Séance du
vendredi 28 février 2020 à
14h
2e
législature -
2e
année -
10e
session -
54e
séance
P 2062-A
Débat
Le président. Nous abordons la P 2062-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Le rapport de première minorité est de Mme Delphine Klopfenstein Broggini, remplacée par Mme Paloma Tschudi. Je passe tout de suite la parole à M. Alexis Barbey, rapporteur de majorité.
M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission des pétitions a consacré pas moins de cinq séances à l'étude de la P 2062, qu'elle a examinée en détail en procédant à plusieurs auditions. Il s'agit d'une demande émanant d'utilisateurs des zones de rencontre qui vise à multiplier leur nombre par deux dans les trois ans à venir, sauf erreur, afin de faciliter l'intégration du trafic piéton et cycliste. Je rappelle que les zones de rencontre sont des tronçons dans lesquels la vitesse est limitée à 20 km/h. Les voitures sont donc autorisées, de même que les vélos. Les piétons, qui ont la priorité, peuvent également circuler sur la voirie.
La commission a pris comme référence genevoise la rue Leschot, qui est située en zone de rencontre depuis plusieurs années maintenant. Elle a en outre noté que dans d'autres villes comme Bâle, Berne et Zurich, le nombre de ces zones est nettement plus important qu'à Genève. (Remarque.) Je ne connais pas le cas de Martigny, mais c'est bien possible ! (Exclamations.)
Nous avons auditionné plusieurs catégories de personnes, dont des commerçants, qui sont en général un peu inquiets face à l'émergence de zones de rencontre en raison de la disparition ou quasi-disparition du trafic automobile à ces endroits, laquelle amène à craindre que la clientèle disparaisse à la même vitesse. Il faut toutefois préciser qu'il y a des exceptions, puisque certains des commerçants auxquels nous avons parlé sont de fervents défenseurs de ces zones de rencontre.
Lors des auditions, nous avons en outre pu entendre que certaines organisations défendant le trafic à Genève craignent que la multiplication de ces zones constitue un signal négatif à l'égard de la LMCE - la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée - et mette à mal la paix des transports.
Je précise enfin que le principe des zones de rencontre n'est pas remis en cause. Si la majorité est contre cette pétition, c'est parce qu'elle fixe un objectif chiffré qui est perçu comme trop important. Je vous remercie.
Mme Paloma Tschudi (Ve), rapporteuse de première minorité ad interim. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je reprends ici le rapport de minorité de Delphine Klopfenstein Broggini, que je remercie pour l'excellent travail qu'elle accomplit à Berne depuis quelques mois.
A Genève, les transports individuels motorisés ont un impact majeur sur la vie des Genevois et des Genevoises. Je pense en premier lieu à la pollution de l'air, puisque lesdits transports représentent 30% des émissions de CO2, mais aussi à la pollution sonore - notamment liée aux routes - dont souffre 80% de la population, sans oublier le réseau de mobilité douce qui peine à faire sa place.
Cette pétition propose un début de solution en demandant, comme l'a dit le rapporteur de majorité, le développement des zones de rencontre. Il s'agirait de doubler leur nombre actuel d'ici 2028. Ce n'est pas la mer à boire ! On en aurait ainsi 60 au lieu de 30. Ces dernières n'empêchent pas la circulation des voitures, rassurez-vous ! Elles la calibrent en fonction de l'environnement et permettent la coprésence harmonieuse des différents usagers et usagères dans l'espace public. C'est une dimension essentielle de l'urbanisme actuel. Genève a quelque peu de retard en la matière puisqu'il ne compte que 30 zones de rencontre, on l'a mentionné, contre 111 à Berne ou 80 à Bâle. Notre canton a aussi du retard concernant l'application de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée - acceptée par 67% de la population genevoise en 2016 - qui stipule que la priorité doit être accordée à la mobilité douce et aux transports publics dans les zones 1 et 2.
