Séance du jeudi 7 novembre 2019 à 10h15
2e législature - 2e année - 6e session - 33e séance

M 2362-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Jean Batou, Jocelyne Haller, Christian Zaugg, Salika Wenger, Roger Deneys, Jean-Charles Rielle, Caroline Marti, Pierre Vanek, Christian Frey, Salima Moyard : Groupe Richemont : l'Etat doit intervenir pour défendre l'emploi horloger à Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (PLR)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Débat

Le président. Nous abordons à présent la M 2362-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. Edouard Cuendet, rapporteur de majorité.

M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Pour nous mettre en appétit, nous sommes face à une proposition de motion stalinienne... (Rires. Commentaires.) ...mais, comme Staline, elle est d'une obsolescence crasse, puisqu'elle date de 2016 et qu'elle ne correspond plus du tout à la réalité actuelle. De plus, et cela a été largement relevé en commission, cette motion contient des invites fondamentalement contradictoires.

D'une part, les signataires veulent chasser, tuer, faire disparaître l'abominable groupe horloger Richemont, symbole d'un capitalisme débridé et d'une arrogance ploutocrate... (Exclamation.) ...et, de l'autre, ils invitent cet ignoble groupe à malgré tout rester à Genève et à créer de l'emploi dans notre canton. C'est assez compliqué. En résumé, les signataires veulent instaurer une économie planifiée en matière d'horlogerie... (Exclamation.) ...et, au fond, pour faire un saut dans l'Histoire, puisque le groupe Ensemble à Gauche est très inscrit dans l'Histoire, ils veulent restaurer les bons vieux cabinotiers dans leur soupente sombre à Saint-Gervais, chacun dans son coin, hors de toute emprise du capitalisme honni.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. C'est Zola !

M. Edouard Cuendet. C'est Zola, voilà, comme le dit très justement Mme von Arx-Vernon ! Donc, si vous n'étiez pas à ce stade déjà convaincus de l'inanité totale de ce texte, je vous rends attentifs à la demande d'amendement d'Ensemble à Gauche qui vaut son pesant d'aiguilles - de montres, donc. Je le lis: «1re invite supprimée et remplacée par le texte suivant: à tout mettre en oeuvre»... et là, j'insiste très lourdement ! ...«compte tenu de l'amélioration de la conjoncture qui contraint aujourd'hui l'effectif réduit des entreprises à travailler en heures supplémentaires, pour que les travailleuses et travailleurs licenciés fin 2016, qui n'ont toujours pas retrouvé un emploi, puissent être réembauchés, moyennant le cas échéant un complément de formation.» J'insiste sur «l'amélioration de la conjoncture» !

Permettez-moi modestement de citer le téléjournal de notre chère RTS - qui, avant d'être déplacée en Valais, s'occupe encore...

Mme Jocelyne Haller. Ce dont vous ne vous êtes pas beaucoup ému !

M. Edouard Cuendet. ...s'occupe de l'économie genevoise encore pour quelque temps. Le téléjournal, dans son édition du 3 octobre 2019, nous annonçait que les volumes d'exportation des montres suisses s'effondraient: 3,4 millions de pièces en moins par rapport à 2018. Il s'agit d'une baisse sans précédent depuis la crise horlogère de 1980. Nos amis d'Ensemble à Gauche voient là une amélioration de la conjoncture. J'y vois plutôt une situation qui doit nous préoccuper pour l'avenir de ce fleuron de l'industrie genevoise.

