Séance du vendredi 3 juin 2022 à 16h
2e législature - 5e année - 1re session - 9e séance

M 2669-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Pierre Eckert, François Lefort : Faire du télétravail une pratique régulière et généralisée dans le secteur privé
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 27 et 28 janvier 2022.
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (PLR)
Rapport de minorité de M. Pierre Eckert (Ve)

Débat

Le président. Nous traitons à présent la M 2669-A, classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité Jacques Béné.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette problématique qui a été évoquée à la commission de l'économie est évidemment très intéressante et d'autant plus depuis la crise que nous avons connue. Nous sommes tous conscients que le télétravail va certainement devenir une condition d'engagement, ce qui pour nous va dans le bon sens, mais cette pratique doit être cohérente non pas seulement pour l'employé, mais aussi pour l'employeur. Or l'extension de l'encadrement du télétravail n'est malheureusement pas du ressort du canton, mais bien de celui de la Confédération, qui devrait, le cas échéant, modifier la loi sur le travail.

Sous couvert de vouloir favoriser le télétravail, les deux auteurs de cette proposition de motion jouent en réalité le jeu de l'interventionnisme de l'Etat dans l'organisation des entreprises, avec à nouveau, comme très souvent, des contraintes. Les invites qu'ils proposent sont claires: on parle d'incitation forte, de large campagne, de mettre en place des mécanismes incitatifs pour convaincre les entreprises, de prévenir l'éventuelle dégradation des conditions de travail - et c'est là qu'il y a un vrai risque, parce que le télétravail comporte des risques et des avantages, et cela doit être laissé à la libre appréciation des entreprises, qui vont peser le pour et le contre pour savoir si oui ou non il y a un intérêt tant pour l'employé que pour l'employeur à instaurer le télétravail de manière généralisée.

Sous couvert de la promotion du télétravail, on l'a bien compris, l'objectif est de diminuer le trafic pendulaire. Je ne pense pas qu'on va sauver la planète grâce au télétravail, mais effectivement, avec la crise covid, tout le monde, y compris les entreprises, a intérêt aujourd'hui à ce que cette pratique se développe, mais dans des secteurs bien spécifiques. Hier, on a parlé des caisses automatiques et des caissières dans les commerces. Il est clair que le télétravail ne va pas pouvoir s'appliquer à ces personnes-là, et c'est bien là le problème: les conditions d'application du télétravail dans une entreprise vont dépendre du type d'activité de celle-ci et de la manière dont on traite les collaborateurs qui vont faire du télétravail par rapport à ceux qui ne vont pas pouvoir en faire. On a eu l'occasion en commission d'avoir d'autres considérations sur le télétravail; on en est même arrivé au point où on disait qu'il allait falloir faire très attention à ne pas défavoriser ceux qui n'auraient pas droit au télétravail par rapport à ceux qui y ont droit, voire indemniser ceux qui n'y ont pas droit.

La seule réponse claire qu'on peut donner à cette proposition de motion, c'est le modèle de convention de télétravail que vous trouvez sur internet. Si vous tapez «convention télétravail», vous obtenez la convention de télétravail négociée, dans le cadre de l'Union patronale suisse, par l'Union des associations patronales genevoises, le Groupement des entreprises multinationales et les Chambres latines de commerce et d'industrie. C'est en libre accès, c'est gratuit, et il n'y a pas eu besoin de l'Etat pour que cette convention de télétravail soit éditée. Il ne faut donc pas entrer en matière sur cette motion; il faut laisser l'économie et les lois du marché qui sont chères à certains et un peu moins à d'autres... (Commentaires.) ...se faire pour que tout le monde y trouve son compte, sans interventionnisme de l'Etat. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Contrairement à d'autres sujets que nous exhumons de l'ordre du jour ordinaire, celui-ci n'est pas si ancien et conserve toute son actualité. Avant de débuter, j'aimerais donner une ou deux précisions. Je crois que le rapporteur de majorité l'a dit, cela ne peut évidemment pas concerner l'ensemble des professions existantes. On ne va pas introduire le télétravail dans la charpenterie, le nettoyage ou la médecine. Il ne faut donc pas caricaturer la motion. Par ailleurs, le télétravail doit rester volontaire; il n'est pas question d'obligation dans ce texte. Nous demandons simplement que les entreprises le proposent de façon systématique. Il est également clair pour moi que le télétravail ne doit pas dépasser un à deux jours pour un plein temps - pour les temps partiels, cela peut être moins -, afin de conserver les relations sociales et les dynamiques de groupe qui existent dans les entreprises. Enfin, j'aimerais préciser aussi que télétravail ne signifie pas forcément travail à domicile: on peut imaginer qu'on travaille par exemple dans des espaces de coworking ou dans d'autres structures appelées tiers-lieux. (Remarque.)

