Séance du
jeudi 12 octobre 2017 à
20h30
1re
législature -
4e
année -
7e
session -
37e
séance
PL 11773-A
Premier débat
Le président. Nous abordons l'urgence suivante en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le sens de ce projet de loi est simple, il n'a qu'un seul but, taper sur la tête des policiers alors qu'il faudrait les soutenir. (Exclamation.) Il a été déposé au Grand Conseil sans aucune concertation. On retrouve là une coalition sournoise menée par le PLR qui veut casser la police, soutenu par les Verts qui se prennent pour une sorte de PLR légèrement verdoyant, un peu allégé, avec une poussée anti-fonctionnaires qui leur arrive de temps en temps, et par une UDC qui, à Genève, contrairement à ce qu'on voit dans d'autres cantons, est une fois de plus contre la police. C'est aussi une attaque contre les retraites... (Exclamation.) ...une nouvelle attaque bête et méchante. Le vote sur la grâce auquel nous avons assisté tout à l'heure était symptomatique: il a montré de manière très claire que le PLR, l'UDC et les Verts préfèrent chouchouter les criminels et punir la police. (Protestations.) Chacun devra prendre ses responsabilités. (Commentaires.) Chacun devra rendre des comptes sur ses erreurs, profondes à tous égards, sur une question qui finalement est simple. A chacun, donc, de prendre ses responsabilités, et j'imagine qu'il faudra que certains aient un peu de plomb dans la tête, du vrai plomb... enfin, qu'ils aient un peu d'intelligence, plutôt. Je vous remercie, Monsieur le président. (Remarque.)
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Il appartient en principe au rapporteur de majorité de présenter le projet de loi et son rapport. Comme ça n'a pas été fait, je vais m'en charger. Ce projet de loi vise à corriger une omission qui date de la fusion des caisses de pension CIA et CEH intervenue en 2013 avec effet en 2014, ainsi qu'à corriger une inégalité de traitement entre les différents fonctionnaires de l'Etat. Les fonctionnaires de police et de la prison bénéficient depuis toujours d'un statut particulier et spécifique, ils ont notamment le privilège d'appartenir à une caisse de pension qui leur est propre, la Caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et de la prison. Le projet de loi ne vise pas à remettre en cause cette différence ni à fusionner la caisse de pension de la police avec la CPEG, celle de tous les autres collaborateurs de l'Etat. En revanche, s'il est vrai qu'il existe des différences entre la caisse de pension de la police et la CPEG qui ont été voulues par le législateur, d'autres résultent d'anomalies qui n'ont pas été voulues par le législateur, en tout cas pas pour des raisons spécifiques au corps de police. L'anomalie que ce projet de loi veut corriger appartient à cette dernière catégorie. En effet, il s'agit de quelque chose qui n'était pas spécifique, auparavant, aux collaborateurs de la police, mais à l'ensemble des fonctionnaires, qui connaissaient le privilège d'avoir leur rattrapage de cotisation intégralement payé par l'employeur, au contraire de tous les autres salariés du pays. C'est pour corriger cette anomalie, qui subsiste dans le cas des policiers, que ce projet de loi a été déposé, et pour respecter l'égalité de traitement entre tous les collaborateurs de l'Etat.
Il faut savoir que si ce privilège existe, en réalité une autre inégalité de traitement demeure: un fonctionnaire performant, qui bénéficie d'un avancement plus rapide que le fonctionnaire qui, par hypothèse, le serait un peu moins, paierait plus de cotisations que le second. En effet, le rattrapage ne concerne que les années passées où il n'y a pas eu d'avancement. Ainsi, si vous avez un avancement rapide, vous payez plus pour la même retraite que si vous avez un avancement moins rapide où la part patronale, payée par l'Etat, est plus importante. C'est pour remettre un peu d'équité dans ce système que ce texte a été déposé. Il l'a été il y a plusieurs années, il a été longuement traité par deux commissions, celle des finances et la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat. Il est temps aujourd'hui, après avoir entendu en commission à plusieurs reprises les syndicats de police, de prendre position sereinement sur un projet de loi précis, sans en tirer les conclusions politiques hâtives que le rapporteur de majorité a énoncées, mais qui probablement n'ont pas convaincu grand monde.
