Séance du
jeudi 29 avril 2021 à
20h30
2e
législature -
3e
année -
11e
session -
67e
séance
RD 1401 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous abordons l'urgence suivante, soit le RD 1401 et les R 959 et 960, que nous traiterons conjointement. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je donne la parole à Mme la rapporteure de majorité Céline Zuber-Roy.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission législative a étudié les arrêtés adoptés par le Conseil d'Etat les 19 mars, 14 avril, 16 avril et 21 avril 2021. A l'issue de ses travaux, la commission a adopté deux propositions de résolutions. La première propose d'accepter les trois arrêtés du Conseil d'Etat des 19 mars, 16 avril et 21 avril 2021 modifiant l'arrêté initial du 1er novembre 2020. Ces arrêtés sont principalement des adaptations découlant des décisions fédérales, notamment concernant l'ouverture des terrasses des restaurants et la reprise des cours en présentiel dans le secteur tertiaire avec un maximum de 50 personnes dans la salle. Ces trois arrêtés n'ont pas suscité de contestation au sein de la commission.
La seconde résolution propose de refuser l'arrêté du Conseil d'Etat du 14 avril 2021 concernant la suspension des évacuations forcées des locataires et sous-locataires du 1er avril au 15 mai 2021. Cet arrêté fait suite au précédent arrêté qui suspendait déjà ces évacuations du 3 février au 31 mars 2021. Ainsi, il s'agit d'une suspension qui s'étend sur une période de trois mois et demi.
La majorité de la commission a considéré que cette mesure, de nature sociale et non pas sanitaire, impliquait d'importantes pertes pour les propriétaires en attente d'exécution d'un jugement d'évacuation et qu'il n'existait aucune justification à cette atteinte aux droits des propriétaires. Ainsi, des doutes ont été émis sur la conformité au droit fédéral de cet arrêté et la majorité de la commission pense que les pertes des propriétaires devraient être prises en charge par l'Etat.
Je précise que ce refus de validation de l'arrêté du Conseil d'Etat n'a pas d'effet, dans la mesure où la constitution, à son article 113, alinéa 3, prévoit qu'un arrêté qui n'est pas approuvé par le Grand Conseil cesse de produire des effets après une année au plus tard. Toutefois, nous voulons envoyer un message politique fort au Conseil d'Etat pour qu'il ne renouvelle pas encore une fois cette décision et que, dès le 15 mai, il reprenne son devoir de mettre en oeuvre les jugements.
Pour ces raisons, la commission législative vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte de ce rapport et à accepter les deux propositions de résolutions.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de première minorité. C'est la huitième fois que notre Grand Conseil débat des arrêtés covid, et plus nous avançons, plus les problèmes et les effets négatifs de notre gestion apparaissent. L'un des problèmes de notre canton, c'est qu'il a une double base: le droit fédéral, qui est évidemment contraignant, et l'article constitutionnel 113. Malheureusement, aucune de ces deux bases n'est correctement appliquée. La majorité des cantons suisses se base uniquement sur le droit fédéral. Les directives via les ordonnances fédérales sont appliquées avec la liberté pour chaque canton de mettre en oeuvre des règles plus sévères si nécessaire. Les quatre arrêtés covid d'aujourd'hui démontrent, une fois de plus, notre gestion confuse.
L'arrêté du 14 avril est la reprise d'un précédent arrêté et prolonge pour deux mois supplémentaires le moratoire sur les expulsions. C'est un décret politique et non une action d'urgence pour sauver notre population. Une majorité des commissaires refuse cet arrêté. C'est probablement le premier qui sera rejeté. Je rappelle que, conformément à l'article 113 de notre constitution, un refus ou une acceptation d'un arrêté covid par le Grand Conseil ne change strictement rien. Le refus de cet arrêté est logique, mais sa raison est une erreur. Les questions sont: est-ce que cet arrêté a un lien avec une urgence ? Est-ce qu'un pompier refuserait sa mission sous prétexte que les dégâts d'eau de son intervention seraient plus coûteux que les dégâts liés au feu ? La réponse est clairement non.
