Séance du
vendredi 1 mars 2019 à
18h10
2e
législature -
1re
année -
9e
session -
57e
séance
PL 10605-R-C
Premier débat
Le président. Nous en sommes au PL 10605-R-C dont nous débattons en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Christo Ivanov... (Un instant s'écoule.) ...s'il veut bien venir s'installer sur l'estrade...
Une voix. Il arrive, il arrive. (Un instant s'écoule.)
Le président. Allez-y, Monsieur.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. J'insère ma carte... Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ce projet de loi demande la gratuité des transports publics pour les usagers et usagères de moins de 18 ans. C'est un vieux débat qui resurgit de manière régulière devant ce Grand Conseil.
En Suisse, les transports publics et les CFF sont gratuits jusqu'à 6 ans et à prix réduit entre 6 et 16 ans, tout comme à Genève, d'ailleurs - qui, pour une fois, se situe dans la moyenne helvétique. Notre canton pratique les tarifs les plus bas du pays: 3 F l'heure pour les adultes, 2 F pour le demi-tarif. Il s'agit de prix vraiment dérisoires. Ces dernières années, le souverain genevois a voté à deux reprises pour le maintien du tarif actuel; dont acte.
Avec le développement du réseau et l'arrivée du Léman Express, il manque déjà 21 millions de francs pour couvrir le contrat de prestations 2018 et les investissements prévus. Voilà de nombreuses années que les TPG font face à des problèmes de recettes; l'an dernier, notre parlement a dû voter un complément au budget afin de boucher les trous et de combler le déficit de l'exercice 2017. L'extension du réseau des transports publics nécessitera d'importants moyens financiers supplémentaires dans les années à avenir: citons l'arrivée du tram 17, le prolongement de la ligne jusqu'à Bernex, le développement du tram en direction de Ferney-Voltaire, et j'en passe.
La gratuité pour les usagers et usagères de moins de 18 ans est donc une fausse bonne idée. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des transports vous demande de refuser ce projet de loi.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi datant de 2009 revient pour la troisième fois de commission, parce qu'il s'est chaque fois trouvé une majorité pour ne pas entrer en matière dessus, avant que le plénum, dans sa grande sagesse, considère qu'on ne peut pas refuser une mesure aussi raisonnable, aussi sociale, aussi écologique, aussi pédagogique, aussi intelligente, aussi nécessaire ! Cette navette a duré dix ans, et on tombe aujourd'hui à point nommé, puisque le débat intervient précisément au moment où la jeunesse se mobilise massivement pour exiger des changements dans notre consommation énergétique et pour défendre le climat, ce qui passe notamment par un transfert modal en direction des transports en commun.
Cette mesure est tout à la fois écologique, sociale - elle favorise les familles - et pédagogique, parce qu'elle conduit à un apprentissage facilité de l'usage de cet outil fantastique que sont les TPG. Ainsi que le ministre chargé des transports l'a rappelé et que le rapporteur de majorité l'a dit, il y a un développement important de l'offre, et c'est précisément parce que la collectivité déploie cet effort massif qu'on doit investir dans une incitation plus particulière, dans un effort de formation quant à l'utilisation des transports publics.
Quand on évoque l'aéroport, on fait toutes sortes de comparaisons - La Blécherette, l'aéroport de Limoges-Bellegarde - alors parlons un peu du Luxembourg, qui possède avec Genève de nombreux points communs que je ne vous détaillerai pas sur le plan économique et des dimensions: depuis le 1er août 2018, chaque enfant et chaque jeune - non pas de moins de 18 ans, mais de moins de 20 ans ! - peut utiliser les transports en commun gratuitement et sans ticket sur l'ensemble du territoire national. Et le Luxembourg n'est pas régi par une bande de gauchistes, le gouvernement en place a des libéraux à sa tête qui défendent une mesure qui sera introduite le 1er mars 2020, à savoir la gratuité totale des transports en commun dans l'ensemble du pays. Gratuité totale des transports en commun dans l'ensemble du pays ! Cette mesure constitue l'un des éléments phares du programme du gouvernement auquel sont associés également des Verts.
