Séance du
vendredi 28 août 2020 à
10h10
2e
législature -
3e
année -
4e
session -
20e
séance
M 2610-A
Débat
Le président. Nous passons au point suivant, soit la M 2610-A. La parole est à Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, les Vertes et les Verts ont bien lu la réponse du Conseil d'Etat à la M 2610 intitulée «Fin du dumping Dnata», et je dois vous avouer que nous n'en sommes pas satisfaits. Je rappelle que cette motion invite le Conseil d'Etat à respecter ses engagements pris notamment à travers la convention d'objectifs, mais aussi à intervenir à ce titre pour faire respecter l'article 12, alinéa 2, de ladite convention, entre autres en établissant des règles limitant et cadrant le recours au personnel auxiliaire sur le site de l'aéroport public de Genève.
Même si les Vertes et les Verts se réjouissent qu'une enquête de l'OCIRT - l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail - soit menée, notamment sur la question des emplois auxiliaires, nous ne pouvons nous satisfaire d'une réponse qui nous invite simplement à attendre la fin de l'enquête actuelle de l'OCIRT. Nous souhaitons que le Conseil d'Etat puisse agir et réagir suite aux résultats de cette dernière, ce qu'il ne semble pas vouloir faire. Je rappelle que cette enquête vise à constater les usages dans le secteur «Assistance au sol aux compagnies aériennes» - UASCA - soit en l'occurrence ici au sein de l'entreprise Dnata.
Les faits dénoncés par les syndicats via des pétitions et autres actions concernant le dumping salarial sont si graves qu'il n'est pas possible d'accepter la décision du Conseil d'Etat de rejeter la motion sans même attendre les résultats de l'enquête de l'OCIRT. En effet, les conditions de travail à l'aéroport se sont dégradées ces dernières années, mais également ces derniers mois à cause de la crise sanitaire, économique et sociale. Il n'est pas acceptable de tolérer à Genève que chaque mois des centaines d'employés ne sachent même pas s'ils toucheront un salaire en raison de la mise en place d'un système avec du travail sur appel et des contrats «zéro heure garantie».
A nos yeux, il s'agit d'une réponse précipitée du Conseil d'Etat. Il aurait mieux valu attendre les résultats de l'enquête de l'OCIRT puis patienter un peu jusqu'à la fin de la crise sanitaire, puisque des réunions étaient encore prévues. Je cite à cet égard la page 5 du rapport: «Une prochaine séance avec les représentants des syndicats, destinée à finaliser les discussions et lancer la plateforme, était prévue en mars 2020, mais a dû être repoussée en raison de la crise sanitaire.»
En conclusion, nous trouvons que le Conseil d'Etat se débarrasse bien trop vite de cette patate chaude, dans la mesure où il ne prend pas le temps d'attendre l'issue de l'enquête de l'OCIRT et des séances prévues. Les résultats de cette enquête et des négociations sont pourtant d'une importance fondamentale, car nous saurons ainsi s'il est nécessaire d'intervenir ou non. Pour toutes ces raisons, nous n'acceptons pas que le Conseil d'Etat refuse cette motion et demandons le renvoi de ce rapport à son auteur. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Pablo Cruchon.
M. Pablo Cruchon (EAG). Merci de me céder la parole, Monsieur le président, c'est aimable à vous ! Mesdames et Messieurs, chers collègues, nous ne pouvons que nous joindre à l'analyse réalisée par le groupe des Verts concernant la réponse du Conseil d'Etat à cette motion. J'irai même un peu plus loin: je pense que ce rapport est carrément indigent. Nous parlons en effet de situations à répétition dans le secteur de l'aéroport, avec des pratiques patronales absolument détestables et des conditions de travail clairement inférieures à ce qu'on est en droit d'attendre d'une structure dont l'Etat pilote en partie la direction. Il est donc absolument nécessaire que le Conseil d'Etat revienne non seulement avec des réponses plus fortes, mais surtout avec une vision politique relative aux conditions de travail qu'on souhaite offrir dans les différents organes subventionnés ou les grandes régies de notre canton. Cela vaut pour Dnata, mais il y a eu plein d'autres cas, et ça continue encore. C'est d'autant plus important que l'aéroport va connaître une période particulièrement mouvementée, en lien d'une part avec la crise et d'autre part avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre et autres. On a donc besoin d'une réflexion non seulement sur la transition écologique, mais aussi sur la question des conditions de travail, de la réaffectation des postes, etc. A cet égard, le rapport qui nous est présenté est clairement insuffisant, et nous nous joignons à l'appel des Verts pour le renvoyer au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Le groupe MCG demandera également le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. En effet, l'aéroport est actuellement un secteur sinistré. C'est également de longue date un endroit où le dumping salarial fait florès et où les problématiques d'emploi et de surconcurrence sur le marché du travail se sont malheureusement développées de manière inacceptable. On se souvient des conditions très contestées dans lesquelles la société Dnata s'est vu confier son mandat. Nous constatons aujourd'hui que les plaintes enregistrées nous poussent à avoir quelques regrets suite à l'attribution de ce mandat à Dnata par l'aéroport. A notre sens, cela cause du tort à la fois à l'aéroport, au marché de l'emploi genevois et à une autre entreprise concurrente, qui aurait peut-être agi de façon beaucoup plus décente et conforme à ce que notre société genevoise peut attendre d'une entreprise en termes de responsabilité sociale.