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, nous avons là un nouvel épisode du passage en force du Conseil d'Etat, en particulier de Pierre Maudet - qui ne nous écoute pas - contre la police et le personnel pénitentiaire, avec une absence totale de négociation. Pourquoi la caisse de pension de la police a-t-elle des particularités ? Parce que cette profession a des particularités, notamment le fait que ces fonctionnaires passent par une succession de promotions, à moins qu'on recrute un encadrement de l'extérieur, par exemple venant de l'armée. On nous sert une rhétorique du nivellement par le bas de toutes les retraites: aux «privilégiés», entre guillemets, de la police, on évoque les sacrifiés de la CPEG...
Le président. Un petit instant, Monsieur, s'il vous plaît. Mesdames et Messieurs, arrêtez de venir sans cesse parler aux conseillers d'Etat, vous serez gentils ! Regagnez vos places, vous gênez. S'il vous plaît, Monsieur Florey ! Monsieur Florey, je vous parle ! Regagnez votre place, Monsieur Pistis aussi, et Monsieur Selleger. Merci. Monsieur Batou, c'est à vous.
M. Jean Batou. C'est gentil, on a vraiment l'impression d'être dans un cirque, ici ! (Commentaires.)
Le président. Monsieur Florey ! S'il vous plaît !
M. Jean Batou. Mais au cirque, au moins, il y a des clowns ! (Rires. Commentaires.)
Le président. Allez-y, Monsieur.
M. Jean Batou. J'espère que cette interruption sera décomptée. Donc, aux «privilégiés» de la police, on évoque les sacrifiés de la CPEG; aux «privilégiés» de la CPEG, on va évoquer les sacrifiés du secteur privé; et aux «privilégiés» des bonnes caisses de pension du privé, on évoquera les sacrifiés qui sont au minimum LPP. Cette rhétorique, nous n'en voulons pas.
La déresponsabilisation institutionnelle mine ce dossier dès le départ. Pierre Maudet n'a pas négocié sérieusement avec les organisations représentatives du personnel. Deuxièmement, les groupes favorables à ce projet de loi n'ont pas pris d'option en amont des positions de leurs commissaires. Ceux-ci ont majoritairement voté contre ce texte, leurs groupes les ont désavoués par la suite: ça montre le sérieux avec lequel ils ont travaillé avec leurs commissaires. Le PLR a réussi à réunir une commission ad hoc bis en coulisses pour forger une majorité favorable à ce projet. La messe est donc dite devant ce parlement, sur la base d'un contournement du fonctionnement de nos institutions du début à la fin. Une chose est sûre: face à tant de dysfonctionnements, il est probable qu'il y ait un référendum; et s'il y a un référendum des organisations du personnel, Ensemble à Gauche le soutiendra, le Cartel intersyndical de la fonction publique le soutiendra, parce qu'il appartient au corps électoral de se déterminer quand ni le Conseil d'Etat, ni le parlement, ni ses commissions ne prennent sérieusement leurs responsabilités. Je donne donc rendez-vous aux citoyens qui sont là ou qui nous écoutent pour voter en leur âme et conscience pour la défense des conditions de retraite de la police, et demain, de l'ensemble des affiliés à la CPEG, contre ceux qui veulent porter atteinte aux retraites de la fonction publique. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Monsieur le président, tout d'abord, j'aimerais que vous signifiiez au rapporteur de majorité, qui par ailleurs a écrit un excellent rapport, qu'il a peut-être oublié de lire ou d'encadrer la fin de son rapport, c'est-à-dire le vote: un député UDC soutenait le projet de loi, l'autre s'est abstenu. Il est donc bien péremptoire, et peut-être incorrect - attendons l'issue du vote - d'avoir fait ce tir frontal contre mon parti.
