Séance du
jeudi 12 octobre 2017 à
20h30
1re
législature -
4e
année -
7e
session -
37e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Serge Dal Busco, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Béné, Christian Dandrès, Sophie Forster Carbonnier, Florian Gander, Sandra Golay, Vincent Maitre, Philippe Morel, Romain de Sainte Marie, Patrick Saudan et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Delphine Bachmann, Marko Bandler, Maria Casares, Jean Fontaine, Nathalie Hardyn, Esther Hartmann, Claire Martenot, Ana Roch et Céline Zuber-Roy.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de procureurs. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les procureurs entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme magistrat du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Julie Boeuf, Mme Mélanie Wyss et M. Clément Emery.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'un magistrat du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Le magistrat entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur, vous êtes appelé à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: M. Antoine Hamdan.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous commençons la séance avec notre première urgence, le projet de loi 12181. Ce débat est classé en catégorie II, quarante minutes. En l'absence du premier signataire, je passe la parole à M. Deneys.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, une majorité des députés a souhaité traiter ce projet de loi non pas en commission, comme c'est d'ordinaire le cas, mais directement en séance plénière, sans doute pour lui réserver un sort qu'on peut déjà présager, connaissant leur position sur cette problématique !
Introduit en 2009 dans le cadre d'une réforme de la LIPP, le bouclier fiscal faisait partie d'un ensemble de propositions qui ont conduit à réduire la fiscalité sur les personnes physiques de plus de 400 millions de francs par année, ceci avec différentes conséquences: d'une part, un certain nombre de citoyens et citoyennes ne paient plus du tout d'impôts, ce dont se plaint régulièrement le PLR, tandis que les principaux bénéficiaires de ce changement, que le Conseil d'Etat avait pourtant vendu comme une réforme en faveur de la classe moyenne - tout est question de définition de la moyenne ! - sont en réalité les grandes fortunes. En effet, on a vu apparaître dans ce projet la notion de bouclier fiscal, c'est-à-dire une perte de recettes estimée à 50 millions par année.
Certes, ça ne semblait pas forcément excessif; on a quand même essayé de modérer ce bouclier, mais il y avait une très bonne raison pour l'introduire, que je ne conteste pas, à savoir que le canton de Vaud l'avait instauré peu de temps auparavant. Il est évident que par simple phénomène d'attractivité fiscale de proximité - de capillarité fiscale, pourrait-on dire - si les Vaudois l'introduisaient, il était judicieux que les Genevois le fassent également, même si on pouvait se demander s'il était bien raisonnable de lancer un tel mécanisme alors que la dette s'élevait à plus de 13 milliards de francs à l'époque - mais ça, le Conseil d'Etat comme une majorité de ce Grand Conseil l'oublient quand il s'agit de baisser les impôts, ils se fichent de la dette.
Or, aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, un déficit de plus de 250 millions de francs est annoncé dans le projet de budget 2018, lequel n'est pas totalement véridique quant aux chiffres puisque, par exemple, il inclut 15 millions de recettes provenant des SIG à la faveur d'un projet de loi qui vise à prélever une part du bénéfice, mais dont le Grand Conseil n'a pas voulu à ce jour. Ainsi, la sincérité du Conseil d'Etat peut être remise en question s'agissant du projet de budget 2018.
Voici donc le tableau: on a un déficit de l'ordre de 300 millions de francs au bas mot, et un Grand Conseil qui vote des dépenses sans hésiter, quand ça lui convient, certainement par proximité électorale - c'est la capillarité électorale, cette fois-ci ! Pourtant, il faut savoir que le bouclier fiscal coûte 110 millions de francs par année ! Oui, le cadeau offert par ce dispositif n'est pas de 50 millions, mais bien de 110 millions par année ! Mesdames et Messieurs les députés, on peut se poser toutes sortes de questions quant à la pertinence de ce bouclier fiscal... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...quant au fait qu'on veut plafonner le prélèvement pour les personnes qui ont de grandes fortunes mais, peut-être, des revenus relativement modestes - c'est toujours une question de définition, je pense pour ma part qu'ils sont encore plutôt élevés.
Face à pareil déficit, il est important de se préoccuper des recettes de l'Etat. Les socialistes ne proposent pas l'abolition du bouclier fiscal, mais simplement sa suspension pour deux années consécutives...
Le président. Monsieur le député, par capillarité, vous prenez sur le temps de votre groupe !
M. Roger Deneys. Je vous remercie, Monsieur le président. J'ai l'esprit d'escalier et je vais faire une certaine synthèse de mes propos ! Mesdames et Messieurs, par responsabilité budgétaire, les socialistes estiment que de nouvelles recettes sont indispensables, et la suspension du bouclier fiscal pour les personnes ayant une fortune ou des revenus conséquents ne semble pas constituer un effort excessif.
Des travaux en commission auraient permis d'introduire des amendements, notamment d'autres formulations. On aurait par exemple pu dire qu'on modifie le plafond du bouclier fiscal, plutôt que d'interrompre celui-ci pendant deux ans. Vous avez préféré mener les discussions ce soir en séance plénière avec quatre minutes de temps de parole par groupe, c'est regrettable. Mesdames et Messieurs les députés, nous pouvons décider en commission du sort à réserver à ce projet de loi qui, comme je l'ai dit, permet de générer 110 millions de recettes supplémentaires et réduit d'autant le déficit du canton pour l'année prochaine et l'année suivante.
Le président. Merci, Monsieur. S'agit-il d'une demande formelle de renvoi en commission ?
M. Roger Deneys. Oui, je sollicite un renvoi à la commission fiscale.
Le président. D'accord, alors nous le traiterons à la fin du débat, car ce projet de loi n'est pas encore passé en commission. Madame Orsini, c'est à vous pour deux minutes.
Mme Magali Orsini (EAG). Deux minutes ?
Le président. Excusez-moi, Madame, c'est une erreur: pour quatre minutes.
Mme Magali Orsini. Ah, il me semblait bien !
Le président. Je vous voyais déjà députée indépendante ! (Rires.)
Une voix. Elle est bien bonne !
Mme Magali Orsini. Merci, Monsieur le président. Le bouclier fiscal instauré en 2011 est pour nous une dérogation inadmissible au principe de progressivité de l'impôt, qui constitue la base de la justice fiscale. L'excuse brandie en faveur de cette aberration est la notion d'impôt confiscatoire: on nous parle du taux exorbitant de 1% d'impôt sur la fortune, mais en se gardant bien de préciser que cela ne concerne que des fortunes de 10 millions de francs... (Remarque.) Pardon ?