Ces zones de rencontre permettent en outre une meilleure fluidité des déplacements piétons, plus de sécurité pour les usagers et usagères vulnérables - enfants, personnes âgées, etc. - ainsi qu'un réaménagement de l'espace public pour que les habitants et habitantes puissent se réapproprier leurs rues et que les enfants puissent à nouveau y jouer. Elles permettent aussi une diminution du bruit ainsi que de la pollution de l'air - et donc du stress lié au trafic motorisé - de même qu'un apaisement bénéfique pour le développement des terrasses et des commerces de proximité. A ce propos, les commerçants et commerçantes que nous avons auditionnés sont fanatiques des zones de rencontre, et je remercie le rapporteur de majorité de l'avoir rappelé. Elles permettent enfin une meilleure convivialité dans les quartiers - ce qui favorise la création du lien social - mais également une amélioration de la santé mentale. Cet élément n'a pas été souvent mentionné dans les différents rapports, mais il est pertinent sachant que notre canton affiche le taux de dépressions le plus élevé de Suisse.
Pour finir, l'argument de la vitesse mérite d'être abordé: la diminution de celle-ci permet véritablement de réduire la pollution sonore tout en augmentant la sécurité des usagers et usagères les plus vulnérables.
Au vu de tous ces arguments et à l'heure de la crise climatique, il convient d'opérer de vrais choix en matière de mobilité et de donner toutes ses chances à la mobilité douce. Il s'agit d'un choix responsable pour offrir une meilleure qualité de vie aux habitants et habitantes, maintenir l'attractivité des commerces de proximité, réduire l'empreinte des véhicules individuels motorisés et assurer la sécurité des déplacements piétons et cyclistes.
Pour toutes ces raisons, Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous vous encourageons à soutenir cette pétition en la renvoyant au Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il est extrêmement difficile de comprendre pourquoi une majorité de ce parlement refuse le doublement du nombre de zones de rencontre. Mme Tschudi l'a mentionné, il en existe 30 à Genève, contre plus de 110 à Berne, une ville où il fait bon vivre, vous en conviendrez, où les commerces sont florissants et l'accès au centre-ville agréable. Il est difficile de comprendre pourquoi une majorité souhaite le statu quo et désire maintenir une emprise démesurée de la voiture au centre-ville, alors qu'elle a un impact sur la santé ainsi que sur la mobilité des habitantes et habitants.
En 2016, on l'a rappelé, 67% des Genevoises et des Genevois votaient la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée. Depuis lors, cette loi n'a pas encore été totalement mise en oeuvre. La base légale existe donc, il y a une volonté populaire, mais ce qui manque, Mesdames et Messieurs les députés, principalement de droite - et je salue M. Cyril Aellen, qui me dit bonjour ! - c'est d'en prendre acte et à un moment donné de changer de cap. En effet, malgré toutes les belles déclarations - nous sommes aussi en période de campagne pour les élections municipales ! - et tous les verdissements possibles, il manque hélas des décisions et des actes.
La deuxième minorité a été quelque part heurtée de voir que le camp d'en face n'avait pas d'éléments permettant d'expliquer pourquoi il refuse encore des objets tels que cette pétition d'actif-trafiC, qui a recueilli de nombreuses signatures et qui s'appuie sur des arguments logiques. Je m'excuse, mais notre préopinant Alexis Barbey n'a pas apporté beaucoup d'arguments pour justifier son refus par la droite ! Monsieur Barbey, vous pensiez que les autorités auraient trois ans pour doubler le nombre de zones de rencontre, mais ce n'est pas le cas: elles auront près de dix ans - soit jusqu'à 2028 - pour mettre en place des aménagements qui sont quand même légers. Il s'agit juste de prévoir dans certaines zones la cohabitation des piétons et des voitures, qui rouleront simplement plus lentement, puisque la vitesse sera limitée à 20 km/h. On ne supprimera pas de places de stationnement, les voitures pourront continuer à se parquer, et les commerçants le plébiscitent. On a entendu une commerçante de la rue Leschot qui disait qu'elle applaudissait des deux mains: depuis l'aménagement de cette zone de rencontre, l'air est plus sain, les gens s'arrêtent, prennent un verre au restaurant d'à côté et viennent chez elle, si bien que son commerce se porte mieux.
