Séance du
vendredi 4 décembre 2020 à
14h
2e
législature -
3e
année -
7e
session -
45e
séance
PL 12804-A
Premier débat
Le président. L'urgence que nous traitons maintenant est classée en catégorie II, quarante minutes. (Commentaires.) Ceux qui s'expriment de façon véhémente, là-haut, appuyez sur le bouton et peut-être que je considérerai vos demandes de parole ! Je cède le micro à Mme la rapporteure de majorité.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, annuler des dispositions de l'arrêté du Conseil d'Etat du 1er novembre, telle est - telle était ! - en substance la vocation du projet de loi 12804, c'est-à-dire prendre le contre-pied de l'article 11, alinéa 1, de l'arrêté du Conseil d'Etat du 1er novembre 2020 décrétant la fermeture pour des raisons sanitaires de toute une série d'établissements, notamment les commerces, les bars, cafés, restaurants, lieux de loisirs, etc.
Ce faisant, les auteurs de ce texte se sont fait l'écho des inquiétudes des petits commerçants et autres petits entrepreneurs qui ont dû, pour la seconde fois en une année, stopper leur activité professionnelle et subir un manque à gagner important. Ils ont notamment souligné la mise en danger de l'activité économique de ces derniers et l'impact des incidences de ces mesures sanitaires sur le sort de leurs employés. Ils évoquent encore dans le texte l'absence d'uniformité au niveau intercantonal des mesures sanitaires ou des décisions fédérales qui ont conduit les consommateurs genevois à aller faire leurs courses dans les commerces vaudois; les entreprises ne répondant pas au critère de première nécessité rongeaient leur frein et voyaient leurs clients potentiels transhumer vers les magasins vaudois qui étaient autorisés à rester ouverts.
Lorsque ce texte a été traité en commission, le Conseil d'Etat avait déjà décrété la réouverture d'une partie de ces établissements et il avait, à cette occasion, introduit une extension des horaires d'ouverture des magasins le samedi jusqu'à 20h. Il restait donc à déterminer si l'ouverture des commerces et des secteurs d'activité figurant dans ce texte devait primer sur les mesures sanitaires, ou, plus prosaïquement, si le Conseil d'Etat pouvait prendre des mesures sanitaires affectant l'activité économique de ces secteurs.
Ne pas sacrifier la santé publique sur l'autel de l'économie: c'est le parti qu'a clairement pris la majorité de la commission, qui a tout aussi largement exprimé sa volonté de voir la logique sanitaire prévaloir sur celle de l'économie. L'examen de ce projet de loi aurait pu se conclure sur ce constat, si un député PLR n'avait pas déposé des amendements qui ont fait prendre un tout autre cours aux travaux de la commission. Si les commissaires pensent que la santé publique ne doit pas être inféodée à la logique économique, cela n'a pas empêché certains députés de profiter d'une crise sanitaire pour tenter de gagner du terrain sur le champ des luttes sociales.
Les amendements en question consistaient à soumettre l'activité des commerces à «la mise en place et au contrôle systématiques des mesures de protection sanitaire» - mais ça, c'était l'emballage ! Surtout, sous ce couvert, ils proposaient une extension des horaires d'ouverture des commerces tous les jours du lundi au samedi jusqu'à 20h, ce qui a évidemment donné une autre tournure aux débats de la commission ! En substance, puisque des auditions ont eu lieu, les représentants des diverses associations patronales ont indiqué qu'ils n'étaient pas favorables à la fermeture des commerces; ils estimaient que les mesures sanitaires étaient suffisantes pour parer aux risques de contamination et que les magasins n'étaient pas plus exposés que d'autres lieux. Ils ajoutaient qu'ils n'étaient pas demandeurs d'une ouverture des magasins tous les jours jusqu'à 20h, mais qu'en revanche, ils appréciaient la possibilité de retarder la fermeture du samedi, se satisfaisant d'une fermeture à 19h ou 19h30 ce jour-là.