Des voix. De 2 millions de francs !
Mme Magali Orsini. Non, de 10 millions de francs. A qui fera-t-on croire que les détenteurs de telles fortunes ne sont pas capables de les placer à un taux supérieur à 1%, en particulier dans l'immobilier, même par les temps qui courent ? Le Tribunal fédéral a toujours été très restrictif avec la notion d'impôt confiscatoire, il ne l'a acceptée que dans de très rares cas, ce qui explique le peu de recours déposés avant l'instauration du bouclier. La réduction d'impôt sur la fortune qui en découle est d'ailleurs inopérante jusqu'à 2 750 00 F. Où est la justice fiscale quand un tel processus ne fonctionne que pour les très riches ?
Les fortunes dont il est question permettent généralement un rendement qui dispense leurs détenteurs de travailler. Certes, on m'a cité récemment des cas spécifiques de personnes qui sont actionnaires minoritaires de sociétés non cotées, lesquelles ne distribuent pas de dividendes, mais il s'agit de cas d'école extrêmes, et on ne va pas pleurer sur le sort de ces gens car les sociétés au sein desquelles ils sont actionnaires réinvestissent leurs dividendes, ce qui fait quand même monter la valeur des actions et augmenter leur fortune, n'est-ce pas ?
C'est toujours la même histoire: on nous dit que ces gens-là ne peuvent pas vendre. Bon, il y a tout de même une certaine équité fiscale qui fait qu'ils n'ont généralement pas besoin de travailler, alors qu'en ce qui concerne les revenus, on mélange allégrement les notions de revenus du travail et de revenus de la fortune, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Il y a ceux qui n'ont pas à travailler parce qu'ils vivent des rendements de leur fortune, et les autres qui sont obligés de travailler et qui ne disposent que des revenus de leur travail, et il n'est pas question de les traiter de la même manière.
Le comble de l'affaire, c'est que lorsque le Conseil d'Etat a essayé d'annuler ce bouclier inique en 2012 - nous nous en souvenons - il n'a pas trouvé de majorité pour le soutenir !
J'avais déjà présenté à la commission fiscale, à l'époque où j'avais le bonheur d'en faire partie, un cas professionnel que je connaissais bien puisqu'il s'agissait de l'un de mes clients: je lui avais annoncé un certain montant à payer, qu'il avait accepté tout à fait normalement, puis le fisc lui a remboursé une somme importante au titre du bouclier fiscal. Evidemment, c'était une bonne surprise pour lui. On m'a expliqué que le logiciel standard ne calculait pas le bouclier fiscal vu qu'il ne concernait qu'une minorité de personnes. Toujours est-il que ce client s'est vu rembourser plusieurs dizaines de milliers de francs d'impôts... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...alors qu'il ne s'y attendait pas, mais surtout alors qu'il n'en avait absolument pas besoin et s'apprêtait à payer son impôt sans aucune espèce de récrimination. Voilà vraiment la preuve qu'il s'agit d'un cadeau à ceux qui en ont le moins besoin !
Mesdames et Messieurs, vous aurez noté que le projet de loi que nous vous demandons d'accepter ne concerne que les années 2018 et 2019, mais engendrerait des recettes estimées à 220 millions, ce dont notre république aurait bien besoin en ce moment. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Ronald Zacharias (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi concocté par Sainte Marie et l'abbé Deneys tient à la fois du religieux et du révolutionnaire. Du religieux tout d'abord, puisqu'on fait référence au salut. Il s'agit de sauver quoi ? Les recettes fiscales du canton au moyen d'un instrument révolutionnaire, propre à toutes les révolutions, à savoir la confiscation.
La gauche s'est offusquée et s'offusque encore du fait que son écriture ne bénéficierait pas d'un débat démocratique complet. Je vais vous poser la question suivante, Mesdames et Messieurs: si demain matin un projet de loi était déposé pour interdire la gauche au Grand Conseil - et ce n'est pas l'envie qui manque - serait-il renvoyé à la commission des droits politiques ? Si demain matin un projet de loi était déposé qui viserait à réintroduire la torture en procédure pénale genevoise, serait-il renvoyé à la commission des Droits de l'Homme ? De la même manière, est-ce qu'un projet de loi qui prône la confiscation à l'endroit d'une certaine proportion de contribuables doit être renvoyé à la commission fiscale ? Bien évidemment que non ! Pareil projet, qui est à ce point éloigné de nos valeurs et de nos droits fondamentaux, en l'occurrence du droit de propriété, ne mérite pas un traitement démocratique complet.
Laissez-moi vous donner un exemple - enfin, ce n'est même pas un exemple, c'est un e-mail qui m'a été transmis suite à ma participation à une émission télévisée avec l'excellent et honorable collègue Deneys, précisément sur le bouclier fiscal. On m'écrit ceci - je cite: «Cher Monsieur, bravo pour votre intervention chez Décaillet ce soir. Je partage votre point de vue de la situation et votre infinie patience devant cette véritable» - et là, je censure le mot - «socialiste. Mes revenus taxables sont de 313 000 F par an, dont 67 000 F au titre de la valeur locative.» Cette personne dispose donc d'un revenu effectif de 246 000 F. Là-dessus, elle paie 230 000 F au titre des impôts cantonal et communal, et fédéral direct. Il lui reste donc 43,85 F par jour. Par ailleurs, elle possède une fortune imposable nette... (Commentaires.) Par ailleurs... (Commentaires.) Messieurs, recevez ces chiffres, qui correspondent au réel ! Elle possède par ailleurs une fortune imposable de 13 millions...
M. Roger Deneys. Il faut donner son nom ! (Commentaires.)
M. Ronald Zacharias. Monsieur le président, pouvez-vous intervenir ? Je sais qu'ils sont enthousiastes, mais enfin... Une fortune nette précisément composée des actifs auxquels Mme Orsini vient de faire référence, soit qui ne sont pas vendables, non cotés. Cette personne conclut ainsi: «Il me reste 43,85 F par jour pour vivre. Je vais quitter Genève cette année encore.»
