Séance du
vendredi 3 novembre 2017 à
15h
1re
législature -
4e
année -
8e
session -
44e
séance
PL 11323-A
Premier débat
Le président. Nous abordons le point suivant de notre ordre du jour avant de faire une pause. Il s'agit du PL 11323-A, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Dandrès, je vous cède la parole.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Ce projet de loi a pour ambition d'augmenter l'horaire de travail hebdomadaire des fonctionnaires de 40 à 42 heures dans la perspective de faire une économie de 5%, ce qui représenterait une suppression de postes d'environ 1950 emplois équivalents temps plein. Le projet prévoit également d'inscrire dans une norme de rang législatif ce qui aujourd'hui est traité par voie réglementaire, dans le règlement d'application du Conseil d'Etat. Comme rapporteur de majorité, je vais rapidement faire la synthèse des arguments qui ont présidé au choix de la majorité de refuser ce projet. Je précise que l'intégralité de ces arguments n'est pas du parti socialiste.
Le premier point soulevé, c'est le fait que l'augmentation du temps de travail n'est pas nécessairement synonyme de gain de productivité. La gestion du personnel n'est pas une affaire comptable et on constate assez souvent dans la pratique qu'une augmentation du temps de travail a pour effet que la même masse de travail se fait simplement dans un temps plus long. L'autre aspect important est la question de la démoralisation du personnel. Il faut rappeler que, dans le contexte actuel, beaucoup d'efforts ont été demandés au personnel de l'Etat, efforts qui seraient mal récompensés par une augmentation de son temps de travail puisqu'elle signifierait aussi une diminution du salaire horaire. Il faut également préciser que le contexte financier n'est pas bon pour les fonctionnaires: il y a eu plusieurs blocages d'annuités et une péjoration des conditions de retraite avec la fusion de la CIA et de la CEH lors de la création de la CPEG en 2014. Le moment également a été jugé comme étant peu opportun, sachant que des discussions vont avoir lieu sur la CPEG ainsi que sur le projet SCORE. Et puis, il y a naturellement la question de l'emploi: le taux de chômage est élevé dans notre canton - plus de 5% - et supprimer 1950 emplois, soit 700 emplois de plus que lors de la fermeture de Merck Serono, serait éminemment problématique.
Le fait que le système législatif actuel soit suffisamment souple pour répondre aux besoins de l'administration a également été mis en avant. Il faut tout d'abord rappeler que l'annualisation du temps de travail est généralisée au sein de la fonction publique, ce qui permet d'éviter les heures supplémentaires et de faire face aux pics de travail, aux surcharges, lorsque nécessaire, puis de laisser les fonctionnaires récupérer le temps de travail supplémentaire lors des périodes moins chargées. La LPAC - la loi sur le personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux - prévoit également la possibilité pour l'Etat, en cas de besoin, de déplacer, de réallouer des ressources d'un service à l'autre pour autant évidemment qu'on reste dans des tâches que la personne est capable de faire. Il faut également préciser que, depuis une décennie au moins, un travail d'intensification de l'effort des fonctionnaires a été mis en place avec un fort encadrement managérial. Voilà donc ce qui a amené une majorité de commissaires à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité. Permettez-moi un trait d'humour pour commencer, Monsieur le président: avec tout ce qu'on a entendu aujourd'hui, je m'attends à être traité d'esclavagiste dans les propos qui vont suivre ! Redevenons sérieux; rappelons quand même que ce projet de loi a été initié préalablement, dans l'ancienne législature, suite aux résultats faramineux de nos comptes et des propositions de budget par la motion 2280 déposée le 2 juin 2015. Pour le piquant, vous me permettrez de dire, Monsieur le président, que ce projet de loi a été déposé le 15 novembre 2013, et nous avions prêté serment, si vous vous en souvenez, le 7 novembre 2013 ! Il a été renvoyé en commission le 13 février 2014; le rapport de minorité est du 3 février 2015, quant à l'excellent rapport de majorité...
Une voix. Oh !
M. Patrick Lussi. ...il est du 7 avril 2017. Le piment de cette affaire, Mesdames et Messieurs les députés, est quand même de se rappeler, si l'amnésie n'a pas frappé tout le monde, que dans le discours de Saint-Pierre du Conseil d'Etat, il y avait une velléité de voir si on ne pouvait pas augmenter le temps de travail des fonctionnaires. Je vous laisse relire ce qui était dit.
