Séance du jeudi 25 janvier 2018 à 20h30
1re législature - 4e année - 11e session - 59e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Mauro Poggia, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Luc Barthassat, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Christophe Aumeunier, Irène Buche, Sandra Golay, Lionel Halpérin, Guillaume Käser, Vincent Maitre, Simone de Montmollin, Philippe Morel, Salima Moyard et Ronald Zacharias, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Marko Bandler, Maria Casares, Nathalie Hardyn, Esther Hartmann, Xavier Magnin, Ana Roch, Pascal Uehlinger et Céline Zuber-Roy.

Annonces et dépôts

Néant.

E 2430-A
Prestation de serment de Mme Elodie DÉCOMBAZ, élue Procureur

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une procureure. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (La procureure entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)

Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;

- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

A prêté serment: Mme Elodie Décombaz.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

E 2432-A
Prestation de serment de Mme Tatiana GURBANOV, élue Juge suppléant au Tribunal pénal
E 2431-A
Prestation de serment de M. Jacques DELIEUTRAZ, élu Juge suppléant à la Cour de justice
E 2422-A
Prestation de serment de Mme Caroline GOETTE, élue Juge assesseur au Tribunal administratif de première instance, spécialisé dans les affaires fiscales pour statuer en matière fiscale
E 2435-A
Prestation de serment de Mme Christine BRAWAND SCHMIDT, élue Juge assesseur spécialiste de l'éducation au Tribunal des mineurs
E 2423-A
Prestation de serment de M. Gary BENNAÏM, élu Juge assesseur à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, représentant les bailleurs
E 2424-A
Prestation de serment de M. Mathieu RECHBERGER, élu Juge assesseur à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, représentant les bailleurs
E 2433-A
Prestation de serment de M. Guy WICKI, élu Juge assesseur à la Chambre pénale d'appel et de révision

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Tatiana Gurbanov, M. Jacques Delieutraz, Mme Caroline Goette, Mme Christine Brawand Schmidt, M. Gary Bennaïm, M. Mathieu Rechberger et M. Guy Wicki.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

IN 165
Initiative populaire : «Pour une caisse d'assurance maladie et accidents genevoise publique à but social»
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 25 et 26 janvier 2018.
IN 165-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 165 «Pour une caisse d'assurance maladie et accidents genevoise publique à but social»
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 25 et 26 janvier 2018.

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons maintenant l'initiative 165 et le rapport du Conseil d'Etat IN 165-A en catégorie II, trente minutes. Monsieur Selleger, la parole est à vous.

M. Charles Selleger (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la Suisse connaît une situation unique - probablement unique au monde - quant à son système de couverture des soins médicaux. Tout en étant obligatoire, l'assurance-maladie ne repose pas comme dans les autres pays sur une assurance unique, ni au niveau cantonal ni au niveau fédéral. Les assurances-maladie ne sont pas des entités de droit public, mais elles ont, tout en étant privées, l'interdiction de faire des bénéfices. Elles ont toutes les mêmes obligations, le même catalogue de prestations, le même tarif fédéral, les mêmes règles concernant les réserves et la compensation des risques, etc. Elles peuvent opérer dans tous les cantons ou dans une partie d'entre eux. Cerise sur le gâteau, les assureurs privés sont aussi institués par la loi comme gendarmes du système.

Ce système est hybride et bancal: il est censé favoriser la concurrence, mais la concurrence ne peut en gros exister qu'en jouant sur le fait que les assureurs attirent les bons risques, cela malgré des règles de compensation qui se sont affinées au fil du temps. Ils peuvent aussi jouer sur la capitalisation des réserves, qui ne sont soumises à aucune règle contraignante, ni en ce qui concerne les limites cantonales - alors que les primes sont, elles, calculées par canton - ni en ce qui concerne leur plafonnement, et encore moins leur transmissibilité d'un assureur à l'autre lorsqu'un assuré change de caisse. Pour couronner le tout, les assurances-maladie peuvent être actives en même temps dans l'assurance obligatoire et dans les complémentaires ! Complémentaires grâce auxquelles elles se permettent de dissimuler leurs comptes et donc de maintenir l'opacité du système.

Le remède à cette situation ubuesque, Mesdames et Messieurs, n'est certainement pas de rajouter un acteur qui entrerait en concurrence avec ces trente-six assurances qui existent déjà. Une nouvelle caisse n'aurait d'ailleurs aucune chance d'être plus économique, mais elle aurait toutes les chances de se casser la figure comme ce fut en son temps le cas de l'assurance qui se voulait éthique, Accorda, que des professionnels de la santé avaient tenté de lancer. La seule manière de sortir de cet imbroglio qui amène à ce que le citoyen se fasse tondre chaque automne, c'est de constituer une caisse unique et publique, une caisse fédérale ou cantonale pour le moins. Pour rappel, un tel projet avait été accepté par les Genevois en 2014. En conclusion, le PLR rejoindra les recommandations du Conseil d'Etat, à savoir le rejet de cette initiative.

M. Jean-Charles Rielle (S). Chères et chers collègues, le groupe socialiste se réjouit que le peuple genevois puisse se prononcer au plus vite sur la création d'une caisse d'assurance-maladie et accidents genevoise publique à but social. Comme il est rappelé dans l'exposé des motifs, seule une telle caisse peut lutter notamment contre l'augmentation déraisonnable des primes. Etant publique, elle doit être exclusivement au service des assurés et de la collectivité publique. A l'appui de cette IN 165, les initiants considèrent que la gauche a insisté pour instaurer un système de caisse fédérale du type AVS, AI ou CNA lors de l'introduction de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994. La droite a imposé le système d'une couverture obligatoire mais auprès de compagnies privées. Le résultat est connu: échec total quant à la maîtrise des coûts et de l'augmentation des primes des caisses maladie. La question d'une caisse maladie publique a ensuite été traitée par le Grand Conseil dans le cadre de l'IN 119 «Pour une caisse d'assurance-maladie publique à but social et la défense du service public». Faute d'unité de matière, le Grand Conseil a déclaré l'initiative irrecevable le 13 décembre 2002. Il faut dire que l'institution d'une caisse cantonale genevoise d'assurance-maladie avait déjà été visée pour la première fois dans le cadre du PL 8300 déposé le 5 septembre 2000 par les socialistes. Ce projet de loi avait pour objectif la création d'une caisse cantonale s'inscrivant dans la LAMal, sous forme de fondation de droit public. Le projet présentait quelques difficultés en lien avec le droit fédéral; il a été refusé par le Grand Conseil le 2 mai 2002.

Le système en vigueur admet la coexistence d'une multitude d'assureurs qui sont en concurrence tout en devant tous fournir exactement les mêmes prestations prescrites par la LAMal. La population du canton de Genève a accepté, lors des votations du 28 septembre 2014, l'initiative fédérale pour une caisse publique d'assurance-maladie, qui voulait créer une institution nationale unique de droit public. Une majorité du peuple genevois a ainsi manifesté sa volonté de voir changer le système mis en place par la LAMal. Sur la base de ce vote, le Grand Conseil a adopté le 8 mai 2015 une proposition de résolution émanant du Conseil d'Etat, qui demandait à l'Assemblée fédérale de modifier la loi fédérale sur l'assurance-maladie afin d'autoriser les cantons à instaurer une caisse maladie unique sur leur territoire, séparément ou en commun avec d'autres cantons. Le Parlement fédéral n'a toutefois pas donné suite à cette initiative cantonale genevoise déposée le 29 mai 2015.

Le Conseil d'Etat l'affirme dans son rapport, les améliorations apportées au système de la LAMal n'ont pas permis de contenir l'augmentation des primes et le système reste insatisfaisant, notamment du fait d'un manque de transparence persistant dans la fixation de ces dernières. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ce système a ainsi pour conséquence que l'écart entre les primes encaissées par les assurances-maladie pour les assurés de notre canton et les coûts de la santé générés par ceux-ci ne cesse d'augmenter, et ce de manière incompréhensible.

Manifestement, le rapport du Conseil d'Etat sur cette initiative est totalement à charge. Le groupe socialiste vous demande donc de renvoyer cette initiative et le rapport du Conseil d'Etat à la commission des affaires sociales pour que celle-ci puisse faire son travail au plus vite, dans les délais imposés, de sorte que notre Grand Conseil se prononce au plus tard le 29 septembre 2018 sur un éventuel contreprojet. La population...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. Jean-Charles Rielle. Je termine, Monsieur le président. La population pourra de cette manière juger sur pièce qui, d'un côté, veut changer le système et contribuer ainsi à la baisse des primes des caisses maladie qui pénalisent lourdement le budget des Genevoises et des Genevois, et qui, d'un autre côté, va se prononcer pour un contreprojet qui ne fera que ralentir encore le processus. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien se réjouit de discuter en commission de cette initiative, qu'il va rejeter, car elle n'est pas la solution. On sait que le système de la LAMal arrive au bout et qu'il faut trouver une autre méthode, mais la solution ne réside ni dans une caisse unique ni dans une caisse cantonale. Elle réside dans la proposition formulée dans l'initiative populaire fédérale dont la récolte des signatures est en cours: dans une caisse de compensation. Il faut qu'on puisse trouver une solution où l'Etat a le droit de regarder ce qui se passe au niveau cantonal s'agissant de la perception des primes et s'agissant des réserves lors des changements de caisse, qui sont un pur scandale au niveau suisse.

Mais le fait d'avoir une caisse cantonale péjorerait les finances du canton et rendrait probablement la gestion de la santé impossible à l'échelle cantonale. Ce serait beaucoup trop cher, beaucoup trop compliqué à faire. Nous pensons donc que l'initiative fédérale pour laquelle on est en train de récolter des signatures, que l'on appelle l'initiative Maillard-Poggia mais qui est aussi celle de la société civile, permettra de trouver une solution intelligente au niveau fédéral pour essayer de faire baisser les primes. Et je vous rappelle que mon parti, le PDC, a décidé de lancer une initiative sur les coûts, ce qui est courageux parce que tous ceux qui s'attaquent aux coûts de la santé se font critiquer par toutes les parties en présence. Mais nous allons nous atteler à baisser les coûts de la santé; nous pourrons les faire baisser de 20% à 30%. C'est possible, et le parti démocrate-chrétien va prouver qu'on peut le faire ! Les solutions sont donc en route, mais l'initiative 165 n'en est pas une. Nous en discuterons en commission, même si le PDC votera contre cette initiative. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Très bien !

Mme Sarah Klopmann (Ve). Le système actuel, avec des assurances privées, étrangle tellement la population que cette initiative a vraiment de très, très grandes chances de passer en votation populaire. La santé ne doit plus être une marchandise ! Une assurance réellement sociale est donc la moindre des choses que l'on pourrait attendre. Et un système qui ne renfloue pas d'autres poches mais le pot commun, où les gens cotiseraient aussi de manière proportionnelle à leurs moyens, est la moindre des choses que l'on pourrait exiger. Je rappelle qu'avec le système actuel, des gens qui ont beaucoup d'argent et qui ont les moyens de s'assurer très correctement ne paient du coup pas leurs frais médicaux - bon, c'est le but d'une assurance et c'est tant mieux pour eux. Mais nous avons de l'autre côté les gens qui ont peu d'argent qui prennent les franchises les plus élevées et souscrivent aussi à toutes les petites combines permettant de baisser un tout petit peu la douloureuse, puisqu'ils ne peuvent pas faire autrement, et qui se retrouvent à payer tous leurs frais médicaux alors que ce sont les moins aisés de la population. Ce système est plus qu'anormal ! C'est pourquoi les Verts renverront cette initiative en commission.

Une gestion non lucrative d'une caisse maladie est le seul moyen de nous assurer que l'argent ne part pas ailleurs. Car si on nous dit que les assurances privées ne peuvent actuellement pas faire de bénéfice en tant que tel, ce n'est pas pour autant qu'il n'y a pas des gens qui font des bénéfices avec ce juteux commerce. Je rappelle quand même que certains de ces assureurs gagnent 2 millions de francs par an; pour vous donner une idée, ça fait 166 000 F par mois - 166 000 F par mois ! C'est leur salaire, et je pense que c'est important de se le rappeler quand on discute de ce genre de sujet. Je ne suis donc pas d'accord de dire que ce n'est pas un système lucratif: c'en est un, et nous n'en voulons plus. Puisqu'il est censé marcher sur la concurrence, ce système permet en outre de dépenser beaucoup d'argent pour la pub, et ces frais de publicité se retrouvent dans nos primes d'assurance-maladie. Cela serait également évité avec une caisse à but social. Et puis ce serait évidemment aussi plus juste d'avoir une gestion plus sociale des coûts de la santé.

Il y a évidemment quelques problèmes avec cette proposition, et je le comprends. Il faudrait bien sûr que l'on continue à se battre au niveau fédéral pour une vraie caisse publique et unique qui ait le monopole. Parce que cette caisse-là sera sûrement très bien, mais si elle n'a pas le monopole, il est évident qu'il y a malheureusement des risques qu'elle coule, puisque les caisses privées continueront à essayer de se faire le plus d'argent possible. Il faut également continuer à se battre sur le TARMED: s'il est important de rembourser les soins de manière plus juste, le fait d'empêcher les coûts de la santé de s'envoler l'est finalement aussi, et le TARMED est une cause très importante de leur augmentation permanente. Nous renverrons donc cette initiative en commission, mais l'idéal serait évidemment qu'une vraie caisse unique et publique soit créée au niveau fédéral. Nous en rêvons et bientôt, je l'espère, nous l'aurons ! Merci.

Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues... (Brouhaha. Un instant s'écoule.)

Une voix. Chut !

Mme Salika Wenger. Merci. Cette initiative a été présentée avec 14 000 signatures. Ces 14 000 signatures représentent 14 000 personnes qui appellent au secours: elles disent au gouvernement fédéral que 600 F par mois et par personne, c'est insupportable ! Ce ne sont pas seulement les classes populaires qui sont touchées; les classes moyennes le sont aussi parce que c'est... c'est... c'est... Excusez-moi. (Brouhaha. Un instant s'écoule.)

