Séance du
vendredi 4 juin 2021 à
16h10
2e
législature -
4e
année -
1re
session -
9e
séance
PL 12171-A
Premier débat
Le président. L'objet suivant de l'ordre du jour est classé en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, c'est à vous.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Les auteurs de ce projet de loi pensent qu'il n'est pas bien que l'autorité des communes genevoises soit limitée en matière d'aménagement; les auteurs de ce projet de loi pensent qu'il n'est pas bon que l'Etat maîtrise l'aménagement, en particulier le choix des zones et la typologie des constructions; les auteurs de ce projet de loi pensent que l'intervention de l'Etat est source d'oppositions et de confrontation entre l'Etat et les communes. D'après eux, leur projet propose de mieux impliquer les communes en donnant justement à celles-ci la possibilité de délivrer un préavis - mais un préavis négatif et contraignant. Selon les auteurs, cela réduirait le nombre de litiges entre les communes et l'Etat et, par conséquent, cela augmenterait la vitesse de réalisation.
J'ai participé aux discussions de cette commission et, de loin, cela avait l'air d'être une bonne idée, mais la majorité de la commission n'a quand même pas été dupe ! Car la nouvelle doctrine proposée par l'UDC, en particulier aux alinéas 4 et 5 de l'article 6, signifie tout simplement la fin de toute politique d'aménagement à Genève !
Que disent les deux modifications à ces alinéas ? Elles disent ceci: «En cas de préavis négatif, la procédure d'adoption du projet de plan localisé de quartier prend fin.» Voilà, c'est une proposition simple et efficace: la proposition de l'UDC met fin facilement à toute politique d'aménagement à Genève en donnant le pouvoir aux Conseils municipaux de bloquer tout PLQ !
L'UDC nous avait déjà donné l'habitude de cacher le diable dans les détails de ses projets de lois et j'avoue que, parfois, elle ne le fait pas exprès ! C'est certainement le cas ici avec une conséquence prévisible et pernicieuse de leur proposition qui sera d'entretenir de longues zizanies municipales dans les communes, de déplacer les litiges à l'échelon communal, entre propriétaires, aménageurs et conseillers municipaux. Pourquoi ? Tout simplement parce que les propriétaires sont parfois favorables à des projets d'aménagement qui les concernent ! Parce que les propriétaires sont parfois aussi porteurs de ces projets d'aménagement, et ce texte nuirait bien sûr grandement à ceux-ci ! Ils seraient facilement annulables par ce possible préavis négatif contraignant qui empêcherait ensuite toute densification sans l'accord impératif du Conseil municipal concerné.
Par contre, une autre doctrine efficace serait d'associer plus en amont les communes à la conception d'un projet afin de définir des objectifs communs à l'Etat et à la commune. C'est une possibilité connue et en partie pratiquée. Cette autre doctrine est déjà passée dans la pratique depuis 2015. Pour tous les PLQ, une discussion a lieu désormais avec tous les acteurs de l'aménagement du territoire - l'Etat, la commune, les propriétaires, les habitants et les coopératives. Depuis 2015, plusieurs milliers de personnes à Genève ont participé à des centaines de séances. Le système semble fonctionner à satisfaction; la concertation mise en place depuis 2015 a permis de lever des blocages, de trouver des accords. Elle n'empêche pas toujours l'opposition, il y a encore des oppositions...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. François Lefort. ...mais globalement, il y a une meilleure compréhension des projets.
La situation actuelle est que l'Etat est le gardien des règles et qu'il laisse à la commune le soin de s'approprier les formes urbaines, l'identité urbanistique qu'elle désire. Par ailleurs, comme je viens de le décrire, un large processus de concertation a été mis en place. La majorité de la commission d'aménagement refuse donc de donner aux Conseils municipaux un outil de blocage qui ne ferait que ralentir ou empêcher tout processus d'aménagement, et elle vous recommande bien sûr de la suivre dans cette conclusion. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi n'a rien d'une grande révolution: il est uniquement question d'augmenter - et pour une petite part - la compétence des communes genevoises, et cette compétence concernerait uniquement les plans localisés de quartier. Les communes genevoises bénéficieraient de la possibilité d'émettre un préavis certes décisif plutôt qu'indicatif comme c'est le cas actuellement. Ce petit changement - petit pas vers une décentralisation - aurait des avantages.
