Séance du
vendredi 7 juin 2019 à
16h10
2e
législature -
2e
année -
2e
session -
8e
séance
R 883
Débat
Le président. Nous passons à notre urgence suivante, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, il y a un peu plus de deux ans, après des doutes relevés par les partenaires sociaux, une intervention parlementaire avait mis en garde les Transports publics genevois sur l'offre anormalement basse de l'entreprise italienne Zaffaroni pour les travaux d'électricité du chantier d'En Chardon. Vous connaissez maintenant ce dossier par le biais de la presse, c'est très bien. Pour mémoire, le prix imbattable proposé couvrait à peine les matériaux et il restait entre 70 000 et 100 000 heures de travail à rémunérer à un coût plancher moyen de 50 francs. Ce calcul aurait dû interpeller un maître d'ouvrage responsable, qui plus est un maître d'ouvrage public ! Après une réponse lénifiante et d'une candeur sans précédent, force est de constater que les TPG sont restés sourds à nos appels - paritaires - et au fil du temps, les méthodes de rémunération de cette entreprise ont été révélées au grand jour: elles sont le fruit d'un montage honteux et scélérat !
Aujourd'hui, ce parlement ne saurait cautionner de telles pratiques et il doit envoyer un message clair au Conseil d'Etat afin que celui-ci intervienne auprès des TPG pour interrompre immédiatement les travaux d'électricité sur le chantier et résilier ce contrat. A mon avis, les TPG ont perdu leur bon sens; ils ont perdu de vue la mission qui est la leur, celle de respecter l'encadrement du marché du travail, encadrement qui ne peut fonctionner et remplir son but que s'il est soutenu politiquement.
Voter cette résolution doit déjà nous rassembler autour de certaines valeurs et appuyer le travail des commissions paritaires, qui a été bien fait, celui de l'OCIRT également. Ces organismes se battent pour le contrôle du marché du travail dans le respect des conventions collectives. Deuxièmement, il faut refuser un modèle d'entreprise sans foi ni loi qui pratique le dumping salarial et constitue une concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises citoyennes composées d'ouvriers et d'apprentis. Pour mémoire, il y a 400 apprentis électriciens à Genève: ce contrat était un bien mauvais message que nous leur avons envoyé. Il faut démontrer aussi que nous condamnons ces agissements et que ces méthodes n'ont pas leur place à Genève, siège de l'OIT. Le hasard du calendrier fait que la semaine prochaine, nous fêterons les 100 ans de la création de l'Organisation internationale du travail avec un symposium organisé pour cette occasion, dont le titre est: «Construire un avenir avec le travail décent». Il serait paradoxal que nous n'envoyions pas un message en ce sens !
Finalement, on peut laisser une vertu aux TPG, celle d'avoir rassemblé contre eux le patronat et les syndicats en ravivant un peu le partenariat social autour d'un même but ! Le message politique doit être très clair; il s'agit d'affirmer l'exemplarité et la responsabilité qu'on attend d'un maître d'ouvrage, public qui plus est. Cette responsabilité est aussi valable pour les privés; il s'agit de remettre l'éthique au centre de nos préoccupations et de redonner confiance en nos institutions politiques et leurs moyens d'action et de contrôle. Il faut vouer aux gémonies ces pratiques qui salissent l'esprit d'entreprise et les entrepreneurs. Je peux vous assurer en tant qu'entrepreneur responsable qu'il s'agit là de comportements qui nous blessent ! Je vous appelle donc à soutenir cette résolution. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, cette résolution est nécessaire et permettra de sanctionner la fraude et le comportement illicite s'ils devaient être avérés; il est même étonnant que le Conseil d'Etat et les TPG n'aient pas déjà réagi. Une entreprise qui ne règle pas les heures supplémentaires de ses collaborateurs et qui retient illégalement une partie des salaires doit être sanctionnée et même éliminée de nos marchés publics ! Notre Conseil d'Etat et les TPG - en tant que maître d'ouvrage - devraient assumer d'office leurs responsabilités. Pour rappel, n'importe quel propriétaire privé serait sanctionné avec effet immédiat.
