Séance du
vendredi 7 juin 2019 à
14h
2e
législature -
2e
année -
2e
session -
7e
séance
P 2058-A
Débat
Le président. Nous examinons la dernière pétition, soit la P 2058-A. La parole va à Mme Delphine Klopfenstein Broggini.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous connaissez certainement les célèbres bisons de Collex-Bossy: c'est bien d'eux ou plutôt de leur prairie qu'on parle à travers ce texte. La commission, par le biais de cette pétition des habitantes et habitants, a pris connaissance d'un projet visant à créer une énorme décharge de matériaux inertes d'excavation à cheval sur les communes de Collex-Bossy et Bellevue: elle serait installée sur la prairie des bisons qui représente 700 000 mètres carrés, soit 70 hectares, l'équivalent de cent terrains de foot. Le chantier organisé en phases durerait dix ans et, selon les estimations, engendrerait le mouvement de 200 camions par jour, soit trente par heure.
Cet ouvrage est gigantesque par son emprise au sol. Imaginez: la décharge représente deux fois la surface du village de Collex-Bossy ou encore l'équivalent du tarmac de l'aéroport ! Son impact environnemental et sur la santé publique est colossal également, en raison tant du passage des camions que de la poussière du chantier, réelle pollution aux particules fines. Pour rappel, même si la zone en question n'est pas extrêmement dense en termes d'habitations, l'infrastructure est prévue aux portes du hameau de Crest d'El, sous les fenêtres des habitantes et habitants.
Une voix. C'est une invasion !
Mme Delphine Klopfenstein Broggini. Il vaut certainement la peine d'effectuer un zoom sur la région concernée, une belle région, évidemment, mais prise en otage entre l'autoroute et l'aéroport dont les nuisances sont toujours plus fortes: les avions la survolent quotidiennement du matin à 6h au soir à minuit. Et je ne parle même pas d'un autre projet de décharge, celle des mâchefers, potentiellement planifiée sur cette même commune.
Si la majorité de la commission reconnaît pleinement l'importance de traiter nos déchets sur notre propre territoire, notamment ceux-ci, qui ne sont pas pollués, leur masse totale s'élève quand même à 3,6 millions de tonnes par an. A l'heure actuelle, 50% des détritus sont pris en charge à Genève et 30% partent en France. Bien sûr, nous devons trouver des solutions pour ne pas les exporter, mais cela doit aussi passer par un meilleur recyclage - seuls 15% de leur volume sont recyclés aujourd'hui ! - et une meilleure répartition sur le territoire. Pourquoi ne pas construire le remblai le long de l'autoroute de Chambésy à Versoix, par exemple ?
Nous sommes tout au début du projet, l'enquête publique est sur le point de commencer, et il nous paraît essentiel de porter au Conseil d'Etat les craintes légitimes des pétitionnaires de manière que ceux-ci soient pris en considération dans la suite du processus. Dans cette perspective, Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous vous encourageons à faire bon accueil à cette pétition en la renvoyant au Conseil d'Etat.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je salue dans le public un groupe d'étudiants du Cégep de Saint-Hyacinthe, au Québec, qui viennent assister à notre session dans le cadre d'un cours de terrain sur la politique. Ils sont accompagnés par leur professeur de science politique, M. François-Olivier Chené. (Applaudissements.) La parole revient à M. Alexis Barbey.
M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la première chose à déterminer dans cette pétition, c'est de quoi on parle exactement: on parle de gravats qui n'ont aucun caractère dangereux, qui ne sont pas pollués, radioactifs ou que sais-je, ce sont simplement des déchets de construction qui sont le résultat du développement de Genève. Si ce développement est une bonne chose, il entraîne immanquablement un certain nombre de désagréments, en particulier celui de traiter les déchets.
Or il relève de la responsabilité du canton de gérer ces détritus à l'intérieur de nos frontières et non pas de les envoyer systématiquement en France en jetant un voile sur ce qu'on pourrait en faire là-bas. A cet égard, il s'agit de minimiser autant que possible leur impact sur la population genevoise et donc de trouver des endroits peu peuplés pour procéder à leur traitement, ce qui n'est pas une sinécure dans un canton aussi dense que le nôtre.
Un autre biais pour y arriver, c'est d'exploiter les décharges de déchets inertes de manière phasée, c'est-à-dire de les séparer en cinq parts et de n'en utiliser qu'un cinquième à la fois; c'est l'option qui a été adoptée ici, ce qui induit une exploitation pendant près de dix ans, mais des nuisances bien moindres pour la population locale. Il faut savoir qu'il n'y a pas énormément de périmètres à Genève qui seraient qualifiés pour accueillir une décharge de ce type et que plus la taille de l'ouvrage est importante, plus on résout le problème pendant longtemps pour l'ensemble du canton. Et là, il s'agit d'une dizaine d'années, ce n'est pas rien; je vous invite à prendre en considération la conséquence de notre vote s'agissant de l'exploitation des déchets à Genève.
Les gens de Collex-Bossy se sont naturellement émus de cette décharge; à notre sens, ils ont été un petit peu plus émotifs que nécessaire. Les qualificatifs du rapport de minorité vis-à-vis de Collex-Bossy et de ses habitants ne sont pas du tout méprisants, je crois réellement que ce projet est extrêmement bien fondé.
Cela étant, lors de notre étude de la pétition, nous avons auditionné le canton et la commune de Collex-Bossy, mais oublié un intervenant relativement important, à savoir l'exploitant de la décharge. Or il faudrait qu'il puisse nous expliquer comment il compte réduire l'impact de cet ouvrage sur les habitations. Je demande donc le renvoi de cet objet en commission de sorte que nous l'examinions sous cet angle-là.
Le président. Merci bien. Est-ce que la rapporteuse de majorité veut prendre la parole en ce qui concerne le renvoi ? (Remarque.) Oui ? Très bien, Madame, je vous laisse la parole.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Non, il est exclu de renvoyer cette pétition en commission. Nous avons mené de nombreuses auditions, nous avons discuté avec les pétitionnaires dont les craintes sont justifiées, nous sommes convenus avec eux qu'il s'agit essentiellement de redimensionner le projet. C'est vraiment là tout l'enjeu, Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est-à-dire revoir l'emprise de la décharge sur le territoire; il ne s'agit pas de s'y opposer catégoriquement, mais bien de revoir ses proportions, parce qu'elle est absolument énorme. Allez jeter un oeil aux annexes, à la fin du rapport de majorité: on voit que cette infrastructure prend une place beaucoup plus importante que toutes les autres décharges du canton. Alors non, pas de retour en commission, nous devons renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat aujourd'hui afin qu'il puisse la verser à l'ensemble du dossier.
Le président. Bien, merci. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la pétition 2058 à la commission des pétitions est adopté par 50 oui contre 38 non.