Séance du
vendredi 26 mars 2021 à
10h30
2e
législature -
3e
année -
10e
session -
62e
séance
P 2086-A
Débat
Le président. Nous commençons notre séance avec la P 2086-A, classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à Mme la rapporteure de majorité Léna Strasser.
Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la pétition 2086 «Non aux 14 recherches d'emploi obligatoires !» a été traitée par la commission des pétitions durant cinq séances. Cette pétition demande d'abolir définitivement une directive en vigueur depuis août 2018, suspendue temporairement au vu de l'impact de la covid-19, demandant aux personnes en recherche d'emploi dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration non seulement d'effectuer quatorze recherches d'emploi par mois, mais également d'être obligatoirement inscrites dans une mesure du marché du travail spécifique et dans au moins trois agences de placement temporaire. La directive demande en outre aux conseillers en placement de recevoir spécifiquement ces demandeurs d'emploi dans la tranche horaire 11h-14h, dans une optique de contrôle, alors que ce moment est - hors temps de fermeture due aux mesures sanitaires, bien entendu - justement propice aux postulations par visites personnelles pour celles et ceux qui maîtrisent mal d'autres voies pour postuler.
Suite à l'audition de la représentante des pétitionnaires, les membres de la commission ont souhaité auditionner l'office cantonal de l'emploi ainsi que l'association de défense des chômeurs. Les différentes auditions ont brossé le tableau d'un fonctionnement extrêmement administratif à l'office cantonal de l'emploi: des sanctions et une logique de contrôle en hausse; peu d'adaptabilité des mesures proposées en fonction des profils, des ressources, de l'expérience ou encore de la situation familiale des personnes en recherche d'emploi et peu de transparence sur les mesures du marché du travail à leur disposition, le catalogue en ligne n'étant plus accessible, laissant à chacune et à chacun une marge d'autodétermination quasi nulle.
La majorité de la commission a dès lors estimé nécessaire de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, et ce pour deux raisons. D'abord, pour éviter que la directive que cette pétition souhaite abolir soit remise en vigueur dès la réouverture, voire étendue à d'autres secteurs, puisqu'elle ne semble pas du tout inadéquate aux yeux de l'office régional de placement genevois. Ensuite, pour que les problématiques soulevées puissent être entendues et prises en compte dans l'organisation de l'ORP, d'autant plus aujourd'hui, au vu des conséquences de la crise sanitaire sur le marché du travail. Chercher un travail est avant tout une démarche personnelle et suppose de mettre en place une stratégie adaptée à chacune et à chacun. Comme la loi le soutient par ailleurs, les demandes doivent être fixées en fonction du marché de l'emploi et de la situation familiale des personnes.
La majorité de la commission des pétitions vous remercie donc de soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la pétition 2086 nous a permis de constater certaines réalités durant les travaux de commission. D'abord, le marché du travail est très concurrentiel, avec l'afflux excessif de frontaliers qui créent une pression insupportable. (Commentaires.) Comment peut-on concurrencer une personne venant d'une région européenne où le salaire s'élève à peine à 500 euros ? L'introduction expéditive et non préparée d'un salaire minimum - le plus haut d'Europe, selon les journaux français - a rendu encore plus difficile l'insertion des chômeurs dans le monde du travail.
Selon l'ORP genevois, dont le directeur a lui-même connu le chômage, la réinsertion sur le marché du travail passe par un grand nombre de recherches d'emploi. Mais ce n'est pas une garantie absolue. Durant la crise sanitaire covid du printemps 2020, le chiffre de quatorze recherches d'emploi est tombé à zéro, avant de remonter lors du déconfinement de l'été. Vu l'évolution constante de la situation, la commission des pétitions n'a pas étudié la situation de l'hiver 2020-2021; néanmoins, il apparaît que la politique de l'ORP en la matière est guidée essentiellement par la souplesse, pour tenir compte du marché du travail. Le directeur de l'ORP a rappelé qu'avant 2014, la situation à Genève était catastrophique et qu'il a été demandé au canton de réaliser un travail important. L'office a dès lors travaillé de près avec le SECO. Si l'assuré fait huit demandes à la place de dix, ce n'est pas sanctionné; c'est le canton qui prend en charge la pénalité, puisque le canton doit réduire les dommages à l'assurance. Les pratiques ont donc changé.