Qu'adviendra-t-il de notre canton si le bouclier fiscal devait être levé ? Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons pas laisser la catégorie de population qui assure le train de vie de l'Etat d'une part, les prestations positives d'autre part, nager dans un tel doute, dans cette espèce d'incertitude. Nous devons clarifier la situation - c'est le but de cette discussion immédiate - nous devons donner un signal clair et épurer l'ordre du jour du Grand Conseil de cette folie. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Bonne question: pourquoi ne pas renvoyer ce projet de loi en commission ? Eh bien tout simplement parce que ça ne sert à rien ! Le Grand Conseil a déjà statué à plusieurs reprises sur cette question, le peuple a même voté lors de la dernière révision de la LIPP, ça faisait partie d'un consensus. Le débat ayant déjà été fait, on ne va pas revenir dessus, ce qui permet déjà une substantielle économie parce que renvoyer un projet de loi inutile en commission, ce sont des jetons de présence pour rien, un rapport pour rien, de l'argent du contribuable gaspillé pour rien.
Maintenant, j'entends dire qu'on perd des recettes à cause du bouclier fiscal; mais c'est totalement le contraire ! Non seulement le bouclier fiscal ne coûte rien, mais il rapporte. En effet, 2% des grosses fortunes à Genève engendrent 80% de la substance fiscale. Si ce n'est pas rapporter, dites-moi ce que c'est ! Il s'agit de contributions non négligeables, donc il faut préserver ces gens plutôt que les faire fuir.
Ce projet de loi revient à se tirer une balle dans le pied, c'est prendre un grand risque parce que les gros contribuables pourraient très bien inverser leurs domiciles, le droit le permet: vous placez votre adresse fiscale dans n'importe quel autre canton et vous demeurez à Genève en résidence secondaire, vous avez parfaitement le droit de le faire pour une durée de cinq ans, ce qui fait que vous êtes résident légal à Genève, vous y travaillez, vous y avez tous vos intérêts, mais vous n'y payez pas un rond puisque votre domicile fiscal officiel se trouve dans un autre canton. En cela, ce projet de loi loupe totalement sa cible, parce que non seulement ce que je viens de dire est possible, mais ça ne durera que pendant deux ans.
Non, on est totalement hors champ, ce projet de loi est à la limite de l'inadmissible, et l'UDC invite tout simplement le parti socialiste - vous transmettrez, Monsieur le président - à en faire le deuil une bonne fois pour toutes, à l'enterrer là d'où il n'aurait jamais dû sortir. Mesdames et Messieurs, nous vous recommandons de le refuser. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR). A la lecture du projet de loi, je me suis demandé ce que j'allais bien pouvoir dire sur ce sujet que l'on a déjà traité maintes et maintes fois. J'aurais pu dire à la gauche ici réunie qui nous propose ce projet, Monsieur le président, que l'OCDE ne reconnaît aujourd'hui plus qu'un seul pays avec un impôt sur la fortune tel que nous le connaissons en Suisse: la France, qui, aux dernières nouvelles, n'est pas un modèle de gestion financière et s'attelle justement à supprimer ledit impôt.
J'aurais pu indiquer également que si cet impôt sur la fortune existe au niveau cantonal, son taux est très variable selon les régions: à Schwytz, le taux maximum est de 0,17%, tandis qu'à Genève, il est de 1%. Sans surprise, nous sommes le canton où il est le plus élevé ! J'aurais pu ajouter encore, Monsieur le président, que cet impôt sur la fortune rapporte 710 millions dans les caisses de l'Etat, dont 70% sont payés par 1% des contribuables - naturellement les plus mobiles, ceux qui ne mettront pas longtemps à traverser la Versoix, comme le suggéraient d'ailleurs certains de mes collègues. J'aurais pu aussi rappeler à la gauche que Genève est le canton suisse à la ponction fiscale la plus importante - et ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Département fédéral des finances.
M. de Sainte Marie nous écrit - de manière mensongère, il faut le préciser - que de 2000 à aujourd'hui, les baisses d'impôts votées par la majorité responsable et raisonnable de droite ont fait perdre un milliard de francs, en citant comme documentation un article de journal; or la réalité statistique et chiffrée est toute différente puisque entre 1998 et 2016, les recettes fiscales à Genève ont augmenté de 3 milliards grâce à une dizaine de baisses d'impôts votées par la majorité de droite. Cela correspond à une hausse de 83% alors que, dans le même laps de temps, la population n'a crû que de 23%.
Quant à M. Deneys, il insiste sur le fait qu'il nous faut de nouvelles recettes; eh bien je suis d'accord avec lui et c'est pourquoi je pensais lui répondre que créer de nouvelles recettes, c'est attirer ici de la substance fiscale en baissant les impôts.
Mais je ne vais pas dire tout ça, Monsieur le président, je vais plutôt analyser ce texte comme le ferait un gestionnaire de risques puisqu'il comporte effectivement un risque, celui de voir cette proportion de 1% des contribuables quitter notre territoire. Pour analyser un risque, il y a deux axes: le premier, c'est la probabilité de survenance du risque, et le deuxième, l'impact de celui-ci. S'agissant de la probabilité - ces gens vont-ils partir ou non ? - on ne sera pas d'accord et je sais que je ne convaincrai pas une gauche armée d'oeillères idéologiques qui ne peut pas voir la réalité statistique et comptable, alors je vais l'analyser d'un autre point de vue: quel serait l'impact si, par malheur, nous avions raison ?
Si vous avez raison et que ces gens-là ne partent pas, eh bien on pourra effectivement compter sur 113 millions supplémentaire dans les caisses de l'Etat; en revanche, si nous avons raison et que ces contribuables s'en vont, il y aura 710 millions en moins d'impôt sur la fortune, moins l'impôt sur le revenu des personnes physiques et, si celles-ci possèdent des entreprises, moins l'impôt sur le bénéfice et le revenu des salariés... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Mesdames et Messieurs, l'impact serait désastreux, il reviendrait à vouloir entrer dans une pièce sombre où on aurait ouvert le gaz et à craquer une allumette pour voir si elle éclaire. Certes, si je craque une allumette dans une salle pleine de gaz, on n'est pas sûr que ça explose, mais la réalité est que si ça explose, ce sera catastrophique, tout comme l'est ce projet de loi 12181. C'est pourquoi le PLR vous appelle à être raisonnables et responsables, et à le rejeter comme il se doit !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Velasco pour trois minutes.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Chaque fois que j'entends la droite s'exprimer sur cette problématique, ça me rappelle notre cher Dürrenmatt, vous savez, sa fameuse pièce intitulée «La Visite de la vieille dame». J'y pense chaque fois que j'entends la droite à cause du chantage qu'elle pratique - on l'a vu tout à l'heure. Dans son exposé des motifs, mon collègue indique que le nombre de contribuables disposant d'une fortune allant de 1 million jusqu'à plus de 5 millions a augmenté de 89% entre 2004 et 2010; or malgré ça, la droite s'obstine !
