Séance du
jeudi 20 mai 2021 à
20h30
2e
législature -
4e
année -
1re
session -
2e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.
Assistent à la séance: MM. Mauro Poggia et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Antonio Hodgers, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Diane Barbier-Mueller, Didier Bonny, Beatriz de Candolle, Edouard Cuendet, Marc Falquet, Xhevrie Osmani, Romain de Sainte Marie, Patrick Saudan, Salika Wenger et Raymond Wicky, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Nicolas Clémence, Virna Conti, Joëlle Fiss, Badia Luthi, Patrick Malek-Asghar, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier et Philippe de Rougemont.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de Mme Sophie Desbiolles. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Mme Sophie Desbiolles entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame Sophie Desbiolles, vous êtes appelée à prêter serment de vos fonctions de députée au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attachée aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: Mme Sophie Desbiolles.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de M. Philippe de Rougemont. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (M. Philippe de Rougemont entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur Philippe de Rougemont, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de député suppléant au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: M. Philippe de Rougemont.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Vous pouvez maintenant vous retirer ou siéger, selon les besoins de votre groupe. (Applaudissements.)
Le président. Nous passons au tirage au sort de la commission de grâce, composée de 15 membres titulaires et de 17 membres suppléants. Sont tirés au sort:
Titulaires: Mmes et MM. Beatriz de Candolle (PLR), Jean Romain (PLR), François Wolfisberg (PLR), Véronique Kämpfen (PLR), Thomas Wenger (S), Léna Strasser (S), Sylvain Thévoz (S), Katia Leonelli (Ve), Dilara Bayrak (Ve), Sébastien Desfayes (PDC), Delphine Bachmann (PDC), Patrick Dimier (MCG), Thierry Cerutti (MCG), Olivier Baud (EAG) et André Pfeffer (UDC).
Suppléants: Mmes et MM. Pierre Nicollier (PLR), Francine de Planta (PLR), Philippe Morel (PLR), Jacques Béné (PLR), Alberto Velasco (S), Amanda Gavilanes (S), Caroline Marti (S), David Martin (Ve), Didier Bonny (Ve), Souheil Sayegh (PDC), Patricia Bidaux (PDC), Sandro Pistis (MCG), Danièle Magnin (MCG), Pierre Vanek (EAG), Salika Wenger (EAG), Eric Leyvraz (UDC) et Christo Ivanov (UDC).
Annonce de la présidence de la commission de grâce: Séance du vendredi 21 mai 2021 à 16h05
Premier débat
Le président. Nous entamons le programme des urgences avec le PL 12754-A, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. Murat-Julian Alder, remplacé par M. Serge Hiltpold, à qui je passe la parole.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. En synthèse, la commission des finances... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député. (Un instant s'écoule.) Merci. Monsieur le député, vous pouvez poursuivre.
M. Serge Hiltpold. Merci, Monsieur le président. La commission des finances s'est réunie à deux reprises et a procédé à l'audition du service de la solidarité internationale ainsi que de la Fédération genevoise de coopération. En résumé, le but de ce projet de loi est la validation du contrat de prestations pour la période 2021-2024 entre l'Etat de Genève et la Fédération genevoise de coopération, qui est partenaire depuis 2002.
Le montant de ce contrat de prestations est de 3 millions par année; vous le retrouverez dans le programme A04 «Développement et innovation du canton et de la région». D'autres acteurs contribuent à cette coopération: la direction fédérale du développement et de la coopération, la DDC, qui contribue à hauteur de 1 million de francs par année, ainsi que la Ville de Genève et quatorze autres communes genevoises. Dans le contrat de prestations, on retrouve un élément relativement important s'agissant des ratios, à savoir que les frais de fonctionnement sont plafonnés à 12% du montant de 3 millions, ce qui correspond à 360 000 francs.
En 2020, les activités de la FGC ont évidemment été impactées par la pandémie du covid-19. Un élément patent qui est ressorti de cette synthèse et de ces auditions, c'est que, selon la Banque mondiale, 10% de la population se retrouvera dans une situation d'extrême pauvreté en raison de la pandémie. La majorité de cette commission a été marquée par cette projection, notamment par le plus gros problème, la déscolarisation des enfants. On s'est aperçu, pour certains - cela a été confirmé, pour d'autres -, que la scolarisation permettait à une bonne partie des enfants d'accéder également à l'alimentation.
La Fédération genevoise de coopération participe à l'essor de la Genève internationale et à sa vocation humanitaire. Genève consacre 0,2% de son budget annuel de fonctionnement à la solidarité internationale, alors qu'elle pourrait être amenée à payer 0,7%. La majorité de la commission a trouvé juste de renouveler ce contrat de prestations scellé entre cette institution et le Conseil d'Etat. Elle vous demande de soutenir ce projet de loi tel que sorti de commission et de refuser les amendements de coupes de 300 000 francs qui seront présentés probablement par le rapporteur de minorité. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. De quoi souffrent les pays du Tiers-Monde ? Les pays du Tiers-Monde, les pays en développement souffrent de leur dépendance envers le FMI et la Banque mondiale. Les pays en développement devraient pouvoir protéger l'agriculture locale pour nourrir leurs habitants et non importer la nourriture. Il faut se rendre compte que ces pays sont littéralement pillés soit par les multinationales, soit par la Chine, qui fait main basse par exemple sur des pays comme l'Ethiopie, pour leur voler leurs espaces de culture; c'est ce qu'on est en train de faire à l'échelle mondiale.
Que fait la Fédération genevoise de coopération ? Ce n'est pas libérer ces pays, ce n'est pas les aider ! C'est juste être une sorte de cache-misère, à la prétention idéologique. Cette aide au développement, pourrait-on dire, c'est une forme d'idiot utile du capitalisme, de l'impérialisme des pays développés, de l'exploitation de ces pays, du néocolonialisme. Il y aurait une autre aide au développement à défendre. C'est celle-ci que nous devrions suivre, et non pas celle qui est menée actuellement par la Fédération genevoise de coopération.
Il faudrait dire aussi que, quelque part, c'est un peu une sorte de gadget, un jouet de certaines élites. Alors on a bien compris qu'il y avait des élites libérales, de droite, qui s'amusent à avoir leurs bonnes oeuvres internationales, tout en encaissant à côté des bénéfices engrangés par l'exploitation des pays en développement. Il y a la gauche bien pensante, qui, à sa manière, essaie de pratiquer un néocolonialisme culturel, avec certaines fantaisies: la Fédération genevoise de coopération soutient notamment au Brésil quelque chose de vraiment très étonnant - enfin, ce n'est pas véritablement étonnant, mais cela n'a rien à voir avec la réalité que vit le Brésil -, à savoir un programme «Agroécologie et féminisme». «Agroécologie et féminisme» ! De qui se moque-t-on ? Est-ce que c'est véritablement ce dont ont besoin les Brésiliens ? Ils ont besoin d'indépendance vis-à-vis de la Banque mondiale, du FMI, ils ont besoin de pouvoir défendre leurs intérêts personnels, locaux, et ce n'est pas du tout ce que l'on fait ! Prenons un autre exemple: au Sénégal...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le rapporteur.
M. François Baertschi. Pardon ?
Le président. Sur le temps de votre groupe.
M. François Baertschi. D'accord. ...c'est de la formation francophone en e-learning «Genre et développement», et tout à l'avenant. C'est pour cela qu'en tout cas, je me refuse à voter ce projet de loi, non pas que les intentions de la Fédération genevoise de coopération soient mauvaises, mais, malheureusement, c'est, comme je l'ai indiqué, un cache-misère et je ne veux pas me montrer complice de cette politique. Merci, Monsieur le président. (Remarque.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, la Fédération genevoise de coopération fait la fierté de Genève, de la Genève internationale, de la Genève humanitaire. Cela a été dit, elle est partenaire depuis bientôt vingt ans de l'Etat, mais également de la Confédération par le biais de la DDC ou par d'autres communes - quinze communes, dont la Ville de Genève - qui la soutiennent. Je n'entrerai pas dans la polémique soulevée par le rapporteur de minorité qui dit un peu tout et son contraire en même temps et qui critique, de manière un petit peu polémique; je pense que cela ne vaut pas la peine d'entrer là-dedans.
La Fédération genevoise de coopération a besoin de notre soutien, elle a besoin de ces 3 millions que nous voulons voter chaque année pour la soutenir. Elle est soutenue également à hauteur de 1 million pour ces quatre prochaines années par la DDC - la direction de la coopération au niveau fédéral - et, grâce à ce soutien, elle développe plus de 170 projets à travers le monde. Ce sont des projets extrêmement sérieux. Ils sont indispensables dans les pays qui bénéficient de cette aide. Ce sont des projets de coopération internationale et humanitaire solides. Le SAI - le service d'audit interne - a mené un audit en 2019 sur la Fédération genevoise de coopération: celui-ci a montré que les résultats étaient extrêmement positifs. C'est pour cela que le parti socialiste soutiendra cette subvention de 3 millions par année à la Fédération genevoise de coopération qui se base sur des valeurs humanitaires, de solidarité, de partage et de partenariats, et ça, c'est aussi extrêmement important. Nous vous engageons à voter ce crédit. Merci beaucoup.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, pour le parti démocrate-chrétien, la solidarité internationale, dans la conjoncture que nous connaissons, reste l'un des socles humanitaires de notre canton. Nous soutenons cette politique et nous n'entrerons pas dans la polémique qui vient d'être ravivée par le MCG.
Il faut relever, comme cela a été fait par mon préopinant, que le travail réalisé au quotidien par cette fédération est un travail d'excellence. C'est effectivement relevé par le SAI, et nous ne pouvons que féliciter le président de la Fédération genevoise de coopération René Longet pour tout le travail qu'il effectue dans ce domaine.
Cette fédération est un partenaire privilégié de l'Etat, de la Confédération, de la Ville de Genève et des autres communes. Les communes pourraient participer un petit peu plus, c'est le seul souhait qu'on pourrait avoir: seules quatorze communes participent à ce projet. Il est vrai, et il faut le relever aussi, que les communes réalisent un réel travail de coopération, sans forcément passer par cette fédération genevoise.
Mesdames et Messieurs, le parti démocrate-chrétien soutient cette politique et votera ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'essentiel a été dit par mes collègues Olivier Cerutti et Thomas Wenger. Il se trouve que le travail de la Fédération genevoise de coopération est tout à fait pertinent et utile dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, et plus que nécessaire.
J'invite M. Baertschi à s'intéresser au principe de justice globale et de redistribution de richesses, parce que c'est facile de parler de néocolonialisme quand on n'est pas informé, mais il faudrait justement s'informer avant de se prononcer sur des principes aussi complexes que ceux-ci. Il se trouve que la Fédération genevoise de coopération est tout à fait respectueuse des populations indigènes; au lieu de parler de néocolonialisme, de pseudo-progressisme imposé, il faudrait en réalité voir ce que réalise la FGC sur place: elle permet aux populations de se réapproprier des méthodes qui leur sont propres, c'est-à-dire un retour aux sources, et donc même de se libérer des tendances colonialistes que justement vous dénoncez, Monsieur Baertschi. Alors pourquoi ne pas soutenir une institution aussi correcte et sérieuse, pertinente et utile, alors même qu'elle essaie de s'attaquer à ce que vous dénoncez ?
Le groupe des Vertes et des Verts votera sans aucun doute ce contrat de prestations et nous vous invitons à faire de même.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Patrick Dimier pour deux minutes vingt-sept.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais revenir sur ce qu'a dit notre collègue Baertschi tout à l'heure. Lorsqu'on parle de néocolonialisme, Madame Bayrak, il faut le prendre dans son sens le plus large: ce ne sont pas seulement les anciennes puissances coloniales qui sont visées ici, ce sont les nouvelles puissances coloniales, au sein desquelles la Chine est au premier rang. Et savez-vous, Madame - mais vous le savez certainement -, que beaucoup de ces pays que nous aidons et qu'il faut bien entendu aider... Il n'est pas question de renoncer à l'aide, il est juste question ici de souligner cette sorte d'acquiescement à la politique de la Chine - je le répète: de la Chine ! - qui garantit les prêts qu'elle octroie en s'assurant la possession des terres rares, des infrastructures de ces pays et de plein d'autres choses qui atteignent les Etats, mais aussi les populations que l'on cherche à aider. Alors, encore une fois, il n'est pas question pour nous de remettre en cause l'aide, mais simplement de ne pas cautionner des pratiques qui sont effectivement et de toute évidence de nature néocoloniale. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à Mme la députée Dilara Bayrak pour une minute trente-quatre.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Merci, Monsieur le président. Je me permets de répondre vu que j'ai été nommément citée par M. Dimier. S'il ne s'agit pas de ne pas aider, je ne comprends pas pourquoi vous refusez un contrat de prestations. Parce que là, concrètement, en ne votant pas un contrat de prestations pour la Fédération genevoise de coopération, ce n'est pas à la Chine que vous nuisez, mais c'est bien à la fédération elle-même et aux populations qui bénéficient des moyens que propose la FGC. Alors je comprends bien votre souci, mais pour moi, il n'est pas pertinent dans ce contexte.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole revient à M. le rapporteur de minorité François Baertschi pour une minute cinq.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Ce que nous voulons, ce n'est pas enlever de l'argent, c'est ne pas mener une politique de cache-misère. Or, c'est la politique qui nous est proposée. Nous ne nous trouvons pas face à une justice globale, nous nous trouvons face à une injustice globale, parce que ce dont ces pays ont besoin, c'est d'une politique protectionniste pour protéger leurs cultures vivrières, ce qu'on leur interdit. On a beau déverser tous les millions que l'on veut, cela ne les aidera d'aucune manière. C'est une vision tout à fait hypocrite. Il faut permettre à ces pays d'avoir une politique protectionniste pour leur agriculture afin de nourrir leur population et d'empêcher, comme l'a très bien dit mon collègue Patrick Dimier, la Chine et toutes les multinationales de faire main basse sur des terrains qui doivent servir à nourrir et non pas à faire pousser des fleurs ou à de la production agricole d'exportation. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur Serge Hiltpold, rapporteur de majorité, c'est à vous pour trois minutes.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je pourrai prendre sur le temps du groupe PLR également. Tout d'abord, au nom de la majorité, j'aimerais dire que ce dont ont besoin les gens de ces populations ou vivant ces situations, principalement, on l'a vu, c'est d'éducation, de valorisation de l'individu, et cela passe notamment par des aides. On va se distancer des propos colonialistes ou néocolonialistes; il s'agit simplement d'avoir une certaine notion de responsabilité, de ce que l'on peut faire maintenant, dans ce parlement: il est question d'une fédération qui s'implique pour valoriser trois axes, à savoir l'éducation, la santé, une certaine autonomie, un accès à l'alphabétisation. Il faut sortir de ce débat théorique sur les achats chinois et toute cette globalisation. Là, il s'agit de la question très concrète d'un contrat de prestations. Ce qu'on nous demande aujourd'hui, c'est de participer sur le plan cantonal aux engagements que nous avons pris, que le Conseil d'Etat a pris, et de soutenir ce projet de loi, tel que sorti de commission. Merci, Monsieur le président.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le Conseil d'Etat se réjouit de la majorité qui se dégage sur ce projet de loi. C'est un projet de loi important, cela a été dit. Il s'agit de soutenir la Fédération genevoise de coopération, bien connue des pouvoirs publics, puisque 22% de son budget est octroyé par le canton de Genève, 21% par la Ville de Genève et 29% par la Confédération. C'est signe que la confiance est au rendez-vous.
