Séance du vendredi 1 mars 2019 à 18h10
2e législature - 1re année - 9e session - 57e séance

La séance est ouverte à 18h10, sous la présidence de M. Jean Romain, président.

Assistent à la séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Mauro Poggia et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Claude Bocquet, Simon Brandt, Beatriz de Candolle, Jennifer Conti, Eric Leyvraz, Stéphanie Valentino et Céline Zuber-Roy, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Pierre Bayenet, Emmanuel Deonna, Sylvie Jay, Christina Meissner, Eliane Michaud Ansermet et Vincent Subilia.

Annonces et dépôts

Néant.

M 2506
Proposition de motion de Mmes et MM. Adrienne Sordet, Alessandra Oriolo, Katia Leonelli, Paloma Tschudi, Jean Rossiaud, Yves de Matteis, Delphine Klopfenstein Broggini, Frédérique Perler, Philippe Poget, Mathias Buschbeck, François Lefort, Yvan Rochat, Pierre Eckert, Marjorie de Chastonay, Isabelle Pasquier, Jocelyne Haller, Pierre Vanek, Romain de Sainte Marie, Caroline Marti, Nicole Valiquer Grecuccio, Salima Moyard, Christian Dandrès, Jean-Charles Rielle, Léna Strasser : Pour permettre aux apprenties, collégiennes et étudiantes de participer à la grève des femmes le 14 juin 2019 : pas d'examens ce jour-là !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 11 et 12 octobre 2018.

Débat

Le président. Nous abordons la sixième urgence que nous avons votée hier. Il s'agit de la M 2506, qui sera traitée en catégorie II, trente minutes. Je passe immédiatement la parole à la première signatrice, Mme Adrienne Sordet.

Mme Adrienne Sordet (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il y a trente-sept ans l'égalité entre femmes et hommes faisait son entrée dans la Constitution, et en 1996 la loi sur l'égalité entre femmes et hommes entrait en vigueur. C'était il y a vingt-deux ans. Depuis lors, pour ceux et celles qui auraient un peu de mal à se le représenter, j'ai eu le temps, ou plutôt mon frère jumeau et moi, devrais-je dire, avons eu le temps de naître, de grandir et d'aller à l'école ensemble, or si à l'heure actuelle nous occupions le même poste, munis des mêmes papiers et des mêmes compétences, je travaillerais gratuitement pendant un mois et demi alors que lui serait payé. Pourquoi ? J'espère sincèrement que dans vingt-deux ans la nouvelle génération ne se posera plus cette question que je me pose aujourd'hui: pourquoi mon genre définit-il mes compétences aux yeux de la société ? Je pense véritablement que les femmes sont en colère et qu'elles en ont marre car le canton ne prend pas encore assez ses responsabilités envers elles, alors qu'elles subissent de nos jours encore des inégalités au niveau salarial, mais aussi des discriminations, du harcèlement dans la rue et au travail, des violences, des viols, et je pourrais vous citer de nombreux autres exemples, car la liste est très longue. Et si dans un monde idéal tout cela ne se produit pas, eh bien je vous invite, chères et chers collègues, à questionner votre femme, votre soeur, votre mère ou votre fille en rentrant chez vous. Elles auront toutes une histoire à raconter et des choses à revendiquer. Alors si tout cela ne semble qu'agitation aux yeux de certains et certaines, soit, mais ils sont un peu en retard sur leur temps.

Le 14 juin, soutenons les femmes qui sont encore en études, en apprentissage, celles qui représentent aussi l'avenir de notre société. Soutenons les femmes pour qu'elles puissent faire partie de ce mouvement et se mobiliser pour leurs droits. En effet - et je vais poser une question peut-être un peu naïve - au regard de toutes les demandes de crédit et d'investissement, de toutes les sommes qui passent devant ce parlement, que vous coûte la requête que nous formulons ? Je répète: que vous coûte cette solidarité du gouvernement envers son peuple, dans la mesure où la question de l'égalité nous concerne tous et toutes ? Vous qui êtes en train de m'écouter savez que l'égalité n'a pas de couleur ni de parti. Cela étant, Mesdames et Messieurs, j'ai conscience que ce qui vous retient, c'est sans doute cette notion de grève. Mais nous pourrions voir cette grève comme une tempête en forêt, une tempête qui fait peut-être tomber de grands arbres, ceux des préjugés, des idées reçues, des injustices, des discriminations et des violences, mais qui permet aussi aux petits arbres de recevoir de la lumière, de grandir, de s'émanciper et de semer des graines à leur tour, de façon que la forêt se renouvelle et se refaçonne. Pour toutes ces raisons, je vous en conjure, soyons pour une fois des gestionnaires judicieux, judicieuses et alertes pour notre avenir, et permettons à l'égalité de fleurir et de se répandre en réservant un accueil favorable à cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements. Exclamations.)

Des voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie. La parole est à Mme Delphine Bachmann. (Brouhaha. Un instant s'écoule.)

Mme Delphine Bachmann (PDC). On ne me cède pas la parole ? (Exclamations.)

Le président. Je vous l'ai cédée, mais il semble qu'il y ait eu un peu de bruit !

Mme Delphine Bachmann. Merci, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais ici dépasser la réplique à cette motion selon laquelle pour faire grève, il faut avoir un travail, et ce pour plusieurs raisons. Déjà, les étudiantes d'aujourd'hui sont les travailleuses de demain. Elles ont donc le droit de s'exprimer et de s'impliquer pour que l'égalité de traitement leur soit un jour garantie quand elles seront sur le marché du travail. La rectrice de la HES-SO a d'ailleurs pris position dans ce sens, comme d'autres cantons l'ont fait. Cette grève, comme on l'appelle, est plutôt une manifestation d'envergure nationale, dont la date a été fixée sur le plan suisse. Ce sera l'occasion pour toutes les femmes - et pour les hommes aussi, car l'égalité est l'affaire de tous, à l'image de mon collègue Bertrand Buchs qui fermera son cabinet - de faire passer un message nécessaire. En effet, on a certes un peu progressé en matière d'égalité, mais j'aimerais souligner que nous n'y sommes toujours pas. Ainsi, cette année les femmes ont travaillé gratuitement jusqu'au 22 février. J'ai parfois l'impression que la tendance actuelle sous-entend qu'on peut voter, qu'on peut travailler, qu'on peut même ouvrir un compte en banque, et que c'est déjà pas mal. Eh bien non, Mesdames et Messieurs: l'égalité, il va falloir s'y mettre sérieusement, et ce dans les deux sens, car le parti démocrate-chrétien défend avec ferveur l'égalité pour les femmes et les hommes dans les différents aspects de la vie, notamment tout ce qui touche à la conciliation entre vies professionnelle et familiale. Je rends du reste hommage à la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, qui s'est engagée en faveur de la parité dans les conseils d'administration, et j'espère que Mme Emery-Torracinta fera également un geste dans le même sens car, oui, le geste et le symbole de cette journée vont compter. L'égalité, c'est maintenant, ce n'est pas dans quarante ans ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Amanda Gavilanes (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste soutiendra bien évidemment cette motion, qui est plus qu'essentielle pour la participation de chacune à cette journée d'action cantonale et nationale. En effet, mes préopinantes l'ont bien expliqué, les femmes feront grève le 14 juin prochain, comme en 1991 et 2011; elles feront grève, nous ferons grève, car nous n'en pouvons plus d'attendre que l'égalité entre femmes et hommes soit atteinte. Son inscription dans la Constitution fédérale remonte à 1981, sa loi d'application à 1996, et depuis les choses avancent à pas de fourmis et reculent au gré des crises politiques et économiques dont les femmes sont malheureusement les premières victimes. Est-il réellement nécessaire de rappeler que la Suisse est l'un des derniers pays d'Europe à ne pas avoir de congé paternité digne de ce nom ? Est-il nécessaire de rappeler que les femmes de ce pays gagnent environ 20% de moins que les hommes ? Doit-on encore dire et redire que 86% des tâches domestiques et éducatives sont assurées par les femmes ? Que 80% d'entre nous ont subi du harcèlement et/ou des violences sexuelles ? Que la majorité des femmes de ce pays exercent un travail à temps partiel, ce qui les précarise ? La réponse à toutes ces questions est bien évidemment oui. Oui, car la parole des femmes est trop souvent remise en question. Oui, car en matière d'égalité il n'existe pas de cercle vertueux: la seule main invisible que connaissent les femmes est celle qui vient se poser sur leurs fesses. Il faut que cela change. Si la patience est la mère des vertus, elle n'est plus l'amie des femmes. Il est donc important que l'on donne la parole à ces dernières et que chacune d'entre elles puisse faire grève, la grève étant l'instrument idéal pour réunir les femmes de ce pays et de ce canton. Le temps de la sororité et de la solidarité est arrivé ! Merci de votre écoute. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il est inacceptable qu'en 2019 les femmes gagnent encore près de 20% de moins que les hommes. Il est tout aussi inacceptable que leurs rentes AVS soient inférieures de 37% en moyenne. Il est tout aussi affligeant que le partage traditionnel des rôles prévale encore et que le sexisme décomplexé règne impunément. Ainsi, en 2019, l'égalité femmes-hommes n'est toujours pas acquise, quand bien même elle est dûment inscrite dans la législation. Tant s'en faut. Face à ce constat, notamment en matière d'inégalité salariale, on aurait pu en toute logique s'attendre à ce que les Chambres fédérales sanctionnent les manquements à la loi sur l'égalité et à la disposition constitutionnelle. Eh bien non. Non seulement elles ne l'ont pas fait, mais elles ont qui plus est cautionné, voire légitimé ce déni de droit en ne condamnant pas les manquements à l'égalité salariale et en misant sur des mesures dérisoires d'auto-analyse des entreprises, et cela uniquement pour celles qui comptent plus de cent employés. C'est dérisoire, en particulier parce que l'auto-analyse pourrait laisser accroire que les entreprises ne sont pas conscientes de leur propre politique salariale. Or si elles ne le sont pas, qui le serait ? Dérisoire parce que les résultats de l'analyse en question ne sont destinés à être diffusés qu'à l'interne. Dérisoire encore parce qu'aucune sanction ne serait prise en cas de non-respect avéré de la loi. Dérisoire aussi parce que les entreprises de plus de cent employés ne représentent que 2% de l'ensemble des sociétés de notre pays. Et plus dérisoire encore parce que toutes les analyses révèlent que c'est dans les entreprises de moins de vingt employés que se situent majoritairement les inégalités salariales.