L'arrêté du 16 avril reprend les normes de l'ordonnance fédérale pour l'ouverture des terrasses, mais il supprime également l'ouverture des bars et restaurants à l'intérieur de l'aéroport. Cette ouverture des restaurants et bars à l'intérieur de l'aéroport a été accordée par l'arrêté du 26 février 2021 et, surtout, en toute illégalité avec le droit supérieur. L'arrêté du 21 avril est une clarification et une description détaillée d'une ordonnance fédérale. Je précise bien que ce n'est pas un arrêté qui donne une quelconque direction, action ou interdiction.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. André Pfeffer. C'est exclusivement une description et une clarification d'une ordonnance fédérale. A mon avis, c'est absurde et surréaliste: faut-il une législation exceptionnelle, mettant sous cloche toutes les règles démocratiques pour établir une description d'une ordonnance fédérale ?
En comparant le nombre de victimes du covid entre Genève et le reste de la Suisse, on voit que notre canton est et a été particulièrement mauvais. Comme déjà relevé à quatre reprises, les patients des EMS genevois ont été mal protégés et le taux d'infection a été particulièrement élevé. Le nombre de décès liés au covid était et est aujourd'hui encore très élevé, et même quatre fois supérieur à celui d'un canton similaire, qui possède également un aéroport, un taux élevé de frontaliers et une concentration d'habitations très dense.
Une voix. Ce serait pas Bâle ? (Rires. Commentaires.)
M. André Pfeffer. En automne dernier, Genève avait même le plus haut taux d'infection de toute l'Europe. (Remarque.) Y a-t-il eu un leadership suffisant ? Je rappelle que les discussions sur le covid ont lieu dans plusieurs commissions parlementaires: les commissions de gestion et de la santé traitent toutes deux ce sujet, mais sans mandat, ce qui ne donnera aucun rapport et surtout aucun suivi.
Contrairement aux cantons voisins, Genève avait refusé aux présidents d'associations professionnelles tout rendez-vous et toute possibilité d'être entendus, et ce pendant sept mois. Sans oublier que Genève prétend gérer cette crise en toute transparence et est même l'un des trois cantons suisses - sur vingt-six, je rappelle - qui appliquent et appliquaient une confidentialité voire un secret sur les concertations officielles entre le Conseil fédéral et les cantons. Notre gestion de cette crise n'a pas été à la hauteur et le leadership était insuffisant. Merci.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que le parti socialiste et, plus largement, la minorité de gauche sont assez consternés par le cynisme de la majorité qui refuse une modeste prolongation de la suspension des évacuations. Une prolongation pleinement justifiée, de notre point de vue, pour des considérations, comme l'a indiqué le Conseil d'Etat, de politique sanitaire et sociale - contrairement à ce qu'a dit la rapporteuse de majorité -, considérations qui sont évidentes: on a, d'un côté, des familles, mais aussi de petites entreprises, des indépendants, qui se trouvent dans une situation de précarité inouïe, qui sont privés de ressources depuis des mois, voire une année, et face à ça, on vient nous dire que ce serait totalement insupportable pour les propriétaires d'être privés de leur rente pendant une durée modeste d'un mois et demi, Mesdames et Messieurs ! On voit bien le signal politique que la droite veut donner à ces milieux, à ce lobby immobilier; c'est un signal politique en faveur de la garantie de la propriété, qui serait finalement un droit fondamental, plus fondamental que les autres: plus fondamental que la liberté économique, plus fondamental que le droit au logement. Je veux préciser que malgré la crise, les loyers des logements ont encore augmenté durant l'année 2020. Cela signifie encore une augmentation des bénéfices et des marges pour les propriétaires. (Remarque.)