Malheureusement, cette affaire n'est pas isolée sur les chantiers genevois. Dans les secteurs de la peinture, de la plâtrerie et des ferrailleurs, la gabegie et un environnement de tricherie sont presque la norme. Les responsables d'entreprises de ces trois secteurs sont choqués par cet environnement catastrophique et se plaignent que l'Etat et les organisations patronales ne fassent rien.
Cette gabegie et cet environnement de tricherie dans ces secteurs proviennent des raisons suivantes. Genève est le seul et unique canton qui ne contrôle pas les autorisations de séjour sur les chantiers. Deuxième point, autre spécificité genevoise: Genève ne contrôle pas le taux d'occupation des ouvriers sur les chantiers. Cette absence de rigueur permet à beaucoup d'entreprises de déclarer leur personnel uniquement pour une partie des heures effectuées. Troisième point, je reprends les termes d'entrepreneurs genevois de ces secteurs: l'Etat et les organisations patronales ne font pas leur travail !
Pour revenir à cette résolution, le secteur de l'électricité pose - heureusement - moins de problèmes, en principe. Dans cette branche, il existe des normes, il existe des contrôles pour les installations. Il existe des exigences pour la formation des électriciens, etc. Encore une fois, au sujet de cette résolution, dans ce cas précis, il s'agit d'une éventuelle fraude et d'une éventuelle infraction à la loi, et le groupe UDC soutient cette résolution.
Mme Isabelle Pasquier (Ve). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Verts déplorent la présente situation et témoignent de leur solidarité envers les ouvriers très probablement victimes de sous-enchère salariale sur ce chantier. Subir une ponction illégale de plus d'un millier de francs sur un salaire déjà modeste est inacceptable et scandaleux ! Pour les Verts, cette affaire met en évidence plusieurs problèmes liés à l'attribution et à la surveillance des marchés publics.
Tout d'abord pour l'attribution: le député Serge Hiltpold a indiqué que l'entreprise choisie proposait visiblement un prix anormalement bas. Selon les chiffres indiqués dans la presse, la plupart des firmes locales avaient proposé des devis au-dessus de 10 millions de francs. Le mandataire retenu était un tiers moins cher. Cela renvoie aux critères de décision pris en compte lors de l'attribution. Dans sa réponse à la question écrite urgente 625, le Conseil d'Etat a indiqué qu'il considère que la procédure a été respectée par les TPG, mais il donne aussi une piste intéressante. Si contester une offre anormalement basse semble difficile à ce jour - car la contestation est régulièrement annulée par les tribunaux - le Conseil d'Etat indique que c'est au niveau des critères d'appel d'offres qu'il faut agir. Ce cas démontre qu'il faut agir en amont pour influencer les règles et la pondération des critères de choix pour éviter la sous-enchère salariale présentement dénoncée, mais aussi la sous-enchère environnementale.
Ensuite, il y a la question du contrôle. Le cas présent indique que les contrôles sur le chantier ne suffisent pas puisque le prélèvement a été réalisé après le versement des salaires. La présidente du conseil d'administration des TPG a indiqué que lorsque les contrôles sur les chantiers étaient stricts, les velléités de fraude se déplacent ailleurs. Mais enfin, quand on opte pour un bien ou un service nettement moins cher, on sait bien que les économies se réalisent sur le dos de quelqu'un ! L'offre retenue aurait dû éveiller la suspicion !
Nous n'avons pas signé cette résolution, mais les Verts la voteront car il faut évidemment exclure le plus vite possible l'entreprise incriminée et s'assurer du sort des employés. Il faut donner un signal clair indiquant que nous n'acceptons pas ces pratiques mafieuses ! Les Verts s'inquiètent toutefois de l'interruption des travaux qui en résultera. Le dépôt d'En Chardon sera nécessaire pour la réorganisation du réseau de bus qui accompagnera la mise en service du Léman Express et les TPG craignent que les perturbations ne soient considérables. Or, vous connaissez l'attachement des Verts au déploiement d'un réseau de transports publics efficace. Une offre de qualité est nécessaire pour convaincre la majorité de nos concitoyennes et concitoyens d'opérer un transfert modal. Sans cela, nous ne serons pas à la hauteur des mesures que Genève doit prendre pour répondre à l'urgence climatique.
