Séance du
jeudi 28 janvier 2021 à
20h30
2e
législature -
3e
année -
8e
session -
48e
séance
RD 1386 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons les urgences acceptées et commençons par les objets RD 1386 et R 947, qui seront traités conjointement. Ils sont classés en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole à Mme la rapporteure de majorité Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission législative a étudié les arrêtés rendus par le Conseil d'Etat entre le 25 novembre 2020 et le 20 janvier 2021. J'espère que vous ne m'en voudrez pas d'avoir un tout petit peu réduit une partie tout au moins du rapport à des copier-coller, parce que j'ai reçu les notes de séance le lundi en début d'après-midi pour rendre le rapport en fin d'après-midi. C'était donc extrêmement bref, ça a été fait dans l'urgence et j'espère que vous ne m'en voudrez pas pour cet éventuel manque de qualité !
La commission s'est penchée sur ces arrêtés pour en vérifier la légalité par rapport à la constitution genevoise et par rapport à la Constitution fédérale dans la mesure où, dès lors que c'est le Conseil fédéral qui ordonne, c'est la Constitution fédérale qui prime sur tout autre acte législatif. En l'occurrence, nous avons regardé l'ensemble de ces arrêtés et nous nous sommes finalement penchés sur ce qu'on a appelé l'arrêté consolidé dans son état au 20 janvier, puisqu'il reprenait toutes les modifications qui ont eu lieu à partir de l'arrêté datant du début du mois de novembre 2020.
Nous nous sommes donc penchés en particulier sur la question de savoir si on se trouvait ou non dans un état de nécessité. Nous sommes arrivés à la conviction que oui, bien entendu, en tout cas jusqu'au moment où le Conseil fédéral a rendu ses ordonnances, et je vous rappelle que les constatations de début et de fin de situation extraordinaire par le Grand Conseil au sens de l'article 113 de la constitution ont eu lieu les 11 mai, 4 juin, 25 juin et 25 novembre 2020 - cela figure à la page 93 du rapport.
Ensuite, nous avons bien entendu beaucoup discuté pour déterminer si les magasins et les commerces devaient être fermés ou non. Nous avons aussi entendu Mme Anne Emery-Torracinta à propos de la fermeture de certains niveaux scolaires ou au contraire de leur maintien. Nous avons discuté des risques pour les manifestations publiques et privées. Nous avons aussi discuté de la culture. Nous soulignons le fait que M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia vient à chaque séance; nous nous réunissons même un peu plus tôt, afin qu'il puisse ensuite rejoindre la commission de la santé, qui siège en même temps et où il est bien entendu indispensable.
Nous avons donc procédé à l'examen de tous ces arrêtés, puis nous les avons validés par l'acceptation de l'arrêté consolidé. Nous avons rédigé une proposition de résolution et notre commission a accepté, à l'exception de deux membres - le vote se trouve à la page 87 du rapport - l'arrêté du Conseil d'Etat du 20 janvier 2021 modifiant l'arrêté du 1er novembre 2020 par 6 oui, 2 non et 1 abstention. Nous avons émis une proposition de résolution que nous vous engageons à voter.
Nous avons aussi voté l'arrêté sur les droits politiques: nous avons considéré qu'il était conforme à l'Etat de droit et que nous pouvions l'approuver. Je vous invite à en faire de même. Merci.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Vous allez entendre une voix plus critique, puisque je refuse - en tout cas dans son état actuel - la résolution qui approuve toute cette séquence d'arrêtés du Conseil d'Etat. Nous nous trouvons dans un débat qui devient un peu de la routine, puisque c'est, je crois, le cinquième débat où nous sommes appelés à approuver les arrêtés du Conseil d'Etat pris en vertu de l'article 113 de la constitution et en vertu d'une situation extraordinaire que le parlement doit constater quand il peut se réunir.
Nous avons, à tort ou à raison, «déconstaté» en quelque sorte la situation extraordinaire, le 25 juin dernier. La dernière fois, nous avons constaté que la situation était extraordinaire, et il n'y a pas de débat politique - enfin, juridique - autour de cet enjeu-là, mais quand même, il faudrait que, dans ce débat, il y ait une prise de conscience et le constat d'une situation qui est périlleuse à Genève sur le plan sanitaire et problématique sur le plan des mesures prises pour faire face à la pandémie.
Genève a connu une petite accalmie, parce que le Conseil d'Etat avait pris, en effet, des mesures plus dures que dans d'autres cantons, et, en comparaison, ça nous a valu un bref répit, mais la pandémie a continué de sévir. Le nombre de nouveaux cas par semaine avait flambé en novembre; si on prend cet indicateur-là, on voit qu'il avait atteint près de 6700 cas lors de la première semaine du mois, puis il est redescendu, mais il s'est largement stabilisé aux alentours de 1000 cas par semaine, alors que de mai à juin, on était descendu à cinquante fois moins. Il y a donc un feu qui couve sous la cendre et qui, le cas échéant, est prêt à repartir. La situation est périlleuse, précisément parce qu'elle donne l'illusion de ne pas être trop grave et d'être moins grave qu'ailleurs.