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
Mme Jocelyne Haller. Merci. Quant aux représentants syndicaux, ils ont clairement indiqué qu'ils étaient opposés à ce projet de loi qui représente selon eux un risque pour la santé publique et ils s'étonnaient que d'aucuns considèrent que la fermeture des magasins puisse n'avoir aucun impact sur la courbe covid. Quant à l'extension des horaires d'ouverture, puisqu'il s'agit d'elle, la CGAS s'y opposait car cela constitue une dégradation sensible des conditions de travail du personnel pour des motifs qui ne relèvent pas du domaine sanitaire mais d'une volonté économique. Ces représentants rappelaient d'ailleurs que tous les commerces n'avaient pas été touchés, notamment les commerces alimentaires qui s'en étaient plutôt bien sortis, et ils concluaient en disant que si le but recherché à travers l'extension de l'ouverture des magasins est l'augmentation du chiffre d'affaires des entreprises, il fallait plutôt agir sur le pouvoir d'achat des salariés pour obtenir effectivement ce résultat.
Quant à M. Poggia, il a énoncé son opposition à ce projet de loi, déclarant que quoi qu'on pense des mesures prises par le Conseil d'Etat et de leurs conséquences économiques, il n'en demeurait pas moins que ces mesures avaient porté un certain nombre de fruits. Il rappelait aussi - ou il annonçait - sa décision d'étendre l'horaire d'ouverture du samedi, comme un test qu'il se proposait éventuellement de pérenniser, en disant que ses services travaillent déjà sur un projet de loi pour ouvrir tous les samedis jusqu'à 19h.
Finalement, la commission a refusé l'entrée en matière sur ce texte. Dès lors, les amendements PLR perdaient toute opportunité. C'est ainsi que la majorité de la commission de l'économie vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser aussi l'entrée en matière sur le PL 12804.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Monsieur le président, la lutte contre le fléau qu'est le covid-19 est évidemment une priorité. Cependant, le canton de Genève doit cibler sa lutte contre le virus sans pour autant mettre à l'arrêt des pans entiers de son économie en ordonnant la fermeture des petits commerces. Surtout, les commerces dits non essentiels appliquaient déjà un protocole sanitaire strict; en plus, l'attractivité de ces petits commerces est également très limitée et s'il fallait réduire les interactions sociales et la fréquentation des lieux publics, il aurait été beaucoup plus utile de diminuer la foule dans les transports publics, les supermarchés, etc.
Lorsque ce projet de loi a été rédigé, le Conseil d'Etat venait de fermer les commerces. L'objectif initial de ce texte était de demander la réouverture immédiate lors d'une session extraordinaire. Aujourd'hui, un mois plus tard, les commerces ont déjà ouvert et les restaurants devraient suivre dans une semaine, mais le problème reste entier: à l'avenir, en cas de fermeture et d'interdiction de travail pour des commerçants et des entreprises, il est impératif d'évaluer non seulement les bénéfices d'une telle sanction, mais aussi les dégâts qu'elle inflige et il faut étudier des alternatives. Les amendements avaient été déposés dans ce but. En cas d'entrée en matière, le groupe vous propose d'accepter les amendements.
M. Jacques Béné (PLR). Monsieur le président, c'était un peu compliqué, le traitement de ce projet de loi en commission ! On a toujours peine à comprendre les décisions du Conseil d'Etat: on ne sait toujours pas exactement sur qui et sur quels éléments il s'appuie pour prendre ses décisions, même en suivant ses points presse et en lisant les journaux. On aurait souhaité ne pas aller aussi loin que ce que prévoit le projet de loi. Pour le PLR, ça va trop loin parce que ça enlève toute liberté de manoeuvre au Conseil d'Etat, mais on souhaiterait entendre celui-ci se baser sur des discussions et des consensus avec les secteurs d'activités concernés.
On a encore vu lors du point presse de mercredi la fronde des cafetiers et restaurateurs contre l'éventuelle non-réouverture le 10 décembre prochain, non-réouverture ou ouverture assurée qui serait décidée mercredi seulement par le Conseil d'Etat. Ce sont quand même des aberrations et je ne conçois pas qu'on dise à un commerce le mercredi à 18h ou à 15h: «Vous pouvez rouvrir demain matin, vous pouvez faire vos commandes, vous pouvez rappeler vos employés !» Je trouve ça un peu aberrant et visiblement je ne suis pas le seul, à en croire ce qui se dit sur les réseaux sociaux ! Ce que les cafetiers et restaurateurs ont l'air de dire, si j'ai bien compris, c'est qu'il n'y a pas vraiment eu de concertation quant à cette réouverture.