J'invite vraiment les partis de droite à nous expliquer où réside le blocage chez eux. Nous avons notre petite idée et pensons à certains lobbies de la voiture - par exemple le TCS, pour ne pas le citer, qui vous soutient et sur lequel vous êtes arc-boutés - ou à d'autres lobbies qui disent qu'au nom des commerçants ils ne veulent pas de changement. Mais les commerçants, ceux que nous entendons au quai des Bergues, aux Eaux-Vives et dans les quartiers, ils veulent ce changement, Mesdames et Messieurs les députés de droite ! A Carouge aussi ! Ils sont contents d'avoir des rues piétonnes, ils sont contents qu'il y ait moins de voitures dans les quartiers, et ils en appellent à un changement politique. Donc, de grâce, suivez l'air du temps, entendez ce que demande la population, pensez à la santé des habitants et renvoyez cette pétition au Conseil d'Etat ! Je m'excuse si mon ton est un peu directif, vous me connaissez, ce n'est pas mon genre... (Exclamations.) ...mais nous sommes dans une situation d'urgence climatique et il est important d'agir !
Avec toute l'amitié et le respect que je vous porte, je vous enjoins donc d'entendre l'avis des habitants et la demande de la pétition en la renvoyant au Conseil d'Etat. Ce sera un premier pas, et nous travaillerons ensemble pour que les habitants de la Ville de Genève puissent vivre en sécurité dans un autre biotope. Merci. (Applaudissements.)
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il est vrai que la position de la droite est d'une certaine façon immensément paradoxale. Cette dernière prétend en effet défendre les commerces en favorisant la voiture, or les commerçants situés en ville ont un monopole de fait puisque leur magasin se trouve à l'endroit où vivent les gens. En réalité, lorsqu'on facilite la circulation automobile, les habitants peuvent plus aisément sortir de la ville pour aller faire leurs courses en France voisine, c'est d'ailleurs ce qui se passe aujourd'hui. A l'inverse, s'il était plus compliqué de circuler, les habitants de la ville auraient plus tendance à se fournir dans les commerces situés dans leur rue. CQFD ! C'est une évidence ! Et la preuve, Mesdames et Messieurs, que les zones pacifiées, les zones piétonnisées sont utiles tant pour les commerces que pour la population, c'est que malheureusement les loyers augmentent en bordure de ces zones. Dès lors, Mesdames et Messieurs du PLR qui défendez les intérêts des propriétaires, vous devriez voter en faveur des zones piétonnes, car ils pourront ainsi - de manière illicite, bien sûr, mais je ne pense pas que cela vous posera problème - augmenter les loyers. Evidemment, ce n'est pas le but d'une zone piétonne, mais cela implique que la piétonnisation soit assortie de mesures d'accompagnement afin d'éviter les effets pervers tels que la gentrification.
Les commerçants que nous avons entendus et qui ont une expérience concrète des zones piétonnes y sont favorables, puisqu'elles permettent d'alimenter leur commerce. Quant à ceux qui n'ont pas expérimenté ces zones, ils disent qu'elles ne sont pas opportunes parce que leurs clients vont partir. Alors qui faut-il croire ? Les gens qui se prennent pour Madame Soleil et qui essaient de lire l'avenir sans avoir d'expérience, ou ceux qui se basent sur des expériences concrètement vécues pour affirmer que cela fonctionne ? Il faut bien sûr suivre l'avis des personnes qui ont de l'expérience, un vécu, et ne pas croire celles qui tentent de prédire l'avenir.
Pour terminer, j'aimerais souligner qu'il existe des exemples positifs et d'autres moins positifs des zones 20. On a beaucoup cité la rue Leschot, qui est effectivement une réussite à tous points de vue, mais on a moins parlé de l'axe Vieux-Collège - Rôtisserie - Madeleine, qui constitue précisément l'exemple de ce qu'il ne faudrait pas faire en matière de zones à vitesse réduite. En effet, lorsqu'on traverse la rue du Vieux-Collège, on a l'impression à chaque pas qu'on va se faire écraser par un bolide qui roule à 40 ou 50 km/h, parce qu'il n'y a pas eu de mesures d'accompagnement et de ralentissement. La création d'une zone de rencontre implique aussi des investissements: il faut supprimer les trottoirs, installer des bancs, ralentir physiquement la vitesse des véhicules, etc. On ne peut pas se contenter de placer des panneaux de circulation !