Il faut constater certains problèmes: la levée quasi totale et indiscriminée des restrictions genevoises dans le commerce qui est intervenue trop tôt, soit le 25 novembre dernier, y est sans aucun doute pour quelque chose. Là, il y a un problème, parce que notre commission avait rapporté qu'on voulait une levée modérée, qui tienne compte des indicateurs; on demandait à faire dans la dentelle et le Conseil d'Etat a levé les restrictions de manière totale. La digue a cédé, le Conseil d'Etat n'a pas attendu que le message du Grand Conseil soit entendu. D'ailleurs, les mesures avaient été prises le 1er novembre, et Mauro Poggia est venu nous dire à la commission législative, avec une franchise que je salue: «Il aurait en fait fallu prendre ces mesures dix jours plus tôt, mais il y aurait eu une émeute !» Mesdames et Messieurs, le gouvernement savait donc qu'il devait prendre des mesures et il ne les a pas prises, par crainte - fondée ou infondée - de Dieu sait quelle pression ! (Commentaires.)
Je vous inviterai à dire que le Conseil d'Etat doit prendre les mesures qui lui sont recommandées par ses experts et que, quand il sait qu'il devrait prendre une mesure, il doit la prendre. En particulier parce que nous nous trouvons dans une situation rendue d'autant plus critique par la dissémination assez large dans notre canton - et en Suisse évidemment - du nouveau variant britannique du coronavirus dont la contagiosité - je ne sais pas quel est le terme technique en question - serait de 70% plus élevée que celle du coronavirus «traditionnel». Ainsi, le fait que le taux de reproduction du virus à Genève soit supérieur depuis un certain temps à la moyenne nationale et surtout supérieur à 1 est probablement aussi un reflet de la dissémination de ce variant britannique, qui va être appelé à devenir, disons au courant du mois prochain, probablement la forme dominante de la maladie en Suisse. En outre, les autorités britanniques - c'était Boris Johnson, je ne crois pas tout ce qu'il dit, mais toujours est-il qu'elles annonçaient publiquement que le variant anglais du virus était potentiellement de l'ordre de 30% plus mortel... (Remarque.) ...que les variants précédents, avec ce que cela suscite comme craintes par rapport à la surcharge hospitalière qui pourrait en découler.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Pierre Vanek. Et puis, on a vu à Genève une classe d'école primaire qui a dû être mise en quarantaine, une crèche fermée à la Servette, et Mme Tardin, le médecin cantonal, annonçait à ce propos que ces situations seraient plus fréquentes avec la transmissibilité plus grande de la nouvelle souche du virus.
Nous nous trouvons donc dans une situation inquiétante et j'aimerais qu'on prenne conscience de cette situation, qui est d'autant plus périlleuse que les mesures du Conseil fédéral portant sur l'activité professionnelle... Notamment parce que c'est tout le volet obscur de ces politiques: on ne parle pas assez de la situation sur le plan professionnel, on ne parle pas assez de la situation des salariés en tant que telle, on ne parle pas assez des entreprises et des mesures qu'elles doivent prendre; alors qu'on régente la vie privée des gens - et je ne le conteste pas - de manière assez forte, on laisse aller les choses dans les entreprises. La «Tribune de Genève» relevait dans un éditorial récent que le télétravail obligatoire est un peu une farce imposée par le Conseil fédéral, et on se pose la question de savoir si le Conseil d'Etat ne devrait pas accompagner cette obligation d'un certain nombre de mesures, tout comme il devrait s'intéresser de plus près au domaine professionnel, où les choses sont aussi prises de manière relativement légère. Je suis intervenu en commission pour dire cela et Mauro Poggia a répondu qu'on ne pouvait pas s'ingérer dans la gestion des entreprises; il a donné une réponse libérale, de droite, etc., et c'est normal, d'un certain point de vue, qu'il tienne ce discours, mais on déroge à toutes sortes de libertés pour la vie privée des gens ordinaires, il faut donc aussi être capables de prendre des mesures par lesquelles, en effet, on s'ingère dans la vie des entreprises pour exiger, inciter à faire en sorte que les choses se passent le mieux possible - c'est dans l'intérêt de tous. Là, il y a une barrière qu'apparemment le Conseil d'Etat n'ose pas franchir. Mauro Poggia a dit quelque chose d'intelligent en déclarant qu'évidemment, toute dénonciation, y compris les dénonciations anonymes - ça fait référence à l'autre débat qui est interrompu - serait suivie d'investigations et de mesures, mais, encore une fois, comme pour les fermetures des commerces, etc., on n'est pas dans le préventif, on court derrière la réalité.
Ensuite, un dernier constat - après je me tairai et je reviendrai sur mes amendements - concerne un paramètre qui est central du point de vue d'Ensemble à Gauche et qui doit être souligné dans la photographie qu'on donne de la situation sanitaire, à savoir le paramètre de l'inégalité sociale. Dimanche dernier, dans la «Sonntagszeitung» - mais ça a été relayé dans toute une série d'organes de presse romands, et j'ai joint l'article en annexe à mon rapport - un sociologue de la santé de l'Université de Berne, Thomas Abel, expliquait que les personnes à bas revenus, qui travaillent principalement dans des métiers où le télétravail n'est pas possible - sur les chantiers, dans les commerces, dans les soins - sont évidemment beaucoup plus susceptibles d'être atteintes par cette maladie et qu'il y a une inégalité à laquelle on doit s'opposer. En clair, cela signifie que riche et bien portant... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...ou pauvre et malade, c'est un couple infernal de paramètres qui vont ensemble et qu'il faut dynamiter. Nous avons un mandat constitutionnel pour le faire, puisque l'article de la constitution qui parle de la santé stipule qu'on doit combattre aussi les causes sociales des maladies.
Le président. Dix secondes !
M. Pierre Vanek. C'est donc quelque chose qu'on doit prendre en main.
J'ai déposé une série d'amendements à la proposition de résolution sur tous les points que j'ai évoqués, qui recommandent, qui demandent ou qui critiquent la politique telle qu'elle a été menée. Enfin...