Monsieur le président, le rapport est très clair: actuellement, enfin, à l'époque où il a été rédigé, plus de 1000 ETP auraient été gagnés dans le grand Etat avec ce qui pour nous, esclavagistes notoires du canton de Genève, était une mesure indolore représentant grosso modo 20 minutes de travail de plus par jour. Oserais-je rappeler à cette assemblée que quand j'ai commencé à travailler, nous étions à 44 heures par semaine ? Voyez, à 68 ans, je suis toujours là et en pleine forme, mon Dieu ! Mais peut-être que je vous ennuie un peu, vous avez raison ! Donc, par rapport à tout cela et quand on regarde l'état actuel de notre budget - de l'excellent budget présenté par le Conseil d'Etat - et nos comptes, eh bien, je veux bien accepter tous les quolibets dont on va m'affubler ce soir, mais nous pensons, à l'Union démocratique du centre, que c'est une mesure indolore visant à diminuer le coût de l'Etat d'une manière plus que significative.
On nous dit que nous aurons peut-être les fonctionnaires dans la rue; je ne sais pas, mais, très sincèrement, ayant fait... Non, non, quand on regarde le gain potentiel, alors que chacun dans cet Etat doit commencer à faire un effort, 42 heures par semaine ne nous semblent pas constituer une potion amère à avaler. Raison pour laquelle l'Union démocratique du centre, malgré les arguments que vous allez entendre, vous enjoint d'accepter ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
M. Alberto Velasco (S). Voilà un projet de loi qui, s'il avait été présenté un siècle auparavant, aurait été progressiste... (Rires. Remarque.) ...mais vous avez un siècle de retard ! Un siècle de retard ! Mesdames et Messieurs, l'UDC a un siècle de retard en matière de ce qu'on appelle les avancées sociales, parce qu'en 1917, en 1920, en 1940, on aurait peut-être pu discuter, vous savez. Mais venir aujourd'hui, en 2017, avec un tel projet de loi, c'est quand même incroyable. Si je dis ça, c'est parce que la grande conquête des travailleurs a justement été la réduction du temps de travail. C'est vraiment leur grande conquête. Et pourquoi une réduction du temps de travail ? Pourquoi ? Pas seulement pour une question financière, c'est parce que les travailleurs voulaient se former, voulaient avoir accès à la culture, voulaient avoir du temps à consacrer à leurs enfants et à leur famille.
Ce qui est marrant, c'est que nous discutions, l'autre jour, à la commission des finances, des problèmes qui se posent à l'école. On nous disait - M. Batou était là - que, de plus en plus, les enfants ne sont pas éduqués et qu'il est question maintenant de demander aux parents de s'en occuper, au lieu que ce soient les professeurs qui interviennent. Nous, ce qu'on a dit, c'est que le stress au travail de tous nos concitoyens et concitoyennes est aujourd'hui tel que quand ils arrivent chez eux, ils n'ont même pas le temps de s'occuper de leurs enfants ! Et ils les voient de moins en moins ! Voilà un problème de société auquel il faut répondre. Mais il faut y répondre, Mesdames et Messieurs, par une baisse du temps de travail, pour que ces personnes puissent justement s'occuper de leurs familles ! Or, que nous propose l'UDC ? D'augmenter le temps de travail ! Puisque vous êtes stressés, puisque vous n'arrivez pas à vous occuper de votre famille, eh bien allons-y, augmentons le temps de travail ! C'est magnifique ! Sarkozy avait dit: «travailler plus pour gagner plus», vous, vous dites: «travailler plus mais gagner moins» ! C'est vachement bien ! Il était progressiste !
Une voix. C'est pareil, c'est pareil !
M. Alberto Velasco. Non, non, non, c'est comme ça ! Voilà donc, Mesdames et Messieurs, la solution progressiste que nous propose aujourd'hui l'UDC. C'est quand même terrifiant ! Et puis, à une époque où même le Conseil d'Etat, notamment M. Maudet qui n'est pas là ce soir, nous parle de la fameuse révolution 4.0 en indiquant - et très justement, très justement - que l'on va vers une société qui technologiquement parlant va produire beaucoup plus avec beaucoup moins de gens - avec moins de personnes - et en nécessitant moins de temps de travail, eh bien, nous, au Grand Conseil, nous allons carrément en sens contraire. On dit: «Non, non, non, malgré cela, nous, nous augmentons le temps de travail.» C'est fantastique !