En ce sens, le PLR soutiendra ce texte. On a bien compris que ce parlement n'entrerait pas en matière sur ce projet de loi, mais nous le soutiendrons quand même pour faire prendre conscience au Conseil d'Etat qu'il faut s'assurer l'aide et le soutien des milieux économiques concernés pour toutes les mesures prises dans cette crise sanitaire. Notre sentiment aujourd'hui est que ça ne se fait pas assez !
M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Béné le témoignage du représentant du Trade Club, c'est-à-dire le représentant des milieux patronaux pour les commerçants. Celui-ci était en effet peu favorable à une telle extension, alignée ou nivelée vers le haut, si on peut dire, avec une ouverture jusqu'à 20h tous les jours, y compris le samedi. D'une part, l'expérience de la nocturne instaurée comme test par le Conseil d'Etat samedi passé a montré que l'affluence dans les magasins diminuait de façon considérable dès 19h ou 19h30. C'est encore tôt pour en tirer des conclusions, mais on le voit aussi avec l'impact de la nocturne du jeudi, plus habituelle: très peu de commerces restent ouverts jusqu'à 21h30. Il faut aussi rappeler que ce dernier mois de l'année connaît déjà deux dimanches d'ouverture pour les magasins, les 13 et 20 décembre, si je ne me trompe pas, avec, en plus, une nocturne exceptionnelle ainsi que l'ouverture du 31 décembre.
Je ne reviens même pas sur le projet de loi de base qui est caduc puisque les commerces ont rouvert, mais si on veut aller dans le sens de la logique des amendements proposés par le PLR pour l'extension des horaires d'ouverture des magasins, les mesures extrêmement larges pour le mois de décembre vont déjà permettre à ces commerces d'ouvrir davantage. Ce serait donc rouvrir plus que la boîte de Pandore en abordant le sujet véritablement sensible pour les partenaires sociaux que sont les horaires d'ouverture des magasins: chaque vote du parlement a généré des référendums et donc des votations populaires ! Ça ne sert à rien d'aller trop loin avec ce sujet. Nous en avions déjà débattu la semaine passée, mais si nous devions à nouveau ouvrir cette boîte de Pandore, cela mènerait de nouveau à une votation sur le sujet et cela ne serait absolument pas constructif dans la situation que nous connaissons aujourd'hui.
La rapporteure de majorité a extrêmement bien précisé que l'extension des heures d'ouverture des magasins est un trompe-l'oeil en matière de bénéfices pour les entreprises. Le véritable enjeu aujourd'hui, la concurrence avec la France voisine, se joue sur la question du prix des biens. Et qui veut parler du prix des biens doit parler du pouvoir d'achat, qui est malheureusement l'enjeu primordial avec la crise que nous connaissons. Ce sont les raisons pour lesquelles le parti socialiste refusera, comme en commission, d'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Monsieur le président, M. Béné l'a rappelé, les travaux en commission ont été particulièrement compliqués et longs, d'autant plus que le projet de loi initial a été passablement vidé de sa substance par les amendements déposés par le parti libéral-radical en fin de compte. M. de Sainte Marie a tout à l'heure fait référence aux commerçants représentés par le Trade Club, organisation patronale. J'ai aussi été impressionné par le représentant des petites entreprises, notamment les commerces familiaux, le secrétaire général de la NODE. Celui-ci nous a évidemment déclaré que pour lui, l'idéal était de ne pas fermer, parce que la fermeture est catastrophique à cause de la perte de clientèle ainsi que pour la gestion des stocks et des commandes dès le moment où les autorisations d'ouvrir sont de nouveau accordées. Il a précisé en outre que pour eux, l'ouverture prolongée jusqu'à 20h n'était pas si intéressante que ça. Il me semble que pour les trois organisations de commerçants que nous avons auditionnées, cette ouverture prolongée jusqu'à 20h n'était pas une absolue nécessité, dans la mesure où la tranche 19h-20h était qualifiée par ces représentants de tranche creuse.