En conclusion, Ensemble à Gauche vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien !
M. Stéphane Florey (UDC). Les rapporteurs de minorité déclarent qu'il faut écouter la population, mais j'ai envie de leur répondre ceci: est-ce qu'au moins vous comprenez ce qu'elle dit ? Je n'en ai pas l'impression ! On a évoqué la volonté de la population concernée, à savoir celle de la Ville de Genève, et elle s'est exprimée clairement. Il y a d'abord eu l'initiative en faveur de 200 rues piétonnes, qui est passée à la trappe, puis elle s'est transformée en projet de création de 50 rues piétonnes, qui est lui aussi passé à la trappe. C'est clair, le peuple n'en veut pas !
J'entends dire que l'ensemble des commerçants sont favorables aux zones piétonnes, mais laissez-moi rire ! La seule commerçante qui a été auditionnée serait représentative de l'ensemble des commerces genevois ? C'est quand même un peu bizarre ! D'autant que quand on lit la position du GTE - le Groupement Transports et Economie - qui est, lui, représentatif du commerce genevois, on s'aperçoit qu'il n'y trouve que des problèmes.
Il y a eu en outre par le passé de nombreuses pétitions qui s'opposaient même à l'aménagement de zones limitées à 30 km/h, parce qu'en général les commerçants ne veulent pas que l'on supprime des zones et que l'on ferme leur rue, pour la simple raison que la plupart de ces commerces sont dits de passage. On peut citer l'exemple des boulangeries, magasins de tabac ou blanchisseries. Si vous enlevez leurs places de stationnement, ils n'ont plus qu'à fermer boutique ! Pourquoi ? Parce que, contrairement à ce que disait M. Bayenet, ce n'est pas l'ensemble d'un immeuble qui va faire vivre les petits commerces dits de passage. Ils fonctionnent parce que lorsque vous passez en voiture et qu'il vous manque du pain ou autre chose, vous vous arrêtez vite pour en acheter puis vous repartez. Voilà comment ces commerces tournent ! C'est donc principalement pour toutes ces bonnes raisons qu'il faut déposer la P 2062 sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Cette pétition propose une augmentation du nombre de zones limitées à 20 km/h et le développement des zones de rencontre. Il semblerait que promouvoir la lenteur de la circulation va de pair avec l'amélioration des contacts humains, mais le PDC demande qu'on écoute aussi les experts, lesquels nous ont fait savoir qu'ils ne pouvaient pas s'aligner sur cette constatation. Ce n'est pas parce que l'on crée des zones de rencontre que la vie et les activités vont s'y développer. Avant de multiplier ces zones, il est nécessaire de partir de l'existant et de disposer d'une vision globale. Il convient d'analyser la pertinence sociale des espaces publics existants - cet élément a été souligné plusieurs fois - et dans un deuxième temps d'y aménager des zones de rencontre. La mixité de la mobilité dans ces lieux devrait faire l'objet d'une réflexion bien plus globale, comme celle qui a été menée par la ville de Strasbourg, dont l'exemple a été cité en commission. En effet, elle a certes mis en place des zones de rencontre, mais celles-ci font partie d'un arsenal bien plus complexe et ne résultent pas d'une réflexion uniquement basée sur la quantité. En conclusion, le PDC vous invite à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci.
M. Vincent Subilia (PLR). Je prends la parole brièvement, Monsieur le président. Beaucoup de choses ont été dites, et je m'étonne toujours de la lecture assez binaire qui peut être offerte dans cet hémicycle. On entend dans la bouche de nos collègues et confrères de la gauche un discours qui tend à accréditer la thèse selon laquelle la droite serait à la solde du tout-voiture et pilotée par des lobbies routiers. Je crois pouvoir affirmer avec certitude que ce n'est pas le cas, mais je soutiens avec la même certitude qu'il faut faire preuve de pragmatisme dans le débat politique qui nous anime aujourd'hui et que le dogme - dans ce domaine comme dans d'autres registres - n'est certainement pas la meilleure des recettes.