Cette méconnaissance stalinienne des réalités économiques ne mérite pas d'être soutenue par notre Grand Conseil. C'est pour cela qu'avec l'immense majorité de la commission, je vous invite à rejeter ce texte. Et nous verrons bien si Ensemble à Gauche a le courage - et peut-être la témérité - de présenter à nouveau son amendement parlant d'amélioration de la conjoncture. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, puisque M. Cuendet se pique de faire de l'humour sur la question de l'horlogerie, je me permettrai en ce qui me concerne de remettre les pendules à l'heure. Je lui laisse l'entière responsabilité des références qu'il cite. Elles ne sont pas les miennes. Cela étant dit, ce que je constate c'est que sous l'ironie perce en fait le profond mépris que M. Cuendet éprouve pour les travailleurs qui ont vu leurs postes disparaître à Genève. C'est un premier élément, et je reviendrai sur d'autres aspects.

Cette motion représente un bel exemple de procrastination parlementaire, puisqu'elle a été déposée le 29 novembre 2016, soit onze jours après l'annonce de la décision du groupe Richemont, propriétaire des entreprises Piaget et Vacheron Constantin, de supprimer 211 postes horlogers, dont 151 à Genève. Ce n'est que le 29 avril 2019 que le texte trouvera enfin sa place à l'ordre du jour de la commission de l'économie. Une place congrue si l'on considère le peu d'intérêt que lui a montré la majorité de la commission, qui n'a même pas souhaité lui consacrer une séance entière ni même procéder à des auditions pour examiner cette situation et son évolution depuis les faits incriminés, et ce en évoquant l'argument de sa caducité pour refuser de l'examiner, en dehors de l'incontournable audition de son premier signataire. Ce alors même que celui-ci avait pris la précaution d'actualiser les données relatives au suivi de ces licenciements, apprenant à la commission qu'une quinzaine d'employés des entreprises Piaget et Vacheron Constantin n'avaient toujours pas retrouvé d'emploi et qu'ils arriveraient prochainement en fin de droit aux indemnités de chômage. Il précisait de surcroît que les deux entreprises occupaient régulièrement une partie de leur personnel en heures supplémentaires pour faire face à une augmentation de leurs commandes. Et c'est là-dessus qu'on plaisante.

On peut donc observer que le non-recours au chômage partiel a condamné des travailleurs et travailleuses à l'exclusion totale et immédiate du monde du travail, alors que l'embellie des affaires postérieure à cette exclusion en a en partie contredit la nécessité. Cela constitue un non-sens et une profonde injustice faisant porter au personnel les conséquences des aléas du marché et des choix stratégiques de leurs employeurs.

Il faut rappeler que le groupe Richemont est un groupe extrêmement puissant: en 2015-2016, son bénéfice déclaré était de 2,2 milliards de francs. Il a en outre distribué 850 millions de dividendes, ce qui ne signifie tout de même pas qu'il se trouve en grande difficulté. De plus, quand bien même les deux marques ont rencontré quelques difficultés sur les marchés asiatiques, celles-ci sont aujourd'hui dépassées. (Remarque de M. Edouard Cuendet.) A tel point que des travailleurs qui restent dans ces entreprises travaillent en heures supplémentaires. Ce qui amène la minorité à regretter avec acuité le non-recours au chômage partiel qui aurait pu éviter le pire au personnel licencié et permettre aux entreprises de traverser la tourmente.

D'emblée, le premier signataire a indiqué que les invites de la motion n'étaient plus d'actualité ainsi que libellées et qu'il s'imposait de les réactualiser, ce qu'il a fait en proposant des amendements que la minorité a repris et que, selon ce que M. Cuendet supposait tout à l'heure, nous reprendrons avec enthousiasme. Il nous semble en effet important de faire apparaître qu'aujourd'hui, une quinzaine de personnes sont restées sur le carreau et qu'il importe, si ces deux entreprises travaillent en heures supplémentaires, de réexaminer la possibilité de réintégrer ces personnes, fût-ce au prix d'une reconversion professionnelle, compte tenu du décalage intervenu entre le moment de l'arrêt de leur activité et celui d'une éventuelle reprise. C'est pourquoi nous vous invitons à accepter les deux amendements présentés par la minorité et à accepter cette motion. Je vous remercie de votre attention.