Le canton de Genève ne peut pas faire n'importe quoi. L'assurance-chômage étant fédérale, les services de la Confédération surveillent attentivement la politique qui est menée en la matière. Nous avons été surpris de voir certains représentants genevois de partis nationaux - de gauche comme de droite - réclamer une politique laxiste, contraire à la politique de la Confédération. Quelle hypocrisie ! Le parti socialiste et le PDC ont de la peine à assumer la ligne politique qu'ils mènent au niveau fédéral. Est-ce de la démagogie ou de l'hypocrisie ? Chacun jugera.
Au passage, on fera une petite comparaison internationale: si, à Genève, un conseiller s'occupe de 162 dossiers, en France, un conseiller de Pôle emploi en suit plus de 300. Mais surtout, on constatera que le marché de l'emploi est très compétitif, ce qui sera encore accentué par l'introduction du salaire minimum le plus haut d'Europe. Très logiquement, la pression va s'accentuer quand nous serons sortis de la crise sanitaire du covid-19; dès lors, réduire les recherches d'emploi ne va en rien améliorer la situation des chômeurs genevois, mais cela leur causera du tort.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, lorsque quelqu'un tombe au chômage, les principaux risques qu'il court sont de deux ordres différents: d'une part, de mettre la tête dans le sable et de laisser passer le temps; or on sait que plus le temps passe, moins les chances de trouver du travail sont élevées pour un chômeur. Le deuxième risque qu'il court, c'est de perdre l'habitude de travailler. Les réponses qu'on peut donner à ces risques sont de l'aider à continuer de fournir un travail régulier, et là, en parlant de quatorze demandes par mois, on suppose une demande tous les deux jours, ce qui n'est de loin pas infaisable, avec les moyens électroniques actuels et l'ensemble des moyens de recourir ou de s'adresser au marché du travail dont nous disposons. La deuxième réponse possible, c'est de diversifier les gisements d'emploi dans lesquels on effectue les recherches, de diversifier les secteurs, de faire preuve d'un peu d'imagination pour essayer de se remettre en course, car il est vrai qu'un travailleur de la restauration ou de l'hôtellerie, de nos jours, a peu de chances de retrouver immédiatement un emploi dans le même domaine; il doit donc fournir un effort d'imagination.
Par ailleurs, je vous dirai que le nombre de demandes est quelque chose d'évolutif: ce n'est pas figé dans le marbre. Il dépend du domaine de travail ainsi que des compétences du candidat et il n'est pas fixé par l'office cantonal de l'emploi, mais individuellement, par les conseillers de cet office. On vous l'a déjà dit, ce nombre est passé de quatorze à zéro, puis de zéro à dix; il est actuellement de dix demandes par mois, ce qui n'est pas du tout infaisable.
Cette mesure et ces demandes d'emploi n'ont pas une visée punitive, mais c'est un moyen permettant d'aider les chômeurs à retrouver du travail. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, le PLR vous propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et vous remercie de le suivre.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette pétition est importante à plusieurs égards. D'abord, parce que demander quatorze recherches d'emploi est parfaitement aberrant; d'ailleurs, je ne sais pas vraiment si les gens ont réfléchi à ça, mais, pour des secteurs où il y a 27% de taux de chômage, il est demandé d'effectuer quatorze recherches. Donc moins il y a d'emplois, plus il faudrait faire de recherches; moins il y a d'annonces, plus on doit faire de recherches. C'est complètement aberrant, c'est l'inverse du bon sens, sur le fond !