Face à cela, on voit bien la vision du service public, la vision de l'Etat développée par la majorité de droite. (Commentaires.) C'est un Etat où on peut démanteler les services publics, mais en revanche, le service public doit être disponible en temps et en heure, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour évacuer des gens qui n'ont pas payé leur loyer rubis sur l'ongle. On voit aussi que, pour la droite, il n'y a qu'une seule catégorie au sein de cette société qui mérite une pleine indemnisation: ce sont les propriétaires, alors que tous les autres doivent consentir à des sacrifices ! Ce signal politique, nous, nous ne pouvons pas l'accepter. C'est pourquoi nous vous invitons à adopter notre amendement à cette résolution, pour approuver clairement l'arrêté du Conseil d'Etat suspendant ces évacuations; nous voterons également l'amendement d'Ensemble à Gauche. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, la majorité de la commission s'est étonnée de l'arrêté du 14 avril. En effet, lors de l'approbation de l'arrêté du 24 février, la suspension des évacuations était considérée comme exceptionnelle et limitée dans le temps. Le Conseil d'Etat prolonge cette mesure, tout en indiquant qu'il s'agit d'une unique prolongation. C'est là une importante atteinte au droit de la propriété, probablement contraire au droit fédéral, qui ne constitue pas une mesure d'ordre sanitaire, mais plutôt d'ordre social.
Cette mesure est compréhensible sur ce dernier plan, mais il n'appartient pas aux propriétaires d'en assumer les coûts, pas plus qu'à l'Etat qui doit, lui, en plus assumer les frais de garde-meubles. Nous n'avons en l'occurrence aucune certitude que cette mesure ne soit pas à nouveau prolongée, ce d'autant plus - cela a été annoncé - qu'une partie de la gauche a demandé qu'elle soit renouvelée jusqu'au 31 décembre de cette année.
Il sied de rappeler ici que tous les propriétaires ne sont pas constitués en lobbys immobiliers, que tous les propriétaires ne sont pas des fonds de pension ni des compagnies d'assurance. Certains d'entre eux sont des privés, qui ont investi leur avoir de retraite dans un logement qu'ils louent afin de compléter leur revenu. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs reconnu en commission qu'il fallait que le droit fédéral puisse s'appliquer à nouveau et que l'on était face, de surcroît, à une violation du principe de la séparation des pouvoirs, puisque le pouvoir judiciaire ordonne l'évacuation - d'ailleurs après de longues procédures - et que le Conseil d'Etat ne l'applique pas. Il semble également difficile de déterminer avec précision si une mesure d'évacuation est liée directement et strictement à la crise de la covid ou si elle est antérieure à cette période. C'est sur cette base que la majorité de la commission a refusé de valider cet arrêté et qu'elle vous recommande d'en faire autant, en acceptant le rapport divers 1401, en acceptant les résolutions 959 et 960 qui vous sont soumises et en refusant les amendements proposés par la gauche.
Je tiens à préciser également, par rapport à ce qui a été dit au sujet de la situation dans les EMS, que depuis trois semaines, nous n'avons plus enregistré aucun décès dû à la covid et que, d'autre part, sur les 4500 résidents que nous hébergeons, plus de 1400 ont été guéris. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, d'abord, d'un point de vue formel, je me réjouis de voir que le Conseil d'Etat suit notre amendement, et même l'amendement précédent que j'avais présenté à une session antérieure, puisque j'avais proposé de prolonger cette suspension des évacuations. Dans les faits, nous assistons à une suspension, même si la droite aujourd'hui fait un baroud d'honneur en refusant ce prolongement. Ça, c'est du point de vue formel. Je vous présente donc cet amendement, qui vise à prolonger cette suspension jusqu'en décembre. Je vais expliquer pourquoi.