Certes, le rapport nous apprend qu'un effort a été réalisé suite aux reproches exprimés par les syndicats, mais ce pas est hélas très largement insuffisant et nous ne pouvons pas nous en contenter. Il faut aller beaucoup plus loin ! Nous devons véritablement mettre la pression sur la société Dnata, qui très clairement se comporte mal. Nous avions des doutes au moment de l'attribution de son mandat, eh bien maintenant cela apparaît de manière déterminée. Cette entreprise a sans doute fait quelques efforts dans cette direction, si l'on en croit le rapport du Conseil d'Etat, mais ce n'est pas suffisant, et il faut absolument prendre au sérieux cette problématique, d'autant que le secteur aéroportuaire va être sinistré, nous en sommes tout à fait sûrs. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de laisser les choses en plan sans réagir.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, on l'a dit, mais je tiens à le souligner encore une fois, l'aéroport va connaître ces prochains mois une situation extrêmement grave, qui aura vraisemblablement des répercussions sur les années à venir. Cela étant, la majorité de notre Grand Conseil - je dis bien la majorité - n'a jamais ménagé ses efforts afin de soutenir l'aéroport, et je trouve que la succession des affaires ou des cas qui se produisent au sein de cette infrastructure, qui dépend directement de l'Etat de Genève, devient assez insupportable. C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien demande le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Une voix. Très bien !
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai bien entendu vos différentes prises de position, et ce rapport va donc être renvoyé au Conseil d'Etat. Nous avons pourtant fourni dans cette réponse des éléments factuels, que nous ne pourrons que reprendre dans le deuxième rapport que nous vous transmettrons, qui nous demandera un peu plus de temps. Madame de Chastonay, cette motion nous a été renvoyée il y a neuf mois; nous étions certes tenus d'y répondre dans un certain délai, mais nous n'avons pas rédigé ce rapport à la va-vite ou de manière indigente. Nous avons mis des faits sur la table et avons notamment évoqué la question de la marge de manoeuvre dont dispose le Conseil d'Etat - ou l'AIG, dans le cas d'espèce, selon la législation -, qui est limitée, quand bien même certains d'entre vous semblent en douter. On peut donc éventuellement améliorer la situation par le biais de ce qu'entreprend actuellement l'OCIRT, mais il ne nous est malheureusement pas possible d'aller au-delà.
Nous allons dans la direction de ce qui est demandé avec l'instauration d'une plateforme de dialogue entre l'aéroport, les sociétés en question et les syndicats, à laquelle nous veillons particulièrement. Nous nous sommes mis d'accord sur cet élément avec la direction de l'aéroport via la convention d'objectifs, et le rapport en fait parfaitement état. Nous suivons donc de près cette affaire.
Il est arrivé dans d'autres situations que nous vous énoncions un certain nombre de faits mais que ceux-ci ne conviennent pas à une majorité du Grand Conseil, de sorte que nous soyons contraints de vous les rappeler à plusieurs reprises. En l'occurrence, le Conseil d'Etat prend acte de votre souhait de lui renvoyer ce rapport, et il en ira ainsi.
Je voudrais quand même rappeler à cette occasion la situation délicate - et c'est un euphémisme - dans laquelle se trouve notre aéroport. Le trafic a repris timidement, nous en sommes environ à 30%-35% d'activité, ce qui signifie que nous sommes très loin des taux que nous connaissions auparavant. La période de la rentrée, avec la reprise ou non du trafic, et en particulier des congrès - dont on sait qu'ils vont être extrêmement limités - nous laisse penser que les prochains mois seront critiques pour cette infrastructure, pour ce fleuron dont nous sommes les propriétaires, et c'est ce qui doit nous guider aujourd'hui. Le Conseil d'Etat y travaille avec la présidence, le conseil d'administration et la direction de l'aéroport, parce que la situation est véritablement délicate d'un point de vue financier. C'est particulièrement à cela que devrait penser votre Grand Conseil à mon sens, sans évidemment négliger les questions très importantes qui font l'objet de cette motion. Voilà le message que je tenais à vous transmettre de la part du Conseil d'Etat.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le magistrat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi au Conseil d'Etat, que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2610 est adopté par 64 oui contre 13 non et 3 abstentions.
Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2610 est donc refusé.