Par ailleurs, cette volonté d'augmenter le nombre de recherches suit une évolution de l'assurance-chômage qui est parfaitement inquiétante: on flique - passez-moi l'expression - de plus en plus les personnes assurées au chômage. Or j'aimerais rappeler qu'il ne s'agit pas de l'aide sociale ou de ce genre d'assurance: il s'agit d'une assurance pour laquelle nous cotisons et nous avons un droit à la toucher, c'est-à-dire que je cotise pour avoir un droit au chômage qui s'ouvre quand je rencontre des difficultés à m'intégrer sur le marché du travail pendant une période; ce droit-là, je cotise aussi pour que les autres en bénéficient, et il n'est pas du tout normal de le conditionner, de fliquer et de prendre des mesures coercitives pour ces personnes-là.
Cette évolution est très inquiétante, et je vous invite à consulter le rapport qui accompagne la pétition: la circulaire distribuée au personnel est parfaitement inquiétante; outre des mesures qui ne servent à rien - telle l'inscription sur «Job-Room», comme seul exemple -, cette circulaire qui indique comment on doit effectuer le suivi d'une personne est particulièrement risible ! Il y a un vrai problème de gestion de l'office cantonal de l'emploi, parce que le personnel n'a pas les moyens de faire le suivi réel de ces personnes et qu'on transforme ça en des attentes disproportionnées envers les demandeurs d'emploi, c'est-à-dire en leur demandant d'effectuer quatorze recherches, où seule la responsabilité individuelle est en jeu.
Par ailleurs, faire ça en pleine période de pandémie, notamment pour les secteurs de la restauration, qui sont complètement sinistrés, c'est une aberration complète, Mesdames et Messieurs ! Alors, sérieusement, il faut soutenir cette pétition et la renvoyer au Conseil d'Etat. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
J'aimerais juste finir sur deux considérations: d'abord, toutes ces démarches constituent un principe d'infantilisation complète des demandeurs d'emploi qu'on sanctionne: «Vous n'avez pas bien fait vos histoires, ce n'est pas bien, tu vas au coin !» Enfin... C'est plus grave que ça, parce qu'ils ne touchent pas leurs indemnités ! Deuxièmement, effectuer quatorze recherches d'emploi pour certaines personnes qui par exemple sont allophones, illettrées ou autre...
Le président. Merci.
M. Pablo Cruchon. ...pour avoir fait de l'accompagnement auprès de ces personnes, je peux vous dire que ce n'est pas si simple que ça.
Le président. Merci, c'est terminé.
M. Pablo Cruchon. Je vous prie donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. J'ai fini, Monsieur le président.
Le président. Merci. Madame la députée Christina Meissner, à vous la parole. (Un instant s'écoule.) Madame la députée Christina Meissner, à vous la parole !
Mme Christina Meissner (PDC). Excusez-moi, Monsieur le président, je ne vous avais pas entendu ! Mesdames et Messieurs, chers collègues, s'agissant de la directive de l'office cantonal de l'emploi qui impose aux travailleurs et travailleuses de l'hôtellerie-restauration d'effectuer un minimum de quatorze recherches d'emploi, on pourrait arguer que la pétition qui demande que ce soit abandonné est dépassée, puisque, depuis, l'OCE est revenu à dix recherches. Elle n'a donc plus d'objet et elle peut être déposée.
