Séance du
vendredi 28 février 2020 à
14h
2e
législature -
2e
année -
10e
session -
54e
séance
P 2073-A
Débat
Le président. Nous passons à présent aux pétitions avec la P 2073-A classée en catégorie II, trente minutes. Je donne tout de suite la parole au rapporteur de majorité, M. Sylvain Thévoz.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des pétitions a étudié durant trois séances cette pétition qui demande de renoncer à la construction d'immeubles à Lancy, pour un total de 184 logements. Elle a entre autres auditionné les pétitionnaires, la CMNS, une responsable du département du territoire, le chef du service de l'urbanisme ainsi que l'architecte cantonal. Les auteurs de ce texte ont invoqué en particulier le fait que des arbres - 129, selon eux - devraient être abattus pour ce projet. La majorité vous invite à rejeter la P 2073, qui porte sur un sujet effectivement sensible, délicat et actuel à Genève, celui de la densification. Ladite majorité a notamment été convaincue par les arguments de l'architecte cantonal, qui a indiqué qu'on allait supprimer non pas des arbres, mais des buissons, et que la surface dévolue à la végétalisation serait au contraire augmentée. Les 129 arbres en question ne seront donc pas coupés !
Cet espace subira certes une densification accrue - on parle d'immeubles allant jusqu'à R+8 - mais celle-ci permettra d'offrir des logements, ce dont Genève a le plus besoin. Le lieu, situé en zone de développement, se trouve tout près de la gare de Lancy-Pont-Rouge, et il s'agit d'un emplacement idéal pour accueillir celles et ceux qui sont à la recherche d'un logement. Il a été mentionné que la Gérance immobilière municipale de la Ville de Genève compte actuellement 5000 personnes en attente d'un logement, et elles sont plus de 8000 sur les listes cantonales.
La Ville de Lancy, par le biais de M. Damien Bonfanti, a rappelé qu'elle ne s'opposait pas à la construction de ces 184 logements. La pétition survient de plus à la toute fin d'une procédure datant de plusieurs années. Une autorisation de construire a été déposée en 2017 déjà, et tant le Conseil administratif que le Conseil municipal de la commune ont validé ce projet.
Nous vous invitons donc à suivre l'avis de la majorité afin de renforcer la possibilité pour Genève de loger ses habitants, dans le cadre d'un projet qui ne péjore pas la végétalisation actuelle - au contraire, un parking sera supprimé - mais qui réaménage de manière optimale cet espace, situé à quelques minutes d'une gare du Léman Express. Merci. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. J'aimerais tout d'abord préciser que les arbres, qui constituent effectivement l'un des volets de cette pétition, n'en sont pas l'objet central. Si les pétitionnaires ont déposé ce texte, c'est bel et bien pour demander que l'ensemble d'immeubles dont il est question ne soit pas démoli, principalement parce qu'il a été reconnu comme ayant une valeur patrimoniale à conserver par la CMNS, ce qui a été confirmé à de nombreuses reprises. Or, comme par enchantement, l'office du patrimoine et des sites a décidé un beau jour de s'asseoir purement et simplement sur tous ces préavis, alors qu'ils font partie du dossier depuis le début - certainement sur recommandation du gouvernement, puisque l'office dépend directement de l'Etat - en disant qu'il n'y avait pas lieu de conserver ces immeubles et qu'il fallait aller de l'avant dans ce projet.
Le deuxième élément que je voudrais mentionner et qui est lui aussi intéressant, c'est que la densification demandée a donné lieu à un concours d'architecture. Alors dire que la pétition arrive trop tard s'apparente à un demi-mensonge, puisque à aucun moment cette densification n'a pu faire l'objet de procédures d'opposition. En effet, lorsqu'un concours d'architecture est organisé, l'établissement d'un PLQ n'est pas obligatoire, puisque dans ce cas-là le concours est censé le remplacer. Cela implique que le Conseil municipal a lui-même été privé de ses prérogatives, dans la mesure où il aurait pu voter en défaveur du PLQ. Le conseiller administratif l'a reconnu lors de son audition ! Le Conseil municipal ne s'est tout simplement pas rendu compte qu'en s'engageant dans la voie du concours, il se privait de cette prérogative et empêchait par là même le peuple de lancer un éventuel référendum.
C'est pour ces deux raisons principales que, en tant que rapporteur de minorité, je vous recommande d'accepter cette pétition et de la renvoyer au Conseil d'Etat. Il s'agit de tenir compte de l'avis de la population mais aussi de la CMNS, surtout dans le contexte actuel: la population en a clairement marre de la surdensification et, selon une étude de l'institut CIFI parue récemment, le manque de logements n'est plus d'actualité. Ce qui se passe en réalité, c'est que dans certains centres urbains l'offre commence à dépasser la demande. A Martigny, par exemple, qui n'est peut-être pas le plus grand centre urbain de Suisse romande, mais qui en fait partie... (Commentaires.) ...on vous offre actuellement jusqu'à trois mois de loyer si vous allez habiter là-bas. A Zurich, la crise du logement est terminée et l'offre commence également à dépasser la demande. Il n'y a qu'à Genève que ce n'est pas le cas, parce qu'on a toujours un décalage de trois à cinq ans par rapport au reste de la Suisse, ce qui est d'ailleurs incompréhensible. Mais on y viendra ! D'ici quelques années, on ne pourra clairement plus parler de crise du logement, puisque l'offre aura également rattrapé la demande.
Pour tous ces motifs, je vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. Je voudrais juste répondre à M. Florey ainsi qu'à l'UDC, qui prétendent défendre nos résidents. Aux dizaines de milliers de Genevoises et de Genevois qui attendent un logement et qui n'en trouvent pas - ou qui n'en ont pas - l'UDC rétorque: «Ne vous inquiétez pas, il y a des logements à Martigny, dans le Jura ou dans les Grisons !» Il est probablement vrai que dans certaines zones périphériques de Suisse deux mois de loyer sont offerts mais, Monsieur Florey et l'UDC, vous êtes loin du compte quand vous voulez envoyer nos résidents au-delà des frontières cantonales. Non, il faut construire des logements, et ce en respectant l'environnement, en prenant en considération les densités, en aménageant de manière durable et en créant des coopératives. Il ne s'agit pas de demander aux Genevois d'aller vivre à 300 kilomètres ! Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur les conclusions de la majorité de la commission, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2073 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 59 oui contre 9 non.