Nous pensons utile que cet engouement pour le télétravail soit encadré, pour les employeurs et pour les employés, et que cet encadrement soit plus important que ce qui existe actuellement. Suite aux diverses auditions qui ont été conduites, j'ai formulé certaines propositions d'amendements - surtout compte tenu de ce qu'on a entendu de la part des syndicats et des syndicats patronaux -, qui ont toutes été refusées, si bien qu'il ne reste rien dans la motion. (Commentaires.) J'aimerais donc aussi dénoncer... (Commentaires.) Je ne vois pas très bien comment le rapporteur de majorité peut appeler à rejeter cette motion, étant donné qu'elle ne contient plus rien ! Voilà ce qui me dérange. (Exclamations.)

Une voix. Si, elle contient tout ! Elle a finalement été refusée, donc il y a tout dedans !

M. Pierre Eckert. Il ne reste plus rien !

Le président. S'il vous plaît ! Pas de dialogues !

M. Pierre Eckert. J'ai formulé des propositions d'amendements qui ont toutes été refusées, il ne reste rien dans la motion ! (Commentaires.) Je propose donc de revenir aux invites que j'ai suggérées en commission. Je vais rapidement les passer en revue et je prendrai sur le temps de mon groupe, Monsieur le président.

Dans la première invite, il s'agit de demander - et cela a été modifié par rapport à l'invite initiale - d'inciter les entreprises actives à Genève à proposer la pratique régulière du télétravail à leurs employés. Cela me paraît assez évident, et les motifs ont été évoqués tout à l'heure: ce sont des raisons environnementales, mais aussi de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale.

La deuxième invite demande au Conseil d'Etat de proposer et de mettre en place des mécanismes incitatifs. Cela peut être considéré comme une intrusion de l'Etat dans le monde du travail, mais pour moi, cela veut aussi dire qu'on peut laisser l'Etat en bonne entente avec les partenaires sociaux définir ces mécanismes incitatifs. On a bien compris que, pour le personnel qui peut en bénéficier, le télétravail peut être vécu comme un avantage. Il est donc important qu'on fixe des règles qui permettent de maintenir une équité avec le personnel qui ne peut pas ou ne veut pas télétravailler.

Pour ce qui est de la troisième invite, elle demande de prévenir l'éventuelle dégradation des conditions de travail, telle qu'elle est précisée dans le texte. En effet, il est clair que, du point de vue des employés, il existe un certain nombre de dangers liés à la pratique du télétravail - à ce titre, le devoir d'assistance comprend notamment la mise à disposition d'un matériel adéquat et la surveillance des conditions d'ergonomie.

Dans la quatrième invite, il s'agit d'appeler le Conseil d'Etat à mettre à disposition un modèle de convention de télétravail pleinement compatible avec la loi sur le travail. Contrairement à ce qu'a dit le rapporteur de majorité, on ne demande pas de changer la loi sur le travail, on demande simplement d'avoir une convention de télétravail compatible avec celle-ci. Je sais bien que la convention existe, elle est proposée, mais à notre sens elle est insuffisante, notamment parce qu'on n'y trouve pas le droit à la déconnexion, et les obligations des employeurs mériteraient également d'être précisées.

La dernière invite est d'actualité: elle demande qu'on puisse augmenter la part de télétravail de 25% à 40% à travers les accords internationaux. Je sais que le gouvernement et les instances du Grand Genève sont en discussion pour essayer d'aller dans cette direction, mais il me semble qu'il serait bien que notre parlement donne un signal dans ce sens également, à savoir qu'on puisse augmenter la part de télétravail à deux jours par semaine. Je vous remercie.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le parti socialiste voit dans le télétravail la possibilité de permettre une meilleure conciliation entre la vie professionnelle, la vie familiale et la vie personnelle. Toutefois, il ne peut s'effectuer que sur la base du volontariat, raison pour laquelle notre parti a déposé un amendement qui précise que le télétravail ne peut être que volontaire.