Monsieur le président, pourquoi ne proposerait-on pas un bouclier fiscal pour les pauvres aussi ? (Commentaires.) Par exemple, ils ne devraient pas être imposés sur plus que 60% de leur revenu. Mais non, on le fait seulement pour les riches ! Au-delà des chiffres, Mesdames et Messieurs, je trouve ce projet-là inique. Au fond, qu'est-ce que vous êtes en train de faire ? Vous nous demandez de nous prostituer, c'est ça ! Prostituons-nous parce que, sinon, d'autres vont se prostituer plus que nous ! C'est l'histoire de Dürrenmatt, c'est ce que vous nous proposez.
Les projets de lois de la droite sont magnifiques, Monsieur le président: augmenter le temps de travail à 42 heures, c'est progressiste, c'est l'avenir ! Le bouclier fiscal pour les plus riches, c'est un projet progressiste, c'est l'avenir, magnifique ! Vraiment, la vision d'avenir de la droite est merveilleuse, merveilleuse ! Même les économistes libéraux n'ont jamais osé proposer un bouclier fiscal, jamais ! En effet, ils sont conscients que la redistribution fiscale est importante pour développer l'économie libérale.
Vous n'êtes même pas libéraux, Messieurs, parce que si au moins vous l'étiez, on pourrait discuter, bon Dieu ! Vous n'êtes même pas libéraux, vous êtes Ancien Régime, conservateurs, et on ne peut pas travailler avec des gens comme vous. (Commentaires.) Oui, malheureusement, la gauche est parfois amenée à défendre des propositions libérales, parce que vous êtes incapables de le faire, parce que vous revenez sur l'histoire. Votre position sur le projet de loi que nous proposons, Mesdames et Messieurs, est insupportable du point de vue éthique, et il est temps d'en finir avec cette situation immorale... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...vis-à-vis des citoyens qui paient leurs impôts sur la totalité de leur revenu, parce que ceux et celles qui bénéficient d'un bouclier fiscal, à la fin du mois, il leur reste pas mal de pognon.
Monsieur Zacharias, l'exemple que vous avez mentionné tout à l'heure, la personne à qui il reste 43 F par jour pour vivre, il s'agit de vous, sans doute ? Est-ce vous ?
Le président. C'est le moment de conclure, Monsieur.
M. Alberto Velasco. Je vous pose la question: qui est-ce ? Qui est-ce qui touche 246 000 F et, à la fin du mois, se retrouve avec 43 F ? (Commentaires.)
Le président. Monsieur Velasco...
M. Alberto Velasco. Qui est-ce ? (Commentaires.)
Le président. C'est terminé...
Une voix. Vous devez assumer !
M. Alberto Velasco. Qui est-ce ? (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Medeiros pour deux minutes.
M. Carlos Medeiros (HP). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, M. Deneys - vous transmettrez, Monsieur le président - a tout résumé dans son intervention: il a dit que ce parlement était en train d'accroître le déficit de l'Etat, parce qu'on est en période préélectorale. Bon, je tiens quand même à rappeler que le trou de 30 millions est plutôt le fait de la gauche - même si j'ai voté ce projet, je pensais que c'était une bonne chose - ce n'est pas vraiment la droite qui est en train d'augmenter le déficit budgétaire.
Encore une fois, la gauche, dans ses fondements égalitaires, trouve toujours dégueulasse - excusez-moi pour le terme - qu'une minorité de la population soit protégée par un bouclier fiscal qui fait tant de mal à la majorité de celle-ci. Mais de quoi on parle, là ? On parle de la réalité ou vous planez tous ? M. Zweifel - et je le remercie pour son intervention - vous a bien expliqué quel était le plan A et quel était le plan B, que 1% des contribuables paient plus de 700 millions par année. Par conséquent, si vous voulez défendre le social, si vous voulez protéger la masse des travailleurs, eh bien vous devez impérativement garder cette classe de contribuables qui est très volatile, qui peut partir du jour au lendemain !
Aujourd'hui, nous sommes dans un monde globalisé où la mobilité des entreprises est aussi valable pour les personnes physiques. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) En quelques jours, vous êtes à Singapour tout en ayant votre domicile fiscal à Monaco ! Cette proportion de 1% des contribuables est quand même garante des prestations à la majorité de la population, notamment en ce qui concerne l'assurance-maladie: elle paie plus de 360 millions pour compenser le manque dû aux gens qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Alors arrêtons de faire de la stratégie préélectorale, soyons réalistes et envoyons ce projet de loi directement à la poubelle.
M. Olivier Cerutti (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, le parti démocrate-chrétien souhaite que la pression fiscale reste réaliste pour l'ensemble de nos concitoyens. La comparaison qu'on pourrait faire avec les pays nordiques est vite là. Payer plus de 60% d'impôts ? Mais c'est déjà le cas ! Chez nous, en effet, nous devons ajouter les assurances sociales, ce qui fait qu'on paie près de 90%, voire plus pour certains contribuables...
M. Alberto Velasco. Oui, mais pas les riches ! (Exclamations.)
M. Olivier Cerutti. Cher Monsieur, je vous ai écouté quand vous parliez et je vous demande d'être courtois à votre tour, j'ai toujours respecté les gens dans cet hémicycle ! Merci.
Une voix. Bravo !
M. Olivier Cerutti. Un système de proportion est nécessaire pour atteindre l'équilibre. Pour cela, nous devons absolument retrouver l'esprit salutaire. Qu'est-ce que l'esprit salutaire ? C'est voir où va notre république. Si nous sommes confrontés à un déficit de plus de 260 millions, c'est bien parce que nous dépensons et que nous sommes incapables de restructurer nos frais. Je vous demande, Mesdames et Messieurs de la gauche, de discuter des restructurations, et peut-être pourra-t-on revenir sur d'autres formes de financement. Mais, en l'état, ce qui est important pour notre économie, c'est de trouver le chemin de l'investissement, et nous avons besoin de contribuables qui ont des moyens, qui paient des impôts et participent à l'acte économique de notre canton.
Mesdames et Messieurs, je vous invite à mener une politique du plein emploi, à faire preuve de réalisme et de courage. Nous devons passer par l'étape budgétaire 2018 qui est nécessaire pour Genève, pour l'ensemble de nos concitoyens. Le bouclier fiscal tel qu'il est fustigé dans ce projet de loi est fondamental pour notre Etat, pour qu'il puisse continuer à payer ses charges. Le parti démocrate-chrétien n'entrera pas en matière sur ce projet de loi, car il est complètement démagogue.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Monsieur Zacharias, vous avez vingt-cinq secondes.