Au nom du gouvernement, j'aimerais souligner - et cela a été relevé - l'importance de l'approche de la Fédération genevoise de coopération. Elle n'est pas centrée sur une forme de charité historique d'un ministre portant un sac de riz au Sahel: il s'agit bien de travailler sur des notions d'autonomie, d'apprentissage, de responsabilité, et, en ce sens, les différents projets soutenus par les associations sur place permettent de conduire une population à se prendre en charge et à travailler sur un certain nombre de possibilités. J'aimerais vous remercier de l'accueil que vous réservez à ce projet et me réjouis que nous puissions poursuivre la collaboration avec cette importante Fédération genevoise de coopération.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12754 est adopté en premier débat par 67 oui contre 16 non et 1 abstention.
Le projet de loi 12754 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12754 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 72 oui contre 15 non et 2 abstentions.
Débat
Le président. Nous traitons l'urgence suivante, à savoir la R 892-A dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. La parole revient au rapporteur de majorité, M. Christian Zaugg.
M. Christian Zaugg (EAG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une petite grève récente nous a rappelé que nous ne pouvons pas nous désintéresser totalement de ce qui se passe dans nos prisons - cela étant, il n'y a pas de relation de cause à effet avec le présent objet. En ce qui concerne cette proposition de résolution, nous sommes là au coeur de la politique médicale pénitentiaire. Toutefois, avant d'entrer dans le vif du sujet, portons un regard plus général sur l'attitude de la population vis-à-vis des frais médicaux: une étude statistique réalisée auprès de ladite population démontre que près de 15% des gens renoncent à des soins pour des raisons financières. Effet pervers, cela conduit près de 30% des malades à se priver d'une opération de chirurgie, un pourcentage très élevé qui nous interpelle.
En commission, d'aucuns ont signalé qu'il n'y avait aucune raison de mieux traiter les détenus que les personnes précarisées; c'est un raisonnement dangereux, car il est très probable que ces paramètres appliqués à la population carcérale peuvent conduire les prisonniers à se montrer plus réservés encore que les citoyens en général, ce qui augmente les risques de maladie. Une telle situation ne permet pas à la médecine pénitentiaire de remplir sa mission. En effet, comment un détenu qui ne touche que 380 francs par mois pourrait-il se payer par exemple un trajet en ambulance qui lui coûterait près de 1000 francs et l'obligerait à s'endetter pendant des mois ?
Les personnes qui arrivent en prison perdent généralement leur travail et cessent donc de payer leurs primes d'assurance-maladie. Comment pourrait-il en être autrement, puisque les détenus ne disposent que d'un compte disponible à hauteur de 65% de leurs revenus, d'un compte bloqué de 15% qui est libéré à la sortie et d'un compte réservé de 20% sur lequel seuls des prélèvements sont possibles ? Il faut relever à cet égard que le remboursement aux victimes est prioritaire, donc la marge de manoeuvre en la matière est très restreinte. Il ne s'agit là que d'une tracasserie administrative qui n'aurait que peu d'effets dans l'acquittement des factures de médecins, voire qui crée des charges supplémentaires à l'administration pénitentiaire.
Les détenus sont susceptibles de ne pas déclarer leur pathologie dans la mesure où des consultations médicales ou un traitement réduiraient leur pécule à néant. Cela pose des problèmes quant à d'éventuelles contaminations, notamment pour des personnes porteuses du virus de l'hépatite B ou C, voire du coronavirus, tout aussi infectieux que le VIH ou le bacille de Koch. C'est la raison pour laquelle, au niveau mondial, les «Mandela rules» prévoient clairement que les soins en prison soient gratuits. L'ASSM a fait savoir qu'elle appuyait entièrement ce point de vue et s'opposait au règlement des factures médicales par les détenus, sauf pour des patients qui disposeraient d'une grosse fortune. Il est parfaitement improductif d'imputer aux prisonniers le paiement de leurs frais médicaux.
Encore une fois, cela peut avoir des effets pervers et conduire des gens malades, sauf en cas de contrôles épidémiologiques ordonnés par l'administration pénitentiaire, à cacher des syndromes infectieux tels que la tuberculose ou l'hépatite dans le but de conserver leur pécule. Dans le cadre de la pandémie que nous connaissons actuellement, on mesure bien l'absurdité d'une telle situation. Ce sont les raisons pour lesquelles la majorité de la commission des visiteurs officiels vous enjoint fermement de soutenir cette proposition de résolution qui s'oppose à la décision prise par le concordat latin d'imputer tout ou partie des frais médicaux des détenus sur leurs réserves. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, comme cela a été dit, chaque détenu possède trois comptes - il vaut la peine de s'y arrêter une seconde: le compte disponible dont il bénéficie en toute liberté et qui constitue 65% de ses fonds, le compte bloqué qui s'élève à 15% et qui reste verrouillé jusqu'à la fin de la peine pour garantir qu'il ait des ressources en sortant et ne soit pas remis sur le trottoir sans rien, et enfin le compte réservé de 20% sur lequel seuls des prélèvements sont possibles.
La participation demandée est légère, puisqu'il s'agit au maximum - au maximum ! - de 20% du pécule à disposition sur le compte réservé, le troisième parmi ceux que je viens de décrire. Les contributions d'entretien, les pensions familiales, les cotisations aux assurances sociales et obligatoires ainsi que les indemnités de réparation aux victimes sont prioritaires, et bien souvent, chers collègues, il ne reste plus rien, car la pension n'a même pas été entièrement couverte par ce compte réservé.
Exiger une modeste contribution financière aux frais de santé se justifie au nom du principe d'équivalence, lequel prévoit de considérer les détenus de la même manière que les citoyens qui, eux, doivent s'acquitter de leurs primes tout en aidant ceux qui ne sont pas en mesure de payer l'assurance-maladie. C'est un principe juste, car il n'est pas légitime de traiter des prisonniers mieux que des citoyens honnêtes dont certains, vous les connaissez peut-être, renoncent au médecin ou au dentiste pour des raisons de prix. La règle posée par la CLDJP relève d'une prise de position équilibrée.
Certes, il est important que les détenus ne se privent pas du médecin en raison de leur participation à la consultation, le rapporteur de majorité a raison sur ce point. Le risque majeur est celui d'une pandémie, dit-il. Or en cas de pandémie, c'est l'Etat qui prend en charge la totalité des frais; il s'agit d'une mission des HUG, et aucune contribution n'est réclamée à un détenu dans le cadre d'une campagne de dépistage. Les déplacements en ambulance, eux aussi, sont assumés par l'Etat.
De plus, chers collègues, il s'agit seulement d'une petite somme, et c'est aussi un apprentissage important, celui de la responsabilité. Les frais médicaux, même fortement diminués dans le cas qui nous occupe, enseignent que se rendre chez le médecin implique une décision personnelle et une liberté. Certains détenus souhaitent consulter un professionnel de la santé trois fois par semaine, ce que les citoyens libres ne peuvent pas se permettre, pour une grande partie d'entre eux. Ainsi, une participation modeste aux frais évite la tentation de la bobologie.
Pour conclure, la circulaire du SAPEM distribuée à tous les détenus précise que le compte réservé ne peut en aucun cas - en aucun cas ! - présenter de solde négatif, partant qu'aucune dette ne peut être constituée. Renoncer aux soins médicaux pour des raisons financières n'est jamais un bon calcul, ceux-ci étant de toute façon garantis. Il est normal de contribuer, les montants sont minimes, c'est une mesure juste. Monsieur le président, j'évoquerai dans un deuxième temps l'amendement qui figure à la fin de mon rapport. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien acceptera cette proposition de résolution en se basant sur plusieurs auditions menées dans le cadre de son examen en commission. Tout d'abord, le rapporteur de majorité l'a dit, au sein des populations précarisées - je pense notamment à celles et ceux qui fréquentent le Bus Santé -, 12% à 15% des personnes renoncent à des soins médicaux pour des raisons financières. Dans un établissement carcéral, ce chiffre pourrait même être doublé; ce n'est pas moi qui le dis, mais le professeur Hans Wolff, médecin-chef du service de médecine pénitentiaire.
Ensuite, le rapporteur de majorité l'a signalé également, il existe au niveau mondial les «Mandela rules» qui prévoient que les soins de santé en prison soient gratuits. D'ailleurs, l'Académie suisse des sciences médicales, une organisation de portée nationale, est totalement opposée au fait que les détenus paient leurs factures médicales, même via une participation minime, ceci simplement pour éviter les épidémies à haute prévalence, pour préserver le personnel pénitentiaire ainsi que les personnes se rendant en prison, qui seraient ensuite susceptibles de contaminer la population.
En commission, nous avons encore entendu Mme Samia Hurst, bioéthicienne et médecin bien connue, qui relève que même une petite somme peut jouer un rôle de frein et pousser les détenus à ne pas consulter. Certes, tout comme le rapporteur de minorité, elle considère qu'il devrait y avoir une certaine égalité de traitement entre les personnes qui paient leurs primes et celles qui sont emprisonnées, mais on n'est pas sur la même échelle de salaire. Il est clair qu'avec un revenu de 380 francs, c'est un peu difficile de faire des comparaisons; on parle d'équité, mais il faudrait pouvoir effectuer des comparaisons à salaires égaux.
Pour conclure, les personnes qui refuseraient d'être soignées sont à considérer comme de véritables bombes à retardement, et il faut protéger à la fois la population carcérale, les personnes qui entrent et sortent des prisons et la société en général. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Léna Strasser (S). La décision remise en cause par la présente proposition de résolution, qui a été prise au niveau intercantonal, est dénoncée, cela a été dit par mes préopinants, notamment par les professionnels de la santé. Le professeur Wolff en a montré les effets pervers, expliquant que cela met en péril la qualité des soins aux détenus et empêche de lutter correctement contre les maladies transmissibles. Il a ajouté qu'une prise en charge efficace revêt une importance capitale pour protéger la santé des détenus, mais également celle de la société dans son ensemble.
Parmi les informations transmises aux détenus, il est noté qu'en aucun cas ceux-ci ne doivent renoncer à des soins médicaux pour des raisons financières. Mesdames et Messieurs les députés, pour ces mêmes personnes qui gagnent au mieux 25 francs par jour lorsqu'elles travaillent en détention, la probabilité est grande et avérée que par souci d'économies, elles renoncent purement et simplement à consulter ou à suivre un traitement. Cela n'est pas anodin et risque fortement d'augmenter leur souffrance à la fois psychique et physique. Il est de notre devoir de garantir leur santé, et c'est ce que vise cette proposition de résolution. Partant, le parti socialiste la soutiendra et refusera l'amendement présenté par le rapporteur de minorité. (Applaudissements.)
M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, le concordat latin sur la détention des adultes préconise en effet une non-gratuité des soins médicaux pour les détenus. Non seulement cette directive n'est pas proportionnelle, mais elle est surtout contraire au droit international qui stipule que l'accès aux soins pour les détenus, soit la gratuité, doit être garanti. Comme d'autres l'ont déjà souligné précédemment, l'Académie suisse des sciences médicales, le professeur et médecin Hans Wolff ainsi que la médecin et bioéthicienne Samia Hurst mettent en garde contre les dangers sanitaires pour l'institution carcérale. De toute évidence, cette proposition de résolution doit être soutenue pour assurer la sécurité sanitaire au sein des prisons. Les Verts la soutiendront sans modification. Je vous remercie.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, je présente un amendement au texte. Le concordat latin dit que les détenus doivent participer, même très modestement, comme tous les autres citoyens, aux frais médicaux. S'acquitter ne serait-ce que de 5 francs pour une consultation est de l'ordre du juste, enseigne la responsabilité et montre que se rendre chez le médecin nécessite un effort. Les détenus n'ont pas à renoncer en raison du prix, et si la réserve de leur compte est vide, ce qui est possible, comme je vous l'ai démontré tout à l'heure, eh bien c'est l'Etat qui paie. La modification que je propose consiste à remplacer l'invite de la proposition de résolution par celle-ci: «à faire supporter aux détenus, sauf situation financière particulièrement défavorable» - celle dont je vous ai parlé - «une participation financière proportionnée» - proportionnée ! - «pour leur prise en charge médicale de base». Je vous remercie.