En comparaison, Mesdames et Messieurs, ce qu'on vous propose ici est d'une modération extrême, on n'est pas au Luxembourg, on ne demande pas la gratuité totale - mais il faudra y venir, sans aucun doute - on propose simplement la gratuité pour les jeunes jusqu'à 18 ans. Nous avons les moyens de nous payer cette mesure qui n'engendrerait qu'une augmentation très modeste du subventionnement global des TPG, un subventionnement nécessaire et qu'il faut défendre et voir renforcé, comme le vise cet excellent projet de loi. (Quelques applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous le savons tous, les habitudes de mobilité s'acquièrent dès le plus jeune âge. A cet égard, le présent projet de loi constitue une opportunité à saisir afin d'inciter nos jeunes, qui deviendront par la suite un peu moins jeunes, à utiliser des modes de déplacement alternatifs au transport individuel motorisé, en l'occurrence les transports collectifs.
Ce transfert modal est absolument impératif pour l'avenir, surtout lorsqu'on pense à la saturation du réseau routier, à la pollution atmosphérique dont on a amplement parlé au cours de ces deux derniers jours, à la pollution sonore et au taux d'accidents qui sont préoccupants. Pour répondre à ces défis, il faut rendre les transports publics plus attractifs, en particulier pour les jeunes, et on peut le faire par le biais de ce projet de loi. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, investir dans la gratuité des transports publics pour les jeunes, ce n'est rien d'autre qu'investir en faveur de la transition vers une mobilité plus durable.
Il est par ailleurs important de rappeler qu'en dépit de l'initiative puis, quelques mois plus tard, du référendum sur les tarifs des TPG qui ont permis de maintenir des prix abordables, ceux-ci restent encore prohibitifs pour certains ménages. Prenons l'exemple d'une famille composée de deux adultes et deux enfants, qui sont des usagers occasionnels des transports collectifs: un aller-retour pour une sortie leur coûtera plus de 20 F. Ainsi, beaucoup d'entre eux font le choix de la voiture, non par habitude, non par confort, non par idéologie, mais tout simplement par rationalité économique. La gratuité des transports publics pour les jeunes de moins de 18 ans représenterait un véritable encouragement pour ces personnes. Aux yeux de la minorité, la mobilité est tout autant un besoin qu'un droit, lequel doit être garanti à l'ensemble de la population. Nous devons permettre aux jeunes issus d'une classe sociale modeste ou défavorisée de se déplacer, ceci aussi afin de lutter contre le phénomène de ségrégation spatiale.
A notre sens, le service public de transport doit être assumé dans une plus large mesure par l'Etat et financé par l'impôt. Le projet de loi prévoit que le financement de la gratuité pour les moins de 18 ans se fait par une augmentation de la subvention. Grâce à la loi 12128 votée il y a deux ans, qui compense automatiquement des baisses de financement liées à une réduction des tarifs par une augmentation de la subvention, et contrairement à la situation qui prévalait au moment du dépôt de ce projet de loi, nous n'avons aucune crainte à avoir quant à une éventuelle détérioration de l'offre.
Ce texte, Mesdames et Messieurs les députés, constitue un véritable signal en faveur de la mobilité durable ainsi qu'un geste à l'attention des usagers et du jeune public des TPG, et c'est pour ces raisons que la minorité vous appelle à l'accepter. Je vous remercie.
M. Jean Burgermeister (EAG). Les choses sont parfois bien faites: voyez ce projet de loi qui a été déposé il y a dix ans, qu'une majorité hostile n'a jamais réellement osé refuser et a toujours préféré renvoyer en commission, le voilà qui resurgit dans notre plénière à point nommé, au moment où des dizaines de milliers de jeunes se mobilisent à travers tout le pays - et même bien plus largement - pour réclamer des mesures fortes en matière d'environnement, et c'est exactement à ces jeunes-là que nous nous adressons avec ce projet de loi. Il est évident que notre parlement doit à tout prix voter ce texte qui n'a qu'un seul défaut, celui de restreindre la gratuité aux moins de 18 ans.
Ce projet de loi touche très juste, puisqu'il permet tout à la fois d'accélérer le nécessaire transfert modal, de pousser les jeunes à prendre de bonnes habitudes en matière de déplacements en les encourageant à emprunter les transports publics et de soutenir les familles les plus modestes, pour qui payer un, deux ou trois abonnements de bus - voire plus - pour leurs enfants représente un coût important. C'est exactement le genre de solution sur lequel nous devons miser pour une vraie transformation de la société, car il répond à des préoccupations sociales et environnementales tout à fait légitimes.