Premièrement, les communes connaissent le mieux leur territoire et leur région. Deuxièmement, les plans localisés de quartier sont aussi dessinés pour la planification des infrastructures publiques, ce que les communes maîtrisent. Troisièmement, les communes s'opposent aujourd'hui régulièrement aux PLQ sans véritables compétences et avec des procédures juridiques. Quatrièmement, une décentralisation diminuerait le nombre d'oppositions, spécialité genevoise, ainsi que les délais exorbitants de réalisation de nos projets.
Encore une fois, il est question de décentraliser une petite part de l'acte de construction. L'Etat de Genève resterait maître de la planification du territoire; l'Etat resterait maître des affectations des bâtiments et des densifications des constructions; l'Etat resterait maître pour les autorisations de construire. L'unique modification proposée est de transmettre une compétence aux communes: plus d'implication, moins de contestations et moins d'oppositions. A l'heure où nous parlons beaucoup de transferts de tâches vers les communes, accordons-leur une petite compétence qui leur permettra d'avoir un réel impact et une participation réelle au développement et à l'avenir de leur territoire. Les communes sont déjà outillées pour cette fonction; les communes exercent déjà cette tâche en déposant des préavis à titre indicatif. Surtout, elles l'exercent déjà en faisant quasi systématiquement opposition. Genève est l'unique canton où les communes ont aussi peu de compétences. Ce tout petit pas ne changerait rien à la densification et au bétonnage - et strictement rien à l'affectation des logements dans les futurs quartiers.
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
M. André Pfeffer. J'ai écouté avec attention le rapporteur de majorité: je propose de renvoyer ce projet de loi à la commission d'aménagement du canton pour que celle-ci amende éventuellement le projet dans le sens qu'il a proposé.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi ?
M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il n'y a pas de raison de renvoyer ce texte en commission; je n'ai pas proposé d'amendement, j'ai parlé de la pratique actuelle ! Donc, pour la majorité, il n'y a aucune raison pour un renvoi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Est-ce que le Conseil d'Etat souhaite s'exprimer ? Ce n'est pas le cas, le vote est donc lancé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12171 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 57 non contre 17 oui et 1 abstention.
Le président. Nous continuons le débat, la parole va à M. le député Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut s'arrêter sur les mots prononcés par M. Pfeffer: une petite modification ! Sauf que cette modification va impliquer beaucoup de transformations - dont une transformation radicale ! Aujourd'hui, M. Pfeffer semble méconnaître la situation: tous les conseillers municipaux sont appelés à se prononcer sur tous les PLQ concernant leur commune. C'est d'ailleurs grâce à l'Alliance de gauche - donc Ensemble à Gauche, historiquement, et notamment grâce à M. Christian Grobet - que ce droit d'initiative municipal a été introduit dans la loi genevoise: le droit d'initier des PLQ et de se prononcer sur les PLQ pour les communes. Les communes ont donc déjà ce pouvoir, sauf qu'elles le font valoir dans le cadre du bien commun et pas dans le cadre des petites histoires communales, avec des pressions exercées sur les maires des communes - petites en l'occurrence - pour bloquer le développement ou pour améliorer la rentabilité des projets.
Les PLQ ont un double objectif, que M. Pfeffer semble là aussi ignorer ou en tout cas feindre d'ignorer. Ce double objectif est de réguler les intérêts des uns et des autres, dont ceux des propriétaires des terrains concernés, ainsi que d'affecter tout ou partie des immeubles à une zone bien précise. Les PLQ ne sont pas là pour régler l'ensemble de l'aménagement du canton; ils sont là pour résoudre des problèmes d'aménagement urbanistique pur dans lesquels il ne s'agit pas de faire valoir les intérêts des uns ou des autres. Dans un petit canton, les questions d'aménagement relèvent d'un plan d'aménagement. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard si l'UDC s'est opposée au plan d'aménagement cantonal !
Notre groupe, Ensemble à Gauche, est bien évidemment pour l'autonomie communale. Cette autonomie est aujourd'hui respectée par le droit d'initiative, le droit d'initier des PLQ et le droit de se prononcer. On le verra d'ailleurs le 13 juin avec la votation sur la Cité de la musique, concernée par un PLQ. Le Conseil municipal s'est prononcé et ça a donné lieu à un référendum: c'est dire le pouvoir démocratique qui est accordé aux communes puisqu'elles peuvent utiliser le droit de référendum ! Pour nous, il n'est donc question ni d'entrer en matière sur ce projet de loi ni d'accepter une petite mesure éventuelle qui représenterait en fait une grave atteinte à l'aménagement de notre territoire.
