Séance du jeudi 7 novembre 2019 à 14h
2e législature - 2e année - 6e session - 34e séance

M 2477-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Jocelyne Haller, Frédérique Perler, Romain de Sainte Marie, Olivier Baud, Christian Zaugg, Pierre Vanek, Salima Moyard, Jean Batou, Mathias Buschbeck, Yves de Matteis, Delphine Klopfenstein Broggini, Esther Hartmann, Sarah Klopmann, Lydia Schneider Hausser, Boris Calame, Guillaume Käser contre une nouvelle mesure bureaucratique inutile imposée aux personnes déboutées de l'asile
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Rapport de majorité de M. Patrick Saudan (PLR)
Rapport de minorité de M. Sylvain Thévoz (S)

Débat

Présidence de M. François Lefort, premier vice-président

Le président. Mesdames et Messieurs, nous passons à la M 2477-A. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Une voix. Chut !

Le président. Merci ! Nous sommes en catégorie II, trente minutes. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Monsieur le rapporteur de majorité, voulez-vous prendre la parole ? (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, un peu de silence, par respect dû aux rapporteurs. Monsieur le rapporteur de majorité, vous pouvez commencer.

M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Attendez...

Une voix. On va te l'amener !

M. Patrick Saudan. Jean, tu m'apportes la carte, s'il te plaît ? (Rires.)

Une voix. Et un café, Jean, s'il te plaît ! (Rires. Commentaires.)

M. Patrick Saudan. Je suis désolé ! (L'orateur rit.)

Une voix. Mais tu peux parler !

Une autre voix. Tu peux y aller !

M. Patrick Saudan. C'est vrai, je peux parler ? Bon. Merci beaucoup à Jean Romain qui pallie ma maladresse ! (M. Jean Romain lance son badge à M. Patrick Saudan. Le badge échappe des mains à M. Patrick Saudan. Rires.) Comme vous pouvez le constater ! (L'orateur rit. Il insère son badge dans le lecteur.) Voilà. Monsieur le président, Monsieur le vice-président, Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales s'est réunie à trois reprises en octobre 2018, en mai et en juin 2019 pour étudier cet objet. Quelles sont les raisons qui ont conduit au dépôt de cette proposition de motion ? Celle-ci a été déposée parce qu'il existait une pratique administrative extrêmement pénible pour les requérants d'asile faisant l'objet d'un renvoi, qui étaient, donc, déboutés: ils devaient se présenter à la police des migrations à l'aéroport, en plus de leur passage à l'OCPM, afin d'obtenir un document attestant qu'ils avaient besoin de l'aide d'urgence. Ensuite, avec cette attestation, ils pouvaient se rendre à l'Hospice général pour toucher cette aide. Cette pratique, qui consistait à faire se déplacer les requérants déboutés à l'aéroport, a été maintenue pendant quatre mois puis a été suspendue, comme M. Maudet l'a écrit dans un courrier envoyé aux associations qui s'étaient insurgées contre cela.

Lors de la première audition de la commission des affaires sociales, le conseiller d'Etat, M. Apothéloz, nous a confirmé que cette mesure avait été abandonnée. M. Gut, auditionné lors de la séance suivante, est revenu sur la genèse de cette mesure administrative qui avait pour but de différencier les tâches de police des tâches d'établissement d'identité. Il a en outre corrigé un des considérants de la motion qui mentionnait que la présence de toute la famille était nécessaire lors de la visite à la police de l'aéroport, ce qui n'était pas le cas: un seul membre de la famille devait s'y rendre. Quoi qu'il en soit, cette mesure a été abandonnée, comme cela a été confirmé également par M. Gut. La majorité de la commission a donc jugé que, cette mesure ayant été abandonnée, cette proposition de motion devenait caduque et ne nécessitait pas davantage d'étude de la part de notre commission ni de notre parlement. C'est pour cela que nous ne sommes pas entrés en matière.

