Séance du vendredi 4 juin 2021 à 16h10
2e législature - 4e année - 1re session - 9e séance

PL 12056-B
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile (LaCC) (E 1 05) (Simplification de procédure en cas d'évacuation d'un logement)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 27 et 28 août 2020.
Rapport de majorité de M. François Baertschi (MCG)
Rapport de minorité de M. Marc Falquet (UDC)

Premier débat

Le président. Nous passons maintenant au PL 12056-B, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. François Baertschi et le rapport de minorité de M. Marc Falquet, remplacé par... (Un instant s'écoule.) On verra ! Monsieur le rapporteur de majorité François Baertschi, c'est à vous.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi propose de supprimer la présence d'un représentant de l'Etat, en l'occurrence de l'OCLPF, durant les jugements d'évacuation. Une majorité de la commission a estimé que c'était une question importante et qu'il ne fallait surtout pas alléger les éléments de protection ou de contrôle autour des évacuations de logement. La perte du logement représente la mort sociale d'une personne. Il faut donc à tout prix pouvoir gérer au mieux ce moment difficile qui met de nombreuses personnes de notre canton en difficulté. A Genève, de plus en plus de personnes perdent leur logement. La situation est tendue. C'est vrai, la situation générale du logement est tendue, comme on le voit lors des nombreux débats auxquels nous pouvons assister dans cette enceinte. C'est à l'image de la réalité de notre société. Ainsi, la présence de l'OCLPF ainsi que des services sociaux n'a à notre sens rien d'excessif.

Rappelons quand même qu'auparavant, il y a quelques années, le procureur général en personne se déplaçait pour ces procédures. On voit donc qu'actuellement, au fil du temps... Alors certes, on nous dit que c'est la législation fédérale, mais il y a quand même une baisse de la protection du locataire dans ces moments ultimes. Sans doute y a-t-il davantage de négociations, mais il nous semble très malvenu de vouloir alléger le dispositif de présence de l'Etat dans la période que nous traversons actuellement, qui est une période tendue et catastrophique. Nous avons pu voir hier que la problématique des expulsions et des évacuations est délicate, en particulier pour les personnes âgées. Un projet de loi qui a été malheureusement refusé demandait qu'on attaque ce genre de difficultés à l'origine, à la racine - si je puis dire ainsi.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. François Baertschi. S'agissant de ces difficultés, qui sont subies de manière très négative par la population genevoise, la majorité a estimé que nous ne devions absolument pas alléger le dispositif. C'est pour cela que je vous invite à refuser le présent projet de loi.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit par mon préopinant, il s'agit de gestion des collaborateurs au sein de l'OCLPF. Ce projet de loi du Conseil d'Etat déposé en janvier 2017 vise à améliorer l'efficience de l'office cantonal du logement pour mettre un terme au gaspillage du temps de travail des collaborateurs dudit office ainsi qu'au gaspillage de l'argent public, ce sans toucher aux prestations. La direction de l'OCLPF a précisé que le travail doit être effectué en «back office» et ne peut pas l'être en audience. De ce fait, la présence systématique d'un collaborateur de l'OCLPF à l'audience est considérée comme une perte de temps et une perte d'argent.

Ce projet de loi permet de mettre un terme à une perte de temps et d'argent dans un service spécifique de l'Etat, sans impacter aucune prestation. Aucun effet délétère n'a été relevé. La minorité de la commission se joint à l'avis unanime des services directement concernés, soit l'office cantonal du logement, le procureur général et le Tribunal des baux et loyers, et encourage vivement le Grand Conseil à accepter ce projet de loi du Conseil d'Etat. Il est regrettable que nous ayons affaire sur cette question à des gens dogmatiques, car ce serait un petit effort pour tout le monde qui serait une bonne chose. La minorité de la commission vous demande donc d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président. J'ai dit.