Suite à ce cas de sous-enchère salariale, j'invite les députés qui expriment aujourd'hui à juste titre leur indignation à agir aussi sur leurs collègues présents au Parlement fédéral, parce que la loi fédérale sur l'attribution des marchés publics sera en discussion la semaine prochaine. Il est prévu d'aborder la question des critères environnementaux, mais deux points dont on discute aujourd'hui sont encore contestés, à savoir la pondération du prix et de la qualité...
Présidence de M. François Lefort, premier vice-président
Le président. Merci, Madame la députée, il vous faut terminer.
Mme Isabelle Pasquier. Eh bien merci ! (Rire. Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, aujourd'hui, le Conseil fédéral publie son message relatif à la négociation de l'accord-cadre avec l'Union européenne. Cette publication et la valse-hésitation du même Conseil fédéral tous ces derniers mois ont créé un climat un peu inquiétant, avec des conséquences difficiles à comprendre et à assumer pour nombre de travailleurs de notre pays. Dans ce contexte, je pense qu'il n'est pas possible de laisser penser, de laisser imaginer qu'à Genève, on puisse sans autre pratiquer de la sous-enchère salariale en provoquant également de la concurrence déloyale par rapport à nos propres entreprises. Il est vrai que, d'après les renseignements que nous avons à disposition, les commissions paritaires ont extrêmement bien fait leur travail et ont vraiment bétonné les contrats qui ont été conclus. Malgré cela, on n'a pas pu éviter cet incident dont la gravité n'est pas à négliger.
Le Conseil d'Etat a déjà eu une bonne première réaction en demandant aux TPG de consigner les salaires des travailleurs concernés, mais nous pensons que cette résolution est nécessaire et il appartient au Grand Conseil de se positionner clairement par rapport à ça en disant qu'il n'est pas possible de laisser faire ce genre de choses. Les retards ou les surcoûts invoqués ne sont manifestement pas pertinents et il est clair que si le Conseil d'Etat prend des mesures rapidement, cela d'autant plus que les travaux d'électricité sont quasiment terminés, eh bien, on pourra remédier à cela en faisant appel à des entreprises locales honnêtes et respectueuses des conventions collectives.
C'est pour cela que le groupe démocrate-chrétien vous incite à accepter massivement cette résolution, Mesdames et Messieurs les députés. Je vous remercie.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe socialiste soutient avec conviction cette résolution. Je ne reviendrai pas sur les propos de M. Hiltpold qui marquent une indignation que nous partageons pleinement. J'aimerais pour ma part insister sur le fait que ce parlement doit s'engager activement - et il le fera - sur le thème des marchés publics. En tant que présidente de la commission de contrôle de gestion, je m'engage, et ma commission avec moi, à suivre avec attention cette problématique qui avait d'ailleurs été abordée par notre collègue Gabriel Barrillier. Ce point fait d'ailleurs l'objet d'un suivi régulier de la commission de contrôle de gestion.
J'aimerais aussi indiquer que si nous voulons garantir le partenariat social et le respect des conventions collectives de travail et mener la lutte contre le dumping salarial, nous devons affirmer haut et fort qu'il est inadmissible qu'une régie publique se comporte de cette façon. Quand on accepte une offre avec une différence de plus de 1,5 million de francs, on cautionne ou on ferme les yeux sur des pratiques absolument scandaleuses. Par conséquent, nous soutenons la demande que fait cette résolution d'un arrêt immédiat des travaux d'électricité et nous n'entrons pas en matière à propos du pseudo-chantage sur le ralentissement du chantier: il a été mentionné que de nombreuses entreprises locales pourront terminer ces travaux nécessaires dans les délais impartis.
