Séance du
jeudi 4 juin 2020 à
20h30
2e
législature -
3e
année -
2e
session -
7e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. François Lefort, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Mauro Poggia, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Serge Dal Busco, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Beatriz de Candolle, Pablo Cruchon, Adrien Genecand, Christo Ivanov, Caroline Marti, Alessandra Oriolo, Daniel Sormanni, Sylvain Thévoz, Salika Wenger et Raymond Wicky, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Pierre Bayenet, Didier Bonny, Nicolas Clémence, Sébastien Desfayes, Joëlle Fiss, Florian Gander, Patrick Malek-Asghar, Eliane Michaud Ansermet et Françoise Nyffeler.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de deux députés. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (M. Boris Calame et Mme Dilara Bayrak entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Monsieur Boris Calame et Madame Dilara Bayrak, vous êtes appelés à prêter serment de vos fonctions de député au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
Ont prêté serment:
M. Boris Calame et Mme Dilara Bayrak.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de deux députés suppléants. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de rester debout. (Mme Ruth Bänziger et M. Didier Bonny entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame Ruth Bänziger et Monsieur Didier Bonny, vous êtes appelés à prêter serment de vos fonctions de député suppléant au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
Ont prêté serment:
Mme Ruth Bänziger et M. Didier Bonny.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une magistrate du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de rester debout. (La magistrate entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame Anny Favre, vous êtes appelée à prêter serment de vos fonctions de juge assesseure à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice, représentant les employeurs. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Anny Favre.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Deuxième partie de la prestation de serment: Séance du vendredi 5 juin 2020 à 15h30
Troisième partie de la prestation de serment: Séance du vendredi 5 juin 2020 à 15h30
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous attaquons le traitement des urgences acceptées lors de la séance précédente avec les objets liés RD 1345 et R 923 qui sont classés en catégorie II, soixante minutes. Je me permets de faire remarquer, s'agissant des titres de ces deux textes qui font référence au «virus Covid-19», que covid-19 est le nom de la maladie, pas celui du virus. La parole est demandée par M. Pierre Vanek... (Remarque.) La rapporteure de majorité voudrait-elle bien se manifester ? Voilà, Madame Magnin, c'est à vous.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. En premier lieu, Mesdames et Messieurs, vous constaterez que le rapport est un petit peu long; c'est parce que le précédent avait été jugé trop bref. J'ai donc fait en sorte que tout un chacun soit satisfait et puisse y trouver ce dont il a besoin pour bien comprendre la situation.
La commission législative a examiné les arrêtés rendus par le Conseil d'Etat postérieurement à notre dernière session - c'était les 11 et 12 mai, si ma mémoire est bonne: il y en a un certain nombre qui découlent de l'article 113 de la constitution genevoise et un autre qui ne relève pas de notre charte fondamentale, mais dont le cadre légal rendait son dépôt possible à ce moment-là.
Nous avons d'abord longuement discuté du rapport précédent et de ce que souhaitaient ou pas les différents groupes, puis nous sommes passés à l'étude du premier arrêté, qui concerne... (L'oratrice parcourt le rapport sur son ordinateur.) Excusez-moi, je dois le retrouver, et pour ça il faut que je tombe sur la bonne page - avec mes excuses pour la petite attente ! Evidemment, j'ai oublié de mettre le passage en évidence ! Ça commençait par «Le président»... (Un instant s'écoule.) Voilà ! Je reprends: nous avons étudié l'arrêté portant sur la vente des masques de protection par les différents organismes de l'Etat et nous sommes arrivés à la conclusion que l'Etat avait le droit de procéder de la sorte.
Ensuite, nous nous sommes penchés sur le... le... (L'oratrice parcourt le rapport sur son ordinateur.) Excusez-moi ! L'arrêté suivant a trait... (Un instant s'écoule.) Je suis navrée de vous faire attendre. Bref, tant pis... Ah voilà, c'est bon: il s'agit des deux arrêtés du 18 mai relatifs à la Chambre des relations collectives de travail et à la prestation de serment des exécutifs des communes genevoises. Nous les avons donc analysés. S'agissant des relations collectives de travail, il est apparu à certains d'entre nous que les différentes institutions auraient pu s'organiser seules, et en ce qui concerne les rapports entre les Conseils municipaux et le Grand Conseil, quelques critiques ont également été émises.
Au final, nous avons approuvé l'arrêté sur les masques de protection remis par le canton de Genève - il s'agit de l'arrêté n° 43 du tableau où sont listés l'ensemble des arrêtés du Conseil d'Etat - par 7 oui contre 2 non. Quant à celui sur la Chambre des relations collectives de travail - c'est l'arrêté n° 44 du même tableau - l'UDC s'est interrogée sur sa nécessité. La majorité de la commission, pour sa part, l'a adopté par 8 oui - l'UDC s'est finalement abstenue.
Concernant l'installation des Conseils municipaux, soit l'arrêté n° 45 du fameux tableau, nous avons considéré son fondement normal et correct. Non seulement le droit des personnes devant prêter serment à vivre cette cérémonie dans la santé, si je puis dire, était respecté, mais ceux qui en auraient voulu un peu plus n'ont pas été trop lésés. Restait juste le regret de ne pas avoir pu fêter cet événement comme on le fait habituellement.
Nous avons poursuivi notre examen avec l'arrêté n° 46, qui suspend le délai pour le dépôt des signatures des initiatives cantonales et communales. Là encore, nous avons beaucoup débattu, mais nous l'avons finalement approuvé, toujours avec l'abstention UDC. Enfin, nous avons traité l'arrêté n° 47 prolongeant l'arrêté du 17 avril relatif aux commissions officielles et aux conseils d'administration des institutions de droit public, toujours dans le cadre de l'épidémie de coronavirus, et nous sommes parvenus au même résultat, comme vous pourrez le lire, à savoir 8 oui et 1 non de l'UDC - cette fois-ci, ce n'était pas une abstention.
Un seul arrêté ne dépend pas de la constitution, je crois que c'est le n° 45... Non, pardon: nous avons d'abord dû déterminer si nous nous trouvions toujours en situation de nécessité induite par l'épidémie. La majorité de la commission a considéré que oui et qu'il fallait prolonger les mesures tandis qu'une voix s'y est opposée, celle de l'UDC, si ma mémoire est bonne... Non, en fait, il y a eu 7 oui, 1 non de l'UDC et 1 abstention d'Ensemble à Gauche.
Le président. Madame, vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Danièle Magnin. Pardon ?
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Danièle Magnin. Non, ce n'est pas la peine, je suis arrivée au bout, le dernier arrêté ne dépendant pas de l'article 113 de la constitution. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, conformément à l'article 113 de notre constitution, la commission législative a été mandatée pour la deuxième fois afin de constater la situation extraordinaire permettant au Conseil d'Etat de gouverner par des arrêtés. Cette disposition constitutionnelle n'autorise pas notre Grand Conseil à évaluer la gestion ou même à juger de la pertinence des différents arrêtés. Quel que soit l'avis des députés, chaque arrêté reste en vigueur pour une durée maximale de douze mois. Ainsi, notre action se limite à déterminer si l'état d'urgence est encore nécessaire. Est-il justifié de maintenir cet état de nécessité alors que le Conseil d'Etat applique en parallèle une gouvernance usuelle ? Même si le risque d'une seconde phase de crise sanitaire n'est pas exclu, est-il réellement judicieux de le prolonger ?
Pour le rapporteur de première minorité, il serait sain et logique d'y mettre fin. Les arrêtés dont il est question dans ce rapport divers et cette proposition de résolution ne revêtent plus vraiment un caractère d'urgence; les principes de fonctionnement de la Chambre des relations collectives de travail ou de la prestation de serment, par exemple, auraient pu être fixés dans un règlement. Le représentant du Conseil d'Etat lui-même reconnaît que ces textes ne relèvent plus de l'urgence. Est-ce que l'arrêté sur la vente de masques par l'Etat à 50 centimes l'unité et l'interdiction de revendre des masques distribués gratuitement revêt vraiment un caractère urgent ? On peut en douter; d'ailleurs, de nombreux commissaires auraient préféré que ces protections soient vendues dans les pharmacies ou par l'intermédiaire de professionnels de la santé.
Bref, il n'y a plus d'état de nécessité et notre Conseil d'Etat doit retrouver un fonctionnement normal. C'est comme pour les pompiers: en cas de sinistre, il est primordial que les hommes du feu arrivent le plus rapidement possible sur les lieux. Par contre, après que l'incendie a été maîtrisé, il n'y a plus d'urgence et les gyrophares doivent être éteints. Actuellement - sauf évolution de la situation sanitaire, évidemment - l'état d'urgence n'est plus nécessaire. L'adhésion de la population, qui a constitué la base du succès de notre semi-confinement, a été possible uniquement parce que les mesures s'appliquaient dans un contexte exceptionnel. Nous devons maintenant revenir à la normale en décrétant la fin de l'état d'urgence, il est indispensable de restaurer les droits fondamentaux des citoyens et de rétablir l'Etat de droit. Je le répète: la situation actuelle ne requiert plus l'état d'urgence, il faut y mettre fin.
Ceci est d'autant plus important que notre constitution ne prévoit rien pour son abrogation. Le canton de Vaud a promulgué la fin de l'état d'urgence pour le 16 juin 2020. Quelle a été sa démarche ? Personne ne le sait; le représentant du Conseil d'Etat genevois prévoit de téléphoner à son homologue vaudois pour se renseigner.
Encore une fois, la fin de l'état d'urgence n'est pas une question symbolique, c'est un sujet important. Il en va de l'Etat de droit, du bon fonctionnement de nos institutions et surtout du rétablissement des droits fondamentaux des Genevoises et des Genevois. Les questions auxquelles nous devons répondre sont les suivantes: l'état de nécessité est-il encore justifié ? Est-il acceptable de le prolonger alors que l'immense majorité des décisions et des actions découlent déjà d'un fonctionnement ordinaire ? Nous répondons clairement par la négative. Pour ces raisons, le rapporteur de première minorité vous recommande de voter non et d'abroger l'état d'urgence. Merci de votre attention.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, mon rapport de deuxième minorité cible très spécifiquement l'un des arrêtés du Conseil d'Etat, les autres ne nous ayant pas semblé poser particulièrement problème. La proposition du député UDC de mettre fin à l'état d'urgence peut certes être débattue, mais là, on est en train de traiter des différents arrêtés qu'a émis - j'allais dire «commis» ! - le Conseil d'Etat.
Celui sur lequel je me concentre est l'arrêté n° 43 relatif aux masques de protection remis ou vendus par le canton de Genève dans le cadre de l'application de l'article 113 de la constitution. Le Conseil d'Etat n'a pas été très prolixe sur le sujet des masques, et lors de la séance plénière où nous avons traité de l'état d'urgence et des mesures du gouvernement - c'était le 11 ou le 12 du mois dernier, je ne sais plus exactement - j'avais stigmatisé l'absence d'intervention publique à ce propos, le fait que le Conseil d'Etat n'en parle pas et les complications que cela créait, ceci alors que cette question est particulièrement sensible et surtout représentative d'un système politique problématique.
En effet, le manque de masques dans notre pays a été révélateur de défaillances dans la politique sanitaire, dans la prévision, dans l'organisation de l'approvisionnement. Il y a certes tout un système de stocks et de circuits, mais les prescriptions du plan pandémie de la Confédération n'ont pas été respectées pour des raisons économiques, pour des raisons néolibérales. La question de l'autoproduction locale n'a pas été abordée, et on s'est retrouvés dans une situation de désarroi complet, on a été baladés par Daniel Koch de l'OFSP et Alain Berset qui ont promis-juré pendant des mois - deux mois ou un peu plus - que les masques ne servaient à rien pour la population, ils ont distillé ce discours pour dissimuler l'impréparation dictée par des considérations économiques, des considérations - je le dis sans polémique - néolibérales ! Oui, ce sont des politiques d'austérité néolibérales qui ont désarmé un certain nombre de pays comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, lesquels figurent maintenant dans le top ten des Etats payant en sang, en morts et en larmes leur manque de préparation face à la situation, des pays qui constituent le berceau du néolibéralisme.
Quant à nous, notre opinion est claire. Le PLR a contesté cela en commission, mais on estime qu'il aurait fallu fournir dès que possible des masques de qualité contrôlée, il aurait fallu les mettre gratuitement à disposition de la population ou de ceux qui voulaient s'en servir avec un fort encouragement dans ce sens découlant du principe évident de précaution. On sait en effet que le nombre de porteurs asymptomatiques a été sous-estimé et que les pays qui connaissent le plus de succès dans le combat contre le covid-19 ont déployé une stratégie de mise à disposition et d'encouragement, voire d'obligation du port de masques.
A Genève, que s'est-il passé ? Mi-avril, le conseiller d'Etat Mauro Poggia a annoncé à la RTS que l'Etat de Genève était sur le point d'acheter une machine avec le privé pour un montant de 700 000 francs, une machine à autoproduire des masques localement afin d'éviter d'avoir à constituer des stocks et de pouvoir répondre à la demande en direct. Par la suite, y compris au sein de la commission censée traiter d'un arrêté là-dessus, on n'a plus du tout entendu parler de cette initiative ! A la mi-avril également, la «Tribune de Genève», comme d'autres médias, indiquait que l'armée menait une opération secrète pour importer des masques par millions, mais on n'a eu aucun rapport à ce sujet: que s'est-il passé, est-ce qu'on en a reçu, est-ce qu'ils étaient de bonne qualité - j'entends des bruits selon lesquels ils étaient pour part de mauvaise qualité - combien ont-ils coûté ? Bref, aucune transparence sur la politique menée en la matière.
Un mois plus tard - je vous parlais là de la mi-avril - soit le 14 mai, après notre dernière session parlementaire où j'avais poussé une gueulée sur ce point, le Conseil d'Etat est intervenu en disant que le canton allait vendre ou remettre gratuitement des masques à un prix modique, fixé, régulé. Fort bien, mais enfin, il y avait très peu d'informations, on ne connaissait pas la proportion de masques gratuits et celle de masques vendus, on ne savait pas d'où ils venaient, combien ils coûtaient... Bref, là encore, c'était l'opacité complète.
Lors de ses travaux, la commission législative a systématiquement posé des questions sur la publicité faite à propos de ces masques, sur les possibilités d'en obtenir, sur leur origine, sur les volumes, le coût et la durée de l'opération, sur la façon de s'assurer de la qualité, mais les réponses étaient peu étoffées. On nous a dit que les protections possédaient un certificat de conformité et qu'il fallait voir avec les TPG parce que c'étaient eux qui s'occupaient de ça - ce qui est quand même bizarre, puisque le Conseil d'Etat avait indiqué que le canton en fournirait. Mais surtout, on n'a obtenu aucune réponse aux questions posées quant au - je le répète - volume de l'opération, à son coût, à sa durée, à l'origine des produits... Des interrogations pourtant légitimes ! Un commissaire a même demandé ce qu'il en était des masques en matière renouvelable, mais ça a été balayé d'un revers de main alors que le lendemain ou deux jours plus tard paraissait une étude d'un universitaire genevois selon laquelle on avait probablement - à tort ! - renoncé aux masques recyclables en coton et passé au tout-jetable pour des raisons économiques, des motivations de gestion, et pas des motivations...
Le président. Monsieur, vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Pierre Vanek. Oui, oui, merci ! ...pas des motivations sanitaires. C'est un problème ! Plus tard, la commission a reposé des questions et systématiquement, il a été fait machine arrière: le Conseil d'Etat a indiqué qu'il n'avait jamais été question de mener une opération de distribution de masques à grande échelle, que son but n'était pas d'en réglementer la vente ou de casser le marché spéculatif en la matière, mais simplement d'en fournir un certain nombre - combien, en revanche, on ne sait pas.
