Séance du vendredi 28 janvier 2022 à 14h
2e législature - 4e année - 7e session - 41e séance

M 2714-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Marjorie de Chastonay, Pierre Nicollier, Jennifer Conti, Delphine Bachmann, Thomas Bläsi, Didier Bonny, Bertrand Buchs, Emmanuel Deonna, Jocelyne Haller, Véronique Kämpfen, Philippe Morel, Sandro Pistis, Françoise Sapin sur la problématique du packing dans le canton de Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 27 et 28 janvier 2022.

Débat

Le président. Nous traitons à présent la M 2714-B et je cède la parole à Mme Marjorie de Chastonay.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'autisme - ou les TSA, les troubles du spectre autistique - est un trouble neuro-développemental dont le spectre est très très large et qui présente des profils très différents, avec ou sans déficience intellectuelle. Mais peu importe ici.

La M 2714 et le RD 1203 ont passé six années dans les couloirs parlementaires. Bien avant, des associations sont montées au créneau, parmi lesquelles Autisme Genève. Depuis 2014, plus de six ans se sont écoulés. Au-delà des tergiversations parlementaires, des notions de définitions, des nuances d'interdictions, il y a la réalité, la pratique et le terrain.

Le packing est une pratique controversée qui consiste à emballer des enfants autistes dans des draps humides et froids. Pour les groupements comme Autisme Genève, la FéGAPH et d'autres associations de parents en lien avec l'autisme, il s'agit de maltraitance ! Même si les associations sont satisfaites que le packing ne soit plus pratiqué dans notre canton - comme d'ailleurs l'Organisation des Nations Unies l'avait recommandé spécifiquement pour Genève -, leur combat continue. Pour les parents de jeunes atteints de TSA, qui comme tous les parents veulent et doivent protéger leurs enfants, ce combat continue, il perdure, il use.

Je parle ici de l'actualité et je vais vous citer un article du «Temps» du 27 janvier 2022: «VIOLENCE: Enfants privés de nourriture, enfermés, projetés au sol, laissés dans leurs excréments ou encore traînés d'une pièce à l'autre par leurs vêtements: notre enquête prouve l'existence de mauvais traitements répétés de la part d'une partie du personnel du foyer genevois de Mancy.» (L'oratrice est saisie par l'émotion.) Je suis émue et je n'ai pas honte de l'être, parce qu'il est scandaleux de lire ça dans les médias. Il est honteux qu'après des décennies de combat mené par les associations de parents dans le canton de Genève, on en arrive encore à de tels constats.

Aujourd'hui, par le biais de cette motion concernant le packing, qui relève lui aussi de la maltraitance, je fais le lien avec la maltraitance qu'on découvre encore actuellement au travers des médias. En faisant ce lien par l'intermédiaire de la M 2714, je demande au Conseil d'Etat in corpore que l'information ne circule pas seulement dans le domaine de la santé. Certes, cette problématique a trait à la santé, mais nous avions réclamé que l'information soit étendue aux établissements accueillant des personnes en situation de handicap, et je demande aujourd'hui qu'elle soit vraiment traitée plus largement, de manière interdépartementale, et qu'elle atteigne également le département de l'instruction publique, les foyers ainsi que toutes les personnes en lien avec ces enfants et ces jeunes. Merci. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le groupe socialiste ne peut que soutenir les propos de Marjorie de Chastonay. En effet, l'actualité nous montre que, malheureusement, les situations de maltraitance au sein d'institutions, y compris pour mineurs, sont toujours des faits extrêmement graves et peuvent encore se produire aujourd'hui. Il n'est donc pas du tout inutile que l'Etat déploie très largement l'information afin de dire que nous ne voulons plus de cette pratique du packing. Il faut le signifier non seulement aux établissements de santé, mais aussi, comme le Conseil d'Etat l'a reconnu dans son rapport, et je le salue, aux institutions pour personnes handicapées adultes, aux institutions pour mineurs - je crois que c'est très important -, aux écoles et aux foyers.