M. André Pfeffer (UDC). Cette motion est jugée par une très large majorité de la commission comme étant inacceptable. La deuxième invite est même choquante. Elle nomme une entreprise en particulier et demande à l'Etat, je cite, de «soutenir par tous les moyens les propositions issues des assemblées des employé-e-s» d'un groupe ou d'une entreprise privée. Cette approche témoigne d'une méconnaissance et d'un mépris de notre partenariat social. L'expérience montre clairement qu'une telle approche serait même néfaste et négative pour celles et ceux qu'elle prétend défendre.

Tous les licenciements sont un drame. Lorsqu'il s'agit d'une suppression de 211 employés en une fois, il est évident que l'ensemble des partenaires sociaux doivent se mobiliser. Est-ce que l'aide ou l'assistance était insuffisante ? Cette question serait légitime. A ce sujet, le premier signataire de cette motion nous informe que quinze ex-employés n'auraient toujours pas retrouvé d'emploi. Est-ce que certains de ces quinze employés seraient des seniors ? Cette question doit être traitée, et d'autres projets au sein de la commission de l'économie l'abordent. Encore une fois, les considérants et les invites de cette motion ne sont conformes ni à notre marché du travail ni à notre économie de marché. Le groupe UDC vous recommande de la refuser. Merci.

M. Vincent Subilia (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, dans le sillage des propos - excellents propos, devrais-je ajouter - tenus par le rapporteur Cuendet, je réagirai en ajoutant que, dans notre lecture, cette motion procède d'un double mécanisme. Celui d'abord, et cela a été souligné, de l'anachronisme et celui ensuite de la schizophrénie dogmatique.

Je m'explique: anachronisme, on le comprend, puisque l'on évoque un aspect temporel. Il y a un décalage marqué - mais la députée Haller, vous transmettrez, Monsieur le président, le reconnaissait elle-même - entre le temps politique et le temps économique. On peut certes parler de procrastination; je pense qu'il y a là des enseignements à en tirer, s'agissant de la rapidité avec laquelle les objets de ce plénum sont traités. On dit souvent des Suisses qu'ils se lèvent tôt et se réveillent tard, cela semble manifestement être le cas ici. Mais on dit aussi souvent des Suisses qu'ils ont des montres mais qu'il leur manque du temps. C'est probablement parce que notre plénum, précisément, est submergé d'interventions qui procèdent du dogme - et j'en arrive à mon deuxième point - qu'il ne peut pas traiter avec la célérité qui devrait être la sienne les objets qui véritablement méritent que nous nous mobilisions, ce qui n'est certainement pas le cas de cette proposition de motion. (Remarque.) Schizophrénie dogmatique, disais-je, parce que, comme cela a été souligné, il s'agit ici de cette lecture interventionniste parfaitement étatique marquée du sceau du plan quinquennal dont certains espéraient qu'il était révolu - j'en fais partie - où on prend d'une main ce que l'on donne d'une autre, dans une vision de lutte des classes permanente, qui, je le disais la semaine dernière, détricote ce partenariat social longuement constitué qui fait la richesse de notre Helvétie.

Mesdames et Messieurs, le groupe Richemont, c'est le lieu de le rappeler, est un groupe effectivement très puissant, mais c'est d'abord un groupe qui, à l'instar d'autres entreprises, crée de la valeur ajoutée à Genève et a généré sur notre sol des milliers d'emplois. A ce titre, il faut d'abord apprendre à dire merci ! Parce que si les travailleurs... (Commentaires.) ...si les travailleurs génèrent de la valeur... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...vous le disiez et vous le répétez à chaque reprise, c'est parce qu'ils ont des employeurs qui peuvent le faire. Il faut donc cesser, dans cette lecture permanente, de vouloir traire systématiquement - on devrait dire, saigner la vache qui vous nourrit. (Exclamations.) Ce n'est certainement pas par ce type de mesures excessives que nous y parviendrons et ce n'est pas par cet interventionnisme accru que vous...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur Subilia.