En fait, tout cela s'est dégonflé comme un ballon de baudruche. Le rapporteur UDC a raison: dans l'arrêté, il ne reste pratiquement rien, tout juste apprend-on que les masques sont vendus à prix coûtant - et encore, on ne dispose pas des indications qui permettraient de le prouver - à 50 centimes la pièce et qu'un certain nombre sont distribués gratuitement, mais on ne sait pas combien, ni à qui, ni par quel circuit. Voilà qui est choquant du point de vue de la transparence sur la manière dont on a réagi et la manière dont il faudrait réagir ! De ce point de vue là, je ne peux que soutenir l'idée de l'UDC d'une commission d'enquête parlementaire qui procède à un bilan, qui apporte des éclaircissements sur nos défaillances. Il n'est pas grave de commettre des erreurs, mais il est grave de les répéter ou de les multiplier.
Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs, je vous invite à rejeter l'arrêté du Conseil d'Etat spécifique à la question des masques, voilà ma conclusion générale. Le refus de cet arrêté passe par un amendement à la proposition de résolution qui figure dans mon rapport de deuxième minorité et qui précise qu'on n'approuve pas cet arrêté.
Enfin, j'ai un petit post-scriptum, une question incidente: vous savez - vous l'avez probablement lu sur toutes sortes de médias sociaux - que diverses manifestations sont organisées ce week-end en lien avec ce qui se passe aux Amériques...
Une voix. Aux Amériques ?!
M. Pierre Vanek. ...avec les violences policières et les problèmes de racisme, notamment une qui aura lieu samedi à 14h à la place des Nations, à laquelle je me rendrai. Or la loi sur les manifestations sur le domaine public, en son article 6 - c'est une loi assez restrictive - stipule ceci: «Il est interdit à quiconque participe à une manifestation de revêtir, sauf dérogation par le Conseil d'Etat, [...] un équipement de protection ou un masque à gaz.» Je souhaiterais que M. Poggia nous confirme que les diverses manifestations sur le domaine public qui se tiendront ces prochains jours seront au bénéfice d'une dérogation du Conseil d'Etat autorisant les participants, comme je le serai, dans le cas où on serait un peu serré comme on l'est dans les bus, à revêtir un équipement de protection ou un masque, c'est la moindre des choses ! Voilà, c'était mon petit post-scriptum; pour le reste, il faut refuser l'arrêté.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, je rappelle que la commission législative a pour but de contrôler si, sur le plan législatif, les arrêtés rendus par le Conseil d'Etat sont conformes à l'article 113 de la constitution, mais n'a pas vocation à vérifier la pertinence de ses décisions, pas plus d'ailleurs, pour répondre au rapporteur de première minorité, qu'à demander la fin de l'état d'urgence - il s'agit là d'une proposition qui doit être validée ou acceptée par notre Grand Conseil. Le travail de la commission législative ne consiste ni en une évaluation ni en un contrôle de la gestion sanitaire de la crise, actions qui viendront certainement par la suite, au moment où la situation sera plus calme et où nous pourrons procéder à un examen pratique et pragmatique.
Ainsi que vous l'avez entendu de la part de Mme la rapporteure de majorité, l'appréciation rendue par la commission législative s'agissant des arrêtés du Conseil d'Etat est majoritairement favorable. Nous nous trouvons toujours en contexte de crise et devons dès lors faire appel à des remèdes de crise. Encore une fois, je revendique pour le Conseil d'Etat, dans la gestion de cette situation, le droit à l'erreur, le droit à l'incertitude, le droit à certains rétropédalages et le droit à des changements de paradigmes. Les experts sont divisés, on l'entend chaque jour, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans les médias: d'aucuns prédisent une deuxième vague, d'autres pas; certains tablent sur une deuxième vague molle, d'autres encore sur une deuxième vague virulente, avec beaucoup plus de cas et de décès. Comment exiger du Conseil d'Etat une conduite basée sur des certitudes absolues alors que même les opinions des experts diffèrent ? J'appelle ce Grand Conseil à une certaine humilité et à de la modestie dans le jugement qu'il porte sur les décisions gouvernementales.
Deux remarques encore pour répondre aux rapporteurs de minorité. D'une part, il aura certainement échappé au rapporteur de première minorité que nous avons obtenu des réponses du directeur des affaires juridiques à la question relative au canton de Vaud. D'autre part, je souligne à l'attention du rapporteur de deuxième minorité que la problématique des masques a existé dès le début de la crise parce qu'il n'y en avait pas suffisamment et que les stocks n'avaient pas été constitués, situation qui a été régularisée depuis. Sur cette base, le groupe démocrate-chrétien vous recommande de prendre acte du rapport divers et de voter la proposition de résolution avec la même majorité que celle qui s'est dégagée en commission. Je vous remercie.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les principaux éléments concernant ces arrêtés ayant déjà été énoncés, je serai brève. Si nous sortons petit à petit de la crise du coronavirus, il nous faut néanmoins rester conscients que tout danger n'est pas écarté; les mesures de sécurité s'assouplissent, mais nous ne revenons pas pour autant à la normale. Pour rappel, à ce jour, nous nous trouvons toujours en état de nécessité à l'échelle cantonale, et cette situation est justifiée tant que plane le spectre d'une seconde vague.
S'agissant de la proposition de résolution, le groupe des Verts soutient les mesures prises par le Conseil d'Etat, comme indiqué lors de la dernière session du Grand Conseil. Cependant, à l'instar du groupe Ensemble à Gauche, nous regrettons que le gouvernement ne soit pas allé plus loin au sujet des masques; nous aurions en effet souhaité que ceux-ci soient mis à disposition de toute la population à titre gratuit, cela nous semble légitime étant donné qu'il s'agit de santé publique et non d'aide aux plus démunis. Nous déplorons également le fait que ces protections ne soient pas produites de façon plus durable, en considérant par exemple l'option des masques en tissu. Malgré ces quelques réserves et les arguments énoncés dans les deux rapports de minorité, nous estimons que refuser ce texte ne serait pas productif, il s'agirait tout simplement d'un non-sens.
L'objectif de la commission législative était de vérifier la légalité et, dans une moindre mesure seulement, l'opportunité de ces arrêtés. Il en ressort que le Conseil d'Etat n'avait pas la volonté de créer un marché parallèle à celui qui existe, mais uniquement de combler un manque au sein des milieux professionnels. Cette ligne peut être critiquée, mais comme l'a mentionné mon collègue, M. Guinchard, cela n'entre en aucun cas dans le cadre de la mission que la commission législative devait mener. Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts votera cette proposition de résolution, mais sans grand enthousiasme quant à l'opportunité des décisions relatives aux masques. Merci. (Applaudissements.)
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Je serai brève également, car beaucoup de choses ont déjà été dites. Pour répondre au rapporteur de première minorité, il nous semble qu'il vaut mieux des arrêtés tels que ceux présentés par le Conseil d'Etat plutôt que des lois d'urgence que notre Grand Conseil devrait valider sur le siège, comme ça a été le cas lors de la précédente session - la commission législative a d'ailleurs critiqué ce procédé à juste titre.
Concernant les mesures prises dans le cadre de l'état de nécessité, je souhaiterais relever le sens de la proportionnalité dont a témoigné le gouvernement et notamment saluer ce qu'il n'a pas fait: il n'a pas cherché à prolonger les mesures de la Confédération lorsqu'elles ont été levées - il en aurait eu la possibilité et cela aurait été regrettable - il n'a pas manifesté une volonté d'interventionnisme supplémentaire.
Quant aux propos du rapporteur de deuxième minorité sur la question des masques, il s'agit là d'une vision politique, M. Vanek l'a dit lui-même. Pour notre part, nous sommes très satisfaits des décisions prises par le Conseil d'Etat, il est juste qu'il soit intervenu en vendant des protections à prix raisonnable, notamment pour les commerces qui en avaient besoin. Il était aussi particulièrement judicieux d'en remettre gratuitement aux personnes démunies, mais il n'y avait aucune raison d'en faire une distribution massive gratuite; les personnes qui devaient en acquérir l'ont fait, et c'est une bonne chose.
Par ailleurs, je rejoins ma préopinante - en précisant qu'à la base, c'est le PLR qui avait souligné cela en commission: nous regrettons qu'on refuse l'option des masques en tissu, c'est vraiment du gaspillage eu égard à la quantité de protections utilisées. Pour nous, les masques en tissu pourraient parfaitement être portés dans les transports publics en plus des gestes barrière, et nous estimons qu'il faudrait étudier la question au lieu d'en rester simplement à des articles jetables.
Finalement, ce serait bien que l'état de nécessité se termine bientôt, ce serait idéal si on pouvait en constater la fin lors de la dernière plénière de juin. Evidemment, cela implique qu'il n'y ait pas de deuxième vague; nous l'espérons, et dans cette optique, il faut que chacun continue à suivre les recommandations. Le PLR prendra acte des arrêtés pris par le Conseil d'Etat et les validera en soutenant la résolution.
M. Cyril Mizrahi (S). Du côté du groupe socialiste, Mesdames et Messieurs, nous souscrivons à un certain nombre de remarques qui ont été émises. Nous ne sommes pas particulièrement enthousiastes à l'idée d'approuver ces arrêtés, mais nous allons quand même les voter. Pour résumer notre position, ces décisions ne mangent pas de pain, c'est plutôt l'absence de certaines mesures qui nous a chagrinés.
En ce qui concerne les masques, l'offre de l'Etat a eu le mérite d'exister, mais il est vrai que nous nous attendions à une distribution plus large. Cette action a été très discrète, et beaucoup de personnes se sont senties obligées d'acheter des masques à un tarif prohibitif, prétendument vendus à prix coûtant pour 1 franc, alors que le Conseil d'Etat proposait un tarif de 50 centimes l'unité. A notre sens, il aurait fallu faire circuler l'information de façon beaucoup plus étendue, l'intervention du Conseil d'Etat était insuffisante à cet égard.
Intervention insuffisante également sur d'autres points, par exemple la simple abrogation de l'arrêté concernant les visites dans les établissements pour personnes handicapées: cela a laissé le champ libre aux institutions elles-mêmes, qui ont parfois restreint de manière très dure et discriminatoire la liberté des résidents de ces institutions. Idem pour la question des travailleurs proches de personnes vulnérables qui sont très peu protégés par le droit fédéral; là encore, l'Etat aurait pu dégager une marge de manoeuvre.
Alors, me direz-vous, pourquoi approuver ces arrêtés ? Ce qu'il faudrait, en réalité, ce n'est pas refuser les mesures, mais en proposer des supplémentaires. Or en situation d'urgence, c'est difficile, on ne peut pas procéder par le biais de résolutions. Au final, cela rejoint certains aspects qui ont été mentionnés: pour le moment, c'est un peu tôt, parce que le droit d'urgence est toujours en vigueur au niveau fédéral, mais on en voit le bout, on sait que le Conseil fédéral souhaite sortir du droit d'urgence entre mi-juin et fin juin, et il doit en aller de même à Genève. Cela signifie aussi que le parlement doit adapter son fonctionnement et être capable d'agir plus rapidement, parce qu'à la différence de ce que soutient Céline Zuber-Roy, je pense qu'il y a un juste milieu, il n'est pas judicieux de continuer à légiférer par voie d'arrêtés. Ainsi, si on veut sortir de ce mode de procéder, il faut que notre Grand Conseil se montre plus réactif, on ne peut pas se contenter d'adopter des textes sur le siège dans la précipitation, comme cela a été fait.
Contrairement à ce qui a été dit par certains, l'objectif de la commission ne se limite pas à confirmer la seule légalité de ces arrêtés, il y a un travail d'évaluation de la pertinence de l'activité législative de substitution du Conseil d'Etat, mais il est vrai que nous sommes obligés d'avancer avec une certaine retenue et que si nous souhaitons amender ce qui a été décrété par le gouvernement, nous devons le faire par le biais de projets de lois, et non de résolutions.
Enfin, et je conclurai là-dessus, nous souhaitons sortir du droit d'urgence rapidement, et je rejoins à ce propos le rapporteur de minorité Vanek sur la question des droits démocratiques: le parlement a recommencé à siéger, les Conseils municipaux ont recommencé à siéger, il est temps de permettre - dans le respect des mesures sanitaires, bien entendu - aux personnes, à la société civile, aux citoyens et citoyennes d'exercer leurs droits et libertés démocratiques. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Thomas Bläsi (UDC). Pour le groupe UDC, Mesdames et Messieurs, la mission de contrôle du Grand Conseil ne saurait se limiter à voter en bloc des arrêtés du Conseil d'Etat. Car c'est bien à notre parlement, je tiens à le souligner, qu'incombe la fonction de haute surveillance du gouvernement, de son action et de l'administration.
En ce qui concerne l'arrêté sur les masques, j'aimerais apporter un certain nombre de précisions sur la succession de directives émises par le Conseil d'Etat, soit pour lui le département de la santé. Le 4 février, le gouvernement demandait aux professionnels de la santé, dont les pharmaciens, pour garantir le bon fonctionnement du réseau de soins, de réserver la vente de masques aux métiers de la santé exclusivement - c'était donc le 4 février. Le 18 du même mois, le département expliquait aux pharmaciens que la situation s'était détendue, qu'il n'y avait plus de pénurie à craindre et que les protections faciales pouvaient être commercialisées pour toute la population. Le 27 février, Genève connaissait son premier cas de coronavirus et de nouvelles consignes tombaient: les masques devaient à nouveau être attribués aux seuls professionnels de la santé, et les pharmaciens, qui en faisaient partie, pouvaient donc prétendre à leur usage.
Ensuite, le 3 mars, volte-face: si les masques continuaient à être réservés aux professionnels de la santé, les pharmaciens ne faisaient plus partie des métiers à risque et, dès lors, n'avaient plus le droit d'en porter ou d'en recevoir, leur comptoir devant leur assurer une protection imperméable contre toute infection potentielle. Information intéressante pour les assistantes en pharmacie qui se sont retrouvées assez nombreuses dans les services de l'Hôpital cantonal ! Le 19 mars, nouvelle directive, puis rebelote le 20 mars et le 30 mars.
Pour finir, le 6 avril, on a pu lire dans la presse les explications du directeur général de la santé, M. Bron, ainsi que du médecin cantonal, M. Romand. Je cite l'article: «Dans un premier temps, il a été dit aux Genevois qu'il n'était pas utile de se couvrir le visage, que la distance sociale et l'hygiène des mains suffisaient.» Les deux spécialistes ont répondu de manière assez franche: «Les autorités sanitaires admettent qu'il a fallu faire des choix, tout simplement par manque de matériel.»
Pour nous, il est évident que l'activité de contrôle du Grand Conseil implique de s'assurer qu'il y a suffisamment de matériel sanitaire et surtout d'éviter ce type d'enchaînements contradictoires mettant en danger les professionnels de la santé. Il se trouve que les masques ont généré un marché noir extrêmement lucratif, des gens se sont fait, pour dire les choses très clairement, des couilles en or sur l'épidémie que connaissait le canton. Le 15 avril, la Confédération décidait de vendre les masques de l'armée à 1 franc - pour qu'on ne me reproche pas un éventuel intérêt personnel, je précise tout de suite que ce sont les seuls masques que je n'ai jamais vendus durant toute cette période ! - des masques à 1 franc sans aucune marge pour approvisionner la population. Face à un marché plus que débordant et alors qu'il n'y avait plus de pénurie, le Conseil d'Etat genevois, quant à lui, décidait le 15 mai de proposer des protections faciales à 50 centimes. Mais, au final, pourquoi les vendre à 50 centimes plutôt que de les offrir ? Cela aurait été plus simple, une telle mesure aurait bénéficié de mon entier soutien.