Nous ne sommes pas non plus entrés en matière sur l'amendement qu'a présenté la minorité de la commission pour une raison très simple: d'une part, nous ne voulons pas surcharger l'administration cantonale avec des motions qui n'ont plus de sens, et d'autre part, nous faisons confiance à nos autorités et nous n'avons pas de raison de remettre en question les propos ni du conseiller d'Etat ni de M. Gut, le directeur de l'OCPM. Par conséquent, la majorité de la commission vous demande de ne pas accepter l'amendement que va présenter la minorité ni ensuite la motion. Je vous remercie.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, l'office cantonal de la population et des migrations avait mis en place le 1er mars 2018, sans consultation ni des associations ni de l'Hospice général et avec le soutien du conseiller d'Etat Pierre Maudet, une nouvelle procédure de délivrance de l'autorisation qui donnait droit à l'aide d'urgence. Les requérants et requérantes d'asile déboutés, en plus de se rendre à l'OCPM pour un tampon ainsi qu'à l'Hospice général pour recevoir l'aide en question, devaient auparavant aller quérir un autre tampon au service asile et rapatriement - SARA - de la police internationale à l'aéroport. Le fait de devoir se rendre à trois endroits différents était vécu comme une mesure particulièrement chicanière. Les personnes devaient même au départ s'y rendre avec leurs enfants et se heurtaient parfois à des bureaux fermés. Pour certaines personnes, le coût d'un billet de bus était conséquent. Ces déplacements devaient parfois être répétés plusieurs fois par semaine. Cette mesure a généré de profondes angoisses liées à l'aéroport à proximité.

Il y a eu une indignation générale au sein des associations, qui ont rapidement mis en place des solutions pour contrer les effets de cette mesure: des lettres collectives ont été envoyées au Conseil d'Etat, une conférence de presse, des rassemblements, des oppositions devant les tribunaux ont eu lieu, et surtout, des bénévoles ont assuré un accompagnement presque quotidien au guichet pour ces tampons. La très large mobilisation contre cette procédure a été victorieuse, Mesdames et Messieurs: la mesure a été suspendue. Les signataires de la motion se réjouissent aujourd'hui de cette victoire.

Ils n'ont toutefois pas souhaité retirer leur texte, afin qu'il en soit formellement pris acte. En effet, la minorité pense qu'il est important de rappeler qu'une telle mesure était inacceptable et souhaite, par le vote de cette motion, ancrer et garder une trace de cette malheureuse expérimentation dans les actes du corps législatif. Il faut rappeler que ce tampon à quérir chaque semaine était une forme de contrôle oppressant. L'aide d'urgence reste en effet une politique de désintégration sociale qui déshumanise les personnes qui y sont soumises comme celles qui les y soumettent. La minorité était extrêmement circonspecte devant cette procédure qui a duré quatre mois et qui semble ne pas avoir été autre chose qu'un essai ou un test réalisé in vivo sur des requérants d'asile. C'est pourquoi nous vous invitons évidemment à soutenir cette motion après avoir soutenu l'amendement tel qu'il sera présenté par Mme Jocelyne Haller, qui vise simplement à ancrer le fait que l'on passe d'une suspension de cette procédure pour le moins étonnante à son abandon pur, simple et définitif. Mesdames et Messieurs, nous vous remercions de statuer dans ce sens. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la mesure incriminée par la M 2477 a été suspendue le 1er juillet 2018. C'est un élément extrêmement positif qui répond en partie à la finalité visée par ce texte. Mais il ne suffit pas de supprimer cette mesure pour que nous soyons totalement rassurés. Je rappelle qu'un courrier de M. Maudet annonçant la suspension de cette mesure unanimement décriée était libellé de manière à laisser planer un doute sur le caractère définitif de cette décision. Ainsi, le courrier de M. Maudet indiquait qu'il revenait «pour le moment» à la procédure antérieure. Cela laissait très clairement entendre que ce retour à la procédure antérieure pourrait ne s'avérer que transitoire. Dès lors, les signataires n'ont pas retiré cette motion qu'ils estimaient nécessaire pour clarifier le statut définitif ou transitoire de la décision annoncée par M. Maudet. C'est pourquoi ils ont déposé un amendement pour clarifier cela.

Ensuite, en commission, M. Apothéloz a effectivement amené des clarifications indiquant que, pour lui, cette mesure était définitivement écartée. Seulement, nous restions conditionnés par le courrier de M. Maudet et nous estimions qu'il fallait absolument lever toute ambiguïté. C'est pourquoi nous vous avons présenté l'amendement qui stipule très clairement qu'il s'agit, «après avoir pris acte de la suspension dès le 1er juillet 2018 de la mesure en question, [d']abandonner définitivement cette procédure», et je vous fais grâce du reste. L'objectif est véritablement d'obtenir une garantie que cette suspension est bien définitive et qu'on ne reverra plus ce genre de mesures vexatoires, stigmatisantes et cruelles refaire surface pour détruire le quotidien des requérants d'asile.

