Séance du jeudi 22 février 2018 à 20h30
1re législature - 4e année - 12e session - 64e séance

IN 164
Initiative populaire cantonale « Pour un meilleur contrôle de l'expérimentation animale »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 22, 23 février et 1er mars 2018.
IN 164-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 164 « Pour un meilleur contrôle de l'expérimentation animale »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 22, 23 février et 1er mars 2018.

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons notre premier point fixe en catégorie II, trente minutes. Il s'agit de l'initiative 164. Je passe la parole à M. Conne.

M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. D'ores et déjà, le groupe PLR demande que cette initiative soit examinée par la commission de l'enseignement supérieur afin que nous nous déterminions quant à sa validité et à l'opposition éventuelle d'un contreprojet. (Brouhaha.)

Sur le fond, le PLR aimerait rappeler que nous ne partons pas de zéro s'agissant du contrôle de l'expérimentation animale en laboratoire. Voilà plus de vingt ans que nous prenons en considération la perception de la douleur chez les animaux... (Brouhaha.) Je m'arrête le temps que l'assemblée se calme un peu, Monsieur le président, si vous êtes d'accord.

Le président. Oui, tout à fait. Un peu de silence, s'il vous plaît ! On n'entend rien ! (Un instant s'écoule.) Reprenez, Monsieur.

M. Pierre Conne. Merci, Monsieur le président. J'étais en train de rappeler que la surveillance de l'expérimentation animale est très poussée en Suisse, particulièrement à Genève. Dans le cadre du droit fédéral, notre canton dispose en effet d'une commission officielle de contrôle qui possède la plus forte représentation de défenseurs de la cause animale du pays. D'ailleurs, l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires lui a décerné le standard d'or, parce qu'elle a obtenu le maximum de points pour son travail de surveillance des procédures d'autorisation de l'expérimentation animale et ses contrôles non annoncés des animaleries de laboratoire. Nous sommes donc déjà dans une situation de respect de l'animal.

Il faut préciser que l'expérimentation animale est nécessaire au progrès de la biologie et de la médecine. Cela dit, les initiants ne la remettent pas en question, puisqu'ils proposent d'instituer une nouvelle commission de contrôle de l'expérimentation animale par le biais d'une loi cantonale.

Alors pourquoi préconisons-nous de rejeter l'initiative et de ne lui opposer aucun contreprojet ? Parce que ce texte n'améliorera en rien la condition des animaux de laboratoire; à l'inverse, il paralysera les procédures permettant justement de vérifier la qualité des protocoles de recherche et du traitement des animaux. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, le groupe PLR vous invite à rejeter l'initiative sans lui opposer de contreprojet. Je vous remercie.

M. Gabriel Barrillier. Bravo, très bien ! (Brouhaha.)

Des voix. Chut !

Le président. Merci, Monsieur. (Brouhaha.) Je patiente... (Un instant s'écoule.) La parole est à Mme Klopfenstein Broggini.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts accueillent positivement cette initiative pour un meilleur contrôle de l'expérimentation animale. La dignité tout comme le respect de l'intégrité des animaux sont essentiels, et ce texte aborde frontalement la question. Ces dix dernières années, l'Etat a amélioré les procédures pour la mise en oeuvre de la surveillance de l'expérimentation animale, notamment à travers la loi fédérale sur la protection des animaux. Toutefois, maintenir une veille active et multiplier les garde-fous peut s'avérer fort utile. La problématique est très sensible, d'actualité et potentiellement sujette à des abus, l'équilibre entre intérêt de la recherche d'un côté et respect des animaux de l'autre n'étant pas toujours aisé à atteindre. Dans ce sens et par respect aussi pour les 8626 électeurs et électrices qui ont signé cette initiative, les Verts sollicitent son renvoi à la commission de l'environnement afin que nous puissions l'étudier de plus près. Je vous remercie.

M. Jean-Charles Rielle (S). Chères et chers collègues, cette initiative vise à créer une loi permettant un contrôle proportionné et efficace de l'expérimentation animale destiné à assurer la dignité et le bien-être des animaux, et tenant compte des méthodes de recherche permettant le remplacement de cette expérimentation. Il s'agit surtout d'instituer une commission en en définissant la composition, les compétences et les processus de nomination, ainsi que les droits de recours des candidats et des associations qui les présentent, en cas de non-nomination.

Par arrêté du 24 janvier 2018, le Conseil d'Etat a partiellement invalidé cette proposition. Il a en effet estimé que l'IN 164 ne respectait pas l'ensemble des conditions de validité d'une initiative populaire cantonale et a supprimé l'article 7, alinéa 1, lettre a, selon lequel chaque membre de la commission pourrait, à titre individuel et indépendamment des autres commissaires, contrôler en tout temps et sans préavis une expérience ou un lieu détenant des animaux d'expérience. C'est sur cette base que le Conseil d'Etat a recommandé au Grand Conseil de rejeter l'initiative sans lui opposer de contreprojet.