Aujourd'hui, d'autres questions se posent. Est-il raisonnable de vendre à l'unité des masques présentés par lots de cinquante ? Quid de l'aspect sanitaire quand vous servez un patient et que c'est la cinquantième fois que vous plongez votre main dans la boîte ? Ce n'est pas du tout prévu pour cet usage. Résultat des courses, le parti UDC soutiendra l'amendement du groupe Ensemble à Gauche. Nous estimons que ces questions devraient être discutées et tranchées au sein d'une commission d'enquête parlementaire. Les arguments évoqués au cours du débat - humilité à adopter, situation d'incertitude, droit à l'erreur, etc. - proviennent de personnes dont la profession leur permettait de rester confinées à la maison et, partant, protégées. C'est bien sympathique, mais quid des caissières de la Migros auxquelles on a interdit de porter des protections en pleine pandémie ? Quid des officiers de police à qui on a dit qu'il n'était pas nécessaire qu'ils en mettent ? Quid des pompiers, des services de nettoyage ? Quid de tous ces métiers qui ont permis au système de tourner ? Je trouve cela scandaleux, j'estime que notre mission de surveillance n'est absolument pas remplie.
J'ai proposé la création d'une commission d'enquête parlementaire, cela ne vous satisfait pas. Est-ce que c'est parce que c'est l'UDC qui le demande ? L'UDC accepterait le projet venant d'un autre groupe parlementaire. Il est nécessaire que notre fonction de contrôle puisse s'exercer, et ce n'est certainement pas en approuvant de manière globale tous les arrêtés du Conseil d'Etat que nous y parviendrons. Je trouve cela très dégradant pour les personnes qui se sont investies et exposées durant la crise... Ah oui, j'ai oublié de mentionner les conducteurs des TPG - toutes mes excuses à eux ! Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. A présent, je passe la parole à M. Jean Batou pour trois minutes.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes évidemment tous soulagés que la circulation du virus soit en baisse actuellement, mais il y a quand même deux ou trois choses à ne pas oublier. Tout d'abord, le 25 mars, la Suisse talonnait l'Italie et l'Espagne s'agissant du nombre de décès par millions d'habitants. Genève figurait en tête avec 24 morts à l'époque, alors que la Corée du Sud, qui compte cent fois plus d'habitants que notre canton, en recensait 131; entre le 25 mars et le 3 juin, Genève est passé de 24 à 281 morts et, dans le même temps, la Corée du Sud de 131 à 273 morts. Vous l'aurez compris, il y a eu moins de décès liés au coronavirus en Corée du Sud, un pays qui compte pourtant cent fois plus d'habitants que le canton de Genève, donc soyons modestes quand nous nous félicitons de l'action du Conseil d'Etat.
Je ne veux accuser personne, nous avons tous été surpris, qui sait si nous aurions fait mieux ? Cela étant, ce serait peut-être le moment maintenant de réfléchir collectivement aux erreurs que nous avons commises et à une meilleure façon de procéder si d'aventure le coronavirus ou une autre infection de même type venait frapper le canton de Genève une nouvelle fois. Dans ce sens, il me paraît incompréhensible que ce Grand Conseil ne soutienne pas unanimement la volonté de créer une commission d'enquête parlementaire. Qui dit commission d'enquête parlementaire ne dit pas forcément tribunal, mais réflexion commune, réflexion sur nos erreurs, réflexion sur la manière d'agir mieux la prochaine fois.
Je soulignerai encore, puisqu'on a beaucoup parlé des masques, que les tests ont quant à eux été insuffisamment pratiqués en début d'épidémie. De même, le traçage à partir des cas mis en évidence, qui est pourtant essentiel, reste un problème car le personnel affecté à cette tâche n'est pas suffisant. La question de la pénurie des masques a déjà été évoquée, donc au final, la seule mesure vraiment efficace a été la suspension de la plupart des activités économiques... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...avec le coût que vous savez. Ainsi, une action en amont et réfléchie mériterait d'être discutée aujourd'hui, d'être apprise non seulement par le Conseil d'Etat, mais également par notre Grand Conseil, et c'est la raison pour laquelle nous sommes très sceptiques quant au satisfecit général - enfin, pas général, mais de nombreux députés - exprimé dans ce rapport vis-à-vis de l'action gouvernementale.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean Batou. J'avais terminé.
Le président. Voilà qui tombe bien ! La parole va à M. Emmanuel Deonna pour une minute quarante-huit.
M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Les rapporteurs de minorité ont émis des réserves quant à la prolongation de l'état d'urgence et à certains aspects du travail de la commission législative. A l'heure actuelle, les arrêtés du Conseil d'Etat rendus en raison de la covid-19 sont abordés par la seule commission législative, les autres commissions - à part peut-être celle de contrôle de gestion - ne pouvant pas se saisir d'objets concernant de près ou de loin l'épidémie. Ainsi, comme l'a relevé mon collègue Bläsi, on peut se demander si le contrôle parlementaire est réellement suffisant.
Comme l'ont souligné également mes collègues Vanek et Batou, le Conseil d'Etat n'a jusqu'à présent pas été très prolixe sur la question des masques, il ne l'a pas été non plus sur la disponibilité des tests, voire des lits et des respirateurs pendant la période de semi-confinement. Naturellement, nous devons ménager une certaine souplesse à l'exécutif: le contexte était tout à fait inédit et soulevait de nombreux défis. Le droit à l'erreur doit être reconnu, la situation a été et reste à plusieurs égards exceptionnelle.
Cependant, les défaillances éventuelles dans la planification, dans les chaînes d'approvisionnement, dans l'exercice de la liberté démocratique à l'intérieur ou à l'extérieur du parlement, tout cela doit être examiné de façon transparente. Mieux prévenir les besoins à l'avenir implique de savoir regarder le passé en face, même le passé très récent, et de l'analyser en toute transparence.
M. François Baertschi (MCG). Les rapporteurs de minorité ont fait feu de tout bois contre le Conseil d'Etat lors des débats parlementaires sur les arrêtés. S'il est évident que ces textes doivent être soumis à un examen critique, on a aussi le droit de critiquer les critiques, parce que certaines d'entre elles sont excessives, voire injustifiées. On a par exemple entendu parler de copinage dans cette enceinte; c'est une accusation vide, pour ne pas dire délirante, relevant d'un discours politicien inacceptable ! Quand des soignants se battent pour la santé des Genevois, quand le Conseil d'Etat affronte une crise encore jamais connue à Genève, on ne peut pas se permettre des attaques gratuites et insultantes. A-t-on le droit de semer le doute sans avancer le moindre élément factuel ? Non ! Critiquer, il le faut, mais nous avons atteint ici un niveau de dénigrement stérile. On ne lâche pas le capitaine du navire lorsque frappe la tempête, ni d'ailleurs lorsqu'elle est sur le point de s'apaiser. Le MCG n'abandonnera pas le capitaine du navire et soutiendra avec conviction la proposition de résolution qui nous est soumise, laquelle constate l'état de nécessité et approuve les arrêtés du Conseil d'Etat rendus pendant la crise sanitaire du covid-19.
M. Patrick Dimier (MCG). La question ici est de savoir s'il manque des masques ou si le Conseil fédéral nous masque des manques. (Exclamations.) Et pour clore, le MCG invite tout le monde, vu les enjeux, à ne pas spéculer sur les peurs; il serait particulièrement malsain de surfer sur une deuxième vague.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que notre Grand Conseil se trompe de débat. Il n'est peut-être pas inutile de se rappeler l'article 113 de notre constitution. Je vous le lis:
«Art. 113 Etat de nécessité
1 En cas de catastrophe ou d'autre situation extraordinaire, le Conseil d'Etat prend les mesures nécessaires pour protéger la population. Il en informe le Grand Conseil.
2 S'il peut se réunir, le Grand Conseil constate la situation extraordinaire.
3 Les mesures prises en état de nécessité restent valables lorsque le Grand Conseil les approuve. A défaut, elles cessent de porter effet après une année au plus tard.»
Je répète la dernière phrase, car elle est importante: «A défaut» - c'est-à-dire si le Grand Conseil ne les approuve pas - «elles cessent de porter effet après une année au plus tard.» A cette lecture, chaque député peut constater que notre mission se limite exclusivement à constater... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...l'état d'urgence. Si le parlement devait refuser l'un de ces arrêtés, comme le demandent les collègues d'Ensemble à Gauche, il n'y aurait aucune conséquence, le texte resterait tout de même en vigueur pour une durée de douze mois. La seule et unique question qui nous est posée aujourd'hui est la suivante: la situation actuelle requiert-elle encore l'état d'urgence ? Si la réponse est non, alors il faut en décréter la fin.
Le président. Merci, Monsieur.
M. André Pfeffer. Comme je l'ai déjà dit...
Le président. C'est terminé.
M. André Pfeffer. Je vous recommande de voter non.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, lorsque l'on a été sur le pont comme l'a été le Conseil d'Etat durant trois mois, certains propos tenus dans cette enceinte sont difficiles à entendre. Cependant, le débat politique n'exigeant pas l'objectivité, nous en prendrons acte. Permettez-moi néanmoins de rappeler quelques principes de base.
L'état d'urgence n'a pas à être décrété, et d'ailleurs il ne l'a pas été par le Conseil d'Etat. L'article 113 de la constitution qui invoque l'état de nécessité permet au Conseil d'Etat, en tout temps - mais avec un contrôle rétrospectif de votre Grand Conseil, bien sûr - de prendre des décisions par définition urgentes. Il n'y a aucune raison d'opposer état de nécessité et Etat de droit, puisque le premier fait partie du second. Imaginez qu'une seconde vague importante survienne durant l'été, quand il n'y a pas de session du Grand Conseil: même si nous considérons aujourd'hui que l'état d'urgence n'est plus celui qui prévalait il y a encore deux mois et demi ou trois mois, nous devrions procéder à des arbitrages que vous auriez à valider rétrospectivement. Il n'est pas non plus question d'abroger l'état de nécessité, puisque comme je viens de le mentionner, celui-ci n'a pas été décrété, et ce qui n'est pas décrété n'a pas à être abrogé. Votre démarche est particulière, comparable à celle du contrôleur qui doit examiner, par le rétroviseur, la justesse d'une manoeuvre amorcée avec un angle de vision parfois étroit. J'ai entendu parler de droit à l'erreur; bien sûr que nous avons le droit à l'erreur, Mesdames et Messieurs, chacun de nous a le droit à l'erreur. Encore faudrait-il qu'on nous indique en quoi consiste l'erreur pour que nous puissions, le cas échéant, nous en expliquer et vous fournir les explications qui s'imposent.
Je relèverai encore certains points particuliers - il serait trop long de s'attarder sur l'ensemble des interventions. En ce qui concerne la Chambre des relations collectives de travail, on nous a demandé pourquoi nous avions, par arrêté, décidé que cet organe pouvait se réunir dans une composition différente. Il se trouve que nous étions dans l'obligation de statuer, car la loi prévoit impérativement une composition paritaire. C'est d'ailleurs sur la demande de la présidence de cette chambre, avec l'aval de tous les partenaires sociaux, que le Conseil d'Etat a rendu cet arrêté: il était nécessaire, pour que l'on ne vienne pas contester ultérieurement la validité des décisions prises par cette entité, que sa nouvelle composition définie en fonction de la crise sanitaire soit entérinée dans un acte officiel. Voilà pour répondre à l'objection que j'ai entendue à ce sujet.
Ensuite, on a beaucoup évoqué la question des masques, on a parlé d'opacité. Personnellement, je n'ai jamais été invité par votre commission pour vous fournir des explications - j'aurais été heureux de venir, mais il n'est peut-être pas trop tard. Quelques informations tout de même: d'abord, il n'y a jamais eu de pénurie de masques pour les professions qui devaient impérativement en porter. Que les choses soient claires: les HUG disposaient de stocks suffisants pour eux-mêmes, pour l'IMAD et pour les métiers où la relation avec le patient est suffisamment étroite pour que cette protection soit imposée - je parle des professions de soins. Par contre, il n'y en avait manifestement pas suffisamment pour une distribution à toutes celles et ceux qui auraient souhaité en porter, soit par confort, soit par angoisse légitime face à la situation.
La règle était claire pour toute la Suisse, elle a été diffusée par l'Office fédéral de la santé publique, non pas parce que nous faisions face à une pénurie, mais parce qu'il s'agissait des directives des professionnels de la médecine dans ce domaine: le masque n'avait pas à être porté par tout un chacun, il fallait absolument garder la distance interpersonnelle, une protection faciale pouvant en effet conférer un faux sentiment de sécurité aux gens qui n'étaient pas à l'abri d'être contaminés si la distance n'était pas respectée. Il convenait de privilégier les gestes barrière et à cet égard, la Suisse et Genève en particulier ont été exemplaires - les examens qui seront sans doute effectués par des scientifiques ultérieurement le montreront.
On a cité en exemple la Corée du Sud; je n'entrerai pas plus avant dans ce sujet, parce que ce pays emploie des moyens coercitifs dont nous ne disposons pas, et je ne dis pas cela en le regrettant. Là-bas, il y a un traçage des personnes immédiat, les gens en quarantaine sont appelés à n'importe quelle heure du jour et de la nuit et doivent se photographier avec leur entourage pour montrer qu'ils sont bien chez eux. J'aurais apprécié que vous ayez à vous prononcer sur de telles mesures si elles avaient été prises par le Conseil d'Etat du canton de Genève !
Il n'y a donc pas eu de pénurie, et nous avons toujours mis un point d'honneur à ce que les seuls masques commandés au moyen des fonds publics soient des produits certifiés pour que, le cas échéant, les professionnels de la santé puissent y avoir recours également. Nous en avions 10 millions en stock, la Confédération nous en a livré d'autres qui, malheureusement, n'ont pas pu être utilisés compte tenu d'un stockage défaillant. Nous en avons recommandé: actuellement, 45 millions de masques sont en commande, dont 25 millions pour le compte de cantons romands qui ne bénéficient pas des mêmes filières que nous. Grâce à une collaboration avec le secteur privé, nous avons obtenu des prix extrêmement favorables et nous mettrons tout en oeuvre pour que les stocks soient suffisants et surtout roulants. C'est la raison pour laquelle nous avons insisté pour obtenir des masques chirurgicaux compatibles avec les professions de soins; il faut qu'ils puissent être utilisés par les HUG et l'ensemble des soignants du canton, et renouvelés au fur et à mesure. Nous ne voulons pas nous retrouver une deuxième fois dans la même situation, car s'il n'y a pas eu de pénurie, il y a eu des angoisses réelles quant au fait que les commandes que nous passions n'étaient pas livrées dans les délais, voire étaient détournées par d'autres Etats ou marchands à leur propre profit.
Maintenant, pourquoi avons-nous édicté un arrêté sur les masques ? Je rappelle d'une part qu'aujourd'hui encore, les protections du visage ne sont imposées dans aucune circonstance, elles sont uniquement recommandées par la Confédération. D'autre part, nous les avons fortement préconisées dans les transports publics. Afin de faire entrer la pratique dans les habitudes des usagers, nous avons commencé par en distribuer gratuitement, étant précisé qu'ils n'étaient pas remis à la va-vite, sans aucune règle d'hygiène; ces distributions ont été effectuées avec les précautions d'usage, notamment l'emploi de solution hydroalcoolique, et accompagnées de toutes les informations nécessaires.
Par la suite, nous avons décidé de vendre ces masques aux utilisateurs des TPG, et c'est encore le cas aujourd'hui. Nous avons mis en place un prix moyen d'achat pour les masques acquis jusqu'à ce jour, à savoir 50 centimes l'unité, qui est la moitié du prix le plus bas que l'on trouve sur le marché, donc nous pouvons nous féliciter de les commercialiser à ce tarif. Sans compter que nous allons certainement pouvoir acquérir les stocks suivants à des prix inférieurs. Voilà donc ce qui a été fait.