M. Ronald Zacharias (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Je ne souhaite pas être provocateur...
Une voix. Article 24 !
M. Ronald Zacharias. ...mais je pourrais faire une proposition à la gauche: supprimez l'impôt sur la fortune et nous supprimerons le bouclier fiscal; alors, Genève redeviendra un canton riche - et je suis totalement convaincu de ce que je dis ! Je vous remercie.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Une grande partie des citoyens qui bénéficient du bouclier fiscal sont venus à Genève justement pour ça ! Il y a beaucoup de jalousie dans cette demande de suspendre une disposition en faveur de contribuables très mobiles. Il faut savoir que ceux qui jouissent du bouclier fiscal sont conseillés par des avocats et des fiscalistes qui sauront convaincre leurs clients de prendre des décisions contraires aux intérêts de notre canton. Ces conseillers sont rémunérés en fonction de leurs recommandations, c'est leur valeur ajoutée. Ce projet de loi ne mérite même pas un vote d'entrée en matière. Merci, Monsieur le président.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, j'aimerais répondre à quelques propos qui ont été tenus, d'abord sur le fait que les riches quitteraient le canton si nous suspendions le bouclier fiscal pour une durée de deux ans. Rappelons qu'il s'agit là d'un dispositif relativement récent - il date de 2009 - qui n'a engendré ni augmentation ni diminution du nombre de personnes fortunées sur notre territoire. C'est un cadeau que vous leur avez fait ! Il n'est pas question de supprimer le bouclier fiscal, mais de le suspendre pendant deux années difficiles - notre ministre des finances nous en parle régulièrement - afin de retrouver un certain équilibre.
Le bouclier fiscal constitue une injustice qui va à l'encontre du principe de progressivité de l'impôt et, rien que pour cette raison, vous devriez faire preuve d'un peu plus d'égards vis-à-vis de ce projet de loi. Il ne s'agit pas d'une proposition totalement révolutionnaire puisque, pas plus tard qu'il y a deux ans, le Conseil d'Etat lui-même - pourtant à majorité de droite - proposait l'interruption de cette mesure, et je ne pense pas que notre grand argentier avait à ce moment-là l'idée de diminuer nos recettes, mais plutôt de les augmenter.
Mais la question n'est pas tant là, et les Verts voudraient plutôt vous faire part d'une inquiétude. Le déficit annoncé pour le budget 2018 est de 261 millions; quant à la dette, elle frôle actuellement les 12 milliards, ce qui signifie que nous paierons l'année prochaine 200 millions rien qu'au titre des intérêts. Par une simple règle de trois, cela représente 1500 postes de travail, c'est-à-dire 1500 infirmières, instituteurs, policiers qui ne seront pas là l'an prochain simplement à cause du service de la dette. Or, ce soir, j'entends un bloc de députés en face me dire que nous ne sortirons de cette situation que par le biais d'une baisse de charges.
Le hasard de l'ordre du jour veut que nous traitions aujourd'hui deux projets de lois: le premier destiné à augmenter les recettes de l'Etat - c'est celui-ci - et le second visant à diminuer les charges - il arrivera un peu plus tard. Nous sommes obligés de constater que le seul groupe qui se soucie de la dette, le seul qui soutiendra ces deux projets financiers est celui des Verts. Voilà notre véritable inquiétude, nous avons l'impression d'être les seuls à nous préoccuper de l'accroissement de la dette, du creusement du déficit de l'Etat. Si vous pensez réellement, Mesdames et Messieurs, que nous atteindrons l'équilibre en agissant uniquement sur les recettes ou les charges, c'est un leurre ! Nous vous invitons à agir sur les deux axes, à la fois sur les charges et sur les revenus, et à voter ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. C'est le tour de M. Stauffer pour deux minutes.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en cette fraîche et belle soirée, nous sommes en train de parler d'un sujet important. Nous avons entendu la gauche nous dire: «Faisons payer ces riches, l'impôt doit être progressiste !» - progressif, pardon: j'ai fait un lapsus, mais vous ne m'en voudrez pas, puisque vous êtes une gauche progressiste. Finalement, si on ne crée pas de richesse... (Remarque.) Oui, progressiste parce qu'on sait bien que le parti socialiste est devenu une gauche caviar, cette gauche qui... Combien y a-t-il d'entrepreneurs sur les bancs socialistes ? Dites-le-moi. Combien d'entre eux prennent des risques... (Remarque.) Je n'ai pas dit qu'il n'y en avait pas ! Combien d'entre eux prennent des risques pour créer de l'emploi, pour soutenir l'économie genevoise ? Trois sur vingt ? Eh, vous êtes en dessous de la moyenne cantonale !
Fort heureusement, il y a des contribuables qui créent de la richesse, qui paient des impôts. Mais quand ceux-ci deviennent trop élevés, Mesdames et Messieurs, les gens s'en vont. Je ne vais pas citer de nom, mais il y a eu à Genève un acteur qui était de nationalité belge - le Conseil d'Etat saura évidemment de qui je parle - et qui a été naturalisé suisse... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Eh bien quand il a constaté la conséquence sur ses impôts, il a quitté le canton, il est maintenant un Suisse de l'étranger. Pourquoi ? Parce qu'à partir d'un certain niveau, l'impôt devient confiscatoire. C'est bien là où vous avez tort, Mesdames et Messieurs de la gauche, car si ces personnes s'en vont, ce sont des centaines de millions que vous ne pourrez pas dépenser.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. Je termine, Monsieur le président. C'est le b.a.-ba de la mathématique ! Je l'ai toujours dit - je conclus là-dessus, Monsieur le président: à force de convoiter l'argent des riches, vous finirez par voler celui des pauvres !
Le président. Merci, Monsieur... (Remarque de Mme Salika Wenger.) S'il vous plaît, Madame ! Si tout le monde intervient, ça ne va pas aller ! Pour finir, je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Dal Busco.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai: il manque de l'argent dans la situation qui est la nôtre aujourd'hui. Les auteurs de ce projet de loi nous proposent une solution apparemment simple, que je qualifierais pour ma part plutôt de simpliste, voire de dangereuse. En effet, contrairement à ce que vous pouvez penser, ce n'est pas une arithmétique simple comme la vôtre qui s'applique. Dans le contexte actuel, le bouclier fiscal permet de garder de la substance fiscale dans notre canton. Nous avons fondamentalement un problème avec le niveau de l'imposition sur la fortune, qui est très nettement supérieur à celui de la moyenne suisse, et le dispositif qui a été introduit il y a quelques années permet justement d'atténuer ce mécanisme.