En définitive, je suis assez scandalisé des propos de M. Guinchard et de Mme Zuber-Roy, dans la mesure où, une fois de plus, je constate qu'ils ne connaissent pas la situation de certains locataires, qui n'ont pas payé leur loyer une fois ou deux, un mois ou deux, et qui, de ce fait-là, font l'objet de procédures d'évacuation. Ça, c'est la situation habituelle, mais toujours est-il que, par exemple, pas plus tard qu'hier, dans l'école d'un des enfants de mes voisins, il y a eu un constat de covid et tous les élèves de sa classe ont été renvoyés chez eux avec dix jours de quarantaine. J'ose à peine imaginer, Mesdames et Messieurs, comment ça va se passer, quand il y aura des procédures d'évacuation ! Quand on vient nous dire que ce n'est pas une mesure sanitaire, que c'est une mesure sociale... Mais c'est une mesure sanitaire ! Comment peut-on imaginer qu'on va déplacer, évacuer ces familles, qui subissent déjà le covid, et les mettre à l'hôtel, à l'Armée du salut, ou Dieu sait où, chez des amis, propager encore plus la pandémie, parce que certains propriétaires et leurs représentants dans cette assemblée font valoir le droit de propriété sur la protection de la population ! Je trouve ça parfaitement déplacé, après que nous avons subi toutes et tous le covid et ses manifestations les plus dramatiques, notamment dans les EMS, mais ailleurs aussi, par des décès, voire des répercussions au niveau... Parce que ça aussi, il faut en parler: les répercussions chez les gens qui ont subi le covid et qui subissent des effets très importants de maladie chronique après l'infection ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Comment vont-ils vivre cette situation d'évacuation avec leur famille ?
C'est pour cette raison que nous pensons que, légitimement, jusqu'à décembre, il faut rassurer ces personnes, rassurer ces enfants, rassurer ces familles, en leur garantissant un toit et un lieu où ils ont l'habitude de vivre et pas à l'Armée du salut, là où la droite et les propriétaires veulent les ranger pour les faire disparaître...
Le président. C'est terminé.
M. Rémy Pagani. ...et pour encaisser des loyers qui, comme l'a relevé le précédent orateur, sont de toute façon surfaits, et dont le taux hypothécaire n'a pas été abaissé - ce sont des milliards qui ont déjà été empochés.
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Rémy Pagani. Par conséquent, je vous invite à voter l'amendement, pour que cette suspension ait lieu jusqu'en décembre. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Rassurez-vous: je lirai votre amendement à la R 960. La parole est maintenant à M. le rapporteur de première minorité, André Pfeffer, pour vingt-cinq secondes. Vingt-cinq secondes !
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je souhaite rappeler la mission du Grand Conseil: notre mission est principalement de constater la situation extraordinaire ou la nécessité de maintenir une gouvernance mettant sous cloche les principes démocratiques. Maintenant, la commission législative vous propose de refuser un arrêté, et, comme le précise l'article 113 de notre constitution, que nous votions oui ou que nous votions non, ça ne changera strictement rien s'agissant de cet arrêté covid.
Le président. Merci, Monsieur le député, c'est terminé.
M. André Pfeffer. En revanche, notre objectif, et surtout lorsque nous commençons à refuser des arrêtés covid...
Le président. Non, c'est terminé !
M. André Pfeffer. ...serait de statuer sur la nécessité... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur s'exprime hors micro.)