En 1991, la grève des femmes a amené plus de 500 000 femmes dans la rue. Cette mobilisation a largement contribué à faire progresser la situation, mais il reste du chemin à parcourir, nous le savons tous et toutes. Les femmes en ont pris la pleine mesure et s'apprêtent à retourner dans la rue pour faire entendre leurs revendications et faire valoir leurs droits. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le rendez-vous est pris, mais pour qu'il ait un grand retentissement, il faut que toutes les femmes puissent être présentes dans la rue; nous soutenons donc cette motion afin que les apprenties, les étudiantes, les collégiennes et les enseignantes puissent également venir dans la rue le 14 juin, sans être prises en otage par le risque de manquer un examen. Pour toutes ces raisons, nous vous appelons à adopter cette motion...

Le président. Voilà, c'est terminé, Madame !

Mme Jocelyne Haller. ...car plus que jamais la participation à la grève du 14 juin sera un acte citoyen...

Le président. Je suis obligé de passer la parole à M. Thomas Bläsi.

Mme Jocelyne Haller. ...et un moyen de contribuer à la justice sociale. (Applaudissements.)

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Au vu des arguments des auteurs de ce texte et de mes divers préopinants... (Commentaires. Exclamations.)

Une voix. Préopinantes !

M. Thomas Bläsi. De mes diverses préopinantes ! ...mais aussi par conviction personnelle, puisque en tant que chef d'entreprise je mets beaucoup de soin à ce que ces règles d'équité soient strictement appliquées dans ma société, j'annonce qu'en ma qualité de chef de groupe UDC j'accorde à mon groupe la liberté de vote sur cette motion... (Exclamations.) ...car je considère que c'est un sujet qui touche à la conviction personnelle de chacun. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.)

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez bien imaginer que la personne qui vous parle - avec à ses côtés une autre conseillère d'Etat ainsi qu'un magistrat lui aussi tout à fait ouvert à ces questions - est très sensible à la cause des femmes. A titre personnel, je pourrais vous raconter la grève des femmes de 1991, à laquelle j'ai participé avec mes deux fils tout de fuchsia vêtus pendant que mon mari s'occupait des tâches ménagères et gardait ma fille handicapée. C'est donc bien sûr avec sympathie que nous accueillons cette proposition de motion, mais il n'en reste pas moins que, dans les faits, l'organisation des examens est extrêmement complexe, Mesdames et Messieurs les députés, et ce serait vous mentir que de dire qu'il suffit de déclarer - il y a trois mois, aujourd'hui ou dans deux mois - qu'il n'y aura pas d'examens, de semestrielles et d'épreuves de fin d'année le 14 juin pour que ce soit facilement réalisable. En effet, vous le savez, certaines écoles sont de grands établissements qui peuvent compter 2000 élèves et plusieurs filières - professionnelles, gymnasiales, ECG, etc. De plus, les examens des filières professionnelles ne sont pas forcément planifiés par le département, puisqu'ils peuvent l'être aussi par les associations professionnelles. C'est donc extrêmement complexe. Sachant cela, les écoles ont commencé à s'organiser il y a plusieurs mois déjà, et j'ai demandé que les prémices de ces calendriers soient transmises au département afin que nous puissions voir si oui ou non il nous était possible d'éviter de placer des examens ou des évaluations de fin d'année ce jour-là.

Eh bien sur cette base, je vous annonce aujourd'hui qu'il doit être possible de ne pas organiser d'examens le 14 juin, et les directions d'établissement ont reçu des instructions dans ce sens il y a déjà plusieurs semaines. Cependant, cela entraînera probablement - en tout cas dans les grandes écoles - un déplacement de la session d'examens, avec la possibilité que celle-ci soit prolongée d'un jour. Nous n'allons pas l'anticiper et supprimer des cours, rassurez-vous, mais il est probable que dans certains cas il faille prolonger la session d'une journée ou programmer deux examens le même jour - je pense notamment aux oraux. Cela dit, ce genre de pratique où les élèves ont quatre ou cinq examens le même jour existe déjà pour la maturité fédérale, par exemple, de même que pour les CFC en formation professionnelle.

En l'état, Mesdames et Messieurs les députés, voici donc ce que je peux vous dire: l'organisation des sessions d'examens n'est pas encore totalement sous toit, mais des instructions ont été données et d'ici quelques semaines on pourra vous confirmer qu'il n'y aura pas d'examens probablement dans la majorité des établissements concernés, avec sans doute quelques exceptions ici ou là.

J'aimerais maintenant revenir sur la question des enseignants qui a été abordée. Vous parlez ici des enseignants, mais actuellement le Conseil d'Etat réfléchit à la façon de gérer la question au niveau du personnel de l'administration d'une manière générale, car au sens strict du terme ce n'est a priori pas une grève, ce n'est pas un conflit entre employeur et employés. Nous devons donc voir - avec les associations professionnelles concernées, d'ailleurs - quelle est la meilleure solution pour gérer la question des employés de l'Etat, et non plus des examens. Voilà l'état de la situation, et nous vous tiendrons bien sûr au courant de l'évolution de cette dernière. Merci de votre attention.

Le président. Je vous remercie. (Le président est interpellé.) Non, vous ne pouvez pas prendre la parole après la magistrate ! Je la cède en revanche à Mme Marti, car elle veut formuler une demande. C'est au sujet du vote nominal, j'imagine ?

Mme Caroline Marti. Oui, merci, Monsieur le président !

Le président. Très bien. Etes-vous soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est le cas. Nous passons donc au vote nominal sur la prise en considération de cette motion.

Mise aux voix, la motion 2506 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 64 oui contre 12 non et 9 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2506 Vote nominal

PL 12397-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Delphine Klopfenstein Broggini, Delphine Bachmann, Frédérique Perler, Yves de Matteis, Jean-Marc Guinchard, Anne Marie von Arx-Vernon, Adrienne Sordet, Marjorie de Chastonay, Pierre Eckert, François Lefort, Jean Rossiaud, Guy Mettan, Jacques Blondin, François Lance, Patricia Bidaux, Bertrand Buchs, Claude Bocquet, Katia Leonelli, Alessandra Oriolo, Isabelle Pasquier, Jean-Luc Forni, Vincent Maitre, Souheil Sayegh, Philippe Poget, Paloma Tschudi, Christina Meissner, Yvan Rochat, Mathias Buschbeck, Jocelyne Haller, Pierre Bayenet, Olivier Baud, Thomas Wenger, Caroline Marti, Grégoire Carasso, Marion Sobanek, Helena Verissimo de Freitas, Sylvain Thévoz, Salima Moyard, Jean-Charles Rielle, Léna Strasser, Christian Zaugg modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LaLPE) (K 1 70) (Halte au sac plastique !)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 28 février et 1er mars 2019.
Rapport de Mme Isabelle Pasquier (Ve)

Premier débat

Le président. Nous entamons maintenant notre avant-dernière urgence, le PL 12397-A, dont nous débattons en catégorie II, trente minutes. (Le président est interpellé.) Oui, Monsieur Bläsi ?

M. Thomas Bläsi. Serait-il possible que l'on contrôle ma platine de vote ? Elle n'a pas fonctionné tout à l'heure.

Le président. Eh bien on va vérifier cela ! Effectivement, je n'ai pas vu votre vote apparaître à l'écran. Nous en sommes donc au PL 12397-A. Le rapport est de Mme Isabelle Pasquier, à qui je passe la parole.

Mme Isabelle Pasquier (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi vise à stopper la distribution gratuite de sacs plastiques aux caisses au profit de sacs réutilisables - compostables, en tissu ou en papier - et demande au Conseil d'Etat d'encourager les commerces de manière générale à éviter les emballages en plastique. La distribution de sacs réutilisables - en matériau compostable, en tissu ou en papier - sera bien sûr possible et même encouragée.

Ce projet a reçu un accueil favorable de la part de la commission, qui est consciente des enjeux environnementaux posés par les emballages plastiques en général - et les sacs en particulier - l'environnement étant, même en Suisse, pollué par de fines particules de plastique nocives pour la flore et la faune. Dans la mesure où les deux principaux distributeurs ont déjà renoncé à proposer gratuitement des sacs plastiques aux caisses, ce projet de loi clarifie la situation existante puisqu'il loge tous les commerces à la même enseigne. Il généralise ainsi la pratique, ce qui permettra également d'éviter, comme on le voit actuellement, que des magasins ne fournissent pas de sacs plastiques gratuits aux étages où sont vendus des produits alimentaires, mais en distribuent si l'on monte acheter des cahiers ou des habits. Ce projet vise donc à ce que l'on gagne en cohérence. Il s'agit d'une première réponse à la problématique des résidus de plastique présents dans l'environnement - notamment dans le lac Léman - qui est alarmante. C'est une mesure symbolique, mais qui donne un signal clair et invite chacun - commerçants et clients - à réfléchir au bon usage de cet emballage.