Le travail, chères et chers collègues, se fera en commission. Il sera important d'effectuer le bilan de la situation actuelle de l'expérimentation animale à Genève, les moyens alloués aux techniques de remplacement, la réelle surveillance des conditions de détention des animaux et le travail des instances actuellement chargées de cette surveillance, notamment la commission cantonale. Tout cela dans le respect du droit fédéral !

Le groupe socialiste vous demande de renvoyer cette initiative à la commission de la santé, car il est bien question de santé, de santé animale comme des personnes, et pas forcément d'environnement. Je vous remercie donc de voter le renvoi à la commission de la santé. (Quelques applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme chacun le sait ici, j'ai une tendresse particulière pour les animaux et je déteste les voir souffrir. A cet égard, la mise en oeuvre de la loi fédérale sur la protection des animaux a besoin d'être précisée dans notre canton.

Je sais, pour avoir été la compagne d'un chirurgien qui s'exerçait sur des rats - il regardait dans le microscope principal, moi dans celui d'à côté - à quel point il est facile d'anesthésier ou pas, de faire ceci ou cela sur un animal sans défense. Ainsi, par respect pour les animaux dont nous sommes également des représentants, je vous demande de renvoyer cette initiative à la commission de la santé. Merci.

Le président. Je vous remercie, Madame... (Brouhaha.) S'il vous plaît, un peu de calme ! La parole revient à M. Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je pense qu'il est temps de faire le point sur ce qui se passe dans le monde de l'expérimentation animale. Il faut reconnaître que la loi actuelle impose certains garde-fous, des contrôles sont effectués, on ne peut pas faire tout et n'importe quoi avec les animaux. Il y a donc un grand progrès, mais je trouverais intéressant qu'on fasse le point avant de décider si on accepte ou non cette initiative.

De toute façon, le travail parlementaire doit être mené en commission. Pour ma part, je suggère le renvoi à une autre commission, non pas celles de la santé ni de l'environnement, mais de l'enseignement supérieur, parce qu'il s'agit d'un thème qui concerne principalement l'université et la recherche clinique, les chercheurs en train de faire leur doctorat: il me semble donc judicieux de renvoyer ce texte à la commission de l'enseignement supérieur. Je vous remercie. (Brouhaha. Un instant s'écoule.)

Le président. J'ai tout mon temps, si vous ne voulez pas écouter ! Monsieur Zaugg, c'est à vous.

M. Christian Zaugg (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe préfère très nettement le renvoi de cette initiative à la commission de la santé. En effet, la renvoyer à la commission de l'enseignement supérieur, c'est quasiment écrire son destin ! Nous jugeons que la commission de la santé est de nature à mieux évaluer le pour et le contre. Merci.

M. Marc Falquet (UDC). En ce qui me concerne, je serais aussi d'avis de renvoyer cet objet à la commission de la santé - pour autant que ce soit utile, parce qu'on sait bien que les résultats de l'expérimentation animale ne sont jamais reproductibles. A mon sens, l'expérimentation animale constitue en effet une absurdité scientifique qu'il faudrait abolir pour se concentrer sur le développement de méthodes alternatives, lesquelles existent déjà aujourd'hui. Je ne crois pas qu'on ait jamais sauvé une vie en en tuant une autre, donc du point de vue des lois de l'existence, ça me semble déjà complètement absurde. Mais les lobbys à Berne sont tellement puissants que, pour l'instant, il est difficile de sortir de ces schémas. Pour ma part, je serais heureux qu'on en finisse avec l'expérimentation animale et qu'on développe les expériences sur la culture de tissus. Merci.

M. Pascal Spuhler (HP). Les indépendants que je représente ne s'opposeront pas au renvoi à la commission de la santé. A celle de l'enseignement supérieur, pourquoi pas, mais il est vrai que la plupart des expérimentations animales se font dans le but d'améliorer la santé de nos concitoyens, et je trouverais plus logique de renvoyer cette initiative à la commission de la santé. Je rappelle encore qu'il existe déjà une commission de surveillance et que quasiment 95% des expériences se font sur des insectes. Aussi, pour le peu de mammifères qui sont touchés, nous préférons le renvoi à la commission de la santé.

M. Patrick Saudan (PLR). J'aimerais juste rappeler que Genève est le canton de Suisse où les contrôles en matière de recherche avec expérimentation animale sont les plus stricts, c'est un point important. Cette discussion, en fait, reproduit un vieux débat entre la Ligue suisse contre la vivisection et les chercheurs qui doivent utiliser des animaux de laboratoire, et la commission la plus idoine pour traiter cette problématique est celle de l'enseignement supérieur. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Contrairement à ce qu'a dit un préopinant, la commission de l'enseignement supérieur a traité ce genre de problématique à plusieurs reprises. On aurait pu évoquer aussi la commission des pétitions, car on a reçu de nombreuses pétitions contre la vivisection, mais la majorité du groupe préconise le renvoi à celle de l'enseignement supérieur qui a déjà connaissance du sujet, qui sait de quoi il retourne.

L'expérimentation animale se fait à 90% sur des insectes, sur des mouches pour être précis. Oui, 90% des animaux actuellement testés dans les laboratoires de l'université sont des mouches ! On s'est en effet aperçu qu'il s'agit d'un élevage facile, qui ne coûte pas cher et qui peut apporter beaucoup aux recherches.