J'ai entendu quelqu'un faire une comparaison avec l'année 2011, où un projet similaire avait été lancé. Or, depuis, la situation a radicalement changé: les rendements sur les valeurs monétaires sont faibles, les obligations rapportent très peu; aujourd'hui, un impôt sur la fortune de 1% est véritablement problématique. Notre système assure l'assiette fiscale, garantit la substance fiscale à Genève, il faut s'en réjouir ! J'ai toujours de la peine à comprendre pourquoi, du côté de la gauche, on interprète l'augmentation du nombre de personnes fortunées sur notre territoire comme une sorte de tare, comme un facteur préjudiciable - c'est comme ça que j'entends ces propos - alors qu'au contraire, celles-ci contribuent fort heureusement au financement de nos prestations.
La question qu'il faut se poser maintenant, Mesdames et Messieurs, est tout à fait pragmatique: est-ce qu'on encourt un risque en changeant quelque chose à ce dispositif ? La réponse est clairement oui, je peux vous le certifier: nous encourons le risque énorme de voir l'objectif poursuivi par les auteurs de ce projet de loi conduire exactement à l'effet contraire. M. Deneys avait l'air de dire tout à l'heure, en présentant ce projet, qu'il y avait une bonne raison d'introduire le bouclier fiscal à l'époque, précisément parce que le canton de Vaud l'avait instauré. Mais, Mesdames et Messieurs, ce procédé est toujours en vigueur dans le canton de Vaud, alors ce qui prévalait à ce moment-là est encore valable actuellement - je dirais même que c'est encore plus valable actuellement ! - ce qui devrait vous inciter à faire preuve de la plus grande des prudences en la matière.
C'est dans ce sens que le Conseil d'Etat vous enjoint de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi de cet objet à la commission fiscale...
M. Eric Stauffer. Vote nominal pour tous les votes, Monsieur le président !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous allons donc procéder au vote nominal... Vous savez, Monsieur Stauffer, vous avez le droit de vous asseoir à votre place ! (Rires.) Si, si ! (Le président rit. Commentaires.) Je vais donc lancer le vote... (Commentaires.) Monsieur Stauffer, vous sortez avec votre téléphone ! Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! (Commentaires.) Pas possible, ça ! Bien, Mesdames et Messieurs, vous vous prononcez maintenant sur la proposition de renvoi en commission; en cas de refus, je vous soumettrai l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12181 à la commission fiscale est rejeté par 64 non contre 33 oui (vote nominal).
Mis aux voix, le projet de loi 12181 est rejeté en premier débat par 64 non contre 33 oui (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous passons à la deuxième urgence, la proposition de motion 2414, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. de Matteis.
M. Yves de Matteis (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion que je présente ce soir, signée par 36 députés de tous les partis, repose sur un mouvement créé par un seul individu, même s'il a par la suite été suivi par plusieurs centaines de milliers de personnes. Rajagopal est né en 1948 dans un village du Kerala, dans le sud de l'Inde. Fils d'un combattant de la liberté pour l'indépendance...
Le président. Un instant, Monsieur le député. Un peu de silence dans la salle, s'il vous plaît !
M. Yves de Matteis. C'est vrai que cette motion nous change singulièrement du sujet que nous avons abordé auparavant.
Le président. Allez-y, Monsieur.
M. Yves de Matteis. Fils d'un combattant de la liberté pour l'indépendance de l'Inde, il a étudié la philosophie pacifiste de Gandhi ainsi que la danse et la musique, avant de devenir ingénieur agricole. C'est après avoir été interpellé par de nombreux jeunes Indiens et Indiennes qu'il décide de s'engager dans les luttes non violentes, un héritage de Gandhi. Il est notamment connu pour avoir fait partie d'un groupe gandhien qui a convaincu une bande de brigands de rendre les armes et de payer pour ses crimes dans les prisons indiennes. Il s'investit par la suite pour combattre, toujours de manière non violente, la pauvreté et l'exploitation dont sont victimes certains villages et un grand nombre de paysans, certains étant littéralement réduits à une forme d'esclavage économique après avoir été expropriés ou dépossédés de leurs terres - il faut savoir que près de 200 000 paysans se sont suicidés en Inde ces dernières années. Rajagopal, qui s'oppose aussi à la corruption, monnaie courante dans certaines administrations, a été récompensé par le prix Indira Gandhi pour l'intégration, et a également été nommé par la Cour suprême indienne afin de mener une enquête sur la problématique des travailleurs asservis, aidant ainsi des milliers de personnes travaillant dans des carrières ou sur des chantiers. Après avoir créé divers organismes poursuivant les mêmes buts, il finit par fonder une organisation faîtière nommée Ekta Parishad en 1991, et organise des marches réunissant plusieurs dizaines de milliers de personnes, ce qui a permis de sensibiliser le gouvernement indien à ces problématiques assez peu connues ou en tout cas peu visibles.
Rajagopal a lancé il y a quelque temps déjà l'idée d'une campagne globale pour la paix, nommée Jai Jagat 2020, dont le but est d'encourager les personnes à refuser la peur pour mener des actions positives. Jai Jagat signifie la «victoire du monde»; il ne s'agit pas ici de dresser les personnes les unes contre les autres, mais de faire en sorte que chacun sorte gagnant de cette initiative en désamorçant les conflits et la violence qui règnent aujourd'hui dans diverses régions du monde, laissant des centaines de milliers de personnes victimes de la pauvreté, de la malnutrition et de l'injustice. Cette future marche pour la paix, qui terminera son parcours à Genève en 2020, fait partie de ces initiatives dont nous avons vraiment besoin car c'est un projet novateur et fédérateur; il est porteur d'espoir, de justice et de paix dans le monde. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) L'ensemble de la campagne de Jai Jagat 2020 est construit autour du postulat que «notre monde peut être différent si nous ne sommes pas indifférents».
Cette motion a pour but principal de lancer un mouvement d'adhésion et de créer l'enthousiasme autour de l'événement. De manière plus pragmatique, elle vise aussi, premièrement, à faciliter l'accueil des délégations de cette marche qui arrivera à Genève en septembre 2020...
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur, autrement vous prenez sur le temps de votre groupe.
M. Yves de Matteis. Il est même possible que certains députés et certaines députées - en tout cas toutes celles et tous ceux... (Remarque.) Pardon ? (Commentaires.)