La réalité, c'est que, si on avait continué le progrès et si on avait redistribué financièrement tout ce que ces grandes sociétés ont amassé, si on avait fait un petit plus de redistribution financière, on serait aujourd'hui à 32 heures ! On devrait être aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, à 32 heures ! C'est ça, le problème ! (Protestations.) Or, Monsieur Lussi, cher collègue - Monsieur le président, permettez-moi - la question qu'il faut se poser, la question que l'UDC aurait dû se poser quand elle a déposé ce projet de loi est: pourquoi ne sommes-nous pas à 32 heures ? Pourquoi devons-nous, aujourd'hui, financer le budget de l'Etat en appelant les travailleurs à travailler plus ? Pourquoi ? Voyez-vous, il faut vous poser la question ! Et les solutions... (Remarque.) ...et les solutions... Parce que vous avez quand même un certain niveau intellectuel - il n'y a pas de doute, hein - je suis sûr que vous auriez vu tout de suite que l'augmentation du nombre d'heures coûte beaucoup plus cher du point de vue de la santé, du point de vue financier que ce que vous prétendez. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) D'ailleurs, le rapport de majorité vous l'a indiqué; il vous l'a indiqué !
Non, Mesdames et Messieurs, je trouve que ce n'est pas du tout un projet qui correspond à notre ère. Je pense qu'il faut aujourd'hui donner du temps aux personnes pour qu'elles puissent accéder à tout ce que la société de consommation leur offre, c'est-à-dire des bouquins, la possibilité de voir des films, des concerts. Et pour cela, Mesdames et Messieurs, il est nécessaire de leur donner du temps pour vivre ! Et pour avoir le temps de vivre, il faut diminuer le temps de travail. Voilà, merci. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, on entend souvent dans cette enceinte, face à des projets de lois, de résolutions ou de motions: «C'est une fausse bonne idée.» Généralement, on dit ça pour être un peu sympa avec l'auteur du texte, mais c'est surtout pour pouvoir mieux refuser l'objet, avec une certaine élégance. Dans le cas qui nous occupe - la modification de la LPAC, la B 5 05, modification de la durée du travail où clairement on propose une augmentation de la durée du travail de 40 à 42 heures - il s'agit simplement d'une mauvaise idée. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rappeler ici qu'une politique des ressources humaines responsable repose sur la mise en place d'un certain nombre de mesures, de concepts, de propositions dans un ensemble qui se veut cohérent et avec des mesures d'accompagnement. Contrairement à ce que pense l'auteur de ce texte, l'horaire de travail ne constitue pas une politique des ressources humaines ! C'est seulement un jeu comptable et, lorsque nous analysons le texte qui nous est proposé et les interventions qui ont été faites, nous décelons plutôt une décision peu réfléchie, avec un aspect revanchard - qui me déplaît d'ailleurs un peu - et sans économies avérées. Il s'agit donc d'un texte qui ne mérite pas beaucoup de considération et que je vous inviterai à refuser. J'aimerais en plus rappeler une chose - et je l'ai fait à plusieurs reprises dans cette assemblée: le patron de la fonction publique, c'est le Conseil d'Etat ! La ligne stratégique qui doit être fixée dans la gestion du personnel de l'Etat est établie par le Grand Conseil mais l'opérationnel appartient au Conseil d'Etat, et j'aimerais qu'on respecte un peu plus souvent dans cette enceinte cette règle institutionnelle et constitutionnelle. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). C'est face à l'immobilisme constant d'un Conseil d'Etat qui est purement et simplement incapable de proposer de vraies réformes structurelles que des groupes - en l'occurrence l'UDC - déposent de tels projets de lois; ils osent proposer quelque chose de raisonnable et de responsable. Raisonnable, parce que ça ne représente finalement que 24 minutes supplémentaires par jour pour les employés de l'Etat. Un exemple concret: en 24 minutes, deux déclarations fiscales de plus par jour et par personne sont contrôlées puisque, comme nous l'a dit M. Dal Busco plusieurs fois en commission, il faut environ dix minutes à un contrôleur fiscal pour examiner une déclaration. Le gain est donc évident, l'efficience en devient évidente. A cela, j'ajouterai que ce projet de loi ne prévoit aucun licenciement, contrairement aux mensonges