Le département du territoire a présenté quelques amendements, qui ont tous été adoptés. Il a notamment suggéré que ce nouvel article soit inscrit dans la loi sur la gestion des déchets plutôt que dans la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement. Nous avons par ailleurs débattu de plusieurs questions en commission. Aurait-on pu introduire une interdiction complète des sacs plastiques ? Non, sur ce point on ne pouvait pas faire plus que ce qui est proposé aujourd'hui, à savoir interdire la distribution gratuite de ces sacs. Aurait-il fallu fixer un prix minimum ? Là aussi, on nous a répondu par la négative; même le représentant des petits commerces était opposé à ce principe, considérant qu'il fallait laisser aux commerces la liberté de définir le prix.

J'aimerais encore ajouter un mot sur l'accueil de cette disposition par les commerces. Pour accompagner ce changement, le projet de loi prévoit que le Conseil d'Etat mette en oeuvre des mesures favorisant l'utilisation de sacs réutilisables. A ce propos, un député commerçant - je dirais même boulanger ! - a partagé en commission son expérience positive avec enthousiasme.

Il était prévu que ce projet de loi soit traité lors de la séance des extraits, mais il a finalement donné lieu à la discussion que nous tenons maintenant. J'en déduis que certains d'entre vous hésitent, et je me dis que c'est peut-être par crainte de se retrouver sans sacs gratuits. Les Verts proposent donc d'offrir à ceux qui doutent - non pas dans cette enceinte, car c'est interdit, mais à la sortie - un sac réutilisable... (L'oratrice présente à l'assemblée un sac en tissu arborant le logo du parti des Verts. Applaudissements.) ...dont ils pourront se servir une fois que ce projet de loi sera en vigueur ! Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, en mettant le doigt sur le désastre causé par le plastique, qu'il s'agisse de la pollution des grands fleuves d'Asie ou de celle qu'on retrouve ici dans nos propres poubelles, ce projet de loi pointe notre consommation de sacs plastiques. Loin d'être une mesure symbolique, puisqu'il vise concrètement à inscrire dans la loi l'interdiction de distribuer gratuitement des sacs plastiques, ce texte répond à une problématique majeure, celle de la pollution liée au plastique. En effet, il vaut la peine de le mentionner, la production de plastique augmente chaque année et dépasse 320 millions de tonnes par an. Elle représente donc une menace sans précédent. Pour illustrer la quantité de plastique rejetée, je vous rappelle que nous consommons et jetons chaque année l'équivalent de notre poids corporel ! Or ce plastique va persister bien au-delà de notre propre vie: on parle d'au moins cinq à six fois la durée de notre existence. Quand on y réfléchit un peu, il est évident qu'utiliser un sac plastique pour se rendre du magasin à la maison a un côté complètement absurde puisque la durée de vie de cet objet est extrêmement faible. Il ne nous paraît donc plus du tout justifiable d'utiliser un sac pour aller d'un lieu x à un lieu y ! Les conséquences sur la faune et la flore sont reconnues, et celles sur la santé commencent à être révélées. En Suisse, la contamination par les microplastiques est une réalité, tant dans nos lacs que dans nos sols.

Ce projet de loi permet également de questionner notre rapport aux objets à usage unique et par extension à la consommation, à la surconsommation, dans une société toujours plus tournée vers le «tout-jetable» - je pense à la vaisselle jetable ou au suremballage, un amas de plastique complètement inutile. A ce titre, il est clairement l'heure de développer massivement la vente en vrac, bien sûr, les ventes directes, mais aussi toute une politique autour de cette question.

Si ce projet de loi constitue une démarche parmi d'autres, il met en lumière le fait que l'accord visant à rendre les sacs plastiques payants - conclu notamment par les deux géants orange - a permis de diminuer le nombre de sacs distribués de 350 millions d'unités. Il s'agit donc d'une démarche concrète, qui va au-delà de l'aspect symbolique. C'est très concret ! Il paraît essentiel de légiférer aujourd'hui sur le plastique - et en particulier les sacs plastiques - afin d'apporter notre pierre à l'édifice, à l'image de ce qui se fait ailleurs en Europe et dans le monde. Pour toutes ces raisons, je vous encourage vivement à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole est à M. François Wolfisberg. (Un instant s'écoule.)

M. François Wolfisberg. C'est une erreur, excusez-moi !

Le président. Alors je la cède à Mme Danièle Magnin.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Pour le MCG, il est parfaitement évident que si l'Union européenne peut se servir de sacs en papier, nous le pouvons aussi. En ce qui me concerne, j'ai toujours des sachets réutilisables dans mes poches ou mes sacs. (L'oratrice présente deux sacs à l'assemblée. Exclamations.) J'ai même une housse en forme de petit coeur ornée d'une fleur... (Exclamations.) ...qui contient un sachet d'une autre couleur que celle du parti socialiste, puisqu'il est orange ! Il n'y en a pas encore aux couleurs du MCG, mais je ne doute pas qu'un jour ce soit le cas. Je pense que si nos voisins peuvent se passer de sacs plastiques à usage unique dans tous les commerces, nous le pouvons aussi ! Je vous encourage donc à voter ce projet de loi et m'arrête là pour laisser du temps de parole à mon collègue Patrick Dimier. Merci. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je lui donnerai la parole moi-même, Madame la députée ! En attendant, je passe le micro à Mme Delphine Bachmann.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Et merci, Madame Magnin - vous transmettrez - pour cette démonstration des alternatives existantes ! Afin de refaire l'historique, j'aimerais rappeler que Dominique de Buman, également PDC, a essayé de faire interdire purement et simplement les sacs plastiques sur le plan national, mais que nos instances fédérales ont bien évidemment préféré un petit accord de branche consensuel. Bref ! Comme notre marge de manoeuvre au niveau cantonal ne nous permet pas d'imposer une telle mesure, nous avons décidé d'interdire en tout cas la mise à disposition gratuite de ces sacs, dans le but que les utilisateurs et les commerces se tournent vers des alternatives plutôt que de respectivement payer et proposer des sacs plastiques payants. Maintenant il s'agira d'accompagner ce changement et de fournir des informations. En effet, il faut savoir qu'il y a beaucoup de problèmes de compréhension, notamment dans la population, s'agissant de l'emploi des sacs compostables ou biodégradables. Pour ceux qui ne le sauraient pas, les sacs biodégradables sont la pire des inventions, puisque en réalité ils se biodégradent en milliers de petites particules de plastique qui vont ensuite polluer les composts. Or un certain nombre de nos concitoyens les utilisent pour leur petite poubelle verte, ce qui est une catastrophe. Nous comptons donc à présent sur le Conseil d'Etat pour qu'il effectue ce travail d'accompagnement et d'information auprès de la population, de sorte que les alternatives mises à disposition soient les plus réutilisables et les plus compostables possible.

Par ailleurs, je ne comprends pas très bien que cet objet ait été retiré des extraits, parce que si je veux bien entendre que dans certains cas, par exemple dans le cadre des travaux du CEVA, des commerces puissent voir leur chiffre d'affaires prétérité en raison de leur situation ou des nuisances engendrées, je peine à imaginer que ce projet de loi puisse produire ce genre d'effet. Je pense que c'est une mesure parfaitement compatible et abordable sur le plan financier pour les commerces. Le sac plastique est un symbole de la pollution, et ce symbole doit disparaître. Il s'agit bien sûr d'une première étape, et nous espérons que beaucoup d'autres suivront. En conclusion, je vous remercie d'adopter ce projet de loi. Merci, Monsieur le président. Ce sera tout ! (Quelques applaudissements.)