Une voix. Continue, prends sur le temps du groupe !
Une autre voix. Continue !
M. Yves de Matteis. Je prends sur le temps du groupe !
Le président. Vous prenez sur le temps du groupe ?
M. Yves de Matteis. Je prends sur le temps du groupe. Cette motion a pour but principal de lancer un mouvement d'adhésion et de créer l'enthousiasme autour de l'événement. De manière plus pragmatique, elle vise aussi, premièrement, à faciliter l'accueil des délégations de cette marche qui arrivera à Genève en septembre 2020 à l'occasion de la Journée internationale de la paix des Nations Unies; deuxièmement, à soutenir les divers événements qui se tiendront du 21 septembre au 2 octobre 2020 dans le cadre de cette manifestation; troisièmement, à faciliter la coordination et la répartition de l'hébergement de ces délégations, en concertation avec les communes; et, quatrièmement, à solliciter le concours des autorités fédérales pour faciliter l'attribution de visas provisoires aux personnes attendues à cette occasion. Une motion similaire a déjà été déposée en Ville de Genève, également avec de très nombreuses signatures.
Il serait particulièrement bienvenu que cette motion soit votée ce soir car Rajagopal visitera notre canton à la fin du mois de novembre, précisément au moment de notre prochaine session du Grand Conseil. Il est même possible que certains députés et certaines députées - en tout cas toutes celles et tous ceux qui seront intéressés - puissent le rencontrer durant son séjour à Genève. Il serait donc particulièrement sympathique de pouvoir le recevoir en ayant d'ores et déjà voté et renvoyé cette motion au Conseil d'Etat. Voilà toutes les raisons pour lesquelles j'espère que vous réserverez un accueil favorable à ce texte. Merci, Monsieur le président.
M. François Lance (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC soutiendra bien entendu cette motion qui invite le Conseil d'Etat à prêter son concours à l'accueil des délégations de la marche pour la paix, qui partira de New Delhi en 2019 et arrivera à Genève en septembre 2020 à l'occasion de la Journée internationale de la paix des Nations Unies. Nous ne doutons pas que le futur Conseil d'Etat fera le nécessaire, mais il est indispensable que notre Grand Conseil soutienne d'ores et déjà cette manifestation symbolique. Il est également important pour notre canton de porter à bout de bras cet événement qui promeut la paix et la lutte contre les instabilités et les violences. Genève, haut lieu des organisations internationales et des droits de l'Homme, se doit d'accueillir dignement cette marche pour la paix. C'est pourquoi nous vous encourageons bien entendu à soutenir cette motion. (Quelques applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs, beaucoup de choses ont déjà été dites, je vais donc être brève. La marche pour la paix, pour un autre monde, est l'une des actions les plus importantes du mouvement Ekta Parishad. Une précédente marche de 350 km a eu lieu en 2012 en Inde et a rassemblé 50 000 participants, paysans pauvres et autres personnes confrontées à des conditions de vie difficiles dans ce pays. La plus grande action non violente jamais organisée en faveur de la terre, de l'eau et de la forêt a in fine donné lieu à la signature d'un accord entre le gouvernement et les représentants du mouvement afin de mettre en oeuvre des actions touchant justement le droit à la terre ou l'émancipation des femmes et cherchant donc à lutter contre la pauvreté et la misère. La nouvelle marche prévue entre l'Inde et Genève visera à demander des mesures politiques plus justes pour aboutir à une paix dans le monde. Nous espérons non seulement accueillir cette marche à Genève mais également, si c'est encore possible, y prendre part sur un bout de chemin - en tout cas en ce qui me concerne. Après tous les kilomètres que ces délégations auront parcourus entre l'Inde et la Suisse, nous visons par ce texte à tout mettre en oeuvre afin que Genève puisse les accueillir et leur permettre de délivrer leur message dans cette ville internationale et auprès de l'ONU. Mesdames et Messieurs, c'est donc avec enthousiasme que nous soutenons cet objet. Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)
Le président. J'avais sonné parce que personne ne voulait prendre la parole, mais je la cède à M. Vanek qui l'a demandée.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. J'ai signé cette motion et bien entendu nous la soutiendrons, mais quand même, Mesdames et Messieurs, cette messe un peu consensuelle me dérange ! J'ai reçu un document, à l'instar de tous les députés: une invitation à la cérémonie du souvenir du dimanche 12 novembre au parc Mon Repos, concernant prétendument les soldats morts pour la patrie. Mesdames et Messieurs, faisons aussi le ménage chez nous si nous voulons être sérieusement pacifistes ! (Commentaires.) Faisons le ménage chez nous ! Cette cérémonie est indigne ! (Très vives protestations. Huées.) Cette cérémonie est indigne parce que dans le défilé, il y a des représentants des associations...
Le président. Nous parlons de la motion 2414, alors revenez au sujet.
M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur le président. Je fais un lien avec cette cérémonie ! ...des représentants d'associations d'anciens paras français, des unités qui ont torturé en Algérie... (Vives protestations.) ...des représentants d'anciens combattants italiens...
Le président. Nous sommes hors sujet, Monsieur !
M. Pierre Vanek. ...qui ont défendu la république fasciste... (Protestations.)
Une voix. C'est honteux !
Le président. Je vais vous couper la parole !
M. Pierre Vanek. ...de Salò !
Le président. Merci, Monsieur, c'est terminé.
M. Pierre Vanek. Mesdames et Messieurs... (Protestations.)
Le président. Je n'accepte pas ça. (Commentaires.) C'est terminé ! Je passe la parole à M. Baertschi. (Quelques applaudissements.)
Des voix. Bravo ! (L'orateur continue de s'exprimer hors micro.)
Le président. C'est terminé, Monsieur ! Monsieur Baertschi, c'est à vous.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je m'en veux de couper la parole à M. Vanek, ce qui est souvent mission difficile, voire impossible - vous transmettrez. Le groupe MCG est relativement partagé sur cette motion. C'est presque une motion qui ne mange pas de pain, moins en tout cas que beaucoup d'autres, si je puis dire. Bon, c'est pour la paix dans le monde ! Tout le monde est d'accord pour vouloir la paix dans le monde. Les gens se battent pour cela - et même quelques comiques français le faisaient; c'est excellent, d'accord, on ne peut pas être contre. Mais si une partie du groupe soutient cette démarche, d'autres membres trouvent qu'il y a là quelque chose d'un peu vain ou de facile. C'est vrai qu'on n'affronte pas les questions soulevées par le député Vanek ni les véritables problèmes qui secouent ce monde. Alors voilà, notre groupe a la liberté de vote, en espérant que... Il n'y avait pas besoin de cette motion pour faire cette marche, elle peut se faire comme ça, sans autre. C'est par volonté de soutien; bon, admettons. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Stauffer pour une minute trente.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Je vais très peu parler de cette motion, mais j'aimerais par contre réagir à l'intervention du député Vanek. Les propos qu'il a tenus dans cette enceinte...