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Le groupe MCG soutiendra l'excellente proposition de M. Jean Romain, notamment par respect pour les citoyens qui paient leurs primes d'assurance-maladie - en tout cas ceux qui le peuvent -, pas comme certains détenus qui, la plupart du temps, sont ici sans papiers. Malgré tout, l'Etat les suit dans cette voie: il n'y a qu'à voir les transferts vers l'hôpital, rien ne leur est facturé. Je pense que c'est la moindre des choses que nous gardions la pratique appliquée jusqu'à maintenant. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Daniel Sormanni pour deux minutes vingt-cinq.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que ce débat me sidère ! Si je comprends bien que certains se trouvent en difficulté, je constate surtout que dans ce canton, on s'occupe plus de ceux qui sont en prison, des requérants d'asile et des illégaux que de nos propres citoyens qui souffrent, qui ont eux aussi des problèmes. Je vous rappelle qu'on a maintenant dépassé le tiers de la population qui touche une subvention à l'assurance-maladie, mais ceux-là, on ne s'en préoccupe pas, on les laisse dans la misère et on s'occupe d'autres personnes à la place. Je suis désolé, mais ce sont d'abord nos concitoyens, d'abord les nôtres, d'abord ceux qui paient les charges, qui travaillent et qui essaient de s'en sortir. C'est notre priorité et nous soutiendrons l'amendement de M. Jean Romain.
Une voix. Bien dit !
Le président. Je vous remercie. Pour conclure, la parole va à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président, et vous adresse mes félicitations pour votre élection, de même qu'à Mme la première vice-présidente... (Remarque.) La deuxième vice-présidente, oui. Enfin, je félicite toutes celles et ceux qui ont obtenu de nouvelles fonctions ce soir.
Cette proposition de résolution résulte, me semble-t-il, d'une mauvaise compréhension du sujet. C'est regrettable, parce que c'est encore de l'argent qui va devoir être investi - pas grand-chose, certes, par rapport au budget de l'Etat de Genève, mais tout de même. Il y a également une question de principe, Mesdames et Messieurs, vous allez envoyer un certain message avec ce texte.
D'abord, rappelons que le droit fédéral, en l'occurrence la LAMal, définit pour les personnes domiciliées en Suisse la participation aux coûts de la santé que chacun doit assumer, indépendamment des primes dont vous connaissez tous la lourdeur - vous avez d'ailleurs lu comme moi dans une publication d'hier ou d'aujourd'hui qu'une personne sur trois dans le canton de Genève bénéficie d'un subside d'assurance-maladie.
Pour ce qui est des personnes détenues, voici ce que stipule l'article 24, alinéa 4, du concordat du 10 avril 2006 sur l'exécution des peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons latins: «La personne détenue prend en charge les coûts des prestations dont elle a bénéficié, lorsque sa situation de fortune ou le produit de son travail le permet.» Cette règle concordataire a été déclinée via des décisions de la conférence latine des autorités cantonales compétentes en matière d'exécution des peines et des mesures qui, le 25 septembre 2008, a indiqué pour la première fois qu'une participation aux frais d'assurance-maladie pouvait être prélevée sur la part réservée de 20% du pécule.
En effet, ainsi que cela vous a été rappelé, ce que la personne incarcérée gagne par son travail est divisé en trois parties: une première appelée disponible de 65% qui est à sa libre disposition, une deuxième partie de 15% qui est bloquée et lui sera remise lorsqu'elle recouvrera la liberté afin qu'elle dispose de quelques moyens, et la troisième partie qui constitue le solde réservé, comme on le nomme, de 20%. C'est donc dans cette cagnotte de 20% que peut, le cas échéant, être effectué un prélèvement, mais selon un ordre qui a été fixé par la conférence latine. Et les frais médicaux n'arrivent qu'en cinquième position, c'est-à-dire que si le détenu a pu assumer l'ensemble des quatre postes précédents, eh bien on pourra exiger de lui une participation.
Il y a d'abord les contributions d'entretien; il n'est pas question de faire passer en premier les frais d'assurance-maladie si la personne détenue a des devoirs à l'égard de tiers. Ensuite, ce sont les cotisations aux assurances sociales et autres assurances obligatoires; on comprend bien sûr qu'il s'agit de prévoir une protection pour l'avenir de la personne lors de son retour en liberté. En troisième position arrivent les indemnités pour les victimes des infractions commises; le détenu doit se rendre compte que son acte a eu des conséquences, notamment financières, personne ne le contestera. En quatrième vient la participation financière aux frais de formation; c'est important, la formation passe avant un potentiel prélèvement pour les frais de santé. Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, il existe un ordre de priorités, et la contribution aux frais médicaux n'arrive qu'en cinquième position. C'est dire s'il est rare que les personnes soient en mesure de payer.
Cela a été confirmé par une décision plus récente - du 8 novembre 2018 - de la conférence latine qui a expliqué pourquoi il est important de solliciter une participation, le but étant de rapprocher le plus possible la situation de la personne détenue de ce que sera sa vie lors de son retour dans la société. Certains ont peut-être l'idée que le retour en liberté signifie être totalement assisté, comme lorsqu'on est en prison; ce n'est en tout cas pas le message que veut donner la conférence latine et certainement pas celui que veulent donner les autorités pénales.
Dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, ce que vous nous demandez dans cette proposition de résolution, c'est tout simplement de violer le droit supérieur - puisqu'un concordat représente le droit supérieur par rapport au droit cantonal -, ce que nous ne pouvons pas faire. Mais si ce n'était que ça ! Il se trouve que les fondements mêmes du texte sont erronés. Alors je veux bien croire que ces erreurs sont involontaires, mais on nous dit tout de même que cette participation réduirait la possibilité de régler les contributions d'entretien, les indemnités aux victimes, etc. Je vous ai démontré il y a un instant que tel n'est pas le cas.
On nous dit aussi que cela va priver la personne incarcérée des soins que nécessite son état. Or la règle est claire, elle a d'ailleurs été rappelée par l'ensemble des auditionnés: il n'y a aucune limitation de l'accès aux soins au motif que le détenu n'aurait pas les moyens d'assumer très partiellement une participation aux frais. J'ai beaucoup de respect pour le professeur Wolff en tant que médecin, mais manifestement, ses déclarations sont le fruit d'une mauvaise compréhension de la situation, à moins qu'il n'ait voulu dire, et les auditions ont mis ce point en avant, qu'il y avait un problème d'information.
En effet, au sein de la prison, on a laissé circuler le bruit que désormais - ce n'est pas «désormais», puisque tout cela existe depuis 2006 -, il faudrait participer aux frais médicaux. Cela a pu engendrer chez certains l'idée qu'il ne fallait peut-être pas faire appel à un médecin pour un oui ou pour un non. Pour m'être rendu plusieurs fois à Champ-Dollon, je peux vous dire que le service médical reçoit la visite de certaines personnes une fois le matin, une fois l'après-midi; alors on ne va pas refuser une consultation, parce que celle qu'on refusera sera évidemment celle qu'il n'aurait pas fallu refuser, mais pour la personne détenue, demander de voir le médecin représente également la possibilité de sortir de sa cellule, de se promener, de se changer les idées, on peut parfaitement le comprendre. Si cette information est correcte, il faut toutefois que les gens sachent que le montant est plafonné à 20% de ce qu'ils gagnent, à supposer qu'ils n'aient pas d'autres charges à assumer.
Enfin, le dernier point qui me semble discutable, c'est de prétendre que les soins médicaux auraient été gratuits par le passé. Le titre de la proposition de résolution, à savoir «Pour le maintien de la gratuité des soins médicaux», laisse en effet sous-entendre qu'il y aurait eu un changement de pratique alors que, je viens de vous l'indiquer, la situation est ce qu'elle est depuis 2006.
Voilà les raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous recommande de rejeter cet objet. J'ai entendu la proposition de M. Jean Romain; dans la pire des hypothèses, bien sûr, j'accueillerai favorablement cet amendement. Quoi qu'il en soit, vous nous demandez de ne pas appliquer le droit supérieur, et vous comprendrez que cela sera particulièrement difficile pour le canton. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'un amendement du rapporteur de minorité qui remplace intégralement l'unique invite de la proposition de résolution par celle-ci:
«à faire supporter aux détenus, sauf situation financière particulièrement défavorable, une participation financière proportionnée pour leur prise en charge médicale de base.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 38 non.
Mise aux voix, la proposition de résolution 892 ainsi amendée est rejetée par 55 non contre 36 oui et 1 abstention.
Débat
Le président. Voici la prochaine urgence: la M 2582-A. (Brouhaha.) Nous sommes en catégorie II, trente minutes... (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, la soirée est encore longue ! (Brouhaha. Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Pour commencer, je laisse la parole à la rapporteure de majorité, Mme Véronique Kämpfen.
Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La proposition de motion 2582 demande la distribution gratuite de protections hygiéniques dans tout le grand Etat. Une mesure arrosoir par excellence, sans ciblage aucun, qui comporte des coûts qu'on imagine conséquents à un moment où les finances de l'Etat sont exsangues et où les entreprises se battent pour survivre et conserver leurs postes.
S'agissant des femmes qui vivent dans des conditions précaires, il convient de rappeler ici que les épiceries Caritas vendent des produits d'hygiène menstruelle à un prix préférentiel et que les Colis du coeur incluent ce genre d'articles dans leur offre. A noter également que les femmes incarcérées sont fournies gratuitement et que dans les écoles, serviettes et tampons sont disponibles dans les secrétariats et les infirmeries.
Partir du présupposé, comme le font les auteurs, que les femmes vivent leurs règles comme un fardeau et qu'avoir ses menstruations représente une source de stigmatisation me semble aller infiniment trop loin. La majorité de la commission, en plus de s'interroger quant à la distribution gratuite de serviettes périodiques et au public cible, juge que l'exposé des motifs est inadéquat et donne une image des femmes comme incapables de se responsabiliser.
Avoir ses règles n'est pas un fardeau; avoir ses règles n'implique pas une stigmatisation; avoir ses règles ne constitue pas une charge mentale. Laisser entendre que les femmes ont besoin d'aide pour gérer leurs menstruations est infantilisant et paternaliste; c'est cela qui est stigmatisant, et non le fait d'avoir ses règles. Les femmes prennent leurs règles en compte et s'organisent en conséquence, de manière responsable; l'Etat n'a pas à engager des sommes considérables afin de pallier un problème inexistant pour l'immense majorité d'entre elles. Pour l'ensemble de ces raisons, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission vous invite à rejeter cette proposition de motion. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo, Véronique !
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion, importante, est très politique. Les femmes et leurs menstruations ont toujours été stigmatisées au cours de l'histoire et placées en marge de la société. Le tabou des règles est une manière de contrôler le corps des femmes, les cycles menstruels et la procréation afin d'asseoir une domination masculine. Il s'agit donc ici d'un texte politique touchant aux rapports structurels de genre.
La précarité menstruelle, soit les difficultés d'accès aux protections hygiéniques en quantité suffisante liées à un manque de ressources financières, touche de très nombreuses femmes en Suisse. Cette question constitue un vrai problème de santé publique. L'absence de produits d'hygiène féminine en libre accès engendre une charge mentale supplémentaire pour les femmes. Elle participe directement de la stigmatisation liée aux règles. Installer des distributeurs permettrait d'informer les gens et de banaliser ce phénomène. Par ailleurs, ce sont les populations précaires qui sont le plus frappées, car le coût de ces articles est élevé du fait d'une TVA forte, la fameuse taxe rose.
En commission, la majorité n'a pas souhaité procéder à une seule audition et a voté précipitamment sur cet objet, avançant l'argument de la responsabilité individuelle. «On achète bien son savon, pourquoi pas ses tampons ?», a-t-on entendu. Il s'agit pourtant de donner une réponse aux plus de 500 000 femmes qui étaient dans la rue le 14 juin 2019 et à la vague violette qui est montée au parlement national pour exiger des actes politiques clairs en faveur des femmes; c'est ce que nous pouvons faire ce soir en votant cette proposition de motion et en la renvoyant au Conseil d'Etat pour exécution.
La mise à disposition de protections intimes est la règle dans les universités américaines. Au Canada, serviettes et tampons sont fournis gratuitement à l'école. La Nouvelle-Zélande et l'Angleterre les offrent en libre accès dans les bâtiments publics. L'Ecosse a même décrété la gratuité totale. Quant à la France, elle a annoncé le 23 février dernier la mise à disposition gratuite de protections hygiéniques pour les étudiantes. Et en Suisse ? Dans le cadre d'un projet pilote, le canton de Vaud dotera ses écoles de distributeurs; une initiative est en cours dans le Jura tandis que la Ville de Genève ainsi que les communes du Grand-Saconnex et de Meyrin se sont déjà positionnées.
Cette proposition de motion a été rédigée en 2019; deux ans après, il se trouve encore une majorité pour la refuser - c'était en tout cas ainsi en commission. Oui, les produits menstruels permettent aux personnes réglées de satisfaire un besoin d'hygiène élémentaire. Oui, ne pas satisfaire un tel besoin atteint directement la dignité des personnes concernées, entrave leur pleine participation à la société et peut aller jusqu'à mettre en péril leur santé. Oui, le Conseil d'Etat doit entreprendre toutes les démarches nécessaires afin que tampons et serviettes hygiéniques soient librement accessibles, particulièrement pour les publics les plus fragiles et les personnes mineures.