On nous demande également pourquoi nous ne nous concentrons pas sur les masques en tissu; eh bien pour la simple et bonne raison que si ces protections ne sont pas utilisées, elles sont vouées à la destruction, puisqu'elles ne pourront pas être employées par notre personnel soignant. Naturellement, cela n'empêche pas la population de recourir à ces masques barrage, comme on les appelle en France voisine, car ils font l'affaire; d'ailleurs, certains de nos concitoyens en fabriquent et les vendent de manière parfois originale. C'est certainement mieux que rien, étant rappelé que le masque ne nous protège pas nous-mêmes, mais protège les autres contre les projections qui pourraient provenir de notre personne.
J'ai entendu un député dire que les assistantes en pharmacie auraient été privées de masques et qu'elles auraient encombré en nombre les services des Hôpitaux universitaires de Genève; je suis très triste de l'apprendre, je demande qu'on me fournisse immédiatement des indications à ce sujet pour que je puisse mener une enquête. Les informations en ma possession ne vont absolument pas dans ce sens, et il aurait été à mon sens irresponsable de la part des employeurs de ces assistantes en pharmacie de les exposer à un risque de contamination alors qu'il était tout à fait possible d'installer des panneaux en plexiglas ou de leur fournir des masques en plexiglas, déjà sur le marché à ce moment-là, voire des masques chirurgicaux. Alors que l'on ne vienne pas dire que l'Etat serait responsable de cette situation.
Un dernier point concernant les manifestations - elles ne font pas l'objet d'un arrêté, mais puisque cela semble intéresser certaines personnes, je dirai deux mots à ce sujet: comme vous le savez, les règles seront assouplies à partir de samedi prochain, c'est-à-dire dans quarante-huit heures, et les manifestations qui sont aujourd'hui encore totalement interdites seront autorisées - sur requête, avec des informations fournies par les organisateurs ainsi qu'un plan de protection - jusqu'à 300 personnes. Je ne vous cache pas que les modalités d'application sont quelque peu problématiques: qu'en est-il si l'on nous annonce 250 personnes et qu'il y en a mille ? Quid des normes de protection interpersonnelle au sein d'une manifestation sur l'espace public ? Que faire s'il est exigé de porter un masque alors que notre loi cantonale interdit que l'on se couvre le visage dans un rassemblement ? A tout cela, la Confédération n'a pas pensé, mais nous tâcherons d'y penser pour elle. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1345.
Le président. En ce qui concerne la R 923, nous sommes saisis d'un amendement général du rapporteur de deuxième minorité, M. Pierre Vanek. Le voici:
«approuve:
les arrêtés du Conseil d'Etat, adoptés entre le 7 et le 28 mai 2020 sur la base de l'article 113, alinéa 1, de la constitution genevoise, à l'exception de l'arrêté n° 48 du tableau, soit l'arrêté 2956-2020, qui doit être examiné plus en détail par la commission, et de l'arrêté n° 43 du tableau, soit l'arrêté 2681-2020 (arrêté sur les masques).»
J'ouvre la procédure de vote.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 70 non contre 16 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la résolution 923 est adoptée par 70 oui contre 11 non et 11 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous passons à notre urgence suivante, le PL 12725, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. le député Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek. La demande que j'avais faite précédemment concernait l'amendement, mais vous ne m'avez pas vu ou entendu... (Le député s'exprime hors micro, debout, en contrebas de l'estrade.)
M. Jean Romain. On n'entend rien !
Le président. Monsieur le député...
M. Pierre Vanek. C'était... (L'orateur hausse la voix. Rires.)
Le président. Non, Monsieur le...
M. Pierre Vanek. ...une demande de prise de parole sur le point précédent, parce que... (Remarque.) Je sais !
Le président. Monsieur le député...
M. Pierre Vanek. ...au moment du vote, le président a cru que c'était un amendement général de ma part... (Remarque.) ...et ce n'était pas le cas. Je voulais corriger ça, c'est pour ça que j'avais demandé la parole.
Une voix. Qui peut le plus peut le moins !
M. Pierre Vanek. J'ai entrepris de venir le lui dire discrètement, mais, à la demande générale, je m'exprime de manière plus large ! (Le député s'exprime toujours hors micro. Commentaires.)
Le président. Voilà. Monsieur le député, le vote ayant eu lieu, cette prise de parole est obsolète. Et, en général, on ne prend pas la parole après le Conseil d'Etat.
M. Pierre Vanek. Le président a pris mon amendement pour un amendement général. Mais ce n'est pas vrai ! Vous avez mal lu mon rapport ! (Commentaires.) Merci, Monsieur le président !
Le président. Monsieur Vanek, remontez à votre place et appuyez sur le bouton !
M. Pierre Vanek. Je suis en train d'y aller ! Mais on m'interpelle ! (Commentaires.)
Le président. Madame la députée Helena Verissimo de Freitas, vous avez la parole.
Mme Helena Verissimo de Freitas (S). Nous sommes bien au PL 12725 ?
Le président. Oui, mais M. Vanek n'avait pas l'impression que nous étions à ce point-là ! Madame la députée, vous avez la parole.
Mme Helena Verissimo de Freitas. Merci, Monsieur le président. Jusqu'à ce que ce virus nous tombe dessus, on ne parlait du droit à l'alimentation qu'en rapport avec des pays très lointains. Aujourd'hui, nous sommes obligés d'en parler, car c'est à Genève que ce droit est mis à mal. Bien que les activités économiques aient repris, la situation reste délicate pour toute une frange de la population et le restera encore quelque temps. Qu'elles soient sans papiers ou suisses, ces personnes vivaient jusqu'à maintenant, avant le coronavirus, tant bien que mal: travail au noir, contrats précaires, situations délicates. Un certain nombre d'entre elles n'a jamais fait appel à l'aide sociale, car cette demande peut mettre en péril l'obtention ou le renouvellement d'un permis de séjour; elles se retiennent donc. D'autres ne l'ont jamais fait par peur du regard que la société pourrait porter sur elles. Votons aujourd'hui cette aide nécessaire de 5 millions pour donner à manger à des gens jusqu'à la mi-juillet, mais à brève et à moyenne échéances, nous devrons nous pencher très sérieusement sur les causes de cette précarité. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'arrivée du covid-19 a révélé que ce que l'on savait bancal a tout simplement basculé, et pas du meilleur côté. Le projet de loi qui vous est proposé a été accepté à l'unanimité par la commission des affaires sociales - mais, pour être tout à fait honnête, non sans négociations, et des négociations rudes !
Il fait suite au PL 12710 déposé par le parti socialiste pour un droit à l'alimentation, un texte qui ancrait de manière pérenne la somme de 4 millions par année pour le droit à l'alimentation, mais qui ne proposait pas de clause d'urgence. Le PDC avait, lors de la plénière du mois de mai, proposé un amendement général pour permettre la mise à disposition du montant annoncé par le parti socialiste en urgence. Malheureusement, au vu du nombre d'urgences à traiter lors cette session-là, nous ne sommes pas arrivés jusqu'à ce point. Le renvoi à la commission des affaires sociales du PL 12710 a permis, en deux séances de travail conséquent, sur la base de l'amendement général, de vous proposer ce soir le PL 12725.
Le fait que des personnes fassent la queue pour avoir accès à un simple cabas d'une valeur de 20 à 30 francs en produits de première nécessité ne devrait pas être d'actualité, et pourtant: partout relayée dans les médias, la réalité n'est plus cachée ! Dois-je rappeler le nombre de bons distribués par les Colis du coeur, le nombre d'heures de queue, le nombre de personnes formant ce ruban ? Ce nombre, c'est: trop !
A ce «trop», la population genevoise a répondu en se mobilisant, en témoignant de beaucoup de générosité, soit en offrant des biens matériels, soit du temps sous forme de bénévolat. C'est une population qui reste en droite ligne avec le choix fait en 2017, par l'acceptation de l'ajout de la notion de sécurité alimentaire dans notre Constitution fédérale, une population qui agit pour la sécurité alimentaire de tous. Qu'elle soit ici vivement remerciée !
Face à ce «trop» et face à ce «beaucoup», qu'allons-nous ajouter, nous, parlement ? Mesdames et Messieurs, il y a urgence. Nous pouvons choisir d'y répondre en soutenant financièrement à hauteur de 5 millions pour l'année 2020 la banque alimentaire genevoise, soit la fondation Partage, déjà compétente et active dans ce secteur. Cette banque alimentaire fait partie d'un réseau européen de banques alimentaires, qui fixe les principes et valeurs portées par les fondations, dont est tirée la doctrine suivante: pas de fonctionnement au travers d'une distribution de bons, mais uniquement des colis alimentaires. C'est vers cela que tend ce projet de loi. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est donner à la banque alimentaire Partage les moyens de fournir la prestation en colis alimentaires.
La question de la suite, celle de la précarité sociale, ne devrait pas faire partie d'un traitement en urgence. Ce qu'il se passe aujourd'hui met en lumière le fait que si nous avons su faire face à l'urgence sanitaire, nous ne sommes pas équipés pour faire face à l'urgence sociale.
Ainsi, l'après-covid mérite une réflexion plus large. La transversalité qu'impose le thème de la précarité, et qui, je le rappelle, était chère à nos conseillers d'Etat au moment de leur élection...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Patricia Bidaux. ...nécessite un travail conséquent sans tabou. Pour toutes les raisons que j'ai citées, je vous remercie de répondre urgemment par la positive à ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Madame la députée Jocelyne Haller, vous avez la parole.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. La commission des affaires sociales, suite à ses travaux sur le projet de loi 12710, a repris à son compte la préoccupation exprimée par ce dernier, à savoir répondre à l'urgence du droit élémentaire à l'alimentation, par une subvention unique de 5 millions de francs. L'unanimité s'est rapidement formée sur la nécessité de répondre à l'un des besoins les plus immédiats, celui de l'alimentation, pour les plus nécessiteux. C'est dire si l'indignité des files d'attente de milliers de personnes en quête de distribution alimentaire a frappé les esprits ! Ensuite est venue la question de la manière la plus opportune de débloquer rapidement des fonds nécessaires, pour assurer une réponse à ces besoins élémentaires de celles et ceux, d'une part, qui vivaient déjà dans la précarité et que les mesures sanitaires ont privés d'accès aux points usuels de distribution, et de ceux, d'autre part, que la crise a mis en difficulté et qui ont vu leur précaire équilibre financier basculer vers l'indigence.
Nécessiteux, indigence: des termes que l'on croyait dépassés, tout comme ces files d'attente de plusieurs heures pour recevoir un cabas de produits alimentaires. Oui, on a vu cela en 2020, dans l'une des villes les plus riches d'un des pays les plus riches du monde. Troublant ? Certainement, compte tenu de l'ampleur de la crise. Mais pas vraiment étonnant. Depuis combien de temps les acteurs de terrain nous alarmaient-ils sur l'augmentation de la pauvreté et de la précarité ? Sur l'explosion des épiceries sociales ? Sur l'accroissement alarmant de l'exclusion sociale ? Sur le creusement des inégalités ? La crise du covid-19 a décuplé la gravité de cette situation et nous confronte à de nombreux défis. Celui de la nécessité de faire face à la deuxième vague, non pas du virus, mais de la crise sociale et économique qu'il a engendrée et qu'il engendrera encore.
Ainsi, au moment où nous nous apprêtons à voter un crédit important pour un besoin urgent et incontournable, il nous incombe de prendre une certaine distance et de prévoir une réponse plus adéquate, plus respectueuse des personnes, des dispositifs; en somme, une réponse plus à même de fournir à ces personnes les moyens de pourvoir elles-mêmes à leurs besoins, sans avoir à faire la queue pour obtenir de quoi se nourrir. Cela implique de mettre en place des plans de création d'emplois et, à défaut, des dispositifs de prestations compensatoires ainsi qu'un système de sécurité sociale mieux adapté aux nouveaux besoins de la population.
Par ailleurs, l'octroi à la fondation Partage d'un crédit de 5 millions la conforte finalement dans sa fonction de banque alimentaire du canton. Cela nous donne l'occasion de mettre en lumière la question de l'emploi, et notamment celle de la revalorisation des emplois de solidarité, qui constituent la majorité des postes de travail de cette fondation. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Car si la fondation Partage constitue le pivot de la distribution de denrées de première nécessité, alors ces employés devraient être reconnus à leur juste valeur. C'est le minimum que nous leur devons. C'est aussi une question d'honnêteté et de cohérence. Nous demandons donc que cette question soit remise à l'ordre du jour, à l'occasion de l'octroi de ce crédit.
Enfin, parce qu'on peut admettre qu'il faille, sous la pression de l'urgence, accepter et alimenter un système de distribution de nourriture paternaliste, que nous voudrions voir révolu, et pour autant que...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. ...l'on se donne les moyens de construire une réponse plus durable et plus respectueuse...
Le président. Il vous faut terminer.
Mme Jocelyne Haller. ...nous voterons ce projet de loi. Cela étant, nous annonçons d'ores et déjà que nous refuserons l'amendement présenté par M. Gander, qui ne nous paraît pas adéquat. Si des dons devaient aujourd'hui...
Le président. Merci.
Mme Jocelyne Haller. ...s'ajouter, ils devraient permettre... (Commentaires.)
Le président. Merci, c'est terminé, maintenant.
Mme Jocelyne Haller. ...d'améliorer le système. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Les queues de personnes attendant pour recevoir... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur s'exprime hors micro. Commentaires. Un instant s'écoule.)
Le président. Monsieur Pfeffer, vous aviez la parole. Je vous la redonne. (M. André Pfeffer s'exprime hors micro. Commentaires.) Votre micro ne marche pas encore. Rappuyez sur le bouton ! (Commentaires.)
M. André Pfeffer. Vous m'entendez ?
Le président. Maintenant, oui ! Vous pouvez y aller.
M. André Pfeffer. Les queues de personnes attendant pour recevoir un colis aux Vernets ont choqué tous les Genevois. L'augmentation énorme des bénéficiaires pour un bon alimentaire de 50 à 150 francs par semaine, qui passe du 31 mars au 21 mai de 2726 à 11 823 bénéficiaires, est évidemment inquiétante et pose des problèmes. Il est aussi surprenant qu'à partir du 11 mai, date du déconfinement progressif, le nombre de bénéficiaires de ces bons alimentaires ait encore progressé d'environ un tiers.
Bien que ces éléments soient tragiques, ce projet de loi n'apporte pas de réponse. L'analyse relative aux bénéficiaires est très lacunaire, voire fausse. Il est dit que des travailleurs ne cotisant pas suffisamment longtemps n'auraient pas droit au chômage technique. Cela est faux ! Tout travailleur qui était en poste en mars 2020 peut bénéficier des RHT. Il est également faux de dire que des bénéficiaires d'une aide liée au covid-19 auraient des problèmes pour le renouvellement d'un permis de travail. Au sujet des principaux bénéficiaires, soit les personnes sans papiers et les travailleurs au noir licenciés du jour au lendemain, ce projet de loi n'apporte pas non plus de réponse. Pour l'immigration illégale, le Conseil d'Etat s'était engagé, avec le projet Papyrus, à la diminuer et à combattre sévèrement le travail au noir. Chaque Genevoise et chaque Genevois sait que ce n'est évidemment pas le cas. Est-ce qu'une aide alimentaire très ponctuelle à des personnes sans papiers et travaillant au noir, employées par des employeurs irrespectueux, ou sous-louant des appartements à d'autres qui en font souvent un bénéfice, résoudra le problème ? La réponse est non ! Ces employeurs indélicats doivent évidemment respecter leur engagement, tout comme les locataires qui sous-louent. Même les personnes sans papiers bénéficient de ce droit. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Les promesses que le Conseil d'Etat nous avait faites lors de l'opération Papyrus, il y a déjà trois ou quatre ans, doivent évidemment être appliquées. L'Etat de Genève mélange l'aide d'urgence, l'immigration illégale, l'assistance sociale et le problème du chômage. A Genève, il existe une aide d'urgence. Comme le mentionne l'exposé des motifs...
Le président. Merci, Monsieur le député, il vous faut maintenant terminer.