M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne reviendrai pas trop longuement sur les effets désastreux de la pollution par le plastique qui contamine l'ensemble du globe, puisque beaucoup d'éléments ont déjà été apportés, notamment par la députée Verte qui m'a précédé. J'aimerais simplement mentionner une étude parue très récemment, qui révèle que des microplastiques ont été découverts à 11 000 mètres de profondeur dans des crustacés. (Remarque.) Pardon, je ne savais pas ! C'est dire l'ampleur de la pollution causée par ces sacs plastiques. Le soutien à ce projet de loi est donc évident; la question qu'on doit se poser, c'est pourquoi il intervient si tard. Pourquoi voter une mesure pleine de bon sens aussi tard ?! On a le sentiment que les grands commerces, pour beaucoup en tout cas, ont devancé le politique en la matière, et ça ne fait que refléter une fois de plus la frilosité de nombreuses personnes au sein de cette assemblée ou des autres instances politiques en Suisse et ailleurs dès qu'il s'agit d'environnement, de même que la difficulté à intégrer réellement les coûts environnementaux dans les décisions qui sont prises. Ce projet de loi représente évidemment un progrès, et c'est pour ça que nous continuerons à le soutenir, mais il aurait dû voir le jour plus tôt - ce n'est en aucun cas une critique à l'égard de ceux qui l'ont déposé. Quoi qu'il en soit, il ne fait que questionner notre incapacité à adopter des mesures à temps pour répondre à la gravité du problème. Il est donc urgent de voter ce texte, Mesdames et Messieurs, mais plus largement de prendre enfin la mesure du problème environnemental et de tenir compte du coût environnemental des activités, en ne reléguant pas systématiquement tout cela au second plan, puisque bien souvent la politique environnementale de ce parlement consiste à dire qu'il faut adopter toutes les mesures nécessaires tant qu'elles ne coûtent rien et qu'elles n'entravent pas l'économie privée. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Marion Sobanek (S). Mesdames et Messieurs les députés, je l'ai dit, ce projet de loi propose une toute petite mesure, comme toujours, à l'image de la frilosité de ce parlement et de la Suisse en général. L'Union européenne nous a précédés en 2018: la Hollande, la Suède et la France ont carrément interdit les sacs plastiques - et très bizarrement l'économie marche quand même, les gens ne sont pas morts ! - et dans la majorité des autres pays ils sont payants. L'Union européenne va même interdire dès 2021 une dizaine d'autres produits en plastique à usage unique, qui sont pour leur part responsables de 70% des déchets plastiques présents dans nos océans. Je me permets de citer l'éditorial du quotidien «Le Temps» du 14 juin 2018: «La pollution par les plastiques constitue une véritable question de société, exigeant une réponse politique. Dommage que la Suisse préfère laisser les industriels décider quoi faire.» Comme l'a dit mon préopinant, nous les politiques n'osons malheureusement pas agir. Pourtant, les déchets plastiques polluent entre autres la surface de l'eau, puis se dégradent en microparticules et se retrouvent pendant des décennies dans les sédiments mais également dans la chaîne alimentaire, on l'a évoqué précédemment. Selon les chercheurs, seuls 13% des océans sont encore dans un état sauvage; on a même découvert du plastique - cela vient d'être dit - dans des crustacés vivant à 11 kilomètres de profondeur dans la fosse des Mariannes ! Dans le lac Léman, chez nous - je m'adresse au MCG - c'est exactement pareil: des chercheurs de l'Université de Genève ont détecté la présence fréquente de cadmium, de mercure et de plomb dans des déchets plastiques à l'intérieur des sédiments. Ces concentrations parfois très élevées, qui dépassent le maximum autorisé par la législation européenne, prouvent la longévité de ce type de substances dans nos lacs puisque ces produits chimiques sont interdits dans la production du plastique depuis plusieurs décennies. Et cette première analyse chimique des plastiques collectés sur les plages du lac Léman a été réalisée par des chercheurs de l'UNIGE, ce n'est donc pas une équipe de socialistes ou de Verts qui a décrété cela ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Plus de 50 tonnes de plastique arrivent chaque année dans le lac, et la moitié provient de l'usage des pneus. Je le dis à l'intention de mes amis automobilistes qui ont encore envie de déposer des amendements pour réduire les impôts sur l'essence, ce que je trouve totalement inacceptable dans la situation actuelle. La population réclame des actes et il convient maintenant de faire quelque chose. Adoptons ce projet de loi, car face à l'urgence climatique il faut agir ! Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. C'est à vous, Madame Barbier-Mueller.

Mme Diane Barbier-Mueller. Je renonce, Monsieur le président !

Le président. Très bien. La parole échoit donc à M. Patrick Dimier.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste essayer en très peu de temps d'emballer les quelques récalcitrants à ce projet de loi qui va de soi. Il est vrai qu'il n'est pas simple d'emballer un encornet dans un sac en papier, mais si on lit les nouvelles et qu'il reste quelques feuilles de chou - il y en a quelques-unes à Genève - on doit pouvoir le faire sans se mouiller. Cela pour dire que, parmi les petites actions à accomplir pour protéger notre environnement, celle-ci figure certainement en tête de liste. Ce n'est pas compliqué ! Du reste, ma collègue Danièle Magnin a présenté tout à l'heure un panel de sacs - on croirait qu'elle a une boutique faite pour ça. Il existe de très nombreuses possibilités pour éviter de polluer encore plus notre environnement ! J'invite donc ceux qui hésitent encore à ne plus hésiter et à être emballés par mon propos, même s'il n'est pas dans mon intention de rouler mes camarades dans la farine comme pourrait le faire un boulanger !

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais très rapidement exprimer la satisfaction du Conseil d'Etat de voir émerger un tel projet de loi - je remercie d'ailleurs ses auteurs - qui semble susciter une large adhésion. Je vous remercie également d'avoir accepté les suggestions du département du territoire lors des travaux en commission: ce dispositif législatif sera ainsi placé au bon endroit. Je partage la préoccupation qui a été exprimée par de nombreuses personnes à l'instant et l'avis qu'il s'agit finalement d'un geste simple, qui n'entrave en rien la liberté commerciale et qui est parfaitement conforme aux dispositions un peu timides - il faut le reconnaître, et je le fais volontiers au nom du Conseil d'Etat - existant au niveau fédéral. Cette mesure nous permet de faire un petit geste pour l'environnement qui est raisonnable et surtout très utile ! Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. J'appelle maintenant l'assemblée à se prononcer sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12397 est adopté en premier débat par 80 oui (unanimité des votants).

Le projet de loi 12397 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12397 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 86 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12397

RD 1133-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la planification sanitaire du canton de Genève 2016-2019
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 22 et 23 mars 2018.
Rapport de majorité de M. Francisco Valentin (MCG)
Rapport de première minorité de M. Bertrand Buchs (PDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Marc Falquet (UDC)
Rapport de troisième minorité de Mme Sarah Klopmann (Ve)
P 1854-D
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition concernant la situation de la psychiatrie adulte
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 22 et 23 mars 2018.
Rapport de M. Francisco Valentin (MCG)

Débat

Le président. Nous traitons notre dernière urgence... (Remarque de M. Jean Rossiaud.) Merci, Monsieur Rossiaud ! ...soit les objets liés RD 1133-A et P 1854-D en catégorie II, cinquante minutes. Le rapport de majorité est de M. Francisco Valentin, remplacé par M. Sandro Pistis, le rapport de première minorité est de M. Bertrand Buchs, celui de deuxième minorité de M. Marc Falquet... s'il veut bien se réveiller !

Une voix. Monsieur Falquet !

Le président. Monsieur Falquet ! Et Mme Marjorie de Chastonay prend la place de Mme Sarah Klopmann, rédactrice du rapport de troisième minorité. La parole revient immédiatement à M. Pistis.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, suite à l'arrêt rendu par le Tribunal administratif fédéral sur la planification sanitaire, je vous propose de renvoyer le RD 1133-A à la commission de la santé afin que le Conseil d'Etat puisse nous expliquer les tenants et aboutissants de cette décision et ses conséquences pour notre canton.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de première minorité. Nous avons déjà évoqué cet arrêt du Tribunal administratif fédéral lors de notre dernière séance de la commission de la santé: il sera probablement intégré dans la nouvelle planification sanitaire 2020. En effet, la planification sanitaire actuelle allant jusqu'en 2019, il faudra rapidement discuter de la nouvelle qui prendra en compte cet arrêt du Tribunal fédéral, donc il ne nous semble pas nécessaire de renvoyer ce texte en commission. De toute façon, je le répète, cet élément sera inclus dans la discussion sur la nouvelle planification sanitaire. La commission a été mise au courant, on discutera bientôt de la nouvelle planification, donc il n'est pas nécessaire de renvoyer ce texte en commission. Il devrait carrément être retiré par le Conseil d'Etat, puisqu'il est déclaré illégal par le Tribunal fédéral.

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Non, la minorité ne souhaite pas renvoyer cet objet en commission.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de troisième minorité ad interim. Les Verts souhaitent un renvoi en commission pour qu'il y ait au moins une analyse et un débat, même si nous discutons déjà du nouveau projet. Je pense qu'il y a des choses à dire sur la planification 2016-2019, donc nous soutiendrons la demande de renvoi en commission. Merci beaucoup.

Le président. Je vous remercie et mets aux voix la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport de commission RD 1133-A et P 1854-D à la commission de la santé est adopté par 49 oui contre 35 non.

R 831-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Delphine Klopfenstein Broggini, François Lefort, Sarah Klopmann, Jean-Michel Bugnion, Frédérique Perler, Boris Calame, Yves de Matteis, Christina Meissner, Pierre Vanek, Mathias Buschbeck pour la protection des abeilles
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 22, 23 février et 1er mars 2018.
Rapport de majorité de M. Francisco Valentin (MCG)
Rapport de minorité de Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve)

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, pour traiter de la R 831-A. (Un instant s'écoule.) Le rapport de majorité est de M. Francisco Valentin, remplacé par M. André Python; nous devons le rapport de minorité à Mme Delphine Klopfenstein Broggini. Je passe immédiatement la parole à M. André Python.

M. André Python (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est incontestable que certains produits phytosanitaires sont dangereux. (Brouhaha.) La Confédération y est sensible et Berne est actuellement occupée par cette thématique... (Brouhaha.)

Le président. Une seconde, s'il vous plaît. (Le président agite la cloche.) Monsieur Sormanni, un petit peu de silence ! Je ne suis pas intervenu avant, mais il faudrait retrouver...

M. Daniel Sormanni. Je n'ai pas dit un mot !

Le président. ...le bon silence de tout à l'heure !

M. Daniel Sormanni. Je n'ai pas dit un mot ! (Protestations. Un instant s'écoule.)

Le président. Je vous remercie et repasse la parole à notre rapporteur, M. Python.

M. André Python. Merci. Je vais recommencer. Il est incontestable que certains produits phytosanitaires sont dangereux et la Confédération y est sensible: Berne est actuellement occupée par cette thématique. Dans le milieu agricole, c'est un sujet qui préoccupe et leur utilisation se fait de manière parcimonieuse.

Concernant nos abeilles, la principale cause de leur mortalité est le varroa et non les produits utilisés pour lutter contre les mauvaises herbes, qu'elles ne butinent pas. De plus, il faudrait interdire de placer des ruches à moins de 3 kilomètres à vol d'abeille de nos frontières - c'est leur rayon d'action - afin qu'elles ne puissent pas butiner hors de notre canton. Cette résolution est redondante avec la motion 2353, qui avait longuement été débattue en commission, avec de nombreuses auditions des milieux professionnels. Selon les apiculteurs, l'utilisation avant floraison préserve les pollinisateurs de contact et les produits incriminés ne sont pas, en Suisse, et surtout à Genève, la cause première de mortalité des abeilles. Je vous demande donc de suivre la majorité de la commission, qui a refusé cette résolution. Je vous remercie.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce que j'entends du rapport de majorité est très surprenant quand on sait que le surnom donné aux néonicotinoïdes, c'est précisément «les tueurs d'abeilles» - ça sort des études scientifiques. Il paraît essentiel de revenir d'entrée de jeu sur l'objectif de cette résolution et de reprendre les différents constats qui ont motivé sa rédaction.

