Séance du vendredi 4 décembre 2020 à 14h
2e législature - 3e année - 7e session - 45e séance

R 941
Proposition de résolution de Mmes et MM. Pierre Eckert, Léna Strasser, Jacques Blondin, Céline Zuber-Roy, Jean-Marc Guinchard, Cyril Mizrahi, Marjorie de Chastonay, Edouard Cuendet : Dissolution de la commission ad hoc instituée par la résolution 935
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 25, 26, 27 novembre, 3 et 4 décembre 2020.

Débat

Le président. Nous traitons notre urgence suivante en catégorie II, soixante minutes. Je donne la parole à son premier signataire, M. Pierre Eckert.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, oui, nous ne souhaitions pas la création d'une commission ad hoc pour toutes les raisons invoquées la semaine dernière, sur lesquelles je ne reviendrai pas ici. Oui, nous nous sommes trompés au moment du vote, pensant voter sur un autre point. Cependant, c'est arrivé à d'autres occasions et même encore très récemment quand nous avons dû repêcher à l'arrache - comme on dit - un amendement sur lequel d'autres groupes s'étaient trompés.

En tant que chef de groupe, je reconnais ma responsabilité d'avoir entraîné tout mon groupe sur le mauvais chemin et je m'en excuse platement devant vous. Je n'irai toutefois pas plus loin en disparaissant sous l'épaisse moquette de cette salle, ni en m'infligeant une séance d'autoflagellation à l'aide de la discipline - vous regarderez sur Wikipédia ce qu'est la discipline. Je vous propose ainsi de revenir à l'intention initiale et de ne pas créer de commission ad hoc covid, en acceptant le présent texte.

Le président. Merci, Monsieur l'auteur. Juste une précision: le choix est de voter la proposition de résolution ou de vous soumettre à la discipline ? (Exclamations.) Parce que ça pourrait être tentant pour beaucoup de gens... Bon, cela étant dit, je passe la parole à M. le député Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, j'ai pris note que nous avons un débat de soixante minutes et qu'il y aura huit intervenants, ce qui me donne sept minutes et demie de temps de parole ! C'est une régression par rapport à la première annonce du Bureau qui disait qu'il s'agirait d'un débat libre ! Vous me direz qu'il n'y a pas lieu de débattre; eh bien si, Mesdames et Messieurs les députés, il y a lieu de débattre !

D'abord pour dire que tout peut bien sûr être pardonné: j'ai eu une éducation chrétienne et je pardonne volontiers à Pierre Eckert et à ceux qui se sont trompés dans ce vote. Mais, quand même, c'est grave que ce parlement soit saisi d'un texte disant qu'il «apparaît qu'un nombre important de député-e-s s'est trompé lors du vote, pensant voter sur un autre objet» ! Or, l'objet en question traite de la manière dont ce parlement interagit avec le Conseil d'Etat, comment il contrôle ou non et appuie ou non le Conseil d'Etat dans sa gestion de la crise covid et dans son maniement des pouvoirs d'urgence que lui confie l'article 113 de la constitution genevoise.

Cette question est importante: que des députés se soient massivement trompés est inquiétant quant à l'attention qu'ils prêtent à ce sujet ! Je pardonne volontiers, mais disons qu'il aurait fallu suivre la proposition raisonnable du député raisonnable qui vous parle à l'instant: ce texte du MCG comporte beaucoup de défauts, certes, mais pose une bonne question politique et il faut le renvoyer en commission. J'avais proposé la commission législative, pour y réfléchir aux tenants et aboutissants de ce contrôle parlementaire sur le Conseil d'Etat. Certes, on a agité l'épouvantail du renvoi hypothétique de tous les objets parlementaires concernant de près ou de loin le covid dans cette commission ad hoc qu'entraînerait le vote de ce texte. C'est rédigé de manière maladroite et certains ont pu comprendre ça de cette façon, mais enfin, il faut ignorer complètement la LRGC pour penser qu'une résolution puisse avoir un effet dérogatoire aux dispositions de la LRGC et à la souveraineté de ce parlement ! Celui-ci renverra toujours chaque objet dans les commissions de son choix. Cette question-là n'est pas un problème avec cette commission et cette proposition de résolution: c'est un faux problème, mais ça, on aurait pu l'expliquer en commission et c'est idiot que je doive le faire ici, en plénière !