Mais, de manière plus large, pourquoi certains chômeurs devraient-ils faire davantage de recherches d'emploi que d'autres ? Enfin, et surtout, les auditions nous ont montré que le problème est finalement bien plus complexe que le nombre de demandes d'emploi à réaliser. La pandémie ne va rien arranger. La gestion du travail devra évoluer. Le monde du travail, le marché du travail, notre façon de travailler, tout est bouleversé, et les changements climatiques demanderont aussi de trouver des solutions de reconversion innovantes pour les personnes qui ne pourront plus trouver des emplois comme elles l'espéraient, dans leur domaine de compétences actuel. Ainsi, cette pétition pourrait constituer un premier pas pour entamer les réflexions nécessaires, raison pour laquelle le PDC soutiendra son renvoi au Conseil d'Etat.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Je crois qu'il faut quand même rappeler certains faits qui me paraissent pertinents pour le traitement de cette pétition. Tout d'abord, il faut rappeler qu'elle a été déposée le 31 janvier 2020, donc avant le covid-19 et la crise que nous traversons. Il conviendrait donc de cesser cette habitude fort détestable dans ce parlement qui consiste à utiliser systématiquement cette crise à des fins politiques et à user de toutes sortes d'excuses liées au covid... (Commentaires.) ...pour introduire un certain nombre de mesures politiques dans des objectifs purement électoralistes et clientélistes !
Le deuxième point, c'est que - M. Cruchon l'a dit à juste titre - on ne parle pas ici d'aide sociale, on parle d'une assurance fédérale en matière de chômage, qui permet à ses bénéficiaires, pendant une durée maximale de 400 jours, voire de 520 jours si vous avez plus de 55 ans, de bénéficier d'indemnités journalières, lesquelles représentent 80% du salaire qui est assuré. (Commentaires.) Je crois que lorsque des personnes reçoivent de tels montants de la part de l'assurance-chômage, on est en droit d'exiger d'elles qu'elles effectuent activement des recherches d'emploi, quel que soit d'ailleurs le secteur économique concerné, et, comme l'a très justement relevé notre collègue Alexis Barbey tout à l'heure, cela représente un effort de quatorze jours sur le mois, ce qui veut dire une recherche tous les deux jours. Honnêtement, je ne vois pas où est la difficulté à faire cela, sachant qu'une simple offre de service par téléphone est valable pour être reconnue comme offre de service lorsqu'on remplit ce formulaire de l'ORP ! (Commentaires.) On peut donc sérieusement se demander si ce chiffre de quatorze en réalité est suffisant... (Remarque.) ...lorsqu'on sait qu'on peut postuler simplement par téléphone et qu'une postulation téléphonique prend cinq minutes ! Donc, consacrer tous les deux jours cinq à dix minutes à une recherche d'emploi, ce n'est pas trop demander. Cette pétition est tout simplement indécente et c'est pour cette raison que je vous invite à la déposer sur le bureau du Grand Conseil.
M. Stéphane Florey (UDC). Si effectivement le chômage est un droit, ce droit implique notamment un certain nombre d'obligations, dont le fait que le chômeur effectue des recherches d'emploi. Comme cela a été partiellement expliqué, vous avez quatre moyens d'effectuer ces recherches: le téléphone, le mail, le courrier, ou aller sur place discuter avec l'entreprise en question. On voit bien qu'aujourd'hui, ce n'est pas la mer à boire d'en faire quatorze - ça ne représente même pas une demande par jour. Finalement, pour une personne qui se donne un peu de peine pour effectuer ces quatorze recherches, faire ce qui est demandé prend au bas mot - si elle le fait correctement et avec volonté - au maximum deux jours sur un mois complet. Partant de ce constat, le groupe UDC déposera cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et vous invite à faire de même. Je vous remercie.
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Verts voteront pour le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Cette pétition demande de revenir aux dix recherches d'emploi par mois plutôt que quatorze pour tous les chômeurs des métiers du service et de la cuisine. Cela, effectivement, c'était avant le covid; on espère que c'est aussi avec une vision pour l'après-covid. Lorsque les indemnisés ne remplissent pas leurs devoirs, ils sont pénalisés en jours d'indemnités pouvant s'élever à quatre jours, et après plusieurs pénalités, la personne peut être exclue du chômage.