D'abord, les insecticides néonicotinoïdes constituent une menace importante pour la santé des insectes pollinisateurs, dont les abeilles domestiques, les abeilles sauvages et les bourdons. Ils font également planer une menace importante sur l'environnement et l'être humain: un tiers de l'alimentation dépend des insectes pollinisateurs, dont des abeilles. L'augmentation inquiétante de l'usage des pesticides fait naturellement partie des responsables du dérèglement climatique, lié aux pollutions toujours plus fortes qu'ils occasionnent - nous avons eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises.

Parfois surnommés, je l'ai dit, «les tueurs d'abeilles», les néonicotinoïdes sont une classe d'insecticides neurotoxiques agissant sur le système nerveux central des insectes, comme les abeilles et les autres pollinisateurs. Ils agissent sur le système nerveux central des insectes, et des abeilles en particulier, à des doses très faibles contractées de manière répétitive. Les abeilles ne meurent pas sur-le-champ, mais la répétition de l'exposition aux néonicotinoïdes altère leur sens de l'orientation, leurs facultés d'apprentissage et la fécondité des reines. C'est vous dire si les effets du produit sur l'abeille sont vicieux !

La faible biodégradabilité du produit, son effet toxique persistant et sa diffusion dans la nature posent par ailleurs d'importants problèmes environnementaux qui se manifestent jusqu'à vingt ans après l'utilisation. A noter également que les résidus toxiques atteignent de nombreuses denrées alimentaires et menacent donc directement la santé de l'être humain. Autant dire qu'il s'agit d'un problème majeur, non seulement pour les abeilles mais aussi pour l'ensemble de l'environnement. Tout dernièrement, à la fin de l'année passée, le Conseil fédéral a de fait levé le moratoire et confirmé la limitation de l'usage de certains néonicotinoïdes, en particulier trois produits de cette famille. C'est donc une très bonne nouvelle, qui va dans la droite ligne de cette résolution: Berne a reconnu la nocivité de ces produits au même titre d'ailleurs que l'Agroscope avant elle, ou encore l'Université de Berne et le département de biologie de l'Université d'Acadie, au Canada.

Nous proposons donc aujourd'hui de mettre à jour la résolution 831 et d'adopter l'amendement général suivant:

«- organiser la sortie programmée de l'ensemble des néonicotinoïdes,

- renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives aux néonicotinoïdes.»

Avec cet amendement, nous vous proposons de préparer le pas suivant, c'est-à-dire la sortie programmée de tous les néonicotinoïdes. Au même titre que nous avons voté il y a quelques mois, dans ce même parlement, la sortie programmée du glyphosate, nous vous proposons d'accepter cet amendement, puis d'accepter la résolution. Je vous remercie.

Le président. Merci. La parole est à M. le député Pierre Conne. (Un instant s'écoule.)

Une voix. Pierre ! (Remarque.)

Le président. Très bien, la parole est donc à Mme la députée Delphine Bachmann.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Au vu de la différence entre l'invite initiale et l'amendement général proposé, le parti démocrate-chrétien demande le renvoi en commission. Il souhaite un retour en commission, même bref, pour pouvoir discuter de l'amendement général, voire trouver un consensus. D'avance, merci de le voter.

Le président. Je vous remercie. Je vais d'abord demander l'avis des rapporteurs. Madame Klopfenstein Broggini ? Delphine, c'est à vous. (Le président rit.)

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. (L'oratrice rit.) Ce qui me semble essentiel actuellement, c'est de discuter dans un premier temps de l'amendement et puis d'arriver ensuite, en fonction du débat... En acceptant l'amendement aujourd'hui - et je vous le recommande vivement - nous mettrons à jour la résolution et nous pourrons alors l'accepter.

Le président. C'est maintenant que je dois faire voter l'assemblée sur la demande que vient de faire Mme Bachmann. A moins qu'elle ne la retire, mais sinon, on continue dans cette voie-là ! Je passe la parole à M. Python.

M. André Python (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, je ne suis pas opposé à un renvoi en commission pour y étudier l'amendement.

Le président. On pourra étudier l'amendement en commission, dit le rapporteur de majorité. Nous passons donc au vote sur cette demande de renvoi.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de résolution 831 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 47 oui contre 42 non.

PL 10605-R-C
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi de M. Pierre Vanek modifiant la loi sur les Transports publics genevois (LTPG) (H 1 55) (Gratuité des usagers de moins de 18 ans sur l'ensemble du réseau TPG)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 24, 25 et 31 janvier 2019.
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de première minorité de M. Pierre Vanek (EAG)
Rapport de deuxième minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

Le président. Nous en sommes au PL 10605-R-C dont nous débattons en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Christo Ivanov... (Un instant s'écoule.) ...s'il veut bien venir s'installer sur l'estrade...

Une voix. Il arrive, il arrive. (Un instant s'écoule.)

Le président. Allez-y, Monsieur.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. J'insère ma carte... Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ce projet de loi demande la gratuité des transports publics pour les usagers et usagères de moins de 18 ans. C'est un vieux débat qui resurgit de manière régulière devant ce Grand Conseil.

En Suisse, les transports publics et les CFF sont gratuits jusqu'à 6 ans et à prix réduit entre 6 et 16 ans, tout comme à Genève, d'ailleurs - qui, pour une fois, se situe dans la moyenne helvétique. Notre canton pratique les tarifs les plus bas du pays: 3 F l'heure pour les adultes, 2 F pour le demi-tarif. Il s'agit de prix vraiment dérisoires. Ces dernières années, le souverain genevois a voté à deux reprises pour le maintien du tarif actuel; dont acte.

Avec le développement du réseau et l'arrivée du Léman Express, il manque déjà 21 millions de francs pour couvrir le contrat de prestations 2018 et les investissements prévus. Voilà de nombreuses années que les TPG font face à des problèmes de recettes; l'an dernier, notre parlement a dû voter un complément au budget afin de boucher les trous et de combler le déficit de l'exercice 2017. L'extension du réseau des transports publics nécessitera d'importants moyens financiers supplémentaires dans les années à avenir: citons l'arrivée du tram 17, le prolongement de la ligne jusqu'à Bernex, le développement du tram en direction de Ferney-Voltaire, et j'en passe.

La gratuité pour les usagers et usagères de moins de 18 ans est donc une fausse bonne idée. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des transports vous demande de refuser ce projet de loi.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi datant de 2009 revient pour la troisième fois de commission, parce qu'il s'est chaque fois trouvé une majorité pour ne pas entrer en matière dessus, avant que le plénum, dans sa grande sagesse, considère qu'on ne peut pas refuser une mesure aussi raisonnable, aussi sociale, aussi écologique, aussi pédagogique, aussi intelligente, aussi nécessaire ! Cette navette a duré dix ans, et on tombe aujourd'hui à point nommé, puisque le débat intervient précisément au moment où la jeunesse se mobilise massivement pour exiger des changements dans notre consommation énergétique et pour défendre le climat, ce qui passe notamment par un transfert modal en direction des transports en commun.

Cette mesure est tout à la fois écologique, sociale - elle favorise les familles - et pédagogique, parce qu'elle conduit à un apprentissage facilité de l'usage de cet outil fantastique que sont les TPG. Ainsi que le ministre chargé des transports l'a rappelé et que le rapporteur de majorité l'a dit, il y a un développement important de l'offre, et c'est précisément parce que la collectivité déploie cet effort massif qu'on doit investir dans une incitation plus particulière, dans un effort de formation quant à l'utilisation des transports publics.

Quand on évoque l'aéroport, on fait toutes sortes de comparaisons - La Blécherette, l'aéroport de Limoges-Bellegarde - alors parlons un peu du Luxembourg, qui possède avec Genève de nombreux points communs que je ne vous détaillerai pas sur le plan économique et des dimensions: depuis le 1er août 2018, chaque enfant et chaque jeune - non pas de moins de 18 ans, mais de moins de 20 ans ! - peut utiliser les transports en commun gratuitement et sans ticket sur l'ensemble du territoire national. Et le Luxembourg n'est pas régi par une bande de gauchistes, le gouvernement en place a des libéraux à sa tête qui défendent une mesure qui sera introduite le 1er mars 2020, à savoir la gratuité totale des transports en commun dans l'ensemble du pays. Gratuité totale des transports en commun dans l'ensemble du pays ! Cette mesure constitue l'un des éléments phares du programme du gouvernement auquel sont associés également des Verts.

En comparaison, Mesdames et Messieurs, ce qu'on vous propose ici est d'une modération extrême, on n'est pas au Luxembourg, on ne demande pas la gratuité totale - mais il faudra y venir, sans aucun doute - on propose simplement la gratuité pour les jeunes jusqu'à 18 ans. Nous avons les moyens de nous payer cette mesure qui n'engendrerait qu'une augmentation très modeste du subventionnement global des TPG, un subventionnement nécessaire et qu'il faut défendre et voir renforcé, comme le vise cet excellent projet de loi. (Quelques applaudissements.)