Le président. Je vous remercie.
M. Pierre Vanek. Je finis juste ! ...il y a la question des vaccins, où on n'est pas peu dans la merde...
Des voix. Oooh !
M. Pierre Vanek. Alors on est fortement embarrassés, disons - je retire l'expression qui choque tout à coup mes auditeurs - avec Pfizer qui livre la moitié - ou moins - de ses vaccins, et c'est un élément aussi qui compose ce portrait d'une situation périlleuse que j'ai essayé de dresser et auquel nous devons répondre par une action de...
Le président. Merci, il vous faut terminer.
M. Pierre Vanek. ...santé publique. Merci !
Le président. J'ai bien noté que vous avez déposé toute une série d'amendements, comme vous avez dit, et je les lirai mot à mot. J'ai aussi bien noté les couronnes de laurier que vous avez empilées sur la tête de Mauro Poggia, ce qui lui a fait plaisir ! Je passe la parole maintenant à M. le rapporteur de seconde minorité André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette pandémie touche durement nos concitoyens les plus faibles et les plus fragiles. Nos aînés et nos malades sont les plus affectés dans leur santé. Sur le plan social et économique, les victimes sont essentiellement actives dans les branches dont les salaires et les revenus sont les plus bas.
Malheureusement, la gestion de crise de notre Conseil d'Etat est médiocre. Lors de la première vague, Genève était l'un des plus mauvais cantons du pays. Lors de la seconde vague, Genève avait même le taux d'infections, en proportion de sa population, le plus mauvais d'Europe. L'été dernier, le taux d'infections dans nos EMS était six fois supérieur à celui des établissements de Bâle-Ville. Toujours l'été dernier, Bâle-Ville, avec ses 170 000 habitants et une densité 2,5 fois supérieure à la nôtre, avait quarante centres de test. A Genève, nous n'avions que deux centres. La capacité à tester de Genève était de plus de cent fois inférieure à celle de Bâle-Ville.
Pour la cinquième fois, la commission législative vous présente ses travaux, et je vous présente mon cinquième rapport de minorité. Au lieu d'analyser notre gestion de crise et notre concept, la commission législative se contente de discuter, avec une forte coloration politique, les arrêtés déjà en vigueur ou déjà périmés, auxquels ni la commission législative ni le Grand Conseil ne pourront changer quoi que ce soit. Les arrêtés soumis à notre vote sont établis sur la base de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme ainsi que d'une ordonnance fédérale et de l'article 113 de notre constitution. Je rappelle que compte tenu de cette situation, l'autorité de notre Grand Conseil se limite effectivement au fait de constater et de prendre acte de ces arrêtés.
Deuxième point: l'article 113, alinéa 3, de notre constitution est excessivement clair: si le Grand Conseil les approuve, les arrêtés restent en vigueur. Si le Grand Conseil les refuse, les arrêtés restent tout de même en vigueur pour une durée de douze mois. Le débat sur ces arrêtés déjà en vigueur ou déjà périmés, que le Grand Conseil n'a aucune autorité de modifier ou d'annuler, ne sert à rien.
De plus, je rappelle le contexte de ces discussions plus que discutables: l'arrêté du 1er novembre pour la fermeture des restaurants et commerces non essentiels a été refusé par la majorité de la commission. Vu que le vote a eu lieu quarante-huit heures avant la réouverture des commerces, le voeu a été réalisé, même si le vote lui-même n'amène strictement rien. S'agissant de l'arrêté pour le port du masque dans certaines rues, la désignation des périmètres revenait aux communes, et le Conseil d'Etat s'est enfin décidé, trois semaines après l'application, à approcher les communes pour connaître les lieux désignés ! L'arrêté sur la prolongation d'ouverture d'une heure les samedis a été accepté à l'unanimité, mais une grande partie a changé d'avis une ou deux semaines après.
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe, Monsieur le rapporteur.
M. André Pfeffer. Bref, avec les nombreux arrêtés précédents qui sont inutiles ou qui se contredisaient, qui exigeaient des mesures que l'Etat lui-même n'appliquait pas, des rétropédalages, par exemple avec la fermeture des chantiers, etc., etc., la situation est dramatique. Aucune réflexion sur la qualité et l'efficacité de nos interventions et de nos actions ! Est-ce que la ou les task forces qui analysent, décident et imposent les mesures sont composées d'experts compétents, reconnus et crédibles ? La task force de nos EMS est un des exemples qui inquiète: elle est composée de deux représentants d'associations patronales, d'un membre de la direction du département, d'un membre de l'association des infirmières, d'un membre du personnel administratif et d'un membre du groupe des médecins référents. Cette task force n'a aucune autorité et sa crédibilité est discutable. La task force des HUG ne compte pas en son sein de représentant des cliniques privées. J'ai posé deux fois la question pour savoir qui évaluait l'efficacité des installations de protection dans les restaurants: deux questions identiques et deux réponses différentes ! Comme je l'indique dans mon rapport, le mode de fonctionnement de la cellule de crise de la Confédération est bien plus clair et donne une bien meilleure autorité et crédibilité que la ou les nôtres. Les membres des task forces nationales sont des experts reconnus avec des expériences également reconnues. Celle de la santé est composée de plus de septante experts, tous reconnus et bénéficiant d'une réputation indiscutable. Le cadre fédéral est également très clair.