De la même façon, nous ne pourrons absolument pas tolérer que les différences salariales qui doivent être octroyées soient prises en charge de manière détournée par le canton. Les TPG doivent assumer cette différence salariale, ils doivent octroyer ce qui est dû aux travailleurs qui ont oeuvré sur ce chantier. Nous serons très attentifs à ce qu'il n'y ait aucun détournement et que ce ne soit pas l'Etat qui supplée à un manquement de l'entreprise. Pour toutes ces raisons, nous soutenons cette résolution. (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit, je m'associe pleinement à mes préopinants. Dans mon activité professionnelle, je suis aussi maître d'ouvrage, et je me suis posé un certain nombre de questions en lisant comme vous la presse. D'abord, il est faux d'affirmer qu'au moment du choix du mandataire, on ne pouvait que sélectionner le moins-disant ! Mesdames et Messieurs, si l'écart était tellement grand - à en croire la presse - cette entreprise pouvait être éliminée du fait même de cet écart. Là, déjà, il y a une première erreur. A mon sens, le Conseil d'Etat devrait porter un regard attentif sur celles et ceux qui ont fait ce choix du mandataire !
Deuxième problème, la présidence et la gouvernance des TPG ont agi pour s'associer à la dénonciation, mais là où je m'étonne aussi, c'est en ce qui concerne l'arrêt du chantier. Evidemment, le dumping salarial n'est pas le propre des collectivités publiques. Il m'est arrivé d'opérer un contrôle sur le chantier du MEG lors duquel un ouvrier est parti en courant, prétendument pour aller chercher sa carte d'identité. J'ai immédiatement fait arrêter le chantier, qui a repris deux semaines après. Depuis lors, je peux vous dire que les entreprises se gardent bien d'avoir des pratiques quelque peu illégales sur les chantiers de la Ville !
Je ne comprends donc pas qu'on puisse dire aujourd'hui qu'il est impossible de changer de mandataire en cours de route. Là aussi, j'invite le Conseil d'Etat à porter un regard très précis sur ceux qui exercent ce genre de chantage et à voir s'il n'y a pas les mêmes personnes au début et à la fin de la chaîne, parce que ces pratiques doivent être combattues, y compris à l'intérieur des grandes régies publiques ! Je ne veux pas enfoncer le clou, on a d'ailleurs vu que ça arrivait dans d'autres régies. Ce sont des pratiques qui me paraissent condamnables. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
On a dit qu'il faudrait renforcer les critères des procédures AIMP. C'est ce qui est en train d'être fait avec M. Dal Busco, pour cadrer un peu ces procédures, mais il ne faudrait pas trop rajouter de critères, parce qu'après, ça devient extrêmement lourd. A votre sourire, je vois que je vais dans votre sens, Monsieur le magistrat chargé des constructions ! Par contre, quand nous siégions avec M. Barrillier, Ensemble à Gauche ou l'Alliance de gauche avait proposé...
Le président. Merci, Monsieur le député, c'est terminé.
M. Rémy Pagani. Je finis !
Le président. C'est terminé, je suis désolé ! Monsieur le député François Baertschi, vous avez la parole.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. La faute principale a été d'attribuer ce chantier à une société italienne qui a une succursale dans le canton de Vaud. Telle a été l'erreur, telle a été l'erreur capitale ! Le MCG se bat pour donner la priorité aux PME genevoises. Nous avons déposé une motion qui n'a pas encore été étudiée par cette assemblée, mais la grande majorité s'oppose déjà à ce texte qui demande une redéfinition des appels d'offres. C'est ce qui figure dans cette motion. De manière générale, nous remarquons dans ce Grand Conseil une incohérence fondamentale, particulièrement au PLR. Celui-ci se plaint des effets de la mondialisation, mais il défend une internationalisation de l'économie qui broie irrémédiablement les PME genevoises. Prétendre défendre les PME genevoises en même temps que cette internationalisation est impossible ! Le MCG votera cette résolution, mais nous ne sommes pas dupes: il faut attaquer le mal à la racine et on ne l'attaque pas avec cette résolution. En revanche, il faut véritablement prendre en compte cette difficulté et trouver une majorité au sein de ce Grand Conseil, non pas pour verser des larmes de crocodile, mais pour parvenir à des solutions, ce qui ne se fera pas à coups de déclarations hypocrites.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme vient de le dire mon préopinant du MCG, il est facile de crier au loup aujourd'hui. Lorsque c'est le MCG qui crie au loup, on nous dit que ce n'est pas possible ! Maintenant, la gauche crie au loup en disant qu'il faut prendre des mesures. Il faut prendre des mesures, mais pas après ! Il faut les prendre avant ! Il faut privilégier les entreprises locales et, peut-être, discuter pour savoir si Genève doit rester dans les AIMP. C'est peut-être aussi une question que nous devons nous poser malgré tous les contrôles que nous faisons. A Genève, il y a le plus de contrôles de toute la Suisse, mais on ne peut quand même pas mettre un agent de l'Etat ou de la commission paritaire sur tous les chantiers et derrière tous les employés. Ce n'est juste pas possible ! Par conséquent, je crois qu'il faut se poser la question au départ, pour changer la donne et faire en sorte qu'on puisse octroyer le travail aux entreprises locales et à personne d'autre.