Ce qui préoccupait plus ces associations, c'était le problème de la compréhension de la légitimité des mesures, les commerces vaudois étant ouverts quand ceux de Genève étaient fermés alors que la situation sanitaire n'était pas tellement différente d'un canton à l'autre - quoiqu'on ait remarqué une baisse des infections plus rapide dans le canton de Genève que dans le canton de Vaud. C'est vrai, mais cette compréhension était difficile, notamment parce que les commerces de France voisine allaient rouvrir le même samedi passé. Heureusement, nos commerces ont pu rouvrir à ce moment-là !
J'ajouterai que de nombreuses mesures de facilité ou d'assouplissement des horaires actuels sont aussi de la compétence du Conseil d'Etat, qui en a usé lors de l'ouverture jusqu'à 20h de samedi passé. Dans cet esprit-là, le groupe démocrate-chrétien vous recommande également la non-entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, je trouve les déclarations de la majorité consternantes et de mauvaise foi quand vous avez des associations patronales qui vous disent d'entrée de jeu qu'elles sont favorables aux mesures proposées ! Il n'était effectivement pas normal d'avoir fermé tous les commerces alors que ceux des autres cantons restaient ouverts. A l'exception de la NODE qui représente vraiment les tout petits commerçants qui devraient se réorganiser de manière totalement différente en cas d'ouverture prolongée, la grande majorité des commerces y est favorable. C'est ça qui est dit dans le rapport. Ils y sont favorables pour plusieurs raisons, notamment pour éviter ces longues files d'attente qu'on voit actuellement devant les magasins. Parce qu'en reculant de deux heures la fermeture - d'une heure en semaine et de deux heures le samedi -, vous allez inévitablement répartir la clientèle sur une plage horaire plus grande. Cela facilitera la vie tant des commerçants que des clients !
Globalement, les organisations patronales et les commerçants ont toujours souhaité obtenir une extension régulière des horaires sur la semaine, du lundi au samedi, reconnaissant que la nocturne de jeudi n'a jamais véritablement fonctionné. Pour quelle raison ? Une raison toute simple: quand vous avez un seul jour avec la possibilité d'ouvrir jusqu'à 21h ou 21h30, vous n'arrivez pas à fidéliser la clientèle, inévitablement. Déjà, vous n'allez pas forcément tous les jeudis soirs faire vos courses à 20h ou 20h30. Vous pouvez bien vous dire qu'il vous manque quelque chose, mais vous ne pensez pas forcément qu'on est jeudi pour vite aller acheter ça à la Coop du coin. Non, ce n'est pas comme ça que ça marche ! Finalement, quand il n'y a pas de fidélisation des clients, ça ne fonctionne effectivement pas bien ! Là-dessus, les commerçants ont dit qu'ils étaient même prêts à renier cette nocturne-là au profit d'une ouverture régulière plus grande.
Je remercie en tout cas le PLR pour les solutions proposées et pour son amendement qui avait notre soutien. Encore une chose que je n'ai pas l'habitude de faire, je demande le vote nominal pour cet objet: depuis 2007, j'ai dû le demander une fois, mais ce sera la deuxième fois aujourd'hui ! Contrairement à ce qui s'est dit sur les réseaux sociaux, on pourra comme ça démontrer qui soutient véritablement l'économie genevoise et nos commerces. Quand j'entends M. Romain de Sainte Marie dire que ce n'est pas une bonne solution et qu'il mentionne que les commerces de France voisine sont, eux, ouverts, il invite indirectement à favoriser le tourisme d'achats ! Ça, à un moment, il faudra s'en souvenir et il faudra le dire franchement à nos associations ! Comme ça, nous pourrons voir qui défend véritablement le commerce genevois ! Je demande donc le vote nominal pour tous les votes concernant ce projet de loi !
Le président. J'ai pris note que le vote nominal est demandé pour le vote d'entrée en matière sur ce projet de loi. Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres votent non... Pardon ! Je suis fatigué ! (Rires.) Etes-vous soutenu pour le vote nominal ? Non, ce n'est pas le cas ! (Commentaires.)