M. Alberto Velasco (S). Je constate que le Conseil d'Etat, pour une question d'efficience au sein de l'office cantonal du logement, s'attaque à l'encadrement de ceux et celles qui perdent leur logement parce qu'ils sont évacués - parfois, ils ne connaissent pas très bien la loi et ont oublié de payer leur loyer, par exemple. Vous savez, c'est extrêmement difficile. J'ai moi-même fait partie, en tant que juge assesseur, de la composition du Tribunal des baux et loyers, où il y avait effectivement l'office cantonal du logement d'un côté et l'Hospice de l'autre, et je peux vous garantir que c'était très efficace, puisque ces personnes étaient face à la détresse des gens ! Or qu'est-ce qu'on nous propose ? On nous dit que, dans ce cas-là, on peut très bien leur téléphoner dans leur bureau ! Oui, à condition qu'ils y soient ! Parce que s'ils se déplacent, on ne les aura pas au téléphone, hein ! Imaginez, on leur téléphone et quelqu'un nous dit: «Non, il n'est pas là aujourd'hui, il faut téléphoner demain !» Là, ils étaient effectivement sur place et ils voyaient ce qui se passait. Et c'est très important pour les logements d'urgence. Pourquoi ? Parce que les seuls logements d'urgence qui existent, chers collègues, ce sont ceux des fondations ! Ce sont ceux des fondations, ceux de l'Etat, donc ! Eh bien oui, il est juste que les fonctionnaires soient présents pour dire à l'Hospice général qu'ils ont éventuellement la possibilité de loger telle personne ici ou pas. En tout cas, ils étaient là ! Et je trouve choquant, choquant, que pour obtenir un ou deux postes - même pas, parce que ces postes ne seront pas éliminés -, soi-disant pour des questions d'efficience, on veuille que ces personnes ne se rendent pas au Tribunal des baux et loyers, dans des cas d'exception, je le précise bien, des cas où la composition est là pour faire en sorte qu'il y ait des évacuations.

Nous pensons que c'est inadmissible, parce qu'avec la situation actuelle - le projet a en plus été déposé en 2017 - où nous subissons le covid, les évacuations sont encore plus difficiles qu'à l'époque, tout comme l'est la situation des logements d'urgence. Il nous semble donc important que l'Etat, en tant qu'entité, soit présent dans ce moment de détresse où des gens vont perdre leur logement. C'est très important. Il est essentiel que l'Etat puisse avoir une vision dans ces situations. Par conséquent, nous vous demandons de refuser le projet de loi du Conseil d'Etat, car cela n'apportera aucune économie, mais au contraire - au contraire ! - un surplus pour les services sociaux. Merci.

M. Sébastien Desfayes (PDC). Le PDC soutiendra ce texte. C'est un des rares projets de lois du Conseil d'Etat qui vise une plus grande efficience et qui n'a aucune conséquence sur les prestations. Cela a été dit, mais je le répète pour que ce soit bien compris, il apparaît qu'aux audiences devant le Tribunal des baux et loyers, la présence d'un fonctionnaire de l'office cantonal du logement n'a absolument aucune espèce d'utilité. Cette personne ne sert à rien et passe trois heures, sept fois par semaine, devant ce tribunal de manière superfétatoire et sans raison valable. Cela a été reconnu par tous les auditionnés, à l'exception de Mme Kast et de M. Christian Dandrès, mes amis, mais qui, malgré mes nombreuses questions posées sur ce sujet, ont été incapables de nous expliquer en quoi la présence d'une statue humaine en audience avait une quelconque importance.

Alors bien entendu, il faut protéger les locataires, l'accès au logement est un droit fondamental, mais les travaux ont révélé que la présence d'un fonctionnaire de l'office cantonal du logement ne servait à rien. Je rappelle simplement ce qu'a dit cet office: «Nous perdons notre temps. Le travail est fait en amont dans nos bureaux.» Olivier Jornot, procureur général, a indiqué que la présence d'un fonctionnaire de l'office cantonal du logement en plus d'un fonctionnaire de l'Hospice général était non seulement superflue, mais que ce n'était en plus pas efficient, parce que cela contribuait à une dilution des responsabilités. Mme Véronique Hiltpold, présidente du Tribunal civil, a indiqué que la valeur ajoutée de l'OCLPF en audience était nulle. Mme Vigneron, vice-présidente du Tribunal civil, responsable du Tribunal des baux et loyers, malgré sa longue expérience, ne se souvient même pas d'une intervention d'un membre de l'OCLPF en audience.