M. Serge Hiltpold (PLR). Encore une remarque sur deux ou trois points de la situation qui me paraissent essentiels. A nos yeux, au PLR, le permis de travail n'est pas la cause de tous les maux. Les contrôles paritaires fonctionnent. Il est démontré que ça a fonctionné puisqu'on a pu constater une méthode complètement indigne de rétrocessions sur des salaires versés à 100%. Quand on fait ce genre de contrôle, on n'y va pas à la légère: des procédures doivent être instruites et étudiées, tout cela pour préserver la crédibilité du contrôle et à cause des problèmes juridiques qui peuvent en découler. On peut donc quand même être rassuré sur les moyens de contrôle.
Ce qu'on doit donner à voir comme image, et faire surtout comme geste politique, c'est de montrer qu'on est capable d'assurer un contrôle du marché du travail efficace. Les entreprises n'ont pas peur d'une concurrence internationale si cette concurrence est juste, si elle est équilibrée. Il faut seulement que les curseurs soient au même niveau.
Notre message ne s'oppose pas à tout. C'est un message visant le contrôle du travail, pour empêcher la déception, l'amertume, parce qu'il faut être juste: l'analyse au départ des points problématiques de l'offre - anormalement basse - n'a pas été faite correctement. On vous demande seulement une confirmation des prix, vous répondez que vous les confirmez, mais il n'y a pas une méthode claire d'analyse de l'offre. C'est très simple, je peux en parler à propos de mon petit domaine. Dans le secteur de la menuiserie-ébénisterie, vous avez des ratios pour le matériel et la main-d'oeuvre suivant ce que vous faites. A un moment donné, quand vous couvrez à peine le prix du matériel avec le prix indiqué, vous savez qu'il n'est pas possible que ça comprenne la main-d'oeuvre. J'en appelle à une union de ce parlement afin qu'on puisse définir un cadre clair !
Le président. Merci, Monsieur le député. Une fois n'est pas coutume, deux conseillers d'Etat souhaitent s'exprimer sur cet objet... Non, excusez-moi, il y a de nouveaux inscrits, en l'occurrence M. le député François Baertschi, à qui il reste vingt secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez au député Hiltpold que les mesures qu'il demande sont largement insuffisantes: on ne sortira pas de l'impasse dans laquelle nous sommes actuellement si on ne rend pas une véritable position de préférence aux entreprises locales et si on ne cadre pas mieux les attributions de marchés !
Le président. Merci, c'est terminé ! Monsieur Pfeffer, il vous reste également vingt secondes.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. A Genève, il y a effectivement trois à quatre fois plus de contrôles que partout ailleurs. Le problème n'est pas là, il porte sur les critères. Si nous ne contrôlons pas le taux d'occupation à Genève, nous avons une situation qui est malheureusement beaucoup trop fréquente, surtout dans le domaine de la peinture où les gens n'annoncent qu'une partie du travail effectué.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le Conseil d'Etat comprend tout à fait le sentiment qui habite votre parlement, ce sentiment d'indignation, d'amertume et d'incompréhension. Le Conseil d'Etat partage très fortement ce sentiment et nous nous posons la question de savoir comment on peut arriver à des situations pareilles - si les faits sont avérés. Je tiens quand même à le rappeler, pour l'instant, ce n'est pas encore le cas; vous le savez, des enquêtes sont en cours.
