Séance du vendredi 30 octobre 2020 à 14h
2e législature - 3e année - 6e session - 30e séance

M 2487-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Frédérique Perler, François Lefort, Alessandra Oriolo, Delphine Klopfenstein Broggini, Yves de Matteis, Marjorie de Chastonay, David Martin, Yvan Rochat, Pierre Eckert, Isabelle Pasquier, Jean Rossiaud, Adrienne Sordet, Jocelyne Haller, Olivier Cerutti, Anne Marie von Arx-Vernon, Mathias Buschbeck, Bertrand Buchs, Katia Leonelli, François Lance, Paloma Tschudi pour une prise en charge immédiate des mineurs non accompagnés ne relevant pas de l'asile, dans le respect de la Convention des droits de l'enfant
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 29 et 30 octobre 2020.

Débat

Le président. Nous enchaînons avec la M 2487-B. La parole va à Mme Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (PDC). Merci, Monsieur le président. Comme pour la M 2524 qui vient d'être traitée par ce parlement, le rapport du Conseil d'Etat tombe véritablement à pic face à la situation des MNA - les mineurs non accompagnés - surtout maintenant dans le contexte du covid. S'il s'agit de remercier le Conseil d'Etat pour les efforts qu'il énumère dans sa réponse, il faut cependant s'interroger sur son approche: il se focalise sur l'âge, alors que sa détermination est complexe et que des démarches différentes sont adoptées par d'autres cantons. Nous allons prendre acte du rapport sur cette motion, mais la commission des Droits de l'Homme reviendra sur la question lors du traitement de la M 2612 sur les MNA qui nous occupe actuellement.

M. Emmanuel Deonna (S). Comme l'a rappelé Mme Meissner, la M 2487 «Pour une prise en charge immédiate des mineurs non accompagnés ne relevant pas de l'asile, dans le respect de la Convention des droits de l'enfant» est à mettre en relation avec la M 2524 «Pour une prise en charge jusqu'à 25 ans des jeunes adultes relevant de l'asile», qui a été traitée tout à l'heure.

En 2019, la mobilisation de la société civile suisse et genevoise en faveur des migrants mineurs non accompagnés a été sans précédent. Nous l'avons retrouvée au début du mois d'octobre à Genève dans la grande manifestation contre la construction et l'ouverture du centre de renvoi du Grand-Saconnex, et cette mobilisation s'est aussi traduite dans l'appel récent au Conseil d'Etat signé par les élus nationaux et cantonaux, ainsi que par les associations de défense des migrants, pour accueillir un contingent de réfugiés du camp grec de Moria.

Mesdames et Messieurs les députés, les travaux de la Law Clinic, des Assises pour les jeunes migrants non accompagnés, de l'Institut Kurt Bösch de Sion, de la Haute école de travail social et de la commission des affaires sociales de notre Grand Conseil nous ont alertés et rendus sensibles au destin tragique des migrants mineurs non accompagnés.

Les travaux liés à la motion dont il est question maintenant ont prouvé qu'il était impossible - comme vient de le suggérer Mme Meissner - de faire une distinction nette et tranchée entre les mineurs qui relèvent de l'asile et ceux qui n'en relèvent pas. Mais avant de relever ou non de l'asile, ce sont d'abord des jeunes, qui sont mineurs pour l'extrême majorité d'entre eux. A ce titre, parce que ce sont des enfants, ils doivent obligatoirement recevoir une protection. Les droits humains et de l'enfant doivent être respectés, le droit d'asile étant ici secondaire. On ne peut pas célébrer à tour de bras la Genève, capitale internationale des droits humains, fêter en grande pompe les trente ans de la Convention internationale des droits de l'enfant, comme on l'a fait l'hiver dernier, et refuser une prise en charge immédiate des mineurs non accompagnés ne relevant pas de l'asile.

Comme l'ont dit tout à l'heure mes préopinantes Verte, socialiste et d'Ensemble à Gauche au sujet de l'autre motion portant sur le même thème, un véritable accompagnement socio-éducatif est nécessaire, mais cette politique ne pourra pas se déployer sans que l'on dégage de nouvelles ressources financières.

Enfin, pour répondre à M. Baertschi - vous transmettrez, Monsieur le président - non, la misère de ces jeunes n'est pas artificielle. L'Etat doit les protéger, et les étrangers ne sont pas responsables du développement de la criminalité et de l'insécurité à Genève. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Plutôt que de transmettre quoi que ce soit à M. François Baertschi, je lui passe la parole.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je pense que ce que j'ai dit a été mal compris par le député Deonna - vous lui transmettrez, Monsieur le président. En effet, ils ne sont pas responsables, si ce n'est d'exister ! C'est notre société genevoise qui est responsable, de même que l'ensemble de l'organisation mondiale. Il s'agit malheureusement de phénomènes qui nous échappent. Nous sommes l'objet de grandes migrations, et tout ce que nous pouvons faire à Genève, c'est essayer tant bien que mal de nous protéger et de protéger la population - autant les Suisses que les étrangers qui se trouvent sur notre territoire. Nous devons non pas stigmatiser, mais trouver des solutions pour ces personnes qui sont ballottées et dont le destin est tragique. Celui-ci frappe aussi leur propre famille dans leur pays d'origine: il faut effectivement savoir que ces migrants causent très souvent du désespoir à leurs proches sur place lorsqu'ils s'en vont, parce que leur entourage préférerait ne pas les voir partir.

D'autre part, c'est vrai qu'il y a une attirance à l'égard de nos pays: les migrants pensent que c'est l'eldorado, alors qu'en fait ils se retrouvent très fréquemment pris dans une logique de trafic de drogue et de criminalité. Je crois qu'il convient de regarder les choses en face: la réalité est effectivement difficile, et il ne faut ni stigmatiser ni fermer les yeux. Nous devons avoir une vision objective de ce qui se passe et ne pas imaginer qu'il s'agit d'enfants comme les autres. Ce sont des enfants qui se retrouvent malheureusement dans des situations beaucoup plus difficiles pour eux-mêmes, mais ça devient pour finir le problème de tout un chacun, parce qu'il y a une incapacité collective à gérer cette problématique. Je pense notamment à la question de la protection: elle doit bien sûr être humaine et respectueuse de ces jeunes, mais nous ne devons pas non plus avoir une vision naïve du monde et tomber dans une sorte d'angélisme qui donne à penser que chacun est bon et gentil. En réalité, nous vivons dans un monde qui est une véritable jungle, et je crois qu'on l'oublie trop souvent. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2487.