Les pétitionnaires nous ont expliqué à quel point cette condition était contre-productive, puisque les chômeurs sont infantilisés et qu'elle les pousse à postuler à des jobs qui ne correspondent pas forcément à leurs intérêts et à leur formation. (Commentaires.) Quatorze est un chiffre excessif, trop difficilement atteignable pour les personnes concernées selon leur situation familiale et personnelle, et ce même avant le covid. Les auditions ayant suffisamment démontré l'incohérence et l'absurdité de ce système extrêmement rigide, nous vous invitons à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le député Daniel Sormanni, c'est à vous pour deux minutes quarante-six.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, nous allons classer cette pétition. Pourquoi ? D'abord, parce qu'il ne s'agit pas de quatorze demandes par mois, mais de dix - ça a été précisé: à l'heure actuelle, c'est dix -, et ce n'est en effet pas bien compliqué d'effectuer dix recherches d'emploi par mois, qui peuvent se faire par téléphone, par e-mail, très très très simplement, sans plus, et la caisse chômage ne demande pas plus d'indications. Je crois que c'est le minimum, quand même, qu'on peut demander à ceux qui recherchent un emploi et que, parfois, il faut aussi peut-être faire preuve d'imagination, dans le sens où un garçon de café, aujourd'hui, il ne va pas aller chercher du travail dans un restaurant: ils sont fermés ! Par conséquent, il peut peut-être élargir son champ de recherches, ce n'est pas très compliqué.
Mesdames et Messieurs, oui, effectivement, avec la crise du covid, rechercher un emploi est peut-être un peu plus compliqué, évidemment ! Mais si on arrêtait aussi - parce qu'on continue, inlassablement, tous les jours ! - d'engager des travailleurs qui viennent de toute l'Europe, on aurait des recherches d'emploi peut-être un petit peu facilitées ! Cette pétition n'a pas de sens, d'autant plus - d'autant plus ! - que ces directives ne sont pas cantonales, il s'agit d'une assurance fédérale; ces directives sont fixées par la Confédération, par le SECO. Par conséquent, Genève ne pourra pas les changer. Mesdames et Messieurs, je vous invite à classer cette pétition et à la déposer sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il faut s'entendre ! On ne peut pas faire les deux à la fois: on dépose ou on classe. Mais les deux ensemble, ce n'est pas possible ! Donc, pour l'instant, la position du MCG, telle qu'elle a été mentionnée, c'est le dépôt. La parole va maintenant à M. le député Jean-Charles Lathion, pour une minute vingt-six.
M. Jean-Charles Lathion (PDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Dix recherches, quatorze recherches... Pourquoi pas vingt, pourquoi pas trente, quarante ? Ce qui nous a déplu, au PDC, c'est cette approche très administrative, très rigide, qui fait qu'on ne prend pas en compte... On parle beaucoup de ces recherches... (Remarque.) ...cela semble tout à fait facile d'en faire, mais après chaque recherche, il y a une réponse; et lorsqu'on reçoit des réponses négatives, jour après jour, je vous assure que c'est quelque chose qui affecte profondément le moral du demandeur d'emploi. Ce que nous aimerions, c'est qu'il y ait une véritable approche humaniste et que l'on développe davantage cet esprit dans les services de l'office cantonal de l'emploi.
Une voix. C'est fédéral ! (Commentaires.)
M. Jean-Charles Lathion. Effectivement, on est revenu à dix recherches, on a baissé de quatorze à dix; cette pétition est donc quelque peu dépassée, mais, pour notre part, nous aimerions que le Conseil d'Etat se penche sur cette question et développe un esprit qui soit un peu moins administratif et plus proche des demandeurs. Voilà, j'en ai terminé. (Commentaires.)