Une voix. Chut !

Mme Salika Wenger. ...parce que c'est une somme astronomique. Ces 600 F par personne représentent une somme astronomique qui ne peut plus être payée. Cette tentative d'assurance cantonale ne prétend pas être miraculeuse. Elle dit simplement au gouvernement fédéral qu'il faut faire quelque chose ! N'ayant pas les mêmes frais que les assurances privées - pas de lobbyistes à payer, pas de patron surpayé, etc. - il est probable que cette assurance cantonale puisse faire en sorte que les primes soient moins importantes. Nous avions néanmoins parfaitement conscience en lançant cette initiative - en tout cas le parti du Travail et Ensemble à Gauche - qu'elle était une flèche, j'ai envie de dire, adressée au gouvernement fédéral avec le message suivant: s'il vous plaît, il faut arrêter le délire parce que plus personne ne supporte ce qui se passe, en tout cas pas à Genève ! Aucun assuré de ce canton n'a oublié les primes qu'il a versées en trop et qu'on ne lui a jamais remboursées ! Ce qui n'a pas empêché les primes d'augmenter régulièrement depuis ! Une bonne fois pour toutes - je le dis et le redis - nous ne présentons pas et ne prétendons pas présenter un programme miracle. Mais nous pensons qu'il est important pour tous les Suisses et pas seulement pour les Genevois de dire: «Voilà, on a essayé, maintenant aidez-nous et procédons de manière plus collective. Faisons en sorte que ce qui devait être une assurance sociale le redevienne et ne soit pas simplement une manière pour les assurances privées d'empocher des revenus faramineux.» Donc renvoi en commission, bien entendu ! (Quelques applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG rejettera cette initiative parce qu'elle n'a pas de sens ! Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de problèmes avec l'assurance-maladie qu'elle n'a pas de sens, mais tout simplement parce qu'elle ne va pas apporter de solution; elle est d'ailleurs rejetée par le Conseil d'Etat et elle est partiellement irrecevable dans le droit cantonal. Les cantons n'ont pas la possibilité de créer une caisse qui pourrait être indépendante. Elle va être soumise à la concurrence des autres caisses... (Remarque.) ...elle ne recueillera que les mauvais risques et elle fera faillite après un an ! Ce n'est pas la solution ! La solution, c'est l'initiative fédérale qui a notamment été lancée par notre conseiller d'Etat, Mauro Poggia, et Pierre-Yves Maillard afin de permettre aux cantons de s'organiser et de créer une caisse de compensation cantonale ! (Remarque.) C'est là que réside la solution, pas dans les autres propositions ! (Commentaires.) Elles ne tiennent pas la route et sont en plus illégales ! (Commentaires.)

Une voix. Chut !

M. Daniel Sormanni. Aussi bien l'initiative socialiste qui veut limiter à 10% du revenu les primes d'assurance-maladie - au-delà, c'est l'Etat qui va payer, ce qui va augmenter la fiscalité - que l'autre initiative, qui veut même rendre l'assurance-maladie gratuite. D'abord, c'est illégal et deuxièmement, ça coûterait 2 milliards à l'Etat de Genève; il faudrait donc augmenter les impôts de 2 milliards dans un budget où ils se chiffrent à 6 milliards. (Remarque.) J'ai cru comprendre que ça paraissait assez difficile vu le débat que nous avons eu tout à l'heure à 17h30. (Remarque.) Il faut donc rejeter cette initiative - la solution n'est pas là, elle est ailleurs - et soutenir les deux initiatives fédérales qui visent à régler cette problématique. C'est la raison pour laquelle je vous invite à refuser cette initiative 165. Merci.

Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Stauffer pour une minute trente.

M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je le dis avec beaucoup de calme, il ne faut quand même pas être dupe dans ce parlement: la LAMal, on le sait tous, est une vaste escroquerie d'Etat. Les réserves sont volées aux Genevois, l'augmentation des coûts des primes d'assurance-maladie n'est pas en corrélation avec les coûts de la santé, les frais d'infrastructure des compagnies d'assurance privées sont absolument indécents ! Une de mes collègues parlait d'un salaire à 2 millions de francs; parlons des infrastructures immobilières qu'ils ont achetées par le biais d'autres sociétés, immeubles qu'ils louent ensuite à d'autres pour les financer ! Tout ça sur le dos des bons assurés genevois. C'est un scandale; c'est une escroquerie ! Genève en Marche soutiendra cette initiative, même si le texte ne va pas assez loin.

J'entends ici que l'Etat n'est pas capable. Ah, merci, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez une grande confiance en nos institutions ! Le canton du Valais, avec le Groupe Mutuel, est donc capable, mais nous, à Genève, nous sommes des idiots: nous ne pourrions pas gérer une compagnie d'assurance ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Eh bien, laissez-moi vous dire ceci: nous avons des employés, nous avons des locaux, nous avons des bureaux, nous avons une infrastructure pour payer des subsides annuels de 420 millions de francs pour les primes LAMal ! La même infrastructure pourra gérer cette caisse cantonale. Mais l'idée d'Ensemble à Gauche ne va pas assez loin car...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur.

M. Eric Stauffer. Oui, évidemment ! Bref, je termine. ...ne va pas assez loin, car c'est l'impôt le plus injuste qui existe en Suisse ! Une caissière à la Migros qui gagne 3800 F paie la même chose...

Le président. Merci, Monsieur, c'est terminé.

M. Eric Stauffer. ...qu'un directeur général !

Le président. Monsieur Stauffer, vous n'avez pas à citer ici le nom de votre groupe puisqu'il n'est pas représenté au sein de ce parlement. La parole est à M. Falquet.

M. Eric Stauffer. D'abord je fais ce que je veux, Monsieur le président ! (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. S'il vous plaît, silence ! La parole est à M. Falquet.

M. Eric Stauffer. Je suis libre de parler et je fais ce qu'il me plaît ! Que ce soit dit ! (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Votre temps est terminé; vous ne faites pas ce que vous voulez. Monsieur Florey, c'est à vous. Ou plutôt à M. Falquet, je crois. Allez-y.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce qui a été dit sur les caisses maladie est juste: le système est mafieux, le système est pourri, etc., mais il faudrait quand même rappeler que les coûts des assurances-maladie ne représentent, je crois, que 4% à 5% de l'ensemble des coûts de la santé et de l'ensemble des primes encaissées. On pourrait donc peut-être établir une caisse centrale pour peut-être stabiliser les primes pendant une année, mais il est certain qu'elles vont ensuite recommencer à augmenter. Pour nous, la solution est ailleurs: elle est dans le coût des soins. Ce qu'il faut demander, c'est une diminution du coût des soins ! C'est effectivement scandaleux que des spécialistes gagnent 700 000 F par année. Ça, c'est une chose. Le coût des soins devrait diminuer. Pourquoi est-ce que ce sont toujours les assurés qui doivent payer ? Une forme de solidarité devrait également être de mise au niveau de la pratique médicale et pas seulement au niveau des assurés.

Pour le reste, en ce qui me concerne, je serais favorable à l'abolition de la LAMal puisque nous avions des primes nettement moins élevées avant et un système qui marchait bien. Je pense donc que l'abolition de l'obligation de s'assurer est une solution. Autrement, il faudrait évidemment développer une véritable politique de prévention de la santé: la politique actuelle entretient la maladie des gens et ne les soigne pas durablement. C'est pour ça que l'on garde les gens malades. Il s'agit par conséquent de développer une véritable politique de la santé, préventive, pour essayer de maintenir les gens en bonne santé jusqu'à un âge avancé - c'est possible s'ils ne sont pas bourrés de médicaments. En ce qui concerne cette initiative, l'UDC s'y opposera, car même les initiants sont d'accord pour dire que cela ne fera pas baisser les primes. Merci.

Le président. Merci beaucoup. La parole est à M. Baertschi pour une minute dix-huit.

M. François Baertschi (MCG). Merci beaucoup, Monsieur le président, je vais essayer d'être bref. Cette initiative est dangereuse ! Pourquoi est-elle dangereuse ? Parce qu'elle va nous créer un dauphin au milieu des requins ! Les caisses maladie actuelles sont des requins et ce dauphin pacifique va se faire bouffer tout cru ! On aura dit une fois de plus des contrevérités à la population genevoise, qui va en payer les conséquences. Chacun sort ses solutions; des solutions de plus en plus fantaisistes qui ne tiennent pas debout alors que deux initiatives fédérales s'attaquent, elles, aux véritables enjeux: le lobby des assurances et la mise sur pied d'un système cantonal. Quel est le problème de tous ces projets fantaisistes? C'est qu'on trompe la population ! On fait croire à la population qu'il y a une solution alors qu'il n'y en a pas. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Quelle sera au final la conséquence de toutes ces fantaisies irréalistes et dangereuses ? La ruine des contribuables ! Mais on n'en arrivera pas là puisque ces projets ne sont pas faits pour être réalisés: ils sont malheureusement juste faits pour gagner des voix. Ne vous laissez pas avoir, Genevoises et Genevois, par cette...

Le président. Il vous faut terminer.

M. François Baertschi. Je ne veux pas parler d'escroquerie, parce que le terme n'est pas adéquat - même si d'autres l'utilisent - mais il ne faut pas vous laisser abuser ou vous n'aurez que vos yeux pour pleurer, Messieurs les assurés genevois, si vous suivez ces faiseurs de rêves !

Le président. Merci. La parole va à M. Florey pour cinquante-six secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Pour une fois, je serai d'accord avec M. Baertschi: il est vrai que cette initiative telle que proposée a peu de chances d'être applicable. Les Chambres fédérales sont déjà largement intervenues à ce sujet et ont du reste refusé toutes les initiatives de notre parlement: celles-ci ont été frappées d'une non-entrée en matière. C'est pour cela que je me permets de vous rappeler que l'une des solutions proposées par l'UDC consiste non pas à agir directement sur les points inapplicables, mais par exemple sur la fiscalité en augmentant les déductions sociales des primes d'assurance-maladie pour nos contribuables...

Le président. Il vous faut terminer.

M. Stéphane Florey. ...les plus faibles. Ainsi, nous pouvons intervenir indirectement sur le coût de l'assurance-maladie. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur. Madame Wenger, Madame Klopmann, vous n'avez plus de temps à disposition, je suis désolé. Il n'y a plus d'autre demande de parole.

L'initiative 165 et le rapport du Conseil d'Etat IN 165-A sont renvoyés à la commission des affaires sociales.

PL 11913-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier le projet de loi de M. Eric Stauffer modifiant la loi sur l'administration des communes (LAC) (B 6 05)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 16 et 17 mars 2017.
Rapport de M. François Lance (PDC)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons notre première urgence, le PL 11913-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Lance, à qui je cède la parole.

M. François Lance (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en tant que rapporteur, j'aimerais rappeler les étapes importantes de l'étude de ce projet de loi de M. Stauffer, qui date déjà d'une année et soulève des questions concernant la rémunération et les prestations sociales des magistrats communaux.

L'ACG a tout d'abord pris position négativement sur le texte d'origine, puis son président a été auditionné. La commission a pris conscience des problèmes abordés par ce projet de loi ainsi que d'autres contraintes liées au mandat de magistrat. En accord avec la commission et l'auteur, un nouveau texte a alors été établi par le département, qui est à considérer comme un amendement général au projet d'origine et a convenu à l'ensemble des commissaires.

Considérant que l'ACG ne pouvait pas régler ce problème malgré la demande réitérée de plusieurs conseillers d'Etat chargés des communes, la commission a décidé d'avancer dans cette perspective. Sur demande d'un commissaire, une consultation écrite a tout de même été demandée à l'association sur ce nouveau texte, dont les remarques et réticences ont été prises en compte. Enfin la commission a voté ce projet de loi à l'unanimité.

Lors des travaux, les membres de la commission ont pris connaissance des indemnités très faibles versées à certains magistrats communaux ainsi que d'autres problèmes, comme la non-affiliation à un fonds de prévoyance ou encore la non-couverture d'indemnités en cas d'accident, de maladie ou de maternité. D'autres problématiques ont été évoquées en lien avec la fonction de magistrat qui, aux yeux de la commission, doit être valorisée en fonction des exigences professionnelles actuelles.

Suite à l'amendement général proposé par le département, la commission a voté unanimement ce projet de loi, qui prévoit un cadre de base pour les indemnités versées aux magistrats. Pour nous, il s'agit d'un socle que chaque commune peut améliorer selon la connaissance du terrain dont bénéficient les conseillers administratifs. La commission a aussi compris qu'il était difficile pour l'ACG, en regard du principe d'autonomie communale, d'entreprendre elle-même cette démarche. Au vu de ce qui précède et au terme de l'examen de ce projet de loi, la commission vous invite à suivre son préavis sur ce projet de loi, moyennant l'amendement qui vous a été proposé.

Le président. Je vous remercie, Monsieur, vous êtes parfaitement dans les temps. La parole va à M. Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Le problème évoqué dans ce projet de loi est qualifié de lancinant, car il dure depuis de nombreuses années, et on en arrive à la conclusion qu'il est nécessaire d'appliquer des principes décents pour les magistrats communaux. Actuellement, leur rémunération, que l'on appelle aussi indemnités, est proposée aux Conseils municipaux par les magistrats eux-mêmes, ce qui fait l'objet de critiques et parfois d'une certaine gêne. Le Conseil d'Etat estime que l'on ne peut pas laisser les magistrats communaux seuls face aux conseillers municipaux. Dans ce cadre, on constate que plus la commune est petite, plus l'implication des édiles dans la gestion de celle-ci est importante.