A cet égard, le rejet de ce projet de loi par une partie des Verts est quelque peu inquiétant. Je cite la motion qu'ils ont présentée tout à l'heure et qui parlait de «crise écologique majeure» qu'il s'agit de reconnaître et de «gérer de manière prioritaire». Eh bien «prioritaire», ça veut justement dire qu'on se donne les moyens de mener des politiques conséquentes et non pas qu'on fait marche arrière dès lors qu'il y a quelque coût financier. Refuser cet objet, ce serait un très mauvais signal qu'enverrait le Grand Conseil aux jeunes qui se mobilisent massivement; la frilosité qui ressortirait de ce vote contrasterait fortement avec l'ampleur des mobilisations et les mesures extrêmement fortes qu'ils réclament.
Quant aux PLR dont je sais certains encore hésitants, vous qui évoquez régulièrement les propriétaires de villas démunis qui ne possèdent rien d'autre que leur petit bien immobilier, sachez que ce projet de loi s'adresse aussi à eux. En effet, ils vivent souvent à la campagne, doivent envoyer leurs enfants à l'école en ville, et ces enfants prennent le bus tous les jours - je le sais bien, j'ai grandi à Gy. Alors soyez cohérents, soutenez ces petits propriétaires de villas que vous défendez tout au long de l'année et votez ce projet de loi avec nous. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rappeler quelques points importants au sujet des transports publics, même si certains ont déjà été évoqués. D'abord, les enfants en bas âge - de 0 à 6 ans - ne paient rien, tandis que la tranche des 6 à 16 ans bénéficie d'un prix réduit. Ensuite, les TPG ont connu une baisse des tarifs en 2014 qui a engendré une perte de recettes d'environ 10 millions, mais - et c'est là le point important - sans augmentation de la fréquentation. Ainsi, la gratuité en tant que telle ne renforcera pas forcément l'usage des transports publics.
D'autre part, il ne faut pas oublier que les TPG offrent des prestations de qualité qui ont une valeur et un prix, des prestations déjà largement subventionnées - pour plus de 50% - par l'Etat, il est important de le savoir. Or on sait que la gratuité d'une prestation en dévalorise souvent la valeur, que tout ce qui est gratuit n'est pas respecté, on le voit dans beaucoup de situations: les déprédations, le manque de respect constituent un effet pervers de la gratuité. A cet égard, je ne suis pas certain que le message envoyé à nos jeunes, à savoir que de plus en plus de choses sont gratuites, soit le bon. C'est faux, la gratuité n'existe pas, elle est juste financée autrement, on fait payer la facture par d'autres, et je pense qu'il est important d'en être conscient pour se responsabiliser.
Ça me fait d'ailleurs penser aux propos de la gauche que j'ai entendus tout à l'heure, plus précisément chez Romain de Sainte Marie et Yvan Rochat s'agissant de l'impôt sur les chiens; ils disaient qu'en abolissant cet impôt, on déresponsabilise les propriétaires de chien. C'est exactement ce que je dis par rapport à la gratuité des billets pour les jeunes ! Le but n'est pas de les déresponsabiliser.
Enfin, je pense encore à un autre effet négatif qui n'a pas été mentionné ici, soit le fait que la gratuité des transports publics risque de diminuer la part accordée à la mobilité douce, marche et vélo. Forte de ces considérations, l'UDC vous recommande de refuser ce projet de loi. Merci.
Une voix. Bravo !
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi demande ni plus ni moins que d'exempter tous les usagers jusqu'à l'âge de 18 ans, résidents ou non-résidents, d'un titre de transport sur l'ensemble du réseau des TPG, et ce alors que Genève connaît les tarifs les plus bas de Suisse en matière de transports publics. Il existe actuellement, cela a été dit tout à l'heure, toute une série de facilités tarifaires et autres aides pour les familles et les jeunes que les collectivités publiques et Unireso se doivent de promouvoir et qui font d'ailleurs l'objet d'une motion à un point suivant de l'ordre du jour. Les jeunes sont déjà habitués à utiliser les transports publics ou à se déplacer à pied et à vélo, et la gratuité n'y changera rien, on l'a déjà vu avec la baisse des tarifs en 2014.