M. Vincent Subilia. ...parviendrez à vos fins. Puisqu'on reste dans le registre temporel, on note un décalage profond, absolu et permanent...

Le président. Merci.

M. Vincent Subilia. ...à gauche entre ce que demande le marché...

Le président. Merci bien.

M. Vincent Subilia. ...et ses réalités, et ce que sont vos...

Le président. Je passe la parole...

M. Vincent Subilia. ...gesticulations ! Merci !

Le président. Je passe la parole à M. le député Jacques Blondin.

M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. Des suppressions d'emploi sont toujours un traumatisme pour celles et ceux qui ont à les subir, qu'il soit social, économique ou affectif. Faire l'objet d'un licenciement collectif, alors qu'à titre personnel et professionnel on n'y peut rien, a de quoi révolter - celles et ceux qui sont concernés, bien évidemment.

Une voix. Parle dans le micro !

M. Jacques Blondin. Le micro est pourtant branché, excusez-moi ! Cette motion a été déposée en 2016, suite à la suppression de 211 emplois au sein d'un important groupe horloger. L'objet a été traité en 2019: à titre personnel, je rejoins sur ce point les critiques formulées dans le rapport de minorité, quand il constate que le rythme de travail en commission doit absolument correspondre à l'actualité des thèmes abordés. S'agissant des emplois concernés, l'actualité 2016 ne correspond bien évidemment plus à celle de 2019.

Cela étant dit, le parti démocrate-chrétien rejoint les considérations du rapporteur de majorité dans ses conclusions: l'Etat ne doit pas intervenir dans l'économie privée des entreprises. Leur donner des conseils de gestion, faire pression sur les directions, rappelle douloureusement, à titre d'exemple, le cas de la Banque cantonale de Genève il y a quelques années. Il faut faire la distinction entre un contexte structurel et conjoncturel, lesquels contextes n'appellent pas à prendre les mêmes mesures dans les investissements et engagements de personnel de la part de la direction des entreprises, qu'elles soient horlogères ou non. Enfin, il faut respecter et promouvoir le partenariat social qui fonctionne bien à Genève, quand bien même, malheureusement, des cas de licenciements sont parfois constatés.

Cette motion n'étant d'une part plus d'actualité et constituant d'autre part une demande d'ingérence de l'Etat dans des affaires privées d'une entreprise, le parti démocrate-chrétien vous invite également à la rejeter. Merci.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le premier constat qu'on peut faire concernant le traitement de cette motion, c'est le manque d'efficacité de notre Grand Conseil. Je me réjouis, en tant qu'humble commissaire de la sous-commission des droits politiques, présidée par l'excellent Raymond Wicky, qui a visé à déposer une résolution pour améliorer l'efficacité de notre Grand Conseil... L'objet qui nous occupe avait toute sa pertinence en 2016, lorsqu'il a été déposé avec les invites de l'époque, et nous aurions dû le traiter à l'époque en urgence. Cela ne servait à rien de la renvoyer en commission, puisqu'il s'agissait de demander au Conseil d'Etat d'intervenir, et ce de façon urgente.

Ensuite, et heureusement, un amendement est proposé; je ne parle pas de celui du MCG - une intervention de plus pour se faire mousser et s'en prendre aux frontaliers encore et encore - mais de celui du groupe Ensemble à Gauche qui vise à répondre à cette problématique en apportant des solutions pour réintégrer les personnes qui n'auraient pas pu retrouver un emploi et qui auraient été licenciées à l'époque. C'est le deuxième aspect.