M. Stéphane Florey. Posez encore la question, Monsieur le président !
Le président. Bon, je repose la question: le vote nominal est demandé; êtes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Ah, ça a changé ! Vous êtes soutenu ! La demande de vote nominal est donc entérinée et je passe la parole à M. le député Jacques Béné pour une minute quarante.
M. Jacques Béné (PLR). Monsieur le président, je n'ai pas évoqué l'amendement demandant de rouvrir les commerces un peu plus tard, jusqu'à 20h, du lundi au vendredi: on a bien compris que ça ne passerait pas ! Même si la volonté des commerçants n'est pas d'avoir une ouverture généralisée jusqu'à 20h, cette ouverture aurait été bénéfique en cette période difficile, en tout cas jusqu'à Noël.
Si M. Romain de Sainte Marie évoque cette ouverture en disant que les commerces n'en veulent pas, ils la veulent par contre pour le samedi et je me réjouis des futures discussions sur l'ouverture étendue le samedi, jusqu'à 19h en tout cas. Tenez-vous bien, on a vu la CGAS faire recours contre la décision du Conseil d'Etat qui visait simplement à ouvrir six heures de plus - deux heures de plus sur trois samedis jusqu'au 19 décembre ! En faisant recours contre six heures d'ouverture, j'ai peu d'espoir que les syndicats reviennent à de meilleures intentions pour l'ouverture du samedi soir qui est, elle, très clairement demandée par les milieux commerçants !
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le projet de loi avait pour ambition de se substituer au Conseil d'Etat dans ses mesures sanitaires, pour décider ce qui devait être ouvert ou pas. Très certainement, si par aventure il avait été adopté, il aurait été cassé comme étant non constitutionnel. Donc, dans sa forme initiale, il doit bien entendu être refusé ! D'ailleurs, on remarque que les fermetures ordonnées ont eu un effet sanitaire bénéfique, comme on le voit maintenant. Il y a un certain nombre de réouvertures et on verra quelles sont les conséquences épidémiologiques. Il est utile que le Conseil d'Etat puisse avoir la capacité de réagir quasiment au jour le jour, en fonction de l'évolution de la situation sanitaire. C'est l'occasion de dire qu'à partir du moment où le Conseil d'Etat ordonne la fermeture d'un certain nombre de commerces, il est juste aussi que des compensations financières soient votées; c'est ce que nous allons faire dans la suite de nos travaux avec les prochaines urgences.
Je ne me prononcerai pas trop sur l'amendement écrit sur un coin de table par le PLR, qui ne traite en fait pas du tout de ce qui se passerait dans une situation de nécessité, mais plutôt de ce qui devrait se passer dans une situation suivant cet état de nécessité. Ça a été formulé de façon assez floue, avec une ouverture étendue des magasins. Donc voilà !
Pour répondre à M. Florey, on peut ergoter longtemps sur ce qui est utile ou pas, sur ce qui est nécessaire aux commerces genevois, et ça ne me dérange pas du tout qu'on ait un vote nominal sur la question. Je ne pense pas que le projet de loi initial de l'UDC soit de quelque façon utile aux commerces genevois !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je repasse la parole à Mme la députée Jocelyne Haller, rapporteure de majorité, pour une minute cinquante secondes, sur le temps de son groupe.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, c'est d'ailleurs au nom de mon groupe que je vais m'exprimer. Pour répondre à M. Florey, oui, les représentants des commerces ont bien dit qu'ils s'opposaient aux fermetures, mais ici, il s'agit non pas de décider de ce qu'ils ont dit et de ce qu'ils pensent, mais de ce que pense ce parlement. La majorité de la commission a dit - et, nous l'espérons, aujourd'hui aussi la majorité de la plénière - qu'il ne devait pas y avoir d'interdiction de fermeture des magasins si une fermeture s'avérait nécessaire pour des motifs sanitaires notamment. Eh bien, notre groupe affirme que la santé publique ne peut pas être sacrifiée sur l'autel de l'économie. Quant aux ouvertures des magasins, j'aimerais quand même rappeler que les différents représentants des entreprises ont très clairement affirmé qu'ils n'étaient pas demandeurs de ces ouvertures toutes les semaines; s'ils ont effectivement dit qu'ils étaient intéressés par celles du samedi, ils ont bien dit aussi qu'ils étaient prêts à renoncer aux nocturnes du jeudi parce qu'ils se rendaient compte que ces ouvertures n'étaient absolument pas probantes.