Avec la mise en service du Léman Express, les transports publics se développeront de manière conséquente dans toute la région, développement que l'Etat devra financer massivement. Pour l'ensemble des opérateurs, ce financement supplémentaire est de l'ordre de 17 millions pour 2019, 40 millions pour 2020 et 63 millions pour 2024. La gratuité pour les moins de 18 ans représenterait pour les TPG un manque à gagner de 16,5 millions que l'Etat devrait compenser. Les tarifs à Genève sont attractifs, l'offre va augmenter de façon considérable et contribuera elle-même à une augmentation de la fréquentation. La baisse des prix ou la gratuité n'incitent pas les gens à prendre davantage les transports publics.
Nous pensons qu'il est temps que notre Grand Conseil prenne ses responsabilités, défende une vision globale et à long terme des transports publics à Genève en s'assurant d'un financement durable et stable. Nous devons aussi être attentifs à ne pas perdre les subventions provenant de Berne et nous abstenir de créer des particularités genevoises. Pour des raisons évidentes de cohérence avec le développement de l'offre, nous vous incitons à refuser ce projet de loi pour ne pas mettre en péril le développement de nos transports publics ces prochaines années.
Mme Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est une véritable question de principe que notre Grand Conseil a enfin l'occasion de trancher ce soir, après de multiples atermoiements et autres mesures parlementaires dilatoires. Qui oserait aujourd'hui renier l'instruction publique, l'école gratuite, accessible à toutes et tous sans distinction de revenu ou de capacité socio-économique ? Personne, évidemment.
La droite qui appelle à refuser ce projet de loi est aussi celle qui ne souhaite voir aucun péage entraver nos routes, parce que la construction et l'entretien de celles-ci sont des tâches régaliennes de l'Etat. Fort bien, mais alors pourquoi en serait-il autrement des transports publics collectifs qui, dans notre canton, sont réglés, fixés, organisés et gérés par l'excellente régie des TPG ? La question du jour est très simple.
«Rien n'est gratuit en ce bas monde», me répondra-t-on. C'est vrai. La question est de savoir si le financement de cette prestation doit être solidaire, réparti selon la capacité contributive de chacune et chacun et donc assuré par l'impôt, ou bien s'il est du ressort personnel, de la responsabilité individuelle, chaque individu se payant ou non cette prestation suivant ses capacités. Pour le parti socialiste, la réponse est très simple: les transports publics sont un service public, ils doivent évidemment être financés par l'impôt, et ce idéalement pour tous les usagers.
Or la présente proposition est bien plus modeste, puisqu'elle ne concerne que les jeunes, mais elle va déjà dans la bonne direction. Les arguments en faveur de la gratuité ont été largement énumérés. J'en rappellerai certains: l'acquisition de bonnes habitudes pour l'avenir, l'apprivoisement des TPG par les jeunes, le soutien accru aux familles qui en ont besoin et aux revenus les plus faibles, l'amélioration de la santé publique, la diminution du trafic individuel motorisé. Ce n'est rien moins qu'un véritable tournant en faveur de la mobilité du XXIe siècle qui sera douce et collective ou ne sera pas.
Un financement solidaire par l'impôt via une augmentation de la subvention de l'Etat aux TPG afin d'inciter les jeunes à devenir littéralement accros aux TPG, voilà ce que souhaite le parti socialiste. C'est donc résolument tournés vers l'avenir et vers une mobilité enfin durable que le parti socialiste et moi-même vous encourageons à accepter ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, il vaut certainement la peine de rappeler que ce projet de loi vise une population très précise, à savoir les jeunes jusqu'à 18 ans. Il s'agit d'une époque charnière de la vie, l'époque de nombreux apprentissages, l'époque des acquisitions - pas matérielles, mais bien morales ou éthiques - l'époque où les habitudes se prennent et où les avis se forgent. Alors oui, rendre les transports publics gratuits pour les enfants et les jeunes jusqu'à 18 ans est une bonne idée.