Les revenus des magistrats diffèrent grandement dans les 45 communes genevoises, ce qui, pratiquement, aboutit à 45 problèmes d'indemnités. La rémunération pourrait être fixée en fonction du nombre d'habitants de la commune, sans tenir compte de sa capacité financière. Le département vise à réduire les écarts d'indemnités et, en cas d'acceptation de ce projet de loi, le Conseil d'Etat fixera leur montant en fonction d'une moyenne entre les différentes municipalités, en tenant compte des heures d'activité réelle par semaine. Cela permettra de mettre toutes les communes sur un pied d'égalité. Il faut savoir qu'en Ville de Genève, un conseiller administratif touche davantage qu'un conseiller d'Etat, tandis que dans certaines communes, des magistrats perçoivent moins que le cantonnier !

Ce projet de loi permettrait également d'accroître l'attractivité de la fonction de magistrat car, actuellement, certains d'entre eux cessent tout ou partie de leur activité professionnelle pour se consacrer davantage à leur fonction publique. Ils devraient pourtant tenir compte d'un risque de non-réélection, surtout lorsqu'ils sont âgés de plus de 55 ans. En fixant un taux plancher et un taux plafond pour les rémunérations des magistrats, des indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident ainsi que l'affiliation à une caisse de retraite tout en respectant l'autonomie communale, ce texte contribuerait à diminuer le taux de rotation important des conseillers administratifs, qui délaissent souvent leur fonction pour des raisons de santé, familiales et économiques.

Le Conseil d'Etat ne changera pas le règlement sans consultation des communes, sans pour autant négocier avec elles. La mainmise du Grand Conseil et du gouvernement sur le contenu de ce projet de loi, qui a été voté à l'unanimité en commission, est un réel progrès et devrait satisfaire toutes les parties. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Stauffer pour une minute trente.

M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Très peu de choses à ajouter, le rapporteur a été exhaustif. Je tiens simplement à remercier la commission qui, au-delà des clivages politiques, a pris acte de ces problèmes réels, j'en suis heureux. Je remercie également le président du Conseil d'Etat, M. François Longchamp, qui a exposé les problèmes rencontrés, notamment par les précédents conseillers d'Etat chargés des communes.

Que dire de plus, chers collègues ? Quand on pense que certains magistrats ne percevaient même pas le minimum requis pour être affiliés à un deuxième pilier, qu'ils ne bénéficiaient de couverture ni en cas de maladie ni en cas d'accident, c'est quand même incroyable ! Je suis heureux que le bon sens ait primé sur tout le reste ce soir et je vous invite, Mesdames et Messieurs, à soutenir ce projet de loi. Merci.

M. Alberto Velasco (S). Suite à l'excellent exposé du rapporteur, M. Lance, et à celui, tout aussi remarquable, de M. Riedweg, il y a peu de choses à ajouter. Ce projet de loi répare une certaine injustice qui existait entre les différentes communes. Il est en effet apparu que, vu l'évolution de la société, les magistrats ont de plus en plus de travail avec de moins en moins de moyens et qu'il est juste de rétablir une certaine équité entre les communes. Le projet de loi corrige ce problème.

Il est vrai que l'Association des communes genevoises n'était pas très chaude vis-à-vis de ce texte. Cela dit, nous lui avons laissé pas mal de temps pour réagir, ce qu'elle n'a pas fait. Le projet de loi a été sorti des extraits juste pour lui donner l'opportunité de se prononcer dessus; le temps a passé, les semaines et les mois se sont écoulés, je crois qu'il est temps de voter ce projet de loi. Merci à M. Stauffer d'avoir eu la clairvoyance de nous proposer ce texte, nous l'adopterons.

M. Yves de Matteis (Ve). Je tiens tout d'abord à remercier M. Lance pour son excellent rapport, ainsi que les services du Grand Conseil et l'administration en général, dont le travail sur ce projet de loi a été particulièrement précieux: le département présidentiel a notamment proposé un amendement général. A l'arrivée, ce texte a satisfait tous les membres de la commission, lesquels ont exprimé une belle unanimité. Il devrait donc être adopté ici sans aucune difficulté.

En ce qui concerne les Verts, après consultation de nos magistrats communaux, nous étions partagés entre la volonté de laisser aux communes pleine liberté de décider du salaire de leurs conseillers administratifs et celle d'instaurer au moins un socle salarial de base par voie législative, permettant ainsi d'éviter que certains magistrats ne se voient attribuer des salaires ridicules, quasi symboliques - presque des défraiements en regard des heures consacrées à leur travail. Il ne s'agit pas d'attribuer des salaires disproportionnés ou insensés, à l'image de ce qui est pratiqué dans certains secteurs de l'économie, mais plutôt d'une juste reconnaissance du travail effectué à l'échelle communale.

Etant donné qu'il ne s'agit que de garantir un minimum, en laissant les communes libres d'augmenter ce salaire de base, il nous a semblé que ce projet de loi n'allait pas contre l'autonomie des communes garantie par la constitution genevoise. Comme le souligne le rapporteur, très concrètement, il s'agit aussi de permettre aux membres de Conseils administratifs ou aux maires l'affiliation à un fonds de prévoyance et de garantir la couverture des indemnités en cas d'accident, de maladie ou de maternité, prestations dont tout salarié devrait pouvoir bénéficier.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous enjoignons, à l'image de la commission unanime, d'approuver ce projet de loi. Quant à la demande d'amendement, les Verts la voteront. En effet, il nous semblerait un peu difficile que la loi entre en vigueur au milieu du gué, au cours du mandat politique des principaux concernés. Merci, Monsieur le président.

M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le groupe PLR soutiendra ce projet de loi qui, cela a déjà été dit par plusieurs personnes, a fait l'objet d'un amendement général du département présidentiel. Nous remercions donc M. Longchamp pour son travail. Le texte n'a peut-être pas encore été tout à fait compris et assimilé par l'ensemble des magistrats communaux, car je sais que certains d'entre eux ont interpellé des députés dans cet hémicycle, parfois pour demander quand nous allions voter ce projet, la plupart du temps pour dire que nous empiétions sur leur autonomie communale.

Nous ne pensons pas que cela soit le cas puisque, cela a aussi été indiqué à plusieurs reprises, il s'est agi de fixer un plancher, un strict minimum eu égard à toute une série d'exemples que nous avons entendus lors des auditions. En effet, il faut le dire, cela nous a fait mal au coeur d'apprendre que certains élus, quelle que soit leur couleur politique, s'étaient retrouvés dans des situations préoccupantes au cours ou à l'issue de leur mandat. Je crois que c'est ce qui a généré cette unanimité de la commission autour du projet de loi. Cette solution nous paraît humaine, parfaitement acceptable et aussi logique en ce qui concerne sa mise en oeuvre.

J'aimerais encore rappeler qu'il y a six ans, et je parle ici sous le contrôle du président du Conseil d'Etat, Mme Michèle Künzler avait entamé des discussions avec l'Association des communes genevoises afin que celle-ci entreprenne les réformes nécessaires pour aller dans le sens du texte que nous nous apprêtons à voter ce soir. Malheureusement, ces démarches n'ont jamais abouti, et c'est cet élément complémentaire qui nous a incités à soutenir ce projet à l'unanimité. C'est par ces mots que je conclurai, en vous recommandant une fois encore de soutenir les conclusions de la commission et de voter ce projet de loi avec enthousiasme. Merci encore au rapporteur qui a fait un excellent travail de résumé.

Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Il convient tout d'abord de remercier le président du Conseil d'Etat qui a fait le gros du travail en proposant un amendement général qui tienne la route, qui ne soit pas contesté par la plupart des communes, et c'est ce texte-là que nous allons voter ce soir au travers de ce projet de loi. Ce texte représente une avancée pour les magistrats communaux, même si un certain nombre de problèmes subsistent malheureusement quant aux prestations sociales. Il convient d'agir, parce qu'on ne peut pas laisser les conseillers administratifs dans de telles situations, on ne peut pas prétériter leurs retraites. En effet, si on continue dans la voie actuelle, on risque de mettre en difficulté certains maires de petites communes, et il faudra alors agir rapidement. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Deneys pour une minute quarante-deux.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je salue l'avancée que représente ce projet de loi qui, comme cela a été dit, consiste à fixer un plancher, mais j'aimerais relever une chose: en l'occurrence, il s'agit d'élus qui accordent un progrès social à d'autres élus. On peut s'en féliciter, certes, mais on pourrait alors généraliser cette notion et aboutir au salaire minimum - je dis ça surtout aux députés de droite !

D'une certaine façon, on introduit une amélioration pour quelques privilégiés, mais pas pour l'ensemble de la population pourtant susceptible de souffrir de conditions de rémunération insuffisantes. Aussi, Mesdames et Messieurs, je pense que cet objet devrait vous inciter, en tout cas à droite, à réfléchir à la fixation de règles pour l'entier des salariés, et pas simplement pour des élus qui font partie de vos groupes politiques respectifs. Nous pouvons soutenir ce projet de loi, en espérant que les magistrats communaux éventuellement présents dans la salle ne participeront pas au vote.

M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, je n'avais pas prévu de demander la parole, pensant qu'il était urgent de ne rien dire, eu égard à l'unanimité en commission, au fait que nous sommes tous d'accord et qu'il ne sert pas à grand-chose d'ajouter quoi que ce soit, mais l'appel de mon collègue socialiste à un salaire minimum m'a fait sortir de ma boîte où je sommeillais tranquillement. Je souhaite en effet le rassurer, même s'il a déjà eu vent de cette information: Ensemble à Gauche déposera sous peu, sans aucun doute avec l'appui de nos amis socialistes et des Verts...

Une voix. ...et de la droite !

M. Pierre Vanek. ...et peut-être même d'esprits éclairés qui se trouveraient par hasard sur d'autres bancs... (Rires. L'orateur rit.) ...un projet de loi pour l'institution d'un salaire minimum cantonal, comme cela a été fait dans le canton de Neuchâtel suite à des initiatives de notre bord, des initiatives populaires, des initiatives fédérales. Le canton de Neuchâtel a concrétisé une loi cantonale introduisant un salaire minimum, qui a subi le test de sa conformité au droit supérieur et qui est en passe d'entrer en vigueur...

Une voix. A Neuchâtel, ils vérifient mal ! (Commentaires.)

M. Pierre Vanek. Ils vérifient mal, à Neuchâtel ? Ah, je n'en sais rien, mais avec notre projet de loi, on aura l'occasion de juger de la position des uns et des autres sur cette question du salaire minimum proposé par Ensemble à Gauche. Si par impossible ce parlement n'entrait pas en matière dessus, je pense qu'il y aurait lieu, comme nous avons prévu de le faire s'agissant du PF 17 et de l'initiative qu'a annoncée tout à l'heure mon camarade Jean Batou, de recueillir les suffrages et les paraphes des citoyens pour appuyer cette excellente idée, que je remercie Roger Deneys de m'avoir rappelée à l'occasion d'un débat qui n'avait pas grand-chose en rapport, mais enfin, c'était une information qu'il me semblait nécessaire et utile de vous livrer.

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous encourage à voter ce projet de loi. Vous allez sans doute le faire à l'unanimité, et cela sera fort bien. Le député Stauffer, qui avait déposé le projet initial, a mis le doigt sur un problème réel, ce qu'a confirmé la commission dont les travaux ont été fort brillamment résumés par le rapporteur - et ancien magistrat communal ! - François Lance. Nous sommes face à un problème insoluble pour les petites communes, une situation probablement illégale si on l'examinait de près: les salaires des magistrats sont les seuls qui ne donnent pas droit à la prévoyance professionnelle et qui ne couvrent même pas, dans certains endroits, l'incapacité de travail ou la maternité, et il s'agit de mettre fin à ces pratiques.

Je ne sais pas, Monsieur le député Deneys, si cette problématique concerne le salaire minimum, mais elle a en tout cas trait à la Déclaration des droits de l'Homme qui vise à lutter contre l'esclavagisme. Dans certaines communes, en effet, les rémunérations des conseillers administratifs relèvent plus de l'esclavagisme que d'autre chose, et on entend pour seule réponse que ces magistrats n'ont qu'à se débrouiller avec leur Conseil municipal ! Une certaine pudeur empêche certains d'entre eux d'aller expliquer ce genre de choses. Vous imaginez la réaction des Conseils municipaux lorsqu'ils apprendront que simplement pour atteindre la moyenne, le salaire de leur maire doit être multiplié par trois ! Non, il s'agit ici de rester raisonnable.

Il est très curieux que ce soient en général des élus issus de communes où les rémunérations ne posent aucun problème qui sont venus expliquer qu'il ne fallait pas octroyer la possibilité à des micro-communes d'accéder à ce qui est une très noble conquête sociale et qui, Monsieur Deneys, est soutenu par l'ensemble des forces politiques de ce parlement. Il s'agit du fait que notre pays offre des prestations sociales, que les gens sont priés de payer des cotisations et qu'une fois qu'ils s'en sont acquittés, ils ont droit à une protection au moment de la vieillesse, de la maternité, de la maladie ou de l'accident, autant d'issues qui n'épargnent pas les magistrats... (Rires.) Vous rigolez, vous rigolez, mais durant la dernière législature, deux édiles ont eu respectivement une attaque cérébrale et un problème entraînant une absence de très longue durée, et il n'existait aucune assurance perte de gain; comment réglez-vous ce problème ? Réponse de l'ACG: on ne sait pas. Eh bien cette réponse, Mesdames et Messieurs, vous la tenez entre vos mains: il s'agit de voter ce projet de loi, ce que je vous invite à faire.

S'agissant de l'amendement, le Conseil d'Etat propose que la loi entre en vigueur le 1er janvier de l'année prochaine afin de ne pas perturber le budget de l'année en cours, mais je m'engage à envoyer le projet de règlement dès demain à l'ACG pour consultation. Les communes concernées pourront élaborer leur budget en ayant connaissance des salaires décents qui seront enfin versés à leurs magistrats, lesquels travaillent parfois au-delà du raisonnable, dans des localités qui n'ont pas d'infrastructures administratives ou disposent d'un personnel extrêmement limité. Merci pour eux d'accueillir ce projet de loi avec bienveillance, voire, je l'espère, à l'unanimité. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat, et lance tout d'abord le vote sur l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11913 est adopté en premier débat par 88 oui et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.