Mme Ruth Bänziger (Ve). Chères et chers collègues, l'adoption de ce texte donnerait aux communes la possibilité de refuser un projet de plan localisé de quartier. Mais quel serait l'intérêt de proposer un tel projet - soit une procédure qui engage des moyens financiers et humains - sachant que le PLQ pourrait être tout simplement refusé par une commune ? Ce ne serait ni logique ni économique et cela ne favoriserait pas la concertation !
C'est en amont du PLQ que la commune doit pouvoir être entendue, par le biais notamment du plan directeur communal ou du plan directeur de quartier. Au Grand Conseil, nous pouvons être à l'écoute des communes dans le cadre des projets de modifications de zone. Si la planification directrice de la commune le prévoit, quel est l'avantage de refuser un PLQ ? L'enjeu n'est pas oui ou non, mais où et comment - et cela se décide avant !
Si ce projet de loi avait été déposé avant la réforme des PLQ en 2015, il aurait pu être utile; il aurait effectivement pu éviter à quelques communes des projets imposés par l'Etat, élaborés sans concertation par une administration cantonale bien trop éloignée du terrain. Actuellement, avec les nouvelles procédures, canton et communes ont le devoir d'organiser une large concertation qui peut et devrait contribuer à améliorer la qualité des PLQ.
Ce qui manque notamment aux communes, c'est un soutien à la mise en oeuvre des PLQ, par exemple une réactivité de l'Etat pour les PLQ d'initiative communale, un accompagnement cohérent des communes sur la durée, notamment dans les projets comprenant des anciennes zones de villas, un soutien lors de la délivrance des autorisations de construire et enfin un esprit ouvert pour des solutions de mise en oeuvre innovantes autant pour les aménagements extérieurs que pour l'architecture.
En l'occurrence, ce projet de loi n'apporterait pas de plus-value qualitative aux projets et aurait comme effet de ralentir ou de bloquer l'adoption des PLQ. Par conséquent, le groupe des Vertes et des Verts vous invite à le refuser. (Applaudissements.)
Mme Badia Luthi (S), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, selon la loi fédérale, l'aménagement du territoire est une compétence qui revient principalement aux cantons. Ceux-ci établissent les plans directeurs cantonaux qui expriment une vision du développement de l'ensemble du territoire. Quand la vision de développement concerne un espace précis du territoire, les cantons peuvent produire l'outil du PLQ qui leur permet de planifier leur urbanisation et leur aménagement. Les PLQ permettent donc au canton d'organiser l'équipement du territoire et de mettre en oeuvre l'aménagement dans des zones de développement. Ces plans sont obligatoires dans ces zones parce qu'ils permettent d'établir une ligne directrice, ils apportent une vision opérationnelle de l'extension du tissu urbain, de la réorganisation du territoire, de l'agrandissement des villages ou prévoient encore la création de zones d'activités publiques ou privées.
Il est très important de se rendre compte de l'intérêt qu'il y a à ce que ce soit le canton qui fixe les exigences de construction par le biais des PLQ, qu'il s'agisse de la densité, de la répartition des droits à bâtir, des gabarits ou du nombre de logements d'utilité publique et d'équipements.
A côté de la compétence accordée au canton pour établir les PLQ, les communes disposent d'un délai très raisonnable de 45 jours pour émettre des préavis et pour faire part de leurs observations et remarques, ce qui permet une coopération équilibrée. En effet, le canton a toujours laissé la porte ouverte à une collaboration constructive.
Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à vous rappeler que le parti socialiste a toujours soutenu un travail de collaboration entre canton et communes dans le domaine de l'aménagement. Or, le PL 12171 va à l'encontre de cette coopération ! Au contraire, il présente le grand risque de détruire l'équilibre qui existe entre les compétences du canton et celles des communes ! Le parti socialiste s'inquiète de la création d'un tel déséquilibre, si les communes étaient dotées d'un pouvoir qui dépasse leurs attributions actuelles. A-t-on réfléchi aux conséquences de ce projet de loi, au cas où les communes refuseraient catégoriquement les PLQ à venir ? A-t-on réfléchi à la façon de résoudre le problème du manque de logements à Genève ? A-t-on réfléchi à la possibilité pour le canton de restructurer son territoire en zones de développement ? Mesdames et Messieurs les députés, la réponse est évidente, ce texte ne fera que bloquer le développement du canton - un développement nécessaire pour répondre aux besoins en logements et en équipements publics !