M. André Pfeffer. ...11 823 personnes reçoivent un chèque alimentaire de 50 à 150 francs, chaque semaine. Je poursuis.
Le président. Non, vous ne poursuivez pas, il faut vraiment terminer ! (Remarque.)
M. André Pfeffer. S'agissant du chômage, je rappelle qu'en calculant avec les critères BIT ou de l'Union européenne, notre taux de chômage était, avant la crise, de...
Le président. Très bien. Merci, Monsieur le député, c'est terminé. Monsieur le député Florian Gander, vous avez la parole. (Un instant s'écoule.) Monsieur Florian Gander, vous avez la parole !
M. Florian Gander (MCG), député suppléant. Voilà ! Merci, Monsieur le président. Chers collègues, comme cela a été dit, les discussions ont permis d'aboutir à un projet de loi de commission. Cependant, entre le moment du vote de ce projet de loi et la dernière séance, le groupe MCG a obtenu des informations qui ont été dévoilées aujourd'hui dans la presse - c'est pour cela que j'ai déposé un amendement - selon lesquelles les grands commerces - Migros, Coop, Aldi, etc. - se sont engagés à reverser une certaine somme pour participer à la distribution de vivres et à l'aide alimentaire. Le groupe MCG a soutenu ce projet de loi et le soutiendra encore aujourd'hui, parce que notre groupe ne veut pas voir des gens mourir de faim. Mais le MCG ne soutiendra en revanche pas le travail au noir. Là, c'est une situation d'urgence. On ne peut pas voter tout et n'importe quoi pour une urgence. En l'occurrence, là, il s'agit d'aide alimentaire. Pour ces raisons-là, le groupe MCG ne peut que soutenir ce projet, mais évidemment, c'est mettre un pansement sur une jambe de bois, car le problème est toujours là et le sera toujours demain. Il faudra qu'on trouve des solutions pour ces personnes qui se trouvent aujourd'hui en difficulté, mais qui le seront tout autant demain, lorsqu'elles pourront retourner travailler pour des salaires misérables et pour des personnes qui ne les déclarent pas. Ça, c'est le problème qui se cache derrière. Donc aujourd'hui, oui, nous soutiendrons ce projet de loi, mais nous espérons que vous soutiendrez aussi l'amendement que j'ai déposé, qui demande simplement que toute somme qui sera versée par des tiers - donc des dons - soit déduite du montant de ce projet de loi. Pour toutes ces raisons, le MCG vous invite à soutenir le projet de loi et l'amendement. Je vous remercie. (Commentaires.)
Mme Véronique Kämpfen (PLR). La crise sanitaire a révélé au grand public la pauvreté dans laquelle vivent de nombreuses personnes à Genève. C'est une situation indigne, qui doit être combattue rapidement. C'est ce que demande ce projet de loi, qui met en place le versement de 5 millions de francs à la fondation Partage, pour venir immédiatement en aide aux plus démunis. Ce projet de loi reprend l'amendement général qu'avait préparé le PDC pour modifier le projet de loi 12710, qui aurait dû être traité lors de la dernière session, mais qui n'a pas pu l'être, faute de temps. Par conséquent, le PL 12710, qui demandait la création d'un fonds de 4 millions de francs en faveur de l'aide alimentaire et dont le dispositif était beaucoup plus lourd que celui du PL 12725, a été refusé en commission.
La crise du coronavirus a aussi mis en lumière la précarité liée à l'économie au noir. Le travail au noir est un fléau. Nous devrons en faire le bilan pour connaître ses raisons et son ampleur et pouvoir mieux le combattre. Le travail au noir est inacceptable. Il est source d'inégalités, de précarité et de concurrence déloyale. Aujourd'hui, nous vivons une période hors du commun. A situation extraordinaire, mesures extraordinaires. C'est la raison pour laquelle le groupe PLR vous demande de voter en faveur de ce projet de loi, qui donnera dans les meilleurs délais les moyens nécessaires aux associations qui oeuvrent en faveur de l'aide alimentaire aux plus démunis et que je tiens à remercier ici pour leur travail et leur engagement. Dans le futur, il s'agira cependant de combattre les causes de cette situation inacceptable en appliquant avec rigueur la loi contre le travail au noir.
Concernant l'amendement du MCG, bien que comprenant son cheminement intellectuel et les arguments qui ont poussé à son dépôt, le groupe PLR ne le soutiendra pas. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, la crise liée au covid-19 n'a pas été sans conséquence pour une grande partie de la population genevoise - la population migrante en particulier, sans statut légal, les personnes n'ayant pas eu accès au chômage, les familles qui ont vu leurs dépenses augmenter, et toutes les personnes vivant dans une situation économique précaire. La Caravane de la solidarité s'est empressée de venir en aide aux personnes les plus démunies par la distribution de colis alimentaires. Un certain nombre d'autres entités, comme les Colis du coeur, la fondation Partage ou encore la Ville de Genève, se sont rapidement greffées au projet. Dans cet élan de solidarité, les particuliers ont aussi participé à cette action, par le biais de dons ou par engagement bénévole.
Au vu de cette situation extraordinaire, il a semblé évident à la commission des affaires sociales d'arriver rapidement à un consensus pour trouver un soutien d'urgence pour toutes ces personnes dans le besoin. L'heure était d'autant plus grave que l'action du canton avait été jusque-là quasiment inexistante, celui-ci mettant carrément des bâtons dans les roues de la Caravane de la solidarité lors de ses premières interventions, ce au nom des restrictions en vigueur en matière de manifestations, dans le cadre précisément de la pandémie de covid-19.
En commission, nous nous sommes rapidement rendu compte que nous pourrions trouver un terrain d'entente autour d'un crédit de fonctionnement unique au titre de subvention cantonale. Ainsi, nous proposons à l'ensemble de ce parlement de voter en faveur d'une somme de 5 millions pour l'année 2020, qui permettra d'assurer une distribution efficiente et suffisante de denrées alimentaires. Pour l'heure, ce projet de loi est nécessaire. A terme, il n'est cependant pas suffisant et il faudra que notre canton prenne des mesures d'aide alimentaire plus durables et, surtout, des mesures pour éviter à tout prix le phénomène des working poors, auquel notre pays n'échappe pas, et faire en sorte que les emplois abusifs qui s'apparentent parfois à des formes contemporaines d'esclavage soient détectés, proscrits et sévèrement punis. Je vous remercie de votre attention et vous invite bien sûr à voter en faveur de ce projet de loi et à refuser l'amendement MCG.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est maintenant à M. le député Thierry Cerutti pour une minute dix.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, afin de faire taire les esprits chagrins, je souhaiterais quand même expliquer que gouverner, c'est bien naturellement prévoir; gouverner, c'est anticiper. Le MCG n'a pas attendu - contrairement à celles et ceux qui sont assis dans cette salle - que des chaînes humaines se faufilent au parking des Vernets un samedi matin pour agir. Je vous rappelle que juste au début du confinement, lorsque celui-ci a été décrété par le Conseil fédéral, le MCG, dans une ville pas commune, qui est Vernier, a lancé l'initiative «caddie des seniors» et s'est organisé justement pour récolter des aliments pour les plus démunis, les gens se trouvant dans des situations de précarité. Etonnamment, Mesdames et Messieurs, vous étiez tous aux abonnés absents lorsque nous avons lancé cette démarche pour aider les plus pauvres d'entre nous ! Donc ne venez pas nous donner ce soir des leçons de générosité, tout en nous pointant du doigt sur l'amendement que nous déposons ! Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à Mme la députée Patricia Bidaux, auteure de ce projet de loi.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Merci, Monsieur le président, de me permettre de compléter ma présentation. Le 26 mai, la commission des affaires sociales, à l'unanimité, s'est engagée dans l'urgence. Sur la base de ce vote unanime, je vous demande de soutenir le projet de loi 12725 qui vous est proposé. La fondation Partage n'est pas une filiale des grands groupes. Il y a d'autres filiales. C'est une banque alimentaire qui récolte des invendus lorsqu'il y en a, qui négocie les prix des denrées qu'elle doit acheter, une banque alimentaire qui est l'objet d'une solidarité à plusieurs niveaux, de la part des citoyens, des entreprises, des agriculteurs du canton, des associations de la ville, et j'en passe.
Et pourtant, c'est une banque alimentaire qui aujourd'hui doit faire face à des dépenses inhabituelles, afin d'offrir l'accès à l'alimentation au plus grand nombre. Notre parlement, en acceptant ce projet de loi, donne un signal fort: manger est un besoin vital, et il n'est pas acceptable que l'Etat soit silencieux sur le sujet.
Le PDC ne soutiendra pas l'amendement proposé par le MCG. Le PDC fait confiance à la fondation Partage, aux valeurs qui en ont fait une banque alimentaire reconnue et au service des plus démunis. Le sens même du mot «partage» appelle d'autres valeurs basées sur un système de confiance. Partager, ce n'est pas abuser, c'est connaître les limites, ses limites et ses responsabilités. Alors, Mesdames et Messieurs, partageons, acceptons ce projet de loi, et refusons l'amendement du MCG ! Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Après une demi-heure de palabres et de contrevérités, et pour que ce parlement se pose sérieusement les bonnes questions, je demande le renvoi de ce projet de loi pour une étude sérieuse à la commission des finances. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. le député Alberto Velasco pour une minute cinquante-deux.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Evidemment que nous devons voter ce projet de loi ! Mais on doit quand même relever, Mesdames et Messieurs, que l'image du cabas est assez détestable. Ce sont toujours les mêmes qui doivent aller chercher leur nourriture en cabas. Ce sont toujours les mêmes qui doivent travailler au noir ! C'est là toute l'hypocrisie de notre société, qui admet, pendant des mois et des mois, des années et des années, que des gens travaillent sans papiers, et dans laquelle les mêmes qui emploient ces gens-là, toute l'année, et qui ont des moyens, décident de ne pas les payer, en raison de cette crise. Et la solution, c'est de faire venir des cabas. Je me demande, Monsieur le président, pourquoi ce pays si riche n'aurait pas pu donner à ces familles 200 francs, par exemple. 200 francs ! Pourquoi ? Pourquoi on doit leur dire de venir chercher un cabas ? On verra que ceux qui cherchent ces cabas... Parce que ces cabas sont en plus stigmatisés avec un petit coeur: comme ça, on sait d'où ils viennent ! Ça, Mesdames et Messieurs, oui, c'est un problème ! On doit éviter cela. Chaque individu a le droit de préserver sa dignité, et la dignité, c'est pouvoir acquérir des denrées alimentaires comme tout un chacun, avec le revenu de son travail, avec l'assurance que, s'il n'a pas travaillé, c'est parce qu'il n'a pas pu.
Mesdames et Messieurs, comme nous l'avons dit aujourd'hui, on sait à quoi ces 5 millions seront affectés. Mais je pense que c'est le moment de nous poser la question de la raison pour laquelle ces individus, qui aujourd'hui vont chercher des cabas, se trouvent dans ces situations. Evidemment que nous allons refuser l'amendement du MCG, c'est normal, c'est évident. Mais je pense que ce Grand Conseil doit se pencher là-dessus et éviter une telle misère dans ce canton. Merci. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Un renvoi en commission n'est vraiment pas nécessaire, puisque la discussion a eu lieu avec tous les partis politiques à la commission des affaires sociales. Maintenant, j'aimerais simplement relever que les auditions et discussions que nous avons tenues ont démontré que Partage et d'autres organismes ont été débordés par la demande et que, comme l'a déploré M. Velasco, contrairement à ce qui se fait d'habitude avec des paquets alimentaires distribués de façon très discrète, ils ont été débordés, et on n'a pas vu venir le nombre de personnes venues réclamer 20 francs de produits alimentaires. On voit qu'on ne s'est pas rendu compte - et on va parler de cela probablement dans le cadre du projet de loi qui sera discuté aujourd'hui ou demain sur les 15 millions pour aider les personnes qui ont perdu leur travail - du nombre de gens qui se trouvaient dans une situation difficile à Genève, et c'est quand même sur ce point qu'il faudra réfléchir pour la suite. Il n'est pas normal que nous fonctionnions ainsi avec ces personnes. Nous savions - c'est une politique de navigation par beau temps - que des gens travaillaient au noir, que ces personnes s'occupaient de nos personnes âgées et de nos enfants; c'est maintenant qu'il faudra régler la situation, mais d'abord nous nous trouvons dans l'urgence et nous devons voter ces 5 millions. Je vous remercie.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous avons effectivement une volonté commune et je tiens d'emblée à remercier et à féliciter la commission des affaires sociales pour ses travaux. Il est vrai que quand nous avons travaillé sur ce premier projet de loi, le renvoi en commission a permis à celles et à ceux qui avaient besoin de se convaincre de la nécessité de trouver une solution, face à ces queues immenses qui se formaient chaque samedi, de pouvoir construire et co-construire une solution. Je tiens à le souligner, car trop souvent, on dit que la politique n'est pas capable de trouver des solutions. Le projet de loi unanime de cette commission des affaires sociales, tel que nous le discutons aujourd'hui, permet de le confirmer, et c'est un élément pour moi assez essentiel.
Pourquoi nous trouvons-nous dans une telle situation ? Cela a été évoqué, et je vais m'y arrêter quelques instants. Premièrement, il faut admettre que la crise sanitaire dans laquelle nous nous trouvons encore aujourd'hui a révélé au grand jour les faiblesses de notre système; un système de perte de salaires, où celles et ceux qui ont perdu du jour au lendemain leur revenu ont besoin de trouver des moyens nécessaires aux achats alimentaires, que la banque alimentaire Partage, les Colis du coeur ou les associations pouvaient compléter. Deuxièmement, Partage, qui fonctionne comme une banque alimentaire, a perdu quasiment l'ensemble des dons des invendus des grandes enseignes au moment de la crise. Il a donc fallu trouver, là aussi, des solutions pour permettre à Partage de poursuivre son travail. Troisièmement, les Colis du coeur, dont la moyenne d'âge des bénévoles approche les 70 ans, n'ont plus eu la possibilité d'assurer la distribution de ces colis alimentaires. Si on ajoute à cela le fait qu'avec la fermeture des écoles, les enfants n'ont plus pu bénéficier du - bien souvent - seul repas chaud de la journée servi au restaurant scolaire, il faut admettre que ces éléments ont provoqué, de façon cumulative, une affluence importante le samedi aux Vernets.
Heureusement, la Ville de Genève et la Caravane de la solidarité ainsi que les associations ont trouvé des solutions dans l'urgence. Il faut, Mesdames et Messieurs, travailler désormais sur une autre séquence, à savoir la proposition de décentralisation de la distribution de nourriture, et faire en sorte - c'est votre projet de loi qui le permettra - que la distribution des bons accompagne ensuite un retour plein et entier de la distribution de colis alimentaires.
La réponse de ce projet de loi est une réponse nécessaire, indispensable, essentielle à la dignité de celles et ceux qui ont été et qui seront encore pendant un long moment les plus vulnérables de notre société. La covid nous permet aussi de relever à quel point les élans de solidarité des bénévoles et de celles et ceux qui s'engagent tous les jours - le samedi en particulier - sont à l'ordre du jour. Les 65 lieux de distribution fonctionnant à l'ordinaire sont également tenus majoritairement par des bénévoles et il faut pouvoir, avec votre soutien, les remercier très chaleureusement. Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas une réponse aux difficultés et problèmes que vous avez mentionnés. Il permet de retrouver une dignité absolument nécessaire. A défaut, un certain nombre de familles, de femmes, d'hommes, d'enfants, se retrouvent dans une crise alimentaire sérieuse, avec des choix évidemment impossibles à faire.