Le président. A l'article 2 souligné, nous sommes saisis d'une demande d'amendement dont voici la teneur:

«Art. 2 (souligné) Entrée en vigueur (nouvelle teneur)

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2019.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 89 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 11913 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 89 oui et 5 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 11913

R 842
Proposition de résolution de Mmes et MM. Bertrand Buchs, Cyril Aellen, Jean-Luc Forni, Alexandre de Senarclens, Christina Meissner, Jean Romain, Jean-Charles Lathion, Nathalie Fontanet, Guy Mettan, Raymond Wicky, Anne Marie von Arx-Vernon, Céline Zuber-Roy, Michel Ducret, Beatriz de Candolle, Lionel Halpérin, Jean-Marc Guinchard, Patrick Saudan, Olivier Cerutti, François Lance, Nathalie Schneuwly, Yvan Zweifel, Alexandra Rys, Bénédicte Montant, Georges Vuillod, Marie-Thérèse Engelberts, Nathalie Hardyn, Jacques Béné, Pierre Conne, Charles Selleger, Antoine Barde, Gabriel Barrillier, Vincent Maitre, Delphine Bachmann, Xavier Magnin pour l'abolition de l'imposition de la valeur locative en Suisse (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 25 et 26 janvier 2018.
PL 12264
Projet de loi de Mmes et MM. Yvan Zweifel, Nathalie Fontanet, Alexandre de Senarclens, Cyril Aellen, Raymond Wicky, Michel Ducret, Céline Zuber-Roy, Christina Meissner, Jean Romain, Serge Hiltpold, Murat Julian Alder, Stéphane Florey, Sandro Pistis, Nathalie Schneuwly, Patrick Malek-Asghar, Thomas Bläsi, Norbert Maendly, Thierry Cerutti, Lionel Halpérin, Marc Falquet, François Baertschi, Ana Roch, Jean-François Girardet, Patrick Lussi, Beatriz de Candolle, André Pfeffer, Christian Flury, Françoise Sapin, Olivier Cerutti, Florian Gander, Georges Vuillod, Bénédicte Montant, Jean-Marie Voumard, Patrick Saudan, Jean-Luc Forni, Danièle Magnin, François Lance, Christophe Aumeunier, Jacques Béné, Marie-Thérèse Engelberts, Gabriel Barrillier, Anne Marie von Arx-Vernon, Christian Decorvet, Pierre Conne, Pascal Spuhler, Charles Selleger, Alexis Barbey, Bertrand Buchs, Antoine Barde, Francisco Valentin, Jean-Marc Guinchard, Jean-Charles Lathion, Patrick-Etienne Dimier, Vincent Maitre, Delphine Bachmann, Ronald Zacharias, Bernhard Riedweg, Carlos Medeiros, Edouard Cuendet, Eric Stauffer, Philippe Morel modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08) (Déductions accrues des frais forfaitaires des frais relatifs aux immeubles privés)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 25 et 26 janvier 2018.
M 2443
Proposition de motion de Mmes et MM. François Baertschi, Florian Gander, Danièle Magnin, Sandro Pistis, André Python, Daniel Sormanni, Christian Flury, Thierry Cerutti, Jean-François Girardet, Henry Rappaz, Francisco Valentin, Jean-Marie Voumard, Françoise Sapin : Coup de massue sur la « valeur locative » : un moratoire pour les petits contribuables
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 25 et 26 janvier 2018.

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons nos urgences. Sur proposition de M. Florey, le Bureau a décidé de lier les trois points suivants: la proposition de résolution 842, le projet de loi 12264 et la proposition de motion 2443. Nous allons procéder ainsi: les premiers signataires de chaque texte pourront prendre la parole pendant trois minutes, puis ce sera cinq minutes par groupe pour l'ensemble des objets. Je laisse d'abord la parole à M. Buchs pour la R 842.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, le groupe démocrate-chrétien vous propose d'adopter cette résolution destinée aux Chambres fédérales, et de le faire sur le siège. Dernièrement, les propriétaires ont été avisés d'une augmentation de la valeur locative de 7,9%, et ce alors que la dernière hausse était intervenue en 2013. En effet, à la demande de la Confédération, qui trouvait que la valeur locative était trop basse à Genève, un accord avait été passé entre l'administration fiscale cantonale, Pic-Vert et la Chambre genevoise immobilière visant, tous les quatre ans, à l'augmenter ou à procéder à un calcul devant donner une nouvelle valeur locative.

Lorsque les propriétaires ont été informés de cette hausse de 7,9%, ça ne s'est pas très bien passé. Deux éléments principaux sont en jeu. D'abord, les loyers devraient théoriquement baisser, donc on ne comprend pas qu'une telle indexation soit prévue. Comme tout augmente, principalement les primes d'assurance-maladie, et que les propriétaires sont souvent de petites gens à la retraite, cette majoration est bien trop importante. Ensuite, cet impôt est justement en discussion aux Chambres fédérales, où cinq motions ont été déposées pour le supprimer. Le parti démocrate-chrétien présente donc sa résolution à l'appui de ces cinq textes.

Rappelons que l'imposition de la valeur locative constitue un impôt dit de guerre - c'est souvent la spécialité des impôts fédéraux, qui ont été introduits lors de situations difficiles en Suisse. L'impôt fédéral direct, par exemple, était à la base une taxe au titre de sacrifice pour la défense nationale, et il n'y a pas eu de réforme de la fiscalité depuis longtemps à l'échelle du pays. Entre nous, on ne comprend pas tellement la finalité de ces taxes de guerre, surtout celle d'un impôt qui ne sert à rien car il correspond à une valeur putative ou relative sur un bien que vous n'allez pas louer, puisque vous l'occupez. Vous payez ainsi un impôt sur un revenu que vous n'allez jamais toucher de votre vie !

Pour notre part, nous appelons à une réforme de la fiscalité, nous exigeons que l'imposition soit faite sur des biens qui offrent véritablement un rendement, sur de l'argent que les gens ont touché. Un impôt sur quelque chose qui n'existe pas, ça ne tient pas la route, et c'est la raison pour laquelle il doit être supprimé. Nous invitons le Grand Conseil à soutenir notre demande afin que nous puissions aller à Berne défendre l'abolition de la valeur locative. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Très bien !

Le président. Merci, Monsieur. A présent, M. Zweifel va nous parler du projet de loi 12264.

M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Quelle mauvaise surprise certains contribuables de notre canton, en l'occurrence les propriétaires de leur logement, n'ont-ils pas reçue en ce début d'année: un courrier leur annonçant une augmentation de la valeur locative de leur bien immobilier de 7,9% ! Quelle mauvaise surprise également que de constater que son entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier 2017, mais qu'elle n'a été annoncée qu'en janvier 2018 - un effet rétroactif dont on peine à imaginer toutes les conséquences.

La valeur locative, M. Buchs l'a très bien dit, constitue un revenu fictif, puisqu'elle correspond à la facturation du loyer qu'un propriétaire se ferait à lui-même pour le logement dans lequel il habite. Vous aurez tous compris, Mesdames et Messieurs, qu'il s'agit d'une absurdité et qu'elle est à combattre. En ce sens, nous soutenons évidemment la proposition du PDC: cette abolition doit intervenir au niveau fédéral. Si la valeur locative constitue un revenu fictif, la hausse de celle-ci entraîne une augmentation d'impôts qui, elle, est particulièrement réelle, d'autant plus pour les petits propriétaires de ce canton, notamment les retraités qui ne sont souvent au bénéfice que de leur rente AVS ou LPP et qui voient beaucoup d'autres charges augmenter, comme les primes d'assurance-maladie - on en parlait tout à l'heure.

On dit aujourd'hui à ces gens qu'un revenu qui n'existe pas réellement va croître de 7,9% et qu'ils vont devoir payer des impôts dessus ! Mesdames et Messieurs, que va-t-on faire pour ces gens-là ? Que va-t-on faire également pour tous ceux qui, comme moi, sont locataires et souhaiteraient devenir propriétaires ? Voici ce qu'on leur dit pour le moment: «Vous voulez accéder à la propriété ? Soit, mais on vous prévient: la première chose qui va se passer, c'est qu'on va vous matraquer fiscalement !» C'est bien sûr totalement décourageant.

Mesdames et Messieurs, vous l'avez compris: cet impôt est injuste et son augmentation injustifiée. Il s'agit dès lors de corriger cette injustice, et c'est ce que propose le projet de loi 12264 en agissant sur les déductions possibles. Nous voulons encourager les propriétaires à entreprendre des travaux dont les frais sont en partie déductibles, notamment lorsqu'ils amènent des améliorations énergétiques. Dans le canton de Genève, le contribuable a la possibilité de déduire des frais effectifs mais, par simplification, il peut leur préférer des frais forfaitaires. Aujourd'hui, c'est 10% de la valeur locative pour un bien de moins de dix ans... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et 20% pour un bien de plus de dix ans; il s'agit de faire passer ces déductions à 20% pour un bien de moins de dix ans et à 28% pour un bien de plus de dix ans.

Ce projet, Mesdames et Messieurs, est complémentaire à la résolution du PDC que nous soutenons, tout comme à la motion du MCG qui demande un moratoire, lequel sera important notamment pour l'année 2017. Je tiens à remercier les 61 députés qui ont cosigné ce projet de loi concret...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur.

M. Yvan Zweifel. Je termine tout de suite, Monsieur le président. ...qui dit non à un impôt injuste basé sur un revenu fictif, non à sa hausse injustifiée, non à un matraquage des contribuables ! Merci de voter ce projet de loi.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci. J'invite maintenant M. Baertschi à nous présenter la proposition de motion 2443.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. A Genève, il n'y a pas seulement de grandes fortunes qui possèdent des centaines de millions ou des milliards - qu'elles délocalisent occasionnellement dans d'autres cantons ! - il existe aussi une classe moyenne qui se débrouille comme elle peut, des gens qu'on incite à devenir propriétaires de leur logement - c'est en effet un élément de notre nouvelle constitution: faciliter l'accession à la propriété pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde. Or là, on va exactement dans le sens inverse !

Qu'est-ce qui s'est passé ? Début janvier, on informe ces tout petits propriétaires d'une hausse de la valeur locative de 7,9% - joli cadeau après Noël ! On leur dit qu'ils doivent payer encore plus, toujours plus, et c'est intolérable. Parmi nos membres, beaucoup sont propriétaires, ce qu'on n'imagine pas nécessairement, parce que le propriétaire de son propre logement est semblable à de nombreux locataires, aux habitants d'une coopérative, ça peut être tout un chacun. Ce sont donc Monsieur et Madame Tout-le-Monde qui sont visés par cette augmentation soudaine, et on ne va pas nous dire que c'est pour remplir les caisses de l'Etat, nous avons vu qu'on les vidait d'une autre manière. Si on ne les remplit pas suffisamment aux yeux de M. Dal Busco, bien évidemment, il n'est cependant pas possible d'utiliser ce genre de moyens.

C'est la raison pour laquelle nous nous sommes demandé ce que nous pouvions faire, comment agir rapidement, parce que cette nouvelle nous est tombée sur la tête au début de l'année. Nous proposons donc un moratoire pour stopper cette hausse qui n'est même pas de nature réglementaire, mais administrative, si j'ai bien compris, suite à des engagements pris en 2007. C'est argumenté comme ça, on nous dit que le calcul est basé sur l'augmentation des loyers du marché libre. Je veux bien, mais le propriétaire d'un petit logement, lui, ne perçoit aucun bénéfice, alors va-t-il devoir vendre son bien et se loger ailleurs comme locataire ?

On se retrouve dans une situation tout à fait absurde. Soit on assume qu'on veut flinguer l'accession à la propriété, soit on veut l'encourager, et c'est pour ça que je vous demande, Mesdames et Messieurs, de soutenir massivement cette motion. Merci, Monsieur le président.

Le président. Bien, merci. Mesdames et Messieurs, nous passons au débat d'ensemble. Je vous rappelle que le temps de parole est de cinq minutes par groupe. Madame Orsini, c'est à vous.

Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est au moment où le PDC s'insurge contre la notion de valeur locative, sous prétexte qu'il s'agirait d'un loyer fictif, que Me Xavier Oberson, à la suite de Bill Gates «himself», préconise de taxer le revenu fictif des robots, à l'image de la valeur locative - il l'a bien expliqué: à l'image de la valeur locative ! C'est dire si cette option n'est pas malvenue en droit fiscal.

Au cours de ma vie professionnelle, j'ai rencontré des personnes ayant à coeur de rembourser leur dette hypothécaire avant de prendre leur retraite et qui se sont retrouvées à payer un loyer sans pouvoir déduire aucune charge d'intérêts hypothécaires en contrepartie. Mais nous ne sommes pas en France, et le système fiscal de chaque pays a ses avantages et ses inconvénients.

La possibilité de déduire la dette hypothécaire de la valeur du bien ainsi que les intérêts et frais d'entretien du revenu rend souvent l'opération blanche pour les jeunes ménages ayant accédé à la propriété, qui constituent évidemment une minorité - on ne saurait gagner sur tous les tableaux. De manière générale, il faut signaler que la valeur locative n'a jamais égalé le loyer qu'un propriétaire occupant son bien immobilier pourrait réellement obtenir en le louant à un tiers. On estime qu'elle représente globalement 60% de la valeur du marché. Une réévaluation de 8% n'atteindrait donc toujours pas cette valeur. Sans un tel ajustement, la réalité économique serait la suivante - et c'est bien le raisonnement qui a présidé à la création de la valeur locative: le propriétaire serait logé gratuitement, là où une majorité de locataires doivent consacrer une part importante et non déductible de leur revenu à un appartement.

