tant pis pour la galanterie...
M. Edouard Cuendet. Ah, c'est M. Béné qui va intervenir. Monsieur le président, excusez ce cafouillage néolibéral !
Une voix. Il était très en retard...
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité remplaçant. Monsieur le rapporteur de majorité titulaire, allez-y.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Désolé, mes collègues m'ont retenu en télétravail à la buvette ! (Remarque.) Ah, le télétravail, c'est le sujet suivant. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion avait un objectif cohérent au moment où elle a été déposée, c'est d'ailleurs pour ça qu'on a écouté attentivement son auteur ainsi que le département sur les mesures mises en place ou pas pour les forains et les taxis.
Il se trouve qu'entre-temps, la législation a été modifiée et que ces deux professions ont été incluses dans la catégorie des cas de rigueur, comme elles auraient dû l'être dès le départ, en tout cas pour ce qui est des taxis. Dès lors, au moment où il a été voté en commission - et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a été refusé -, cet objet n'avait plus lieu d'être, puisque les dispositions tant fédérales que cantonales avaient été modifiées dans son sens. Voilà pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs, à ne pas entrer en matière sur ce texte qui n'est plus d'actualité.
Mme Ana Roch (MCG), rapporteuse de minorité. Comme l'a souligné le rapporteur de majorité, en son temps, la proposition de motion avait toute sa valeur. Dans l'intervalle, les lois ont été modifiées au profit des taxis et des forains, et c'est tant mieux. Malgré ce changement en cours de pandémie, la représentante de l'Union des taxis genevois nous a rapporté lors de son audition que bien des chauffeurs avaient souffert de la situation, ne percevant aucun revenu, n'étant reconnus par aucune des mesures mises en place.
Même si nous traitons ce texte aujourd'hui seulement, le groupe MCG souhaite qu'il soit accepté pour éviter d'autres difficultés en cas de nouvelle crise. La pandémie semble être derrière nous, Mesdames et Messieurs, mais on ne peut pas en être totalement sûr, et nous considérons que l'économie doit continuer à soutenir les taxis et les forains. Voilà pourquoi nous maintenons cet objet et vous demandons de l'adopter. Merci.
M. André Pfeffer (UDC). Ce texte propose des indemnités aux forains genevois pour la période du 17 mars au 31 août 2020 et une prolongation des APG pour les chauffeurs de taxi du 16 mai au 31 août 2020. Bien évidemment, les deux invites ne sont plus d'actualité. Par contre, il ne faut pas oublier que ces deux catégories d'indépendants ont été très durement touchées par les interdictions de travailler ainsi que par toutes les restrictions qu'on leur a imposées.
Même si cet objet est obsolète, je rappelle que les indemnités qu'ils ont touchées sont extrêmement faibles par rapport aux pertes subies. Aujourd'hui, ces gens doivent rembourser les crédits covid et évoluent encore dans un environnement professionnel difficile. En ce qui concerne les forains, la Ville de Genève vient de décider de diminuer leur temps de présence à Genève et surtout de leur interdire l'accès aux quais.
Eu égard aux dommages endurés par ces deux professions et au fait que tant les chauffeurs de taxi que les forains vivent toujours des moments compliqués, je pense qu'il serait malgré tout judicieux de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat afin qu'il fasse un rapport sur la situation. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous demande d'accepter le texte même si son dépôt date d'il y a deux ans. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Vous sollicitez donc un renvoi au Conseil d'Etat ?
M. André Pfeffer. Je souhaite qu'on accepte cette motion même si ses invites datent d'il y a deux ans et ne sont plus d'actualité, comme ça le Conseil d'Etat pourra faire un rapport.
Le président. D'accord, merci. Je cède maintenant la parole à M. Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le rapporteur de majorité l'a bien souligné: même si on peut ressentir beaucoup d'empathie et d'affection pour le secteur des forains qui a souffert durant la crise du covid - nous avons eu des témoignages poignants de forains expliquant leur situation -, les préoccupations de ce texte ont été prises en compte par la commission de l'économie ainsi que par l'ensemble de ce plénum, qui a manifesté un soutien pratiquement unanime.
S'agissant des taxis, on s'aperçoit de plusieurs choses. Malgré la complexité de cette corporation, qui se montre souvent vindicative à l'égard du Conseil d'Etat sur un certain nombre de points, elle a tout de même obtenu les aides qu'elle méritait, auxquelles elle avait droit, ce que nous appuyons et que l'entier du Grand Conseil a validé. Cependant, dans quelques cas, on a vu que certaines personnes ne jouaient pas toujours le jeu au niveau des déclarations, et ça a créé des situations dramatiques. En effet, si vous ne pouvez plus travailler mais que les mesures sont calculées sur ce que vous déclarez toucher, ça devient très compliqué.