Mesdames et Messieurs les députés, la minorité de la commission vous invite à changer d'époque, à tourner le dos à un passé stigmatisant les règles, le sang, les femmes, et à voter résolument cet objet qui permet d'appréhender de manière nouvelle une question de santé publique, d'égalité femme-homme et de justice sociale. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Pendant longtemps, on ne parlait pas des menstruations; c'étaient des histoires de femmes, des questions qui relèvent de l'intime. On ne parlait pas de ces choses-là, et les parlementaires sans doute encore moins que les autres. Aujourd'hui, on s'est quelque peu affranchi de cette pudibonderie ainsi que des volontés de contrôle qui prévalaient autour du corps des femmes et de ce pouvoir singulier qu'elles détiennent exclusivement, celui de la procréation.
Alors oui, on parle de menstruations, on parle de règles, on ose même parler de précarité menstruelle et affirmer que les articles d'hygiène féminine sont incontestablement des produits de première nécessité. La difficulté pour y accéder, pour certaines femmes, voire leur absence, constitue une atteinte à la dignité de même qu'un facteur d'exclusion, de décrochage scolaire, de risques en matière de santé. Dans le monde, contrairement à ce qui a été affirmé tout à l'heure, jusqu'à 500 millions de personnes vivent dans la précarité menstruelle.
En Suisse, au regard de la loi sur la TVA, les protections menstruelles font partie de la catégorie des produits de luxe et sont donc taxées à 7,7%. L'an dernier, le Conseil fédéral a mis en consultation un projet de révision de cette loi: les protections hygiéniques passeraient dans la liste des produits essentiels et ne seraient plus taxées qu'à 2,5%. Enfin ! Mais encore faut-il transformer l'essai.
La présente proposition de motion ne demande pas que l'on paie aux femmes leurs serviettes hygiéniques, mais d'en mettre à disposition dans les toilettes afin qu'elles puissent faire face à l'arrivée inopinée de règles ou à l'absence de moyens de protection. Il s'agit d'entreprendre toutes les démarches nécessaires pour que des protections périodiques gratuites soient librement accessibles dans l'ensemble des toilettes des bâtiments de l'Etat et des établissements publics autonomes, en priorité ceux fréquentés par les populations dites vulnérables.
Lors des travaux de commission, cela a été rappelé tout à l'heure par la rapporteuse de majorité, il a été reproché à ce texte d'infantiliser les femmes, d'introduire une prise en charge étatique dans un domaine où la responsabilité individuelle devrait, selon la majorité, prévaloir. Or, comme l'a souligné le rapporteur de minorité, évoquer la précarité menstruelle, militer en faveur d'un accès à des produits hygiéniques dans les bâtiments publics ou de leur gratuité, ce n'est pas une question de responsabilité individuelle, c'est une question «politique touchant aux rapports structurels de genre». A cela, il faut ajouter que c'est aussi une manière... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...de répondre à une inégalité sociale.
Si New York, le Canada, Meyrin, Le Grand-Saconnex, la France peuvent entreprendre des démarches dans ce sens, pourquoi n'y parviendrions-nous pas ?
Le président. Merci.
Mme Jocelyne Haller. Le problème se pose chez nous de cette manière, alors aujourd'hui, pour ancrer dans les mentalités le fait que les règles ne sont pas un secret plus ou moins honteux...
Le président. C'est terminé...
Mme Jocelyne Haller. ...que doivent assumer exclusivement les femmes, mais que c'est une fonction naturelle, l'un des piliers sur lequel reposent rien de moins...
Le président. Merci, Madame la députée !
Mme Jocelyne Haller. ...que la qualité de vie des femmes et la perpétuation de l'espèce, le groupe Ensemble à Gauche vous propose d'accepter cet objet. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, de quoi parlons-nous ce soir ? Nous parlons d'un sujet tabou depuis des siècles, qui stigmatise les femmes et a permis d'asseoir la domination masculine. Nous parlons de nos règles, nous parlons du sang qui s'écoule de nous chaque mois, pendant une période plus ou moins longue de notre vie. Ce sang ne devrait pas être un tabou, nous devrions pouvoir en parler librement et fièrement.
Pour essuyer les fesses de nos concitoyennes et concitoyens, la mise à disposition gratuite de papier toilette ne choque personne, cela nous semble tout à fait normal qu'il y ait du papier WC disponible dans les lieux d'aisance. Personne ne remettrait jamais cela en question, n'est-ce pas ? Personne ne dirait qu'il relève de la responsabilité individuelle de chacune et de chacun d'avoir du papier toilette sur soi pour se nettoyer. Le fait que plus de la moitié de la population ait besoin chaque mois de protections hygiéniques ne semble pas intéresser nos hommes de loi. Il s'agit pourtant, me semble-t-il, d'une mesure promouvant la santé des femmes et favorisant l'égalité de traitement.
Combien de fois ai-je entendu des copines de classe ou des collègues de travail me chuchoter discrètement: «Eh, psst, tu n'aurais pas un tampon ou une serviette hygiénique ? J'ai oublié ma cup !» (L'oratrice brandit des protections hygiéniques.) Le stress que peut engendrer une situation où l'on se retrouve sans protection intime le jour dit, vous ne savez pas ce que c'est, Messieurs ! Rendons cela normal et visible, mettons-en tout simplement à disposition gratuitement.
Question pour un champion: quel point commun y a-t-il entre la ville de New York, le Canada, la France, l'Ecosse, la commune du Grand-Saconnex, l'université Harvard et les bains des Pâquis ? Eh bien tous ces lieux procurent déjà des protections périodiques gratuites. Alors s'ils le peuvent, je crois que la Suisse le peut largement aussi. Il s'agit simplement de faire preuve de volonté politique pour une société plus inclusive, plus égalitaire et plus juste. Peut-être que dans cinq, dix ou trente ans, on s'exclamera: «Vous imaginez, à l'époque, il n'y avait pas de protections gratuites !» Peut-être s'est-on dit la même chose pour le papier toilette il y a quelques décennies encore.
Mesdames les députées, Messieurs les députés, 500 000 femmes étaient dans la rue le 14 juin 2019; elles demandaient des réponses fortes du monde politique en faveur du droit des femmes et de l'égalité. Ce soir, au sein de ce parlement, avec cette proposition de motion, nous pouvons faire un pas en faveur de l'égalité. Les Vertes et les Verts déplorent le dépôt de l'amendement du PDC qui édulcore le fond de ce texte en limitant le dispositif aux seules écoles du primaire et du secondaire I et II; nous l'accepterons toutefois pour assurer au moins une petite avancée dans le bon sens, mais nous reviendrons le cas échéant avec des propositions allant beaucoup plus loin. Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, la question des protections hygiéniques gratuites et en libre accès est un problème, et un problème qui nécessite une analyse approfondie. Cette proposition de motion doit être traitée à la commission de la santé, et non à celle des affaires sociales. Pour cette raison, l'UDC demande le renvoi à la commission de la santé. Merci.
Le président. Vous sollicitez le renvoi à la commission des affaires sociales, Monsieur le député ?
M. André Pfeffer. Non, à la commission de la santé.
Le président. Bien, je passe la parole aux rapporteurs et au Conseil d'Etat sur cette requête. A vous, Monsieur Thévoz.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Je vais m'exprimer sur la demande de renvoi à la commission de la santé. Il est étonnant qu'un parti qui a refusé, il faut dire les choses comme elles sont, d'étudier cette proposition de motion lorsqu'elle figurait à l'ordre du jour de la commission des affaires sociales, qui a rejeté toutes les auditions que nous avons proposées - Camarada, HUG, CSP et j'en passe...
M. Jean Burgermeister. Il y en a même eu d'autres !
M. Sylvain Thévoz. Il y en a eu au moins cinq ou six, Monsieur Burgermeister, je me souviens - je ne suis pas sûr que vous ayez été là, mais vous avez de bonnes oreilles, en tout cas ! Donc qu'un parti politique qui a refusé toute audition, qui n'a pas voulu étudier ce texte vienne maintenant en plénière, dans une volonté d'obstruction - on ne peut que le nommer ainsi - proposer un renvoi à la commission de la santé, ce n'est pas crédible, ce n'est pas audible.
Mesdames et Messieurs, cet objet a été déposé en 2019, nous sommes en 2021. Un certain nombre d'intervenants ont rappelé les pays et cantons qui, entre-temps, ont décidé d'offrir la gratuité des tampons et autres serviettes hygiéniques. En tant que rapporteur de minorité, je vous invite bien évidemment à ne pas soutenir cette requête. Merci.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs, la majorité vous recommande de soutenir la demande de renvoi, non qu'il nous apparaisse soudainement nécessaire d'examiner à nouveau ce texte à la commission des affaires sociales, mais parce que dans l'intervalle, la commission de la santé a été saisie d'une proposition de motion ainsi que d'une proposition de résolution sur les questions de santé sexuelle; la première, d'ailleurs fort ambitieuse, comprend notamment un chapitre sur les protections hygiéniques. Pour des raisons d'efficience et d'efficacité, il nous semble intéressant de traiter l'ensemble de ces objets à la commission de la santé, aussi accepterons-nous cette proposition.
Le président. Merci bien. Le Conseil d'Etat ne souhaitant pas s'exprimer sur la demande de renvoi, nous passons immédiatement au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2582 à la commission de la santé est rejeté par 50 non contre 40 oui et 2 abstentions.
Le président. Nous poursuivons le débat, et je cède la parole à Mme Patricia Bidaux.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion déposée par le parti socialiste met sur le devant de la scène les difficultés liées au plus naturel des processus; elle aborde la problématique largement, si largement que l'on s'y perd. La pensée que les femmes sont stigmatisées parce que réglées est à rattacher à l'histoire ! Une histoire qui doit néanmoins nous rappeler qu'elles ont dû se battre afin d'acquérir des droits par ailleurs évidents pour la moitié de la population. Aujourd'hui encore, les femmes sont confrontées au plafond de verre, elles doivent toujours prouver que ce ne sont pas leurs règles qui régissent leurs compétences, et cela va bien au-delà de la mise à disposition de protections hygiéniques. Cette lutte n'est pas la chasse gardée de la gauche, elle nous concerne toutes et tous.
Les conceptions éducatives au sujet des menstruations sont largement définies par la psychologie, qui incite les parents à prévenir leurs enfants des transformations qui les attendent. Malheureusement, les adolescentes ne sont pas toutes équipées de manière égale pour aborder cette période sereinement. Et si, dans cet hémicycle, certains considèrent que les parents doivent tenir ce rôle d'accompagnement, tous ne sont pas forcément présents, équipés, voire adéquats, parce qu'ils sont eux-mêmes empêtrés dans leurs propres difficultés. C'est une réalité. Il arrive aussi que la pudeur empêche mères et pères d'informer leurs filles du développement qui est le leur et les pousse à reproduire ainsi le silence qui avait entouré pour eux la survenue des menstruations.
Offrir aux élèves la possibilité d'être sereines durant les heures d'école, quelle que soit la période du cycle de leur vie de femme, c'est aussi leur aménager de la disponibilité pour apprendre. Ainsi, Mesdames et Messieurs, au-delà de toutes les discussions menées au sein de la commission des affaires sociales quant à la charge émotionnelle, quant à la mise à disposition gratuite de protections périodiques, au-delà même de l'exposé des motifs, le PDC vous propose ce soir un amendement général tenant compte de cette période de vie si particulière pour nos filles et nos petites-filles scolarisées dans le canton. A noter que nous refuserons le texte si cet amendement n'est pas accepté. Je vous remercie de prendre en considération les arguments qui précèdent et de soutenir l'amendement déposé. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole revient maintenant à Mme Helena Verissimo de Freitas pour une minute vingt-cinq.
Mme Helena Verissimo de Freitas (S). Est-ce que quelqu'un aurait un tampon ? Il n'y en a pas aux toilettes... (Rires.)
Une voix. Oui !
Mme Helena Verissimo de Freitas. Merci, merci ! Ce soir, Mesdames et Messieurs, les mots «règles», «protections hygiéniques», «tampons», «serviettes», «sang» sont prononcés dans cet hémicycle, et ils entreront dans le Mémorial du Grand Conseil. C'est déjà un grand pas, parce qu'on en parle. Ce soir, nous évoquons quelque chose de tellement tabou, et pourtant de tellement naturel ! C'est grâce à nos règles que nous sommes tous là, en fait.
Après New York, Tavannes, les bains des Pâquis, Delémont, l'Ecosse, la Nouvelle-Zélande, la France, le canton de Vaud, Le Grand-Saconnex, le canton du Jura et Meyrin, le canton de Genève s'ajoutera-t-il à la liste des villes, communes, cantons et pays qui, eux, ont fait le pas vers plus d'égalité ? Espérons-le. Ça me permettra de faire un post Facebook assez marrant, merci !
Pour rappel, cette proposition de motion a été déposée en août 2019. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Elle a connu un seul passage en commission en décembre 2019 avant d'être refusée, sans même que les commissaires procèdent à des auditions. Le BPEV, par exemple, aurait pu nous donner toutes les informations nécessaires. Ce texte invite le Conseil d'Etat à assurer la mise à disposition de protections périodiques gratuites et librement accessibles dans toutes les toilettes des bâtiments de l'Etat, au même titre que le papier de toilette et le savon, produits...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Helena Verissimo de Freitas. ...que personne ne remet en question ! Qu'il est sympathique de partir de chez soi le matin sans devoir penser à prendre son PQ !
Le président. Merci...