Mesdames et Messieurs les députés, ce PL 11773-A et ses 186 pages, dont je ne critique pas la pertinence, démontre simplement que les huit séances consacrées et les auditions programmées n'ont pu que très partiellement répondre, osons le dire, au fond manichéen de ce projet de loi du Conseil d'Etat, dont l'économie annoncée, non négligeable, se justifie par une inégalité de traitement grave, dans le cadre des caisses de retraite, entre les promotions des fonctionnaires de police et celles des autres fonctionnaires de l'Etat. Car, chers collègues, que représente, quelle signification donner à un projet de loi accepté ou refusé, après de si longs travaux, avec quelques voix de différence, ensuite de quoi nous avons vu ces dernières heures des intrigues de palais fortes et non négligeables visant à renverser ce qui avait été décidé en commission ?
J'ai toujours exprimé et défendu l'idée que nous ne pouvions trancher, décider, sur un sujet si important. Nous parlons, chers collègues, de la vie, de la carrière, de la rémunération, de la retraite de femmes et d'hommes, certes policiers, mais heureusement néanmoins citoyens de plein droit, sans détenir, pour analyser et comparer, toutes les données et textes allant modifier et régir prochainement notre fonction publique. Et c'est bien toute l'ambiguïté dans laquelle nous nous trouvons toujours ! Les modifications de statut de la rémunération des retraites nous arrivent ces jours au Grand Conseil par les différents projets de lois du Conseil d'Etat, sur la CPEG, la caisse de retraite des magistrats, et, annoncé depuis plus de cinq ans, sur SCORE, qui doit régler la rémunération et les profils de carrières.
La prétendue inégalité de traitement dénoncée par le Conseil d'Etat dans ce projet de loi n'est pas issue, Mesdames et Messieurs les députés, de piquets de grève, de manifestations ou que sais-je, mais d'un historique de décisions de nos prédécesseurs, car c'est ici, dans cette enceinte, que ceci a été antérieurement décidé, légalement et démocratiquement. Pourquoi cela ? Pourquoi ces différences ? Souvenez-vous que la loi sur la police, régissant le personnel policier, à bien des égards et à bien des aspects, est beaucoup plus rigoureuse et n'a rien à voir avec la loi sur le personnel de l'Etat. Il ne s'agit pas là d'encenser ou de critiquer ni l'un ni l'autre, mais d'essayer d'expliquer l'historique, le générique, qui ont conduit ce parlement à créer cette différence. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Mesdames et Messieurs les députés, si nous-mêmes, par l'ensemble puis le détail des projets de lois présentés, dont je ne conteste pas la nécessité, allons modifier profondément notre fonction publique genevoise, devons-nous accepter de régler ce soir un détail ancien d'une loi qui va sous peu être entièrement révisée ? Notre travail de législateur impose...
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur.
M. Patrick Lussi. Je vous remercie, Monsieur le président. ...que nous ayons l'intégralité de toutes les données pour justifier de tels actes. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, je demande humblement que ce projet de loi soit renvoyé en commission, non pas pour refaire toutes les auditions, mais pour l'intégrer à tous ces projets de lois qui nous arrivent et voir s'il est toujours pertinent. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission de ce projet de loi, à la commission des finances, je pense... (Commentaires.) Ad hoc ? Très bien, à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat. Les rapporteurs ont la parole sur cette demande. Monsieur Baertschi ?
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il faut bien évidemment suivre la proposition du député Lussi. Je pense que c'est faire preuve de sagesse. Je tiens à m'excuser auprès de lui, parce qu'il est vrai que c'est un défenseur d'une certaine éthique, d'une certaine vision de l'Etat et de la police. J'ai toujours regretté que son groupe, malheureusement...
Le président. Nous parlons du renvoi en commission, merci !