M. Jean Romain expliquait récemment sur les réseaux sociaux qu'il s'agit d'un impôt instauré en temps de guerre et jamais aboli par la suite; mais c'est le cas de tout l'impôt fédéral direct qui, vous vous en souvenez, s'est très longtemps appelé «impôt fédéral pour la défense nationale» ! Lui aussi avait été instauré en temps de guerre et n'était pas appelé à durer. Il ne viendrait pourtant à l'idée de personne de revenir sur le principe de cette taxe qui représente actuellement le tiers des recettes de la Confédération.

Il convient également de rappeler que les propriétaires qui ont amorti leur dette hypothécaire bénéficient depuis de nombreuses années d'une évaluation et donc d'une taxation de leur fortune immobilière sans commune mesure avec la valeur réelle de leur bien. Au début de la législature, le groupe socialiste a bien essayé d'accélérer le processus de réévaluation de ces objets en déposant un projet de loi dans ce sens, mais celui-ci a été balayé à la commission fiscale, puis en plénière. Cela aurait pourtant dû avoir lieu depuis bien longtemps.

On nous annonce que ces villas ou ces appartements seront prochainement réévalués, mais il faut bien reconnaître que c'est d'une injustice crasse par rapport aux jeunes ménages qui, quand ils achètent un appartement, sont imposés sur la valeur de transaction récente, c'est-à-dire le prix du marché - je parle là d'un impôt sur la fortune, bien entendu - alors que ceux qui sont propriétaires depuis très longtemps indiquent une fortune à la valeur de la dernière transaction, qui se situe très en dessous de la réalité. Il y a donc une inégalité totale entre les anciens propriétaires et les nouveaux.

Bien souvent, on nous parle des petits propriétaires de la classe moyenne; c'est un fait qu'il en existe un certain nombre à Genève ayant hérité de modestes villas qui, à l'époque de leurs grands-parents, n'avaient pas une valeur phénoménale et n'en ont acquis qu'en raison du prix exorbitant des terrains à Genève actuellement. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ainsi, certains petits propriétaires se retrouvent à devoir verser un loyer alors qu'ils pensaient avoir payé toutes leurs dettes et être tranquilles pour leurs vieux jours; mais qu'ils se mettent à la place de ceux qui ont dû contracter une dette hypothécaire importante pour pouvoir accéder à la propriété !

Le président. Il vous faut conclure, Madame.

Mme Magali Orsini. Pardon ?

Le président. Vous devez terminer.

Mme Magali Orsini. D'accord. Aussi, en vertu du principe d'égalité de traitement, je vous demande, Mesdames et Messieurs, d'abandonner l'idée de ne pas imposer la valeur locative et de renoncer à tout moratoire ainsi qu'aux frais d'entretien forfaitaires. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. André Pfeffer (UDC). Pour le groupe UDC, la hausse de l'imposition de la valeur locative est exagérée et hors de proportion. Rien ne justifie une progression de cette importance, qui n'a aucun rapport avec celle du coût de la vie, l'inflation ou tout autre paramètre économique. A l'origine, cet impôt visait une équité avec les locataires qui, eux, ne peuvent pas déduire leur loyer, mais il ne fait pas sens de l'augmenter dans une telle mesure.

De plus, les petits propriétaires sont doublement pénalisés: d'une part, la déduction liée aux intérêts hypothécaires diminue, de l'autre, le revenu locatif fictif explose, ce qui a un impact conséquent sur les impôts. Pour ces raisons, le groupe UDC soutiendra les trois objets. Merci.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, en période électorale et suite à l'annonce faite par le Conseil d'Etat, il est peu surprenant d'observer une telle réaction sur les bancs de la droite. A Berne, si on suit les débats fédéraux, les tentatives de consensus consisteraient plutôt en la recherche d'un équilibre, à savoir l'abolition de l'imposition de la valeur locative, certes, mais couplée à la suppression des différentes déductions, notamment de la dette hypothécaire et des frais forfaitaires.

Or ici, c'est tout l'inverse: la droite genevoise propose à l'Assemblée fédérale - quel en sera l'impact, je me le demande - d'abolir la valeur locative, et puis on enfonce le clou en exigeant d'augmenter la déduction des frais forfaitaires, comme si la situation financière de notre canton le permettait ! Le coup est double de la part des bancs de droite, et il est totalement injustifié.

La valeur locative existe par principe d'équité entre locataires et propriétaires. En tant que locataire, vous ne pouvez pas déduire votre loyer; en revanche, les propriétaires bénéficient des différentes déductions que je viens de mentionner. L'imposition de la valeur locative sert à assurer une égalité entre locataires et propriétaires, et elle est fixée en fonction du niveau moyen des loyers. Or si on en constate la hausse depuis plusieurs années, c'est bien parce que les loyers augmentent dans le canton de Genève.

Le Conseil d'Etat ne fait qu'appliquer ce qui est juste, et cette équité doit être respectée. Pour les locataires, qui représentent 80% de la population à Genève, la vie est plus dure d'année en année; il n'y a pas de raison que les propriétaires bénéficient de toutes ces déductions et que leur vie soit de plus en plus facile. Le parti socialiste, Mesdames et Messieurs, défend les locataires, et on comprend ce soir que les bancs de droite cherchent à marquer leur territoire en période électorale et à bien montrer qu'ils protègent les propriétaires.

Mais ce qui est plus flagrant encore, c'est de voir le service après-vente opéré par le PDC de façon extrêmement rapide: suite à l'annonce du Conseil d'Etat - du conseiller d'Etat PDC ! - ce groupe, pour rattraper le coup à trois mois des élections, propose instantanément d'abolir la valeur locative au niveau fédéral. La tentative est là, il faut la saluer; quel en sera l'impact ? Ma foi, on s'interroge.

Par contre, l'incidence du projet de loi au niveau cantonal, elle, sera réelle. Il faudra d'ailleurs estimer les pertes fiscales, et on espère que ce texte sera renvoyé en commission, car l'accepter tel quel ce soir, c'est quand même le voter les yeux bandés. On n'en connaît même pas les conséquences sur les finances publiques ! Mais on se doute que le choc sera rude et qu'une fois encore, l'équité entre locataires et propriétaires en prendra un coup. Les socialistes souhaitent maintenir l'esprit d'équité dans la loi, assurer des recettes fiscales qui servent à financer les prestations publiques, et c'est pourquoi nous vous invitons à refuser ces trois projets. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur. Vous avez demandé un renvoi du projet de loi en commission, mais laquelle ?

M. Romain de Sainte Marie. La commission fiscale.

Le président. D'accord, merci. Monsieur Vanek, je ne peux pas vous passer la parole, le temps de votre groupe est épuisé. Madame Meissner, c'est à vous pour deux minutes trente.

Mme Christina Meissner (HP). Merci, Monsieur le président. L'imposition de la valeur locative constitue une taxe inique, basée sur un revenu que l'on n'a pas encaissé. Certes, la valeur des villas a augmenté dans ce canton au cours des années, mais à moins de vendre votre bien, vous ne touchez pas un sou dessus et, jusqu'à preuve du contraire, vous ne pouvez pas remplacer un loyer que vous n'avez pas perçu par une brique ou un morceau de béton que vous apporterez au fisc qui l'acceptera ! Les impôts, oui, mais fondés sur de l'argent qui a véritablement été gagné.

Je peux comprendre qu'à un moment donné, on trouve la situation discriminatoire par rapport aux locataires. Oui, mais quand la chaudière de leur immeuble claque en plein hiver, ils appellent la régie qui envoie quelqu'un pour la réparer; le propriétaire, lui, doit sortir l'argent de sa poche, et il est sans doute le premier à faire d'une part des économies financières pour pouvoir remplacer sa chaudière, parce que c'est toujours son argent, d'autre part des économies d'énergie, parce qu'il en va toujours de son argent. En tant que propriétaire, vous êtes responsable d'un bout à l'autre de la chaîne et, dans ce sens, il n'existe pas d'inégalité de traitement.

Je n'ai pas beaucoup de temps à ma disposition comme indépendante pour m'exprimer et beaucoup de choses ont déjà été dites, mais j'aimerais simplement donner mon opinion sur les trois textes qui nous ont été présentés, en prenant des couleurs au-delà de l'orange, peut-être le vert et le rouge d'un certain oiseau que je représente de temps en temps dans ce parlement. Les petits propriétaires, puisqu'il y a beaucoup de propriétaires de la classe moyenne dans ce canton, apprécieront énormément le geste fait en leur faveur aujourd'hui, que ce soit via la résolution visant à supprimer l'impôt inique sur la valeur locative en interpellant le Parlement fédéral, la motion pour geler l'augmentation cette année ou le projet de loi demandant une déduction fiscale modeste afin de compenser l'impact de cette valeur locative.

Dès lors, je souhaiterais que la résolution du PDC à l'Assemblée fédérale soit immédiatement votée. En ce qui concerne la motion du MCG, je pense que nous pouvons également l'adopter directement. Quant au projet de loi du PLR, il serait intéressant de le renvoyer à la commission fiscale pour qu'il serve de point de comparaison lorsque nous étudierons la réévaluation des immeubles individuels, qui aura certainement lieu bientôt. Monsieur le président, je demande le vote nominal sur ces trois objets.

Le président. Est-ce que vous êtes soutenue ? (Quelques mains se lèvent.) Visiblement, pas suffisamment...

Mme Christina Meissner. Comment ça ? (D'autres mains se lèvent.)

Le président. Voilà, c'est bon, nous procéderons donc au vote nominal. La parole est à Mme Forster Carbonnier.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, les Verts demandent le renvoi de ces trois objets à la commission fiscale. Nous estimons en effet qu'il s'agit là de sujets fédéraux. Les partis qui ont déposé ces textes détiennent la majorité au Parlement fédéral, et nous trouvons un peu étonnant que ce débat ait lieu dans cette salle alors qu'ils ont à Berne tout loisir de modifier la loi fédérale.

Ensuite, pour ce qui a trait à la valeur locative et comme l'ont souligné des intervenants précédents, il se pose quand même la question de l'égalité de traitement vis-à-vis des locataires. Les propriétaires peuvent déduire des impôts les intérêts de la dette hypothécaire, tandis que locataires ne peuvent rien déduire du tout. Il y aurait peut-être une question plus philosophique à se poser: pourquoi le système suisse permet-il cette déduction ? A qui profite-t-elle au fond ? Dans les faits, on constate que les propriétaires ne se désendettent jamais, qu'ils restent endettés à vie auprès des banques, et on pourrait plutôt prendre comme exemple la France qui incite les gens à se désendetter. Je pense qu'il y a une réflexion à mener de manière beaucoup plus large qu'en se focalisant sur la valeur locative, comme c'est le cas ce soir.

Quant à la hausse de la valeur locative, eh bien oui, les loyers ont augmenté, donc une progression analogue semble assez logique. On ne fait que suivre et appliquer la loi fédérale ! Encore une fois, la solution n'est pas à Genève, mais sous la coupole. C'est la raison pour laquelle les Verts vous invitent à renvoyer ces trois objets à la commission fiscale. Je vous remercie.

Mme Françoise Sapin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit jusqu'à présent, mais je tiens quand même à relever quelques éléments. Une hausse de 7,9% représente une forte augmentation, notamment pour les petits propriétaires et les rentiers de ce canton. La correction de cette progression par une augmentation des déductions forfaitaires, comme le préconise le PL 12264, est une bonne chose, cela permettra aux gens de procéder à davantage de travaux.

La réaction à cette nouvelle est très forte, puisque le PDC présente une résolution visant carrément l'abolition de l'imposition de la valeur locative au niveau fédéral. Le MCG a également réagi au travers de sa motion 2443, qui demande un moratoire en tout cas pour une année. Pour toutes ces raisons, nous voterons ces trois objets.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je serai bref, Monsieur le président. Nous voterons notre résolution ainsi que la motion du MCG sur le siège, mais nous proposons le renvoi du projet de loi à la commission fiscale, parce qu'il faut déterminer combien ça va coûter, il faut que nous connaissions les chiffres. Il s'agit d'un texte de loi, c'est important, nous devons en discuter en commission.

Pour le reste, comme je l'ai déjà dit, les Chambres fédérales sont déjà saisies de plusieurs objets, donc notre résolution vient en soutien à la demande de nombreux groupes politiques à Berne, où on observe une tendance à la suppression de la valeur locative. Au niveau cantonal, nous soutenons la proposition du MCG.

Maintenant, comme l'a très bien dit M. de Sainte Marie, l'enjeu est politique, il s'agit de montrer de quel côté on se situe. Il est clair que nous, à droite, nous nous engageons en faveur des propriétaires, nous souhaiterions qu'il y en ait davantage à Genève pour des raisons de stabilité. Quelqu'un qui acquiert une propriété dans une commune, c'est quelqu'un qui va rester là, construire une famille, payer des impôts, c'est quelqu'un de stable qui va amener de la mixité. C'est un bien social d'avoir des propriétaires ! Certains cantons en comptent plus de 50% et ne se portent pas plus mal que Genève. Il s'agit donc d'une question politique et, pour notre part, nous voulons davantage de propriétaires à Genève. Je vous remercie.

M. Cyril Aellen (PLR). L'origine de l'augmentation de la valeur locative à Genève réside dans l'application d'une directive - d'une ordonnance administrative, pour être précis - édictée par le département des finances en 2007, laquelle en prévoyait la revalorisation régulière, à savoir tous les quatre ans, à des conditions extrêmement précises. Au moment de sa promulgation, elle avait eu l'approbation des milieux intéressés. Il en a découlé, après l'envoi de questionnaires aux propriétaires concernés, une augmentation massive de la valeur locative en 2007, suivie d'une nouvelle revalorisation d'environ 4% en 2009, puis de 7% en 2013 et de près de 8% en 2017- celle dont nous parlons. Ça, c'était pour l'histoire.