L'autre élément qu'il nous semble important de souligner, c'est qu'il n'y a pas lieu ici d'opposer la fonction publique et le secteur privé: les collaborateurs et collaboratrices, qu'ils travaillent dans le privé ou le public, ont tous à un moment donné expérimenté le télétravail et ont pu voir pendant la période de la pandémie les avantages qu'ils pouvaient éventuellement en retirer pour mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Par contre, et c'est important, on l'a rappelé tout à l'heure, il faut des cautèles. Il faut une convention, il faut pouvoir cadrer le télétravail, et aujourd'hui les employeurs tant du public que du privé s'accordent sur le fait que le taux de télétravail doit s'élever à environ 40% du temps de travail. Cela veut dire aussi cadrer la disponibilité, le temps de repos, les pauses, et s'assurer que les travailleurs et travailleuses ne soient pas atteignables jour et nuit, sans plus de distinction entre la sphère privée et la sphère professionnelle. Cela signifie également une attention à la santé, à la posture, au matériel à disposition.

Le parti socialiste souhaite ajouter, et c'est assez piquant, que nous nous réjouissons de voir que les Verts soutiennent finalement le télétravail dans le secteur privé; nous attendons aussi qu'ils soutiennent le télétravail dans le secteur public, puisque pour l'instant, à la commission des travaux, ils n'ont pas voté les crédits permettant de développer cette pratique dans le secteur public.

Les socialistes insistent donc sur le fait que le télétravail doit être volontaire, mais qu'il doit se déployer dans l'ensemble de la société, avec toutes les cautèles qui permettent à chacun et chacune d'avoir un travail de qualité, mais aussi une vie personnelle compatible avec le travail au quotidien. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Edouard Cuendet (PLR). On a vu ces derniers temps que les Verts voulaient nous dicter notre mode de vie et notre manière de manger en nous interdisant la viande, on voit maintenant qu'ils veulent se diriger vers une économie planifiée. C'est le but de cette motion, qui va à l'encontre du droit supérieur, comme l'a relevé mon collègue Béné, puisque les relations contractuelles en Suisse sont réglées non pas par le plan quinquennal Vert, mais par la loi sur le travail, le code des obligations et les conventions collectives. L'économie n'a pas attendu les Verts pour introduire le télétravail, et comme l'a indiqué M. Béné, il existe une convention type de télétravail qui n'a pas besoin d'interventionnisme étatique.

De plus, cette motion, comme l'a dit M. Eckert, veut tout et son contraire: le télétravail, oui, mais déconnecté - au fond, c'est le but de cette motion -, avec un droit à la déconnexion. Par ailleurs, pour les travailleurs frontaliers, cette motion est absolument impraticable, puisque la convention franco-suisse arrive à échéance le 30 juin prochain et que, si elle n'est pas renouvelée de manière satisfaisante, le télétravail pour les frontaliers sera tout simplement impossible. Il y aura dès lors de toute façon une inégalité de traitement crasse entre les entreprises qui peuvent organiser le télétravail et celles qui ne le peuvent pas, pour des raisons notamment de modèle d'affaires - pour les services, c'est beaucoup plus facile que pour le tertiaire ou le secondaire. Il y a donc des inégalités de traitement scandaleuses.

Enfin, ce qui me rassure au fond, c'est que même la CGAS, qu'on ne peut pas qualifier de dérive néolibérale, contrairement à moi... (Rires.) ...a aussi vu un problème d'inégalité de traitement et de non-conformité avec les conventions de travail. C'est donc un euphémisme que de dire que cette motion a fait un flop à la commission de l'économie et que les Verts ont désespérément essayé de la réparer avec des emplâtres sur une jambe de bois par des amendements plus que bancals. Voilà pourquoi je vous invite à la rejeter sèchement. Merci.