avancés par le rapporteur de majorité; en l'acceptant, on éviterait simplement de gonfler indéfiniment les effectifs de l'Etat. Il faut dire encore que quinze cantons appliquent déjà les 42 heures, un seizième applique 41 heures 30, et il faut savoir que d'autres cantons, comme l'Argovie, sont en train de discuter de telles mesures amenant justement de vraies économies, puisque l'économie potentielle a été chiffrée par la commission: plusieurs dizaines de millions d'économies en votant le projet de loi tel qu'il est proposé. Et il s'agirait de la seule réforme structurelle qui pourrait être votée par notre Grand Conseil pour cette législature ! A part cela, aucune proposition concrète n'a été soumise et aucune réforme structurelle n'a été votée par ce Grand Conseil. C'est pour ces excellentes raisons que le groupe UDC vous recommande fortement de voter en faveur de ce projet de loi. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Ce projet de loi donne une impression de grandeur: on va augmenter de 40 à 42 heures le temps de travail. On se dit: «C'est fou, on va pouvoir abattre une masse de travail considérable !» Or, en reprenant le rapport de majorité - et selon mes souvenirs - on constate qu'on aurait pu réduire de 597 le nombre d'emplois dans le petit Etat, qui seraient concernés par ces deux heures supplémentaires. C'est, sauf erreur, le chiffre qui nous avait été annoncé; 597 emplois sur 16 000, on voit que l'enjeu est beaucoup plus faible qu'on pourrait l'imaginer. Pour le grand Etat, ce seraient 450 emplois temps plein supplémentaires. On voit donc que la marge de manoeuvre est malgré tout minime.
Il est certain que quand on fait ce genre de calcul, si je me souviens bien également des travaux de commission, il faut tenir compte des gens qui ont des horaires spécifiques, les cadres en particulier, qui n'ont pas de limitation horaire, qui font des heures supplémentaires, ainsi que d'autres catégories, comme les enseignants, dont il faudrait déterminer le temps de travail, ce qui est plus complexe à réaliser. Mais ce n'est sans doute pas cela le plus important. Le plus important, ce que nous a très bien dit le responsable du personnel, c'est qu'il ne s'agit pas de comptabilité: la gestion du personnel se fait à un autre niveau. Elle repose aussi sur la motivation et le grand danger, c'est qu'on risque de démotiver des gens, qui ne se sentiront pas respectés. On risque également d'avoir ce que l'on appelle du présentéisme, c'est-à-dire des gens qui font des heures mais qui ne travaillent pas nécessairement, et un autre grand danger serait de se retrouver face à une opération blanche. Mais, personnellement, je suis surtout très surpris de voir que le premier signataire - qui a un travail public, qui travaille pour les TPG - ne serait lui-même pas touché et continuerait à travailler 39 heures par semaine ! (Remarque.) Je suis donc quand même très surpris par cette demande venant de cette personne, et je pense qu'il faut réserver à ce projet de loi le sort qu'il mérite, c'est-à-dire qu'il faut le refuser.
M. Serge Hiltpold (PLR). Je ne peux pas résister à l'envie de revenir sur les propos d'Alberto Velasco en citant le comité d'Olten pour qui une semaine de 48 heures était progressiste en 1918. Il faut dire que c'est encore une vision progressiste pour le canton de Glaris et l'agriculture qui n'est pas encore aux 48 heures par semaine. Ça, c'était juste pour le clin d'oeil. Dans ce débat sur la problématique des 42 heures, il est à mon sens juste de s'interroger sur le temps de travail, mais je pense que ce n'est pas du tout la bonne solution. La bonne solution, on l'a attendue de la précédente législature, elle est arrivée cette semaine: c'est le dépôt du projet SCORE. Et le vrai enjeu du débat parlementaire, le vrai enjeu du débat de l'agilité - notre Conseil d'Etat parle d'une administration plus agile et plus flexible - c'est d'établir un rapport de confiance entre l'employeur et ses collaborateurs. Dans ce Grand Conseil, nous devrions donner un cadre, mais nous ne sommes en fait pas en train de donner un cadre, nous sommes en train d'imposer un carcan. Je suis pourtant attaché au rôle - au rôle - du Conseil d'Etat qui doit assumer et pouvoir assumer son rôle de patron ! Et assumer son rôle de patron signifie avoir les moyens de négocier sans que le système législatif lui barre sans arrêt la route ou lui dise ce qu'il doit faire !