La conséquence, c'est que nous nous retrouvons aujourd'hui avec une valeur locative extrêmement élevée à Genève, probablement la plus élevée du pays. On parle d'égalité relativement aux intérêts hypothécaires, mais ceux-ci sont largement inférieurs, et l'équité que réclament les socialistes par la voix de M. Romain de Sainte Marie n'existe plus. Prenons par exemple le cas des appartements en zone de développement: non seulement la valeur locative est supérieure à l'emprunt nécessaire pour acheter un logement dans une telle zone, mais ce loyer fictif, puisqu'elle est présentée ainsi, est même plus élevé que celui fixé et contrôlé par l'Etat ! En réalité, Mesdames et Messieurs, si vous voulez faire baisser vos impôts, vous louez votre appartement, et là, on constatera que le loyer réel imposé par l'Etat est plus bas que la valeur locative imposée par ce même Etat ! Vous conviendrez que c'est un petit peu compliqué à suivre.

A titre personnel, je ne suis pas un fervent partisan de la valeur locative, mais pas forcément un opposant acharné non plus. Comme le dit souvent le conseiller d'Etat Broulis, un impôt est juste quand il est mesuré, équitable et compréhensible. A l'heure actuelle, la valeur locative n'est plus ni mesurée, ni équitable, ni compréhensible, et donc plus réellement fondée. Aussi, elle mérite d'être retravaillée.

Le groupe PLR oeuvrera pour qu'un nouvel équilibre soit trouvé au niveau fédéral entre la déduction des intérêts et la valeur locative et appuiera prioritairement le texte rédigé par le PDC et signé par l'Entente; il demandera également que pendant nos travaux, un moratoire soit voté - c'est ce que propose le MCG. Enfin, il acceptera que son projet de loi, qui a été largement soutenu par les partis de droite, soit renvoyé en commission, de sorte qu'on évalue ses conséquences et sa compatibilité avec le droit fédéral, même si ce point a été étudié, et qu'on puisse considérer cette situation.

Cette situation doit aussi s'apprécier à l'aune de la revalorisation des biens immobiliers. Sur certains aspects, ceux-ci méritent d'être réexaminés, le cas échéant dans le cadre des promesses réciproques établies avec le Conseil d'Etat, à savoir que ce processus doit se faire dans le cadre d'une neutralité fiscale.

Pour toutes ces raisons, le groupe PLR est prêt à discuter de son projet de loi au sein de la commission fiscale et appuiera donc son renvoi, à condition que les deux autres objets soient votés par ce parlement et que le Conseil d'Etat accepte d'appliquer la motion qui lui sera transmise.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur. La parole revient à M. Velasco pour une minute trente-deux.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. On pleure sur cette injustice faite aux propriétaires, d'accord, mais qui l'a commise à la base, Mesdames et Messieurs ? L'indice que vous jugez inique repose sur la valeur moyenne de l'augmentation des loyers, donc les premiers touchés sont les locataires qui voient leur loyer décupler. Ceux-là même qui ont provoqué la hausse des loyers et, par conséquent, celle de la valeur locative crient aujourd'hui au scandale, mais ce sont eux qui le créent ! Pour ma part, je propose autre chose, Monsieur le président: puisqu'on veut baisser cet indice injuste, qu'on baisse d'abord les loyers, et la valeur locative diminuera, les propriétaires se retrouveront dans la norme antérieure, voilà.

Dans le débat de ce soir, le cynisme de M. Buchs est maximal, surtout quand il dit qu'il aimerait que tout le monde soit propriétaire dans un canton composé à 80% de locataires, où le revenu moyen est de 60 000 F. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Moi, oui, j'aimerais que tous les Genevois soient riches, vous voyez ! Monsieur Buchs, vous rigolez, mais vous savez très bien que seule une petite minorité de la classe moyenne supérieure peut accéder à la propriété, vous savez très bien que c'est un privilège à Genève, vous savez très bien tout cela !

Le président. Il vous faut conclure.

M. Alberto Velasco. Alors venir crier ici à l'injustice quand on connaît les inégalités dans ce canton s'agissant de l'assurance-maladie, des loyers, sachant que des familles perçoivent 3500 F et doivent payer 2500 F pour leur logement...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. Alberto Velasco. Arrêtez s'il vous plaît ! Arrêtez, c'est injuste ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Monsieur Thierry Cerutti, c'est à vous pour quatre minutes.

M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Celui qui est estomaqué, c'est moi, lorsque j'entends Alberto Velasco ou Romain de Sainte Marie nous tenir des discours de propagande «made in socialiste» et soutenir n'importe quoi. Aujourd'hui, une personne qui gagne 3500 F - je reprends votre exemple, Monsieur Velasco - et paie 2500 F de loyer, naturellement qu'elle touche des aides, des allocations et autres revenus accessoires venant de la mère patrie l'Etat, donc je crois qu'il faut juste arrêter de mélanger tout et son contraire.

Je suis aussi choqué par ce que vous dites, parce qu'actuellement, tous les loyers diminuent en raison de taux hypothécaires quasi nuls... (Commentaires.) Je suis aussi étonné d'entendre de votre part... (Commentaires.) S'il vous plaît, Messieurs les socialistes, j'ai eu la courtoisie de vous écouter quand vous parliez ! Je ne vous demande pas d'être d'accord avec moi, mais juste de respecter le fait que je m'exprime, alors merci de m'écouter gentiment comme je l'ai fait.

Le président. Adressez-vous à la présidence, s'il vous plaît.

M. Thierry Cerutti. Pour revenir au sujet, M. Cyril Aellen a très bien expliqué les faits: la valeur locative a augmenté de 19% ces dernières années; ajoutez à cela 7,9%, ça représente une hausse de presque 30% ! A aucun moment, les loyers dans notre canton n'ont pris aussi drastiquement l'ascenseur, comme c'est le cas avec cette taxe.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Zweifel pour trente-neuf secondes.

M. Yvan Zweifel (PLR). Trente-neuf secondes, Monsieur le président, pour dire que certains ici établissent un lien de causalité qui n'a pas lieu d'être entre la valeur locative et la déduction des intérêts. Ce lien doit être établi entre la valeur locative - un revenu fictif - et les déductions possibles sur les travaux, que ce soit de manière effective ou forfaitaire.

Mesdames et Messieurs, tous les intérêts d'un emprunt sont déductibles d'un point de vue fiscal, qu'il s'agisse d'un emprunt que vous faites à la banque, qu'il s'agisse d'intérêts débiteurs sur votre carte de crédit ou votre compte bancaire. Les intérêts sont toujours négatifs, ça n'a absolument rien à voir avec la valeur locative.

Je termine sur le renvoi en commission, Monsieur le président: j'aimerais juste dire que si nous le soutenons - vous avez entendu les raisons évoquées par mon collègue Cyril Aellen - nous souhaitons en revanche que la commission travaille le plus rapidement possible; il y a déjà un effet rétroactif pour 2017, ça ne doit pas se reproduire en 2018. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à Mme von Arx-Vernon pour trois minutes trente.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Velasco que pour le parti démocrate-chrétien, ce n'est ni du cynisme ni de la complaisance de promouvoir l'accès à la propriété, il s'agit tout simplement de favoriser les jeunes familles, la classe moyenne qui n'est pas forcément très riche. Je ne vois pas pourquoi elle n'aurait pas accès à des biens immobiliers, je ne vois pas pourquoi elle serait toujours obligée de s'exiler en France voisine, je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas bénéficier de conditions favorables et de tous les dispositifs possibles pour lui donner accès à la propriété, je ne vois pas pourquoi nous ne lui offririons pas cette facilité. Il n'y a aucun cynisme là-dedans, c'est juste pour stabiliser l'avenir de Genève et celui des jeunes familles que nous proposons cette résolution. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame. La parole va à M. Baertschi pour deux minutes quarante-sept.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je vais contredire un certain nombre de personnes dans cet hémicycle, qu'il s'agisse de gens de gauche ou de droite. Nous, au MCG, nous ne sommes ni de gauche ni de droite... (Exclamations.) Sur certains sujets, nous suivons la droite, comme ce soir, sur d'autres la gauche, comme à d'autres occasions - certains nous le reprochent d'ailleurs suffisamment. Ce qui nous intéresse, au MCG, c'est de protéger les petits propriétaires, parce qu'ils le méritent, parce que l'accès à la propriété pour la classe moyenne est nécessaire. Cela dit, il faut aussi développer les coopératives d'habitation comme il faut soutenir les locataires en menant une politique de protection hardie. C'est une structuration de notre société que nous devons opérer. Pour nous, tous ces éléments ne sont pas antinomiques, ils forment un tout. L'important, c'est ce qui peut être favorable pour la population genevoise: c'est notre ligne, elle est souvent mal comprise, tant pis. Ce qui compte, c'est que nous allions dans la bonne direction et qu'au final, les Genevois soient gagnants, et c'est pour cela que je vous demande, Mesdames et Messieurs, de soutenir ces trois textes.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la valeur locative est un impôt institué au niveau fédéral qui, en effet, date d'un certain nombre d'années. Je ne sais pas s'il faut se référer à la dernière guerre pour trouver son fondement, mais toujours est-il que des discussions ont eu lieu à de nombreuses reprises pour l'abolir, et il semblerait que les Chambres soient relativement proches d'un compromis dans cette affaire.

Cela dit, à l'échelle cantonale, le Conseil d'Etat et l'administration fiscale n'ont d'autre choix que d'appliquer la loi fédérale, et les modalités d'application de celle-ci - le calcul de la valeur locative et son indexation au cours des ans - découlent de directives établies il y a une dizaine d'années, comme cela a été rappelé, en accord avec les organisations de propriétaires que sont la Chambre genevoise immobilière et Pic-Vert, qui s'en étaient publiquement félicitées à l'époque. Aussi, l'AFC a exécuté ces dispositions au fil du temps - début 2010, début 2014 et maintenant début 2018 pour les périodes fiscales précédentes - sans le moindre problème, puisqu'elles relevaient d'une volonté commune.

Cette année, eu égard au calendrier électoral, l'augmentation n'est pas passée inaperçue. Le Conseil d'Etat convient qu'elle est conséquente, il faut le reconnaître, mais sa méthode de calcul n'avait jusqu'à présent pas été contestée puisque, je le répète, elle reposait sur une base conventionnelle. Cela ne signifie pas qu'on ne puisse pas remettre en question les accords antérieurs - d'ailleurs, le Conseil d'Etat aurait été tout à fait disposé à les revoir s'il avait été sollicité dans ce sens. Ce soir, il semblerait qu'une majorité de ce parlement souhaite insuffler une nouvelle orientation qui consisterait à surseoir à cette hausse pour l'année 2017. Si telle est votre volonté, le Conseil d'Etat en tiendra bien évidemment compte et l'appliquera, mais à défaut d'une détermination du Grand Conseil jusqu'ici, c'est sur la base de l'accord mentionné qu'il a toujours agi.

S'agissant des textes connexes dont nous parlons aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, je pense, tout d'abord, qu'il serait plus prudent de renvoyer le projet de loi en commission. En effet, ce qu'il propose pour répondre à l'indexation de la valeur locative est source d'interrogations quant aux modes de calcul et à la compatibilité de ceux-ci avec le droit fédéral. Au nom du Conseil d'Etat, je vous encourage donc à renvoyer cet objet à la commission fiscale afin qu'il y soit examiné de manière attentive.

En ce qui concerne la résolution et ainsi que je viens de l'indiquer, des solutions semblent en vue au niveau fédéral. Que le Grand Conseil genevois, soucieux de la problématique qui a été abondamment discutée ici - une préoccupation d'ailleurs partagée par le Conseil d'Etat - envoie un signal à Berne sous la forme de ce texte ne peut être que salué, parce que cela va certainement dans le bon sens: cela permettra au Parlement de nourrir des réflexions qui sont assurément très importantes, puisque cette question risque de changer les équilibres à l'avenir, en particulier s'agissant de l'endettement. J'estime en effet qu'il ne peut être que judicieux d'éviter que l'endettement des ménages et des personnes, en particulier lorsque celles-ci arrivent à l'âge de la retraite, ne devienne une charge ou un risque.

En résumé, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat prendra acte de votre volonté d'instaurer un moratoire sur cette indexation; il vous conseille par ailleurs de renvoyer le projet de loi en commission et vous encourage à voter sur le siège la résolution à transmettre aux Chambres fédérales. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote. Je vous rappelle que le vote nominal a été sollicité pour les trois textes. Vous allez d'abord vous prononcer sur la résolution 842, pour laquelle nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission fiscale; en cas de refus, je mettrai aux voix sa prise en considération.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 842 à la commission fiscale est rejeté par 56 non contre 31 oui.

Mise aux voix, la résolution 842 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 58 oui contre 32 non (vote nominal).

Résolution 842 Vote nominal

Le président. S'agissant du projet de loi 12264, nous sommes également saisis d'une proposition de renvoi à la commission fiscale.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12264 à la commission fiscale est adopté par 89 oui (unanimité des votants) (vote nominal). (Le vote nominal n'a pas pu être enregistré.)

Le président. Enfin, même demande pour la motion 2443. J'ouvre la procédure de vote.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2443 à la commission fiscale est rejeté par 60 non contre 31 oui.

Mise aux voix, la motion 2443 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 60 oui contre 30 non (vote nominal).

Motion 2443 Vote nominal

M 2139-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et MM. Stéphane Florey, Christina Meissner, Antoine Bertschy, Marc Falquet, Bernhard Riedweg, Patrick Lussi : Action déblocage ! Pour un déplafonnement provisoire du prix du terrain en zone de développement
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 14 et 15 décembre 2017.
Rapport de majorité de M. André Pfeffer (UDC)
Rapport de minorité de M. Christian Dandrès (S)

Débat

Le président. Nous passons à la M 2139-A en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. Pfeffer, rapporteur de majorité.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La majorité de la commission d'aménagement estime nécessaire de déplafonner le prix du terrain en zone de développement. Pour beaucoup de propriétaires, le maintien d'un prix dit administratif représente une injustice, voire une expropriation partielle. Nombreux sont ceux qui ont engagé la totalité de leurs économies ou de leur retraite dans leur maison. Pour cette raison, il est légitime qu'ils perçoivent un prix correct en cas de vente.