J'aimerais également rappeler - et je terminerai par là - que les travaux de commission menés par ce parlement ont montré que la pratique du packing concerne non seulement les autistes, mais aussi les personnes atteintes de handicaps mentaux ou d'une paralysie cérébrale. Enfin, la pratique a concerné ces personnes, puisque apparemment ce n'est plus le cas aujourd'hui. Je pense toutefois qu'il est important que le Conseil d'Etat s'exprime très clairement vis-à-vis des institutions qui sont sous sa surveillance pour donner un message explicite au sujet de cette pratique, dont nous ne voulons plus. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). On s'est effectivement beaucoup préoccupé du packing. J'aimerais dire à ceux qui ne connaissent pas du tout la situation de ces enfants que nous sommes tombés de la lune en entendant ce qu'on pouvait faire avec eux pour essayer de les calmer. On s'est dit par la suite qu'on avait fait un long travail sur le packing et qu'on était parvenu à une solution, puisque le Conseil d'Etat a très clairement indiqué qu'il n'en voulait pas, mais c'est alors qu'on a vu qu'il n'y avait pas que le packing. Des tas d'autres choses se passent dans ces centres pour enfants handicapés, et c'est purement scandaleux !

Il y a plus de deux ans, le PDC a déposé la M 2560, qui a été acceptée par notre parlement. Cette motion, dont Mme Delphine Bachmann était la première signataire, demandait simplement que des contrôles soient effectués, à l'instar de ceux qui sont réalisés dans les EMS. En effet, des contrôles extrêmement bien faits ont lieu dans les EMS; ils sont inopinés et vont vraiment dans le détail. Or dans les organisations, dans les foyers pour enfants handicapés, il y a très peu de contrôles.

Ça fait à présent deux ans que cette motion a été adoptée et nous n'avons toujours pas reçu de réponse du Conseil d'Etat. Deux ans sans réponse ! On fait maintenant face à la problématique du foyer de Mancy, et il est probable que la situation en question ne soit qu'un problème parmi d'autres. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je comprends l'émotion qui est exprimée lorsqu'il est question de maltraitance et de comportements qui ne devraient pas avoir lieu dans notre république. Ces derniers font l'objet d'une attention toute particulière du gouvernement. Il s'agit du reste d'un rappel pour nous aussi: rien n'est jamais acquis et il faut être vigilant face à des comportements qui peuvent à un moment donné être déviants par rapport aux règles que nous posons nous-mêmes.

Il faut rappeler par une information large adressée à l'ensemble des acteurs quelle est notre préoccupation et quelles sont nos exigences dans ce domaine, exigences qui doivent être particulièrement élevées. En ce qui concerne le packing, soit la problématique traitée par cette motion, je crois que le Conseil d'Etat a répondu sans l'ombre d'une hésitation qu'il ne le tolérait pas - ou plus, dirait-on, puisqu'il a existé, il faut le reconnaître, mais qu'aujourd'hui, à notre connaissance, il n'est plus pratiqué. Cela dit, encore une fois, la vigilance est de mise, de même qu'une attention toute particulière à l'égard d'enfants qui souvent ne peuvent pas librement exprimer leur propre volonté, ou dont on estime, lorsqu'ils le font, qu'ils expriment une volonté altérée par des atteintes à leur santé. Je dis toujours que les personnes atteintes dans leur santé psychique, mentale, sont sans doute les plus fragiles des patients, puisque soit elles se soumettent au traitement qu'on leur propose - voire parfois qu'on leur impose - et à ce moment-là on considère qu'elles sont compliantes, soit elles s'y opposent et on en déduit alors qu'elles ne sont pas conscientes des bienfaits des traitements qu'on leur présente et qu'il faudrait les leur imposer contre leur volonté. C'est là effectivement que la vigilance doit être tout particulièrement de mise, mais vous pouvez compter sur le fait que le Conseil d'Etat n'acceptera aucune compromission de quiconque dans ce domaine. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2714.