J'aimerais relever encore un élément: le rapporteur de majorité indiquait qu'en commission, il nous avait été assuré qu'à aucun moment des enfants n'avaient été conduits au SARA. Or, il se trouve que nous sommes quelques-uns, dans cette salle, à disposer de témoignages qui affirment le contraire. Dont acte. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, effectivement, comme cela a été expliqué, il s'agit de passer d'une suspension qui reste toute théorique à un ancrage dans la mémoire de ce Grand Conseil, comme un exemple à ne pas reproduire. Le groupe des Verts va naturellement se ranger du côté de la minorité, comme il l'a fait durant les travaux de commission.

Je vais être rapide: ce double contrôle n'était pas opportun - du reste, il a été abandonné par l'administration quatre mois plus tard - et il s'agit maintenant de passer de la parole aux actes, de ne pas rester dans des hypothèses et de modifier les dispositions réglementaires. Et là, le groupe des Verts ne rejoint absolument pas le rapporteur de majorité: il ne s'agit pas de surcharger l'administration cantonale avec des motions qui n'ont plus de sens, il s'agit de demander au Conseil d'Etat d'inscrire que cette mesure n'était effectivement pas très glorieuse, pas vraiment empreinte d'humanisme - c'est le moins qu'on puisse dire - et qu'il a bien entendu le message du Grand Conseil, à savoir que c'est le genre de mesures à ne pas reproduire. Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs, d'accepter le rapport de minorité et de laisser une trace dans notre mémoire. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Qu'on vote ou qu'on ne vote pas cette motion, la trace dans la mémoire va rester. Simplement, c'est une question de confiance: si le Conseil d'Etat vient nous dire que c'est fini, on lui fait confiance. Point ! Si ce parlement ne fait plus confiance au Conseil d'Etat, on ne peut plus travailler correctement. Donc voilà. (Commentaires.) Non, mais deux conseillers d'Etat nous déclarent que cette pratique ne se fait plus, comme M. Maudet l'a dit... (Rires.) ...comme M. Apothéloz l'a dit clairement, et cela figure dans le rapport de majorité: je pense qu'il est inutile de voter des motions qui demandent que le Conseil d'Etat confirme ce qu'il a déjà déclaré en commission. Je vous remercie.

M. Marc Falquet (UDC). Ce parlement politiquement correct ne fait que donner des messages corrompus. (Commentaires.) Excusez-moi, mais lorsqu'un demandeur d'asile a fait l'objet d'une décision définitive de renvoi de Suisse, on doit exécuter la décision de renvoi, on ne doit pas lui donner de l'argent de poche pour qu'il aille nourrir l'équipe de dealers ! (Commentaires. Huées.) Non seulement on lui donne de l'argent de poche, mais en plus on subventionne le trafic de drogue sur la voie publique ! Contrôlez, demandez à M. Poggia qui sont les trafiquants de drogue sur la voie publique: ce sont souvent des demandeurs d'asile déboutés qui reçoivent de l'argent de poche. Donc on subventionne le trafic de drogue sur la voie publique ! Il faut donner des signaux clairs ! Arrêtez de donner ces messages corrompus ! Une personne qui doit quitter la Suisse, il faut lui faire quitter la Suisse ! Il ne faut pas l'entretenir des mois ou des années ici aux frais du contribuable ! Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je vais soumettre au vote d'abord l'amendement proposé par Mme Jocelyne Haller et consorts:

«Annule et remplace l'unique invite de la motion:

- Après avoir pris acte de la suspension dès le 1er juillet 2018 de la mesure en question, à abandonner définitivement cette procédure imposée en sus de l'attestation délivrée par l'OCPM aux personnes déboutées de l'asile, consistant à leur faire tamponner un document au SARA afin de pouvoir obtenir l'aide d'urgence que leur verse l'Hospice général.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 39 oui.

Mise aux voix, la proposition de motion 2477 est rejetée par 52 non contre 38 oui.