M. François Baertschi. Je parle du renvoi, oui ! Mais je voulais aussi faire acte de justice, si vous permettez, Monsieur le président. Je vous propose donc de suivre cette demande de renvoi, d'autant plus que nous avons reçu, malheureusement trop tard, une lettre de l'UPCP et du Syndicat de la police judiciaire qui nous indiquent qu'une procédure est en cours, que de nouveaux éléments sont arrivés entre-temps qui méritent d'être examinés. Si on veut véritablement ne pas voter quelque chose la tête dans le sac, il faut accepter ce retour en commission, c'est vraiment l'intelligence et la sagesse mêmes.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Le renvoi en commission n'a pas de sens. Les éléments donnés par l'UPCP sont anciens. Pour répondre à l'auteur de cette demande de renvoi, je dirai que j'ai de la peine à le suivre: je ne vois pas en quoi SCORE toucherait cette loi-là, sauf à supposer qu'il veuille étendre la problématique traitée dans la loi sur le traitement aux problématiques propres à la police. Je ne vois pas en quoi la LCPEG modifiée toucherait cette loi-là, sauf à supposer qu'on souhaite fusionner les deux caisses, auquel cas il faudrait que ce député précise sa pensée à ce sujet - savoir s'il veut vraiment une fusion des deux caisses, et donc traiter ensemble la LCPEG et la LCPFP.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je m'exprimerai dans le droit fil des propos du rapporteur de minorité, pour dissiper un éventuel malentendu dans les paroles du député qui souhaite renvoyer cet objet en commission. Si l'argument - c'est le seul que j'aie entendu - est qu'il faut que nous reprenions le thème dans son ensemble à travers tous les projets de lois proposés par le Conseil d'Etat, permettez-moi de vous dire que vous vous trompez: la caisse de pension de la police, précisément, n'a pas fait l'objet d'un projet de loi du Conseil d'Etat, par exemple pour un basculement dans le régime de primauté des cotisations. Mais si c'est ce que vous souhaitez, Monsieur le député - il ne me semble pas que ce soit le cas - si vous souhaitez que nous reparlions de la fusion de cette caisse de pension avec la CPEG, effectivement, renvoyez cet objet en commission ! (Remarque.) Mais je ne crois pas que ce soit le sens de votre intervention, raison pour laquelle, parce que ce projet de loi est précisément isolé, qu'il traite d'un thème spécifique qui n'a rien à voir avec le reste de la problématique propre à la CPEG, le renvoi en commission ne se justifie pas.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons procéder au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11773 à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat est rejeté par 52 non contre 40 oui.
Le président. Nous continuons notre débat, la parole est à M. Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Il est évident, Monsieur le conseiller d'Etat - je m'adresse à vous puisque vous êtes intervenu - que nous refuserons ce projet de loi, à cause d'inégalités. Le problème, Monsieur, c'est qu'à l'époque, au moment des négociations sur la CEH et la CIA, il y a eu des accords complets sur toutes les conditions salariales, qui ont été prises en compte. Ça n'a pas été le cas s'agissant de la police. Ce projet de loi, Monsieur le président, survient dans un contexte budgétaire qui pousse à faire des économies, et il y a eu un malaise, en tout cas dans notre groupe, à traiter ce texte précisément dans un contexte d'économies. Nous aurions aimé plutôt qu'il y ait une négociation avec la police. Il est évident qu'il y a une inégalité de traitement par rapport à d'autres; mais ça fait partie des conditions d'emploi de la police dans son ensemble ! Cette particularité de la caisse fait partie des conditions d'emploi de la police, de tout plan de carrière, des revenus de l'ensemble de la carrière ! Si vous voulez changer les règles pour qu'il y ait une égalité de traitement avec le reste de la fonction publique, il n'y a pas d'inconvénient; mais à ce moment-là, négociez avec l'ensemble du corps de la police pour que les traitements ou les revenus en question soient intégrés, disons, ce qui n'a pas été le cas et a jeté un malaise.