L'évolution que connaît le commerce - et particulièrement le commerce de détail - appelle effectivement à davantage de convivialité, et dans leur majorité les commerçants ne sont pas opposés à l'émergence de zones de rencontre. Je peux ici en témoigner à titre professionnel. En revanche - et il faut également les entendre sur ce point - ces derniers plaident pour le respect de l'accessibilité à leur commerce, qui doit aussi obéir à la multimodalité des transports. C'est la raison pour laquelle - et je me permets ici un rappel - les partis de droite et le PLR en particulier soutiendront avec conviction et détermination un projet d'ampleur, celui des Clés-de-Rive, qui obéit pour sa part à une logique structurée et une réflexion en profondeur.
Une voix. Bravo !
M. Vincent Subilia. Il s'agit d'un projet clé qui permettra, contrairement à ce que ses opposants affirment, non pas de piétonniser une seule rue, mais bien d'envisager une vision d'ensemble pour notre agglomération avec la piétonnisation de treize rues. Il reposera aussi - et c'est une dimension qui trop souvent vous échappe, sans vouloir vous fustiger sous l'angle de la lecture binaire - sur une véritable logique de financement s'inscrivant dans le cadre d'un partenariat public-privé. Voilà la voie qui doit aujourd'hui être favorisée pour voir émerger demain des solutions qui répondent effectivement aux besoins du plus grand nombre. Dans vos rangs - puisque vous opposez la gauche et la droite - certains l'ont d'ailleurs bien compris. Le magistrat communal Pagani, dont j'ignore s'il est parmi nous en ce moment, est en effet le plus fervent défenseur du parking des Clés-de-Rive, qui permettra précisément à notre ville de Genève de mieux respirer. Je vous encourage donc naturellement à le soutenir avec la même conviction que celle dont vous faites preuve lorsque vous plaidez pour des zones de rencontre. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Paloma Tschudi (Ve), rapporteuse de première minorité ad interim. J'aimerais apporter deux ou trois éléments de réponse concernant les zones de rencontre. Ce sont des périmètres où il est justement encore possible de circuler ! Les véhicules des entreprises, mais aussi les personnes âgées ou en situation de handicap qui auraient besoin de circuler peuvent donc encore le faire. Il ne s'agit pas de zones piétonnes, mais bien de zones de rencontre.
De plus, les places de stationnement sont maintenues dans ces périmètres. Elles ne sont pas supprimées. Monsieur Florey, je vous parle ! J'ai l'impression que ça ne l'intéresse pas tellement, mais finalement il a déjà fait son discours...
Quant aux personnes qui auraient besoin de se parquer pour aller acheter du pain, je leur conseille plutôt d'arrêter d'en manger et de faire du vélo, mais c'est un autre problème ! (Commentaires.) Pardon, pardon ! Alors du pain local de nos chers paysans et paysannes, oui, très bien !
Je regrette enfin que le PDC oppose le développement des zones déjà existantes et la création de nouvelles zones de rencontre. C'est malheureusement un faux débat et une fausse opposition. Je le déplore, parce que je sais qu'il pourrait nous rejoindre sur ce point. En conclusion, je soutiens toujours le renvoi au Conseil d'Etat. Merci beaucoup ! (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). J'hallucine quand j'entends tous ces propos ! Les zones de rencontre sont peut-être utiles à certains endroits, effectivement, mais je ne crois pas que les commerçants soient aussi enchantés que ça. Je peux vous citer un bel exemple en ville de Genève, celui du quai des Bergues. On nous a menti en soutenant que les commerçants étaient d'accord et, une fois la zone de rencontre aménagée, on a prétendu qu'il y avait tellement de circulation automobile qu'il fallait la transformer en zone piétonne. Je me suis donc rendu au quai des Bergues il y a une dizaine de jours, et j'y ai passé pratiquement toute la matinée. Eh bien je n'ai vu que quatre voitures durant tout ce temps ! Alors si aux yeux de M. Pagani ces quatre voitures représentent une circulation intense qui perturbe la zone de rencontre, je crois qu'il faut qu'il révise ses critères. Il est dans la salle, Monsieur le président, vous lui transmettrez pour qu'il comprenne bien !