On entend la droite - la droite unanime, en tout cas - s'en prendre au côté interventionniste de cette motion. Mais, Mesdames et Messieurs, c'est aussi dans le partenariat social que l'Etat joue un rôle. Aujourd'hui, le libéralisme que nous connaissons - libéralisme débridé, j'entends M. Cuendet l'avouer - ne fait pas que du bien. Je pense qu'un Etat qui intervient, qui ose - et ce n'est pas de l'interventionnisme - et qui joue son rôle, qui n'est pas passif, permet le maintien de beaucoup d'emplois. Je prends un exemple que je pense parfait et très critique pour notre canton: Merck Serono. C'était la démonstration, il y a quelques années, que le Conseil d'Etat vaudois, comme on sait, a été bien plus efficace que le Conseil d'Etat genevois - c'est peut-être la même chose pour son parlement d'ailleurs. Face à la survenue de cette crise chez Merck Serono et aux plans de délocalisation de l'entreprise, le Conseil d'Etat vaudois a été proactif: il a réussi à maintenir les emplois dans le canton de Vaud. A Genève, tout l'inverse ! Le Conseil d'Etat n'a pas été actif. Peut-être que la classe politique - et surtout les bancs de droite - ne l'a pas souhaité. Résultat: une délocalisation et des pertes d'emploi massives. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Là, vous devez vous poser la question, sur les bancs de droite, du rôle de l'Etat. Ce n'est pas simplement laisser cours au libre marché et assister passivement à des délocalisations comme nous pouvons en connaître aujourd'hui. Non, il faut un Etat, un gouvernement qui joue son rôle d'acteur économique, qui a une vision du développement économique pour notre canton et qui cherche également...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député.

M. Romain de Sainte Marie. ...à créer et à maintenir des emplois dans le secteur privé.

Le président. Merci.

M. Romain de Sainte Marie. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste vous invitera à accepter l'amendement proposé par le groupe Ensemble à Gauche.

M. Jean Batou (EAG). Messieurs les députés, Mesdames les députées, vraiment, j'avais cru en déposant cette motion faire un geste dans le sens d'une mesure sociale-démocrate des plus timides, qui consistait simplement à demander que, alors qu'une grande entreprise faisait travailler ses employés en heures supplémentaires, les travailleurs licenciés puissent être réembauchés, moyennant peut-être une aide à la formation. J'étais, mais vraiment, venu dans la certitude que, sur tous les bancs, chacune et chacun aurait défendu ce point de vue. Eh bien non ! On a entendu M. Cuendet - vous transmettrez, Monsieur le président - parler d'économie planifiée, de stalinisme et de toutes les horreurs qui le hantent la nuit dans ses cauchemars, quand il s'agit uniquement d'engager et d'aider quelques travailleurs à retrouver un emploi dans l'horlogerie. Quand on pense que cette motion déposée il y a trois ans est abordée seulement aujourd'hui, et quand on pense qu'entre-temps, un cadeau fiscal formidable a été fait à ce groupe Richemont, notamment à ses entreprises horlogères, on a de quoi se poser des questions sur la volonté de défendre l'emploi de la part des milieux patronaux et de ceux et celles qui les soutiennent ici.

Quant à la proposition d'amendement du MCG, chers amis du MCG... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...il y a des travailleurs résidents genevois qui sont licenciés et ce ne sont pas les entreprises horlogères qui s'agitent pour les réengager aujourd'hui. Il faut donc demander la réintégration de tous les travailleurs qui ont été licenciés et qui se trouvent toujours, pour un certain nombre d'entre eux, sur le carreau. Merci.

Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Bertrand Buchs pour une minute quatorze.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Ce sera suffisant, j'ai simplement une interrogation. Lorsque cette motion a été déposée, plusieurs personnes sont venues nous parler, et il s'agissait de savoir: que se passe-t-il pour les personnes qui sont formées à Genève dans les écoles d'horlogerie ? Il semble que les personnes formées dans notre canton rencontrent de gros problèmes pour trouver une place de travail. Je pense que c'est une question qu'on peut poser au Conseil d'Etat: pourquoi les gens formés à Genève ne trouvent-ils pas d'emploi dans l'horlogerie ? Merci.