C'est pour toutes ces raisons que le parti socialiste ne soutiendra pas ce projet de loi dangereux pour le développement et l'aménagement de notre canton, d'autant plus que nous estimons qu'il est primordial de garder l'équilibre établi entre le canton et les communes et de continuer dans la voie de la négociation ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le député Stéphane Florey, vous avez la parole pour deux minutes trente-sept.
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, quand j'entends le mot «collaboration», ça me fait doucement rigoler: aujourd'hui, il n'y a quasiment aucune collaboration, vu que les communes n'ont pas leur mot à dire ! Elles donnent bien un préavis, mais regardez ce qui va se passer le 13 juin ! On a appris par la presse que, de toute façon, quoi qu'il arrive - que ce soit refusé ou non par la population - l'Etat pourra s'asseoir sur le résultat du vote populaire ! C'est un vrai scandale, c'est un vrai déni de démocratie ! Et c'est ça que vous vous apprêtez à refuser aujourd'hui: donner vraiment la voix à la population via les référendums qu'elle lance. Non, vous préférez que M. Hodgers s'étale dans la presse en disant que quoi qu'il arrive, il fait ce qu'il veut. Cette politique est un véritable scandale, c'est un véritable déni de démocratie et c'est à ça que vous acquiescez aujourd'hui !
Heureusement, il y a encore des gens sur cette terre qui s'occupent de vouloir donner la vraie parole au peuple. (Commentaires.) L'exemple le plus parfait en est l'initiative qui fait l'objet - parce qu'elle demande quasiment la même chose - d'un recours au Tribunal fédéral. Nous, nous sommes quasiment persuadés que le Tribunal fédéral donnera raison aux initiants, parce qu'il est parfaitement inadmissible de pouvoir s'asseoir sur la volonté populaire telle qu'on aimerait qu'elle soit définie aujourd'hui.
Finalement, de quoi s'aperçoit-on ? De plus en plus - et on aura les réponses sur deux objets le 13 juin - nous avons un conseiller d'Etat aux abois, qui voit toute sa politique faire l'objet de contestations: tous les objets déposés ces cinq voire dix dernières années ont fait l'objet d'une contestation ! En vote populaire, ils ont tous été refusés ! En refusant ce petit projet de loi qui pourrait débloquer toutes les situations en donnant la parole au peuple, vous allez au-devant de vrais blocages. C'est ce que vous faites aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés; c'est pour ça que nous vous demandons d'au moins ouvrir ce genre d'objets au vote populaire.
Mme Danièle Magnin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais faire un parallèle avec le dicton qui dit que «charbonnier est maître en sa maison»: c'est Henri IV qui avait estimé qu'un charbonnier était maître chez lui ! Eh bien, aujourd'hui, on dédaigne les communes et on leur nie le droit d'être maîtresses chez elles. J'ai habité dix ans la commune de Chancy et je me rappelle très bien ce sentiment d'abandon, d'être considérés comme quantité négligeable. Parce qu'on fait du jacobinisme à Genève: on veut tout diriger de façon centralisée ! On veut imposer des choses aux gens et c'est absolument inadmissible !
Alors le MCG soutiendra ce projet de loi et je vous invite à en faire autant pour la raison essentielle que nous ne sommes pas dans une monarchie absolue. Nous ne sommes pas des jacobins, nous sommes des démocrates suisses ! Merci de votre attention ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Madame Michaud Ansermet, le groupe UDC n'a plus de temps de parole. Monsieur Jean-Luc Forni, la parole est à vous.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Monsieur le président, pour toutes les raisons exprimées et très bien résumées par le rapporteur de majorité, le parti démocrate-chrétien ne soutiendra pas ce projet de loi. Même si nous sommes, au sein du PDC, très attachés à l'autonomie des communes, il nous semble quand même essentiel que l'Etat reste le gardien des règles dans ce domaine. D'ailleurs, la lecture du rapport de commission démontre que les communes de même que le canton ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent: une loi sur l'aménagement du territoire a été votée ! Le canton doit veiller à ce que cette loi soit appliquée sur son territoire. Je vous rappelle aussi que cette loi a été acceptée parce qu'une autonomie communale peut-être trop grande dans certains cantons a conduit à des surdensifications qui ont finalement été l'objet de cette loi adoptée par le peuple.
