Séance du
vendredi 1 novembre 2019 à
14h
2e
législature -
2e
année -
6e
session -
29e
séance
M 2580-A
Débat
Le président. Concernant l'objet suivant, M. Philippe Poget, rapporteur, ne prend pas la parole. Je la passe donc à Mme Isabelle Pasquier.
Mme Isabelle Pasquier (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais dire quelques mots sur cette motion, et tout d'abord rappeler la volonté clairement exprimée par la population genevoise de cesser le transport du chlore. La résolution 783 «Stop au transport de chlore pour protéger la population et permettre la construction de logements» a été adoptée à l'unanimité par ce Grand Conseil en 2015, mais les deux Chambres l'ont ensuite refusée. Elles ont été satisfaites par la réponse de la Confédération, à savoir la signature d'une convention volontaire entre l'industrie, les transporteurs et elle-même dans le but non pas de mettre un terme au transport de chlore, mais de diminuer les risques et surtout la pression.
Nous avons une appréciation différente. Certes, cette convention a permis de faire des progrès depuis 2016: la vitesse des trains a notamment été réduite, tout comme le nombre de convois qui passent par notre région, et la zone de La Praille est désormais évitée, ce qui a clairement diminué la pression en permettant de développer ce nouveau quartier. Les quantités transportées restent toutefois extrêmement importantes puisque 19 000 tonnes de chlore traversent encore chaque année la région genevoise. Il faut se souvenir qu'il y a 30% de létalité dans un rayon de 2,5 kilomètres en cas d'accident, soit 230 000 personnes potentiellement touchées à la gare Cornavin. Si cette nouvelle convention a, comme je l'ai dit, permis des améliorations, le changement de locomotive, qui se faisait avant à La Praille, se fait maintenant en plein centre-ville, à Cornavin. C'est donc là où seraient potentiellement touchées 230 000 personnes qu'a lieu chaque semaine une manoeuvre avec des trains transportant du chlore.
Nous restons extrêmement préoccupés. Dans sa récente réponse à une question que nous avions déposée, le Conseil d'Etat a indiqué qu'il restait lui aussi préoccupé par le transport du chlore et a annoncé une mesure: un test grandeur nature, en novembre 2019, pour déterminer comment réagir en cas d'accident. Cet exercice d'évacuation, qui a déjà eu lieu dans le canton de Vaud, devrait donc être organisé à Genève et c'est pourquoi cette motion a été déposée. Elle propose en effet de saisir cette occasion pour estimer de manière plus juste les coûts induits par le transport du chlore. C'est aussi une façon de mettre la pression sur la Confédération, qui considère que la situation est réglée: des mesures ont été prises pour diminuer les risques et elle n'entend pas, de ce fait, aller plus loin. Elle a fait des estimations pour définir les coûts si le chlore devait être produit en Valais - comme dans le canton de Bâle, qui produit lui-même son chlore - mais ce serait trop cher. Selon quelles modalités sont faites ces estimations pour dire que ce serait trop cher ? C'est en prenant en compte d'autres types de coûts - ceux engendrés en cas d'accident - que nous souhaitons rétablir la vérité sur ces montants.
Cette proposition de motion a été discutée en commission et, je dois le dire, assez vite votée dans l'idée de la renvoyer rapidement au Conseil d'Etat pour procéder à cette estimation des coûts en cas d'accident lorsque aura lieu cet exercice, en fin d'année.
Et puis juste une petite information: certains d'entre vous ont peut-être lu dans la presse que Lonza, l'une des deux entreprises qui utilisent du chlore en Valais, a annoncé qu'elle allait stopper la production de chlorure de cyanure. Si sa consommation va diminuer, il n'empêche qu'elle se montera encore à la moitié de ce qu'elle est maintenant. J'ai calculé: ça veut dire que 13 000 tonnes de chlore continueront à traverser la région lémanique malgré cette annonce récente de Lonza. C'est pourquoi je pense que cette motion garde toute sa pertinence. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, j'interviendrai sur la question du transport du chlore, mais je vous prie auparavant de m'excuser pour mon oubli: c'est la première fois que j'entends parler d'ajournement. Toujours est-il qu'il y a un problème: on aimerait savoir - c'est pour ça que je m'étais levé - quand le Conseil d'Etat va revenir sur le sujet. Un ajournement veut dire qu'on laisse un projet dans les limbes; je suis membre de la commission d'aménagement et tous les projets que nous votons en ce moment sont a priori ajournés parce que le Conseil d'Etat n'a pas encore déposé un projet de loi qui nous permette de contrôler exactement le nombre de mètres carrés et d'hectares qui restent à utiliser pour construire du logement, et du logement bon marché. Je me suis donc juste permis de poser humblement cette question au gouvernement; je pense qu'il devrait nous répondre pour que nous puissions continuer notre travail sereinement, Monsieur le président !