M. François Baertschi (MCG). Cette motion pose de bonnes questions, mais donne malheureusement de mauvaises réponses. C'est pour cela que nous avons déposé un amendement. Nous avons un problème général, à savoir le «made in Geneva». On a un «made in Geneva» - c'est le problème des entreprises genevoises - avec parfois des employés qui ne sont plus en majorité des résidents genevois, mais en minorité. C'est un danger à long terme pour l'industrie horlogère genevoise. Il est donc important de soutenir les entreprises d'horlogerie genevoises pour qu'elles engagent des résidents genevois.

Ce qui est important également - c'est l'autre face de la pièce - ce sont les horlogers résidents genevois. Ils sont nombreux à Genève à ne pas trouver d'emploi, parce que la structuration du marché de l'emploi est mauvaise. Le MCG ne veut pas faire de polémique. Nous avons une politique tout à fait active pour les employés et pour les entreprises. Ce que nous voulons, c'est favoriser l'engagement de résidents genevois dans l'horlogerie, et le rôle de l'autorité publique, à notre sens, c'est d'aller dans cette direction et d'encourager les entreprises à engager. Et véritablement, qu'est-ce que du «made in Geneva» par du personnel qui n'est pas «made in Geneva» ? C'est absurde ! On se trouve dans cette logique-là. Allons dans la direction du succès, et c'est ce que nous vous proposons à travers cet amendement général. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Marc Falquet pour une minute vingt-trois.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Merci, Monsieur Batou, de vouloir faire réintégrer des gens dans une entreprise, mais lorsqu'il s'agit de pratiquer la préférence cantonale, il n'y a plus personne à gauche, ce qui est bizarre. Le problème, c'est qu'il n'y a plus de conscience civique à l'engagement de Genevois. Pourquoi ? Parce que généralement, il y a une majorité d'étrangers dans les entreprises, et surtout, les services des ressources humaines sont tenus par des étrangers et surtout des gens de la Communauté européenne, qui n'en ont rien à faire des Genevois ! Ce qui compte, c'est de favoriser ceux qu'ils veulent favoriser, en préférant évidemment les gens de leur nationalité, ce qui est dommage. Il faudrait qu'il y ait un retour de cette conscience au sein des entreprises privées que les Genevois existent encore et qu'il y a des dizaines de milliers de personnes qui pourraient faire l'affaire dans les entreprises. Et même s'ils sont un petit peu moins compétents, qu'il y ait cette volonté d'engager des Genevois. Je regrette qu'une grande entreprise d'horlogerie que je ne citerai pas emploie carrément bientôt 100% de frontaliers, c'est absolument dommage et déplorable. Merci beaucoup.

Une voix. Très bien !

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, quelle hypocrisie à gauche ! Les mêmes qui aujourd'hui encouragent ce projet, en disant qu'il faut soutenir les travailleurs de Richemont... Et ils ont raison, il faut les soutenir ! Mais lorsque notre conseiller d'Etat dépose le projet de loi 12262, intitulé, je vous le rappelle, «Allocation cantonale complémentaire - allocation pont», vous refusez, Mesdames et Messieurs de la gauche ! Vous refusez, parce que votre discours se veut enjôleur, mais la réalité, c'est que, dans les faits, vous êtes mauvais ! (Commentaires. Rires.)

Le président. Merci. La parole est à Mme Jocelyne Haller - très rapidement !

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Juste pour dire qu'il serait quand même inconvenant de verser une participation au salaire à un groupe comme Richemont, qui affichait les résultats que j'évoquais tout à l'heure, et surtout que...

Le président. Merci.

Mme Jocelyne Haller. ...pour dire que Japan Tobacco International...

Le président. Il est temps de terminer !

Mme Jocelyne Haller. ...vient de licencier 268 personnes !

Le président. Merci !

