Séance du
vendredi 20 mai 2022 à
18h05
2e
législature -
5e
année -
1re
session -
5e
séance
R 973-A
Débat
Le président. Voici le point suivant de notre ordre du jour: la R 973-A, classée en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Les rapporteurs sont priés de prendre leur carte avant de s'installer à la table. (Un instant s'écoule.) Pour le moment, seul le rapporteur de deuxième minorité s'est annoncé... (Un instant s'écoule.) Ah voilà, je donne la parole à la rapporteure de majorité, Mme Amanda Gavilanes.
Mme Amanda Gavilanes (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Excusez-moi, j'avais oublié d'appuyer sur le bouton. A croire, vu le sujet, que j'étais sous l'eau... Bref, c'est la fin de la journée !
Une voix. C'est bientôt fini.
Mme Amanda Gavilanes. Oui, voilà. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui le rapport de majorité concernant la proposition de résolution 973, qui porte sur l'aménagement du Rhône en aval du pont Sous-Terre. Celle-ci a été traitée par la commission d'aménagement du canton lors de trois séances en septembre, novembre et décembre 2021. Les travaux ont mis en lumière la nécessité d'une collaboration entre l'Etat et la Ville de Genève afin de garantir le développement d'un projet où l'eau, qui constitue un élément structurant du territoire, est considérée à sa juste valeur. C'est précisément à partir de l'eau que l'on pourra concevoir un plan d'aménagement de qualité qui remplisse les attentes de la population genevoise.
En effet, voilà de nombreuses années que la pointe de la Jonction et le pont Sous-Terre connaissent une fréquentation de plus en plus élevée, que la Ville et le canton - mais surtout la Ville - tentent de trouver des solutions, et la présente proposition se place dans cette lignée-là, il s'agit de donner une impulsion. Comme vous le savez, les bords du Rhône ont un succès croissant, en particulier durant la saison estivale; les berges de la pointe de la Jonction et du pont Sous-Terre sont littéralement prises d'assaut, et il est nécessaire d'installer dans cette zone des infrastructures qui offrent plus de convivialité et de sécurité.
Malheureusement, il n'a pas été possible de trouver un compromis. Cet objet légèrement amendé par la commission demande au canton de prendre langue avec la Ville afin de résoudre ce problème et de procurer aux habitants l'accès à l'eau qu'ils réclament tant et dont nous avons discuté à de nombreuses reprises ces dernières semaines dans notre enceinte. Je me permets de vous lire le texte tel que sorti des travaux de commission:
«[...] invite le Conseil d'Etat
- à effectuer toutes les démarches nécessaires permettant de réaliser un projet d'aménagement pour l'accès au Rhône en aval du pont de Sous-Terre, le long de la pointe de la Jonction, en collaboration avec la Ville de Genève;
et plus particulièrement
- à faciliter l'installation ou la prolongation de pontons le long des berges;
- à développer les accès à l'eau et les délimitations nécessaires à la baignade dans le fleuve;
- à soutenir la mise en place d'un système d'information des changements de débit du fleuve;
- à faciliter la mise en place d'un pont pédestre en aval du pont de Sous-Terre.»
C'est cette dernière invite qui a été amendée par la commission. A la quasi-unanimité... Non, je plaisante: à la majorité, la commission a accepté cette proposition de résolution et vous invite dès lors à y donner bonne suite. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole va maintenant à M. Stéphane Florey, rapporteur de deuxième minorité.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Tu ne prends pas la parole ?
M. Rémy Pagani. Après ! Après toi.
M. Stéphane Florey. Mais tu dois intervenir en premier.
M. Rémy Pagani. Non, non, vas-y.
M. Stéphane Florey. Bon... Cette proposition de résolution pose un problème de sécurité. On l'a vu par le passé: tous les aménagements au fil de l'eau génèrent malheureusement un certain nombre de noyades. Or un noyé, c'est un noyé de trop. Il faut juste se demander pourquoi; quand vous créez ce type d'infrastructures, vous donnez confiance aux citoyens, ils croient qu'ils vont pouvoir se baigner en toute sécurité alors que c'est totalement faux.
La baignade en eaux vives reste dangereuse, et avant d'installer quoi que ce soit, il faut que les personnes aient conscience de cela et que l'Etat lui-même l'admette. Soit on informe correctement les gens en leur disant: «Vous pouvez vous baigner, mais c'est à vos risques et périls. Si un accident survient, ma foi, on vous aura mis au courant, vous aurez pris le risque en toute connaissance de cause», soit on s'applique à ce que cela n'arrive pas, c'est-à-dire que le jour où on construit des équipements, on fournit la sécurité qui va avec.
Voilà des années qu'on observe les différentes autorités, notamment la Ville de Genève, se renvoyer la balle. J'entends encore M. Pagani prendre la parole au Conseil municipal en tant que conseiller administratif et renvoyer la patate chaude au Conseil d'Etat, il le disait lui-même à l'époque, et on en est là aujourd'hui. Vous pouvez concevoir tous les projets d'aménagement que vous voulez, le problème, c'est que le risque est évident et que personne ne veut l'endosser.