Mme Helena Verissimo de Freitas. Il y en a partout ! Voilà, tout est dit. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Thomas Bläsi (UDC). En tant que pharmacien indépendant, la vente de produits d'hygiène intime représente une partie de mon chiffre d'affaires. Cependant, il me semble évident - ainsi qu'à une minorité de mon groupe, d'ailleurs - que les protections hygiéniques doivent être mises à disposition des femmes de manière libre, en tout cas qu'elles puissent toujours en trouver quelque part lorsqu'elles en ont besoin, et c'est pourquoi je soutiendrai ce texte de la gauche. Merci. (Applaudissements.)
Par contre, ce serait bien que quand la gauche dépose des textes, elle se synchronise un peu de façon à ce qu'on ne se retrouve pas à étudier un texte sur le sujet à la commission de la santé avant d'être saisis d'un autre en plénière qui propose la même chose, mais de manière différente. Je me permets de faire cette recommandation, parce que cette façon de procéder leur fait perdre des voix, et franchement, sur ce type de thématique, c'est dommage. Voilà, merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie. Nous sommes saisis d'un amendement général présenté par Mme Patricia Bidaux...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenue, Madame ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Cet amendement général est libellé comme suit:
«Titre (nouvelle teneur)
Protections périodiques gratuites et en libre accès au sein des établissements scolaires publics du canton
Invites (nouvelle teneur)
invite le Conseil d'Etat
- à mettre à disposition des élèves, des protections périodiques gratuites dans les toilettes des établissements scolaires publics de Genève (enseignement primaire, secondaire I et II);
- à entreprendre au sein des établissements concernés une campagne d'information à l'attention des élèves;
- à sensibiliser les acteurs privés à la question de l'accessibilité des protections périodiques.»
Mis aux voix, cet amendement général recueille 44 oui et 44 non.
Le président. Le président vote oui ! (Applaudissements.)
Cet amendement général est donc adopté par 45 oui contre 44 non (vote nominal).
Le président. A présent, nous procédons au vote sur le texte tel qu'amendé...
Des voix. Vote nominal !
Le président. Est-ce que vous êtes soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est le cas.
Mise aux voix, la motion 2582 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 55 oui contre 37 non et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Au point suivant de notre planning des urgences figure la M 2672-A dont nous débattons en catégorie II, trente minutes. La parole échoit au rapporteur de majorité, M. Jacques Apothéloz. (Brouhaha.)
M. Jacques Apothéloz (PLR), rapporteur de majorité. Merci... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le rapporteur...
M. Jacques Apothéloz. Merci, Monsieur le président... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le rapporteur !
M. Jacques Apothéloz. Mesdames et Messieurs les députés...
Le président. Monsieur le rapporteur, un instant ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Bien, merci. Reprenez, Monsieur Apothéloz.
M. Jacques Apothéloz. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'enseignement supérieur a traité la proposition de motion 2672 en novembre et décembre 2020 sous la présidence de Jean Romain. Une clinique de recherche - néologisme à ne pas confondre avec la recherche clinique -, plus communément connue sous le terme anglais de «clinic», est un programme académique offrant une expérience pratique aux étudiants ainsi que des services à divers clients.
Les institutions d'enseignement supérieur telles que l'université et l'IHEID font preuve depuis longtemps d'un grand dynamisme dans l'utilisation de cet outil d'apprentissage fantastique qui permet de confronter les étudiants avec la réalité professionnelle, ce qui leur apporte une valeur ajoutée extraordinaire dans leur cursus. Si c'est dans le domaine du droit que les cliniques de recherche ont débuté, on observe une diversification dans d'autres branches depuis plusieurs années. Relevons qu'une clinique génère un coût important en raison d'un encadrement significatif: pour quinze à vingt étudiants, il faut mobiliser un maître et un assistant - vous pouvez aisément imaginer ce que cela représente pour une faculté forte de 200 étudiants en master de droit, par exemple.
La présente proposition de motion vise à promouvoir ce type de programme, à trouver des formes originales de collaboration en cherchant de nouveaux partenaires parmi les organisations internationales et non gouvernementales et l'économie privée en général. Pour cela, nous souhaitons que le Conseil d'Etat joue un rôle moteur dans la mise en relation des acteurs de la société civile avec les établissements académiques en vue de créer et de financer de nouvelles cliniques de recherche. L'idée est de reconnaître la valeur de ces cliniques, d'en encourager la pratique, de mettre en lumière cette forme d'apprentissage, d'inciter à sortir du cadre en cherchant des collaborations originales, notamment des partenariats public-privé, enfin et surtout de donner l'impulsion nécessaire au Conseil d'Etat afin qu'il oeuvre dans ce sens.
Nous saluons ici le grand dynamisme de l'Université de Genève, de l'IHEID et d'autres instituts d'enseignement supérieur dans ce domaine. Au vu du grand intérêt rencontré pour ce type de formation, nous voudrions instituer plus de cliniques de recherche sans pour autant pénaliser le budget des institutions et tout en leur garantissant leur autonomie de même que leur totale liberté académique. Pour ces raisons, la majorité de la commission de l'enseignement supérieur vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ce texte. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons étudié cette proposition de motion qui appelle les commentaires suivants. Il est vrai que le concept des cliniques de recherche est relativement intéressant. Cependant, comme je l'explique dans mon rapport de minorité, un tel dispositif n'est pas forcément réalisable dans le cadre de toutes les formations que dispense l'université. L'UNIGE en organise quand c'est possible, notamment en droit et dans d'autres domaines où c'est assez simple, mais il reste un certain nombre de cursus où ce n'est tout simplement pas envisageable, sans parler du fait que c'est extrêmement onéreux, car il faut un encadrement largement supérieur à celui des cours normaux.
Nous devons laisser l'université libre d'aller de l'avant dans cette direction ou pas. En ce qui me concerne, je suis très attaché à l'autonomie de l'institution, il faut lui laisser le soin d'entreprendre des démarches lorsque c'est possible, lorsque c'est réalisable, lorsqu'il s'agit de branches dans le cadre desquelles on peut mettre en place des cliniques de recherche. Il y en a déjà - on en trouve une bonne vingtaine -, mais ce n'est pas possible dans tous les domaines. Je rappelle que l'Université de Genève compte 19 000 étudiants, avec une croissance annuelle d'environ 8%. Forcer, à travers une proposition de motion, l'université qui est autonome à instaurer des cliniques de recherche partout, c'est complètement irréaliste. Je ne vois pas ce que ça apporte, je ne crois pas qu'il revienne au législateur cantonal d'intervenir dans la gestion de l'enseignement académique, je pense que nous allons trop loin et que, ce faisant, nous entachons l'autonomie de l'université.
Si elle ne s'y intéressait pas du tout, si elle n'était pas ouverte à cet outil, à la rigueur, mais nous avons auditionné le recteur, qui nous a indiqué que l'université s'y engageait lorsque c'est possible, qu'elle mettait en place les structures nécessaires. On parle de petits groupes de quinze à vingt étudiants avec un enseignant et un assistant; faites le calcul pour 19 000 étudiants ! Financièrement, ce n'est juste pas possible, et ça ne l'est pas non plus toujours selon les formations.
Voter cet objet, c'est un coup d'épée dans l'eau, ça ne sert strictement à rien. L'université est consciente de cet enjeu et, je le répète, elle met des choses en place quand elle le peut, quand les structures le permettent, quand les cursus sont adéquats, notamment en droit, en droit international. C'est relativement simple à instaurer, mais ça reste très coûteux, comme je l'ai dit tout à l'heure, puisqu'il s'agit de groupes de quinze à vingt étudiants, et on ne peut pas le faire dans tous les domaines; ce n'est probablement pas possible en médecine, ce n'est probablement pas possible dans d'autres branches. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas accepté cette proposition de motion en commission et que nous vous invitons à la refuser également ce soir.
Mme Joëlle Fiss (PLR), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comment aider les étudiants à Genève et apporter une valeur ajoutée à leur CV ? Comment leur faire vivre des expériences professionnelles ? Comment les faire participer à des discussions globales sur le respect de l'environnement, le commerce international, la protection des employeurs et des consommateurs, la santé publique et les immenses défis posés par une société digitale ?
Cette proposition de motion offre une toute petite réponse en conférant aux acteurs académiques du canton un avantage compétitif, elle appelle le Conseil d'Etat à agir pour favoriser le développement des cliniques de recherche. Celles-ci permettent à des étudiants de s'associer au travail des organisations internationales et du secteur privé dans l'intérêt général, elles dispensent un enseignement très pratique où les étudiants peuvent se pencher sur des problèmes de société et proposer des solutions, nouer des liens avec le monde professionnel et, en même temps, y contribuer. C'est une transition idéale vers le monde du travail. En échange de leur travail pro bono, les jeunes obtiennent des crédits; les organisations internationales et les ONG, quant à elles, peuvent innover grâce au talent de nos étudiants genevois. Le timing est singulièrement propice: cela donnerait un signal fort d'encouragement à la Genève internationale en cette période post-covid où le télétravail et les coupes budgétaires font douter certains du bénéfice concret de rester ici.
Monsieur Sormanni, je m'adresse à vous et à tout le MCG: certes, enseigner de cette façon exige des moyens financiers importants, mais comme vous le savez, il ne s'agit pas d'imposer des cliniques de recherche à chaque universitaire genevois, ce serait de mauvaise foi que de le prétendre. Cela coûte plus cher, il est vrai, mais le Conseil d'Etat peut jouer un rôle essentiel. On ne réclame pas un franc dans ce texte, on demande simplement au gouvernement d'être le parfait candidat pour fédérer les partenaires publics et privés et les encourager à financer des projets d'intérêt public.
Et maintenant, j'interpelle la gauche qui a émis des doutes quant à cet objet... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...cette gauche qui a par exemple fait campagne pour l'initiative sur les multinationales responsables: ne voulez-vous pas que les étudiants respectent les droits humains fondamentaux en collaborant avec des multinationales ? Qui ne souhaite pas que les jeunes de notre canton se penchent sur le développement durable avec l'OMC ?
Le président. Merci.
Mme Joëlle Fiss. Ou sur la santé publique avec l'OMS ?
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Joëlle Fiss. Encourager de tels partenariats crée un cercle vertueux...
Le président. C'est terminé, Madame.
Mme Joëlle Fiss. ...et sert l'intérêt général. Je termine tout de suite ! (Rires.) Pour la Genève internationale et pour nos étudiants, je vous invite à voter oui à cette proposition de motion. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Madame la députée, je vous rappelle que dans cette enceinte, on s'adresse au président, lequel se fera un plaisir de transmettre vos propos. Monsieur Jean-Luc Forni, c'est à vous.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Sans surprise, le parti démocrate-chrétien acceptera cette proposition de motion. Comme on l'a entendu, le concept des cliniques de recherche n'est pas nouveau, bien au contraire, il est déjà développé dans certains instituts universitaires en Suisse ou à l'international. Dans cette période post-covid où tout est remis en question, il ne s'agit pas de revoir l'ensemble des cours ex cathedra et des méthodes d'enseignement, mais de stimuler des enseignements participatifs et prometteurs, tant au niveau d'une contribution de fonds privés que des possibilités d'emploi à la fois pour le corps intermédiaire et les étudiants. Ainsi, nous soutenons ce programme.
On a parlé des coûts; je crois que le rôle de l'Etat n'est pas de s'immiscer dans la gestion de l'université, qui bénéficie d'une totale indépendance, mais d'encourager ce type de collaboration et de favoriser les contacts avec les organisations non gouvernementales, les organisations internationales, voire les acteurs privés, afin de développer des programmes d'enseignement. Par là même, cela a été dit aussi, on offre une expérience professionnelle aux étudiants qui, une fois leur master en poche, sont souvent accusés... Enfin, pas accusés, mais disons qu'on leur reproche généralement de ne pas disposer de l'expérience requise par le monde du travail, par les patrons qui seraient susceptibles de les engager. Là, ils ont l'opportunité d'acquérir une expérience professionnelle - en tout cas des notions -, ils ont l'opportunité de se faire quelques petits sous, et puis cela donne également au corps intermédiaire la possibilité d'obtenir des emplois complémentaires à leurs postes, qui sont souvent des demi-postes, au sein des institutions académiques.
Encore une fois, il ne s'agit pas de multiplier les cliniques de recherche, mais d'en promouvoir le développement là où c'est possible et de profiter de cette période post-covid pour trouver des formes d'enseignement originales. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Patrick Hulliger (UDC). Ce sujet n'a rien à voir avec de la politique. Comme l'a expliqué M. Flückiger, un tel instrument existe déjà à l'université selon divers modèles, par exemple la law clinic qui comporte deux maîtres assistants et un professeur pour encadrer le tout. On parle de financement public ou privé, de favoriser l'indépendance... C'est compliqué de généraliser. Laissons à l'université le choix d'agir selon ses possibilités. Le groupe UDC s'abstiendra sur cet objet. Merci, Monsieur le président.
Mme Amanda Gavilanes (S). Les cliniques de recherche constituent un outil méthodologique de plus en plus utilisé à l'Université de Genève et ailleurs, c'est un constat; elles permettent aux étudiantes et étudiants d'avoir accès à des structures d'encadrement qui sortent de l'ordinaire académique, ils et elles en tirent très certainement des bénéfices. A ce titre, le parti socialiste trouve cette proposition de motion intéressante, et sur le fond, il soutient ce type de démarche, car le perfectionnement des étudiantes et étudiants est primordial et doit figurer au centre des préoccupations.