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous le savons tous, les habitudes de mobilité s'acquièrent dès le plus jeune âge. A cet égard, le présent projet de loi constitue une opportunité à saisir afin d'inciter nos jeunes, qui deviendront par la suite un peu moins jeunes, à utiliser des modes de déplacement alternatifs au transport individuel motorisé, en l'occurrence les transports collectifs.

Ce transfert modal est absolument impératif pour l'avenir, surtout lorsqu'on pense à la saturation du réseau routier, à la pollution atmosphérique dont on a amplement parlé au cours de ces deux derniers jours, à la pollution sonore et au taux d'accidents qui sont préoccupants. Pour répondre à ces défis, il faut rendre les transports publics plus attractifs, en particulier pour les jeunes, et on peut le faire par le biais de ce projet de loi. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, investir dans la gratuité des transports publics pour les jeunes, ce n'est rien d'autre qu'investir en faveur de la transition vers une mobilité plus durable.

Il est par ailleurs important de rappeler qu'en dépit de l'initiative puis, quelques mois plus tard, du référendum sur les tarifs des TPG qui ont permis de maintenir des prix abordables, ceux-ci restent encore prohibitifs pour certains ménages. Prenons l'exemple d'une famille composée de deux adultes et deux enfants, qui sont des usagers occasionnels des transports collectifs: un aller-retour pour une sortie leur coûtera plus de 20 F. Ainsi, beaucoup d'entre eux font le choix de la voiture, non par habitude, non par confort, non par idéologie, mais tout simplement par rationalité économique. La gratuité des transports publics pour les jeunes de moins de 18 ans représenterait un véritable encouragement pour ces personnes. Aux yeux de la minorité, la mobilité est tout autant un besoin qu'un droit, lequel doit être garanti à l'ensemble de la population. Nous devons permettre aux jeunes issus d'une classe sociale modeste ou défavorisée de se déplacer, ceci aussi afin de lutter contre le phénomène de ségrégation spatiale.

A notre sens, le service public de transport doit être assumé dans une plus large mesure par l'Etat et financé par l'impôt. Le projet de loi prévoit que le financement de la gratuité pour les moins de 18 ans se fait par une augmentation de la subvention. Grâce à la loi 12128 votée il y a deux ans, qui compense automatiquement des baisses de financement liées à une réduction des tarifs par une augmentation de la subvention, et contrairement à la situation qui prévalait au moment du dépôt de ce projet de loi, nous n'avons aucune crainte à avoir quant à une éventuelle détérioration de l'offre.

Ce texte, Mesdames et Messieurs les députés, constitue un véritable signal en faveur de la mobilité durable ainsi qu'un geste à l'attention des usagers et du jeune public des TPG, et c'est pour ces raisons que la minorité vous appelle à l'accepter. Je vous remercie.

M. Jean Burgermeister (EAG). Les choses sont parfois bien faites: voyez ce projet de loi qui a été déposé il y a dix ans, qu'une majorité hostile n'a jamais réellement osé refuser et a toujours préféré renvoyer en commission, le voilà qui resurgit dans notre plénière à point nommé, au moment où des dizaines de milliers de jeunes se mobilisent à travers tout le pays - et même bien plus largement - pour réclamer des mesures fortes en matière d'environnement, et c'est exactement à ces jeunes-là que nous nous adressons avec ce projet de loi. Il est évident que notre parlement doit à tout prix voter ce texte qui n'a qu'un seul défaut, celui de restreindre la gratuité aux moins de 18 ans.

Ce projet de loi touche très juste, puisqu'il permet tout à la fois d'accélérer le nécessaire transfert modal, de pousser les jeunes à prendre de bonnes habitudes en matière de déplacements en les encourageant à emprunter les transports publics et de soutenir les familles les plus modestes, pour qui payer un, deux ou trois abonnements de bus - voire plus - pour leurs enfants représente un coût important. C'est exactement le genre de solution sur lequel nous devons miser pour une vraie transformation de la société, car il répond à des préoccupations sociales et environnementales tout à fait légitimes.

A cet égard, le rejet de ce projet de loi par une partie des Verts est quelque peu inquiétant. Je cite la motion qu'ils ont présentée tout à l'heure et qui parlait de «crise écologique majeure» qu'il s'agit de reconnaître et de «gérer de manière prioritaire». Eh bien «prioritaire», ça veut justement dire qu'on se donne les moyens de mener des politiques conséquentes et non pas qu'on fait marche arrière dès lors qu'il y a quelque coût financier. Refuser cet objet, ce serait un très mauvais signal qu'enverrait le Grand Conseil aux jeunes qui se mobilisent massivement; la frilosité qui ressortirait de ce vote contrasterait fortement avec l'ampleur des mobilisations et les mesures extrêmement fortes qu'ils réclament.

Quant aux PLR dont je sais certains encore hésitants, vous qui évoquez régulièrement les propriétaires de villas démunis qui ne possèdent rien d'autre que leur petit bien immobilier, sachez que ce projet de loi s'adresse aussi à eux. En effet, ils vivent souvent à la campagne, doivent envoyer leurs enfants à l'école en ville, et ces enfants prennent le bus tous les jours - je le sais bien, j'ai grandi à Gy. Alors soyez cohérents, soutenez ces petits propriétaires de villas que vous défendez tout au long de l'année et votez ce projet de loi avec nous. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rappeler quelques points importants au sujet des transports publics, même si certains ont déjà été évoqués. D'abord, les enfants en bas âge - de 0 à 6 ans - ne paient rien, tandis que la tranche des 6 à 16 ans bénéficie d'un prix réduit. Ensuite, les TPG ont connu une baisse des tarifs en 2014 qui a engendré une perte de recettes d'environ 10 millions, mais - et c'est là le point important - sans augmentation de la fréquentation. Ainsi, la gratuité en tant que telle ne renforcera pas forcément l'usage des transports publics.

D'autre part, il ne faut pas oublier que les TPG offrent des prestations de qualité qui ont une valeur et un prix, des prestations déjà largement subventionnées - pour plus de 50% - par l'Etat, il est important de le savoir. Or on sait que la gratuité d'une prestation en dévalorise souvent la valeur, que tout ce qui est gratuit n'est pas respecté, on le voit dans beaucoup de situations: les déprédations, le manque de respect constituent un effet pervers de la gratuité. A cet égard, je ne suis pas certain que le message envoyé à nos jeunes, à savoir que de plus en plus de choses sont gratuites, soit le bon. C'est faux, la gratuité n'existe pas, elle est juste financée autrement, on fait payer la facture par d'autres, et je pense qu'il est important d'en être conscient pour se responsabiliser.

Ça me fait d'ailleurs penser aux propos de la gauche que j'ai entendus tout à l'heure, plus précisément chez Romain de Sainte Marie et Yvan Rochat s'agissant de l'impôt sur les chiens; ils disaient qu'en abolissant cet impôt, on déresponsabilise les propriétaires de chien. C'est exactement ce que je dis par rapport à la gratuité des billets pour les jeunes ! Le but n'est pas de les déresponsabiliser.

Enfin, je pense encore à un autre effet négatif qui n'a pas été mentionné ici, soit le fait que la gratuité des transports publics risque de diminuer la part accordée à la mobilité douce, marche et vélo. Forte de ces considérations, l'UDC vous recommande de refuser ce projet de loi. Merci.

Une voix. Bravo !

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi demande ni plus ni moins que d'exempter tous les usagers jusqu'à l'âge de 18 ans, résidents ou non-résidents, d'un titre de transport sur l'ensemble du réseau des TPG, et ce alors que Genève connaît les tarifs les plus bas de Suisse en matière de transports publics. Il existe actuellement, cela a été dit tout à l'heure, toute une série de facilités tarifaires et autres aides pour les familles et les jeunes que les collectivités publiques et Unireso se doivent de promouvoir et qui font d'ailleurs l'objet d'une motion à un point suivant de l'ordre du jour. Les jeunes sont déjà habitués à utiliser les transports publics ou à se déplacer à pied et à vélo, et la gratuité n'y changera rien, on l'a déjà vu avec la baisse des tarifs en 2014.

Avec la mise en service du Léman Express, les transports publics se développeront de manière conséquente dans toute la région, développement que l'Etat devra financer massivement. Pour l'ensemble des opérateurs, ce financement supplémentaire est de l'ordre de 17 millions pour 2019, 40 millions pour 2020 et 63 millions pour 2024. La gratuité pour les moins de 18 ans représenterait pour les TPG un manque à gagner de 16,5 millions que l'Etat devrait compenser. Les tarifs à Genève sont attractifs, l'offre va augmenter de façon considérable et contribuera elle-même à une augmentation de la fréquentation. La baisse des prix ou la gratuité n'incitent pas les gens à prendre davantage les transports publics.

Nous pensons qu'il est temps que notre Grand Conseil prenne ses responsabilités, défende une vision globale et à long terme des transports publics à Genève en s'assurant d'un financement durable et stable. Nous devons aussi être attentifs à ne pas perdre les subventions provenant de Berne et nous abstenir de créer des particularités genevoises. Pour des raisons évidentes de cohérence avec le développement de l'offre, nous vous incitons à refuser ce projet de loi pour ne pas mettre en péril le développement de nos transports publics ces prochaines années.

Mme Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est une véritable question de principe que notre Grand Conseil a enfin l'occasion de trancher ce soir, après de multiples atermoiements et autres mesures parlementaires dilatoires. Qui oserait aujourd'hui renier l'instruction publique, l'école gratuite, accessible à toutes et tous sans distinction de revenu ou de capacité socio-économique ? Personne, évidemment.

La droite qui appelle à refuser ce projet de loi est aussi celle qui ne souhaite voir aucun péage entraver nos routes, parce que la construction et l'entretien de celles-ci sont des tâches régaliennes de l'Etat. Fort bien, mais alors pourquoi en serait-il autrement des transports publics collectifs qui, dans notre canton, sont réglés, fixés, organisés et gérés par l'excellente régie des TPG ? La question du jour est très simple.