Si l'actuelle carte junior est une réussite, elle qui permet aux enfants de moins de 16 ans de voyager partout en Suisse en transports publics accompagnés des parents pour 30 F par an, ça ne suffit certainement pas. A partir de 13, 14, 15 ans, l'enfant commence régulièrement à se déplacer seul pour se rendre à l'école, au collège, à l'ECG, en apprentissage ou à l'école de commerce, des établissements souvent éloignés du domicile, notamment avec la nouvelle logique des maturités à la carte. Ainsi, il n'est pas exagéré de lui faciliter l'usage des transports publics, ce d'autant que l'offre va sacrément se développer avec l'arrivée du Léman Express.
Aujourd'hui, certaines communes font un effort en subventionnant une partie des abonnements, mais d'autres sont malheureusement à la traîne. Il n'est pas normal que les enfants et par extension leurs familles soient pénalisés en fonction de leur lieu d'habitation. Ce projet de loi permettrait à cet égard d'harmoniser la situation.
Si une majorité se dessine ce soir pour voter ce projet de loi, cette même majorité devrait être capable de voter les crédits nécessaires pour que l'offre ne soit pas prétéritée. Le coût de ce projet de loi est estimé à 15 millions, soit 3% à 4% de la prise en charge des frais des transports publics par la collectivité. Il s'agit d'un investissement, pas d'un manque à gagner !
Cette politique incitative, préventive, voire éducative, ne doit pas évoluer seule, les Verts tiennent à le souligner. Les transports publics constituent une excellente alternative au transport individuel motorisé, c'est sûr, mais ils sont loin d'être la seule; je pense au vélo ou à la marche qui doivent aussi être attractifs, car il est essentiel que les jeunes et les enfants puissent se déplacer en toute sécurité. C'est une habitude qu'il faut prendre tôt et dans ce sens, en parallèle à cette démarche, il s'agit de développer des politiques publiques qui favorisent largement la mobilité douce pour que nos enfants puissent se déplacer à vélo et à pied en toute sécurité sur l'ensemble du territoire. Loin d'opposer une politique publique à une autre, l'essentiel étant que nous avancions groupés pour favoriser les transports publics d'une part et la mobilité douce de l'autre, la majorité des Verts soutiendra ce projet de loi.
Mme Fabienne Monbaron (PLR). Mesdames et Messieurs, le PLR n'est pas en accord avec ce projet de loi, même s'il est conscient que les transports publics dégradent moins l'air que le transport motorisé individuel. En l'occurrence, nous ne sommes pas convaincus que la gratuité proposée permettra de renforcer cet aspect, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, les tarifs des abonnements ont singulièrement baissé il n'y a pas si longtemps, et nous avons rapidement constaté l'effet pervers qui en a résulté, à savoir une diminution de l'offre susceptible d'engendrer une hausse des transports individuels. Cette réduction a été largement décriée, et le canton a dû augmenter son subventionnement pour couvrir le manque à gagner et permettre le rétablissement de l'offre. Actuellement, Genève a les prix de transports publics les plus bas de toute la Suisse.
Les TPG offrent de surcroît divers rabais à destination des familles allant jusqu'à 50 F pour les abonnements annuels - il suffit de consulter leur site internet pour le constater, celui-ci est très explicite et contient des vidéos en différentes langues également sous-titrées - tandis que certaines communes proposent une participation qui s'échelonne de 50 F à 200 F par abonnement annuel. Dès lors, que l'on prenne la variante la plus optimiste ou le prix coûtant, le montant d'un abonnement annuel junior revient entre 12,50 F et 33 F par mois, soit entre 45 centimes et, au maximum, dans la version sans rabais, 1,10 F par jour, c'est-à-dire moins cher qu'une bouteille de soda ou le goûter de la récré.
Toujours d'un point de vue financier, le manque à gagner est estimé entre 16 et 20 millions de francs selon les intervenants. Initialement, les auteurs du projet envisageaient qu'il soit comblé par le «ponctionnement» sur les profits réalisés par la Fondation des parkings avec les amendes d'ordre. Or tout comme le mot «ponctionnement» n'existe pas dans le dictionnaire, ceci est impossible, puisque cette fondation ne perçoit pas le produit des amendes, mais un montant fixe prévu par un contrat de prestations.