Le 28 février, le Conseil fédéral a décrété la situation extraordinaire basée sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles. Cette démarche lui permettait d'imposer tout type de mesures à l'ensemble du pays. Le 19 juin dernier, le Conseil national a requalifié la situation de «particulière». Cette modification oblige à soumettre toutes les mesures à une consultation avec les cantons. Cette pratique est respectée. A ce sujet, il est étonnant que les résultats de ces consultations soient confidentiels dans notre canton.
Je rappelle que votre vote sur ces arrêtés ne sert à rien. Ces arrêtés sont déjà en vigueur ou même déjà périmés et le Grand Conseil n'a aucune autorité ni compétence pour modifier quoi que ce soit. La catastrophe naturelle qu'est ce virus touche et affecte beaucoup de nos concitoyens, beaucoup de nos aînés et des gens qui ont des maladies. La catastrophique gestion de notre Conseil d'Etat est également problématique pour un nombre croissant de Genevoises et de Genevois. Pour ces raisons, je vous recommande un retour en commission et j'espère que les députés effectueront la tâche et le travail qu'ils doivent faire. Je répète: je demande que ce rapport et cette proposition de résolution retournent à la commission législative et j'espère qu'un traitement correct sera appliqué. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Après les couronnes de laurier, c'est un empilement de couronnes d'épines ! Qui se termine par cette demande de renvoi à la commission législative. Les rapporteurs ne se sont pas inscrits: souhaitent-ils s'exprimer sur le renvoi ? (Un instant s'écoule.) Monsieur Pierre Vanek, vous avez la parole.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. S'agissant du renvoi en commission: Mesdames et Messieurs, je suis très critique par rapport à la gestion du Conseil d'Etat, je suis critique par rapport à l'approbation «acritique» des arrêtés, mais renvoyer ces éléments en commission n'est d'aucun intérêt public et ne donnera lieu à aucune discussion intelligente supplémentaire. Je suis pour le fait d'aller au bout de ce débat ici et, le cas échéant, d'amender la proposition de résolution. Chacun prendra ses responsabilités et votera oui ou non à ce rapport. Le retour en commission ne fait pas sens.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, mon préopinant a dit exactement ce qu'il fallait dire. J'ajouterai simplement que pour bien des choses, on sait mieux après qu'avant ! Malheureusement, avant, on ne dispose pas forcément des informations nécessaires pour prendre les décisions les plus adaptées à la situation. De toute façon, cette pandémie a été gérée à Genève aussi bien que c'était possible. Merci.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs, je vous fais donc voter sur cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport divers 1386 et de la proposition de résolution 947 à la commission législative est rejeté par 78 non contre 2 oui et 1 abstention.
Le président. Nous continuons le débat sur ces objets. La parole échoit maintenant à M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Lorsque je préside cette commission législative, je pense faire preuve de patience et d'empathie vis-à-vis de tous les députés, indépendamment de leur attachement politique respectif, mais j'avoue que, pour la cinquième fois, les déclarations de notre collègue Pfeffer commencent sérieusement à m'agacer. D'abord parce qu'il répète toujours la même chose, et ensuite parce qu'il se base sur des aspects ou des faits qui ne sont pas démontrés. A plusieurs reprises, sur les trois derniers rapports, il nous a donné l'exemple de Bâle-Ville. Vous vous souvenez certainement de nos deux dernières sessions, où le bon docteur Saudan avait d'ailleurs expliqué quelle était la différence réelle, sur le plan démographique, entre Bâle-Ville et Genève; le lendemain de l'intervention de M. Pfeffer, nous nous sommes aperçus que le canton de Bâle-Ville avait été obligé de prendre des mesures encore plus sévères, parce qu'il s'était planté dans son appréciation - ce qui peut arriver, dans ce secteur où nous apprenons tous les jours et où nous vivons dans le domaine du non-savoir.
Les réserves qui ont été exprimées, je peux les comprendre, notamment celles de notre collègue Vanek, parce qu'effectivement, la situation n'est pas toujours très satisfaisante. Ces arrêtés du Conseil d'Etat ont été validés et nous avons beaucoup discuté, nous avons mené beaucoup d'auditions; je tiens d'ailleurs à remercier le conseiller d'Etat chargé du département d'assister à chacune de nos séances et de mettre à notre disposition des collaborateurs compétents, et j'espère qu'il leur transmettra nos remerciements largement mérités. La commission législative n'est pas une assemblée d'experts en santé publique - Dieu merci ! - et son rôle n'est pas de se prononcer dans une logique sanitaire, mais plutôt de se référer aux arrêtés et de déterminer s'ils sont conformes à l'article 113 de notre constitution. Globalement, je peux dire que la gestion du Conseil d'Etat, compte tenu des difficultés qu'il rencontre, est bonne, aussi en comparaison avec d'autres pays ou d'autres cantons.
J'ai été interpellé par la déclaration de M. Pfeffer concernant les task forces en général. Nous avons une task force des HUG - c'est vrai - une task force des EMS - c'est vrai - et une task force covid cantonale. J'encourage M. Pfeffer à rendre visite à la task force covid cantonale pour voir la qualité du travail qui est effectué, pour voir la patience avec laquelle les collaborateurs qui y sont à l'oeuvre répondent aux appels inquiets, voire aux appels de détresse de certains de nos concitoyens. Je rappelle à M. Pfeffer que la task force des EMS, qui évidemment n'émet que des recommandations - puisqu'elle est soumise d'une part aux décisions du médecin cantonal, d'autre part aux décisions du Conseil fédéral et de l'Office fédéral de la santé publique -, a été créée le 1er mars, donc quinze jours avant la déclaration de l'état de nécessité. Cette task force nous a été enviée par tous les cantons. Tous - ou à peu près - sont venus nous demander comment nous fonctionnions; nous avons un système qui permet d'échanger des informations et de donner des recommandations aux EMS et, jusqu'à présent, je pense que la situation a été relativement bien gérée.