«Rien n'est gratuit en ce bas monde», me répondra-t-on. C'est vrai. La question est de savoir si le financement de cette prestation doit être solidaire, réparti selon la capacité contributive de chacune et chacun et donc assuré par l'impôt, ou bien s'il est du ressort personnel, de la responsabilité individuelle, chaque individu se payant ou non cette prestation suivant ses capacités. Pour le parti socialiste, la réponse est très simple: les transports publics sont un service public, ils doivent évidemment être financés par l'impôt, et ce idéalement pour tous les usagers.

Or la présente proposition est bien plus modeste, puisqu'elle ne concerne que les jeunes, mais elle va déjà dans la bonne direction. Les arguments en faveur de la gratuité ont été largement énumérés. J'en rappellerai certains: l'acquisition de bonnes habitudes pour l'avenir, l'apprivoisement des TPG par les jeunes, le soutien accru aux familles qui en ont besoin et aux revenus les plus faibles, l'amélioration de la santé publique, la diminution du trafic individuel motorisé. Ce n'est rien moins qu'un véritable tournant en faveur de la mobilité du XXIe siècle qui sera douce et collective ou ne sera pas.

Un financement solidaire par l'impôt via une augmentation de la subvention de l'Etat aux TPG afin d'inciter les jeunes à devenir littéralement accros aux TPG, voilà ce que souhaite le parti socialiste. C'est donc résolument tournés vers l'avenir et vers une mobilité enfin durable que le parti socialiste et moi-même vous encourageons à accepter ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, il vaut certainement la peine de rappeler que ce projet de loi vise une population très précise, à savoir les jeunes jusqu'à 18 ans. Il s'agit d'une époque charnière de la vie, l'époque de nombreux apprentissages, l'époque des acquisitions - pas matérielles, mais bien morales ou éthiques - l'époque où les habitudes se prennent et où les avis se forgent. Alors oui, rendre les transports publics gratuits pour les enfants et les jeunes jusqu'à 18 ans est une bonne idée.

Si l'actuelle carte junior est une réussite, elle qui permet aux enfants de moins de 16 ans de voyager partout en Suisse en transports publics accompagnés des parents pour 30 F par an, ça ne suffit certainement pas. A partir de 13, 14, 15 ans, l'enfant commence régulièrement à se déplacer seul pour se rendre à l'école, au collège, à l'ECG, en apprentissage ou à l'école de commerce, des établissements souvent éloignés du domicile, notamment avec la nouvelle logique des maturités à la carte. Ainsi, il n'est pas exagéré de lui faciliter l'usage des transports publics, ce d'autant que l'offre va sacrément se développer avec l'arrivée du Léman Express.

Aujourd'hui, certaines communes font un effort en subventionnant une partie des abonnements, mais d'autres sont malheureusement à la traîne. Il n'est pas normal que les enfants et par extension leurs familles soient pénalisés en fonction de leur lieu d'habitation. Ce projet de loi permettrait à cet égard d'harmoniser la situation.

Si une majorité se dessine ce soir pour voter ce projet de loi, cette même majorité devrait être capable de voter les crédits nécessaires pour que l'offre ne soit pas prétéritée. Le coût de ce projet de loi est estimé à 15 millions, soit 3% à 4% de la prise en charge des frais des transports publics par la collectivité. Il s'agit d'un investissement, pas d'un manque à gagner !

Cette politique incitative, préventive, voire éducative, ne doit pas évoluer seule, les Verts tiennent à le souligner. Les transports publics constituent une excellente alternative au transport individuel motorisé, c'est sûr, mais ils sont loin d'être la seule; je pense au vélo ou à la marche qui doivent aussi être attractifs, car il est essentiel que les jeunes et les enfants puissent se déplacer en toute sécurité. C'est une habitude qu'il faut prendre tôt et dans ce sens, en parallèle à cette démarche, il s'agit de développer des politiques publiques qui favorisent largement la mobilité douce pour que nos enfants puissent se déplacer à vélo et à pied en toute sécurité sur l'ensemble du territoire. Loin d'opposer une politique publique à une autre, l'essentiel étant que nous avancions groupés pour favoriser les transports publics d'une part et la mobilité douce de l'autre, la majorité des Verts soutiendra ce projet de loi.

Mme Fabienne Monbaron (PLR). Mesdames et Messieurs, le PLR n'est pas en accord avec ce projet de loi, même s'il est conscient que les transports publics dégradent moins l'air que le transport motorisé individuel. En l'occurrence, nous ne sommes pas convaincus que la gratuité proposée permettra de renforcer cet aspect, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, les tarifs des abonnements ont singulièrement baissé il n'y a pas si longtemps, et nous avons rapidement constaté l'effet pervers qui en a résulté, à savoir une diminution de l'offre susceptible d'engendrer une hausse des transports individuels. Cette réduction a été largement décriée, et le canton a dû augmenter son subventionnement pour couvrir le manque à gagner et permettre le rétablissement de l'offre. Actuellement, Genève a les prix de transports publics les plus bas de toute la Suisse.

Les TPG offrent de surcroît divers rabais à destination des familles allant jusqu'à 50 F pour les abonnements annuels - il suffit de consulter leur site internet pour le constater, celui-ci est très explicite et contient des vidéos en différentes langues également sous-titrées - tandis que certaines communes proposent une participation qui s'échelonne de 50 F à 200 F par abonnement annuel. Dès lors, que l'on prenne la variante la plus optimiste ou le prix coûtant, le montant d'un abonnement annuel junior revient entre 12,50 F et 33 F par mois, soit entre 45 centimes et, au maximum, dans la version sans rabais, 1,10 F par jour, c'est-à-dire moins cher qu'une bouteille de soda ou le goûter de la récré.

Toujours d'un point de vue financier, le manque à gagner est estimé entre 16 et 20 millions de francs selon les intervenants. Initialement, les auteurs du projet envisageaient qu'il soit comblé par le «ponctionnement» sur les profits réalisés par la Fondation des parkings avec les amendes d'ordre. Or tout comme le mot «ponctionnement» n'existe pas dans le dictionnaire, ceci est impossible, puisque cette fondation ne perçoit pas le produit des amendes, mais un montant fixe prévu par un contrat de prestations.

Est alors venu un amendement socialiste visant à augmenter la subvention annuelle pour combler intégralement le manque à gagner et éviter que les prestations ne soient touchées. Apparemment, nous ne sommes pas les seuls à craindre une diminution de l'offre avec l'adoption de la gratuité ! Cette hausse de la subvention ne nous étonne pas, vu son origine, mais on peut s'interroger sur la réflexion menée pour y arriver dans la mesure où on travaille parallèlement aux mesures qui accompagneront la mise en service du Léman Express. Ce nouveau moyen de locomotion va en effet engendrer des modifications conséquentes afin de rabattre au maximum les usagers sur les nouvelles gares, et les frais qui en découleront ne seront pas minimes. Ce sont des dépenses nécessaires pour assurer la réussite de ces nouveaux services, ceux-là même qui feront que les gens, jeunes ou non, préféreront se tourner vers le Léman Express plutôt que de souffrir dans la circulation et de polluer inutilement.

Si l'exposé des motifs indique que la génération des années 70 et 80 n'éduque pas ses enfants à utiliser les transports en commun - on peut d'ailleurs se demander d'où sort cette affirmation - force est de constater, depuis plusieurs années, la nette diminution du nombre de jeunes qui passent leur permis de conduire et la tout aussi nette augmentation de ceux qui se déplacent en transports publics. Il se pourrait que faire payer les transports publics à partir de 18 ans incite plutôt les jeunes à passer leur permis ! La hausse de fréquentation des transports publics parmi les jeunes s'est produite sans gratuité, et les récentes manifestations pour le climat montrent que la jeunesse est consciente de sa responsabilité; elle est consciente que tout a un prix, et nous estimons que celui qui lui est demandé n'est de loin pas prohibitif. Pour toutes ces raisons, nous refuserons ce projet de loi.

Une voix. Très bien !

M. François Baertschi (MCG). En 2009, le MCG était favorable à la gratuité des transports publics pour les moins de 18 ans. Nous avions déposé un projet de loi dans ce sens, ce même projet de loi que nous avons par la suite abandonné et qui a été repris par Ensemble à Gauche. Pourquoi l'avons-nous retiré ?

Dans l'intervalle, le CEVA - dit aujourd'hui Léman Express - a été voté et nous avons eu un aperçu de son coût. D'après ce qui nous a été indiqué, les dépenses de fonctionnement devraient s'élever à environ 50 millions; plus récemment, j'ai même entendu le chiffre de 70 millions; dans tous les cas, il s'agit de montants considérables. Force est de constater qu'en l'état, en raison de l'explosion des frais liés au CEVA, nous n'avons plus les moyens de financer la gratuité des transports publics pour les moins de 18 ans.

Pour nous montrer raisonnables, nous devrions trouver de nouvelles sources de financement, car on se trouve dans une situation tout à fait différente de celle de 2009, situation qui exige de réexaminer complètement une telle mesure. Pour le MCG - nous maintenons cette position et nous verrons ce qu'il en sera ces prochaines années - le CEVA est un mauvais projet présentant un ensemble d'inconvénients que je ne vais pas développer ce soir. Nous déplorons ce que nous estimons être un mauvais choix, mais nous devons malheureusement en tenir compte.