Le rapporteur de minorité dit que cet objet n'est pas lié à SCORE. Peut-être, mais dans SCORE, on va utiliser un plan général des revenus, une classification des revenus selon les différentes fonctions qui seront établies. Le corps de la police sera aussi intégré dans SCORE. Dans le cadre de la revalorisation des fonctions et de leur rétribution, on peut très bien intégrer cette problématique pour qu'à la fin de l'exercice, si vous voulez que votre projet de loi puisse exister, le résultat soit neutre. Or, avec ce projet de loi, le problème est qu'en réalité, vous péjorez le traitement des policiers qui ont un avancement. C'est une réalité tout à fait claire. Ce que nous vous demandons, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est de négocier avec la police afin que le résultat soit neutre du point de vue financier et que, de ce fait, il n'y ait ni gagnants ni perdants. Nous serions alors d'accord d'entrer en matière. Voilà la raison pour laquelle nous avons refusé ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Stauffer pour deux minutes.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, j'ai toujours défendu la police... (Exclamations. Commentaires.) ...et je continuerai à défendre la police, c'est la raison pour laquelle je vais accepter ce projet de loi. Je vais vous en donner les raisons. Mesdames et Messieurs, dans cette enceinte, vous le savez, il y a des députés policiers et il y a des députés membres du syndicat de la police qui n'ont toujours pas compris comment fonctionne la politique. La décision qu'ils essaient de vous faire prendre pour que vous refusiez ce texte va à l'encontre des intérêts des policiers. Je m'en explique. M. le conseiller d'Etat l'a dit: si les policiers veulent à court terme une fusion avec la CPEG, et passer à la primauté des cotisations, il faut suivre les représentants des syndicats qui sont en train de vous envoyer droit dans le mur. Si, en revanche, vous voulez conserver l'indépendance de la caisse de la police, qui est saine et devrait peut-être donner quelques leçons à certains conseillers d'Etat sur la gestion des caisses de retraite, eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, il faut accepter ce projet de loi. Dire que c'est un préjudice pour les policiers est faux ! Car n'importe qui, au bénéfice d'une promotion, peut, à l'exception de l'année en cours, payée par l'employeur, racheter ses années de cotisation; c'est déductible des impôts. Le privilège existe pour n'importe quel fonctionnaire, il existe pour n'importe quel employé dans le secteur privé, et il serait contre-productif de refuser ce projet de loi ce soir, Mesdames et Messieurs, parce que dans ce cas, le Conseil d'Etat n'aura pas d'autre choix que de demander la fusion des deux caisses. Celui qui se retrouvera pomme avec le buur, ce sera le policier, et je me refuse à ça, j'ai toujours défendu la police et je continuerai à le faire ! (Exclamation. Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole... (M. Eric Stauffer reste debout à sa place.) Vous pouvez vous asseoir, c'est autorisé ! Monsieur Stauffer, vous pouvez reprendre place ! Merci beaucoup. (Remarque. Rire.) Ça me permettra de voir les députés qui sont derrière vous ! Madame Flamand, c'est à vous.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en 2017 après Jésus-Christ; toute la fonction publique est réunie dans une caisse de pension, la CPEG. Toute ? Non, la Caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et de la prison résiste toujours et encore à la fusion. Le Conseil d'Etat aussi, mais il paraît que ça va bientôt changer ! (Rires.)
Blague à part, suite à la création de la CPEG, de nombreuses choses ont changé pour tous les fonctionnaires qui y sont affiliés; notamment le fait que les rappels de cotisations ne sont désormais plus cofinancés aux deux tiers par l'Etat employeur, mais pris en charge intégralement par l'employé, et ce de manière facultative et déductible des impôts, comme l'a rappelé l'intervenant précédent. Pour les policiers et les gardiens de prison, l'Etat continue à prendre en charge ces rappels, ce qui représente environ 3 millions de francs par année. Le Conseil d'Etat a souhaité corriger cette inégalité en déposant ce projet de loi. Il faut reconnaître que le département de la sécurité et de l'économie n'a pas fait tout juste: il n'a visiblement pas respecté toutes les étapes de la concertation, qui était indispensable, auprès de la caisse de la police. Nous ne pouvons que le regretter sur la forme. Toutefois, sur le fond, nous sommes favorables à ce projet de loi afin de rétablir une certaine égalité entre diverses catégories de la fonction publique, la grande majorité des fonctionnaires ayant dû faire de grands sacrifices pour assurer la pérennité de leur caisse de retraite, la CPEG. Alors que le Conseil d'Etat a déposé un projet de budget lourdement déficitaire, alors que des mesures sont prises régulièrement sur le dos des plus vulnérables dans notre république, alors que certaines catégories de subsides LAMal sont remises en question, nous estimons que l'effort demandé aux fonctionnaires de police et de prison est raisonnable, et vous engageons à adopter ce projet de loi qui pourra ainsi produire ses effets dès 2018. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien !
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Je suis toujours un peu sceptique quand ce Grand Conseil s'occupe de problèmes liés aux ressources humaines, un secteur qui demande beaucoup de rigueur et de simplicité, alors qu'on tombe assez facilement dans un débat passionnel et surtout corporatiste.
De quoi s'agit-il ? Cette cotisation de rattrapage, telle qu'elle est proposée, amène une égalité de traitement entre les différents fonctionnaires qui servent notre Etat. Si un policier accepte la promotion qui lui est offerte, sa retraite est améliorée s'il accepte aussi le rattrapage. S'il refuse celui-ci, c'est son salaire qui est amélioré et sa retraite qui est légèrement péjorée. Il est gagnant sur le salaire et sur la retraite s'il accepte le grade et s'il refuse le rattrapage. En revanche, s'il accepte le grade et le rattrapage, son salaire est légèrement péjoré pendant une durée limitée, mais sa retraite est nettement améliorée. L'un dans l'autre, le fonctionnaire de police est gagnant. Je vous rappelle tout de même qu'il s'agit d'une catégorie qui n'est pas proche de la misère, puisque le salaire d'entrée en fonction d'un policier avoisine les 7000 F. Dès lors, au nom du groupe démocrate-chrétien, en regard de ces chiffres et au nom de l'égalité de traitement, je vous suggère d'adopter ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG ne votera pas en faveur de ce projet de loi. Il ne paraît pas juste de vouloir faire une égalité dans l'inégalité. Les policiers ne sont pas des fonctionnaires comme les autres... (Remarque.) ...ils ont des fonctions particulières, des horaires particuliers, une retraite particulière, et une caisse de retraite particulière, justement ! Une caisse de retraite qui se porte bien, son taux de capitalisation est supérieur à 100%. Je crois que c'est une fausse bonne idée que de vouloir aller dans le sens du projet de loi. Les exemples donnés précédemment - Monsieur Leyvraz, vous transmettrez à M. Guinchard - sont de la théorie ! Evidemment que si, avec les avancements qui sont un peu automatiques dans la police... Alors bien sûr, peut-être que le policier en question va accepter le grade mais ne fera pas le rattrapage; ou il va le faire à ses frais, et même s'il le déduit des impôts, il sera perdant. Vous ne pouvez pas dire que c'est bonnet blanc, blanc bonnet: non, ce n'est pas bonnet blanc, blanc bonnet, c'est au détriment des policiers, c'est une fausse bonne idée, on n'a pas à aligner la caisse de retraite des policiers sur celle des autres fonctionnaires. (Remarque.) Ce serait une grave erreur. Je vous invite à refuser ce projet de loi et vous en remercie.
Le président. Merci, Monsieur. Est-ce que les rapporteurs veulent encore s'exprimer ? Monsieur Baertschi, vous appuyez un peu tard, mais allez-y.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. On entend beaucoup de choses, beaucoup de contresens, des gens qui se disent amis de la police alors que ce sont ses pires ennemis, ceux qui vont puiser dans le porte-monnaie des policiers, leur enlever leurs acquis. On entend beaucoup de personnes dire qu'on va amener une sorte d'équilibre, ou de bascule, entre l'un et l'autre; on a quelque chose de guilleret, des Bisounours verts qui racontent tout et n'importe quoi, qui mélangent les caisses de pension. On a des gens qui s'amusent à détruire les acquis, la police, qui, objectivement, défendent les criminels... (Protestations.) ...au lieu de motiver les troupes.