Alors il ne s'agit pas de pointer du doigt cette corporation plus qu'une autre, mais disons que ça a mis en exergue un certain nombre de phénomènes: de nombreux indépendants avaient des gains complémentaires pas forcément déclarés, donc des problèmes sont apparus. Ainsi que l'a signalé le rapporteur de majorité, tout a été fait pour ces professions, tout l'appui nécessaire a été apporté. En tant que commissaires, on a été attentifs à essayer d'être justes, impartiaux et mesurés avec ces aides financières. Pour toutes ces bonnes raisons, je vous invite à refuser cet objet. Merci, Monsieur le président.
M. François Lefort (Ve). Bon, tout le monde est d'accord, ces invites sont obsolètes, les attentes ont été en partie satisfaites par les différents projets de lois que nous avons votés dans ce parlement, et pour ces raisons, nous refuserons également cette proposition de motion.
Cela étant, les travaux de commission ont montré que pour les taxis, il existait des pistes d'amélioration de leurs conditions de travail qui pourraient passer par une application de réservation unique, et c'est l'un des messages que nous voulons transmettre aujourd'hui. L'idée est évoquée dans le rapport: cette application de réservation unique, comme il y en a dans de nombreuses grandes villes européennes, permettrait de réserver un taxi ou de connaître les horaires des bus et des trains en concordance avec un déplacement en taxi.
Voilà le message adressé au Conseil d'Etat: il s'agit de développer ce système pour les taxis genevois en collaboration avec les partenaires, en particulier les entreprises de taxis, Unireso et les CFF, ce qui permettra d'améliorer les conditions de réservation, de faciliter l'appel d'un taxi et, partant, de réduire les coûts. Merci de prendre en compte cette demande connexe de certains membres de la commission de l'économie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas oublier que cette proposition de motion aurait dû être traitée directement par la plénière en urgence, comme tous les autres textes sur le covid dont nous avons été saisis ! Pour une raison qui appartient à la majorité de ce Grand Conseil, ça n'a pas été le cas, ce qui fait qu'on a prétérité les taxis et les forains. Voilà pourquoi on arrive maintenant, en 2022, comme la pluie ou la grêle après les vendanges, si j'ose le formuler ainsi, et on se dit: «Ah, mais tout est réglé, l'affaire est pliée.»
Non ! Nous voulons quand même que le Conseil d'Etat fasse un rapport, parce que ces deux catégories ont été les parents pauvres des aides octroyées à toute une série de secteurs. Les sociétés, les indépendants, les grandes entreprises, les petites entreprises, même les illégaux ont reçu énormément d'aides de l'Etat, et à juste titre, mais pourquoi pas les forains, pourquoi pas les taxis ? Il a fallu attendre longtemps, et au final, ils n'auront pas touché grand-chose.
Je rappelle aussi qu'on les empêche de travailler ! Pour eux, le covid n'est pas terminé. On veut les exclure des quais, on veut réduire leur temps d'activité, qui passerait d'environ douze semaines à six semaines par année. Mesdames et Messieurs, demain, on diminue vos jetons de présence de moitié, vous verrez comment vous réagirez ! C'est proprement scandaleux et nous avons lancé une pétition sur ce sujet que nous vous invitons à signer. C'est aussi la raison pour laquelle nous vous demandons de soutenir cette motion, afin d'obtenir un rapport du Conseil d'Etat sur cette affaire. Merci.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs, une nouvelle fois, cela vient d'être souligné, le temps a passé et on aborde une proposition de motion qui aurait dû être traitée il y a deux ans. Depuis, bien évidemment, des mesures ont été prises, des dispositifs ont été mis en place. Pour Mme la rapporteure de minorité, l'objectif est de laisser une trace par rapport à une réelle problématique. Alors si je prends la parole, ce n'est pas pour en rajouter, car les prises de position sont claires, c'est simplement pour faire une déclaration à l'adresse des forains, des taxis et de tous les autres: ce n'est pas parce que nous refusons cet objet que nous n'avons pas conscience des problèmes qui ont été les leurs, nous pensons avoir fait juste et le maximum pendant cette période, et nous espérons que si d'aventure la question devait se poser à nouveau, les choses se feront beaucoup plus rapidement, c'est une réalité. Cela étant dit, nous rejetterons ce texte. Merci.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe socialiste exprime la même position que celle qui vient d'être indiquée par mon préopinant du Centre, futur ex-PDC - c'est bien comme ça qu'on dit ? En effet, cette proposition de motion est caduque étant donné que des mesures ont été prises et des solutions trouvées pour soutenir ces deux domaines d'activité.