Nous continuons à estimer qu'il serait juste d'instaurer la gratuité pour les moins de 18 ans, parce qu'il faut aider les familles, il faut aider les jeunes, mais nous nous rendons bien compte que nous risquons d'aller dans une impasse: il faudrait soit réaliser des coupes sur les prestations, soit nous employer à trouver de nouveaux fonds dans le budget de l'Etat, soit augmenter le prix des billets pour les plus de 18 ans... Tout un ensemble de possibilités devraient être recherchées, parce qu'il n'y a pas de miracle, les billets de banque ne poussent pas sur les arbres, donc nous devrions trouver une solution.

Face à cette difficulté, face aux incertitudes, face à la mise en service de ce dispositif très coûteux qu'est le Léman Express à la fin de cette année et qui continuera à se développer l'année prochaine, nous estimons plus sage de nous abstenir; c'est donc la rage au coeur que le groupe MCG s'abstiendra sur ce projet de loi.

Une voix. Quel courage !

M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, juste un mot par rapport au financement. Quand il s'agissait de trouver une mesure d'accompagnement concernant les transports publics pour favoriser la RIE III, les excellents services de M. Dal Busco avaient réussi à dégager 36 millions supplémentaires par le biais d'une taxe sur les entreprises.

Là, il est question de 16 millions, et on n'arrive pas à les trouver pour favoriser les transports publics pour les jeunes de moins de 18 ans ?! Cherchez l'erreur. Franchement, il est nécessaire de trouver ce financement et de les soutenir de manière déterminée. J'espère que, la rage au coeur, le MCG nous suivra dans ce vote en faveur de la gratuité des transports publics pour les jeunes. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole va à M. André Pfeffer pour une minute quatorze.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais relever deux éléments. Tout d'abord, il est démontré que ce n'est pas la gratuité des transports publics qui stimule leur fréquentation; pour augmenter la fréquentation, au contraire, il faut améliorer la qualité du réseau et l'accès à celui-ci.

La deuxième chose que je souhaite souligner, ce sont les points négatifs de ce projet de loi: d'une part, il complexifie le système tarifaire, d'autre part, il ferait augmenter les subventions - il pourrait même y avoir une double facture si la Confédération devait réduire son aide. Pour ces raisons, comme l'a déjà dit notre groupe, nous proposons de rejeter ce projet de loi. Merci.

M. Patrick Dimier (MCG). J'aimerais attirer l'attention de cette assemblée sur l'article 15 de notre constitution qui interdit toute forme de discrimination. Or en n'accordant la gratuité qu'aux jeunes jusqu'à 18 ans, on introduit une discrimination, puisque ceux qui ont plus de 18 ans n'y auront pas droit !

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Pour répondre tout d'abord à l'intervenant UDC et à différents autres orateurs qui ont prétendu au cours de ce débat que la gratuité n'augmente pas la fréquentation, je dirai qu'on n'a pas vraiment d'exemple pour le démontrer.

Je tiens quand même à souligner ici que pour certaines familles, un montant de 400 F, c'est-à-dire le prix d'un abonnement annuel pour un jeune, est prohibitif, ce qui fait que les jeunes renoncent à sortir de leur quartier, à se déplacer dans l'ensemble du canton. A cet égard, la gratuité des transports publics pour les moins de 18 ans constitue une mesure non seulement incitative, mais également sociale.

Mme Monbaron - vous transmettrez, Monsieur le président - indique que Genève a les tarifs les plus bas de Suisse: eh bien nous devons justement nous en féliciter, nous devons nous réjouir de disposer d'un service public de transport qui soit non seulement efficace, mais aussi abordable en comparaison intercantonale, même si nous avons encore des efforts à déployer en la matière.

Pour ces différentes raisons, la minorité réitère sa proposition d'accepter ce projet de loi. Et, Monsieur le président, je demande encore le vote nominal.

Le président. Bien, êtes-vous soutenue, Madame ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, alors nous procéderons au vote nominal le moment venu. Je laisse la parole à M. Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Oui, merci. Comme j'ai très peu de temps, je vais juste revenir sur l'argument de la gratuité: on a entendu que rien n'est gratuit, un député PLR a dit en commission que la prestation en serait démonétisée, une autre députée PLR a évoqué quant à elle l'effet pédagogique, qu'il s'agit d'apprendre que les choses ont un coût... Autant d'arguments qui plaideraient, pour ne prendre qu'un seul exemple, en faveur de la suppression de l'instruction publique gratuite ! On rendrait l'école primaire payante à des fins pédagogiques ! C'est évidemment un argument irrecevable...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député, je passe la parole à M. Christo Ivanov.

M. Pierre Vanek. ...pour fonder une quelconque politique publique. (Applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je répète qu'un certain nombre de facilités tarifaires et d'aides communales existent déjà. D'ailleurs, si je me souviens bien, la Ville de Genève a récemment alloué une subvention supplémentaire de 50 F par jeune par rapport à ce qu'elle donnait avant. Malheureusement, toutes les communes n'encouragent pas leurs jeunes à prendre les transports publics, ce qui est bien regrettable.

Personnellement et comme rapporteur de majorité également, j'estime que l'effort doit venir des communes, et non de l'Etat. Pour l'instant, certaines municipalités rechignent encore à soutenir financièrement leurs jeunes, et je pense que c'est une erreur. Pour ma part, je viens d'acheter une carte junior à ma fille de 8 ans qui peut ainsi voyager gratuitement avec son père ou sa mère pour la somme annuelle de 30 F. Ce n'est pas la mort du petit cheval !

Je terminerai, Monsieur le président, par un clin d'oeil à notre collègue M. Pierre Vanek - vous lui transmettrez - qui se félicite de ce que met en place le Luxembourg; mais le Luxembourg n'est-il pas un paradis fiscal, siège de nombreuses multinationales, Monsieur le député ?

M. Pierre Vanek. Oui, j'ai indiqué ces analogies, cher collègue.

M. Christo Ivanov. Comme quoi l'argent sert parfois à quelque chose, même si vous faites certainement partie de ceux qui ont un problème avec ! Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission des transports vous demande de refuser ce projet de loi.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, à la fin de cette année, notre canton, notre région vont vivre une révolution des transports: avec la mise en service du Léman Express, nous allons véritablement entrer dans le XXIe siècle ! Le réseau des TPG sera complètement réorganisé afin de rabattre les clients vers les nouvelles gares du Léman Express, cela a été indiqué; cette ligne constituera de fait la colonne vertébrale de tout un système de transports que nous n'avons encore jamais connu, dont nous avons souvent rêvé par le passé en pensant à certaines villes alémaniques. Ce sera enfin une réalité.

Dans ce contexte, est-ce que le projet qui vous est soumis ce soir sera utile, va-t-il même servir cet objectif ambitieux qui est le nôtre ? Pour plusieurs raisons, le Conseil d'Etat est d'avis que non. D'abord, le dispositif en question devra être financé. Le plan financier quadriennal - et le budget aussi, d'ailleurs - comporte déjà des dotations importantes en la matière pour les prochaines années, des dotations nécessaires afin de renforcer ce système sur lequel nous fondons beaucoup d'espoir pour des changements d'habitudes au sein de notre population.

Or, pour cela, il faut des ressources. Aujourd'hui encore, à la faveur de ce qui apparaissait comme un projet de loi quelque peu anodin - la suppression de l'impôt sur les chiens - ces ressources ont été diminuées d'un million, un million et demi, deux millions; et là, on se propose volontairement de réduire nos fonds d'environ 17 millions !? C'est peu ou prou le même raisonnement ayant présidé au dépôt de l'initiative qui a ensuite engendré deux votes supplémentaires il y a quelque temps: il suffit de baisser les tarifs - fondamentalement, rendre la prestation gratuite pour une partie des clients revient à baisser les tarifs - pour que la fréquentation augmente de manière conséquente. Evidemment, les faits ont démontré le contraire. Résultat des courses, la fréquentation des TPG n'a pas augmenté de manière conséquente, tandis que le financement a massivement diminué.

Mesdames et Messieurs, pour qu'un système soit efficace, pour qu'il attire une autre clientèle, pour que des habitudes nouvelles soient prises, c'est la qualité du réseau qui compte. A cet égard, et je peux en témoigner personnellement, les nouvelles générations ont déjà pris - à juste titre, d'ailleurs - de bien meilleures habitudes que leurs aînés. Dans le fond, s'il devait y avoir des incitations en matière de bonnes pratiques de mobilité, ce n'est guère en faveur des jeunes qu'il faudrait les mettre en place, mais plutôt de la génération de leurs parents, voire de leurs grands-parents. Mesdames et Messieurs, il est très important de comprendre qu'une telle mesure n'aura pas d'effet sur la fréquentation; c'est plutôt l'offre et la qualité du réseau que nous allons mettre en place - lesquelles nécessitent des financements adéquats ! - qui permettront le transfert modal.

Le Conseil d'Etat regretterait vivement que votre parlement accepte un tel projet de loi ce soir, parce qu'il irait à l'encontre de son objectif. Pour preuve, je cite souvent la principale ville de Suisse, à savoir Zurich, qui possède un réseau de transports en commun qu'on lui envie loin à la ronde - nous les premiers - qui est extraordinaire, qui fonctionne à merveille, qui au demeurant a eu le mérite de dépolitiser la question des transports; eh bien le coût des titres de transport y est le plus élevé du pays. La corrélation, c'est que pour offrir un système efficace, il faut des moyens pour le faire fonctionner. Aussi, Mesdames et Messieurs, c'est avec conviction que le Conseil d'Etat vous enjoint de ne pas accepter ce projet de loi qui va exactement dans le sens contraire voulu par ses auteurs. Merci de votre attention.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et j'ouvre la procédure de vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 10605-R est rejeté en premier débat par 46 non contre 35 oui et 10 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous remercie et je lève la séance.

La séance est levée à 19h45.