Toutefois, ce texte représente également une porte ouverte à l'augmentation du financement privé de l'université ainsi qu'à la néolibéralisation de l'enseignement et de la recherche académiques, tendance qui entre en contradiction avec la volonté de démocratiser toujours davantage les études universitaires. En tant qu'institution, l'Université de Genève doit garantir une recherche de qualité à travers un financement public afin de préserver son indépendance.
De plus, la multiplication des cliniques de recherche, qui s'ajoutent aux activités ordinaires d'enseignement et de recherche, aurait un impact sur le corps intermédiaire, cela représenterait une charge de travail supplémentaire, notamment pour les assistantes et assistants chargés d'encadrer les programmes. Or celles-ci et ceux-ci sont déjà soumis à une très forte pression. La précarité des conditions de travail du corps intermédiaire à l'UNIGE et dans les universités suisses fait d'ailleurs l'objet d'une pétition aux Chambres fédérales et a également attiré l'attention du rectorat de l'Université de Genève.
A la lumière de ces éléments, le groupe socialiste propose un amendement. D'une part, nous souhaitons modifier la deuxième invite en supprimant tout le texte qui se trouve entre parenthèses et en ne gardant que celui-ci: «à explorer les possibilités de créer plus de cliniques de recherche à l'avenir en vue de contribuer à la réflexion sur des problèmes sociétaux contemporains majeurs». D'autre part, nous entendons réduire l'avant-dernière invite de la façon suivante: «à soutenir les institutions d'enseignement supérieur publiques dans la mise en place de nouvelles cliniques». Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Daniel Sormanni pour deux minutes cinquante.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je répète que l'autonomie de l'université est primordiale, ce n'est pas aux députés, ce n'est pas au Grand Conseil de lui indiquer comment elle doit dispenser son enseignement, on n'est pas en Union soviétique, ici ! A mon sens, il est tout faux de vouloir faire ça. Si l'UNIGE s'opposait à ce type d'enseignement, on pourrait encore en discuter, mais ce n'est pas le cas, elle le met en place chaque fois que c'est possible, ainsi que le recteur nous l'a expliqué.
Aussi, soit vous enfoncez des portes ouvertes, soit vous avez d'autres objectifs en tête; si on devait, entre guillemets, «forcer» l'université à réaliser plus de cliniques de recherche, c'est finalement la subvention qu'il faudrait augmenter. Alors si c'est ça que vous voulez, eh bien dites-le clairement ! Là, c'est sous-jacent à la proposition, puisque l'université va accepter de se soumettre à un objet voté par le Grand Conseil, que le Conseil d'Etat lui transmettra. Je rappelle que l'indépendance de l'université est essentielle.
Je viens de recevoir la demande d'amendement; je m'excuse, mais on ne pourra bien évidemment pas l'accepter, parce que l'une des particularités des cliniques de recherche, c'est précisément de mettre les étudiants, dans le cadre de petits groupes, en lien avec des entités privées, par exemple des études d'avocats, il s'agit de les confronter à des cas réels dans la société. Or cet amendement supprime toute évocation du privé: dès qu'il y a le mot «privé», hop, on le biffe ! Vous faites erreur, car ces cliniques de recherche ont justement pour objectif une collaboration entre le privé et l'université. A partir du moment où on enlève toute notion de privé, eh bien on en reste à l'enseignement traditionnel que l'université dispense elle-même. Nous refuserons l'amendement de même que la proposition de motion. Merci.
Le président. Merci bien. La parole retourne à M. Jean-Luc Forni pour trente-cinq secondes.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président, ce sera amplement suffisant. Si le PDC pourrait éventuellement accepter la modification de la deuxième invite, il s'opposera en revanche à celle de l'avant-dernière invite qui exclut le partenariat public-privé ainsi que les institutions privées. Par conséquent, nous refuserons la demande d'amendement globale.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Monsieur Cyril Mizrahi, vous avez quarante-cinq secondes.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, au nom de mon groupe, j'aimerais corriger les propos de M. Sormanni qui ne sont pas corrects. Cet amendement ne rend pas impossible toute collaboration avec des entreprises privées comme des études d'avocats - il me semble que c'est l'exemple qu'il a donné, si j'ai bien entendu -, ce n'est pas du tout l'idée. L'objectif, pour ce qui concerne la deuxième invite, c'est simplement de ne pas trop orienter les choses, de ne pas dire que les cliniques visent tel ou tel domaine. Ça, c'est le premier élément.
Quant à la modification portant sur l'avant-dernière invite, il s'agit de préciser que si financement étatique il y a...
Le président. Je vous remercie...
M. Cyril Mizrahi. ...alors celui-ci s'adresse aux universités publiques, voilà tout.
Le président. Merci !
M. Cyril Mizrahi. Il ne faut pas surévaluer la portée de cet amendement.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. Nous soutenons - si je peux me permettre de finir, Mesdames et Messieurs - le principe des cliniques...
Le président. C'est terminé...
M. Cyril Mizrahi. ...mais nous ne voulons pas... Je finis ma phrase, Monsieur le président ! (Rires.)
Le président. C'est vraiment terminé, Monsieur le député, toutes mes excuses !
M. Cyril Mizrahi. ...nous ne voulons pas que les universités privées soient financées par ce biais. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, je vais d'abord mettre aux voix la proposition d'amendement déposée par M. Mizrahi; elle vous a été lue tout à l'heure, je ne la relirai pas. (Remarque.) Excusez-moi, je n'avais pas vu la demande de parole de M. Olivier Baud. Allez-y, Monsieur.
M. Olivier Baud (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref. Mme Joëlle Fiss a signifié qu'il y avait un profond doute du côté de la gauche, ce qui est vrai. Et quand j'entends les arguments développés aujourd'hui, cette réserve se confirme.
Ensemble à Gauche ne soutiendra ni la proposition de motion ni l'amendement. Il faut quand même lire le texte et ses invites qui font carrément deux pages, c'est tout un programme ! Il y a là quelque chose d'incohérent qu'on ne peut pas soutenir comme ça, maintenant. On doit maintenir ce qui se fait actuellement et surtout l'indépendance de l'université, il est réellement nécessaire de la préserver. On ne peut pas voter cet objet comme ça, avec un amendement qui est de l'ordre du cosmétique - il s'agit juste de biffer le mot «privé», mais sans vraiment condamner le secteur privé, on ne sait plus très bien.
A mon avis, il est plus simple et plus raisonnable de refuser cet objet. Je comprends le dépit de Mme Fiss, parce qu'il s'agit d'un texte assez étayé, qui comprend plusieurs pages, mais objectivement, il n'est pas convaincant, donc il me semble plus judicieux de le rejeter. J'invite ainsi la gauche, comme elle dit, à le refuser nettement de même que l'amendement. Merci.
Le président. Je vous remercie. (Brouhaha. Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) La parole va maintenant... Elle renonce. Monsieur Yves de Matteis, c'est votre tour.
M. Yves de Matteis (Ve). Merci, Monsieur le président. Je sollicite le renvoi de cette proposition de motion en commission.
Le président. Bien. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi... à la commission de l'enseignement supérieur, Monsieur le député, c'est bien ça ?
M. Yves de Matteis. Oui.
Le président. Les rapporteurs et le Conseil d'Etat souhaitent-ils intervenir sur cette proposition ? Je ne vois pas de demande de parole, nous passons donc au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2672 à la commission de l'enseignement supérieur est adopté par 66 oui contre 22 non et 4 abstentions.
Une voix. Bravo !
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, la R 964, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. La parole va à son auteur, M. Jacques Blondin.
M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, au lendemain de l'échec de l'adhésion à l'Espace économique européen, en 1992, notre pays a choisi de développer des accords d'accès sectoriels au marché unique de l'Union européenne. Cette stratégie, baptisée voie bilatérale, a toujours été validée par le peuple suisse lors de différentes consultations référendaires et a permis de créer les conditions du succès économique de notre pays. Pour que la Suisse puisse poursuivre sur ce chemin, elle doit maintenant sécuriser et pérenniser cette voie par un accord institutionnel.
C'est dans cet esprit qu'en 2014, à la demande de la Suisse, se sont ouvertes des négociations en vue d'offrir un cadre juridique stable et clair au développement de la relation bilatérale. Ces négociations ont abouti en 2018 à un texte dont les aspects positifs pour la Suisse l'emportent largement sur les plus négatifs. Le Conseil fédéral a néanmoins demandé des clarifications à la Commission européenne sur trois points: aides d'Etat, directive sur la citoyenneté et protection des salaires. Sur le plan de la politique intérieure, le dossier semble s'être enlisé; le soutien des forces politiques tout comme celui des partenaires sociaux paraît s'éroder, notamment de par l'absence de leadership du Conseil fédéral.
Pour Genève, cette situation suscite une inquiétude plus importante encore. Notre canton, de par son tissu économique, est pleinement inséré dans l'espace européen. Il commerce et réalise des échanges quotidiens avec les pays membres de l'Union européenne. Il mène une politique transfrontalière ambitieuse avec son principal voisin, totalement dépendante du cadre juridique et politique que sont les accords bilatéraux. Il est temps maintenant d'empoigner avec pragmatisme et efficience le dossier des bilatérales, et ce afin de continuer à garantir la prospérité de l'îlot suisse, notamment économique, à laquelle n'est de loin pas étrangère la qualité de nos rapports institutionnels avec nos voisins européens.
Les invites de cette résolution adressée à l'Assemblée fédérale constituent des généralités: nous n'entrons pas dans le détail des négociations - il y a des ambassadeurs et des politiciens dont c'est la tâche. Mais nous demandons à l'Assemblée fédérale «d'enjoindre au Conseil fédéral d'aboutir rapidement à la conclusion d'un accord institutionnel avec l'Union européenne permettant de donner un nouvel élan à la relation bilatérale entre l'UE et la Suisse; de mettre en place les conditions politiques nécessaires pour trouver une solution interne en matière de protection des salaires en collaboration avec les partenaires sociaux; de sécuriser et pérenniser la poursuite de la voie bilatérale entre la Suisse et l'Union européenne en ratifiant le projet d'accord-cadre lorsque celui-ci sera présenté par le Conseil fédéral».
Notre objectif, si vous me permettez l'expression, est donc de donner un coup de pied dans la fourmilière pour que les choses bougent. Nous n'avions pas l'intention d'entrer en matière sur les détails des négociations; ils sont connus puisque ces trois points sont largement débattus par les milieux intéressés. Raison pour laquelle l'amendement qui vous sera présenté par Mme Marti ne nous conviendra pas, au PDC, et nous n'entrerons pas en matière...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Jacques Blondin. ...sur le détail de la négociation. Je m'en tiendrai là pour l'instant. Merci, Monsieur le président.
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC ne soutient ni cette résolution ni l'accord institutionnel. Evidemment, il faut soutenir les accords bilatéraux; évidemment, il faut soutenir le commerce et les échanges avec l'Union européenne; évidemment, il faut soutenir tout type d'accord entre l'Union européenne et la Suisse, mais des accords entre deux partenaires égaux et non des accords donnant plus de pouvoir à l'un des deux partenaires.
L'UDC ne veut pas mettre en danger notre démocratie semi-directe; l'UDC ne veut pas une reprise automatique des mesures imposées par l'Union européenne; l'UDC ne veut pas s'auto-infliger des boycotts ou des clauses guillotine; et l'UDC ne veut pas que l'instance supérieure, en cas de litige, soit l'Union européenne. Cet accord-cadre est par ailleurs également combattu par la gauche et les syndicats, car il risque d'affaiblir les mesures d'accompagnement. Il l'est aussi par le PDC et le PLR suisses, car il existe une extension de la libre circulation limitée au marché du travail et une restriction pour les investissements publics. Pour toutes ces raisons, l'UDC ne soutient pas cet objet. L'UDC vous invite tous, tous les partis, à rejeter cette proposition de résolution. Merci de votre attention. (Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha.) La parole va maintenant à Madame... (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Nous perdons des secondes précieuses. Madame la députée Caroline Marti, c'est à vous.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le PS est bien évidemment favorable à ce que la voie bilatérale perdure - ou même se développe: elle est essentielle, à notre sens, pour nos relations avec les pays qui nous entourent. Elle l'est aussi pour les intérêts de la Suisse dans de très nombreux domaines, notamment - et ça fait le lien avec le débat précédent - la recherche scientifique ou l'enseignement universitaire. Le parti socialiste a toujours dit oui à un accord institutionnel, à un accord-cadre, mais évidemment pas à n'importe quel prix, pas à n'importe quelle condition.
C'est pour nous un élément absolument essentiel: nous devons nous assurer de la protection des travailleurs. A cette fin, il faut obtenir un certain nombre de garanties quant au fait que les protections actuelles demeureront et ne seront pas remises en question par certaines dispositions de l'accord-cadre. Nous avons aujourd'hui, en Suisse, un système développé de protection des travailleuses et travailleurs - notamment au niveau des cantons, comme à Genève - et celui-ci doit être maintenu; l'accord ne doit pas le remettre en cause. Et puis, dans le cadre des discussions sur cet accord, il faut également renforcer la protection des travailleurs, notamment les droits syndicaux, pour éviter que la mise en concurrence des travailleurs prétérite leurs conditions de travail, par exemple en matière de salaires.
Le groupe socialiste aimerait aussi relever qu'il s'agit d'un sujet extrêmement complexe qui touche à des domaines très vastes, que notre Grand Conseil n'a jamais eu l'occasion d'étudier de façon concrète, précise et approfondie - et pour cause: il s'agit d'un sujet éminemment fédéral. Nous n'avons jamais eu l'occasion non plus de mesurer les différents impacts qu'un tel accord-cadre pourrait avoir sur nos relations bilatérales, sur nos politiques sociales, sur nos politiques économiques, et plus globalement sur le quotidien de notre population.