Que se passera-t-il si on vote ce texte ? Le policier de base ne pourra pas grader, devenir officier, et pourquoi ? Parce que ça lui coûtera une fortune. (Commentaires.) On est en train de faire un nivellement par le bas... (Protestations.) ...et d'aller chercher des troupes de mercenaires hors du domaine de la police. (Commentaires.) Vous êtes en train de détruire notre Etat social à travers ce gain-là... (Protestations. Commentaires.) ...comme on le fait au travers de la CPEG et d'autres mesures. Cette politique est catastrophique comme elle l'a été dans d'autres domaines, comme elle l'a été pour ConvergenceS, comme elle l'a été pour les policiers municipaux genevois, comme elle le sera encore dans d'autres domaines - on pourrait établir une longue liste de tout ce qui a été mené de manière catastrophique par le PLR et ses alliés d'un jour, l'UDC - sauf M. Lussi - les Verts, dont on ne sait pas trop ce qu'ils sont maintenant... (Protestations.) Je vous demande de refuser cette mauvaise loi, qui est véritablement une catastrophe, parce qu'elle annonce d'autres désastres.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Deux précisions. Je rappellerai que ce n'est pas une spécificité qui avait été accordée à la police, mais une situation valable pour l'ensemble des fonctionnaires et qui a été modifiée, à l'occasion de la fusion des caisses de pension CIA et CEH, pour tous ceux-ci sauf pour la police. Voilà la première précision factuelle. Deuxième précision: je ne peux pas laisser dire que cette proposition empêchera les policiers de grader pour des raisons financières. Ce n'est absolument pas vrai, et ce n'est pas moi qui le dis, mais des représentants syndicaux qui sont venus l'expliquer à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. D'abord, une petite rectification ou un complément: à l'exception notable de Mme la députée Flamand, personne n'a souligné que ce projet de loi touche non seulement les policiers, mais aussi les gardiens de prison. Ce n'est pas une profession moins honorable et cela indique l'ampleur des effectifs concernés. Je me devais de le rappeler ici.
Sur le fond, j'aimerais notamment rassurer le député Sormanni: les «avantages», entre guillemets, ce qui distingue et caractérise la profession de policier, respectivement celle de gardien de prison, sont, à la faveur de la loi sur la police, largement soulignés et rémunérés. Il s'agit de jours de vacances supplémentaires, de la prise en charge totale de l'assurance-maladie - plus la quote-part, plus la franchise, donc tout ce qui l'accompagne - évidemment de la prise en charge des débours, en cours de négociation avec les syndicats, tous éléments qui justifient ce statut particulier. Mais de grâce - et c'est le premier enjeu ici - l'égalité de traitement, rappelée tout à l'heure, peut être un peu plus largement partagée, à un moment où les caisses de pension sont mises à forte contribution - et il faut se rappeler que l'Etat a largement contribué à renflouer la caisse de pension de la police, car si elle bénéficie d'un taux de couverture supérieur à 100%, cela ne tombe pas du ciel. Je n'ai pas constaté par ailleurs, Mesdames et Messieurs, que dans les autres domaines de la fonction publique, personne ne souhaitait être aspiré vers le haut, postuler pour des postes à responsabilités, parce que le rattrapage n'était que partiellement pris en charge par l'Etat ! Je me réjouis de faire avec vous le constat, dans un an, de la transformation de la police en une sorte de groupe autogéré sans aucun cadre - nous verrons, Monsieur Baertschi, si vous aviez raison.
Le deuxième élément a été rappelé tout à l'heure par le député Stauffer, et il est juste: l'enjeu - et il faut se demander là qui soutient vraiment les policiers - est le maintien de la caisse de pension. (Remarque.) Le maintien de celle-ci passe notamment par une série de mesures, peut-être de nature symbolique - vous disiez tout à l'heure que ça touchait les gens, Monsieur Baertschi, vous dites maintenant que c'est symbolique, j'y vois une contradiction - mais le symbole a son importance, et l'égalité de traitement qu'apporte ce petit projet de loi a toute son importance pour le Conseil d'Etat dans son ensemble, par rapport au reste de la fonction publique.