Si on veut donc être vraiment efficace - parce que le projet de l'UDC, dans l'esprit, n'est pas forcément à rejeter - il faut simplement changer de mentalité dans la gestion des ressources humaines, et ce changement, c'est SCORE. Se figer sur un temps de travail me semble dépassé. A l'heure actuelle, lorsque vous êtes dans le secteur privé, vous avez du travail à domicile, vous avez des bureaux communs, vous avez une génération, plus jeune, qui travaille sur des canapés avec des ordinateurs. Il faut arrêter de vous battre pour savoir combien de temps on va travailler dans l'administration ! Le vrai enjeu du débat, c'est de réussir à avoir plus d'agilité et à donner confiance. J'espère que les parlementaires qui siègent à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat partagent cette vision et qu'on essaie de se dissocier un petit peu de la position rigide ou dirigiste des syndicats, de faire un travail constructif pour que les collaborateurs puissent se réaliser ! Parce que, là, on parle du temps de travail, mais si vous voulez avoir de l'efficacité, dans une entreprise comme à l'Etat, il faut que les personnes se réalisent personnellement dans le travail. C'est une notion qui est ancienne, mais elle est tout à fait d'actualité, et je pense que le vrai enjeu est là ! Pour moi, les carcans, la LPAC, la LTrait sont donc beaucoup plus rigides. Notre Grand Conseil peut critiquer, à tort ou à raison, le Conseil d'Etat, mais il ne lui donne pas la chance ou la possibilité de mener la négociation. Je pense qu'il est sage de refuser ce projet de loi, mais, en tout cas au PLR, nous attendons du Conseil d'Etat, de ses représentants et de la fonction publique qu'ils se mettent à travailler véritablement ensemble, à avoir un vrai dialogue social et puis qu'au-dessus de cette... comment dire, dans ce dialogue, que nous, nous puissions valider cela avec un projet innovant. Et j'espère que SCORE arrivera à ses fins. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas suffisant de parler du dialogue social et de dire le vouloir si on n'écoute pas réellement la parole des gens du terrain et les organisations. En ce qui concerne ce projet, faire travailler deux heures de plus le personnel de la fonction publique et du secteur subventionné, c'est en réalité réduire son salaire de 5%, ce qui est inacceptable - à tel point que, repris quelques mois plus tard par le Conseil d'Etat, ce projet a amené dans la rue près de 11 000 fonctionnaires. On nous dit que ça permettrait de réduire le déficit de postes à l'Etat. Lorsqu'on fait remarquer aux auteurs de ce texte que la plupart des services travaillent déjà à flux tendu et qu'ils n'en peuvent plus, on entend: «Mais non, en fait ils pourront faire le travail de 40 heures en 42 heures !» On ne voit donc pas très bien le gain que ce projet de loi peut représenter pour l'Etat, si ce n'est qu'on se permet de disposer du temps du personnel de la fonction publique. Il faut le rappeler: la plupart des services travaillent à flux tendu, en situation de surcharge, avec des taux d'absentéisme relativement importants, et vous connaissez les effets du système domino. On ne peut pas, aujourd'hui, demander des efforts supplémentaires à la fonction publique ! On ne peut pas lui demander davantage alors que depuis des années vous lui demandez de faire plus avec moins et que dans beaucoup de cas elle n'est déjà plus en mesure d'assurer sa mission et de répondre aux usagers en maintenant la qualité de ses prestations !