Vos propos ce soir nous encouragent à engager un débat de fond sur les raisons qui nous poussent aujourd'hui, votre parlement comme le Conseil d'Etat, à appuyer ce projet de loi. Quant à la proposition d'amendement de M. le député Gander, il imagine, suivant une réflexion qu'il avait déjà exprimée en commission, qu'il faut déduire de ce montant tout versement accordé par des tiers; cela veut dire qu'il faudrait déduire les quelque 240 000 francs accordés par les grandes enseignes. Mais cela signifie aussi que les dons de particuliers - car la Journée du partage a été annulée et remplacée par des dons en ligne - devraient également être déduits du montant prévu par le projet de loi. Cela n'est pas acceptable. Nous vous encourageons à faire en sorte que l'unanimité de la commission des affaires sociales puisse, dans votre plénum, pleinement se réaliser pour co-construire une dignité humaine nécessaire à Genève. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis tout d'abord d'une demande de renvoi à la commission des finances.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12725 à la commission des finances est rejeté par 82 non contre 7 oui et 1 abstention.
Le président. Nous passons maintenant au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12725 est adopté en premier débat par 84 oui contre 5 non et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Gander à l'article 2. Il s'agit d'introduire un nouvel alinéa:
«Art. 2, al. 2 (nouveau)
2 Tout versement accordé par un tiers doit être déduit de la somme initiale.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 71 non contre 16 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 2 est adopté, de même que les art. 3 à 5.
Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 6 «Clause d'urgence». Selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Mis aux voix, l'art. 6 est adopté par 83 oui contre 7 non et 2 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12725 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 84 oui contre 5 non et 3 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Notre troisième urgence concerne la M 2471, dont le délai de traitement est dépassé. Nous votons sur le renvoi à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi pour six mois de la proposition de motion 2471 à la commission de la santé est adopté par 86 oui contre 1 non.
Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).
Premier débat
Le président. Nous passons à la quatrième urgence, que nous traitons en catégorie II, trente minutes: le PL 12716. La parole n'est pas demandée, nous allons donc voter... Ah si ! Je la passe à M. le député Olivier Cerutti.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, la commission des finances a entendu Mme la conseillère d'Etat Fontanet, qui est venue nous présenter ce projet de loi sur la réserve conjoncturelle. Nous voilà embarqués dans le modèle comptable MCH2 et les premiers préparatifs qui vont nous permettre d'établir - peut-être ! - un projet de budget pour 2021.
A la question de savoir si les comptes de l'Etat sont excédentaires, la réponse est non; en raison de la recapitalisation de la CPEG, le résultat extraordinaire devait être utilisé pour notre caisse de pension. A la question de savoir si la réserve conjoncturelle sera nécessaire pour établir un budget en 2021, la réponse est oui; la peste covid est passée par là, et cet événement extraordinaire engendre des dépenses de plus de 187 millions qui ont été votées par la commission des finances pour permettre à notre population de survivre - cela correspond à l'excédent de revenus 2019. A la question de savoir si la proposition qui nous est faite par le Conseil d'Etat est conforme à la LGAF - c'est la décision que nous avons à prendre ce soir - eh bien la réponse est éminemment politique, Mesdames et Messieurs; cette proposition de l'exécutif est certainement la dernière pour un certain temps.
Pour le parti démocrate-chrétien, il est nécessaire de conserver une cohérence face à la conjoncture que nous connaissons. Les structures de fonctionnement de l'Etat ne nous permettent pas d'instaurer un régime de crise sans passer par une rupture du contrat social, ce qui serait très dommageable pour notre canton. Si nous pouvons comprendre que la dette augmente pour des raisons conjoncturelles liées au covid-19, nous attendons en revanche du Conseil d'Etat des arbitrages courageux, des mesures dignes de notre population dans son projet de budget 2021. Exceptionnellement, le PDC votera ce projet de loi, mais sans sa clause d'urgence. En effet, il est fondamental que le peuple puisse se prononcer à ce sujet, cas échéant. Merci, Mesdames et Messieurs, de votre attention.
Mme Françoise Sapin (MCG). Ce projet de loi est d'ordre technique: il s'agit de modifier la LGAF pour permettre d'attribuer l'excédent de revenus de l'exercice 2019 à la réserve conjoncturelle en supprimant l'une des conditions d'une telle alimentation, à savoir l'autofinancement des investissements. Au vu des circonstances exceptionnelles liées au covid, au vu du budget 2020 qui tient déjà compte de la RFFA, de la recapitalisation de la CPEG et de l'augmentation des subsides d'assurance-maladie, au vu des pertes très importantes attendues cette année, le MCG acceptera cet objet, ce qui permettra au Conseil d'Etat d'allouer l'excédent 2019 de 188 millions à la réserve conjoncturelle. Merci.
M. Alberto Velasco (S). Il est important, Monsieur le président, de revenir un peu sur l'histoire: il fut un temps où les budgets, quand on les établissait, présentaient automatiquement une augmentation de 5% des revenus. Je me souviens de cette courbe - +5% de revenus - parce que l'économie était florissante, etc. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs - et quand je dis «aujourd'hui», je veux dire depuis les années 2000, voire avant - qui peut deviner comment se portera l'économie dans deux ou trois ans et à combien s'élèveront les revenus de l'Etat ? Cela montre qu'on fonctionne en dents de scie, et quand on fonctionne en dents de scie, Mesdames et Messieurs, contrairement à avant, il faut créer des réserves afin de lisser les budgets ou les comptes dans le cas où on serait confronté à des crises à répétition. Il se trouve que le système dans lequel on vit, à savoir le système capitaliste, est ponctué de crises continues, ou du moins de plus en plus rapprochées.
Il faut se donner des moyens grâce à la réserve conjoncturelle; quand les comptes présentent des excédents, il faut mettre de côté pour le jour où il n'y aura plus d'excédents, mais des déficits. Voilà une politique qui me semble responsable ! D'ailleurs, à l'époque, comme cet outil n'existait pas dans la LGAF, je me souviens que Mme Calmy-Rey avait constitué ce qu'on appelait des provisions, et la commission des finances du Grand Conseil l'avait critiquée alors qu'elle utilisait ces provisions précisément dans le but de lisser les budgets ou les déficits. C'est la raison pour laquelle cet instrument a été introduit plus tard dans la LGAF, instrument que je trouve intelligent.
Mesdames et Messieurs, il est fondamental que nous votions ce projet de loi aujourd'hui. L'excédent aux comptes 2019 peut servir à alimenter cet outil, d'autant que je doute, Madame la conseillère d'Etat, en dépit de tout le travail que vous avez abattu - je profite de cette intervention pour vous en remercier - je doute que les comptes présentent des excédents ces prochaines années; non, je ne pense pas que dans les trois, quatre ou cinq ans à venir, il y aura des excédents aux comptes avec lesquels on pourra alimenter la réserve conjoncturelle.
Je vous enjoins donc vraiment, Mesdames et Messieurs, d'accepter cette modification. Il ne s'agit que d'un outil financier permettant de gérer les finances de la République et canton de Genève; il s'agit simplement d'un outil, et il ne faut pas se montrer dogmatique avec les outils financiers. Je vous prie donc de voter ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons dans une situation particulière, dans un contexte de crise. A cet égard, les Verts souhaiteraient aussi que les boni - on ne peut pas parler de bénéfices avec une dette telle que la nôtre - puissent être affectés aux besoins futurs. Pour cette raison, nous vous invitons bien évidemment à voter ce projet de loi, qui nous rappelle ce soir que nous devons mener une politique anticyclique: en période de crise, ce n'est pas le moment de tirer le frein à main, c'est au contraire le moment d'investir et d'être présents pour la transition écologique, pour opérer d'autres choix en faveur de Genève. Mesdames et Messieurs les députés, nous pensons qu'il est essentiel d'attribuer l'excédent 2019 à la réserve conjoncturelle; cela nous permettra par la suite de fonctionner avec un tout petit peu plus de marge de manoeuvre, parce que l'avenir de notre canton s'annonce compliqué ces prochaines années. Merci.
M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs, permettez-moi tout d'abord de faire un petit rappel. Cette réserve conjoncturelle, ce n'est pas une réserve d'argent comptant ! Ce n'est pas du cash dont on pourrait tout à coup disposer librement, et le fait d'y injecter 188 millions n'apportera pas un centime de plus à l'Etat, cela ne lui donnera aucun moyen supplémentaire, par exemple dans le cadre de la crise que nous connaissons ou pour des prestations en faveur de la population. Cette réserve conjoncturelle n'est même pas une écriture comptable, puisqu'elle ne figure ni au bilan, ni au compte de résultat, ni dans les fonds propres, ni dans la fortune de l'Etat. Il s'agit en fait d'une écriture extracomptable servant uniquement d'outil de pilotage conjoncturel. Je le précise, parce qu'il ne faudrait pas que quelqu'un ici croie qu'en votant ce projet de loi, une manne de 188 millions va soudain tomber d'un arbre ou de je ne sais où dans les caisses publiques et sera à disposition de l'Etat pour des prestations supplémentaires; c'est faux.
Le deuxième élément à souligner, Mesdames et Messieurs, c'est le devoir d'exemplarité de l'Etat. Que se passe-t-il ? Nous faisons face à une situation difficile. Il se trouve que nous avions mis en place certains outils pour anticiper ce genre de contexte, pour mettre de l'argent de côté, comme l'a dit le député Velasco. Et là, sous prétexte que cela ne nous arrange pas, on va maintenant changer la loi ! Alors on pourrait discuter du bienfait de cette mesure, mais est-ce que l'Etat autorise par exemple les entreprises et les particuliers à faire de même ? Est-ce que, dans la crise que nous connaissons, les sociétés peuvent comptabiliser des provisions, comme l'indiquait encore le député Velasco - toujours lui, le fameux «latin lover» de notre assemblée ! - est-il permis de prévoir des provisions pour le covid-19 ? EXPERTsuisse, la faîtière des experts-comptables et des experts fiscaux, que je connais bien, a expliqué que cela était possible au vu de la situation. Or qu'a dit l'Etat de Genève aux entreprises et aux particuliers indépendants qui voulaient le faire ? Niet !
Ainsi, les entreprises et les particuliers ne sont pas autorisés à faire des provisions pour couvrir un certain nombre de circonstances, pour dégager des liquidités et sauver leur affaire tout comme les emplois qui y sont liés. Concernant l'Etat, en revanche, parce que ça l'arrange, il s'agirait de modifier la loi pour verser 188 millions, non pas en cash, mais dans cette réserve conjoncturelle. Mesdames et Messieurs, en matière d'exemplarité, on a vu mieux !
Enfin, dernier point, Genève n'est pas la Confédération - c'est d'ailleurs bien dommage. La Confédération dispose en effet d'outils efficaces en ce qui concerne la maîtrise des dépenses; c'est moins le cas à Genève, malheureusement. Ces dispositifs permettent précisément de mettre de l'argent de côté en vue de situations difficiles. Ici, on donne un coup de canif supplémentaire dans les instruments à disposition, on péjore ce qui va se passer à l'avenir. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, parce que cela n'apportera pas un centime de plus à l'Etat et parce qu'on écorne gravement l'exemplarité de l'Etat, le groupe PLR refusera avec vigueur ce projet de loi totalement inutile. (Applaudissements.)
M. Eric Leyvraz (UDC). Ce projet de loi du Conseil d'Etat est tout simplement une manière détournée de repousser une fois de plus le frein au déficit. Un député nous dit qu'il ne faut pas être dogmatique dans la situation actuelle; mais, Mesdames et Messieurs, quand on fait des comptes, on est dogmatique ! Sinon, ce ne sont plus des comptes. Le frein au déficit arrivera, et il doit arriver le plus rapidement possible pour que l'Etat se décide enfin à prendre des mesures d'économies ou y soit obligé. Plus vite il s'y résoudra, mieux le canton se portera.
On ne peut pas changer la loi quand on en a envie, on ne peut pas affecter ces 188 millions à la réserve conjoncturelle juste parce que les investissements ne sont pas couverts ! On nous a dit: «Ah, mais si on suivait la norme comptable MCH2, ils seraient couverts et on pourrait le faire.» Eh bien ce n'est pas le cas ! Nous appliquons les normes IPSAS; il faut les respecter, on ne modifie pas la loi juste parce que ça nous arrange. Et après quoi, on la modifiera à nouveau si nécessaire ? La commission des finances est tout de même chargée de surveiller les comptes de l'Etat, ce n'est vraiment pas sérieux. Il est clair que l'UDC ne pourra pas accepter ce projet de loi et s'y opposera avec vigueur. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). Ce projet de loi vise à faire face à la crise qui va occasionner beaucoup de dépenses pour l'Etat d'un côté - qui a déjà occasionné passablement de frais supplémentaires - et de l'autre une diminution massive des rentrées fiscales. Le PLR et l'UDC ont indiqué qu'un tel dispositif ne fait pas rentrer de l'argent dans les caisses, mais permet d'offrir un peu de marge de manoeuvre à l'Etat pour affronter la situation tout en repoussant le frein au déficit - M. Leyvraz l'a très bien expliqué. Le PLR et l'UDC y sont fondamentalement hostiles, ils souhaitent atteindre le frein au déficit au plus tôt pour une raison bien simple: ils veulent sabrer le plus fortement et le plus rapidement possible les services publics. C'est la raison pour laquelle ils maintiennent une opposition dogmatique à ce projet de loi du Conseil d'Etat.
Pourtant, ce sont bien les services publics qui ont permis, au plus fort de la crise, le fonctionnement minimal de la société; ce sont bien les services publics qui, en grande partie, ont permis de lutter contre la pandémie ! Ces derniers mois nous ont démontré qu'il est au contraire important de renforcer la solidarité, et cela passe par une consolidation des services publics.
Mais ne vous y trompez pas, Mesdames et Messieurs: malgré ce que peut parfois dire la droite, nous sommes préoccupés par le déficit, nous nous inquiétons du creusement de la dette. Ensemble à Gauche ne considère pas cette solution comme viable à court et à long terme; c'est précisément pour cela que nous avons par ailleurs déposé un projet de loi qui vise davantage de rentrées fiscales par la création d'un impôt extraordinaire de solidarité, par la taxation des grosses fortunes. En effet, Mesdames et Messieurs, il n'est pas question d'augmenter l'impôt sur le revenu du travail, il n'est pas question non plus d'augmenter celui sur le bénéfice; cela n'aurait pas beaucoup de sens, vu que les bénéfices seront très faibles, cela ne rapporterait pas grand-chose à l'Etat. En revanche, il y a une partie de la population qui a pu thésauriser massivement ces dernières années, dont la fortune croît année après année ! Cet argent pourrait être ponctionné de manière extraordinaire par l'Etat pour éviter le déficit béant et le creusement de la dette et pour financer les services publics. C'est la proposition d'Ensemble à Gauche qui est à l'étude actuellement. En attendant, je vous encourage à voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. François Baertschi pour deux minutes dix.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Avec ce projet de loi, la question qui nous est posée est simple: veut-on donner les moyens à l'Etat de Genève de mener sa politique ou, au contraire, veut-on jouer la politique du pire en asséchant les caisses publiques ? Si on veut mener la politique du pire, c'est facile: on ne vote pas ce texte ou, de manière plus sournoise encore, on en refuse la clause d'urgence. Cela nous mènerait droit dans une impasse - c'est apparemment ce que certains recherchent - alors que Genève peut se relever des difficultés qu'elle connaît, difficultés qui sont quand même liées à la CPEG - et elles durent depuis des lustres - à l'augmentation des subsides d'assurance-maladie, à la RFFA et maintenant au covid. Si ça, ce n'est rien du tout, je ne sais pas comment je m'appelle ! Je voterai, le groupe MCG votera ce projet de loi avec détermination, surtout sa clause d'urgence.