Un dernier mot, Mesdames et Messieurs, parce que c'est important de le souligner aussi: certains d'entre vous ont parlé de négociations avec la police. J'entends être très clair: il n'y a pas de négociations avec la police; la police est une institution incorporée à l'Etat. (Remarque.) La police obéit. Il peut y avoir des négociations avec les syndicats de police. Il se trouve - j'aimerais rassurer nos amis de l'extrême gauche - qu'il y en a et qu'elles se passent bien; elles portent sur la prise en compte de l'assurance-maladie dans le traitement, sur les débours, sur mille et une choses, mais pas là-dessus, pour une raison simple: nous nous sommes mis d'accord avec les syndicats, qui espéraient peut-être obtenir facilement une réponse négative à ce projet de loi et ont exclu celui-ci du périmètre des négociations. Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que ce texte n'entrait pas dans le périmètre des négociations ! Ce soir, nous aurons la réponse: oui ou non, mais soyez certains qu'avec les syndicats, cet élément-là a d'emblée été exclu des négociations qui depuis six mois se déroulent correctement - preuve en est le fait qu'on n'entend plus parler des syndicats, parce que précisément, ils concentrent leur énergie sur ces négociations, ce dont je les remercie.
Vous l'aurez compris, je vous invite, Mesdames et Messieurs, avec le Conseil d'Etat, à approuver ce projet de loi qui est un jalon, qui ne nuit pas à l'ensemble des négociations mais permet très clairement de rétablir une égalité de traitement et par ailleurs de poser le cadre général s'agissant de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et de la prison. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Largement, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 11773 est adopté en premier débat par 53 oui contre 40 non et 1 abstention (vote nominal).
Deuxième débat
Le projet de loi 11773 est adopté article par article en deuxième débat.
Troisième débat
La loi 11773 est adoptée article par article en troisième débat.
Le président. Monsieur Baertschi, est-ce pour le vote nominal ?
M. François Baertschi. Oui, je demande le vote nominal, et je souhaite faire une déclaration.
Le président. Non, Monsieur, c'est terminé. Nous allons donc passer au vote nominal sur l'ensemble de ce projet de loi... (Remarque.)
M. François Baertschi. Il me reste du temps ou pas ? (Remarque.)
Une voix. Oui !
Le président. En principe, après le Conseil d'Etat, on ne s'exprime pas... (Protestations.) ...mais allez-y.
M. François Baertschi. Il n'y a pas de débat !
Le président. Il vous reste deux minutes.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais quand même insister sur un élément, parce que c'est véritablement... Et je crois que certains députés au sein de cet hémicycle n'ont pas compris le sens de ce vote: ce vote va être catastrophique à deux égards, d'abord sur les retraites des fonctionnaires, de tous les fonctionnaires, et les Verts vont subir l'effet boomerang et se retrouver dans une situation difficile - il ne faudra pas venir pleurer. (Remarque.) C'est aussi un vote boomerang pour l'UDC qui s'est laissé piéger par le PLR, une fois de plus, et qui défend et favorise les criminels... (Vives protestations.) ...au lieu de défendre la police ! Il faut assumer, comme pour la politique des grâces... (Protestations. Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. François Baertschi. ...que vous êtes anti-police, comme les électrons libres doivent assumer qu'ils sont contre la police... (Protestations.) ...et arrêter de dire en permanence des contre-vérités. (Commentaires.) Il faut tenir un langage de vérité, et l'heure de vérité est ce soir, on le verra au vote ! (Remarque.) C'est pour cela que je demande le vote nominal.
Le président. Ce vote nominal a été accepté. La parole n'étant plus demandée, nous votons sur l'ensemble de ce projet de loi.
Mise aux voix, la loi 11773 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 40 non (vote nominal).