M. Grégoire Carasso (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, à titre liminaire - vous transmettrez, Monsieur le président, au député Alder -, imaginer qu'un demandeur ou une demandeuse d'emploi puisse satisfaire à ses obligations nombreuses, élevées et, à certains égards, violentes en passant quatorze coups de téléphone ne démontre qu'une seule chose: sa méconnaissance crasse de la réalité, et ces réalités ne sont pas des contraintes fédérales. C'est la réalité de pratiques administratives, bien ancrées, malheureusement, à Genève... (Remarque.) ...et que cette pétition vise à dénoncer.
J'aimerais encore, au nom du groupe socialiste, adresser mes sincères condoléances au Mouvement Citoyens Genevois, un parti qui s'est fondé, on s'en souvient, sur la défense des chômeurs; son alignement aujourd'hui sur son conseiller d'Etat est tout simplement indigne ! (Commentaires.) Le parti socialiste demande le renvoi au Conseil d'Etat de cette pétition pour dire stop à cette politique qui consiste à punir plutôt qu'à soutenir les personnes qui sont au chômage. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci. La parole échoit à M. le député Stéphane Florey pour une minute trente-sept.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Soutenir cette pétition, c'est faire un appel à la déresponsabilisation des chômeurs face à leurs responsabilités, mais, plus grave, c'est un appel à l'oisiveté ! Et moi, ce qui me surprend ici, c'est que les deux partis qui soutiennent le plus cette pétition, ce sont deux partis qui ont des candidats au Conseil d'Etat, et qui en même temps défendent ce principe de la déresponsabilisation des chômeurs ! J'invite les deux partis en question à faire preuve de responsabilité, à revenir à un peu plus de sens des réalités et, finalement, à changer d'avis en déposant cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. (Commentaires.) Parce que vous êtes incohérents avec vous-mêmes, vous êtes incohérents avec vos candidats, et finalement avec l'engagement que vous avez pris envers le peuple qui fait que vous êtes ici présents aujourd'hui. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député François Baertschi pour une minute.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Ainsi donc, un député socialiste attaque le MCG en disant que nous ne défendrions pas les chômeurs, alors que lui les défend. Il les défend d'une drôle de manière: en soutenant le travail frontalier... (Protestations.) ...en soutenant la surconcurrence des travailleurs ! (Protestations. Commentaires. Le président agite la cloche.) C'est vous qui créez du chômage ! Le chômage, c'est votre politique qui le crée ! Parce que vous soutenez les frontaliers, et c'est dans cette manière de faire. Alors ne venez pas nous donner des leçons, parce que ces leçons, vous devriez vous les appliquer à vous-mêmes ! Vous êtes en fait le pompier pyromane qui crée les problèmes de l'emploi à Genève, auxquels nous essayons de répondre et d'apporter des solutions. Nous réparons les dégâts que vous causez dans le marché de l'emploi par votre irresponsabilité en favorisant les frontaliers, alors qu'il faut défendre les résidents genevois. Voilà !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci beaucoup. Monsieur Murat-Julian Alder, à vous la parole pour quarante-six secondes.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Merci, Monsieur le président. J'invite chaque personne dans cette salle qui s'apprête à voter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat à se poser la question suivante: combien de places de travail avez-vous créées, Mesdames et Messieurs ? «Je crois que la question, elle est vite répondue !»
Des voix. Aaah ! (Rires. Commentaires.)
M. Murat-Julian Alder. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient maintenant au rapporteur de seconde minorité pour trente secondes.
M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on entend des mots assez violents qui viennent de la gauche, où on parle de flicage, de droit au chômage, on évoque la pandémie... En fait, on trouve des prétextes pour infantiliser les chômeurs, ce qui est exactement le contraire de ce dont ils ont besoin. On a mis sur pied un système qui est flexible, où le nombre de demandes d'emploi que doit effectuer un chômeur...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, pour trente secondes.
M. Alexis Barbey. Merci, Monsieur le président. ...évolue en fonction de la personne, de ses compétences et du domaine dans lequel elle travaille. Ce n'est pas du tout un système rigide. C'est un système, au contraire, qui s'adapte assez bien aux besoins des gens, même si des contraintes administratives s'y lient naturellement pour éviter que...