Est alors venu un amendement socialiste visant à augmenter la subvention annuelle pour combler intégralement le manque à gagner et éviter que les prestations ne soient touchées. Apparemment, nous ne sommes pas les seuls à craindre une diminution de l'offre avec l'adoption de la gratuité ! Cette hausse de la subvention ne nous étonne pas, vu son origine, mais on peut s'interroger sur la réflexion menée pour y arriver dans la mesure où on travaille parallèlement aux mesures qui accompagneront la mise en service du Léman Express. Ce nouveau moyen de locomotion va en effet engendrer des modifications conséquentes afin de rabattre au maximum les usagers sur les nouvelles gares, et les frais qui en découleront ne seront pas minimes. Ce sont des dépenses nécessaires pour assurer la réussite de ces nouveaux services, ceux-là même qui feront que les gens, jeunes ou non, préféreront se tourner vers le Léman Express plutôt que de souffrir dans la circulation et de polluer inutilement.
Si l'exposé des motifs indique que la génération des années 70 et 80 n'éduque pas ses enfants à utiliser les transports en commun - on peut d'ailleurs se demander d'où sort cette affirmation - force est de constater, depuis plusieurs années, la nette diminution du nombre de jeunes qui passent leur permis de conduire et la tout aussi nette augmentation de ceux qui se déplacent en transports publics. Il se pourrait que faire payer les transports publics à partir de 18 ans incite plutôt les jeunes à passer leur permis ! La hausse de fréquentation des transports publics parmi les jeunes s'est produite sans gratuité, et les récentes manifestations pour le climat montrent que la jeunesse est consciente de sa responsabilité; elle est consciente que tout a un prix, et nous estimons que celui qui lui est demandé n'est de loin pas prohibitif. Pour toutes ces raisons, nous refuserons ce projet de loi.
Une voix. Très bien !
M. François Baertschi (MCG). En 2009, le MCG était favorable à la gratuité des transports publics pour les moins de 18 ans. Nous avions déposé un projet de loi dans ce sens, ce même projet de loi que nous avons par la suite abandonné et qui a été repris par Ensemble à Gauche. Pourquoi l'avons-nous retiré ?
Dans l'intervalle, le CEVA - dit aujourd'hui Léman Express - a été voté et nous avons eu un aperçu de son coût. D'après ce qui nous a été indiqué, les dépenses de fonctionnement devraient s'élever à environ 50 millions; plus récemment, j'ai même entendu le chiffre de 70 millions; dans tous les cas, il s'agit de montants considérables. Force est de constater qu'en l'état, en raison de l'explosion des frais liés au CEVA, nous n'avons plus les moyens de financer la gratuité des transports publics pour les moins de 18 ans.
Pour nous montrer raisonnables, nous devrions trouver de nouvelles sources de financement, car on se trouve dans une situation tout à fait différente de celle de 2009, situation qui exige de réexaminer complètement une telle mesure. Pour le MCG - nous maintenons cette position et nous verrons ce qu'il en sera ces prochaines années - le CEVA est un mauvais projet présentant un ensemble d'inconvénients que je ne vais pas développer ce soir. Nous déplorons ce que nous estimons être un mauvais choix, mais nous devons malheureusement en tenir compte.
Nous continuons à estimer qu'il serait juste d'instaurer la gratuité pour les moins de 18 ans, parce qu'il faut aider les familles, il faut aider les jeunes, mais nous nous rendons bien compte que nous risquons d'aller dans une impasse: il faudrait soit réaliser des coupes sur les prestations, soit nous employer à trouver de nouveaux fonds dans le budget de l'Etat, soit augmenter le prix des billets pour les plus de 18 ans... Tout un ensemble de possibilités devraient être recherchées, parce qu'il n'y a pas de miracle, les billets de banque ne poussent pas sur les arbres, donc nous devrions trouver une solution.
Face à cette difficulté, face aux incertitudes, face à la mise en service de ce dispositif très coûteux qu'est le Léman Express à la fin de cette année et qui continuera à se développer l'année prochaine, nous estimons plus sage de nous abstenir; c'est donc la rage au coeur que le groupe MCG s'abstiendra sur ce projet de loi.
Une voix. Quel courage !
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, juste un mot par rapport au financement. Quand il s'agissait de trouver une mesure d'accompagnement concernant les transports publics pour favoriser la RIE III, les excellents services de M. Dal Busco avaient réussi à dégager 36 millions supplémentaires par le biais d'une taxe sur les entreprises.