Si la recherche animale a pour finalité d'améliorer la santé, le problème évoqué dans cette initiative n'est pas la santé des citoyens, on parle uniquement de ce qu'il advient des animaux de laboratoire. Voilà pourquoi c'est bel et bien à la commission de l'enseignement supérieur qu'il faut renvoyer ce texte, puisque c'est principalement l'université qui mène les expérimentations animales. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons toutes et tous de la sympathie pour l'objet de cette initiative, parce que nous venons de loin dans l'histoire des relations entre l'être humain et l'animal, de l'exploitation du second par le premier. Néanmoins, du chemin a été parcouru: aujourd'hui, comme l'a très justement mentionné un député il y a un instant, Genève est indiscutablement l'un des lieux au monde où les précautions dans ce domaine sont les plus pointues.

Par cette initiative, on veut vous faire croire qu'il y a une problématique à régler, des dysfonctionnements à corriger; ce n'est pas le cas. Ce texte n'apporte rien de plus par rapport à la situation actuelle où les demandes d'expériences sur animaux doivent être préavisées par une commission de sept membres, indépendante de l'autorité. Cette indépendance est claire et certifiée, aucun dysfonctionnement dans la pratique actuelle n'est dénoncé.

Mesdames et Messieurs les députés, ne nous leurrons pas, le but de cette initiative est de permettre à la Ligue suisse contre la vivisection, qui mène un combat militant que l'on doit respecter dans une démocratie, de bénéficier d'une primauté pour placer ses membres au sein de la nouvelle commission qui serait instituée - il s'agit de l'article 4, alinéa 2 - au mépris des autres organismes de défense des animaux.

Pour le Conseil d'Etat - il vous l'a indiqué dans son rapport - l'article 7 est également problématique, dans la mesure où il délie les membres de cette commission de tout secret de fonction et octroie un droit à chaque membre - mais vous avez bien compris que ce droit est souhaité principalement pour les membres désignés par la Ligue suisse contre la vivisection - non seulement de recourir individuellement contre les décisions, mais par surcroît de faire appel à des experts, d'effectuer des contrôles de lieux.

Par le biais de la loi instituée par cette initiative, on est en train de créer des doublons pour offrir à des militants des droits qui n'existent dans aucun autre domaine de notre législation ! C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, après avoir constaté que l'article 7, alinéa 1, lettre a, était contraire au droit fédéral, vous a demandé dans son rapport de refuser cette initiative, et il persiste dans cette position. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis de demandes de renvoi dans trois commissions différentes, que nous allons traiter selon l'ordre dans lequel elles ont été formulées.

Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 164 et du rapport du Conseil d'Etat IN 164-A à la commission de l'enseignement supérieur est rejeté par 45 non contre 39 oui.

Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 164 et du rapport du Conseil d'Etat IN 164-A à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 70 non contre 12 oui et 3 abstentions.

Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 164 et du rapport du Conseil d'Etat IN 164-A à la commission de la santé est rejeté par 46 non contre 40 oui et 1 abstention. (Commentaires.)

Le président. Silence, s'il vous plaît ! Je donne la parole à M. Saudan.

M. Patrick Saudan (PLR). Monsieur le président, je propose à nouveau le renvoi à la commission de l'enseignement supérieur. (Exclamations.)

Une voix. Très bien !

Une autre voix. Moi aussi !

M. Patrick Saudan. Soyez un peu raisonnables, Mesdames et Messieurs !

M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, je pensais éventuellement proposer la création d'une commission ad hoc sur les droits des animaux... (Exclamations. Rires. Commentaires.) ...mais je vais en rester à la même demande que mon préopinant, à savoir le renvoi à la commission de l'enseignement supérieur. Je vous remercie. (Commentaires.)

M. Sandro Pistis (MCG). Le groupe MCG propose à nouveau le renvoi à la commission de la santé. Merci.

M. Christian Zaugg (EAG). Je voulais faire la même requête.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Pour éviter que tout le monde garde les mêmes positions et qu'on obtienne les mêmes résultats, je propose le renvoi à la commission législative. (Exclamations. Rires. Applaudissements. Commentaires.)

Le président. Je vous demande un peu de sérieux dans ces votes, Mesdames et Messieurs ! Je mets aux voix la première proposition, soit le renvoi à la commission de l'enseignement supérieur.

Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 164 et du rapport du Conseil d'Etat IN 164-A à la commission de l'enseignement supérieur est rejeté par 43 non contre 41 oui et 1 abstention.

Le président. Pour départager les deux demandes suivantes, nous allons procéder à un vote d'opposition. Si vous refusez le renvoi à la commission de la santé sur lequel je vous prie de vous prononcer maintenant, Mesdames et Messieurs, l'initiative sera renvoyée à la législative.

Mis aux voix, le renvoi de l'initiative 164 et du rapport du Conseil d'Etat IN 164-A à la commission de la santé est adopté par 44 oui contre 43 non et 1 abstention. (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)