Par conséquent, force est de constater qu'il ne sert à rien de dépenser de l'argent et de l'énergie pour une cause absolument inutile. Vous verrez dans les procès-verbaux si vous estimez cela nécessaire, mais vous noterez que les deux seules personnes - représentantes de l'ASLOCA - qui ont poussé au rejet de cette loi se sont révélées incapables d'en expliquer les raisons. A la lumière de ce que je viens de dire, le PDC soutiendra ce projet de loi. Merci.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. C'est assez inquiétant d'entendre les propos de M. le député Sébastien Desfayes, qui a peut-être raison sur le fait que l'OCLPF ne sert à rien lors des audiences, mais c'est d'autant plus grave - c'est d'autant plus grave ! Le législateur a voulu que le département chargé du logement soit présent aux audiences d'évacuation, non pas pour être un pot de fleurs ou une statue dans un coin, mais pour intervenir et participer à la recherche de solutions. Et qu'on nous dise aujourd'hui qu'en fait, de toute façon, les représentants du département ne font rien, alors autant qu'ils ne viennent pas, c'est affreux ! C'est affreux ! C'est abandonner, c'est faire demi-tour, c'est se soumettre à l'incapacité de l'office cantonal du logement à trouver des solutions ! Nous lui avons donné mandat, en adoptant la loi d'application du code civil, à l'article 30, de jouer un rôle actif lors des évacuations de locataires. Il ne le fait pas. Quelle est la solution ? Eh bien, c'est qu'il joue le rôle que nous lui avons confié ! Ce n'est pas de lui dire qu'il n'a plus besoin d'y aller. C'est inadmissible de réfléchir en ces termes ! Et je veux bien croire qu'il ne joue peut-être pas son rôle, mais nous ne pouvons pas l'accepter. Par ailleurs, le fait qu'une convention ait été signée entre l'Hospice général et l'OCLPF - convention dont évidemment nous n'étions pas informés jusqu'à présent et par laquelle l'OCLPF s'est débarrassé de ce rôle en l'attribuant à l'Hospice général, sans en référer au Grand Conseil, alors que la loi d'application du code civil prévoit que c'est le rôle du département chargé du logement d'être là et d'aider - est tout aussi inadmissible. On nous met devant le fait accompli, nous ne pouvons pas accepter cette manière de procéder.

M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, tous les groupes présents dans la commission ont clairement identifié la dimension humanitaire qui peut se cristalliser autour de la problématique d'évacuation de logement, et cela est incontestable. Néanmoins, on a malheureusement dû constater également, selon les propos recueillis, et comme le relevait M. Desfayes, que le traitement de cette problématique ne se faisait pas au tribunal, mais en amont ou en aval. Lors de l'audition de M. le procureur général, qui, comme le disait encore une fois M. Desfayes, était accompagné de la présidente du Tribunal civil ainsi que de la vice-présidente du Tribunal civil, section baux et loyers, on nous a très très clairement expliqué, avec exemples à l'appui, que ces fonctionnaires de l'Hospice général et de l'OCLPF ne servaient franchement à rien pendant ces séances; qu'en dehors de celles-ci, leur apport pouvait amener une plus-value, mais que pendant les séances, c'était une perte de temps. A l'heure où la population genevoise se montre très critique quant à la réunionite aiguë au sein de l'administration, s'il vous plaît, ne contraignons pas les fonctionnaires à faire ce qu'on leur reproche souvent au quotidien ! Fort de ces considérations, notre groupe soutiendra ce projet de loi, et nous vous encourageons à l'accepter également. Merci de votre attention.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, dans ce projet de loi, il s'agit de déterminer si on se trouve face à un enjeu procédural de faible importance ou si la suppression de la présence de l'OCLPF - l'office cantonal du logement et de la planification foncière - est nécessaire. En commission, les Vertes et les Verts n'ont pas souhaité entrer en matière, car nous considérons que la collaboration entre l'OCLPF et l'Hospice général a son importance. D'ailleurs, elle est encadrée par une convention de collaboration qui détermine les rôles de chaque entité.

A travers ce projet de loi, le Conseil d'Etat propose une simplification du travail de l'administration. L'objectif de rendre encore plus efficace l'administration est tout à fait louable. Cependant, on se pose la question de la pesée des intérêts et du gain d'efficacité face à l'urgence et à la situation globalement et socialement précaire des personnes concernées. Les Vertes considèrent que l'office est utile dans le jugement, car c'est lui qui fournit le logement et non l'Hospice. Or l'un des éléments importants dans la pesée des intérêts du juge est l'existence d'un appartement pour reloger le locataire.

Enfin, selon les auditions, notamment de l'ASLOCA, une bonne moitié des locataires ne sont pas forcément suivis par l'Hospice. Du coup, l'OCLPF trouve toute son importance dans le processus. Ici, au coeur de ce projet de loi se trouvent les logements d'urgence. Ces logements sont le filet social ultime, pour des personnes qui se retrouvent dans des situations vraiment complexes. Or l'argument consistant à dire que de toute façon ces personnes ont des besoins complexes et globaux, qui relèvent de l'entière compétence de l'Hospice général, ne nous convainc pas. Nous soutenons la collaboration entre ce dernier et l'OCLPF, non seulement parce que la problématique des logements d'urgence doit être traitée de manière concertée, mais aussi parce qu'il faut s'assurer de la bonne décision d'exécution et du suivi, pour éviter que de trop nombreuses personnes se retrouvent à la rue, ou plutôt à l'hôtel.