M. Jean Burgermeister (EAG). Effectivement, en l'état, le groupe Ensemble à Gauche ne votera pas non plus cette motion. Elle contient des éléments intéressants, qui ont été soulevés par l'auteur, le rapporteur de minorité, dont le but est de permettre une pratique qui a été, de force, généralisée pendant la période covid. Toutefois, comme cela a été dit, il est vrai que, d'abord, il faut s'assurer que le télétravail se fasse sur une base volontaire; ensuite, on ne saurait le généraliser et l'encourager sans s'être avant tout assurés qu'il existe un encadrement plus strict des droits des salariés adapté en fonction d'une réalité particulière. Et qui dit davantage de protections et davantage de droits dit qu'il faut aussi s'assurer qu'il y ait des contrôles possibles. Or c'est évidemment une difficulté du télétravail. Même une fois qu'on se serait mis d'accord sur des droits pour les salariés, il faudrait la possibilité de contrôler qu'ils soient bien appliqués.

Cela ne veut pas dire qu'il faut éviter le télétravail; le recours à cette pratique est utile dans beaucoup de cas. Pour certaines professions, il faut le rappeler, c'est structurellement impossible; mais pour d'autres, cela peut être une solution intéressante. Encore faut-il qu'elle soit limitée ! Effectivement, la CGAS notamment recommandait que le télétravail ne dépasse pas 40% du taux hebdomadaire d'activité des travailleurs et travailleuses, afin d'éviter entre autres l'isolement social que ces derniers ressentiraient s'ils passaient les semaines seuls chez eux, parce que le travail est aussi un lieu de socialisation.

Accroître la protection, c'est l'urgence, en réalité. M. Cuendet relevait qu'il existe des conventions de télétravail. C'est vrai: l'organisation patronale qu'est la FER a élaboré une convention de télétravail. Mais enfin, Mesdames et Messieurs, on ne saurait sérieusement considérer qu'il s'agit là d'une convention satisfaisante pour défendre les salariés ! Il faut avancer avec les syndicats en particulier pour garantir des protections plus importantes, pour éviter notamment cet isolement social, pour permettre un droit à la déconnexion, et à ce titre-là, je le souligne, cela pose des questions qui vont au-delà du télétravail: en réalité, la question du droit à la déconnexion se pose déjà indépendamment du télétravail, avec la généralisation des outils informatiques et de la communication par mail ou par téléphone portable privé, qui parfois se confond avec le téléphone professionnel. Ce droit à la déconnexion, c'est-à-dire le droit pour les salariés de déconnecter du travail une fois leur journée de labeur terminée, indépendamment des mails, des coups de fil, des messages qu'ils peuvent recevoir ou, s'ils sont chez eux...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Jean Burgermeister. Mais je conclus, Monsieur le président, je vous remercie ! ...des demandes supplémentaires qu'on peut leur adresser, eh bien c'est un défi urgent, et pour cela, Mesdames et Messieurs, on ne peut pas s'appuyer uniquement sur la FER, comme le veut Cuendet...

Une voix. Monsieur Cuendet ! (Commentaires.)

M. Jean Burgermeister. Il faudra travailler avec les salariés, avec leurs représentants syndicaux, bien entendu... (Commentaires.)

Le président. C'est terminé, Monsieur le député. (Brouhaha.)

Une voix. Avec Monsieur !

M. Jean Burgermeister. ...avec Monsieur... (L'orateur insiste sur le mot «Monsieur». Exclamations.) ...Cuendet ! Excusez-moi... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue à s'exprimer hors micro.) ...ce n'était pas le sens du propos ! (Commentaires.)

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je relis le rapport de majorité, qui conclut à juste titre que c'est «une chance à saisir que de pouvoir repenser notre manière de travailler». Mais ce n'est pas qu'une chance ! C'est juste une réalité et un besoin ! Comme l'a dit notre pré... pré...

Une voix. Préopinante ! (Commentaires. Exclamations.)

M. Thierry Cerutti. ...préopinante socialiste, les enjeux sont importants, en lien avec la vision du travail de demain, par rapport à la famille, au travail, bien naturellement, à la vie privée, professionnelle, etc. Cela étant, si pour nous l'Etat doit jouer un rôle de facilitateur, voire d'accompagnateur auprès de l'administration et de ses employés - donc auprès de l'administration en général -, ce n'est pas le cas pour le privé: celui-ci doit avoir la liberté d'agir et de prendre ses propres décisions pour son propre intérêt. Pour cette raison, le MCG ne votera pas la motion et s'alignera sur le rapport de majorité. Merci.