On l'a entendu aussi, l'élaboration des PLQ se fait dans un processus de concertation dans lequel les communes ont leur mot à dire. Si on octroie cette possibilité de blocage aux Conseils municipaux, ça pourra effectivement devenir problématique dans le cas d'une commune qui aurait décidé de ne procéder à aucun développement. On a également entendu les conflits qui pourraient surgir à l'intérieur d'une commune entre les promoteurs, le Conseil municipal et les particuliers qui sont souvent aussi générateurs de ce type de projets. Enfin, j'aimerais signaler que, dans le cadre de la «paix des braves» signée récemment, lors de densifications de la zone villas, on prend davantage l'avis des communes, notamment par l'émission de plans directeurs communaux qui définissent aussi les zones où l'on peut accroître la densité de la zone de construction.
Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien considère que ce projet de loi ne fera pas une bonne loi; nous allons donc le refuser.
M. Cyril Aellen (PLR). Monsieur le président, à la question de savoir si l'aménagement du territoire est un enjeu fondamental pour le développement de notre canton, la réponse est naturellement positive. A la question de savoir si ces prochaines décennies, l'un des enjeux principaux sera effectivement le développement de notre canton, la réponse est toujours affirmative. Dans un contexte de libre circulation, la pandémie nous fait réaliser qu'un ralentissement économique a aussi des conséquences sociales importantes pour nos cantons, et nous devons nous rappeler que ces questions et ces préoccupations sont fondamentales pour le nôtre.
De la même manière, il est toujours souhaitable que la collaboration entre le canton et les communes se fasse au mieux, parce qu'on peut toujours faire mieux et qu'on doit toujours faire mieux. Toutefois, contrairement à ce que disent les représentants de l'UDC, on n'a pas affaire à une modification mineure avec ce projet de loi, parce que le PLQ est une pièce centrale de l'aménagement du territoire, il ne s'agit pas seulement des autorisations de construire et des déclassements. Il faut appeler un chat un chat, ce qui nous est proposé aujourd'hui, c'est une opération de blocage du développement ! Moi aussi, je suis parfois défavorable à certains projets, mais il faut affronter ces situations avec franchise et discernement et, le cas échéant, il faut proposer un projet de loi qui permet une meilleure collaboration. De mon point de vue, ça a été fait pour la zone villas et le consensus trouvé était bon. C'est la raison pour laquelle la majorité de ce Grand Conseil avait voté ce texte, mais la présente façon de faire, comme ça, sans autre examen, n'est à mon sens pas acceptable !
Dernier point, on nous parle de mode démocratique: je ne partage pas cette analyse. Dans beaucoup d'endroits, des projets d'importance cantonale sont élaborés et votés dans une seule et unique commune; on l'a vu en ville de Genève, on le voit dans les communes suburbaines, on le voit aussi dans d'autres communes. Le vrai processus démocratique consisterait à pouvoir demander à l'entier du canton de se prononcer sur ces projets d'envergure cantonale.
C'est pour ces raisons que ce projet de loi - dont je comprends les origines - est totalement inacceptable et que le groupe PLR le refusera.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à Mme Danièle Magnin pour deux minutes et une seconde.
Mme Danièle Magnin (MCG). Monsieur le président, je voudrais rappeler que lorsqu'on devient suisse par naturalisation, on le devient d'abord dans une commune. Le canton et la Confédération arrivent seulement ensuite. La Confédération a une constitution qui dit que le peuple suisse et les cantons forment la Confédération, et il en va de même pour les communes genevoises ! Si ce ne sont pas les communes qui forment le canton, alors qui est-ce ? Qui mieux que soi-même peut savoir ce qui est bon pour lui ? Il y a des choses que les communes demandent depuis des lustres, qu'elles n'obtiennent pas ou avec des difficultés immenses ! Eh bien, on leur donnerait un peu plus de possibilités de choisir ce qu'elles veulent faire. Pour moi, il est indispensable que les communes puissent décider chez elles, parce que leurs habitants y sont au quotidien et savent comment on peut obtenir telle ou telle chose, comment on traverse une rue, avec quel danger, ou comment les liens se font entre les divers quartiers. Vouloir leur imposer un autre fonctionnement parce que des gens, ailleurs, pensent savoir mieux que ces habitants, moi, je trouve ça révoltant ! C'est pour ça que je vous invite à nouveau à voter en faveur de ce projet de loi.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le débat sur ce projet de loi tombe au bon moment: il pose la question du siège du pouvoir final de décision en matière d'aménagement du territoire. La loi le prévoit clairement: en matière de déclassements, c'est-à-dire au moment où on répond à la question de savoir si on veut rendre une zone constructible, eh bien, c'est le parlement qui décide, par le biais d'une loi, puis le peuple, in fine, si un référendum est lancé. Récemment, nous avons eu quelques cas de contestation populaire; contrairement à ce que dit le député Florey, il se trouve que cette contestation par le peuple concernait moins de 10% des modifications de zone. 90% de ces modifications font donc l'objet d'adoptions soit par le parlement, soit par le peuple lui-même, ce qui montre qu'il n'y a pas un blocage absolu, mais que la démocratie s'exerce.
