Séance du
vendredi 10 décembre 2021 à
14h
2e
législature -
4e
année -
6e
session -
37e
séance
PL 12849-A
Premier débat
Le président. Nous abordons notre dernière urgence, à savoir le PL 12849-A. Il s'agit d'un débat en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Alberto Velasco, à qui je cède la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi LIAF concerne une subvention pour quatre associations qui font de la prévention en matière de sida. Il avait été voté à l'unanimité de la commission des finances, donc je ne comprends pas pourquoi il apparaît aujourd'hui aux urgences.
J'aimerais savoir qui a proposé l'urgence et surtout pourquoi, car personne dans cette assemblée ne sait, excepté ceux qui l'ont demandée, les raisons pour lesquelles on veut traiter ce texte en urgence alors que ces structures ont toujours fait leur travail convenablement, les rapports qui nous parviennent sont toujours très positifs.
Il est vraiment invraisemblable qu'on soit aujourd'hui saisi d'une demande d'urgence visant à ne pas voter l'aide financière à ces entités. Je prendrai à nouveau la parole par la suite, Monsieur le président, mais je voudrais d'abord que les personnes qui ont sollicité l'urgence s'expriment et expliquent pourquoi elles tentent de faire obstruction à ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je pense que vos propos ont été bien entendus. Je passe la parole à M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, le groupe PLR a initialement sollicité la sortie des extraits de ce projet de loi, puis l'urgence a été proposée par les Verts et nous l'avons soutenue, le but étant d'avancer sur la question que je vais vous exposer.
Il ne s'agit pas de remettre en question le travail et le financement de ces associations, mais simplement d'attirer votre attention sur le fait qu'au sein de Dialogai, les activités du Refuge nous posent un certain nombre de problèmes, et nous aimerions pouvoir en débattre. C'est pourquoi, à la fin de mon intervention, je conclurai en demandant que cet objet soit renvoyé à la commission des finances avec un préavis de la commission de la santé. Voilà le premier point.
Le deuxième élément d'argumentation concerne le Refuge en lui-même, et je me réfère ici au document joint au projet de loi, notamment à la copie du mandat de prestations qui précise que l'action de Dialogai au sein du Refuge vise la «prévention des troubles psychiques et des comportements à risque chez les jeunes présentant des difficultés en lien avec leur orientation sexuelle et/ou leur identité de genre». La structure offre une solution d'hébergement à court terme pour les jeunes LGBTIQ+ en situation de rupture sociale, d'exclusion familiale, etc.
Il se trouve qu'aujourd'hui, les travailleurs du Refuge se consacrent essentiellement - à hauteur de 80% - à la prise en charge des jeunes trans, souvent mineurs, et ont mis en place une approche transaffirmative, et c'est celle-ci qui nous pose problème. En effet, cette évolution s'est faite sous les radars, si j'ose dire, et je pense qu'il n'est pas sain pour nous qui finançons cette association et qui avons également des responsabilités en matière de santé publique de ne pas savoir exactement en quoi consistent ces pratiques.
Par définition, l'approche transaffirmative entend confirmer l'autodiagnostic trans d'un jeune et l'aider à procéder sans attente ni évaluation à une transition sociale - changement de nom, etc. - et souvent aussi à une transformation d'ordre médical, laquelle inclut des traitements d'hormonothérapie, une transformation de genre, le blocage de l'adolescence ou des interventions chirurgicales comme l'ablation des seins.
Or la démarche qui devrait normalement prévaloir, puisque le but du Refuge est surtout d'apporter un soutien... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...aux parents et aux familles, c'est d'assurer avec vigilance l'accompagnement des jeunes...
Le président. Merci...
M. Pierre Conne. ...jusqu'à leur maturité pour qu'ils puissent ensuite faire un choix. Face à cette situation...
Le président. Merci, Monsieur le député...
M. Pierre Conne. ...nous demandons le renvoi à la commission des finances avec préalablement un préavis de la commission de la santé. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Bien, il en est pris bonne note. Avant que je lance la procédure de vote, est-ce que M. le rapporteur de commission souhaite se prononcer sur la proposition de renvoi ? (Remarque.) C'est le cas, alors je vous cède la parole, Monsieur Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Nous refuserons le renvoi en commission.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la problématique soulevée par M. le député Conne est connue du département, qui y travaille. Dans le domaine de la transsexualité, c'est vrai, nous avons des limites à fixer en ce qui concerne les interventions. Votre parlement a d'ailleurs été saisi d'un autre texte qui, lui, est plutôt axé sur la conversion sexuelle, qui voulait initialement se consacrer exclusivement aux opérations médicales.