Je vous recommande bien entendu, Mesdames et Messieurs, d'accepter la résolution de même que le rapport divers et j'aimerais dire que dans ces domaines - où je rappelle que nous nous trouvons tous dans une certaine incertitude, que nous devons maîtriser au mieux -, il faut éviter de dire des choses qui sont fausses ou qui ne sont pas argumentées. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Diego Esteban (S). Avant de vous donner la position du groupe socialiste, il est nécessaire de rappeler plusieurs éléments. Si la constitution genevoise confie au Conseil d'Etat des pouvoirs spéciaux pour protéger la population, elle charge le Grand Conseil de ratifier ou non les mesures prises en vertu de ces pouvoirs. Et une fois de plus, nous sommes amenés ce soir à exercer cette attribution essentielle.
Tout l'équilibre de ce processus réside dans la proportionnalité de ces mesures, et surtout leur pertinence vis-à-vis de la protection de la santé publique que nécessite la situation extraordinaire actuelle. Les mesures prises en vertu de l'article 113 de la constitution genevoise doivent donc être strictement nécessaires pour protéger la santé publique. La raison pour laquelle le groupe socialiste a jusqu'ici soutenu les mesures du Conseil d'Etat, moyennant quelques réserves, c'est qu'il estimait qu'elles permettaient de préserver au mieux la santé de la population - et je précise que le temps me manque pour parler des mesures fédérales, qui nous inspirent des conclusions drastiquement différentes.
Quant aux mesures d'accompagnement, liées notamment aux crises économique et sociale qui découlent de la crise sanitaire, elles faisaient jusqu'ici l'objet de projets de lois séparés, ne relevant pas de l'article 113 de la constitution. Ces projets de lois ont régulièrement permis à notre parlement de débattre de la gestion de la crise et de ses conséquences et l'un d'entre eux sera d'ailleurs soumis au vote populaire le 7 mars. Tout cela est dans l'ordre des choses et ne nécessite pas de pouvoirs constitutionnels d'exception.
Monsieur le président, si je mentionne ces éléments, c'est parce qu'un bémol majeur vient cette fois-ci faire évoluer notre position. L'extension des horaires d'ouverture des magasins ne protège pas la santé de la population; ce n'est ni son but ni sa conséquence. Il s'agit d'un enjeu politique distinct, qui a régulièrement figuré au menu des votations populaires et qu'on essaie ici d'imposer de manière insidieuse, par le biais de l'article 113 de la constitution, afin de soustraire cette mesure à toute demande de référendum et, in fine, au vote populaire.
Le groupe socialiste condamne fermement ce procédé. Cette question devrait faire l'objet d'un projet de loi ad hoc, soumis au référendum, et pas d'un simple arrêté urgent du Conseil d'Etat. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons le troisième amendement de M. Vanek, qui propose une réserve à la résolution sur ce point. S'il est accepté, nous soutiendrons la résolution. Dans le cas contraire, le groupe socialiste s'abstiendra lors du vote final.
Mesdames et Messieurs les députés, la crise sanitaire ne doit pas servir de prétexte pour faire avancer un agenda politique économique. A chaque fois que les horaires d'ouverture ont connu une modification, un référendum a eu lieu. Il n'y a aucune raison de priver cette fois-ci le peuple de la possibilité d'exprimer sa position.
M. Vincent Subilia (PLR). Chers collègues, s'il est un précepte qui doit s'imposer aujourd'hui, c'est celui d'humilité. Le PLR accueillera favorablement la résolution qui nous est soumise, avec pour constatation qu'il s'agit ici d'un débat quelque peu ésotérique: en réalité, notre plénum est amené à se prononcer a posteriori et à s'ériger potentiellement en censeur de l'humanité - on a pu l'entendre dans les propos excessifs d'un certain nombre de mes préopinants.
Chacun en a conscience, la tragédie que nous vivons aujourd'hui est un drame sanitaire, avec des implications économiques très lourdes, mais elle exige de nous, encore une fois, que nous fassions preuve, je le disais, d'une certaine humilité dans les jugements que nous pouvons porter sur l'action du gouvernement. Certes, aux yeux du PLR, certaines infections auraient pu être évitées - c'était le cas avec la fermeture des commerces. Un regard critique a été porté, notamment sur l'action du DIP parfois, mais globalement, Mesdames et Messieurs, reconnaissons ici que nous sommes humains, faillibles et perfectibles et que, face à ce que nous vivons aujourd'hui, il est difficile d'envisager, dans le feu de l'action, au quotidien, de faire systématiquement mieux. Le discours que nous devons tenir doit d'abord être constructif. Il doit se porter - c'est le souhait du PLR - vers l'avenir, et l'avenir est à trouver dans les campagnes de vaccination qui sont aujourd'hui déployées et pour lesquelles nous appelons de nos voeux que tous les moyens soient mobilisés.