Là, il est question de 16 millions, et on n'arrive pas à les trouver pour favoriser les transports publics pour les jeunes de moins de 18 ans ?! Cherchez l'erreur. Franchement, il est nécessaire de trouver ce financement et de les soutenir de manière déterminée. J'espère que, la rage au coeur, le MCG nous suivra dans ce vote en faveur de la gratuité des transports publics pour les jeunes. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole va à M. André Pfeffer pour une minute quatorze.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais relever deux éléments. Tout d'abord, il est démontré que ce n'est pas la gratuité des transports publics qui stimule leur fréquentation; pour augmenter la fréquentation, au contraire, il faut améliorer la qualité du réseau et l'accès à celui-ci.
La deuxième chose que je souhaite souligner, ce sont les points négatifs de ce projet de loi: d'une part, il complexifie le système tarifaire, d'autre part, il ferait augmenter les subventions - il pourrait même y avoir une double facture si la Confédération devait réduire son aide. Pour ces raisons, comme l'a déjà dit notre groupe, nous proposons de rejeter ce projet de loi. Merci.
M. Patrick Dimier (MCG). J'aimerais attirer l'attention de cette assemblée sur l'article 15 de notre constitution qui interdit toute forme de discrimination. Or en n'accordant la gratuité qu'aux jeunes jusqu'à 18 ans, on introduit une discrimination, puisque ceux qui ont plus de 18 ans n'y auront pas droit !
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Pour répondre tout d'abord à l'intervenant UDC et à différents autres orateurs qui ont prétendu au cours de ce débat que la gratuité n'augmente pas la fréquentation, je dirai qu'on n'a pas vraiment d'exemple pour le démontrer.
Je tiens quand même à souligner ici que pour certaines familles, un montant de 400 F, c'est-à-dire le prix d'un abonnement annuel pour un jeune, est prohibitif, ce qui fait que les jeunes renoncent à sortir de leur quartier, à se déplacer dans l'ensemble du canton. A cet égard, la gratuité des transports publics pour les moins de 18 ans constitue une mesure non seulement incitative, mais également sociale.
Mme Monbaron - vous transmettrez, Monsieur le président - indique que Genève a les tarifs les plus bas de Suisse: eh bien nous devons justement nous en féliciter, nous devons nous réjouir de disposer d'un service public de transport qui soit non seulement efficace, mais aussi abordable en comparaison intercantonale, même si nous avons encore des efforts à déployer en la matière.
Pour ces différentes raisons, la minorité réitère sa proposition d'accepter ce projet de loi. Et, Monsieur le président, je demande encore le vote nominal.
Le président. Bien, êtes-vous soutenue, Madame ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, alors nous procéderons au vote nominal le moment venu. Je laisse la parole à M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Oui, merci. Comme j'ai très peu de temps, je vais juste revenir sur l'argument de la gratuité: on a entendu que rien n'est gratuit, un député PLR a dit en commission que la prestation en serait démonétisée, une autre députée PLR a évoqué quant à elle l'effet pédagogique, qu'il s'agit d'apprendre que les choses ont un coût... Autant d'arguments qui plaideraient, pour ne prendre qu'un seul exemple, en faveur de la suppression de l'instruction publique gratuite ! On rendrait l'école primaire payante à des fins pédagogiques ! C'est évidemment un argument irrecevable...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député, je passe la parole à M. Christo Ivanov.
M. Pierre Vanek. ...pour fonder une quelconque politique publique. (Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je répète qu'un certain nombre de facilités tarifaires et d'aides communales existent déjà. D'ailleurs, si je me souviens bien, la Ville de Genève a récemment alloué une subvention supplémentaire de 50 F par jeune par rapport à ce qu'elle donnait avant. Malheureusement, toutes les communes n'encouragent pas leurs jeunes à prendre les transports publics, ce qui est bien regrettable.
Personnellement et comme rapporteur de majorité également, j'estime que l'effort doit venir des communes, et non de l'Etat. Pour l'instant, certaines municipalités rechignent encore à soutenir financièrement leurs jeunes, et je pense que c'est une erreur. Pour ma part, je viens d'acheter une carte junior à ma fille de 8 ans qui peut ainsi voyager gratuitement avec son père ou sa mère pour la somme annuelle de 30 F. Ce n'est pas la mort du petit cheval !