Nous n'avons reçu ce texte qu'hier et nous refusons à ce stade d'adopter la tête dans le sac, pourrait-on dire, un objet qui, je le rappelle quand même, demande aux Chambres fédérales de voter le projet qui leur sera présenté par le Conseil fédéral, et ce avant même de savoir ce qu'il contient ! Cela reviendrait à laisser véritablement carte blanche aux Chambres fédérales, ce que nous refusons. C'est pourquoi nous vous proposons d'étudier concrètement le texte de cette résolution, mais aussi les propositions que nous formulons par le biais de l'amendement, pour pouvoir apporter un certain nombre d'ajustements et procéder à des reformulations. Nous vous proposons par conséquent le renvoi de cet objet à la CACRI.
Le président. Merci, Madame la députée. Votre demande de renvoi en commission sera votée à la fin du débat. Monsieur le député Alexandre de Senarclens, c'est à vous.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Merci, Monsieur le président. Les rapports entre la Suisse et l'Union européenne sont absolument essentiels pour notre pays: il faut se rappeler que le 60% de nos exportations est destiné à l'Union européenne - nos économies sont totalement imbriquées. S'il y a un attachement culturel avec le continent, il y a aussi la nécessité stratégique d'avoir un accord durable, dense, avec l'Union européenne, ne serait-ce que pour entrer en concurrence avec d'autres blocs tels que les Etats-Unis ou l'Asie.
Nous savons que nous avons connu une décennie des années 90 très difficile pour des questions économiques, parce que nous avions à l'époque refusé l'Espace économique européen et que nous n'avions pas encore les bilatérales. Depuis les bilatérales, en 2000, la Suisse a connu un essor économique, une croissance qui a permis notre prospérité et le financement de notre train de vie et de notre qualité de vie. Aujourd'hui, le Conseil fédéral procrastine; on le sent déboussolé, impréparé. Il y a malheureusement un manque de leadership, peut-être par peur du peuple, par peur d'une votation; le gouvernement ne prend pas la peine d'essayer de convaincre.
Il est temps de réagir et de donner un message clair à la Berne fédérale, sans quoi ce sera un délitement évident de ces accords. Nous avons déjà été exclus de la reconnaissance dans le domaine boursier et allons bientôt être exclus des programmes de recherche. Ce seront nos chercheurs, nos étudiants qui vont en payer le prix. Le 26 mai, ce sera le tour de la reconnaissance mutuelle des technologies médicales; cela va continuer et aura de très graves conséquences pour l'avenir économique de notre pays.
La résolution envoie un message clair: elle demande au Conseil fédéral de finaliser les négociations, d'aller au bout des clarifications qui ont été demandées et de défendre le principe de l'accord-cadre. Ce sont les raisons pour lesquelles le PLR votera cette résolution. Nous sommes opposés à l'amendement proposé par la députée Caroline Marti et le parti socialiste parce que ce texte ne va justement pas dans le détail, mais invite le Conseil fédéral et la Berne fédérale à avancer. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour le groupe Ensemble à Gauche, cette résolution pose de nombreux problèmes. Tout d'abord, elle intervient alors que ni nos commissions ni notre parlement n'ont fait de travail sérieux sur l'accord-cadre; or celui-ci comporte de nombreux problèmes. Il prévoit une attaque sans précédent sur les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs en Suisse et des travailleuses et des travailleurs détachés depuis l'Europe.
En premier lieu, pour rappel, la Suisse devrait reprendre les directives d'exécution de l'Union européenne et les directives sur les détachements des travailleuses et travailleurs. Cela signifie concrètement que la Cour de justice de l'Union européenne aurait désormais son mot à dire sur le droit du travail suisse. Qu'est-ce que ça signifie ? Ça veut dire que la Cour de justice de l'Union européenne pourrait intervenir, comme elle l'a déjà fait à plusieurs reprises en Autriche, pour dire: «Ah, mais l'inspection du travail fait trop de contrôle dans les entreprises ! Ah, les CCT sont imposées par des commissions paritaires» - ce que les autorités européennes n'aiment pas du tout, etc. L'Union européenne pourrait donc attaquer très concrètement les faibles mesures d'accompagnement et de protection des travailleuses et des travailleurs. De ce point de vue là, je comprends bien que le PDC et le PLR soient très pressés de donner un blanc-seing à cet accord-cadre qui a le mérite d'ouvrir des marchés et de fragiliser les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs en Suisse.
En ce qui nous concerne, pour l'instant, nous nous opposerons à toute résolution allant dans le sens de donner un blanc-seing à l'accord-cadre. Pourquoi est-ce que je parle de blanc-seing ? Parce que la dernière invite à l'Assemblée fédérale, je m'excuse, mais elle est un peu surréaliste ! On demande à l'Assemblée fédérale de voter le projet d'accord-cadre lorsque celui-ci sera présenté par le Conseil fédéral - en disant avant qu'il faut d'abord le négocier ! Cela revient donc à dire: «Vous devrez le voter, peu importe ce qu'il contient.» A mon avis, c'est un problème de formulation, comme d'ailleurs pour beaucoup d'invites; je suis désolé pour le groupe PDC, mais il y a un petit effort à faire pour clarifier ces invites. La deuxième invite à l'Assemblée fédérale demande de «mettre en place les conditions politiques nécessaires pour trouver une solution interne en matière de protection des salaires en collaboration avec les partenaires sociaux». Il faut donc mettre en place les conditions politiques pour trouver une solution interne à la Suisse, c'est-à-dire pas avec l'Europe.
Bref, vous l'avez compris, cette proposition de résolution est loin d'être aboutie; elle pose de nombreux problèmes, s'agissant du droit des travailleuses et des travailleurs. Nous nous associerons par conséquent au renvoi en commission pour qu'un travail sérieux soit fait, à défaut nous la refuserons. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Si le PDC a proposé cette résolution exerçant le droit d'initiative cantonale, c'est parce qu'il y a urgence. Et s'il y a urgence, on n'a pas le temps d'aller discuter des détails en commission. D'abord, ce n'est pas au parlement genevois de discuter des détails: ils doivent l'être au niveau du Parlement fédéral et du Conseil fédéral - ce sont nos représentants à Berne qui devront en discuter. Notre message, ce soir, c'est: il y a danger ! Il y a danger pour l'économie suisse; il y a danger pour la recherche suisse; il y a danger pour l'enseignement suisse; il y a danger pour beaucoup de choses. Et si nous ne faisons rien, si le Conseil fédéral continue à dormir sur ses deux oreilles et à ne rien proposer, la Suisse va se retrouver dans une situation très difficile.
C'est pour ça que nous poussons un cri et disons: il faut vous réveiller, à Berne; Genève vous demande de vous réveiller. C'est tout ! On n'entre pas dans les détails de savoir de quelle façon il faut le négocier; ce n'est pas notre propos et ce n'est pas la compétence du parlement genevois. Notre Grand Conseil doit simplement dire à Berne qu'il n'est pas d'accord: «Il faut que vous négociiez !» Nous avons la chance que l'Europe soit actuellement, semble-t-il, d'accord de négocier sur les trois points qui nous posent problème. La porte n'est pas fermée et il faut vraiment que le Conseil fédéral saisisse cette opportunité de renégocier avec Bruxelles. C'est possible !
Il est possible de trouver un accord satisfaisant pour les deux parties et il faut le faire, sinon nous aurons de gros problèmes économiques. Qu'est-ce que ça signifie, s'agissant de la validation des technologies médicales ? Sachez uniquement que si elles ne sont pas validées, eh bien les entreprises suisses devront ouvrir des succursales en Europe pour obtenir cette validation, ce qui fait que des postes de travail disparaîtront en Suisse. Si vous ne comprenez pas qu'il faut absolument soutenir un accord avec l'Europe, Mesdames et Messieurs, c'est que vous ne comprenez pas qu'on va perdre des postes de travail en Suisse. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Le MCG s'oppose fermement à cette proposition de résolution parce que les accords bilatéraux, avec le recul, sont une catastrophe pour la Suisse. Une catastrophe sur toute la ligne ! L'accord-cadre sera un cauchemar sans fin. Ces mesures enlèvent toute protection aux travailleurs, empêchent les PME de se développer de manière pérenne, et créent la disparition programmée de l'agriculture locale, détruite par la main invisible d'un marché destructeur et mondialisé. Bref, c'est un attrape-nigaud, et il y a malheureusement beaucoup de nigauds - nous devons le constater, même dans cette assemblée. (Rires. Commentaires.)
Vous ne transmettrez pas ce message, j'ai quelques difficultés à le dire; néanmoins, c'est vrai que j'ai l'impression de me retrouver dans la situation décrite dans les années 60 par un chef d'Etat qui nous est proche... (Remarque. Rires.) ...qui parlait de ceux qui crient «L'Europe ! L'Europe !» tels des cabris. Eh bien les cabris, j'ai l'impression qu'on ressent... On a ici l'impression de se retrouver véritablement - vous m'excuserez l'image, Monsieur le président - dans une petite étable de montagne où quelques personnes un peu exotiques essaient de se faire adopter par l'Europe. Nous ne devons pas sacrifier Genève et la Suisse sur l'autel de cette Union européenne, sur l'autel de la mondialisation que certains adorent comme un nouveau dieu venu on ne sait d'où et qui est prêt à nous détruire.
Ne détruisons pas notre pays: n'allons pas dans cette direction complètement folle ou nous détruirons toute notre organisation. Je suis beaucoup plus pessimiste que nos collègues et amis de l'UDC qui voient encore, quant à eux, une solution dans les bilatérales. A mon sens, c'est une voie sans issue: il faut à tout prix empêcher ce désastre annoncé et s'opposer fermement à cette résolution. C'est ce que nous vous demandons instamment; c'est véritablement une voie catastrophique que nous devons éviter. Merci, Monsieur le président.
M. François Lefort (Ve). La situation vous est largement connue, ici, dans cette assemblée - en dehors, dans la population, elle l'est également: à partir de 1999, la Suisse a été intégrée, pour son plus grand bénéfice, à l'Union européenne avec les accords bilatéraux. C'est son plus grand succès diplomatique et politique au XXe siècle. J'ai dit «intégrée» et non «associée» puisqu'elle a bénéficié, avec ces accords, d'un statut unique, envié aussi bien par les pays associés que par ceux de l'Espace économique européen et par le Royaume-Uni, qui a recherché en vain le même statut dans les négociations du Brexit.
Depuis 2014, à la demande de la Suisse, se sont ouvertes ces négociations pour stabiliser, retravailler la relation bilatérale avec une autre Europe, bien sûr, que celle des accords de 1999 - en particulier pour le domaine de l'électricité, mais pour de nombreux autres également. Le résultat de ces négociations en vue de l'accord-cadre est largement positif dans un contexte international difficile. L'Union européenne n'est certainement pas celle que nous aimerions, mais elle est une réalité voisine - voisine et si proche dans ses idéaux démocratiques que nous pourrions aussi très facilement l'intégrer comme vingt-septième canton suisse, pour autant qu'elle nous le demande !
Les résultats de quatre ans de négociations montrent que la Suisse bénéficie encore de la patiente écoute de notre grande voisine, mais le Conseil fédéral va d'atermoiements en atermoiements, qui trouvent leur origine dans notre propre politique nationale. Car aucun parti n'ose dire clairement que le futur de la Suisse est lié à celui de l'Union européenne; tous émettent des critiques acerbes, mais personne n'ose dire non plus qu'il faut tirer la prise, sauf bien sûr l'UDC. Cette situation ne sera de toute façon pas tenable longtemps, et même si j'ai dit qu'elle vous est connue, elle semble finalement, à vous entendre, ne pas vous être bien connue.
Pour cette raison, nous, le groupe Vert, nous entendons volontiers la demande de renvoi à la CACRI du groupe socialiste et nous la soutiendrons tout aussi volontiers afin que la situation soit mieux comprise. Bien que beaucoup d'entre vous semblent penser que nous avons encore le temps, beaucoup de temps, cela ne nous rapprochera pas d'une solution. Si le passage en commission permet de mieux comprendre les enjeux de la question européenne - qui peut d'ailleurs affecter toute la population suisse, pas seulement la genevoise -, ce ne sera pas inutile. Mais avant de renvoyer le texte à la CACRI, nous soutiendrons bien sûr l'amendement de Caroline Marti s'il permet de renvoyer immédiatement cette résolution à l'Assemblée fédérale. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur l'ancien président. La parole est demandée par M. André Pfeffer, qui en dispose pour une minute sept.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. L'UDC soutient également le renvoi à la CACRI, mais je rappelle que notre parti ne soutient pas cet accord-cadre ni aucun accord institutionnel. Je rappelle que la Suisse a une économie ouverte et que nos exportations, par rapport au produit intérieur brut, sont les plus importantes de tous les pays européens. Est-ce que la Suisse, qui est un modèle quant à l'ouverture de son économie, doit se soumettre et s'aligner sur l'Union européenne, dont les performances sont bien moindres que les nôtres ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) L'UDC ne le pense pas, au contraire ! L'UDC pense que nos succès d'aujourd'hui et de demain sont liés à notre indépendance et à notre faculté à nous gérer nous-mêmes.
Le président. Il faut conclure, Monsieur le député.
M. André Pfeffer. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Vincent Subilia, il reste quinze secondes au PLR. (Remarque.) Vous les avez !
M. Vincent Subilia (PLR). Merci, Monsieur le président. Je vais les utiliser pour louer ici le pragmatisme, une fois n'est pas coutume, des Verts, qui souscrivent à ce texte qui nous paraît tout à fait essentiel. Cela a été dit, la Suisse est au coeur de l'Europe, n'en déplaise au MCG, et il est primordial de donner un message clair au Conseil fédéral, qui ne se mobilise pas. Face à la procrastination de nos autorités...