Le président. Merci.
M. Alexis Barbey. Mais ce que je voulais dire, c'est que la victimisation de ces chômeurs...
Le président. C'est terminé.
M. Alexis Barbey. ...est une façon de fabriquer des chômeurs en fin de droit; c'est cela que le PLR essaie d'éviter, et nous...
Le président. Merci. C'est vraiment terminé !
M. Alexis Barbey. ...vous invitons à refuser cette pétition. Merci.
Le président. La parole va maintenant à M. le député Grégoire Carasso pour deux minutes.
M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. C'est simplement pour demander le vote nominal sur cet objet. Je vous remercie.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent. Commentaires.) Oui, vous l'êtes. Le vote se fera donc à l'appel nominal. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce que j'appelais tout à l'heure la politique du passe-plat se renouvelle ici: on a des syndicats qui instrumentalisent certains cas particuliers, qui les généralisent, et ensuite des députés qui reprennent cela pour en faire un combat politique. Ce sont deux visions de la société qui semblent s'affronter ici. Du côté de l'extrême gauche, j'ai entendu parler du droit au chômage. Personne ne conteste qu'une assurance sociale donne des droits. Mais peut-être faut-il aussi rappeler que ces droits sont corrélés à des devoirs. (Commentaires.) Certains semblent considérer qu'avoir droit au chômage, c'est simplement s'installer chez soi et attendre que le temps passe - et surtout qu'on nous trouve un travail ! Parce que ce que je vois encore aujourd'hui - et cela est alimenté malheureusement par un discours que nous avons entendu -, ce sont des chômeurs qui, après plusieurs mois, m'écrivent: «C'est inadmissible ! On ne m'a toujours rien proposé !» C'est cela que nous sommes en train de faire ici ! Nous sommes en train de créer une société d'assistés, Mesdames et Messieurs ! (Protestations. Applaudissements. Huées.) Le travail... (Huées et applaudissements continus.) Je suis content que cela suscite une réaction: cela prouve que je touche là où ça fait mal ! (Huées.)
Une voix. C'est juste !
Une autre voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. Mauro Poggia. Je pense qu'il y a des valeurs qu'il faut rappeler ici: le fait d'être au chômage mérite toute notre attention, tout notre soutien, non pas notre condescendance, non pas notre compassion, Mesdames et Messieurs ! (Remarque.) Celui qui cherche peut trouver. Celui qui ne cherche pas ne trouvera certainement pas ! (Vives protestations. Huées. Le président agite la cloche.) Notre droit...
Le président. Bon, écoutez ! (Brouhaha.) Ecoutez, tout s'est très bien passé depuis hier. (Brouhaha.)
M. Mauro Poggia. Notre droit fédéral impose des... (Brouhaha.)
Le président. Monsieur... Monsieur le... (Brouhaha.)
M. Mauro Poggia. ...règles, Mesdames et Messieurs ! (Brouhaha.)
Le président. Non, un instant, un instant ! (Remarque. Rires.) Ecoutez...
M. Mauro Poggia. Ceux qui parlent sont ceux qui ont eu des salaires de ministres ?!
Des voix. Ouais ouais ! (Vives exclamations. Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît ! (Commentaires.)
Une voix. C'est çui qui dit qui y est ! (Rires.)
Le président. S'il vous plaît ! (Brouhaha.) Bon. Mesdames et Messieurs, il n'est pas coutume de huer les conseillers d'Etat de cette façon-là, donc on...
M. Mauro Poggia. Non, mais j'estime que c'est une ode à la raison ! (Rires. Commentaires.)
Le président. Très bien, vous l'estimez ! Alors, Mesdames et Messieurs, ne prenez pas ça comme une invitation ! Mais bon, si malheureusement on n'arrive pas à le laisser terminer, je suspends la séance. Voilà. Monsieur le conseiller d'Etat, vous pouvez continuer.