J'entends dans les propos d'un certain nombre d'intervenants des critiques qui nous surprennent. C'est le cas notamment de la gauche, qui, alors qu'elle a pour habitude d'appeler parfois à la désobéissance civile ou civique, nous explique ici que l'Etat devrait se montrer davantage intrusif s'agissant des employés que l'on soupçonnerait de ne pas respecter les règles en matière de télétravail. (Remarque.) C'est faux, Mesdames et Messieurs, et il est important de le dire, il n'y a pas deux lectures s'agissant de la pandémie. Nous sommes tous humains; face à elle, il n'y a pas de citoyens de seconde zone et il n'est pas nécessaire qu'un discours autre soit tenu vis-à-vis des entreprises que vis-à-vis de nos concitoyens eux-mêmes.
Par ailleurs, j'entends - et c'est là que le PLR émettra une réserve - le discours des socialistes. Il est faux d'imaginer que les mesures de prolongation d'ouverture des magasins qui ont été prises - je rappelle à ce titre que Genève est le seul canton suisse qui les ait fermés à trois reprises - obéissent à un agenda qui serait strictement économique. Tous les professionnels de la santé vous le diront: le fait d'étendre l'ouverture des magasins permet... (Commentaires.) ...permet - je ne vous ai pas interrompus - aussi d'en lisser les horaires et donc d'éviter des pics de concentration dans ces mêmes surfaces, dont il n'est pas prouvé par ailleurs qu'elles soient d'importants foyers de contamination. Donc nous exposer que les mesures prises sont en réalité un agenda politique déguisé dont le but est de permettre au grand Satan capitaliste d'accomplir son oeuvre constitue un discours qui est faux. Nous devons tous avoir en tête la priorité qui est d'ordre sanitaire, c'est celle-ci que nous défendons.
C'est à ce titre, Mesdames et Messieurs, que le PLR donnera son approbation à cette résolution, je le disais, sans se départir d'un regard qu'il souhaite critique et constructif sur un certain nombre de mesures, mais avec encore une fois, et je terminerai ici, toute l'humilité qui prévaut pour nous face à cette pandémie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Une fois n'est pas coutume, je vais aller dans le même sens, je vais même paraphraser mon collègue Subilia ! (Commentaires.) Je reviens sur ce terme d'humilité, terme prononcé il y a quelques jours par la professeure Siegrist de la faculté de médecine à la radio romande, en matinale, en matinée, enfin très tôt... Enfin, le matin ! (Rires.) Je ne sais pas comment... (Commentaires.) Avec leurs formules... Avant, il y avait des téléjournaux, des journaux parlés, maintenant on se retrouve avec plein de gadgets médiatiques, qui font qu'on ne s'y retrouve plus, avec des pseudo-concepts, mais enfin bon, peu importe ! (Commentaires.) L'essentiel, c'est que la professeure Siegrist a dit quelque chose de très juste. Elle a dit que nous devions tous faire preuve d'humilité, que nous soyons politiques, médecins, scientifiques, journalistes et autres personnes, puisque tout le monde... On n'a que des spécialistes de l'épidémie... (Remarque.) ...en Suisse, comme partout ailleurs dans le monde. Il faut cette humilité, c'est une valeur importante. C'est une valeur dont on devrait s'inspirer de manière générale, quelles que soient nos différences politiques, quels que soient nos statuts, et c'est quelque chose qui devrait nous guider dans la gestion de la crise covid.
Alors j'aime bien mon collègue UDC, mais je pense que ça n'apporte rien d'essayer de dénigrer Genève. Notre canton n'est ni meilleur ni pire - enfin, à mon sens, il est un peu meilleur qu'ailleurs, mais je pense que je ne suis pas très objectif sur cet élément-là. (Remarque.) Mais en revanche, une chose est sûre, je lui recommanderais quand même de donner quelques conseils à son parti et de lui dire de balayer devant sa porte, notamment quand on voit le côté grippe-sou ou Picsou du Conseil fédéral. Je pense que là, il y aurait peut-être un travail d'influence à mener, en toute humilité; mais quand même, on ne doit pas rester naïf face à ça et se laisser faire par la Suisse alémanique ! Il faut, je pense, quand même défendre Genève, surtout dans ce Grand Conseil. Il faut, à un moment donné, se serrer un peu les coudes face à cette crise covid. C'est pour ça qu'il faut soutenir le Conseil d'Etat dans ces temps difficiles, soutenir également la résolution et ne pas essayer de couper les cheveux en quatre.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il faut se rappeler que c'est à la commission législative et non pas à la commission de la santé ni à la commission de l'économie qu'on a confié le traitement de ces différents objets. Ce qui est pour moi extrêmement important dans la période particulière que nous vivons, c'est que nous respections l'Etat de droit; c'est que, malgré les pouvoirs extraordinaires qui ont été donnés aux autorités sanitaires, avec leur côté extrêmement intrusif et brutal qui peut avoir des conséquences sur les existences de nos concitoyens, la commission législative et notre parlement soient surtout là pour constater et pour examiner la légalité de ce qu'il se passe et pour s'assurer que l'on reste bel et bien dans un Etat de droit. Le principal travail de la commission législative a été de regarder ces différents objets. Après, nous pouvons tous avoir des avis divergents sur ce qu'il aurait fallu faire: est-ce qu'il aurait fallu faire autrement, mieux, différemment, etc. ? J'en conviens volontiers, mais ce n'était pas la bonne commission pour examiner cela.
Néanmoins, les Verts prendront simplement - mes collègues se sont largement exprimés - la même position que celle que le parti socialiste a défendue, c'est-à-dire que nous allons accepter le premier objet et, s'agissant du deuxième, selon les amendements qui seront acceptés ou refusés par ce parlement - surtout celui portant sur l'ouverture des magasins -, nous choisirons soit de nous abstenir, soit de l'accepter. Je vous remercie.