Je voulais également rappeler que le Conseil d'Etat est intervenu immédiatement, contrairement à ce qui a été affirmé dans les médias. Dès que j'ai eu connaissance de ces faits potentiellement délictueux, j'ai demandé personnellement à la présidente des TPG de consigner les montants incriminés, de manière très large, pour que les lésés que seraient les ouvriers - ce sont eux qui sont lésés en premier lieu - ne le soient finalement pas et puissent être indemnisés et payés comme il se doit, par le maître d'ouvrage, pas par l'Etat de Genève, je tiens à le préciser pour répondre à une interrogation exprimée. On a donc appliqué immédiatement un principe de précaution.
Celles et ceux qui ont indiqué que le problème se situe très en amont - c'est-à-dire au moment de l'appel d'offres et de l'adjudication, il y a trois ans - ont peut-être raison. Peut-être que ce même principe de précaution aurait dû être appliqué à ce moment-là, mais on ne refait pas l'histoire. Surtout que, comme la suite l'a démontré - et M. Hiltpold l'a rappelé - les contrôles ont fonctionné parfaitement: ce chantier a probablement été le plus contrôlé de toute l'histoire de la république. En tout cas, en matière publique, il a été convenu des dispositions conventionnelles avec les commissions paritaires, il y a eu des contrôles. J'ai examiné en détail tous les éléments et rien n'a été décelé, tant par les représentants syndicaux que par les représentants patronaux. Ce serait véritablement une astuce, une escroquerie de haut vol, si la situation décrite par les médias était avérée.
Je vous prie de croire aussi que le département était intervenu à l'époque; il s'interrogeait sur cette offre qui paraissait déjà basse, mais des garanties avaient été apportées par rapport à ces inquiétudes.
Je tiens également à dire, en tant que président de la commission consultative en matière de marchés publics - organe de vingt personnes qui regroupe les partenaires sociaux, les entreprises, les mandataires, etc., et où la position commune de ce parlement est très largement partagée - qu'il y a une nécessité de penser à tous les aspects, pas seulement aux contrôles que mon collègue Poggia pourra évoquer de manière plus approfondie, mais également à toutes les questions de critères d'attribution. Mesdames et Messieurs les députés, tout cela est largement partagé au sein de cette commission et c'est salutaire: il y a véritablement une grande convergence qui me fait penser qu'on peut améliorer la situation.
Maintenant se pose la question de l'arrêt du chantier qui est l'objet de la première invite. Je peux vous garantir que les conséquences d'une telle interruption sont examinées de manière extrêmement poussée. En l'état, je peux vous indiquer que ce serait de nature à poser un certain nombre de problèmes; les choses ne sont pas aussi simples que certains et certaines d'entre vous peuvent le croire et le dire. Ça ne se règle pas d'un coup de cuillère à pot, surtout pour un chantier de cette importance, avec divers degrés d'avancement et une convergence de la fin des travaux extrêmement complexe. Une chose est certaine, il faut vraiment faire attention aux conséquences d'une décision de ce type, parce que les lésés pourraient être encore bien plus nombreux, y compris, probablement, dans certaines entreprises genevoises d'autres corps de métiers qui verraient leur activité interrompue de manière assez abrupte. Ce que je peux vous dire, c'est l'engagement qui est pris ici: on va examiner les conséquences de cette affaire. N'oublions pas non plus la nécessité de la mise en service prochaine, parce que c'est un tout autre problème pour l'organisation des transports publics qui apparaîtra si la mise en service de cet ouvrage est retardée, en particulier lors de la révolution qui surviendra en cette fin d'année.
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat prend acte de ce qui semble être une volonté très large de sanctionner, par le vote de cette résolution, des pratiques qui seraient totalement inadmissibles - qui sont inadmissibles - mais je voulais quand même vous apporter toutes ces précisions pour que vous compreniez les enjeux attachés à l'achèvement de ce chantier.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Monsieur le président de séance, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'apporter un éclairage différent de celui - très juste - de mon collègue Dal Busco. D'abord, vous comprendrez que mes propos resteront en deçà de ce qui risquerait de compromettre l'enquête actuellement en cours, menée à la fois par l'OCIRT et la police judiciaire, deux services rattachés à mon département.