Le président. C'est terminé.
M. Vincent Subilia. ...c'est aux cantons de se mobiliser. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission sur laquelle je prie l'assemblée de se prononcer.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 964 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est adopté par 82 oui contre 10 non.
Débat
Le président. Nous poursuivons les urgences avec la M 2447-A, classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. François Baertschi, à qui je laisse la parole.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. A l'issue de ses travaux, la commission a modifié les invites de cette proposition de motion de la façon suivante: il s'agit de demander au Conseil d'Etat qu'il informe régulièrement la population genevoise sur la politique monétaire de la Banque nationale et transmette à la BNS les inquiétudes de notre souverain quant aux taux d'intérêt négatifs et à leurs conséquences sur les caisses de pension, qui subissent des difficultés. Par ailleurs, le gouvernement est prié d'intervenir auprès des instances compétentes afin que soit appliqué - ou du moins mieux expliqué - l'article 99, alinéa 4, de la Constitution fédérale.
Pourquoi ce texte est-il important ? Parce que la BNS est centrale dans notre vie économique et sociale, c'est elle qui régule l'ensemble de l'économie, et il est essentiel que nous disposions de toutes les informations nécessaires quant à son fonctionnement; de l'autre côté, la BNS doit entendre les inquiétudes de la population - les grandes inquiétudes de la population ! - tandis que celle-ci doit pouvoir s'assurer de la bonne marche de ses activités, étant entendu que nous, canton de Genève, sommes copropriétaires de cette entité, même pour une faible part, et que nous avons un rôle prépondérant à jouer institutionnellement. C'est tout le sens de cet objet.
Rappelons enfin que le dialogue qui a été entamé entre les institutions et la BNS a permis de multiplier par trois la rétrocession au canton de Genève, laquelle s'élève à plus de cent millions pour la dernière année, donc ce n'est pas négligeable. Il est dès lors fondamental, même si les choses peuvent paraître assez techniques à première vue, d'aller dans cette direction, Mesdames et Messieurs. C'est pourquoi nous vous conseillons de soutenir la présente proposition de motion telle qu'amendée en commission. Merci, Monsieur le président.
M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, je tiens à remercier l'auteur de cette proposition de motion, parce que celle-ci a donné lieu à un débat extrêmement intéressant à la commission des finances et nous a permis d'entendre un représentant de la Banque nationale. Ce texte relève des problèmes de politique fédérale, surtout en lien avec la monnaie. Nous avons constaté que les taux à pratiquement zéro, ou disons négatifs, ont des conséquences importantes sur l'industrie de notre pays, précisément à cause de la monnaie.
La politique de la Banque nationale consiste à défendre non seulement la monnaie, mais surtout la création de monnaie, ce qui permet de réguler l'inflation. Un élément est ressorti des discussions, c'est le problème posé par les cryptomonnaies. En effet, si la création de monnaie hors de la BNS venait à évoluer énormément à terme, celle-ci ne pourrait plus contrôler la création de monnaie, elle ne pourrait plus réguler l'inflation dans notre pays. Réguler l'inflation dans notre pays, cela signifie aussi réguler la monnaie et la compétitivité de notre industrie hors de nos frontières. Ce que demande cette proposition de motion telle qu'amendée en commission, c'est que les cantons soient un peu plus liés à la politique menée par la Banque nationale, qu'il y ait une certaine transparence pour qu'on sache où on va.
Enfin, Mesdames et Messieurs, je ne comprends pas pourquoi la Banque nationale n'a jamais créé de fonds souverain avec les réserves amassées depuis des années; cela aurait permis de ne pas rendre le franc suisse aussi fort, de rapporter par la suite à l'économie nationale, d'éviter une accumulation des ressources en Suisse et d'augmenter nos capitaux à l'étranger. Voilà, nous soutiendrons donc le texte tel qu'amendé à la commission des finances. Pour conclure, je répète que le débat était très intéressant et je remercie nos collègues du MCG d'avoir déposé cet objet. Merci. (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR). En préambule, le groupe PLR tient à dire qu'il est heureux que la proposition de motion ait été rédigée différemment, car la première mouture était évidemment peu acceptable. Il faut rappeler ici l'importance de l'indépendance de la BNS, dont le seul et unique but est de maintenir la stabilité des prix en Suisse et à qui on ne peut pas simplement dire comment elle doit procéder en la matière.
Maintenant, on a quelque chose d'édulcoré. La première invite indique qu'il faut informer régulièrement la population genevoise et le Grand Conseil sur la politique monétaire de la Banque nationale suisse; d'accord, pourquoi pas. Ensuite, il s'agit de transmettre aux instances compétentes les inquiétudes du souverain genevois quant aux effets de la politique des taux d'intérêt négatifs. Je crois que la BNS connaît parfaitement les conséquences des taux d'intérêt négatifs, en particulier pour les caisses de prévoyance qui se retrouvent avec des liquidités qu'elles ne peuvent pas placer et qui sont ponctionnées avec des intérêts négatifs; tout le monde l'a compris, il n'y a pas besoin d'explications supplémentaires, mais là encore, pourquoi pas.
Quant à la troisième invite, elle demande au Conseil d'Etat d'intervenir auprès des instances compétentes afin que le bénéfice net de la Banque nationale suisse soit comptabilisé selon l'article 99, alinéa 4, de la Constitution fédérale. Sauf que ladite disposition n'indique pas comment on doit calculer le bénéfice net, mais ce qu'on doit en faire, comment le répartir. En l'occurrence, deux tiers doivent être distribués aux cantons, sous-entendu le dernier tiers revient à la Confédération.
Ici, Mesdames et Messieurs, on confond allègrement résultat comptable et trésorerie. Ce n'est pas parce que la BNS - comme n'importe quelle entreprise, d'ailleurs - réalise par hypothèse un résultat positif de x et génère le même x en trésorerie qu'on peut distribuer ce x gaillardement; non, cela n'a strictement et absolument rien à voir. En particulier lorsque l'on sait que le résultat de la BNS est essentiellement dû à des variations de taux de change et que, du jour au lendemain, cela peut passer à l'extrême opposé. Vous pouvez le distribuer si vous voulez, mais pour ça, il faut disposer d'actifs.
Or ce que l'on entend par actifs à distribuer, ce sont des francs suisses, voilà ce qu'attendent les cantons. Le hic, c'est qu'il n'y a précisément pas de francs suisses, ou du moins très peu, parmi les actifs de la BNS, qui compte principalement des devises, notamment des euros, ainsi que des placements de ces devises dans des obligations et des titres, par exemple dans l'immobilier. Ainsi, Mesdames et Messieurs, pour pouvoir distribuer de l'argent, il faudrait vendre ces titres et ces devises, alors qu'on veut exactement le contraire. Pourquoi la BNS achète-t-elle des euros en masse ? Pour que le franc suisse ne s'apprécie pas. Si vous voulez maintenant faire le contraire et revendre des euros pour les retransformer en francs suisses, vous savez tous ce qui va se passer.
Mesdames et Messieurs, on confond allègrement résultat comptable et résultat de trésorerie, on ne respecte toujours pas l'article... Enfin, citer l'article 99 ne sert à rien, et pour toutes ces raisons, le groupe PLR refusera cette proposition de motion et vous invite à faire de même afin de ne pas mélanger comptabilité et trésorerie. Pour le surplus, je me tiens à votre disposition si vous avez besoin d'un cours sur le sujet !
M. Patrick Dimier (MCG). Je remercie notre collègue...
Le président. Monsieur le député ? Je vous rappelle que les interventions se font avec le masque.
M. Patrick Dimier. Monsieur le président, je vous fournirai demain un certificat médical expliquant pourquoi je ne peux pas porter de masque lors de mes prises de parole.
Le président. Bien, nous l'attendons.
M. Patrick Dimier. Pour revenir au sujet, je remercie le député du PLR pour sa brillante démonstration, comme à son habitude; quant à moi, j'aimerais surtout qu'il se souvienne de ce que stipule la Constitution. Pourquoi cède-t-elle deux tiers du bénéfice de la BNS aux cantons ? Tout simplement parce que jusqu'à la création de celle-ci, ce sont les cantons qui émettaient de la monnaie, et c'est en échange de l'abandon de l'émission de monnaie que les cantons ont obtenu deux tiers du bénéfice.
Je ne suis pas comptable, donc je ne me risquerai pas plus loin sur ce terrain, mais j'invite volontiers M. Zweifel à effectuer quelques recherches historiques en ce qui concerne la Constitution, et il constatera qu'en 1906, il n'était aucunement question de verser un centime - un centime ! - à la Confédération; deux tiers allaient aux cantons, le dernier tiers servant à réaliser des réserves. Encore une fois, je ne suis pas comptable, mais je crois savoir lire notre Constitution, ce que j'invite mon collègue Zweifel à faire également - en toute amitié, bien entendu.
La question qui nous est posée ici a trait au respect de notre charte fondamentale. La respecte-t-on ou ne la respecte-t-on pas ? Si on la respecte, eh bien on doit tout simplement souscrire à cette proposition de motion qui, comme cela a été dit précédemment, a été arrondie - édulcorée, si vous voulez, mais les édulcorants, ce n'est jamais bon, il vaut mieux le bon vieux sucre. La soutenir relève de la logique, d'une simple conformité à la Constitution dans sa lecture correcte.
C'est précisément le rôle du Conseil d'Etat, lequel envoie un délégué à l'assemblée générale de la BNS, de défendre la position du canton; malheureusement, Genève, comme bien des cantons, donne sa voix via un représentant officiel. Je ne sais même pas si cette représentante - c'est une dame - vient quelquefois à Genève. J'invite très sincèrement le gouvernement à respecter sa mission et son devoir qui sont de défendre les intérêts financiers de notre république. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, la commission des finances a consacré un certain nombre de séances à cette proposition de motion. Les invites formulent plusieurs demandes au Conseil d'Etat. En ce qui concerne l'information, on peut effectivement y consentir. Quant à transmettre aux instances compétentes les inquiétudes du souverain genevois, eh bien je crois que la Banque nationale n'a pas à se soucier de cela dans la mesure où elle mène une politique confédérale, et non canton par canton.
Enfin, intervenir auprès des instances compétentes afin que la BNS respecte la Constitution... Mesdames et Messieurs, la BNS et le Conseil fédéral respectent la Constitution suisse, donc il n'y a aucune raison de voter ce texte; d'ailleurs, le Conseil d'Etat s'assied dessus, c'est indiqué très clairement dans le rapport, il n'a pas de temps à perdre avec ce type de proposition. Je vous remercie de votre attention.
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC trouve également cette proposition de motion peu claire. La deuxième invite parle des inquiétudes du souverain quant aux effets des taux d'intérêt négatifs. D'accord, mais il faut rappeler qu'en 2020, soit l'an dernier, Genève présentait un déficit d'un demi-milliard ! Cette année, notre budget prévoit un déficit de 850 millions. La suite est évidemment inconnue, mais tout aussi alarmante, sans oublier notre montagne de dettes. Avec tout ça, nous pouvons nous estimer heureux que les taux d'intérêt soient actuellement très bas.
Quant à la troisième invite, nous pensons également qu'il y a une confusion dans la manière de comptabiliser le bénéfice et sa répartition. Vu que le canton de Genève a réintroduit la mendicité, il est évident qu'il compte et comptera encore longtemps sur les aides de la Banque nationale. Il faut bien entendu choyer la BNS, la caresser dans le sens du poil, et c'est la raison pour laquelle notre groupe soutiendra tout de même cet objet. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie. Monsieur François Baertschi, je vous repasse la parole pour vingt-cinq secondes.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste revenir sur les propos de mon préopinant. Si Dieu existe, je pense qu'il doit bien se moquer de lui, parce que comme le disait Bossuet, «Dieu se rit de ceux qui maudissent les conséquences des causes qu'ils chérissent». Avec la BNS, on se trouve justement...
Le président. Merci...
M. François Baertschi. ...dans ce cas de figure, c'est-à-dire qu'on se plaint...
Le président. C'est terminé.
M. François Baertschi. ...d'une abominable dette, mais on ne fait rien...
Le président. Merci, Monsieur !
M. François Baertschi. ...contre la cause de... (Le micro de l'orateur est coupé.)
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette proposition de motion a été étudiée en commission et le département des finances a eu l'occasion d'expliquer les tenants et aboutissants de nos relations avec la Banque nationale suisse. Celle-ci a également été entendue, et elle a présenté ses activités et répondu à l'ensemble des questions des commissaires. Suite aux auditions, un amendement général a été déposé et soutenu par une large majorité. Il faut reconnaître qu'il était très éloigné du texte initial, mais il a néanmoins été accepté.
Pour conclure, je rappelle que dans l'intervalle écoulé entre le vote de cet objet et aujourd'hui, un nouvel accord a été passé entre le Département fédéral des finances et la Banque nationale suisse, accord qui augmente de manière substantielle les versements à la Confédération ainsi qu'aux cantons. Ainsi, pour Genève, 234 millions sont prévus en 2021. Soyez assurés, Mesdames et Messieurs les députés, du plein engagement du Conseil d'Etat dans la défense des intérêts de notre canton.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets cet objet aux voix.
Mise aux voix, la motion 2447 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 54 oui contre 36 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. A ce stade, Mesdames et Messieurs, nous avons traité trois quarts des urgences de la session, voilà longtemps que cela n'était pas arrivé ! Je vous remercie pour ce travail efficace. Nous nous retrouvons demain à 14h pour notre séance des extraits. N'oubliez pas vos cartes !
La séance est levée à 23h.