A mon sens, il faut effectivement rester prudent dans cette manière de voir les choses. Certains font la promotion des zones de rencontre et pensent que les commerçants sont enchantés, mais ce n'est pas du tout le cas, parce qu'à beaucoup d'endroits il n'y a plus ou presque plus de places de parking après la création de ces zones, et des épingles à vélo sont placées juste devant les vitrines des magasins. C'est une bonne manière de faire fuir les commerçants et de les amener à fermer boutique ! Si c'est ce que vous voulez, eh bien faites-le, mais ce sera sans nous, et je vous invite à rejeter cette pétition. Merci.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Je voudrais juste répondre à M. Florey, qui parlait des attentes de la population, et corriger certaines des inexactitudes qu'il a prononcées. Je rappelle que l'initiative pour les 200 rues piétonnes lancée par les Verts en 2008 avait largement abouti, puisqu'elle avait recueilli plus de 6000 signatures en ville de Genève. Au moment de la votation, la première étape - soit la création de 50 rues piétonnes, pour un montant de 5 millions - avait toutefois été refusée, non pas parce que les habitants ne voulaient pas de cette piétonnisation, mais parce que son coût était jugé excessif dans la mesure où il s'agissait d'un aménagement réversible. On peut donc voir dans cette décision le désir d'une piétonnisation mais le refus d'un projet qui n'allait pas assez loin, pas assez vite, et qui surtout était coûteux. C'est en tout cas ainsi que nous l'avons interprété.
Pour aller dans le sens de mes propos, j'ajoute que le référendum contre le fameux parking des Clés-de-Rive a abouti - avec plus de 6000 signatures récoltées - durant les fêtes de fin d'année, Monsieur Subilia, alors que le mois de décembre n'est pas la meilleure période pour faire signer un référendum, vous en conviendrez. Les gens voulaient le signer, parce qu'ils avaient compris l'inutilité d'un parking à cet endroit, dans l'hypercentre, sachant qu'il en existe déjà à la Terrassière, à Rive, au Mont-Blanc ou encore sous la Vieille-Ville. Ces parkings sont du reste en grande partie vides... (Commentaires.) Les citoyens comprennent également qu'il y a là derrière le choix de promoteurs qui doivent rentabiliser l'ouvrage qu'ils ont construit pour gagner de l'argent. Ces derniers le font aussi sur le dos des personnes qui perdront des places de parking en surface, je pense aux zones bleues où l'on peut aujourd'hui encore se parquer sans devoir débourser des sommes exorbitantes.
Le PLR a déposé un recours contre ce référendum. En attaquant en justice une décision populaire - à l'égard de laquelle il a fait preuve d'un certain manque de fair-play, pour ne pas dire plus - il a montré l'estime qu'il porte à notre démocratie et le respect qu'il a des électeurs. (Protestations. Le président agite la cloche.)
Enfin, j'aimerais dire à Mme Bidaux que nous avons entendu les experts. Nous entendons M. Kaufmann ainsi que les spécialistes de la mobilité piétonne, et ces derniers prônent une autre mobilité. Ils considèrent que les gens doivent essayer de moins se déplacer, de moins être pendulaires, et louent une ville différente. Genève est idéale pour la piétonnisation et la marche !
Pour terminer, je rappelle qu'on parle là de zones de rencontre, Mesdames et Messieurs, c'est-à-dire de zones où les voitures pourront continuer à circuler et à se parquer.
Le président. Je vous remercie, Monsieur Thévoz, vous avez épuisé votre temps de parole !
M. Sylvain Thévoz. Ce n'est donc pas une décision si radicale. Merci de votre attention.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Daniel Sormanni. (Un instant s'écoule.) C'est à vous, Monsieur Sormanni !