Le président. Je vous remercie et passe la parole à M. le député Alberto Velasco pour trente secondes.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais dire à mon collègue Zweifel que si la mesure n'apporte effectivement pas un centime de plus à l'Etat, elle permet toutefois de repousser ce dispositif qu'est le frein à l'endettement. A ce propos, je dois souligner qu'en 2000, lorsque la gauche était majoritaire - ce n'était plus arrivé depuis quatre-vingts ans - eh bien nous avions précisément commencé à faire diminuer la dette; et puis il y a eu un projet de loi pour une baisse d'impôts de 12%, ce qui fait que nous n'avons pas pu continuer à la réduire par la suite. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Mesdames et Messieurs les députés, pour votre accueil majoritairement favorable à ce projet de loi qui modifie les conditions de dotation de la réserve conjoncturelle lorsque les comptes présentent un excédent. Il s'agit avant tout pour l'Etat de disposer d'un outil de gestion financière adapté aux cycles conjoncturels. Comme vous le savez, nous avons adopté l'année dernière un budget 2020 extrêmement déficitaire, un budget affichant 600 millions de déficit en raison de trois réformes importantes; avec le covid, ce déficit programmé s'accroîtra pour osciller vraisemblablement entre 800 millions et largement plus d'un milliard - il nous est aujourd'hui difficile de le chiffrer précisément, car nous ne connaissons pas encore les incidences de la crise au niveau fiscal.
Ce que le Conseil d'Etat vous demande, à travers ce projet de loi, c'est une petite marge de manoeuvre dans le cadre de ce budget déficitaire; ce n'est pas une provision, ainsi que l'a soutenu un certain député, car comme vous l'avez compris, il ne s'agit pas d'argent, mais d'une affectation du résultat comptable. On ne saurait reprocher à l'Etat de ne pas jouer un rôle exemplaire en la matière; d'ailleurs, les sociétés anonymes ont, elles aussi, le droit de constituer des réserves. En l'espèce, le Conseil d'Etat fait une réserve ainsi que le prévoit la loi en vous demandant de modifier un tout petit peu les conditions qui président à cette opération.
Nous allons au-devant de projets de budgets et de planifications financières extrêmement difficiles, Mesdames et Messieurs les députés. Il faut s'attendre à ce que les revenus baissent, pas seulement en raison de la diminution du taux d'imposition des entreprises, mais aussi au vu de la crise que traversent notre pays et l'ensemble du monde. A Genève, vous le savez, quelque 150 000 personnes se trouvent en RHT; ces personnes ne touchent que 80% de leur salaire et, partant, paieront moins d'impôts. Notre canton compte également un nombre de plus en plus important de chômeurs suite à des résiliations de rapports de travail; en ce moment, nous recevons ce genre d'informations tous les jours, et c'est très inquiétant.
L'affectation de l'excédent de revenus à la réserve conjoncturelle ne va pas permettre à l'Etat d'être dispendieux, elle va simplement l'aider à limiter les dégâts et à assumer l'augmentation des charges sociales. En effet, Mesdames et Messieurs, vous l'avez dit et vous avez voté sur le sujet de façon unanime tout à l'heure: cette crise fait ressortir la pauvreté qu'il peut y avoir dans notre canton et les difficultés auxquelles les gens font face. Avec le chômage en hausse, avec les réductions de l'horaire de travail, avec la fermeture de certaines sociétés - nous nous attendons malheureusement à de nombreuses faillites en lien avec la situation provoquée par le covid - eh bien ces 188 millions ne seront pas de trop dans la réserve conjoncturelle.
J'aimerais rassurer les purs et durs, les dogmatiques: à l'avenir, les comptes de l'Etat ne présenteront plus de bénéfice pendant de nombreuses années. Eu égard au résultat des différents votes populaires en 2019, il s'agit vraisemblablement des derniers comptes bénéficiaires avant plusieurs exercices, alors autant qu'ils nous offrent une petite marge de manoeuvre supplémentaire. Comme je vous l'ai dit, Mesdames et Messieurs, je serai très attentive à la situation, et mes collègues également. Nous prenons la mesure des temps vers lesquels nous nous dirigeons et nous y serons très attentifs lors de la préparation du projet de budget 2021 et de la prochaine planification financière.
Un dernier mot en ce qui concerne la proposition visant à augmenter les impôts des grandes fortunes. Le Conseil d'Etat suit à ce sujet les recommandations du SECO ainsi que la position du Conseil fédéral: nous avons pris la décision de ne pas instaurer d'impôt spécifiquement lié au covid. Si nous voulons que notre économie redémarre, si nous voulons que des postes soient créés, si nous voulons employer des gens pour que le commerce se développe à nouveau, ce n'est pas en augmentant les impôts que nous y parviendrons. Navrée pour vous, Monsieur Burgermeister - je vois que vous me faites de grands signes - mais ce n'est pas la solution retenue par le gouvernement; nous ne reviendrons pas sur les hausses fiscales déjà prévues au plan financier quadriennal, mais nous ne créerons pas d'impôt spécifique au covid. Au nom du Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie pour le bon accueil que vous réserverez à ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12716 est adopté en premier débat par 58 oui contre 30 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 12, al. 2, lettre a (nouvelle teneur), et 69 (nouveau).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.
Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 2 souligné «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est rejeté par 50 oui contre 41 non (majorité des deux tiers non atteinte).
Le président. La clause d'urgence est refusée, l'article 2 souligné est donc biffé.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12716 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui contre 33 non.
Premier débat
Le président. Nous abordons l'urgence suivante, soit le PL 12723, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. La parole est demandée par Mme Léna Strasser.
Mme Léna Strasser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la pandémie a causé des dégâts multiples, il s'agit d'une catastrophe sanitaire, économique, mais aussi sociale. Certes, des fonds ont été débloqués pour aider nombre de gens touchés, et ces aides sont essentielles; malheureusement, le filet que nous essayons de tisser pour ne laisser couler personne n'est pas assez serré et laisse sans solution celles et ceux dont la situation est la plus précaire. Pour preuve, les files d'attente interminables pour des denrées alimentaires ces dernières semaines tout comme les innombrables requêtes de soutien auprès des associations.
Le présent projet de loi répond au cri d'alerte de ces mêmes associations. Impliquées dans les questions sociales mais aussi dans la culture, elles se sont regroupées au sein de la Plateforme pour une sortie de crise sans exclusion et sont en contact direct avec des hommes, des femmes, des familles qui ne touchent plus de revenu depuis mars. Il s'agit de travailleurs aux contrats précaires - sur appel, à la prestation, à l'heure - ou encore de travailleuses temporaires remerciées avant l'annonce de l'extension des RHT.
Nous venons de voter un crédit pour une aide alimentaire d'urgence, c'est un pas important; mais, Mesdames et Messieurs les députés, on ne paie ni son loyer ni son assurance-maladie avec des pâtes, de l'huile ou du sucre. Il faut des solutions moins stigmatisantes et plus dignes. A Genève, vous le savez, le taux de chômage va croissant, plus de 30% des travailleurs sont en RHT, les inscriptions à l'aide sociale augmentent massivement. Or certains et certaines n'ont droit ni au chômage, ni aux RHT, ni à l'aide sociale, et pourtant ils et elles participent activement tout au long de l'année à l'économie de notre canton par leur travail, stoppé de manière abrupte début mars. Aujourd'hui, la réponse est un droit à l'alimentation, mais demain ces mêmes personnes perdront leur logement, leur dignité, leur relative stabilité. Ce texte de loi permet de leur venir en aide et surtout de prévenir les coûts sociaux et économiques induits par une explosion de la précarité à Genève. C'est pourquoi le parti socialiste vous remercie de le voter au plus vite. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Ce projet de loi est extrêmement important. Il s'agit presque d'un ovni parlementaire, parce que nous allons voter des sommes d'argent destinées à des gens qui n'existent pas théoriquement. C'est bien la première fois que nous ferions une chose pareille, et il est essentiel de le faire. Je rappelle que ce texte a été porté aussi bien par les associations qui oeuvrent sur le terrain et les syndicats que par les syndicats patronaux, qui sont en accord avec cette mesure. Nous devons reconnaître le travail qui est réalisé, ce travail mérite salaire, et si des rétributions n'ont pas été versées pour des motifs égoïstes - certaines personnes ont été licenciées sans raison valable - les gens doivent tout de même pouvoir continuer à vivre et à percevoir de l'argent.
Le parti démocrate-chrétien soutient ce projet de loi sur le fond, mais demande son renvoi à la commission des affaires sociales pour que nous puissions discuter de certains problèmes logistiques. En effet, Mesdames et Messieurs, vous n'êtes pas sans savoir que la plupart des personnes à qui cette aide financière est destinée ne détiennent souvent pas de compte bancaire, et si elles indiquent les coordonnées bancaires de ceux qui les exploitent, elles risquent de ne pas en voir la couleur. Il est vraiment fondamental que nous ne nous tirions pas une balle dans le pied et que les crédits que nous allons octroyer atterrissent bien dans le portefeuille de ceux qui en ont besoin.
Nous souhaitons des éclaircissements, car nous n'avons eu qu'une heure cette semaine avec M. le conseiller d'Etat Apothéloz pour aborder ce projet de loi dans les grandes lignes; il nous faudrait plus de temps lors de la prochaine séance de la commission des affaires sociales pour l'examiner en détail et déterminer s'il faut l'amender. L'idée est d'arriver fin juin avec un texte qui tienne la route et qui permette d'obtenir un succès. Si nous ratons ce projet, les personnes que nous voulons aider disparaîtront complètement. Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs, à accepter le renvoi de ce projet de loi à la commission des affaires sociales afin d'y traiter certains problèmes logistiques. Je vous remercie.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Ce projet de loi vise avant tout à soulager des salariés, et c'est pour cela qu'il y est question de perte de revenu. Je m'exprimerai tout à l'heure sur la demande de renvoi à la commission des affaires sociales. Certes, des mesures de soutien aux entreprises et aux indépendants ont déjà été prises tandis qu'une aide alimentaire de 5 millions a été votée tout à l'heure, mais Genève ne doit pas non plus oublier les employés, celles et ceux qui construisent ses logements, font fonctionner son aéroport international, nettoient son linge, rangent ses maisons, gardent ses enfants; des femmes et des hommes qui travaillent comme intérimaires, temporaires, auxiliaires, et se trouvent souvent dans des situations précaires, car ils et elles sont engagés au noir. Tout un pan de l'économie genevoise vit sur le dos de ces personnes qui, du jour au lendemain, ont été congédiées sans aucune indemnité et se sont retrouvées sans le moindre revenu. D'ailleurs, le silence du Conseil d'Etat à ce sujet m'étonne encore: aucun rappel à l'ordre des employeurs pendant la période de confinement !
Alors oui, la bonne volonté du Conseil fédéral a permis l'indemnisation de certains intérimaires; toutefois, les mailles du filet sont trop larges et ne tiennent pas compte des dégâts causés en début de pandémie. Les secteurs concernés sont nombreux et il ne doit pas y avoir de discrimination. Il s'agit d'indépendants, de faux indépendants, de livreurs, de travailleurs et travailleuses à l'heure, sur appel ou à la prestation, du secteur public non couvert par les RHT, comme les remplaçants, de l'économie domestique, de salariés licenciés n'ayant pas cotisé la durée nécessaire pour bénéficier du droit au chômage, etc. - la liste est longue. De multiples associations se sont jointes à l'appel lancé par la Plateforme pour une sortie de crise sans exclusion, notamment le CSP, Caritas, l'OSEO, le CCSI, la CGAS ou encore F-Information.
Une aide alimentaire ne suffira pas pour les milliers de personnes qui font la queue tous les samedis aux Vernets; si elles ne reçoivent pas d'indemnisation en urgence, elles devront peut-être abandonner leur logement, comme l'a souligné ma collègue Léna Strasser, elles seront davantage précarisées et risquent de tomber encore plus bas. Et ensuite, qui les ramènera à la surface ? Il faut non seulement avoir la main sur le coeur, mais aussi ne pas mettre sa bourse ailleurs. Genève doit prendre ses responsabilités. N'oubliez pas qu'il s'agit d'une indemnité financière unique, d'une aide d'urgence ponctuelle et de surcroît subsidiaire.
Nous n'allons pas régler ce soir la problématique du marché noir, qui est à dénoncer, et il serait inadéquat de refuser une telle indemnisation alors que la crise subie massivement par un grand nombre d'individus va sans doute augmenter encore les dégâts. Plus de dix mille personnes ont déjà bénéficié de bons d'achat auprès des Colis du coeur et on dénombre mille nouvelles inscriptions par semaine. Selon les statistiques du mois de mai, 40% des salariés sont en RHT à Genève, et le taux de chômage est passé de 3,9% à 5%...
Le président. Merci, Madame...
Mme Marjorie de Chastonay. Pour toutes ces raisons, les Verts accepteront ce projet de loi et refuseront son renvoi à la commission des affaires sociales. Toutes mes excuses, Monsieur le président, je n'avais pas entendu la cloche !
Le président. Ce n'est pas grave. Monsieur André Pfeffer, c'est à vous.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Les critères d'octroi de cette indemnité sont incontrôlables: comment peut-on attribuer une indemnisation qui se base principalement sur une déclaration écrite du bénéficiaire ? De plus, l'Etat de Genève ne respecte pas les lois sur les étrangers et le travail au noir. Ce faisant, il encourage même le travail au noir ! Genève est l'unique canton de Suisse qui refuse de contrôler les titres de séjour sur les chantiers et où il est possible d'obtenir un numéro AVS sans présenter de justificatif d'établissement. Notre république mélange aide d'urgence, immigration illégale, assistance sociale et problème du chômage.
En ce qui concerne le chômage, si on calcule notre taux à l'aide des critères du BIT ou de l'Union européenne, il était de 11,6% avant la crise, soit un tiers supérieur à celui des deux régions françaises limitrophes. Dans les branches économiques très touchées par le travail au noir, le taux de chômage genevois oscillait entre 15% et 18% avant la crise ! Ces derniers chiffres sont inacceptables, il est scandaleux que Genève ne fasse absolument rien.
Pour revenir au texte de loi, il y a une question de fond: revient-il vraiment à l'Etat, soit à l'ensemble des contribuables genevois, d'assumer les charges d'employeurs irrespectueux et de ceux qui sous-louent des logements, souvent en réalisant un bénéfice ? Pour le groupe UDC, la réponse est non. Tout comme l'a fait le PDC, je propose le renvoi de ce projet de loi à la commission des affaires sociales. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Le MCG ne tolérera pas que quelqu'un meure de faim. Nous sommes donc favorables à une aide sociale en faveur des personnes en difficulté. En revanche, nous n'acceptons pas de nous substituer aux employeurs qui engagent des illégaux en accordant à ces derniers jusqu'à 5800 francs par mois. Venir au secours d'individus en grande détresse, oui; soutenir les employeurs de travailleurs au noir, non. C'est pourquoi nous voterons le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Stéphane Florey pour cinquante secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ne nous trompons pas de cible ! Ce projet de loi constitue purement et simplement un encouragement à l'illégalité, parce que chacun sait que plus de 80% des personnes concernées sont des clandestins. Ce qui est hallucinant, c'est d'octroyer une aide financière de 5880 francs à des gens qui, techniquement, ne devraient rien percevoir, puisqu'ils ne devraient pas être ici. Non, ce projet de loi est un non-sens et il ne faut pas le renvoyer à la commission des affaires sociales, mais à celle des finances afin d'évaluer combien il pourrait éventuellement nous coûter. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole va à M. André Python pour deux minutes vingt.
M. André Python (MCG). Merci, Monsieur le président. Pour le MCG, il n'est pas question de subventionner des employeurs qui paient des travailleurs clandestins à des prix scandaleusement bas. Nous proposons une autre solution: une aide sociale accordée en vertu de la LIASI à son article 11, alinéa 4. Vu les conditions exceptionnelles, le Conseil d'Etat peut, pendant la période du covid, suspendre l'obligation de domiciliation avec une disposition spécifique et soutenir humainement ces personnes. Aider, oui; encourager le travail au noir, non. Je demande également le renvoi en commission. Merci.
Le président. Quelle commission, Monsieur le député ?
Des voix. Affaires sociales !
M. André Python. Finances.
Le président. Très bien, merci. Je donne la parole à M. Florian Gander.