Quand même, je voudrais faire remarquer que plus on ouvre les magasins, plus on amène les gens à se côtoyer dans ces espaces: on les amène à se déplacer pour aller dans ces espaces et, finalement, on resserre les contacts et on augmente les risques de contamination. Et comme le disait hier mon collègue Jean Burgermeister, ce n'est pas forcément dans les magasins seulement qu'on augmente les risques mais aussi en s'y rendant. Par conséquent, nous vous invitons à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi, mais aussi à bien prendre la mesure de l'opération qui a été tentée par le biais des amendements du PLR !
Le président. Merci, Madame la rapporteure de majorité. La parole est à M. le député Romain de Sainte Marie pour une minute dix.
M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le président, vous transmettrez aux députés du PLR et de l'UDC que le meilleur moyen de relancer les commerces, c'est de jouer sur le pouvoir d'achat: non pas le pouvoir d'achat des plus fortunés à qui il faudrait baisser l'impôt sur la fortune, mais celui des personnes les plus précaires ou des personnes de la classe moyenne auxquelles il est nécessaire d'octroyer des aides ! Monsieur le président, vous transmettrez aussi que le meilleur moyen d'aider les commerces, c'est notamment de voter des réductions des loyers des entreprises, des commerces et des indépendants - exactement à l'inverse des votes au Conseil national par ces mêmes représentantes et représentants genevois du PLR, de l'UDC et du PDC qui ont refusé ces aides ! Vous transmettrez également à ces partis que pour encourager la relance commerciale, il faut lutter pour le pouvoir d'achat et pour une relance de celui-ci. Dans ce sens, le salaire minimum, que vous avez tant critiqué et que vous critiquez encore, permet cette relance. Plutôt que d'étendre les horaires d'ouverture des magasins, c'est le meilleur moyen d'aider les Genevoises et les Genevois qui touchent les salaires les moins élevés à consommer localement !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jacques Blondin pour une minute et trente secondes.
M. Jacques Blondin (PDC). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Florey qui a parlé de «mauvaise foi» que, pour ceux qui étaient présents lors de la discussion sur ce projet de loi, effectivement, il a clairement été dit par les milieux économiques que cette solution n'était pas souhaitée ! Par contre, il est vrai que ces milieux économiques aimeraient bien qu'on ouvre jusqu'à 19h tous les magasins toute la semaine, y compris le samedi, et qu'il y ait des extensions sur un certain nombre de dimanches. Toutefois, en aucun cas il n'avait été dit qu'il était utile de remettre en cause la situation actuelle pour les ouvertures nocturnes entre 19h et 20h. D'autant plus que le Conseil d'Etat - et M. Poggia est ici - a, semble-t-il, des moyens de corriger le tir à court terme dans cette période d'urgence ! C'est pour cette raison que le parti démocrate-chrétien refusera ce texte. Bien évidemment, ce n'est en aucun cas une attaque contre le commerce, qui nous l'a dit clairement: pour eux, l'important, c'est d'être ouverts !
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG n'entrera pas en matière sur ce projet de loi. Pour suivre les propos de mes préopinants, notre collègue Blondin a parfaitement expliqué la position des entrepreneurs, que ce soient des petits ou des gros commerçants. Je parle notamment des exploitants de centres commerciaux: toutes et tous ont verbalisé de manière claire qu'ils ne souhaitaient pas cette ouverture-là, que cela ne leur apportait aucune plus-value. Par contre, comme l'a bien dit notre collègue Blondin - et je me fais un plaisir de le répéter - ils sont pour un autre système. Je ne le répéterai pas, mais on est plus ou moins tous d'accord avec cela. Merci de refuser ce projet de loi !