Alors maintenant, comme je l'indiquais avant, soit l'Etat dit à la population: «C'est chacun pour soi et on se dédouane de toute responsabilité s'il vous arrive quelque chose», mais il faut le formuler clairement et bien le mettre en avant, soit il s'engage vraiment en prenant les choses en main, en développant un réel concept de sécurité, en mettant tout en oeuvre pour qu'il n'y ait plus de noyades. Bien entendu, la sécurité ne sera jamais de 100%, j'en suis parfaitement conscient et je peux très bien vivre avec, mais il faut arrêter de revenir à la charge chaque année.
En effet, depuis que je siège ici, c'est-à-dire 2007, on vote quasiment tous les deux ans des projets de ce type, que ce soit des pétitions, des motions ou des résolutions, tout ça pour satisfaire la gloriole du premier signataire, qui peut alors s'exclamer: «Ah, moi j'ai réussi à améliorer la baignade au bord du Rhône !» Sauf qu'on parvient toujours au même résultat: des aménagements sont mis en place, les gens vont se baigner et malheureusement, de temps en temps, on déplore des décès dus à des noyades.
Il faut bien comprendre que Genève n'a pas la culture de la baignade en eaux vives, c'est un mythe. On ne voit nulle part ailleurs les mêmes équipements, à savoir qu'aujourd'hui, on incite la population à nager entre deux barrages. Vous ne trouvez ça nulle part ailleurs, il n'y a qu'à Genève qu'on voit ça ! Allez à Berne ou n'importe où d'autre, il n'y a pas la même configuration. Non seulement le danger n'est pas le même, mais surtout les gens ont cette culture de la baignade en eaux vives; à Genève non, ça reste un mythe. Vous faites croire aux habitants qu'ils peuvent se baigner dans le Rhône. La plupart des autres cantons et villes n'ont pas la chance d'avoir un lac à proximité; ici, on peut nager dans le lac, mais non, on pousse les gens à aller se noyer dans le Rhône. C'est juste une aberration ! Assumez vraiment ça ou alors refusez cette proposition de résolution. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce qu'il faut dire en préambule, c'est que le canton ne développe malheureusement pas de politique pour mettre en oeuvre la volonté populaire, qui devient de plus en plus pressante, d'accéder aux berges de notre lac. Je prends l'exemple du quai Wilson: celui-ci est encore en enrochements alors qu'on nous promet depuis quinze ans des estacades, des lieux agréables, et j'ai pourtant vu des tas de projets. Voilà le premier problème.
Le deuxième enjeu, c'est l'accessibilité à l'ensemble des rives du lac. Je l'ai indiqué hier soir et je continuerai à le marteler: tant que le gouvernement du canton ne manifestera pas de volonté de développer, comme autour du lac de Neuchâtel, des sentiers pédestres... Il ne s'agit pas de créer des pistes cyclables, il s'agit d'aménager un cheminement piétonnier, comme à Thonon, où les gens peuvent accéder au lac, se promener, s'y rafraîchir, parce qu'aujourd'hui, on est face à un vrai problème climatique; les étés seront de plus en plus rudes pour les uns et les autres, et il faut rendre les bords du lac accessibles au public.
Or ce qu'on voit, mis à part la plage des Eaux-Vives qui est très bien de ce point de vue là, c'est qu'on met des millions au Vengeron ou à la plage des Eaux-Vives, et puis on envoie les gens se baigner le long du Rhône. En ce qui me concerne, j'ai un véritable problème de conscience chaque fois que je vois l'hélicoptère partir pour les bords du Rhône afin de repérer un noyé ou quelqu'un qui s'est perdu, je trouve cela lamentable.
Les pompiers le savent, et l'Etat de Genève le signale très clairement - je vous cite ses recommandations: «On ne nage pas dans le Rhône comme on le ferait en piscine. La baignade en eaux vives n'est recommandée qu'aux excellents nageurs et nageuses. Courants forts et imprévisibles, chutes de température, bateaux qui aspirent ou assomment, variations de profondeur, objets inattendus et dangereux, risque de fond rocheux, les dangers sont nombreux. Il faut donc s'y préparer et veiller les uns aux autres.» C'est un extrait de la fiche «Se baigner dans le Rhône» qui figure sur le site ge.ch, vous pouvez aller la consulter.
C'est tout de même extraordinaire: nous sommes le seul canton où on invite les gens à se baigner dans une zone en deçà d'un barrage, là où les eaux changent constamment, et on y construit des pontons, on y installe ci et ça, on y vend de l'alcool. Les gens se précipitent dans ce lieu, alcoolisés, alors évidemment, les accidents sont prévisibles. Certes, ça paraît très beau, très bucolique de nager dans le Rhône à cet endroit-là ou, de manière générale, de se baigner... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Il y a des salles à votre disposition à l'extérieur pour tenir vos colloques, Mesdames et Messieurs, mais ici, laissez les orateurs s'exprimer. Je vous remercie. Poursuivez, Monsieur.