En vous entendant, j'ai l'impression que certaines ou certains d'entre vous ont le sentiment que le Conseil d'Etat a attendu que cette affaire défraie la chronique pour faire quelque chose. D'entrée de cause, croyez-vous réellement que rien n'a été entrepris préalablement ? Personnellement, j'ai profondément regretté que ce dossier soit porté à la connaissance de l'opinion publique alors qu'une enquête était en cours et, bien évidemment, alors que les personnes qui faisaient l'objet de cette enquête ne se doutaient pas que celle-ci était en cours. Le fait que les syndicats portent cette affaire dans les médias a été particulièrement contreproductif, je tenais à le dire.
On voit bien qu'il y a une incertitude dans vos propos, puisqu'on parle d'une fraude éventuelle, d'ouvriers certainement victimes... (Commentaires.) ...«certainement» ne voulant pas dire «absolument», mais «peut-être». A ce stade, on se rend bien compte qu'une enquête est en cours et que tout le monde attend le résultat de celle-ci. Cela ne veut pas dire que certains résultats ne sont pas déjà connus. Cela ne veut pas dire que rien ne doit être fait, mais une chose est en tout cas certaine: j'ai entendu quelqu'un dire qu'à Genève, on ne contrôle pas les permis de travail sur les chantiers, que Genève serait le cancre du contrôle paritaire. Excusez-moi ! Genève est le premier de classe dans les contrôles de ce type, notamment dans des secteurs dans lesquels il y a des conventions collectives avec des commissions paritaires qui ont parfaitement joué leur rôle et qui ont travaillé avec beaucoup d'attention. Bien sûr, la question du taux d'occupation fait l'objet d'une attention particulière. On peut vous dire que le salaire est réduit parce que la personne travaille à 50% alors que la personne est là tous les jours à 100% ! C'est le moyen le plus gros - si vous me passez l'expression - pour tromper son monde, mais cela ne trompe personne puisque à l'entrée du chantier, il y a précisément des machines qui contrôlent les heures d'entrée et de sortie des personnes qui y travaillent ! Ce n'est donc pas le propos ici.
Il s'agit en plus de travailleurs dont l'annonce en Suisse a été faite; ce sont des personnes venant de l'Union européenne et qui sont donc autorisées à travailler en Suisse. Il n'est ainsi pas question de travailleurs illégaux comme j'ai cru le comprendre dans certaines interventions. La question qui se pose est de savoir s'il y a eu un montage financier laissant croire que le salaire obligatoire selon la convention collective était bien versé alors qu'il était ristourné en tout ou partie - en partie certainement - à l'employeur. Donc, attendons les résultats de l'enquête !
Je voulais encore dire que la situation des TPG est un des aspects du problème; il est évident que les employés n'ont pas à subir de préjudice. On peut rendre grâce à mon collègue d'avoir fait en sorte que les travailleurs ne soient pas victimes de ces machinations si celles-ci sont finalement reconnues. Je dirais presque que c'est la moindre des choses qu'il n'y ait pas de victimes de ce système !
Mais il y a d'autres abcès... d'autres aspects, pardon ! (Rires.) Il y a des abcès qu'il faudrait crever, mais on s'en occupera ! Il y a d'autres aspects du problème qui concernent le droit public et pas uniquement le droit privé, c'est-à-dire les relations employeur-employé avec un salaire versé partiellement. Ce sont des aspects concernant l'application de notre accord intercantonal sur les marchés publics, édicté afin d'assurer une saine concurrence, on l'a dit. Bien évidemment, si ces machinations sont avérées, alors cette concurrence n'était pas saine, elle était clairement déloyale. Il ne s'agit pas simplement de fermer un chantier, comme on le demande, avec des conséquences sur d'autres entreprises; il s'agit de sanctionner une entreprise qui a violé les règles qui s'appliquent chez nous, qui sont celles de l'AIMP.
Ce débat intervient peut-être un peu trop tôt, mais sachez que vos préoccupations sont celles du Conseil d'Etat - si je peux vous rassurer à ce stade. Ces préoccupations sont d'ailleurs celles du Conseil d'Etat depuis plus longtemps que la date à laquelle ces faits ont été portés à la connaissance du public, et si des sanctions doivent être prises, elles le seront ! Elles le seront de manière immédiate, cela sera certainement décidé dans un avenir proche.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons à la procédure de vote sur cette résolution.
Mise aux voix, la résolution 883 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 88 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)