M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les signataires ont dégainé très rapidement avec cette motion: M. Eckert a parlé du temps, mais en réalité elle a été déposée en août 2020. On était en plein dedans ! La problématique est apparue au premier plan et, évidemment, à ce moment-là, on ne savait pas ce qui allait se passer. C'étaient des hypothèses, certains pratiquaient déjà cette manière de travailler, d'autres pas. Bien entendu, deux ans après, c'est là, c'est fait, c'est intégré, ça fonctionne ! Ce sont les entreprises qui ont pris cela en main, avec les desiderata de l'employeur - le contrôle des heures, etc. - et les desiderata de l'employé, qui voudrait une certaine liberté, une conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, ou du coworking, pourquoi pas.

Par ailleurs, on parle tous de 40%. Alors oui, mais ce sont les voeux de qui ? De quelle entreprise, en fonction de quel type d'exploitation ? Tous ces éléments sont à discuter, à mettre en place, et il n'y a pas de souci à se faire. C'est certain, cela va se pratiquer partout où c'est possible. Maintenant, ce sont plutôt des limites qu'il faut mettre à l'excès de télétravail, parce que, d'un point de vue social, cela pose un certain nombre de problèmes, d'isolement et autres. Les équilibres sont donc là, la question est posée et, cela a été dit, le droit fédéral doit être respecté. Par conséquent, laissons faire la législation fédérale ! A Genève, l'exemple que je donne, c'est celui de l'UAPG, qui dispose de documents qui règlent la problématique de manière satisfaisante. Pour nous, parti démocrate-chrétien, actuellement, et même si la fiscalité avec nos amis français est en train de se régler, il n'est pas utile d'en rajouter et nous refuserons cette motion. Merci.

M. André Pfeffer (UDC). Beaucoup a déjà été dit, et je serai très bref. Cette motion invite le Conseil d'Etat à inciter fortement nos entreprises à proposer la pratique du télétravail, à réaliser une large campagne d'information, à prévenir d'éventuelles dégradations des conditions de travail, etc. Pour une très large majorité des commissaires, le problème doit être essentiellement réglé au niveau fédéral et en fonction du code des obligations. Nos entreprises et nos partenaires sociaux ont déjà largement pris conscience de cette nouvelle pratique et n'ont pas attendu notre Conseil d'Etat. Mais surtout, la majorité ne veut pas d'un interventionnisme étatique excessif et d'un encadrement trop lourd. Pour ces raisons, le groupe UDC vous invite à refuser cette motion. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de minorité pour une minute.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. C'était juste pour répondre aux interventions du groupe socialiste et lui signaler que j'ai déposé, en même temps que cette motion, un projet de loi qui est actuellement, à ma connaissance, en cours de traitement à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat et dont l'objectif est aussi de favoriser le télétravail dans le secteur public. J'accueille avec bienveillance l'amendement qu'ils proposent, qui consiste à préciser que le télétravail est introduit uniquement à titre volontaire. Bien entendu, je l'ai indiqué en préambule, cela me paraît évident, mais cela va mieux en le disant.

Peut-être encore une chose: je pense que la convention actuellement proposée est insuffisante. A ce titre, je suis déçu du groupe Ensemble à Gauche, parce que la motion a justement pour objectif d'essayer d'améliorer cette convention afin de répondre pleinement aux besoins des travailleuses et travailleurs dans le domaine du télétravail et de les protéger des diverses dérives qui peuvent survenir dans ce contexte. C'est une des invites de la motion qui me paraît essentielle. Enfin - vous transmettrez, Monsieur le président -, M. Cuendet dit que l'accord va de toute façon tomber le 30 juin, mais la motion demande aussi qu'on assouplisse cette règle internationale le plus possible. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, indiscutablement, la pandémie a donné au télétravail ses lettres de noblesse. On s'est rendu compte à quel point cette manière de travailler pouvait apporter un support efficace aux entreprises et permettre, lorsque la situation sanitaire l'exige, de protéger les travailleuses et travailleurs des entreprises du canton en leur donnant la possibilité d'oeuvrer à distance. De là à dire que le télétravail est une panacée, il y a un pas qu'il ne faut pas franchir aisément. Même les connaisseurs de la défense des travailleuses et travailleurs sont pour le moins prudents sur ce point. On sait combien il est important que chaque personne ayant une relation de travail puisse faire clairement la part des choses entre le moment où elle est à disposition de son employeur et le moment où elle doit pouvoir, le cas échéant, reprendre des forces, se consacrer à sa famille ou à ses loisirs. Le fait de télétravailler peut créer une relation constante avec l'employeur, un regard constant, notamment sur les courriels, qui peut affecter l'état de santé de la personne concernée.