Cela nous permet tout de même de rappeler qu'il s'agit de deux secteurs difficiles. Travailler comme forain aujourd'hui à Genève ou ailleurs, c'est assez compliqué, c'est très aléatoire. Ce métier mérite vraiment d'être soutenu, tout comme celui de conductrice ou conducteur de taxi. A cet égard, je souligne que le parti socialiste s'est toujours battu pour améliorer les conditions de travail et de protection sociale des chauffeuses et chauffeurs de taxi, c'est extrêmement important pour nous.
Par conséquent, on ne peut que se réjouir de l'information qui vient de tomber en ce qui concerne les véhicules Uber. Cette société a toujours soutenu que ses conductrices et conducteurs étaient des indépendants et qu'elle ne faisait que mettre à disposition une plateforme numérique, voilà tout. Eh bien le Tribunal fédéral vient de trancher: non, les conductrices et conducteurs de véhicules Uber sont des salariées et salariés d'Uber, et c'est fondamental, c'est historique pour la branche du transport de personnes.
Le groupe socialiste s'en réjouit et continuera à défendre les conditions de travail ainsi que la protection sociale des conductrices et conducteurs de taxi, y compris des véhicules privés en lien avec des plateformes. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci... (Remarque.) Monsieur Sormanni, vous n'avez pas la parole. (Remarque.) Monsieur François Baertschi, c'est à vous pour une minute dix-huit.
M. François Baertschi (MCG). Certains prétendent qu'ils soutiennent les taxis; il aurait été mieux de le faire au moment de l'urgence, il aurait été mieux de les aider, tout comme les forains, quand il y avait une urgence et qu'on pouvait voter cette motion directement en plénière. On ne l'a pas fait, résultat: ça risque d'échouer, des gens se retrouvent dans la misère. On a beau faire de belles promesses... Ce qu'il faut, ce ne sont pas des promesses, mais des actes. Or il n'y a pas eu d'actes, les personnes se retrouvent en difficulté, dans la misère, parce qu'une majorité de ce parlement a refusé de les entendre, parce qu'elles ne sont pas prises en considération par la majorité de ce Grand Conseil. Oui, il faut avoir le courage de le dire: les chauffeurs de taxi et les forains sont méprisés par la plupart des députés genevois ! Le MCG les soutient et fera tout pour les défendre, parce qu'il y a beaucoup trop d'hypocrites dans cette enceinte. Merci.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, malgré la grande sympathie que je porte aux signataires de cette proposition de motion, le Conseil d'Etat constate qu'elle est aujourd'hui obsolète eu égard aux mesures mises en place. La question de savoir si ce qui a été accordé aux deux professions considérées est suffisant ou non pour couvrir leurs dommages constitue un problème qui, à ce stade, n'a pas à être examiné par le canton, puisque le dispositif a été institué sur le plan fédéral. Nous avons fait en sorte, dans la mesure de nos moyens, qu'il soit appliqué le plus rapidement possible. Il n'en demeure pas moins, et ceux qui se sont exprimés dans ce sens ont parfaitement raison, qu'il s'agit d'activités qui ont passablement souffert durant la pandémie et qu'il a fallu attendre des mois pour qu'on prenne conscience, au niveau fédéral, de la nécessité absolue d'intervenir en leur faveur.
Cela étant, on ne peut pas simplement accepter cet objet au motif qu'il pourrait se produire à l'avenir une situation identique ou comparable et qu'il faudrait dès lors préparer le terrain pour réagir en conséquence. On le sait, et c'est précisément ce qui caractérise toute crise, celle-ci a ses conditions propres, ses conséquences différentes d'un cas à l'autre. Il serait difficile d'établir aujourd'hui de manière générale un cadre d'indemnisation sans ensuite le transposer concrètement à la situation réelle à laquelle nous pourrions être confrontés. Personne ne souhaite cela, bien évidemment. Ce texte n'est plus d'actualité, et heureusement, on peut le dire: cela signifie que la période difficile au niveau économique est derrière nous, et, nous l'espérons, définitivement. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous demande de le rejeter, comme l'a fait la majorité de la commission. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, je mets cette proposition de motion aux voix.
Mise aux voix, la proposition de motion 2662 est rejetée par 61 non contre 16 oui (vote nominal).