M. Florian Gander (MCG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Les citoyens suisses ou étrangers établis légalement à Genève ne toucheront pas 5800 francs, qu'ils soient indépendants ou à l'aide sociale. Cette inégalité de traitement est insupportable. Comment justifier un tel montant pour du travail au noir ? C'est tout simplement impossible, et nous trouvons ce procédé scandaleux.
M. Jean Burgermeister (EAG). Vous le savez, Mesdames et Messieurs, une partie de la population s'est retrouvée dans une détresse terrible face à la crise du coronavirus, de nombreuses personnes sont passées entre les mailles du filet social, n'ont pas bénéficié des mécanismes d'aide du canton et de la Confédération. Je rappelle que, depuis le début, ce parlement vote sans broncher des dépenses en faveur des milieux économiques. La dernière fois, nous avons octroyé 14 millions aux cadres d'entreprises, qui étaient pourtant déjà indemnisés. Oui, 14 millions pour augmenter l'indemnisation des cadres d'entreprises !
Le projet de loi n'était pas clair, bien moins que celui-ci, et a suscité beaucoup d'interrogations au sein de cette assemblée. Il avait été traité au pas de course, en une quinzaine de minutes, à la commission des finances, mais le parlement unanime - sauf Ensemble à Gauche - a refusé le renvoi en commission proposé par notre groupe. Vous avez ainsi démontré la déférence dont vous faites preuve à l'endroit des plus privilégiés de ce canton ! Aujourd'hui, avec les excuses des uns et des autres et une proposition de renvoi en commission servant à masquer une crasse hostilité, la majorité de droite et du MCG affiche un certain mépris à l'égard des personnes qui souffrent le plus de la crise actuelle.
En réalité, s'il y a une seule critique à émettre s'agissant de ce projet de loi, c'est qu'il est largement insuffisant, c'est qu'il n'indemnise pas assez de monde, du moins pas l'ensemble de celles et ceux qui souffrent de la crise, et probablement pas assez longtemps ! La majorité de droite s'abrite derrière différents prétextes pour justifier un renvoi en commission qui, je le crains, pourrait bien se transformer en enterrement.
Tout à l'heure, beaucoup d'entre vous se sont applaudis lorsque nous avons voté 5 millions pour l'aide alimentaire aux plus démunis, chacun a souligné qu'on ne peut pas se satisfaire d'offrir à manger à ceux qui sont dans la misère, qu'il faut aller plus loin, réfléchir en amont afin d'éviter que ces gens se retrouvent dans la précarité. C'était une piste de solution, et le projet de loi que nous traitons actuellement propose précisément d'indemniser non pas des voyous, comme ont l'air de le penser l'UDC ou le MCG, mais bien des travailleuses et travailleurs qui ont perdu l'intégralité de leur revenu à cause de la crise, qui ne sont pas responsables de cette situation et que l'Etat a la responsabilité de soutenir. Je vous invite donc à refuser le renvoi en commission et à voter ce projet de loi.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements. Huées.)
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs les députés, j'en appelle à votre respect des distances sociales. Si vous souhaitez mener des discussions, je vous remercie de le faire à l'extérieur de la salle, mais toujours dans le respect des distances sociales. A présent, la parole est à M. le député Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, revenons un peu à la genèse du problème. Nous avions soutenu de manière relativement large l'opération Papyrus, qui avait pour but de régulariser la situation des personnes sans papiers afin qu'elles puissent non seulement bénéficier des prestations sociales, mais surtout y contribuer. Voilà la première chose sur laquelle je voulais insister dans mon intervention, à savoir que tous ceux qui ont participé socialement avec leur emploi ont touché soit le chômage, soit le chômage partiel, soit des aides; ce projet de loi concerne donc des personnes qui travaillent au noir et qui, par conséquent, n'ont pas cotisé. La comparaison de M. Burgermeister avec les indépendants est malheureuse et parfaitement fausse - il s'agit d'ailleurs d'une inégalité de traitement crasse: lorsque vous gagnez entre 8000 et 15 000 francs, vous cotisez sur ces 8000 ou 15 000 francs, mais vous n'avez que 5800 francs de revenu alors que vous avez bel et bien cotisé; ce texte propose la même somme à des gens qui n'ont pas cotisé.
A cet égard, il faudrait élargir le débat de manière constructive sur la lutte contre le travail au noir, parce que c'est bien de ça qu'il est question. A titre personnel, je déplore fortement la position de l'UAPG dont je suis pourtant membre du comité. Je parle sincèrement en tant qu'entrepreneur: voilà plus de vingt ans qu'on fait un travail dingue dans les milieux de la construction pour lutter contre le travail au noir, qui constitue un véritable fléau, et je n'accepte pas que l'Etat paie - de façon subsidiaire, en quelque sorte - des employeurs ou des individus peu scrupuleux. C'est un message complètement paradoxal.
Qu'est-ce qui se passe ? Lorsque vous sollicitez des RHT, vous devez prouver que vous respectez la loi, vous avez des obligations. Il y a des contrôles, c'est tout à fait normal. Selon ce projet de loi, il suffit de faire une autodéclaration stipulant que vous touchez une rétribution sur laquelle vous n'avez pas cotisé, il n'y a aucun contrôle. Réfléchissez à ce que ça représente pour les travailleurs, ouvriers et collaborateurs qui, eux, s'acquittent de leurs cotisations sociales et qui ont droit à des contributions. Pour une question d'égalité de traitement, l'Etat devrait au moins garantir ses créances. Cette mesure nous semble parfaitement inadmissible, et je précise que ce n'est pas une attaque contre les sans-papiers, c'est une attaque contre les employeurs qui mériteraient des mesures de sanction.
Quelqu'un a cité l'exemple des femmes de ménage; pardonnez-moi, mais quel est le message qu'on fait passer avec ce projet de loi ? Pas besoin de payer votre femme de ménage, l'Etat s'en chargera de toute façon pour vous ! Non, ce n'est pas la réponse appropriée. Il faut poursuivre et sanctionner les gens qui ne rétribuent pas leur femme de ménage, voilà le vrai message.
Pour ma part, je vous invite à renvoyer cet objet à la commission des finances. Pourquoi ? Parce que nous devons de toute façon traiter un crédit complémentaire pour ce projet de loi; il se trouve juste qu'on n'en a pas encore été saisi, mais il a été présenté à la commission des affaires sociales et à celle des finances. J'appelle véritablement ce parlement à traiter la racine du problème qui dépasse le positionnement gauche-droite, employés-employeurs. Le travail au noir doit être combattu avec force, et cela requiert des motions, des textes sérieux à examiner de manière approfondie. Monsieur le président, je propose formellement un renvoi à la commission des finances. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Françoise Sapin, la parole est à vous pour une minute dix.
Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Le Mouvement Citoyens Genevois considère que celles et ceux qui résident régulièrement sur notre territoire et qui sont les oubliés des aides financières de la Confédération doivent obtenir du canton les revenus dont la crise sanitaire les a privés. En revanche, l'argent public ne peut pas servir à compenser la perte d'un salaire obtenu illégalement via une indemnisation s'élevant jusqu'à 5800 francs. Quel message envoyons-nous en soutenant le travail au noir et les employeurs qui ne respectent pas leurs obligations ? Nous voterons également le renvoi à la commission des finances. Merci.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole revient à M. Baertschi pour trente secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Ces dernières années, les milieux patronaux genevois ont soutenu l'engagement massif de travailleurs frontaliers; ils veulent maintenant favoriser les employés au noir. Le modèle qui nous est proposé ici, à savoir de développer le travail frontalier et illégal, le MCG ne peut pas l'accepter, c'est une question de principe.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Burgermeister, vous avez la parole pour vingt-trois secondes.
M. Jean Burgermeister (EAG). Oui, Monsieur le président. Le député PLR M. Hiltpold a parlé de sanction à l'encontre des employeurs pour justifier son refus, mais ce qu'il propose n'entraînera aucune sanction pour les employeurs. Non, c'est bien le refus d'indemniser les travailleuses et travailleurs qu'il prône, et en aucun cas des mesures de sanction envers les employeurs. Je rappelle par ailleurs que ce sont le PLR et le MCG qui ont supprimé dans le budget des postes supplémentaires pour l'inspection du travail...
Le président. Merci...
M. Jean Burgermeister. ...à l'OCIRT.
Le président. C'est terminé.
M. Jean Burgermeister. Les employeurs... (Le micro de l'orateur est coupé. Commentaires.)
Le président. Je cède la parole à M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est tout de même assez incroyable: de mémoire, depuis que je suis au Grand Conseil, les partenaires sociaux, à savoir la CGAS et l'UAPG, n'ont été d'accord qu'une seule fois, c'était pour créer l'IPE, l'Inspection paritaire des entreprises - il s'agissait d'ailleurs d'un événement historique.
Pour une fois dans cette législature, les partenaires sociaux sont tombés d'accord pour mettre en place une mesure de protection en faveur des travailleuses et travailleurs qui, malheureusement, se trouvent en situation d'irrégularité ! Ce sont les mêmes personnes dont on parlait récemment encore et qu'on retrouve aux Vernets, qui n'ont pas de quoi manger à la fin du mois.
Non, le prétexte du travail au noir, le fait de dire que cela favoriserait le travail illégal pour ne pas les aider, c'est un mensonge derrière lequel vous vous cachez. Si vous voulez vous attaquer au travail au noir, alors renforcez les moyens de contrôle pour démasquer les mauvais employeurs, mais ne pénalisez pas les travailleuses et travailleurs qui ont besoin de cette aide le plus vite possible.
Le président. Merci, Monsieur le député. C'est à présent le tour de M. Bertrand Buchs pour une minute.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. On en arrive à un point où je ne voulais pas qu'on arrive, c'est-à-dire qu'on commence à se lancer des invectives sur un sujet qui mérite autre chose. Les gens qui travaillent au noir n'ont pas cherché cette situation, ils s'y sont retrouvés parce qu'ils n'ont pas eu le choix. Il faut arrêter, on est dans une situation exceptionnelle, on n'a jamais connu ce qu'on connaît aujourd'hui avec l'épidémie du covid, il faut réfléchir différemment, il faut sortir des sentiers battus. Nous proposons une aide unique de deux mois, et il faut renvoyer ce texte à la commission des affaires sociales, pas à celle des finances. Si on le renvoie aux finances, ce projet de loi est mort. Merci.
Le président. Je vous remercie et passe la parole à M. Olivier Cerutti pour trente secondes.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Je souscris totalement aux propos de mon collègue Bertrand Buchs à propos de la commission des finances. Vous savez, Mesdames et Messieurs, que nous sommes en pleine étude des comptes 2019 et qu'il sera très difficile d'agender l'étude de ce projet de loi avant la fin du mois de juin. Alors, je vous en prie, renvoyez-le à la commission des affaires sociales ! Merci.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Baertschi, vous n'avez plus de temps de parole. Nous passons au vote... (Remarque.) Ah ! Monsieur le conseiller d'Etat, vous souhaitez encore prendre la parole avant le vote sur le renvoi en commission ?
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Oui, si vous le permettez, Monsieur le président...
Le président. Bien sûr ! Je croyais que non. Allez-y.
M. Thierry Apothéloz. Je vous remercie. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je n'avais effectivement pas prévu de prendre la parole à ce stade de vos débats, mais il est nécessaire de redonner du sens à ce projet de loi suite à certains propos évoqués qui sont certainement le fait d'une mauvaise lecture. Tout d'abord, il n'est pas question d'allouer 5880 francs à chaque travailleur ou travailleuse ayant perdu son revenu; il s'agit là d'un montant plafond, et le principe que le Conseil d'Etat a suivi, vous le connaissez, c'est celui des RHT et des APG: nous établissons une moyenne de revenu basée sur les douze derniers mois et nous en tirons 80%. Naturellement, 80% d'un salaire bas, cela fait un salaire encore plus bas.
Cela étant, l'objectif de ce projet de loi n'est pas de réparer les trous de l'aide sociale ni notre incapacité crasse à lutter contre le travail au noir. Certes, Genève a été le premier canton de Suisse à élaborer des dispositifs de lutte contre le travail au noir, à lancer des campagnes de sensibilisation à l'attention des employeurs et employeuses concernés; j'en veux pour preuve que le nombre d'inscriptions à Chèque service augmente chaque fois que nous menons une campagne sur le sujet. Nous pouvons en être fiers, mais c'est largement insuffisant. Comme je le disais, ce texte ne pallie pas notre incapacité à lutter contre le travail au noir.
En revanche, il offre une bouée de secours à des personnes qui ont perdu leur revenu du jour au lendemain, par un appel, par un SMS ou même par un silence, alors qu'elles étaient autonomes et pouvaient vivre relativement correctement dans notre prospère canton de Genève; elles se trouvaient dans une situation certes délicate, mais tout de même acceptable. Aujourd'hui, ces gens n'ont plus de moyens pour payer leur loyer, plus de moyens pour subvenir à leurs besoins de base, plus de moyens pour donner à leurs enfants ne serait-ce que quelques francs.
Cette situation doit être largement combattue, et le Conseil d'Etat propose une solution unique, qui ne s'appliquera que sur deux mois, du 17 mars au 16 mai. Il ne s'agit pas d'un dispositif pérenne, mais d'une aide ponctuelle pour que celles et ceux qui ont perdu leur revenu puissent en retrouver une partie. On a beaucoup entendu parler dans cette enceinte des travailleurs illégaux, mais il n'est pas seulement question des sans-papiers: il y a aussi des indépendants, des salariés qui n'ont pas suffisamment cotisé pour bénéficier du droit au chômage, celles et ceux qui officient dans l'économie domestique et dont nous avons bien besoin lorsqu'il s'agit de s'occuper des enfants en bas âge, il y a des intermittents du milieu culturel qui ont besoin d'un coup de main financier. Ce projet de loi vise à aider ces gens, et uniquement cela.
On a mentionné la possibilité de passer par l'aide sociale. Or la philosophie de ce projet de loi n'est pas de passer par l'aide sociale ou l'assistance publique, mais bien de soutenir des travailleurs et travailleuses en toute dignité. Nous avions l'idée, en vous proposant ce projet de loi, de les réhabiliter dans leur fonction de travailleurs, et c'est la raison pour laquelle nous avons opté pour une indemnité pour perte de revenu.
Je vous invite à poursuivre la discussion de manière approfondie en commission, si telle est la volonté de ce Grand Conseil, notamment sur les modalités de mise en oeuvre de ce texte unique, unique en Suisse mais également unique dans la façon dont nous avons prévu qu'il s'applique, c'est-à-dire rapidement et efficacement, en se basant sur les documents que les gens présenteront grâce aux mandataires qualifiés dont ils disposeront. Nous sommes prêts pour la mise en oeuvre de ce mécanisme. Un renvoi à la commission des affaires sociales, qui a déjà travaillé sur le projet, m'apparaît pertinent, ce d'autant que la commission des finances en sera de toute façon saisie, vu que le texte prévoit un crédit supplémentaire de 15 millions de francs. Ces 15 millions aideront, sur deux mois, 3000 personnes qui touchent un revenu moyen de 2500 francs.
Ce soir, Mesdames et Messieurs, nous avons l'occasion unique de permettre à nos habitantes et habitants, qui plus est parmi les plus vulnérables, de souffler un peu eu égard à la situation dans laquelle ils se trouvent actuellement. J'en appelle à votre mobilisation sur ce projet de loi, dans la mesure du possible avec un vote immédiat, et si votre Conseil devait au contraire soutenir un renvoi en commission, alors je préconise celle des affaires sociales. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission des affaires sociales et d'une autre à la commission des finances. Je mets aux voix la première requête.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12723 à la commission des affaires sociales est adopté par 54 oui contre 41 non.
Le président. Mesdames et Messieurs, il est passé 23h, nous avons bien travaillé. Je vous remercie et vous donne rendez-vous demain à 14h.
La séance est levée à 23h10.