Le président. Merci. Monsieur le député Thomas Bläsi, il n'y a plus de temps de parole pour l'UDC, vu que le temps a été consommé par votre rapporteur de minorité. La parole est maintenant à Mme Danièle Magnin pour cinquante-huit secondes.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. En fait, lorsqu'il s'est agi d'évaluer la pertinence de la prolongation d'ouverture des magasins, nous nous sommes vraiment occupés non pas de savoir si politiquement c'était à gauche ou à droite, mais si les gens allaient éventuellement être moins facilement contaminés, s'ils étaient moins nombreux dans les magasins au même moment. C'est pour cela que nous avons finalement voté à la majorité pour l'étirement de l'horaire: pour qu'il y ait moins de personnes à la fois dans les magasins et qu'elles risquent moins de s'infecter et de rentrer malades chez elles. Voilà. Merci - et merci d'en tenir compte dans votre vote.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le mot-clé a été prononcé plusieurs fois dans cette séance, c'est le terme d'humilité. Je pense qu'avec le «rétroscope» ou le rétroviseur, on est toujours bien meilleurs. Bien sûr que lorsqu'on se compare, on peut se dire qu'à un moment donné, on aurait pu faire mieux que nos voisins. Curieusement, le lendemain, on se dit que finalement on a fait mieux qu'eux. Je ne sais pas si vous avez suivi cette carte sur le taux de reproduction du virus; j'y étais moi-même particulièrement attentif, puisque à un moment donné, il en résultait des conséquences sur la marge de manoeuvre cantonale, le cas échéant, sur le fait de pouvoir maintenir certaines activités, grâce à l'exception qui avait été accordée aux cantons romands, qui avaient fourni un effort supérieur à celui des cantons alémaniques - et Genève le sait particulièrement. C'est vrai qu'il m'est arrivé de me réjouir un jour et finalement de me désoler le lendemain, en voyant toute la volatilité de ce facteur intercantonal, auquel tout le monde évidemment attribuait des vertus qu'il n'avait certainement pas.
Je pense que la réalité, c'était d'abord de regarder nos hôpitaux, de regarder le nombre de nouveaux cas positifs, le taux de positivité par rapport aux tests effectués, l'entrée dans les hôpitaux, le nombre de personnes aux soins intensifs et aux soins intermédiaires. Evidemment, cela constituait véritablement une donnée fiable, mais, malheureusement, une donnée décalée par rapport aux mesures prises, puisqu'on le sait, toute mesure prise ou non prise, on en retire les bénéfices ou on la paie avec un retard de deux à trois semaines. C'est toute la difficulté, comme finalement à la barre d'un gros paquebot: lorsqu'il faut virer, les effets de la manoeuvre ne se font ressentir que trop tard, et bien entendu, il ne faut surtout pas le faire lorsque l'iceberg est déjà en vue. Le problème, avec ce virus, c'est qu'il n'y a pas de visibilité, même pas cette visibilité face à un iceberg dans la brume.
Donc c'est vrai, l'humilité, c'est de reconnaître que l'on a pu parfois prendre des décisions trop tôt ou trop tard, et M. Vanek l'a dit tout à l'heure en en donnant une interprétation qui lui est propre. Effectivement, aujourd'hui, on doit constater qu'objectivement, peut-être, les décisions prises le 1er novembre auraient pu être prises plus tôt. Mais c'est aujourd'hui qu'on s'en rend compte, en regardant comment a évolué ensuite la courbe et, c'est vrai, l'honnêteté intellectuelle oblige à dire: «Sans doute, là il aurait fallu intervenir plus tôt.» Mais il y aurait eu une émeute, ai-je ajouté, parce qu'au moment où nous avons pris ces mesures, et alors même que la situation était pire que dix jours auparavant, il y a eu une levée de boucliers de la part de certains, considérant que les mesures prises étaient excessives. C'est souvent le propre des mesures prises à temps que d'être incomprises, c'est le propre de la prévention d'intervenir alors que le risque ne s'est pas encore réalisé, d'où l'incompréhension; et plus la prévention est efficace, plus on a le sentiment qu'elle était inutile. C'est précisément avec toute cette incertitude et toutes ces difficultés que nous avons dû naviguer ces derniers mois, et nous y sommes encore aujourd'hui. Alors on peut nous comparer avec Bâle-Ville, mais comme l'a relevé très justement M. Guinchard, le lendemain de la séance, Bâle-Ville se trouvait dans une situation terrible et devait prendre d'urgence des mesures. Donc vous voyez - je ne pointe pas du doigt ce canton, parce que la veille, c'était Genève -, chacun son tour !
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des mesures qui ont été prises, je pense que le nécessaire a été dit. Je dirai simplement un mot sur l'ouverture des magasins jusqu'à 19h. Le Conseil fédéral a considéré que les magasins pourraient rester ouverts jusqu'à 19h, mais qu'ils devaient être absolument fermés de 19h à 6h du matin. Genève a profité de cette opportunité. Quand je dis «profiter», ce n'est pas de l'opportunisme: Genève a profité de cette possibilité qui lui était offerte de permettre précisément de lisser la présence des clients dans les commerces jusqu'à 19h. J'ajouterai même qu'aujourd'hui, en voyant que les commerces - sans distinction - restent ouverts en France voisine jusqu'à 18h, il est peut-être bon aussi d'un point de vue sanitaire que notre population puisse se dire qu'en restant à Genève, elle peut encore aller faire ses courses jusqu'à 19h, alors qu'en allant en France voisine - et je n'ai rien contre nos voisins français, mais c'est vrai que cette concurrence peut être mal perçue par nos commerçants et je les comprends... On peut donc se dire que finalement, en restant à Genève, on peut aller faire ses courses jusqu'à 19h, et cela est bon, parce que tout déplacement de population ne fait qu'augmenter le risque de propagation du virus.