Mme Jocelyne Haller. J'espère que le parlement ne fera pas la même erreur...

Le président. Je passe la parole au conseiller d'Etat...

Mme Jocelyne Haller. ...que celle qu'il a faite en défaveur...

Le président. ...M. Mauro Poggia.

Mme Jocelyne Haller. ...des travailleurs du groupe Richemont. (Commentaires.)

Une voix. Bravo !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'entrera pas dans une qualification manichéenne des bons et des mauvais. Il ne s'étendra pas non plus sur cette motion. Je crois que tout le nécessaire a été dit pour que vous puissiez vous décider souverainement sur son rejet ou son acceptation.

Il y a simplement une chose que le Conseil d'Etat ne peut pas entendre, nous l'avons entendue sur les bancs de la gauche: que le Conseil d'Etat ne s'implique pas pour l'emploi. Au contraire, nous sommes particulièrement impliqués. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la délégation du Conseil d'Etat à l'emploi et à l'économie, c'est-à-dire Mme Fontanet, M. Maudet et moi, reçoit toutes les annonces de licenciements collectifs; nous réagissons lorsqu'il faut réagir, nous prenons contact avec les entreprises pour voir de quelle manière les emplois peuvent être sauvés, ou alors quels plans de reconversion ou quels plans sociaux peuvent être mis en place. Encore actuellement, mais je n'entrerai pas dans l'actualité récente, nous le faisons aussi... (Remarque de Mme Nathalie Fontanet.) Pardon, oui, c'est vrai, c'est Mme Torracinta ! Je vous mets partout, puisque vous êtes partout, Madame, et vous avez bien raison de l'être ! Non, c'est avec Mme Torracinta que nous formons la délégation de l'économie et de l'emploi, puisque, précisément, elle s'occupe de la formation, M. Maudet du développement économique et moi-même de l'emploi. Nous sommes tous particulièrement concernés par les décisions prises dans ce domaine.

D'ailleurs, pour l'anecdote, j'ai toujours à l'esprit ce jour où, il y a quelques années, j'ai téléphoné personnellement au responsable RH d'une grande multinationale. Il a pris, je crois, dix minutes pour comprendre qui j'étais: il essayait de me placer dans l'organigramme de l'Etat et n'arrivait pas à comprendre qu'un conseiller d'Etat puisse prendre lui-même le téléphone pour demander à le voir. Finalement, nous nous sommes rencontrés et il m'a dit que, de manière générale, il n'avait jamais vu un endroit sur terre où la relation entre les chefs d'entreprise et l'Etat était aussi étroite et que c'était précisément ce qui faisait la force de notre canton. Que l'on ne vienne donc pas nous dire que le Conseil d'Etat n'est pas impliqué, c'est exactement le contraire !

Des voix. Bravo !

Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, nous allons passer au vote de cette motion. Nous sommes saisis d'un amendement déposé par le MCG. Je vous rappelle les termes de cet amendement, qui remplace toutes les invites: «- à soutenir les entreprises horlogères dans leur politique d'engagement de résidents genevois.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 14 oui.

Le président. Nous votons à présent sur l'amendement déposé par Ensemble à Gauche, qui consiste à remplacer les deux invites par celles-ci:

«- à tout mettre en oeuvre, compte tenu de l'amélioration de la conjoncture qui contraint aujourd'hui l'effectif réduit des entreprises à travailler en heures supplémentaires, pour que les travailleuses et travailleurs licenciés fin 2016, qui n'ont toujours pas retrouvé un emploi, puissent être réembauchés, moyennant le cas échéant un complément de formation;

- à refaire le point sur l'évolution des marchés avec les directions des marques genevoises du groupe Richemont pour favoriser autant que possible le développement de leurs emplois dans notre canton.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 46 non contre 35 oui et 3 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous invite à présent à vous prononcer sur la motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2362 est rejetée par 46 non contre 26 oui et 11 abstentions.