Maintenant, pourquoi est-ce qu'il faut une commission ad hoc, qui est une bonne idée, formulée dans le texte de Patrick Dimier ? Parce que la commission législative court derrière le Conseil d'Etat ! C'est dramatique ! Nous avons eu l'autre vendredi une conférence avec les hauts responsables de la santé - je remercie encore une fois M. Poggia de l'avoir organisée - à l'issue de laquelle la commission législative s'est réunie pour parler de l'arrêté du Conseil d'Etat du 1er novembre. Nous y avons fait un travail constructif et ciselé; c'est Cyril Mizrahi qui a été le ciseleur en chef et qui a ciselé une proposition nuancée de compromis sur la réouverture, disant qu'il fallait réexaminer l'obligation de fermeture de l'ensemble des commerces genevois. Une réglementation différenciée devait tenir compte aussi des indicateurs objectifs de l'évolution de la situation pandémique - ça, c'est moi qui l'ai rajouté - pour autant que ces commerces respectent un plan de protection adéquat. Or, nous avons été saisis en plénum d'une proposition de résolution défendue par Mme Zuber-Roy sur cette question, contenant cette invite, mais c'était l'après-midi ou le soir du jour où le Conseil d'Etat avait décidé sans aucune de ces nuances une réouverture des commerces !

Cédant à la pression que l'on sait - qui a été considérable -, cédant à l'inquiétude légitime de certains secteurs commerciaux, mais en commentant dans la «Tribune de Genève» cette décision du Conseil d'Etat, le conseiller d'Etat Mauro Poggia a eu un cri du coeur en disant que c'était la victoire de l'optimisme sur l'expérience. Après, il s'est rattrapé en disant que c'était un peu fort, etc. Parce que c'est un homme habile et qu'il sait que tout ne doit pas se dire spontanément ! Mais, quand même, c'est la victoire d'un optimiste ! L'optimiste en chef en matière de covid, vous savez qui c'est: il est aux Etats-Unis et il est encore à la Maison Blanche ! Eh bien, ça n'a pas réussi au peuple états-unien, l'optimisme au mépris de l'expérience ! Ici, c'est au mépris des avis des spécialistes, de la médecin cantonale et du directeur de la santé ! La commission se demandait comment on peut avoir, de ce point de vue là, une certaine prégnance sur les déclarations et les actes du gouvernement.

Bien sûr, Patrick Dimier et le MCG n'ont pas tout fait juste, mais on pourra en discuter autour de la table, à la commission législative où je vous demande encore une fois de renvoyer ce texte. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) On pourra discuter de l'articulation de cette commission ad hoc avec la commission législative qui a une fonction un peu spécifique, qui court derrière le Conseil d'Etat, de l'articulation avec la commission de contrôle de gestion. Une future commission d'enquête parlementaire ne manquerait pas de faire un bilan de ces articulations et ces choses-là ne doivent pas se discuter en plénum, bien sûr, elles doivent se discuter en commission.

Le président. Merci !

M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur le président, je termine. Un grand nombre de députés a voté sans savoir et, pour pénitence d'avoir voté un texte auquel vous n'avez pas compris grand-chose, je vous invite vraiment à renvoyer cet objet en commission.

Le président. C'est vraiment terminé, Monsieur le député !

M. Pierre Vanek. Si, après examen, vous entendez toujours aller dans ce sens, vous irez dans ce sens ! (Commentaires.)

Le président. La parole est maintenant à M. le député Pierre Eckert, parce que nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission législative. Monsieur l'auteur, est-ce que vous pouvez vous prononcer sur cette demande ?

M. Pierre Eckert (Ve). Monsieur le président, tous les arguments qui plaidaient contre la création de cette commission ad hoc ont été rapportés: je vous laisserai lire le Mémorial de la semaine dernière. Je pense qu'un renvoi à la commission législative n'est pas utile !

Le président. Merci. Je ferai voter cette demande de renvoi en commission à la fin des débats. La parole est maintenant à M. le député Jean-Marc Guinchard.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. C'est vrai, nous nous sommes trompés: tout le monde dans cette salle savait que le parti socialiste, les Verts, le PLR et le PDC étaient opposés à la création de cette commission spéciale covid-19 ! L'erreur est humaine, persévérer serait diabolique, alors ne le soyons pas ! Essayons de changer avec les moyens du bord - si je puis dire - puisque nous n'avons pas la possibilité de le faire comme cela existe au Parlement fédéral où il est systématiquement possible de revenir sur un vote si, manifestement, un nombre important de députés s'est trompé.

Il s'agit pour nous de maintenir les rôles spécifiques des diverses commissions qui s'occupent à l'heure actuelle des problèmes liés au covid, en particulier la commission de la santé. En outre, cela a été rappelé à juste titre, la commission législative travaille sur cet objet depuis le mois de mars - depuis le début de cette crise et du confinement que nous avons connu.