Voilà, Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas sortis de l'auberge, j'allais dire - elles ne sont même pas ouvertes ! Nous avons maintenant des défis majeurs qui nous attendent, qui sont ceux de la vaccination, dont nous aurons largement à parler, et merci de m'inviter, moi et mes collaborateurs... Collaborateurs dont M. Guinchard a loué la qualité, et je l'en remercie; je pense qu'il faut le reconnaître. Nous sommes à votre disposition, bien sûr, pour vous faire part de nos préoccupations. Il n'y a pas un jour sans que nous ayons des problèmes à régler. Ils sont parfois relayés par les médias, parfois ils ne le sont pas - je ne vous cache pas que les problèmes de livraison, les problèmes logistiques, le problème de savoir ce qu'il faut faire pour obtenir suffisamment de vaccins pour la deuxième dose... Au début, on nous disait: «Gardez la moitié des livraisons pour la deuxième dose !» Ensuite, on nous a dit: «Pas du tout: il faut tout utiliser le plus vite possible !» On nous a même mis - les cantons - en ligne, en concurrence les uns contre les autres: c'était à celui qui vaccinait le plus. Et aujourd'hui, on nous dit: «Ah, Pfizer ne va finalement pas livrer la totalité, il faut prendre des précautions ! Essayez de vous arranger entre vous pour vous partager les vaccins !» Vous imaginez que celui qui se retrouve le dernier dans le classement, parce qu'il est le dernier et qu'il a des stocks, va nous les donner pour qu'on soit encore meilleurs que lui dans le classement ? Certainement pas ! Ce sont donc des difficultés auxquelles nous devons faire face, et il suffirait que Moderna baisse aussi ses livraisons pour que nous nous trouvions face à des difficultés supplémentaires. Aujourd'hui, nous avons mis en place une voiture de course et on nous demande de rouler au ralenti - nous sommes à peine à 1200 vaccins par jour. Nous pouvons monter du jour au lendemain à 6300 vaccins - mais en fait, nous ne le pouvons pas: nous fermons certains centres de vaccination, parce que nous n'avons pas de vaccins. Quand je lis dans les médias qu'on nous reproche d'être des cancres et de traîner, cela me fait mal, évidemment, pour l'ensemble des professionnels qui sont prêts à intervenir.
Voilà, Mesdames et Messieurs, merci de soutenir le Conseil d'Etat. Je pense qu'en période de crise, il n'y a pas d'un côté un Conseil d'Etat et de l'autre un parlement, il y a des responsables aux commandes, chacun à leur niveau, qui doivent mener le bateau à bon port. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1386.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis de six amendements à la R 947, déposés par M. Pierre Vanek. Comme je le lui ai promis, je vais vous en donner lecture l'un après l'autre. Voici le premier:
«Cependant, le Grand Conseil:
déplore que le Conseil d'Etat n'ait pas pu ou voulu prendre les mesures de l'arrêté qu'il a pris le 1er novembre 2020, comme il aurait fallu le faire de l'aveu même du conseiller d'Etat Mauro Poggia en commission, une dizaine de jours avant ledit 1er novembre 2020;»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 44 non contre 24 oui et 16 abstentions.
Le président. Je vous fais voter sur le deuxième amendement de M. Vanek, que voici:
«regrette que le Conseil d'Etat ait pris son arrêté du 25 novembre comportant une réouverture indifférenciée de tous les commerces, le jour même où le Grand Conseil, sur proposition de sa commission législative unanime, entendait lui envoyer et lui a effectivement envoyé dans la soirée via la R 940 un message dont il n'a pas tenu compte;»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 22 oui et 19 abstentions.
Le président. Je soumets maintenant à votre approbation l'amendement suivant:
«demande au Conseil d'Etat de renoncer de suite à l'ouverture des commerces étendue le samedi jusqu'à 19h;»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 43 oui.
Le président. Je mets à présent aux voix le quatrième amendement de M. Vanek, qui se présente comme suit:
«invite le Conseil d'Etat à intervenir par tous les moyens appropriés pour que soit prise au sérieux et matérialisée réellement dans notre canton, dans toute la mesure du possible, l'obligation de télétravail introduite en janvier dans l'ordonnance du Conseil fédéral (COVID-19 situation particulière);»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 75 non contre 15 oui et 3 abstentions.
Le président. Je vous lis le cinquième amendement proposé et le mets aux voix:
«invite également le Conseil d'Etat à intervenir, par tous les moyens appropriés, pour qu'aucune entreprise dont le fonctionnement pourrait indirectement ou directement présenter un danger sanitaire pour ses salarié-e-s ou pour le public, ou contribuer à la relance de la pandémie, ne soit autorisée à poursuivre son exploitation tant que ce sera le cas, comme aussi à introduire et/ou renforcer toutes les mesures d'inspection du travail qui s'imposent dans cette période de crise;»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 17 oui et 21 abstentions.
Le président. Nous passons au dernier amendement de M. Vanek, dont voici la teneur:
«demande au Conseil d'Etat de prévoir la mise à disposition du public, gratuitement, de masques et de gel hydroalcoolique comme aussi d'étendre la gratuité de tests PCR volontaires.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 46 non contre 41 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la résolution 947 est adoptée par 54 oui contre 13 non et 21 abstentions.