M. Mauro Poggia. Voilà, Mesdames et Messieurs, tout cela pour vous dire, si vous permettez que je poursuive, que le fait de fustiger un office qui a fait baisser le chômage ces dernières années de 6% à 3,9%... (Commentaires.) ...qui est encore aujourd'hui l'office régional de placement de Suisse qui donne le moins de sanctions à nos demandeurs d'emploi... (Commentaires.) Parce que c'est certainement le plus compréhensif ! Simplement parce qu'il demande que l'on fasse entre deux et trois recherches par semaine, vous êtes en train de nous dire qu'on flique les chômeurs, Mesdames et Messieurs ? Mais vous vous adressez à celles et ceux qui se lèvent tous les matins ! (Protestations.) Les chômeurs méritent davantage que votre compassion, Mesdames et Messieurs ! Ils méritent le travail qui est fait au quotidien par notre office, avec des mesures du marché du travail, avec de la réorientation professionnelle ! C'est vrai que quand on est serveur dans un café-restaurant aujourd'hui, rechercher son emploi est un travail impossible. Mais qui nous dit que cette recherche doit être uniquement ciblée sur l'ancien emploi que l'on a exercé ? (Remarque.) C'est précisément avec l'aide du conseiller en personnel que l'on doit voir quelles sont les compétences transférables. On a tous des compétences pour faire beaucoup de choses ! Il faut savoir les mettre en évidence et il faut savoir faire des recherches. Aujourd'hui, nous avons un système qui est précisément adapté à la situation économique que nous vivons, avec, pour l'ensemble des secteurs fermés par des décisions fédérales, quatre recherches par mois. Quatre recherches par mois, Mesdames et Messieurs ! Cela peut être, comme on l'a dit, des recherches qui se font par un contact. On le sait, aujourd'hui, nous n'avons plus de bottin de téléphone, mais tout le monde se souvient de ceux qui prenaient le bottin et qui écrivaient des lettres types qu'ils envoyaient à l'ensemble des entreprises du secteur, avec évidemment un résultat que l'on connaît d'avance. Et là, j'ai entendu quelqu'un dire: «Mais obliger à faire des recherches, c'est prendre le risque d'avoir des réponses négatives.» (Rires.) Oui, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est vrai ! Est-ce qu'il faut rester dans son lit pour ne pas avoir de désillusions ? Un proverbe turc dit que la mère du peureux n'a ni joie ni tristesse. Vous voulez être cette mère-là, Mesdames et Messieurs ? (Commentaires.)
Pour les secteurs qui sont ouverts aujourd'hui, c'est dix recherches par mois, et pour les secteurs qui concernent les intermittents du spectacle, deux recherches par mois. Le but de la recherche est évidemment que l'on trouve un emploi, mais elle a aussi pour but de faire garder un contact avec le marché du travail. Dire à un chômeur ou à un candidat à l'emploi - comme on l'appelle aujourd'hui plus justement - qu'il doit rester chez lui et attendre, c'est le pire des services que vous lui rendez ! Donc montrez votre soutien envers un office qui réalise un travail qui, certes, a encore des marges de progression, comme nous en avons tous, mais réalise un travail consciencieux, dans le respect de nos demandeurs d'emploi; je vous demande de le soutenir. Accepter une pétition comme celle-là, c'est précisément faire fi de l'effort de celles et ceux qui s'investissent pour nos demandeurs d'emploi. Je vous remercie. (Applaudissements. Huées.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur les conclusions de la majorité de la commission des pétitions, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Une voix. Bravo, le PDC !
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2086 au Conseil d'Etat) sont rejetées par 47 non contre 41 oui et 2 abstentions (vote nominal).
Une voix. Yes !
Une autre voix. Bravo !
Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2086 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 75 non contre 5 oui et 4 abstentions (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote.)
La pétition 2086 est donc classée. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)