Je terminerai, Monsieur le président, par un clin d'oeil à notre collègue M. Pierre Vanek - vous lui transmettrez - qui se félicite de ce que met en place le Luxembourg; mais le Luxembourg n'est-il pas un paradis fiscal, siège de nombreuses multinationales, Monsieur le député ?
M. Pierre Vanek. Oui, j'ai indiqué ces analogies, cher collègue.
M. Christo Ivanov. Comme quoi l'argent sert parfois à quelque chose, même si vous faites certainement partie de ceux qui ont un problème avec ! Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission des transports vous demande de refuser ce projet de loi.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, à la fin de cette année, notre canton, notre région vont vivre une révolution des transports: avec la mise en service du Léman Express, nous allons véritablement entrer dans le XXIe siècle ! Le réseau des TPG sera complètement réorganisé afin de rabattre les clients vers les nouvelles gares du Léman Express, cela a été indiqué; cette ligne constituera de fait la colonne vertébrale de tout un système de transports que nous n'avons encore jamais connu, dont nous avons souvent rêvé par le passé en pensant à certaines villes alémaniques. Ce sera enfin une réalité.
Dans ce contexte, est-ce que le projet qui vous est soumis ce soir sera utile, va-t-il même servir cet objectif ambitieux qui est le nôtre ? Pour plusieurs raisons, le Conseil d'Etat est d'avis que non. D'abord, le dispositif en question devra être financé. Le plan financier quadriennal - et le budget aussi, d'ailleurs - comporte déjà des dotations importantes en la matière pour les prochaines années, des dotations nécessaires afin de renforcer ce système sur lequel nous fondons beaucoup d'espoir pour des changements d'habitudes au sein de notre population.
Or, pour cela, il faut des ressources. Aujourd'hui encore, à la faveur de ce qui apparaissait comme un projet de loi quelque peu anodin - la suppression de l'impôt sur les chiens - ces ressources ont été diminuées d'un million, un million et demi, deux millions; et là, on se propose volontairement de réduire nos fonds d'environ 17 millions !? C'est peu ou prou le même raisonnement ayant présidé au dépôt de l'initiative qui a ensuite engendré deux votes supplémentaires il y a quelque temps: il suffit de baisser les tarifs - fondamentalement, rendre la prestation gratuite pour une partie des clients revient à baisser les tarifs - pour que la fréquentation augmente de manière conséquente. Evidemment, les faits ont démontré le contraire. Résultat des courses, la fréquentation des TPG n'a pas augmenté de manière conséquente, tandis que le financement a massivement diminué.
Mesdames et Messieurs, pour qu'un système soit efficace, pour qu'il attire une autre clientèle, pour que des habitudes nouvelles soient prises, c'est la qualité du réseau qui compte. A cet égard, et je peux en témoigner personnellement, les nouvelles générations ont déjà pris - à juste titre, d'ailleurs - de bien meilleures habitudes que leurs aînés. Dans le fond, s'il devait y avoir des incitations en matière de bonnes pratiques de mobilité, ce n'est guère en faveur des jeunes qu'il faudrait les mettre en place, mais plutôt de la génération de leurs parents, voire de leurs grands-parents. Mesdames et Messieurs, il est très important de comprendre qu'une telle mesure n'aura pas d'effet sur la fréquentation; c'est plutôt l'offre et la qualité du réseau que nous allons mettre en place - lesquelles nécessitent des financements adéquats ! - qui permettront le transfert modal.
Le Conseil d'Etat regretterait vivement que votre parlement accepte un tel projet de loi ce soir, parce qu'il irait à l'encontre de son objectif. Pour preuve, je cite souvent la principale ville de Suisse, à savoir Zurich, qui possède un réseau de transports en commun qu'on lui envie loin à la ronde - nous les premiers - qui est extraordinaire, qui fonctionne à merveille, qui au demeurant a eu le mérite de dépolitiser la question des transports; eh bien le coût des titres de transport y est le plus élevé du pays. La corrélation, c'est que pour offrir un système efficace, il faut des moyens pour le faire fonctionner. Aussi, Mesdames et Messieurs, c'est avec conviction que le Conseil d'Etat vous enjoint de ne pas accepter ce projet de loi qui va exactement dans le sens contraire voulu par ses auteurs. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et j'ouvre la procédure de vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 10605-R est rejeté en premier débat par 46 non contre 35 oui et 10 abstentions (vote nominal).