Par conséquent, pour ce qui est de la seule invite que la commission a retenue, à savoir que le Conseil d'Etat devrait inciter fortement les entreprises actives à Genève à proposer la pratique régulière du télétravail à leurs employés, manifestement, on nous demande quelque chose d'impossible: soit le télétravail correspond au type d'activité exercée, soit il correspond aussi à la protection des travailleurs dans un cas particulier... Et les entreprises savent très bien le faire dans la quasi-totalité des cas, pour pouvoir protéger la santé de leurs travailleurs tout en permettant de progresser sur le plan économique.

Ce baroud d'honneur en faveur du télétravail est presque à côté de la réalité: l'économie va faire son travail dans ce domaine, avec évidemment les embûches que nous connaissons actuellement au niveau fiscal, puisque Genève est une presqu'île dans l'Union européenne, je le rappelle, avec toutes les problématiques que cela peut engendrer. Mais il n'en demeure pas moins que ce n'est pas par une motion que nous arriverons à faire évoluer les pratiques dans ce domaine. Les sociétés le font, les entreprises le font, les travailleuses et travailleurs le demandent. Une relation de partenariat entre employeurs et employés, qui est quand même la plupart du temps bien présente, permet à chacun de trouver les meilleures solutions possibles, sachant que l'entreprise a aussi intérêt à favoriser le télétravail dans certaines circonstances. On imagine à quel point - et on peut le regretter d'un autre côté - les surfaces de travail pourraient être réduites avec des personnes qui travaillent à distance, à temps partiel, bien sûr, pas à 100%, de loin pas.

Voilà, Mesdames et Messieurs. L'idée est bonne, mais laissons la société évoluer à son rythme, sachant que la crise sanitaire que nous avons traversée a été un catalyseur extrêmement important pour cette pratique. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous allons procéder au vote de l'amendement général présenté par le rapporteur de minorité. Il s'énonce comme suit:

«- à inciter les entreprises actives à Genève à proposer la pratique régulière du télétravail à leurs employés et employées;

- à proposer et mettre en place des mécanismes incitatifs pour convaincre les entreprises d'introduire plus largement la pratique du télétravail dans leur quotidien tout en maintenant l'équité entre le personnel ayant la possibilité de télétravailler et celui qui ne l'a pas;

- à prévenir l'éventuelle dégradation des conditions de travail (manquements des employeurs et des employeuses dans leur devoir d'assistance, abus tels que le passage vers une rémunération sur mandat plutôt que mensuelle, appels et communications hors des heures de bureau au mépris du droit à la déconnexion, flexibilisation à outrance des horaires de travail, etc.) par une sensibilisation accrue quant aux devoirs des employeurs et des employeuses;

- à mettre à disposition un modèle de convention de télétravail pleinement compatible avec la loi sur le travail (LTr);

- à faire en sorte que ce modèle soit proposé aux partenaires sociaux dans le cadre de la conclusion de CCT;

- à prendre langue avec le Conseil fédéral pour qu'il entreprenne des démarches auprès des partenaires européens en vue d'assouplir les règlements dissuadant une personne résidente dans l'Union européenne de pratiquer le télétravail à plus de 25% à Genève, que cela soit du point de vue des prestations sociales ou de la fiscalité.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 36 oui.

Le président. Nous sommes saisis d'un deuxième amendement proposé par Mme Nicole Valiquer Grecuccio et M. Romain de Sainte Marie. Il modifie la première invite de la façon suivante: «- à inciter fortement les entreprises actives à Genève à proposer la pratique régulière du télétravail sur base volontaire à leurs employées et employés.» Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 35 oui.

Mise aux voix, la proposition de motion 2669 est rejetée par 78 non contre 1 oui et 4 abstentions (vote nominal).

Vote nominal