Force est de constater que les choses sont bien plus complexes que cela, et si la chirurgie peut être facilement contrôlée et les débordements sanctionnés par la loi sur la santé, si le suivi psychiatrique peut également être contrôlé et sanctionné s'il le faut par ladite loi, tout ce qui gravite autour est beaucoup moins contrôlable, notamment les entités qui agissent dans le cadre spirituel, voire religieux. Cette question est traitée non seulement par le département de la santé, mais aussi par ceux de l'instruction publique et de la cohésion sociale, un travail à ce sujet est en cours.
De là à renvoyer en commission ce projet de loi qui couvre davantage que cette petite activité, laquelle mérite certes une attention toute particulière, mais est largement minoritaire par rapport à l'ensemble des autres actions assumées par la collectivité dans le contexte de cet objet, je pense que la démarche est largement disproportionnée.
En revanche, vos questions sont légitimes, pas seulement parce que nous nous les posons déjà nous-mêmes, mais parce qu'elles sont sociétales. Si l'évolution de notre société qui accorde une place centrale à la liberté personnelle de l'individu, y compris mineur, dans ce domaine doit naturellement être suivie, une question subsiste: quand cette volonté est-elle librement exprimée ?
C'est là toute la nuance, et aucun projet de loi ne réussira à éclaircir ce point; c'est dans les faits, c'est dans la pratique que des garde-fous doivent être mis en place, nous devons nous assurer de ne pas aller trop vite en besogne, si vous me passez l'expression, s'agissant de jeunes qui ont des interrogations à un moment de leur existence, de leur adolescence en particulier, et qui pourraient être amenés trop rapidement à des choix qu'ils ont certes manifestés, mais peut-être de manière hâtive, sans qu'ils correspondent réellement à un profond changement personnel.
Partant, je considère qu'un renvoi en commission constituerait une perte de temps préjudiciable pour l'ensemble des acteurs mentionnés dans ce projet de loi. Dans le cadre d'autres discussions qui doivent avoir lieu à la commission de la santé, ce sujet pourra bien entendu être abordé. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, je mets aux voix la demande de renvoi à la commission de la santé pour préavis à la commission des finances.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12849 à la commission de la santé pour préavis à la commission des finances est rejeté par 59 non contre 30 oui et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons le débat. La parole revient à M. Yves de Matteis.
M. Yves de Matteis (Ve). Merci, Monsieur le président. Je m'apprêtais à souligner que la voie choisie ici n'est pas du tout opportune: on utilise un outil parlementaire visant l'attribution d'un budget pour régler une question de fond, ce qui n'est pas adéquat. Preuve en est que le projet de loi aurait été renvoyé en premier lieu à la commission de la santé pour préavis, et ensuite à la commission des finances.
Dès lors, Mesdames et Messieurs, pourquoi ne pas plutôt adresser directement à la commission de la santé une proposition de motion qui ne concernerait pas l'ensemble des associations s'occupant du thème du sida mais, comme l'a suggéré le magistrat, qui ciblerait précisément et explicitement la thématique de la transidentité, avec un intitulé approprié mentionnant cette question ?
En ce qui nous concerne, notre groupe n'a pas voté le renvoi à la commission de la santé et à celle des finances, mais appuiera cet objet de manière unanime, comme il l'a déjà fait en commission et comme l'a fait la commission des finances, et je vous invite également à adopter le texte à l'unanimité maintenant pour que ces subventions soient attribuées.
En effet, il n'y a pas très longtemps, les représentants du même parti qui a demandé de retirer ce point des extraits affirmaient que les contrats de prestations conclus entre le Conseil d'Etat et les structures concernées doivent être respectés, et je trouve que c'est une excellente idée. Par conséquent, je vous enjoins de soutenir ce projet de loi. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). La demande du PLR de renvoyer ce projet de loi en commission est absurde et donne l'impression d'une tentative de chantage. Ce groupe a bien entendu le droit de se poser toute sorte de questions, mais je trouve que la réponse du conseiller d'Etat, M. Mauro Poggia, était plutôt raisonnable, il faut le dire.