M. Rémy Pagani. Ça paraît peut-être très bucolique pour les jeunes, et d'ailleurs, il y a encore le problème du pont Sous-Terre. Il est interdit de sauter depuis le pont Sous-Terre, mais personne n'est présent pour empêcher les jeunes de se lancer. Pourtant, c'est défendu ! Et on laisse croire le contraire aux jeunes gens. Je ne vous dis pas le drame quand un adolescent se noie dans des conditions pareilles; évidemment, les derniers noyés étaient des étrangers qui séjournaient à Genève temporairement, donc les drames se sont passés ailleurs. Mais le jour où un jeune bien de notre république se noiera, c'est fort possible qu'une famille se retourne contre l'Etat ou la Ville de Genève parce qu'ils n'auront pas suffisamment mis en garde ou même parce qu'ils auront soutenu la pratique de la baignade à cet endroit.
Je le dis et le redis: il faudrait au moins sécuriser les lieux. Il y avait l'idée que les services de secours volontaires - qui accomplissent un travail admirable, je tiens à le souligner, pour ce qui est de la protection de la rade, pour aller rechercher des bateaux en perdition - s'occupent d'une zone définie, comme on le voit ailleurs, et c'est d'ailleurs étonnant qu'on ne s'en inspire pas. Dans l'ouest de la France, où on va tous, au bord de l'Atlantique, il y a des périmètres délimités pour la baignade qui sont surveillés par les pompiers. Or à Genève, cela n'existe pas, il n'y a même pas un secteur circonscrit sur le Rhône, ouvert au public, où les gens peuvent nager s'ils le souhaitent vraiment.
Je ne suis pas opposé à la baignade en tant que telle, je condamne le fait que les autorités encouragent celle-ci sans se donner les moyens de protéger la population, mission à laquelle elles se sont pourtant engagées, c'est quand même pour cela que nous sommes élus, c'est pour préserver nos citoyens. Malheureusement, ce que je constate, c'est qu'on se contente de mettre un petit panneau en avertissant les gens qu'il est dangereux de nager à cet endroit, c'est tout. Merci de votre attention. J'ai terminé, Monsieur le président.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi exceptionnellement d'intervenir après les rapporteurs et avant un bon nombre d'orateurs pour vous dire que cet objet revêt bien entendu une importance majeure. Or quelle n'a pas été ma surprise de constater que la commission n'a auditionné aucun des services cantonaux concernés, elle a juste entendu la Ville de Genève.
Il s'agit ici de compétences de l'office cantonal de l'eau avant tout. Il faut également régler avec l'office cantonal de l'agriculture et de la nature les questions liées aux obligations fédérales de protection de la biodiversité. Quant aux éléments essentiels évoqués par M. Pagani en matière de sécurité, il convient encore d'entendre la police cantonale qui est chargée de la sécurité des personnes et qui mène des politiques sur ce plan.
Très sincèrement, Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport qui contient seulement l'avis de la Ville de Genève occulte toute une série d'actions d'ores et déjà menées; des enjeux sont aujourd'hui soulevés qui n'y figurent nulle part. C'est pourquoi le Conseil d'Etat propose le renvoi en commission de cette proposition de résolution dans le but d'auditionner ces trois entités cantonales concernées par l'objet de vos discussions.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, donc je repasse la parole aux rapporteurs. Monsieur Florey ?
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président, c'est exactement la chose à faire: aller au bout de l'étude, au terme du processus, et ceux qui continueront à défendre cette proposition de résolution le feront en toute connaissance de cause, avec possiblement des morts sur la conscience, mais ça les regarde.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, je suis en faveur du renvoi en commission dans la mesure où nous avons la responsabilité d'étudier l'ensemble de la problématique. On pourrait d'ailleurs nous reprocher de ne pas avoir fait le travail ou accuser le Conseil d'Etat - c'est pourquoi je me réjouis de cette intervention de M. Hodgers - de ne pas avoir pris la parole pour dire: «Vous n'avez pas suffisamment examiné la question, il faut aller plus loin», le Mémorial étant consultable. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à soutenir le renvoi. Il ne s'agit pas de peindre le diable sur la muraille, ce n'est pas nécessaire, je crois que tout le monde a compris qu'il convient d'approfondir le sujet. Je vous remercie par avance.
Mme Amanda Gavilanes (S), rapporteuse de majorité. Je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit, nous sommes également en faveur du renvoi en commission.
Le président. Bien, merci. Mesdames et Messieurs, je vous prie de vous prononcer sur la demande de renvoi à la commission d'aménagement du canton.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de résolution 973 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 57 oui contre 25 non.