S'il est vrai qu'il y a un problème de dotation dans le service public - fonction publique et secteur subventionné - alors regardons pourquoi: c'est l'un des effets de la politique de rigueur budgétaire pratiquée dans ce canton depuis un certain nombre d'années. Et pourquoi cette politique ? On nous dit qu'il n'y a plus d'argent; je vous signale quand même que, de révision fiscale en révision fiscale, on a atteint près d'un milliard de manque de recettes fiscales par an ! Cherchez la cause, finalement. Alors, quand on se promet de faire des cadeaux supplémentaires aux riches entreprises avec l'avatar de la RIE III - le PF 17 - qui montre le bout de son nez, quand on a consenti des cadeaux fiscaux extrêmement importants qui ont véritablement mis l'Etat et ses recettes en difficulté, on ne vient pas ratiboiser 5% de salaire au personnel de la fonction publique ! C'est pourquoi nous refuserons ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Pour le groupe des Verts, ce projet de loi témoigne évidemment de la vision tout à fait passéiste que peut avoir l'UDC en matière d'emploi; croire qu'on va faire des économies et améliorer l'efficience en augmentant de deux heures la durée de travail, c'est un petit peu illusoire ! En cela, et je ne vais pas les répéter, je rejoins les propos de M. Hiltpold sur la conception du travail et la motivation des travailleurs. Mais ce qui est problématique avec ce projet de loi, c'est qu'il s'inscrit dans un contexte de mesures d'économie qui visent la fonction publique en péjorant ses conditions de travail; c'est-à-dire qu'on va lui demander de travailler plus, mais on ne va pas adapter les salaires: ça veut donc dire une baisse de salaire. Ça, c'est une première chose. L'autre chose, qui est une réalité - et le parti démocrate-chrétien notamment l'a souligné - c'est que le Grand Conseil n'a pas pour vocation de négocier à la place du Conseil d'Etat les conditions de travail de la fonction publique ! Ce dialogue doit avoir lieu entre le Conseil d'Etat, qui est le patron, et la fonction publique et les partenaires sociaux, après quoi le Grand Conseil valide ou pas la décision prise par ce cercle d'acteurs. Enfin, pour les Verts, augmenter le temps de travail alors que nous avons le souci d'une certaine qualité de vie pose évidemment des problèmes par rapport aux horaires de travail qui seraient potentiellement imposés si ce projet de loi devait, par miracle, être accepté. Toute une organisation familiale serait bouleversée sans qu'on puisse avoir une souplesse qui est aujourd'hui une garantie tant pour les patrons, pour les PME que pour le Conseil d'Etat employeur. Ils sont gagnants lorsqu'ils ont et offrent à l'ensemble de leurs collaborateurs et collaboratrices de la souplesse dans les horaires; de nombreuses études l'ont prouvé ! Ceux-ci travaillent plus - ils travaillent plus - sans y être obligés, il faut bien en avoir conscience. Pour toutes ces raisons-là, nous appuierons évidemment sur le non au moment du vote sur ce projet de loi très ancien, dont la vision est très passéiste. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame. La parole est à M. Gander pour une minute vingt-neuf.
M. Florian Gander (MCG). Merci, Monsieur le président. Je suis presque obligé d'éclater de rire quand j'entends ce que dit le premier signataire. C'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Parce qu'un fonctionnaire doit faire des demandes de congé sans traitement quand il vient au Grand Conseil - il vient donc ici sans être payé - alors que notre collègue premier signataire, puisqu'on parlait de minutes, a droit à plus de 10 000 minutes par année, soit 21 jours, pour faire son travail parlementaire. C'est simplement inadmissible ! Dans ces conditions, je dis OK, on va soutenir ce projet de loi, mais alors appliquons-le à tout le monde ! Et que le premier signataire se l'applique à lui-même, parce que là, c'est vraiment un manque de courage ! A ce moment-là, on dira OK, on veut plus d'efficience aux TPG, pas de problème: on va retirer ces 21 jours aux fonctionnaires des TPG, et là, on aura peut-être une plus grande efficience. A l'Etat, pour un fonctionnaire, c'est quatre jours de plus par année ! Eh bien, moi, je préfère avoir 21 jours de travail de plus par année aux TPG; je me dis que les bus circuleront peut-être mieux, que les trams iront peut-être plus vite. Mais je ne vais en tout cas pas demander aux fonctionnaires, qui travaillent déjà à flux tendu, de continuer à se saigner alors qu'on sait très bien que derrière il y a des cadres avec de beaux projets mais qu'on n'a pas le personnel qui suit. Le groupe MCG vous invite donc, plus que jamais, à refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Florey pour une minute vingt-quatre.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. M. Gander est très mal placé, en tant que fonctionnaire, pour la ramener. D'abord, les conducteurs TPG ne sont pas fonctionnaires, ils ne dépendent pas de la loi B 5 05. Et ces prétendues 10 000 minutes, nous les payons: nous travaillons gratuitement 2 minutes par jour pour un total de 482 minutes par an... (Commentaires. Exclamations.) ...pour payer ces minutes-là ! Nous n'avons donc rien gratuitement, ces minutes sont largement payées par l'ensemble du personnel. En tant que fonctionnaire concerné par ce projet de loi, vous feriez mieux de la boucler, Monsieur Gander !