La concentration de tous ces aspects dans les mains d'une seule commission impliquerait pour les membres de cette commission nouvellement créée un réapprentissage de tout ce qui a été fait jusqu'à présent de sorte qu'ils soient bien au fait du problème. Pour siéger à la commission législative, je vous garantis que nous avons fait un gros travail à cet égard et que ça n'a pas été facile pour nous au début, puisque les modalités d'application de l'article 113 en situation extraordinaire étaient particulièrement difficiles à interpréter, mais c'est un travail que nous avons fait et que nous avons d'ailleurs présenté à plusieurs reprises.

M. Vanek, que je remercie pour sa magnanimité vis-à-vis de l'erreur que nous avons commise, oublie - peut-être le fait-il sciemment - que nous avons voté lors de notre dernière session la motion 2719 qui prévoit d'envoyer pour examen tous les arrêtés du Conseil d'Etat - qu'ils soient pris en situation extraordinaire ou en situation particulière - à la seule commission législative.

Pour ces raisons, le groupe démocrate-chrétien, d'une part, s'opposera au renvoi à la commission législative proposé par le groupe Ensemble à Gauche et, d'autre part, vous incite - cette fois sans erreur - à accepter cette résolution.

M. Patrick Dimier (MCG). Monsieur le président, il faut le dire, cette proposition de résolution est celle des mauvais perdants et elle ne grandit certainement pas ses auteurs ! Notre parlement a décidé, à la majorité, de créer une commission ad hoc chargée de traiter des objets covid - des objets covid ! Pour mémoire, rappelons-nous qu'en deux jours, nous avons voté plusieurs dizaines de millions de francs pour permettre à notre république de tenter d'éviter les naufrages tant d'institutions que de citoyens.

Cette commission ad hoc sera le capitaine de la gestion des effets du covid, selon les règles de la LRGC bien entendu, comme cela a été pertinemment rappelé par notre collègue Pierre Vanek, docteur ès LRGC. Cela permettra certainement d'assurer un lien positif, constructif et utile avec l'exécutif. L'examen par la commission législative vient a posteriori, l'idée ici est d'anticiper.

Revenir sur un vote qui ne convient pas en prétendant qu'on s'est trompé de bouton frise l'indigence politique mais constitue surtout un acte de totale mauvaise foi de la part de cette nouvelle majorité, évidemment différente de celle d'avant, ce qui lui donne ce caractère opportuniste si souvent décrié par nos adversaires les plus récurrents. Cette position me rappelle Aristide Briand qui disait: «Ne demandez pas aux politiciens de résoudre vos problèmes, ce sont eux qui vous les causent !» Rejetons cette proposition de résolution qui pardonne les errements politiques !

Le président. Merci, Monsieur le député. Vos mots sont durs, parce qu'en fait, c'est un texte qui demande pardon: normalement, on devrait être enclin à le voter. Je passe la parole à Mme la députée Françoise Sapin pour quatre minutes.

Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Le MCG est très surpris par ces réactions après le vote de la résolution 935 la semaine passée. Nous n'osons imaginer le pataquès dans cet hémicycle s'il s'était agi du MCG qui s'était trompé dans un vote et qui demandait son annulation aux autres partis !

Pour revenir à la résolution 935, le Grand Conseil a voté des dizaines et des dizaines de millions pour les projets covid. A notre avis, il est irresponsable de ne pas centraliser la gestion de ces divers projets, ne serait-ce que pour avoir une vision d'ensemble. D'ailleurs, dans cette commission ad hoc, tous les partis seraient bien entendu représentés. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de ne pas accepter la proposition de résolution 941.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Monsieur le président, le groupe PLR est opposé - déjà depuis la semaine passée - à la création de cette commission: nous avons voté contre et nous continuons à être contre pour les raisons précédemment expliquées. Nous pensons que la pénitence a assez duré et qu'on pourrait maintenant peut-être voter sur ce texte ! (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Monsieur le président, j'aimerais juste rappeler à M. Dimier, qui est certainement un fin juriste, qu'il existe aussi dans le droit un principe de bonne foi. Dans le débat initial, nous avons tous défendu le fait qu'il ne fallait pas constituer cette commission ad hoc et ce n'était pas du tout de mauvaise foi que nous avons voté la résolution: c'était réellement une erreur et je ne pense pas qu'on peut nous reprocher ça !

Le président. Merci, Monsieur le député pénitent. La parole n'étant plus sollicitée, je fais voter la demande de renvoi en commission formulée par le député Vanek.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 941 à la commission législative est rejeté par 71 non contre 19 oui.

Mise aux voix, la résolution 941 est adoptée par 68 oui contre 20 non et 3 abstentions.

Résolution 941