En matière de plans localisés de quartier, la compétence est dévolue - après consultation et préavis - au Conseil d'Etat; s'il y a désaccord entre le Conseil d'Etat et la commune, cette compétence revient au Grand Conseil. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi veut donc enlever aux représentants du peuple cantonal la compétence de décider pour la redonner aux représentants des peuples communaux - puisqu'on parle beaucoup de peuple... un vocable quand même assez populiste ! Sur le fond, la question qui se pose est de savoir qui décide in fine; ce projet de loi change radicalement le dispositif en donnant le dernier mot aux communes.
Tout d'abord, sur les prétendus conflits entre l'Etat, le Conseil d'Etat et les communes: dans cette salle, avez-vous souvenir de la dernière fois qu'une commune s'est opposée à un PLQ du Conseil d'Etat et que, par conséquent, votre Grand Conseil a été saisi de l'arbitrage entre le Conseil d'Etat et la commune ? (Commentaires.) Ça fait extrêmement longtemps ! Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que ça n'arrive pas ! Cela veut dire que le Conseil d'Etat travaille en très bonne intelligence avec les communes. Ça ne veut pas dire qu'on est d'accord sur tout; ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas parfois des intérêts cantonaux à défendre et qu'il n'y a pas parfois des intérêts communaux à défendre, mais, globalement, cela doit faire en tout cas des années qu'il n'y a pas eu un arbitrage mené par le Grand Conseil sur un désaccord entre le Conseil d'Etat et une commune. Depuis que je siège, cela n'est jamais arrivé ! Cela illustre que la collaboration est généralement bonne; sinon, vous seriez saisis tous les mois de ces désaccords.
Quelles seraient les conséquences si on allait dans le sens de ce projet de loi, si on donnait aux communes le dernier mot en matière d'aménagement du territoire ? On pense bien évidemment à certains quartiers bloqués par des communes qui ne veulent pas construire de logements, contrairement à d'autres qui font cet effort. Finalement, si on parle d'aménagement, cela concerne encore d'autres choses. Quid du réseau routier, y compris le réseau routier cantonal qui s'insère dans les PLQ ? Quid des réseaux de trams ? Prenons encore l'exemple de la commune d'Aire-la-Ville qui pourrait décider de convertir le site des Cheneviers en zone naturelle.
Il n'est pas possible d'aménager un canton sans que des décisions cohérentes - en lien aussi avec le plan directeur cantonal, validé par le Conseil fédéral - reposent sur l'ensemble des instances cantonales, et non pas sur un seul conseiller d'Etat ou même sur le seul Conseil d'Etat. Notre démocratie est bien faite, elle permet au peuple de se prononcer par un référendum sur l'opportunité d'un déclassement; elle permet aux autorités de discuter et donne in fine la compétence au Grand Conseil de trancher sur la question de la forme de la construction, à savoir celle du PLQ.
Bouger ce curseur est une fausse bonne idée qui entraînera des blocages, et pas seulement ceux souhaités par l'UDC et le MCG en matière de logement; il y aura des blocages sur la construction d'infrastructures cantonales dont la population a besoin. La démocratie, ce n'est pas de faire passer la volonté d'une minorité face aux besoins du plus grand nombre: nous défendons ici le canton et la population cantonale, et c'est bien là le sens de la loi actuelle, que je vous prie de ne pas toucher ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12171 est rejeté en premier débat par 72 non contre 19 oui et 1 abstention.