Le président. La parole est maintenant à M. le député Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. J'interviens sur la question des évacuations. Je trouve qu'il faut à tout prix éviter des évacuations, surtout dans la situation actuelle, où le Conseil d'Etat n'a pas la possibilité de reloger ces personnes. Vous savez très bien qu'il n'y a pas de logements d'urgence; vous savez très bien qu'aujourd'hui, même les logements sociaux sont insuffisants pour pallier des évacuations et que ces gens doivent être logés à l'hôtel, avec les coûts que cela représente. Aujourd'hui, ces coûts sont effectivement assumés par la collectivité, pas par les bailleurs. Nous devons éviter que les personnes perdent leur logement. On parle beaucoup de solidarité en ces temps de covid, mais la solidarité, c'est aussi éviter que quiconque perde son logement. Perdre son logement, c'est aussi difficile et aussi terrible que perdre son travail, c'est aussi terrible que de ne pas pouvoir se nourrir, que de ne pas pouvoir boire de l'eau. C'est ce qu'on appelle des droits fondamentaux, qui servent à la vie des personnes. Je ne comprends pas que dans la période que nous vivons, il puisse encore y avoir des gens qui se font évacuer de leur logement. Cela me paraît vraiment invraisemblable, dans un des pays les plus riches du monde ! Dans un des pays les plus riches du monde ! Et quand on n'est pas capable de loger des citoyens qui se font évacuer - du domaine privé, évidemment -, quand on n'a pas de logements sociaux, eh bien, Mesdames et Messieurs, on adopte des lois, on fait en sorte qu'en tout cas pendant toute cette période, il n'y ait pas d'évacuation. Déjà, on n'arrive pas à donner un travail à tous les Genevois et Genevoises, à tous les habitants de ce canton; si en plus, on n'arrive pas à les loger, je trouve que c'est une triste mine que ce canton offre au monde entier - non seulement à la population genevoise, mais au monde entier. Là, il y a une grande responsabilité, et je demande au Conseil d'Etat d'agir le plus rapidement possible, afin qu'on sursoie à toute évacuation. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. J'avoue avoir fait montre d'une coupable bienveillance à votre égard: je vous demande de mettre votre masque et ensuite de le garder quand vous parlez. Cela s'adresse à tous les députés. La parole est maintenant à Mme la rapporteure de majorité pour dix secondes et ensuite sur le temps de son groupe.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je ne peux pas laisser passer les propos tenus par mes collègues de gauche. Evidemment, personne n'aime les évacuations. Ce qu'ils ont dit est juste: des gens ont perdu leurs revenus dans cette crise, et c'est dramatique. Mois après mois, nous votons ici des aides pour indemniser, pour éviter, pour essayer de compenser ces pertes, parce que c'est l'Etat qui a imposé des fermetures de certains commerces, et c'est à l'Etat de verser des indemnisations pour ces fermetures, et le groupe PLR a toujours voté les projets de lois d'indemnisation, les uns après les autres. Je me permets de rappeler qu'il y a quelques mois, c'est à cause du groupe socialiste qu'on a failli ne pas voter l'urgence sur une loi qui était nécessaire pour indemniser des entreprises, donc il ne faut pas nous faire un faux procès: nous sommes là pour soutenir les entreprises.
En revanche, les propos qui ont été tenus sont aussi valables pour les propriétaires: il existe aussi de petits propriétaires, certains d'entre eux ont aussi vu leurs revenus diminuer. Nombre d'entre eux ont renoncé à une partie des loyers, et peut-être même que des propriétaires ont été touchés par le covid - voire par le covid long, si vous voulez qu'on sorte les mouchoirs -, mais ça n'a aucun lien avec la question juridique, qui consiste à dire que l'Etat est là pour assurer l'Etat de droit et faire exécuter les jugements. S'il ne souhaite pas le faire, c'est à lui de prendre en charge les coûts, ce n'est pas aux propriétaires ! Vous mélangez les questions, ce n'est pas une mesure sanitaire qui est avancée, c'est purement une mesure sociale. On peut l'entendre, mais il n'y a absolument aucune raison que les propriétaires doivent assumer les coûts de cette mesure sociale, raison pour laquelle nous vous invitons à refuser cet arrêté du Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Monsieur le rapporteur de seconde minorité, vous avez la parole pour une minute.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Moi non plus, je ne peux pas laisser dire ce qui vient d'être dit. Sur la politique sanitaire, mon collègue d'Ensemble à Gauche a répondu, je n'y reviendrai donc pas. En revanche, je ne peux pas laisser dire que les socialistes auraient failli être responsables de peut-être quelque chose qui aurait éventuellement échoué ! Nous avons voté toutes ces lois pour le soutien aux entreprises, alors que vous-mêmes, Mesdames et Messieurs de la droite - vous transmettrez, Monsieur le président -, vous n'avez jamais voté les amendements que nous avons proposés pour le soutien aux employés, pour éviter les licenciements ! Ça aussi, il faut le dire, explicitement. Avec vous, c'est clairement deux poids, deux mesures, c'est-à-dire: les entreprises, les propriétaires, oui ! Mais en revanche, les salariés, les locataires, non ! Et ça, nous ne pouvons pas l'accepter. (Commentaires.)