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de rejeter ce projet de loi; il vous l'a dit, il vous le répète, l'ouverture prolongée le samedi, décidée par le Conseil d'Etat, est une mesure sanitaire: il n'est pas question d'utiliser la pandémie actuelle du covid pour régler certaines questions - qui méritent bien sûr d'être réglées, comme celle de la concurrence, notamment transfrontalière. Il s'agit de donner les armes à nos commerces pour faire en sorte que nos résidents consomment le plus possible local, mais le covid ne doit évidemment pas être la justification pour ces changements. Mon département y travaille bien sûr avec les partenaires sociaux, même si, comme certains l'ont dit, j'exprime quelques craintes quant à la volonté des syndicats d'entrer véritablement en matière sur des solutions qui soient plus compréhensibles aussi pour la clientèle, avec une uniformisation des heures d'ouverture. On l'a vu, vous l'avez dit, pour le mois de décembre, nous avons ouvert le samedi deux heures de plus, jusqu'à 20h. Pour des raisons sanitaires sur lesquelles je reviendrai tout de suite, un recours a été déposé à la Chambre constitutionnelle, recours qui n'a heureusement pas obtenu l'effet suspensif, ce qui fait que, pour l'instant, la décision du Conseil d'Etat déploie ses effets. Mais il est regrettable qu'il n'y ait pas de prise de conscience sur la nécessité de trouver ponctuellement, face à une situation extraordinaire, des solutions adaptées.
Sanitairement, nous l'avons dit, le but est de réduire les files d'attente devant les magasins. Il fait froid, nous sommes en hiver, et le fait que les gens disposent d'horaires plus longs permettra évidemment de mieux lisser les attentes devant les magasins; nous avons observé le résultat la semaine dernière. Nous allons encore observer ce qu'il en est demain, puisque c'est samedi, ainsi que les semaines qui viennent, sachant qu'à partir de la semaine prochaine, nous aurons le samedi et le dimanche, car il y a deux dimanches d'ouverture, les deux prochains week-ends, en plus de la nocturne du 23 décembre et de l'ouverture du 31 décembre qui compte comme un dimanche. Ces ouvertures du dimanche ont clairement pour but de soutenir notre commerce local; ce ne sont pas des décisions liées au covid, puisque les ouvertures de ces dimanches ont été décidées il y a déjà de nombreux mois, après consultation des partenaires sociaux.
Aujourd'hui, nous y sommes et nous sommes en plus dans une période où l'attention doit être toute particulière, vous le savez. Le Conseil d'Etat a exprimé sa préoccupation; M. Berset l'a encore exprimée hier, non seulement pour la Romandie, mais aussi, et c'est un peu nouveau, pour la Suisse alémanique, qui commence à voir le nombre de cas remonter. Sachons toutes et tous que de la discipline collective - mais le collectif n'est que l'addition des responsabilités individuelles - dépendra le fait que nous puissions, malgré tout, passer les fêtes de Noël le plus normalement qu'il est possible, avec des allégements annoncés il y a un instant par le Conseil fédéral et qui seront aussi discutés par le Conseil d'Etat.
Je saisis cette occasion pour m'adresser, au nom du Conseil d'Etat, aux restaurateurs qui ont exprimé une certaine incompréhension sur le fait qu'on leur annonce le 9 décembre s'ils allaient pouvoir ouvrir le lendemain. Effectivement, c'est une maladresse; il s'agissait d'attendre encore quelques jours pour voir l'évolution des chiffres. Le Conseil d'Etat va se réunir lundi pour se prononcer sur cette question: normalement, les choses vont dans le bon sens, même si l'inquiétude que j'ai exprimée demeure. Nous le savons, d'autres cantons ont pris la décision d'ouvrir aussi le 10 décembre et personne ne comprendrait que l'on ne fasse pas à Genève ce qui se fait ailleurs avec une situation épidémiologique similaire !
Cela ne veut pas dire que le problème est derrière nous, je le dis et je le répète: il est toujours devant nous ! Est-ce que ce sera le prolongement de la deuxième vague ou une troisième vague ? Nous en saurons bientôt plus, mais essayons de passer ces fêtes de Noël dans le respect des uns et des autres pour que nous puissions aller le mieux possible vers cette nouvelle année, que nous souhaitons tous et toutes bien meilleure que celle qui se termine bientôt !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vous remercie aussi pour ces bonnes nouvelles qui sont attendues par la population ! Mesdames et Messieurs, je vous fais voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12804 est rejeté en premier débat par 60 non contre 32 oui et 1 abstention (vote nominal). (Le vote nominal n'a pas pu être enregistré.)