On a affaire ici à un texte qui accorde une subvention à des associations actives dans la promotion de la santé des populations en situation de vulnérabilité. On parle de santé sexuelle et de prévention, essentiellement en lien avec les infections sexuellement transmissibles. Typiquement, ces personnes se retrouvent à un moment donné dans la pauvreté ou la précarité et, dès lors, sont d'autant plus vulnérables face à diverses formes d'infections, y compris les maladies sexuellement transmissibles.
Il s'agit donc d'un objet qui a une atteinte sur la santé publique, qui est absolument essentiel, et l'idée de faire blocage à un tel projet de loi en se basant sur des considérations plus ou moins réactionnaires face à l'identité trans est hautement problématique. C'est comme si on disait que pour lutter contre le trafic des êtres humains, on interdisait la mendicité, cela n'a évidemment aucun sens. C'est absurde, dangereux, bête et méchant, et par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce texte dont l'importance est renforcée par la situation dans laquelle nous évoluons en ce moment, une situation de crise sociale qui s'étend.
Il faut en effet rappeler que les inégalités sociales augmentent le taux d'infection, accroissent les risques pour les populations dans la précarité de voir leur santé se dégrader, et les associations actives sur ce front accomplissent un excellent travail, parce qu'elles sont en contact direct avec les gens, parce qu'elles disposent d'une très bonne connaissance du terrain et parviennent à réaliser un travail de prévention en amont extrêmement efficace et bénéfique pour tout le monde. C'est pourquoi je vous recommande d'accepter ce projet de loi.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je serai bref. Le groupe du Centre - PDC - n'a pas soutenu la demande de renvoi en commission et votera ce projet de loi. J'encourage le groupe PLR à saisir la commission de contrôle de gestion pour que celle-ci enquête sur le problème qui existe dans cette structure et procède à des auditions, ou alors à déposer une proposition de motion qui sera traitée à la commission de la santé. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). L'UDC ne s'opposera pas à ce projet de loi. Mais en ce qui concerne les débats qu'on mène à longueur d'année sur les projets LIAF, et je crois qu'on l'a déjà dit à plusieurs reprises, ce Grand Conseil devrait quand même se poser des questions. Là, on voit bien que les quatre associations font exactement le même travail. Alors on va me rétorquer: «Oui, mais celle-ci ou celle-là concerne plus particulièrement telle ou telle thématique.» Soit, mais dans les grandes lignes, leur activité est parfaitement similaire. Dès lors, pourquoi est-ce qu'elles ne se regroupent pas une bonne fois pour toutes sous une seule et même appellation et mènent ensemble un vrai travail de prévention ? Mais qu'elles le fassent vraiment de A à Z, pas par petits bouts chacune de leur côté.
A mon avis, si on agissait dans ce sens-là, il y aurait plus d'efficience, on ferait certainement des économies d'échelle. En effet, quatre associations, c'est quatre secrétariats, c'est quatre locaux à louer, tout est multiplié par quatre. Alors je ne dis pas qu'il faudrait diviser la subvention par quatre, mais en tout cas d'un bon tiers. On pourrait vraiment réaliser des économies, parce que quand on sait ce qu'elles dépensent juste pour faire tourner la machine, il y a une énorme perte d'argent à ce niveau-là. Voilà ce que je voulais dire. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste souhaite rappeler que ce projet a été voté à l'unanimité de la commission des finances sans que cela prête à débat, sans aucune abstention, sans aucune opposition. Je souligne également qu'il s'agit d'une subvention à des associations actives essentiellement dans le domaine de la prévention de la santé sexuelle, notamment dans la lutte contre le sida.
Renvoyer ce texte à la commission de la santé ne serait qu'une perte de temps et reviendrait à prendre en otage politique toutes les structures concernées. Or les actions et prestations assumées par ces associations sont absolument essentielles dans le cadre actuel, raison pour laquelle nous vous recommandons d'accepter cet objet aujourd'hui même. Je vous remercie.
Le président. Merci bien. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12849 est adopté en premier débat par 62 oui contre 14 non et 1 abstention.
Le projet de loi 12849 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12849 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 19 non.