Par ailleurs, vous laissez accroire, Madame la rapportrice, rapporteuse de majorité... (Remarque.) ...vous transmettrez, Monsieur le président, que les propriétaires n'auraient pas été soutenus. Mais toutes les lois Vesta qui ont été votées, il s'agissait de quoi ? Sinon aussi d'un soutien aux propriétaires, grâce à l'aide que l'Etat versait pour le paiement du loyer ! On ne peut donc pas laisser dire des choses pareilles, je ne peux pas laisser dire cela. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat prend acte avec satisfaction du fait qu'il y a un consensus à reconnaître le bien-fondé des arrêtés des 19 mars, 16 avril et 21 avril 2021. Pour répondre au seul intervenant, malheureusement toujours le même, session après session, qui critique la gestion de cette crise et qui s'interroge sur les motifs... (Remarque.) ...pour lesquels Genève adopterait un arrêté, alors qu'il suffirait de se calquer... (Remarque.) ...sur le droit fédéral, je lui dirai tout simplement: le droit fédéral, qu'il aille le lire et qu'il essaie de comprendre quelque chose ! Nous faisons une traduction du français fédéral en français genevois, si vous me passez cette boutade... (Commentaires.) ...parce que lorsqu'on lit les décisions du Conseil fédéral, on est davantage envahi par les questions que par les réponses, raison pour laquelle nous avons décidé de transposer les décisions du droit fédéral en droit genevois, avec une systématique qui nous semble beaucoup plus claire que celle adoptée par le droit fédéral, de sorte que la lecture à elle seule puisse apporter des réponses aux citoyens, plutôt que nous ayons à porter ces réponses chaque fois que nous sommes interpellés. (Remarque.) Nous avons connu des semaines avec 40 000 appels à notre ligne verte, c'est dire à quel point les citoyennes et les citoyens de ce canton se posent des questions auxquelles ils ne trouvent pas toujours immédiatement les réponses !
Je salue le fait que, pour une fois, on ne nous a pas gratifiés - du moins ouvertement - d'une comparaison avec un canton similaire au nôtre et dont on a tu le nom ! (Rires. Remarque.) On a laissé simplement entendre qu'il y avait un canton similaire au nôtre, canton que je salue d'ailleurs - avant que l'intervenant de minorité ne prenne la parole, j'envoie toujours un SMS à mon collègue bâlois, Lukas Engelberger, pour qu'il puisse se connecter sur notre chaîne de télévision locale, cela lui fait toujours beaucoup de bien ! (Rires. Commentaires.) Quoi qu'il en soit, nous pouvons aujourd'hui soutenir la comparaison sans rougir aucunement, je pense. Genève est l'un des cantons qui se trouvent en tête dans la vaccination - 33% de la population a reçu au moins une dose de vaccin, contre 28% à Bâle-Ville... (Rires.) ...qui va sans doute progresser. (Applaudissements.) Notre taux de reproduction est en dessous de 1 - 0,97 -, alors qu'il est de 1,22 chez nos amis bâlois. Nous avons vacciné 167 000 personnes contre 55 000... (Exclamation.) ...donc nous nous sommes rattrapés, si, à vos yeux, nous avons échoué dans cette comparaison que vous nous assénez, session après session.
Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs, nous espérons tous évidemment que ces mesures vont aller en s'amenuisant, à mesure que la population pourra bénéficier de cette vaccination. Et puisque la parole m'est donnée, permettez-moi de rappeler à toutes et tous que l'inscription à la vaccination est ouverte. Nous avons, je pense, mis en place à Genève un processus qui est admirable au niveau suisse; malheureusement, nous aimerions recevoir davantage de vaccins. Ce n'est pas en nos mains, mais nous espérons que ces prochaines semaines, toutes celles et tous ceux qui souhaitent se faire vacciner puissent le faire rapidement.