Au final, le risque serait donc un préjudice du locataire. De surcroît, la nouvelle disposition ajouterait une procédure administrative supplémentaire. Par conséquent, l'objectif d'amélioration serait a contrario une péjoration de la pratique. Les Vertes refuseront d'entrer en matière, car il ne faut pas confondre simplification et amélioration, tout comme vitesse et précipitation. Merci.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, dans le rapport, il est indiqué à la page 22, dans le cadre de l'audition du procureur général Olivier Jornot, qu'en 2019, sur les 1300 dossiers soumis au tribunal, 500 jugements d'évacuation ont été prononcés, dont 230 ont abouti à leur mise en oeuvre par la police. Sur ces derniers cas, le service des évacuations a exécuté concrètement l'évacuation par la force de six logements. Dans la réalité, lorsque la police se présente, elle se retrouve face à un logement vide, a précisé le procureur général. Mme Véronique Hiltpold, présidente du Tribunal civil, a indiqué que c'est l'Hospice général qui s'occupe du logement d'urgence aujourd'hui et que les représentants de l'OCLPF ne proposent pas de logements durant l'audience. Toute la partie comprenant les négociations et l'explication de la situation personnelle de la personne concernée est traitée par le représentant de l'Hospice général.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Christo Ivanov. Ce projet de loi ne l'a pas surprise, étant donné qu'il représente la réalité de ce qu'elle et ses collègues vivent en audience. Par conséquent, pour toutes ces raisons, la minorité de la commission vous demande de bien vouloir accepter ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président. J'ai dit.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je rends la parole à M. le député Alberto Velasco pour vingt-deux secondes.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Je reviens sur les propos de M. Desfayes: effectivement, il a fallu rappeler à la juge en question qu'il n'y avait plus de logements d'urgence et que les seuls logements disponibles étaient justement ceux des entités publiques autonomes.

Le président. Merci.

M. Alberto Velasco. J'aimerais dire aussi que je ne sais pas ce qu'elle faisait au tribunal, mais moi, à plusieurs reprises, j'ai vu l'OCLPF offrir un logement !

Le président. Merci.

M. Alberto Velasco. Donc, je ne sais pas ce que cette dame, présidente du tribunal, fait...

Le président. C'est terminé.

M. Alberto Velasco. ...mais en tout cas je peux vous dire que si elle ne l'a pas vu, moi, à plusieurs reprises, comme juge assesseur à l'époque... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Monsieur François Baertschi, rapporteur de majorité, vous avez la parole pour deux minutes quarante-trois.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Monsieur le président, certains députés, heureusement peu nombreux, s'inquiètent... (Brouhaha.) Bon, c'est un peu bruyant dans la salle ! ...s'inquiètent de perdre du temps. A croire que le temps de l'administration est précieux, ce que je veux bien croire, mais à mon sens, l'investissement en temps est important également pour les évacuations. On peut perdre du temps pour ces évacuations. On peut en perdre un peu plus pour ces personnes qui sont évacuées, parce qu'entre perdre du temps pour l'administration et perdre un logement, il n'y a pas photo ! C'est beaucoup moins grave de perdre du temps. C'est quelque chose de gérable, alors que perdre son logement, c'est quelque chose qu'on ne rattrape pas. Il faut donc donner tous les moyens pour cette situation tout à fait pénible.

Je vais revenir sur ce qu'a dit le député Bayenet. Si actuellement, l'OCLPF présente des lacunes - apparemment, d'après ce qui est ressorti des travaux -, il faudrait en effet améliorer son fonctionnement et qu'il soit beaucoup plus proactif en matière d'évacuation et de relogement. Cette question doit être examinée sous cet angle et ce n'est pas en supprimant un droit des locataires, un droit des personnes expulsées, qu'on va aller dans la bonne direction. Je vous rappelle que le mécanisme judiciaire de l'Etat de manière globale est beaucoup moins important qu'il y a quelques années à peine. On constate des réductions en matière de protection et nous ne devons pas tolérer cela. C'est en tout cas un acte politique. Aller vers encore plus de réduction de l'Etat pour protéger les personnes qui se font évacuer de leur logement n'est pas la bonne politique et je vous conseille chaudement de refuser ce projet de loi.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi somme toute technique, qui a pour objectif de libérer du temps pour à vrai dire augmenter le temps de travail d'un fonctionnaire durant trois demi-journées - donc autant dire que le gain d'efficience que nous cherchions à obtenir avec ce projet de loi a déjà été mangé par le temps des travaux parlementaires et évidemment d'une séance plénière, dont plus d'une demi-heure consacrée à ce sujet -, trouve sa genèse dans la clarification, datant d'il y a quelques années déjà - et je m'étonne que des gens qui connaissent bien la procédure en matière de logement social ne le sachent pas -, des règles d'attribution par les fondations immobilières de droit public des logements sociaux.