M. Daniel Sormanni (MCG). Oui, c'est à moi ! Merci, Monsieur le président !
Le président. Mais je vous en prie !
M. Daniel Sormanni. Je suis obligé de répondre à M. Thévoz - vous lui transmettrez, Monsieur le président. C'est incroyable de dire des contrevérités pareilles ! L'initiative en faveur des 200 rues piétonnes a été votée par le Conseil municipal, pas par le peuple ! Et lorsqu'il a fallu la mettre en oeuvre, le projet n'a pas été refusé parce qu'il coûtait trop cher. Je vous rappelle qu'il s'agissait d'un référendum, et la population a décidé qu'elle n'en voulait pas. Votre interprétation est par conséquent totalement erronée ! Si le projet a échoué, c'est tout simplement parce que son contenu était exagéré. Cette initiative n'est pas réalisable, elle n'a d'ailleurs pas été réalisée, et elle a donc été rejetée de fait par le peuple. Je crois qu'il faut arrêter d'asséner de telles contrevérités !
Si vous voulez piétonniser un bout de la ville, nous y sommes favorables, mais il faut compenser la perte des places de stationnement par la création du parking des Clés-de-Rive, par exemple, puisqu'il a été évoqué. On supprime donc des places en surface, on libère les rues des véhicules automobiles - c'est votre voeu le plus cher, vu que vous haïssez les voitures - et on les met au sous-sol. Ni plus ni moins ! Et ce n'est pas un aspirateur à voitures.
Cela étant, contrairement à ce que vous prétendez, Monsieur Thévoz, la plupart du temps ces parkings sont pleins. Il faut arrêter de dire qu'ils sont vides ! Vous ne travaillez pas au centre-ville, vous ne connaissez pas les gens qui y travaillent et les commerçants. Ils ne trouvent pas de place de parc !
Le président. Je vous remercie, Monsieur Sormanni, c'est terminé !
M. Daniel Sormanni. Il n'est donc pas question d'en faire plus, mais tout simplement d'agir de la même façon... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Je passe la parole à Mme Patricia Bidaux.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste rappeler que M. Kaufmann est professeur et qu'il a effectivement très bien parlé de ce retour à une ville plus saine. Il a également évoqué ce que nous sommes en train de vivre dans ce parlement, à savoir les clivages gauche-droite qui apparaissent dès qu'on parle de mobilité, de parkings, etc. Je trouve vraiment déplorable qu'on ne parvienne pas à se dire qu'il faut certes développer la ville et créer des lieux de rencontre, mais pas en considérant uniquement leur nombre. Il faut évaluer la qualité des projets et ceux-ci doivent être basés sur de vraies études, non pas sur des chiffres. Il ne s'agit pas de se dire que dans dix ans il y aura deux fois plus de zones de rencontre qu'aujourd'hui - c'est-à-dire soixante, ou même un peu moins. Il convient de mener très rapidement une étude globale - le PDC y tient tout particulièrement - afin de rendre à la ville l'humanité qui doit être la sienne, mais pas en analysant les projets sous le seul angle de la quantité. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Alexis Barbey pour trente-six secondes.
M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'irai d'abord à l'essentiel afin de rassurer M. Thévoz. Non, nous ne légiférons pas pour traiter des sujets dans l'air du temps, mais bien dans l'intérêt des Genevoises et des Genevois. Certains arguments semblaient lui manquer, alors je lui en cite deux: les organisations faîtières des commerçants nous ont fait part de leurs réticences à l'égard des zones de rencontre, et le GTE nous a lui aussi communiqué ses doutes à ce sujet s'agissant de la circulation et du commerce.
Enfin, j'aimerais dire que les zones de rencontre ne représentent pas une solution dans tous les cas de figure, raison pour laquelle il ne faut pas fixer des objectifs quantitatifs. Il existe un exemple négatif, celui du quai des Bergues, que M. Sormanni a déjà évoqué.
Le président. Merci. Je mets maintenant aux voix les conclusions de la majorité, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2062 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 44 oui contre 28 non.