Si, à Genève, les délais et prix de construction figurent parmi les plus élevés de Suisse, c'est principalement à cause de notre surréglementation. La démultiplication des recours et des oppositions, souvent déposés par les propriétaires, constitue l'une des raisons pour lesquelles nos projets s'éternisent. Un déplafonnement du prix administratif permettrait une réelle accélération des processus de construction.

Le prix du terrain représente une faible part du coût global des immeubles, seulement 15% à 20%. De plus, il accuse déjà un fonctionnement à deux vitesses en zone de développement: dans les zones anciennement agricoles, il est de 450 F le mètre carré, et dans celles déjà construites, il s'élève à 1000 F le mètre carré. En cas de déplafonnement, l'augmentation éventuelle du prix pour les petits propriétaires serait de 10% à 15% seulement, à part dans quelques communes. Pour ces raisons, les commissaires PLR, MCG et UDC vous recommandent d'accepter cette motion. Merci.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion rouvre un débat qui avait été clos en 2012 avec des solutions assez efficaces, précisément au moment où l'on construit beaucoup à Genève et où il y a moins de blocages qu'à une époque - à moins qu'on ne tienne compte des blocages politiques au sein de la commission d'aménagement, que nous avons malheureusement dû dénoncer. Le texte est fondé sur des bases relativement confuses, et j'estime à cet égard utile de rappeler quelques principes.

La loi générale sur les zones de développement ne plafonne pas le prix de vente, le propriétaire est libre de vendre son bien au promoteur comme il l'entend, selon le montant qu'il aura fixé; en revanche, elle limite la possibilité de répercuter ce montant sur le loyer des futurs locataires. Il est déjà arrivé que des terrains soient vendus beaucoup plus cher que 1000 F le mètre carré - ça a été le cas à La Tulette, par exemple - et que l'on prenne la différence sur le bénéfice de promotion, qui n'est pas ridicule dans le cadre des plans financiers.

Cette proposition de motion vise autre chose, c'est qu'on ne touche pas aux autres postes, notamment au bénéfice de promotion, mais qu'on déplafonne le prix des propriétés par étage ou le loyer des futurs habitants, ce qui est infiniment problématique. En effet, les loyers sont déjà très élevés actuellement et ne correspondent que peu au besoin prépondérant de la population. Si cette motion était suivie d'effets, ce que je ne souhaite pas - pour autant qu'elle soit adoptée, bien sûr, mais je pense qu'elle le sera compte tenu de la majorité qui se dessine autour de ces projets immobiliers - elle risquerait de faire augmenter encore des loyers qui pèsent déjà très lourdement sur le budget des ménages genevois.

Pour justifier ce qui est en somme du pur syndicalisme de propriétaire, on invoque une volonté de déblocage. Or, comme je viens de le dire, les choses se passent bien à l'heure actuelle, on recense beaucoup de ventes, davantage qu'il y a quelques années, et vous faites donc fi de dix ans de travail. Entre 2006 et aujourd'hui, de nombreuses réflexions ont été menées, entraînant notamment des modifications de pratiques administratives afin de permettre des échanges de terrains contre des appartements. La commission d'aménagement ainsi que les magistrats qui se sont succédé au sein du département de la construction et de l'aménagement ont précisément tenté de cibler les causes des blocages. La principale, c'est tout d'abord l'attachement au cadre de vie, au quartier. La solution apportée était de permettre aux propriétaires de rester in situ, et on leur offrait - ce qui, à mon avis, est plus condamnable - davantage de logements en propriété par étage dans les immeubles. Ensuite, pour les personnes souhaitant continuer à loger dans des villas, la fondation FPLC avait fait l'acquisition de villas dans d'autres secteurs pour leur relogement, de façon à pouvoir réaliser les périmètres souhaités.

Aujourd'hui, on a donc des outils à disposition qui permettent d'atteindre les objectifs - reste à savoir s'ils sont utilisés, on verra ce que nous dira le chef du département tout à l'heure - et je pense que votre motion va au contraire freiner la construction, créer des blocages. Pourquoi ? Parce que les propriétaires qui n'auront pas profité du déblocage temporaire attendront, en espérant que d'autres comme vous viendront à l'avenir avec des projets similaires, et cela va entraîner des mécanismes de construction en dents de scie, ce qui est extrêmement problématique.

Dans le domaine de l'aménagement, il faut y aller dare-dare, de manière soutenue et sur le long terme. Si vous créez des pics avec des périodes de grand gel, comme ce que vous nous imposez en refusant des projets de déclassement, on risque de le payer très cher dans le futur et de ne pas pouvoir réaliser le plan directeur cantonal. Je vous remercie.

M. François Lefort (Ve). A priori, cette motion semble partir d'une idée louable; elle est pourtant basée sur un quiproquo: en effet, elle demande de déplafonner provisoirement le prix du terrain en zone de développement, postulant ainsi que l'Etat le plafonne, ce qui est un présupposé totalement faux. L'Etat ne fixe pas le prix du terrain en zone de développement, Monsieur Pfeffer, il n'existe pas de prix administratif, ou alors donnez-le-nous, nous ne le connaissons pas.

Le prix du terrain est le fruit d'une négociation entre propriétaire et promoteur, et l'Etat ne s'en mêle pas. Les montants peuvent varier entre 1000 F et 2700 F le mètre carré, et conditionnent ensuite les plans financiers. De toute façon, nous en sommes tous convaincus, le développement ne peut pas se faire sur le dos des petits propriétaires, et ce n'est pas le cas puisque nous n'avons pas connaissance de telles affaires de spoliation; l'Etat non plus, il vous l'a d'ailleurs dit en commission. Ces allégations sont absolument non documentées, et c'est bien de ça que nous parlons ce soir, d'un fantasme non documenté.

In fine, les situations sont diverses: certains propriétaires acceptent de vendre et de bénéficier d'une pratique que l'Etat a mise en place lors de la précédente législature, à savoir l'échange de droits à bâtir contre des appartements, ce qui est une excellente affaire pour eux; d'autres ne souhaitent pas vendre et préfèrent rester chez eux car ils sont attachés à leur maison, ce qui est tout à fait compréhensible, et c'est ce qui fait que l'aménagement de certains quartiers de zones villas déclassées est lent, plus lent.

Voilà les faits, ce qui nous amène à la conclusion que ce texte demande au Conseil d'Etat quelque chose qu'il ne peut pas faire dans un domaine qu'il ne maîtrise absolument pas, soit le prix du terrain en zone de développement, et puisqu'il ne le maîtrise pas, nous ne comprenons pas pourquoi on lui demande de faire une chose pour laquelle il n'a aucun moyen d'action.

Mesdames et Messieurs, vous voterez certainement cette motion à une forte majorité ce soir, en partisans de la victoire de quelques-uns contre l'intérêt de tous. Vous la voterez mais, vous le savez, elle n'aura absolument aucun effet, et les Verts ne participeront pas à cette mascarade, nous ne l'adopterons pas. Merci, Monsieur le président.

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion propose de déplafonner le prix du terrain en zone de développement. Selon les termes de ses auteurs, elle aurait pour avantages d'offrir un traitement correct aux propriétaires concernés, d'accélérer la création de logements et de diminuer les délais de construction.

Certes, nous ne souhaitons pas non plus que les propriétaires soient lésés lorsqu'ils acceptent de vendre leur bien à des promoteurs ou à des fondations immobilières. Toutefois, le prix du terrain n'est pas le seul paramètre qui retarde la construction: l'attachement à la maison, à l'environnement, au quartier ou à la commune constitue un facteur encore plus déterminant. En cas de tractation avec un propriétaire, on l'a déjà relevé, il n'y a pas que le prix du terrain qui entre en compte, il existe d'autres outils de négociation comme la valeur de la maison ou la possibilité de lui offrir un appartement en PPE à un prix préférentiel dans le même quartier.

D'autre part, déplafonner le prix du terrain en tenant compte de celui du marché mettra en péril le principe et les objectifs de la zone de développement. Il faut rappeler que le système de secteurs a été institué en 1957 par le conseiller d'Etat PDC Emile Dupont et a permis à des dizaines de milliers de personnes de se loger à des prix abordables. Outre les loyers libres et subventionnés, la zone de développement permet de construire de la PPE à des prix raisonnables pour la classe moyenne, en particulier pour les jeunes familles.

Ce texte rendra plus chère la PPE, qui devra compenser les plans financiers des logements subventionnés - rappelons que le prix du terrain représente 15% à 20% du coût de revient d'une opération immobilière. Le PDC est favorable à l'accession de la classe moyenne à la PPE à des prix abordables, notamment pour les jeunes. Nous sommes conscients que, dans certains cas, le plafonnement actuel peut poser problème. Or c'est précisément pour cette raison que le département a mis en place un groupe de travail visant à définir des processus d'acquisition stables sur le long terme. Pour le PDC, ce n'est pas le moment de précipiter des décisions avec cette motion qui mettra à mal tout le système des zones de développement, car l'ensemble des personnes en recherche de logement en souffrira. Pour toutes ces raisons, le groupe démocrate-chrétien la refusera.

M. Francisco Valentin (MCG). Bien que le groupe MCG ne soit ni passéiste ni fervent admirateur de l'immobilisme, on va quand même faire un tout petit peu d'histoire. Les zones de développement remontent à l'époque où la ville de province qu'était Genève est devenue le siège européen des Nations Unies, avec sa cohorte d'agents spécialisés. Cette poussée s'est accompagnée d'un changement du système foncier grâce à un conseiller d'Etat qui a su voir et comprendre les enjeux: c'était M. Emile Dupont. Sa vision consistait à la fois à répondre aux besoins et à contenir la ville. C'est ainsi que sont nées ces zones. Afin d'éviter une explosion des prix, ceux-ci ont été placés sous la protection de l'Etat. Or, aujourd'hui, ils ne sont plus en phase avec la réalité et il n'est plus possible de débloquer des périmètres, car les propriétaires ne s'y retrouvent pas. N'oublions pas que, pour une majorité d'entre eux, ce ne sont pas des magnats, mais des familles qui ne pourraient pas se reloger dans de bonnes conditions avec les prix pratiqués actuellement. Le risque est donc de voir mité le territoire de notre canton, alors que nous avons une réserve foncière exploitable rapidement.

Nous devons agir pour remettre en phase le prix de sorte qu'il devienne attractif. C'est tout l'enjeu de ce texte auquel nous sommes favorables. Mesdames et Messieurs, le groupe MCG vous demande de bien vouloir soutenir cette motion. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). A ce stade, j'aimerais corriger quelques erreurs que j'ai entendues, notamment de la part du rapporteur de minorité. Je suis assez surpris de sa remarque sur le déplafonnement, parce que s'il avait lu attentivement son propre rapport, il se serait aperçu que la motion a été amendée: on ne parle plus de déplafonnement provisoire, mais de déplafonnement tout court. Voilà la première chose que je voulais dire.

Quant au député PDC, je n'arrive pas à comprendre sa déclaration. A croire que vous dormez en commission ou bien que vous êtes absorbé par Facebook, parce qu'à aucun moment le département n'a démenti le fait que le prix de 1000 F était un plafonnement - la question a pourtant été posée à plusieurs reprises. C'est clairement noté dans le rapport: aujourd'hui, le prix en zone de développement est de 1000 F le mètre carré.

Ensuite, concernant le report sur les loyers, il n'y en a pas ! On dit vaguement que ce serait une possibilité. Mes deux collègues ont demandé plusieurs fois qu'on vienne devant la commission avec des exemples chiffrés de plans financiers, d'un côté avec un prix à 1000 F, de l'autre avec un prix déplafonné. Si le département n'a pas été capable de nous donner des exemples réels, c'est tout simplement parce qu'il n'y en a pas ! Les acteurs de l'immobilier à Genève sont formels: il n'y aura aucune incidence sur le montant des loyers. Alors dites simplement que vous ne voulez pas du déplafonnement, que vous refusez d'aider les propriétaires à se reloger à des prix identiques !

Les cas sont avérés, certains ont été dénoncés, notamment par Mme Meissner. Je me souviens de l'une des dernières situations évoquées, c'était à Lancy - vous transmettrez à M. Lance, Monsieur le président, qu'il voit très bien de quoi je parle. Une famille habitant dans le quartier des Semailles a été prise dans cette monstrueuse arnaque qu'est la zone de développement, s'est retrouvée avec un prix plafonné à 1000 F et une estimation plus ou moins bidon de son bien par l'Etat, ce qui l'a obligée à aller devant les tribunaux pour que le prix de sa maison soit correctement estimé. En se relogeant dans un logement identique à Versoix, cette famille a perdu plus de 300 000 F dans l'opération.

Alors ne venez pas dire aujourd'hui qu'il n'y a plus de problèmes ! Les problèmes sont réels, les problèmes sont identifiés. Il faut absolument déplafonner le prix du terrain pour débloquer les situations qui sont encore bloquées actuellement, et certaines le sont depuis plus de dix ans. Je vous remercie de voter la motion telle que sortie de commission et, pour qu'elle soit complète, d'accepter l'amendement que j'ai déposé. Il s'agit de rectifier le titre de la motion et d'en supprimer le mot «provisoire» pour que les choses soient bien claires.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, envoyer un tel signal au Conseil d'Etat, c'est-à-dire déplafonner le prix du terrain en zone de développement, c'est mettre un grand coup de hache dans la politique sociale du logement à Genève. On en a parlé au cours du débat, étant donné que le prix du terrain est reporté dans les plans financiers, l'augmenter, c'est inévitablement augmenter les loyers. Est-ce que vous pensez vraiment, Mesdames et Messieurs, que c'est ce qu'attendent nos concitoyens ? De nouvelles hausses alors que, ces vingt dernières années, nous avons déjà subi des augmentations à hauteur de 34% ? Ce que vous cherchez avec cette motion, c'est faire payer de façon accrue la rente foncière des propriétaires immobiliers par les locataires, qui paient déjà un très lourd tribut en raison de la crise du logement.