Ce que je voudrais maintenant dire, c'est que nous aurions éventuellement pu rejoindre les propos de M. Hiltpold. Simplement, le problème, c'est que SCORE est déjà contesté par la fonction publique; il n'y a vraisemblablement pas eu de véritable concertation, contrairement à ce que laisse supposer M. Dal Busco. Finalement, on ne sait pas ce qu'il adviendra de cette réforme qui ne sera certainement pas votée durant cette législature et contre laquelle des référendums seront très probablement lancés. Là-dessus l'avenir reste donc incertain, et quand M. Dal Busco a repris cette mesure, il a bien évidemment préféré baisser les bras face à la levée de boucliers. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Olivier Baud pour une minute vingt-neuf.
M. Olivier Baud (EAG). Merci. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je serai assez bref. Effectivement, ce projet de loi est un non-sens, un non-sens absolu, et il sera refusé. Il émane d'une volonté, d'une haine irrationnelle envers les fonctionnaires qu'il faut dénoncer et que ce parlement ne cautionnera heureusement pas. La population doit selon moi pouvoir considérer que le travail des serviteurs de l'Etat est reconnu et valorisé, que ces 40 heures qu'ils effectuent sont tout à fait honorables et qu'il n'y a aucune raison de vouloir les augmenter au mépris de toutes les considérations, notamment celles de la santé du personnel. On sait, s'agissant de la santé, que les coûts peuvent être très importants si on presse inconsidérément le personnel. Or, l'absentéisme à l'Etat de Genève est justement tout à fait raisonnable et vouloir y dégrader les conditions de travail est irresponsable de la part de ce groupe. J'ai terminé, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est au rapporteur de minorité, M. Lussi, pour une minute treize.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste reprendre les propos de M. Olivier Baud qui reviennent à qualifier de haineuses les administrations qui imposent 42 heures de travail à leurs fonctionnaires - mon Dieu, quelle horreur - comme celles des cantons de Fribourg, Valais, Berne, Zurich, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Lucerne, j'en passe et des meilleures. Monsieur Velasco, pourquoi 42 heures ? Ces trois dernières années, il a fallu engager plus de 2000 collaborateurs pour faire le travail nécessaire, mais le personnel existant aurait peut-être été suffisant s'il avait travaillé un peu plus d'heures; voilà la réponse. Pour finir, je trouve dommage que cette section du PDC ne sache qu'avoir un dialogue haineux à l'encontre de l'UDC. Dans son excellent exposé, M. Guinchard n'a même pas traité le fond; c'est dommage, parce qu'il a dit des incohérences ! Enfin voilà, nous nous attendions à cela mais, Mesdames et Messieurs les députés, et Mesdames et Messieurs les députés du PLR, on vous entend à longueur de séance parler de faire des économies, seulement, quoi qu'on soumette, ce n'est jamais la bonne proposition. Sans doute avez-vous raison, la majorité de ce Grand Conseil vous suivra. Il n'en demeure pas moins que la dette ne cesse de se creuser. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Dandrès pour une minute dix-huit.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais réagir brièvement à une remarque du rapporteur de minorité indiquant que si ce projet de loi avait été voté, il n'y aurait pas eu d'augmentation du personnel au sein de l'Etat. J'aimerais attirer son attention sur une analyse de l'office du personnel de l'Etat qui dit que l'augmentation du temps de travail ne permet pas nécessairement de réduire le nombre de personnes affectées à une tâche, sauf si c'est une tâche qui est très homogène et qu'on a un nombre suffisant de personnes affectées à cette même tâche. Ce nombre, on l'aurait typiquement dans la police, aux TPG et au DIP, mais le projet de loi ne touche pas ces corps-là de la fonction publique. Je crois donc que cet objet n'aurait pas d'autre impact que de démobiliser le personnel, qui arrive aujourd'hui à faire face aux besoins accrus en matière de service public.