Cela étant dit, en ce qui concerne le transport du chlore, j'invite tous nos collègues à aller sur YouTube et à taper «chlore», «transport de chlore», pour voir les catastrophes, par exemple aux Etats-Unis, liées à des accidents de chemin de fer lors de transports de chlore. C'est dramatique ! Dramatique ! Il y a eu dans les années 1960 déjà des accidents, notamment dans la vallée du Rhône, chez nos voisins français, et c'était là aussi catastrophique. C'est un problème pour Ensemble à Gauche, mais on nous dit que si on transporte encore du chlore, on fait circuler les trains à 30 km/h à Cornavin - c'est dire si on prend des précautions. Ces précautions démontrent qu'il y a un grave problème en ce qui concerne le transport de cette substance.
Alors on nous dit: «Oui, mais technologiquement, c'est comme le climat: on ne peut pas aller plus vite, ça va prendre du temps !» Ce n'est pas vrai ! Il suffit que les collectivités publiques interdisent le transport du chlore et obligent les entreprises à procéder autrement. Elles en ont d'ailleurs les moyens - il s'agit de l'industrie chimique, c'est le plastique que nous utilisons tous les jours, le PVC, le polychlorure de vinyle, pour faire les fenêtres, quoique ce soit encore plus dangereux de l'utiliser pour les fenêtres parce qu'elles développent des matières ultratoxiques en cas d'incendie. Bref, toujours est-il qu'imposer à l'industrie l'interdiction de transporter du chlore me semble une nécessité.
Aujourd'hui, la Confédération dit: «Circulez, on a pris toutes les mesures minimales !» Non, Mesdames et Messieurs, Ensemble à Gauche est favorable à l'interdiction définitive de tout transport de chlore, notamment de polychlorure de vinyle, pour protéger la population: c'est quand même notre devoir minimum. Il faut imposer aux entreprises de procéder autrement: certaines ont pris les devants et produisent le chlore là où elles produisent le polychlorure de vinyle. Il n'y a pas de raison pour que d'autres, par flemmardise, j'ose l'imaginer, ou par instinct de profit, continuent à opter pour le transport et mettent en danger de manière perpétuelle toutes les personnes qui habitent près des chemins de fer, des voies de circulation. Merci de votre attention.
M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais juste souligner que ça fait des années que ce parlement est - «préoccupé» est un mauvais terme - catastrophé par le transport du chlore. On joue avec les vies humaines: on a beau avoir à disposition le meilleur plan en cas d'urgence et de catastrophe, il y a très rapidement entre 20 000 et 30 000 morts si un wagon est éventré. On parle du principe de précaution pour la 5G; franchement, s'il n'y a pas un principe de précaution pour le chlore, je ne sais pas quand il doit s'appliquer ! C'est un pur scandale que ce transport ne soit pas interdit. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je suis heureux qu'on reparle de la résolution car j'avais eu l'honneur de la défendre devant le Conseil des Etats en compagnie de Mme Lisa Mazzone. Il est vrai que le sujet me touche à titre personnel, compte tenu de mes anciennes fonctions professionnelles. En ce qui concerne notre groupe, nous serons évidemment toujours très attentifs au suivi.
Je voudrais simplement ajouter une petite chose aux propos de Mme Pasquier: un des éléments qui nous avait d'emblée été opposé lorsque nous étions en compagnie de Mme Mazzone à Berne, c'était la norme OPAM - nous étions largement en dessous des limites que celle-ci tolérait. Il serait peut-être bon, surtout maintenant que la représentation de nos collègues Verts à Berne est renforcée, de reprendre ce sujet par l'intermédiaire des représentants de tous nos partis; un accident de chlore au centre-ville était une des hantises du patron des pompiers que j'étais à l'époque. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, Raymond !
Le président. Merci. Nous passons au vote sur les recommandations de la commission, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la motion 2580 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 76 oui et 1 abstention.