Mesdames et Messieurs les députés, le logement ne constitue pas un bien de consommation comme les autres: non seulement c'est un droit, mais c'est un besoin absolument fondamental ainsi qu'une condition sine qua non pour une vie sociale, familiale et professionnelle qui soit digne et satisfaisante. De ce fait, on ne peut pas simplement s'en remettre aveuglément aux lois du marché, l'Etat a un rôle à jouer, il doit intervenir pour contrôler les loyers et, en l'occurrence, le prix de vente des terrains afin que l'ensemble de la population trouve un endroit pour se loger et que la résidence dans notre canton ne soit pas réservée à une seule frange de personnes parmi les plus fortunées. C'est pour ces raisons que nous vous appelons à refuser cette motion. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame. La parole revient à Mme Meissner pour une minute trente.

Mme Christina Meissner (HP). Merci, Monsieur le président. Si je me permets de m'exprimer aujourd'hui, c'est parce que je suis signataire de cette motion. Certes, le prix du terrain ne constitue pas le seul paramètre qui motive une personne à rester dans sa maison ou à la quitter, et lorsque j'ai signé ce texte, je me suis dit qu'il valait la peine d'effectuer un test pour vérifier l'influence de ce facteur. En effet, tout le monde affirme que ça va faire exploser les prix mais, pour ma part, j'ai pensé: instituons cette mesure de manière provisoire et voyons ce qui se passe.

Or je constate que le mot «provisoire» a disparu de la motion et j'avoue que je suis assez gênée, parce que j'aime les tests, qui ont l'avantage de pouvoir véritablement prouver ce qui se passe sur le terrain - peut-être que les choses varient en fonction d'un endroit ou de l'autre. Comme je n'ai pas beaucoup de temps pour m'exprimer, Mesdames et Messieurs, je vais juste vous informer de ma position, qui est de m'abstenir sur la modification apportée par l'amendement.

Le président. Je vous remercie, Madame, et passe la parole à Mme Magnin pour une minute trente-sept.

Mme Danièle Magnin (MCG). Merci beaucoup, Monsieur le président. Je voudrais que vous transmettiez à ma préopinante socialiste que faire porter à une personne seule ou à quelques individus le poids de la construction de logements pour l'entier de la collectivité n'est pas correct, ce n'est pas équitable.

Pour ma part, je donnerais plutôt le conseil suivant aux personnes qui possèdent un bien immobilier dans une zone de développement: qu'elles se réunissent à plusieurs et engagent un promoteur, qu'elles construisent elles-mêmes ce que d'autres voudraient construire pour leur propre profit; qu'elles puissent ainsi loger leur famille, leurs amis, leurs proches et éventuellement d'autres personnes, cela sous la forme juridique qu'elles voudront.

De mon côté, j'ai une nette préférence pour la société coopérative qui permet aux populations n'ayant pas les moyens d'acheter en pleine propriété d'utiliser une partie de leur fonds de pension pour acquérir une part sociale, qui leur permet d'être chez elles à un prix correct et qui n'appauvrit pas inéquitablement quelqu'un à qui on prend son terrain et sa maison auxquels il est très attaché. J'ai dit.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Lefort, il vous reste vingt-six secondes.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Nous venons de recevoir l'amendement de M. Florey qui supprime l'adjectif «provisoire» du titre de cette motion. C'est amusant, M. Florey n'a pas dû écouter les débats: personne n'a mentionné de prix fixé administrativement, personne n'a donné d'exemple d'un prix qui serait plafonné. Monsieur, que nous votions cet amendement ou non n'a aucune importance, puisque le prix dont vous nous parlez depuis trente minutes - ou plutôt dont vous ne nous parlez pas...

Le président. C'est terminé, Monsieur, je vous remercie.

M. François Lefort. ...n'existe pas !

Mme Beatriz de Candolle (PLR). Le groupe PLR est ravi d'entendre que sa motion déposée il y a plusieurs années pour favoriser l'échange de terrains contre des appartements soit citée en exemple par l'ensemble des groupes. En effet, c'était bien une initiative du PLR que le département a commencé à appliquer après que le texte a été déposé ici, au Grand Conseil. Alors merci de citer si souvent cette motion PLR !

Le président. Merci, Madame. La parole est à... (Un instant s'écoule.) Monsieur Lance, vous avez épuisé votre temps, désolé. C'est à M. Valentin pour vingt secondes.

M. Francisco Valentin (MCG). Merci, Monsieur le président, ce sera bien suffisant. Je demande le vote nominal, s'il vous plaît.

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, il y aura donc un vote nominal. (Commentaires.) S'il vous plaît ! Il reste quarante-cinq secondes de parole à chaque rapporteur. Monsieur Dandrès, c'est à vous.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président, je serai très bref. Dans la zone de développement, un arbitrage est prévu entre les intérêts des futurs habitants et ceux des propriétaires. On ne peut pas parler d'expropriation, car 1000 F le mètre carré répercutables sur des plans financiers en plus de ce qui s'y trouve, puisque la villa n'est pas expropriée, c'est un prix acceptable pour permettre de construire des logements qui soient accessibles à la majorité de la population. (Brouhaha.)

On ne peut pas demander aux futurs habitants de prendre à leur charge la valeur de rachat d'une villa neuve à Versoix - ou ailleurs, pour des personnes qui vivraient au centre-ville - faute de quoi on arriverait à deux conclusions: soit on a des clapiers à des prix extraordinaires si on ne déplafonne pas le montant des loyers ou de la propriété par étage... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Christian Dandrès. ...soit on fait exploser le prix des logements futurs, qui va ensuite se répercuter de génération en génération. Il y a donc un arbitrage à faire qui, me semble-t-il, est assez rigoureux.

Un dernier mot sur la pratique administrative du département qui n'est pas la reprise telle quelle de la motion PLR, laquelle allait beaucoup plus loin; la pratique actuelle va aussi un peu trop loin, mais au moins dans un sens qui, à mon avis, est favorable à la résolution des problématiques posées dans le cadre de cette motion.

Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Pfeffer, c'est à vous pour quarante-cinq secondes.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Evitons toute confusion: si l'Etat limite le prix du terrain à 1000 F dans les plans financiers, il y a réellement et de facto une fixation du prix. Cette situation existe uniquement à Genève. Deuxièmement, les auditions menées démontrent que l'impact potentiel d'un tel déplafonnement serait de 2% à 3% sur le coût global. Or vu que le terrain représente seulement 15% à 20% de la totalité d'une construction, il est fort probable que cette augmentation serait compensée. Le troisième élément que j'aimerais éclaircir...

Le président. Non, Monsieur, c'est terminé, je suis désolé. La parole est au magistrat, M. Hodgers.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est tard, mais ce débat est important, et je pense que l'un des mérites de cette motion - sans doute le seul, à vrai dire - est de soulever le débat sur cette thématique.

En revanche, en ce qui concerne son invite issue des travaux de la commission qui demande au Conseil d'Etat de déplafonner le prix du terrain en zone de développement en tenant compte du prix du marché, il n'est matériellement pas envisageable pour nous de la mettre en oeuvre, car ce serait une violation de l'article constitutionnel fédéral relatif à la liberté du commerce et de l'industrie. En effet, les tractations entre vendeur et acheteur, qui sont deux privés - le vendeur est propriétaire du terrain ou de la villa, l'acheteur est souvent promoteur - relèvent du droit privé, dans lequel l'Etat n'intervient pas. Il n'existe donc pas de plafond, pour reprendre les termes de la motion, s'agissant du prix du terrain en zone de développement. Si ce plafond devait exister, il serait contraire à la garantie de propriété inscrite dans la Constitution fédérale et, plus largement, à la liberté du commerce et à la possibilité pour deux acteurs privés de s'entendre sur le prix d'un bien afin d'exécuter une opération immobilière.

Le deuxième élément qui est problématique, ou du moins que cette motion nous amène à questionner, c'est l'action déblocage. Aujourd'hui, il existe un postulat selon lequel il y aurait davantage de blocages dans les zones 5 de développement 3. Or j'ai fait établir une statistique, qui est arrivée ce matin avec les chiffres 2017: en vingt ans, nous n'avons jamais enregistré autant de transactions en zones 5 de développement 3 que l'année passée ! On constate une réelle accélération des transactions économiques dans les zones villas devenues des zones de développement 3 et, par conséquent, il n'y a pas de situation de blocage, contrairement à ce que présuppose cette motion.

Un point encore, qui a également trait à la garantie de propriété: aucun petit propriétaire n'est contraint de vendre. Voilà des années que l'on me dit que les propriétaires sont spoliés. J'ai demandé qu'on me présente un cas - un seul cas ! - d'un propriétaire qui aurait été forcé de vendre durant cette législature sa maison en dessous du prix auquel il l'estime: ni vos bancs ni la Chambre genevoise immobilière ni Pic-Vert n'ont été capables de me fournir un seul exemple, Mesdames et Messieurs, d'un propriétaire qui aurait été obligé de vendre son bien immobilier plus bas que sa valeur réelle. Et même si cette situation se présentait - c'est arrivé à mon prédécesseur Mark Muller - le propriétaire peut faire recours et les tribunaux lui donneront raison, comme dans cet arrêt du Tribunal fédéral de 2013, qu'on me cite souvent, pour un cas survenu en 2011. Depuis lors, y a-t-il eu un seul autre cas ? Non, donc le postulat selon lequel l'Etat spolie les petits propriétaires est faux.

Ensuite, quelles sont les valeurs admises ? Je vais faire un parallèle: chacun ici remplit sa déclaration d'impôts et, vous le savez, l'administration fiscale admet certaines dépenses, par exemple les frais de transport: vous pouvez déduire un certain nombre de frais pour vos déplacements. Cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas consommer plus dans votre quotidien, mais l'administration retient certains montants. S'agissant des plans financiers, l'administration part du postulat suivant, qui est économiquement juste: la valeur d'un terrain ne se définit pas au seul mètre carré. En effet, 1000 mètres carrés de pâturage n'ont pas le même prix que 1000 mètres carrés en zone 5, lesquels n'ont pas le même prix que 1000 mètres carrés en zone urbaine; et en zone urbaine, 1000 mètres carrés au coeur de Genève n'ont pas le même prix qu'au Locle ou encore à Manhattan. Par conséquent, le prix du marché dépend bien évidemment des droits à bâtir inhérents au prix du terrain. Or la zone de développement, Mesdames et Messieurs, est une énorme machine à créer de la richesse, il faut bien comprendre cela: prenez un terrain de 1000 mètres carrés avec une maison construite dans les années cinquante, mais bien entretenue. Admettons, selon une évaluation correcte, que ce bien vaille 1,8 million sur le marché; en passant en zone de développement 3, il gagne une densité nettement supérieure, et la valeur du bien immobilier créé, y compris avec un terrain à 1000 F le mètre carré, se situe autour de 8 millions. Au cours de cette opération, la valeur de l'actif est passée de 2 à 8 millions.

La question que soulevait Mme Magnin tout à l'heure est très pertinente: pourquoi le petit propriétaire devrait-il se contenter de la valeur initiale de son bien ? Pourquoi est-ce le promoteur qui encaisse les 6 millions de plus-value ? Là est la question, mais l'Etat n'intervient pas dans ce débat, Mesdames et Messieurs. Le propriétaire peut dire au promoteur: «Sur le marché, mon bien vaut 2 millions, mais j'en exige 2,5 millions, sinon je ne bouge pas !» Dans les faits - c'est d'ailleurs souvent ce qui se passe - le promoteur paie le supplément demandé - peut-être pas un demi-million de plus, mais en tout cas 200 000 F ou 300 000 F. Voilà la réalité des négociations sur le marché privé.

Alors, Mesdames et Messieurs, pourquoi voulez-vous que l'Etat intervienne dans ces logiques ? L'enjeu, s'agissant des plans financiers, c'est que le promoteur ne pourra valoriser la parcelle qu'à un certain niveau. On parle de 1000 F le mètre carré, mais dans l'exemple que je donnais d'une villa sur 1000 mètres carrés, le prix réel est déjà de 1800 F le mètre carré, parce qu'il y a toute une série d'indemnités supplémentaires. Grâce à la motion du PLR pour l'échange de terrains contre des appartements, le propriétaire d'une maison valant 1,8 million peut être payé jusqu'à 2700 F le mètre carré, c'est-à-dire qu'il peut en obtenir 2,7 millions. Dites-moi où est la spoliation !

Tout cela pour vous dire que le Conseil d'Etat ne pourra pas répondre positivement à cette motion vide de substance juridique, que le département est bien évidemment à disposition des partenaires pour discuter des mécanismes de compensation, mais que la bataille qui se joue n'est fondamentalement pas entre l'Etat et les petits propriétaires, mais bien entre les petits propriétaires et les promoteurs, Mesdames et Messieurs, et c'est un débat entre privés.

Comme dirait le député Vanek, choisis ton camp, camarade: est-ce que votre majorité soutient les petits propriétaires ou est-ce qu'elle veut donner un signal à l'égard des promoteurs immobiliers, qui sont aussi défendus par vos bancs ? C'est là toute l'ambiguïté de la posture d'une majorité qui prétend d'un côté vouloir faire cesser les blocages mais qui, de l'autre, maintient en otage 4500 logements en commission. Si vous voulez stopper les blocages, votez les modifications de zones que vous propose le Conseil d'Etat ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande d'amendement sur le titre: il s'agit d'en supprimer le mot «provisoire». Je mets cette proposition aux voix, tout en vous rappelant que le vote nominal a été sollicité pour la prise en considération de cet objet.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 48 oui contre 41 non et 1 abstention.

Mise aux voix, la motion 2139 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 48 oui contre 42 non et 1 abstention (vote nominal).

Motion 2139 Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous souhaite une excellente soirée et vous retrouve demain à 14h. Merci pour votre travail !

La séance est levée à 22h55.