Plus délicate est la question de l'arrêté du Conseil d'Etat du 14 avril, et c'est sur ce point qu'il y a eu débat. Je ne m'attarderai pas dessus. Il y a eu, l'année dernière, une période durant laquelle nous avons suspendu les évacuations. Puis, nous avons rendu un arrêté le 24 février de cette année suspendant ces évacuations du 3 février au 31 mars et nous avons prolongé la période au 15 mai par arrêté du 14 avril; c'est précisément de cet arrêté que vous avez débattu aujourd'hui. Alors c'est vrai: quelle que soit votre décision, c'est le Conseil d'Etat qui peut, le cas échéant, maintenir ou non sa décision. C'est une prolongation au 15 mai - dans deux semaines -, et le Conseil d'Etat avait déjà clairement indiqué qu'il s'agissait à ses yeux de la dernière prolongation qu'il allait accorder à cette suspension. Nous sommes tous conscients que la marge est étroite entre la séparation des pouvoirs, avec la force dérogatoire du droit fédéral: nous ne pouvons pas indéfiniment reporter ces évacuations, même si évidemment, nous sommes tous conscients qu'une évacuation, quand elle arrive, quelle que soit la date à laquelle elle intervient, est toujours un moment particulièrement difficile. Mais il faudrait, pour chaque particulier, regarder la décision pour savoir s'il existe effectivement un lien de causalité entre cette crise sanitaire et ses conséquences économiques d'une part, et la décision d'évacuation d'autre part, et quelles sont les conséquences directes pour le locataire d'une évacuation en ce moment. C'est un travail qui ne peut évidemment pas être fait. Il faut bien être conscient que nous faisons le chasse-neige et que nous repoussons ces évacuations, et qu'il ne s'agit bien entendu pas d'un abandon de ces procédures, qui auront lieu. Alors nous prendrons acte, bien sûr... (Remarque.) ...de l'avis que vous allez exprimer et qui semble être majoritaire, qui consiste à s'opposer à l'approbation de cet arrêté, et par là même, à donner au Conseil d'Etat une position claire quant au fait qu'il ne faudra pas aller au-delà de cette date du 15 mai. Je pense que le Conseil d'Etat en a bien pris conscience. Je vous remercie. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter la proposition de résolution 959.
Mise aux voix, la résolution 959 est adoptée par 86 oui contre 4 non et 1 abstention.
Le président. Nous passons à la résolution 960, pour laquelle nous sommes saisis de deux amendements. Un amendement de M. Pagani et...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Le vote nominal semble demandé à mon extrême gauche. Etes-vous soutenu ? Il faut vingt personnes.
Une voix. Dix !
Le président. Dix personnes. (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, le vote se fera donc à l'appel nominal. (Commentaires. Un instant s'écoule.) Nous passons au premier amendement présenté par M. le député Pagani, qui propose trois modifications. Premièrement, il s'agit de modifier le titre «Proposition de résolution refusant l'arrêté du Conseil d'Etat du 14 avril 2021», en remplaçant «refusant» par «acceptant».
Deuxièmement, dans le corps du texte, dans la phrase «refuse d'approuver l'arrêté du Conseil d'Etat du 14 avril 2021 concernant la suspension des évacuations forcées des locataires et sous-locataires», «refuse d'approuver» est remplacé par «approuve».
Enfin, l'amendement propose d'ajouter la demande suivante:
«Mais demande en outre au Conseil d'Etat
- de prolonger la suspension des évacuations forcées des locataires jusqu'à la fin de l'année 2021.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 48 oui contre 43 non et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Il y avait un deuxième amendement de M. Mizrahi, qui tombe, puisque l'amendement de M. Pagani reprenait cet amendement. Je vous fais donc voter maintenant cette proposition de résolution telle qu'amendée.
Mise aux voix, la proposition de résolution 960 ainsi amendée est rejetée par 56 non contre 40 oui et 1 abstention.
Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1401.