Quand je suis arrivé au département, en 2013, je me suis aperçu qu'il n'existait pas de règles claires d'attribution des logements sociaux, dont le contingent des logements d'urgence fait partie. Nous avons travaillé avec l'ensemble des administratrices et administrateurs pour fixer un système qui donne des points et qui, évidemment, favorise certaines situations d'urgence par rapport à d'autres. Là-dessus, nous avons convenu, avec le département de l'action sociale, que c'est à l'Hospice général - qui représente l'Etat régalien en matière d'aide sociale - d'assumer la prestation de logements d'urgence, qu'elle soit en matière d'évacuation ou, d'une manière générale, en matière de réaction immédiate. L'office cantonal du logement et de la planification foncière reste en deuxième ligne pour du logement social mais relativement pérenne.

C'est bien cet accord qui permet aujourd'hui de mieux fonctionner et d'être beaucoup plus efficace sur le front de l'aide d'urgence, parce que l'Hospice général dispose non seulement de son parc et de prestations hôtelières - quand il faut les utiliser -, mais il bénéficie aussi de cette réserve d'une centaine de logements qui sont effectivement propriétés des fondations immobilières de droit public en lien avec l'OCLPF. Cette convention, qui est publique et qui a d'ailleurs fait l'objet d'une communication publique, montre bien l'efficience dont on fait preuve pour répondre à l'urgence. La conséquence de cet accord - selon lequel c'est donc l'Hospice qui gère les logements d'urgence pour le compte du département - est que le représentant du département se rend à l'audience pour respecter la loi, mais il fait du présentéisme, parce qu'en réalité tout a été travaillé en amont en collaboration avec l'Hospice général pour répondre au besoin social.

Donc, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, si vous voulez que mon collaborateur continue à passer ses douze heures par semaine à écouter une séance de tribunal pour laquelle il a déjà travaillé et a déjà fourni sa prestation... Cela s'appelle du présentéisme. Cela a le même coût pour l'administration que l'absentéisme, ce n'est pas ce qu'il y a de plus motivant, et surtout, ce n'est pas ce qu'il y a de plus utile. Ces douze heures pourraient être bien mieux utilisées pour défendre l'aide et l'accès au logement.

Voilà la genèse de ce projet de loi. Le Conseil d'Etat n'en fait pas un casus belli, mais peut-être que ce débat illustre la difficulté à mener des réformes structurelles d'optimisation. On parle de trois demi-journées par semaine, et voilà: un an de travaux en commission et une heure de débat en plénière !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12056 est adopté en premier débat par 50 oui contre 44 non et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 30, al. 3 (nouvelle teneur).

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 30, alinéa 4, présenté par M. Pierre Bayenet, à qui je cède la parole pour une minute quinze.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. J'ai effectivement déposé un amendement, parce que lors des travaux en commission, le Tribunal des baux et loyers nous a informés qu'en réalité, il ne respectait pas l'article 30, alinéa 4, de la LaCC, qui lui permet de surseoir, pour des motifs humanitaires, à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier. Il n'y a aujourd'hui plus qu'une audience d'évacuation, lors de laquelle le tribunal prononce l'évacuation. Ce qu'il fait, c'est que, s'il a l'impression que trouver une solution de relogement pour le locataire va être difficile, il accorde un délai qui peut être d'un ou deux mois par exemple. Mais il ne reconvoque pas les locataires, comme cela se faisait à l'époque, il y a plus d'une dizaine d'années. Le procureur général convoquait les locataires parfois deux, trois ou quatre fois et s'assurait qu'une solution de relogement soit trouvée avant de prononcer l'évacuation. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. C'est pour cela que je propose de faire obligation au Tribunal des baux et loyers de suspendre l'évacuation jusqu'à ce qu'une solution de relogement soit trouvée.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur l'amendement de M. Pierre Bayenet qui se présente comme suit:

«Art. 30, al. 4 (nouvelle teneur)

4 Après leur audition et l'audition des parties, il doit, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 47 non.  (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Mis aux voix, l'art. 30, al. 4 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Troisième débat

Le président. Je mets aux voix le projet de loi ainsi amendé. Le vote est lancé. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Une voix. Cyril, le MCG s'est trompé ! (Commentaires.)

Mis aux voix, le projet de loi 12056 ainsi amendé est rejeté en troisième débat dans son ensemble par 57 non contre 38 oui.  (Commentaires à l'annonce du résultat.)

Une voix. Bravo !