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, dans la gestion du personnel, il faut faire preuve de pragmatisme et éviter des solutions à l'emporte-pièce. J'ai entendu certains députés mentionner la période que l'on a vécue il y a deux ans; je rappelle juste à cet égard que cette question, qui avait effectivement suscité beaucoup d'émoi dans la fonction publique, était une piste parmi d'autres que le Conseil d'Etat avait évoquée et souhaitait discuter avec ladite fonction publique. La suite a démontré que cette volonté de discussion n'existait pas chez cette dernière. Toujours est-il que ce qui est important pour le Conseil d'Etat, c'est évidemment d'avoir des collaborateurs motivés, et c'est le cas pour une très, très grande majorité d'entre eux: le taux d'absentéisme moyen à l'Etat est effectivement correct, il est tout à fait dans la norme. S'il est plus élevé dans certains services, cela dénote une situation particulière à laquelle il faut être attentif. Il est probable qu'une proposition telle que l'UDC l'a faite, non pas sous la forme d'une proposition à discuter, mais d'un projet de loi sur lequel il s'agit de statuer, aurait des effets collatéraux indésirables, en particulier sur le taux d'absentéisme et sur la motivation des collaborateurs; en fin de compte, les calculs mathématiques, arithmétiques, linéaires, auxquels les auteurs du projet de loi se sont livrés ne produiraient évidemment pas les effets escomptés. Et ça, le Conseil d'Etat en a parfaitement conscience; il faut donc faire preuve d'extrême prudence, et à ce titre, le gouvernement tient à vous préciser qu'il ne soutient évidemment pas ce projet de loi.
On a entendu le Conseil d'Etat se faire taxer d'immobilisme par le premier signataire; c'est vrai que certains dossiers prennent du temps, surtout quand ils sont importants, quand ils sont structurants... (Remarque.) ...quand ils sont fondamentaux comme celui que nous avons déposé il y a quelques semaines - il s'agit de SCORE; je ne sais plus exactement quand c'était. C'est un dossier très important, qui est complexe, qui a suscité et nécessité de longues discussions avec la fonction publique. Ces discussions n'ont peut-être pas abouti à ce que nous souhaitions faire, mais nous avons estimé nécessaire de vous soumettre le projet, dans ce parlement, comme nous en avions à plusieurs reprises exprimé l'intention. C'est désormais chose faite, et c'est sur ce projet que le Conseil d'Etat entend vous demander de vous concentrer en ce qui concerne les ressources humaines, parce que ce projet est fondamental. Je le rappelle, il vise à moderniser notre système de rémunération qui a plus de quarante ans d'âge, il vise à rétablir de l'équité, il vise à oeuvrer dans le sens d'une égalité ou de plus d'équité entre les hommes et les femmes - les projections que nous avons faites montrent d'ailleurs que plus de 60% des personnes qui vont gagner dans ce système sont des femmes - il vise à revaloriser des professions dans certains domaines qui méritent véritablement une revalorisation de fonction, je pense en particulier au domaine de la santé, et je le sais parce que je connais personnellement des gens qui travaillent dans ce secteur.
Je m'étonne franchement que ce projet-là, qui est robuste, efficace et souple, qui nous permet de vraiment nous projeter dans la modernité, ne soit pas simple à faire passer, comme certains d'entre vous l'ont évoqué: vous avez entendu que les partenaires sociaux, ceux qui sont censés représenter nos collaborateurs, ont démontré une certaine retenue - c'est le moins qu'on puisse dire, j'utilise un euphémisme - voire une opposition à SCORE. Je m'en étonne fortement, parce que ce projet mérite vraiment d'être soutenu. Il sera étudié par votre Grand Conseil, et je suis d'ailleurs très sensible au fait qu'un chef d'entreprise se soit exprimé tout à l'heure, du côté du PLR, avec des propos extrêmement sensés et mesurés en matière de gestion du personnel; c'est effectivement dans ce domaine-là que nous devons maintenant, pour les excellentes raisons évoquées, mettre toute notre énergie dans les relations avec la fonction publique. C'est dans le projet SCORE qu'il faut mettre l'énergie et c'est à cela que je vous invite de manière presque solennelle. Le projet est désormais dans l'une de vos commissions, il ne vous reste donc plus qu'à travailler dessus. Pour toutes ces raisons, je vous demande au nom du Conseil d'Etat de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11323 est rejeté en premier débat par 76 non contre 9 oui et 1 abstention.