Le président. Ecoutez, vous êtes gentil mais on discute de cette motion, on ne va pas revenir là-dessus ! Alors soit vous parlez de la motion soit vous vous asseyez, parce que ça commence à bien faire ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Eric Stauffer. Sur cette motion, nous avons entendu l'argumentaire du député Vanek - vous transmettrez, Monsieur le président - et je suis très calme, je ne hurle pas à l'encontre de ce député. Je dis simplement que les propos qu'il a tenus sont indignes de sa fonction...
Le président. Bon.
M. Eric Stauffer. ...de député. Très franchement, Monsieur Vanek, venir critiquer l'armée suisse...
Le président. Très bien.
M. Eric Stauffer. ...venir critiquer ce qui a été fait... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. C'est terminé, merci, Monsieur.
Une voix. Bravo ! (Applaudissement.)
Le président. Je passe la parole à M. Jean Batou, qui sera peut-être un peu plus calme.
M. Jean Batou (EAG). Je suis extrêmement calme, merci, Monsieur le président. Je crois qu'on a le droit ici de critiquer l'armée suisse si on entend la critiquer, et qu'on a le droit d'être opposé à une cérémonie qui depuis des dizaines d'années a toujours été la cérémonie de l'extrême droite et de la droite genevoises ! (Très vives protestations.) Depuis des dizaines d'années ! (Huées.) Et j'espère... (Huées persistantes.) Et j'espère...
Une voix. C'est n'importe quoi !
Une autre voix. Traître !
Le président. Ecoutez...
M. Jean Batou. Et j'espère... (Huées. Très vives protestations.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Jean Batou. ...qu'on peut parler dans ce Grand Conseil... (Huées. Très vives protestations.)
Le président. Oh, silence ! Est-ce qu'on peut parler de cette motion, s'il vous plaît ! Parce qu'autrement on passe à un autre objet, c'est terminé. (Commentaires.)
M. Jean Batou. Je ne comprends pas pourquoi il n'est pas possible de dire un certain nombre de choses en étant écouté par des collègues qui ne sont pas du même avis ! (Commentaires.) J'écoute très souvent dans cette enceinte des propos avec lesquels je ne suis pas d'accord ! (Commentaires.)
Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes en train de parler d'une motion pour la paix ! (Commentaires.) Vous ne donnez pas tellement l'exemple, me semble-t-il ! Monsieur Baud, est-ce que vous voulez dire quelque chose ? Dans la paix, s'il vous plaît ! Merci.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, je vous remercie. J'appelle effectivement un peu de sérénité; j'ai signé cette motion et j'aimerais qu'on en discute sereinement et puis qu'on la vote à l'unanimité. Ce serait une bonne chose, ça ramènerait un peu le calme. Voilà, je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci ! Je passe la parole à M. Medeiros pour une minute trente. Sur la motion, s'il vous plaît, Monsieur Medeiros !
M. Carlos Medeiros (HP). Vous êtes déjà en train de...
Le président. Allez-y.
M. Carlos Medeiros. Eh bien, moi je parle par exemple de ma femme que j'aime beaucoup, comme je vous l'avais dit la dernière fois ! Je suis aussi signataire et je trouve que cette motion est une bonne chose. Pour le reste, il n'y a rien à dire; certaines personnes ici ne sont pas des membres du parlement mais des traîtres ! Au revoir, messieurs-dames ! (Remarque. Rire.)
Une voix. Des traîtres !
Le président. Très bien. C'est très bien, merci beaucoup. Je vais passer la parole à M. le conseiller d'Etat Longchamp, parce que je ne veux pas de nouvelle intervention de M. Vanek ou de M. Stauffer sur le même sujet. Monsieur le président du Conseil d'Etat, vous avez la parole.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Une semaine à peine après que le dix-septième prix Nobel de la paix a été attribué à une organisation sise dans notre canton...
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Oui !
M. François Longchamp. ...je vois que la paix règne également dans cette salle. Le Conseil d'Etat a évidemment lu avec la plus grande attention cette motion urgente. Il a aussi constaté qu'il s'agissait d'une marche qui allait débuter en 2019 et arriver à Genève en septembre 2020; je vous assure que nous serons prêts, le cas échéant, pour accueillir cette manifestation avec toute la dignité nécessaire... (Rire.) ...car vous savez la grande capacité de la Genève internationale à accueillir des délégations: nous recevons chaque année près de 220 000 délégués rien que pour les organisations internationales et 2500 sessions sont organisées. Assurément, des gens qui viennent pour soutenir ce qui est l'essence même de la Genève internationale - c'est-à-dire le combat pour la paix - qui viennent à pied et qui viennent dans trois ans, seront dignement accueillis le moment venu. Je ne serai plus là, comme me l'a rappelé mon vice-président, pour m'en assurer... (Rires. Commentaires.) ...mais lui le sera certainement, de même que le doyen à mes côtés, et ils seront en mesure de vous garantir que Genève - comme c'est l'usage, comme c'est la règle, comme c'est sa volonté et comme c'est son histoire - saura témoigner de ses qualités d'accueil légendaires. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Peut-être en profiterons-nous pour inaugurer en même temps le CEVA ! Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur cette proposition de motion 2414.
Mise aux voix, la motion 2414 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 74 oui contre 3 non et 2 abstentions.
Une voix. Tout ça pour ça ! (Commentaires. Rires.)
Premier débat
Le président. Nous abordons l'urgence suivante en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le sens de ce projet de loi est simple, il n'a qu'un seul but, taper sur la tête des policiers alors qu'il faudrait les soutenir. (Exclamation.) Il a été déposé au Grand Conseil sans aucune concertation. On retrouve là une coalition sournoise menée par le PLR qui veut casser la police, soutenu par les Verts qui se prennent pour une sorte de PLR légèrement verdoyant, un peu allégé, avec une poussée anti-fonctionnaires qui leur arrive de temps en temps, et par une UDC qui, à Genève, contrairement à ce qu'on voit dans d'autres cantons, est une fois de plus contre la police. C'est aussi une attaque contre les retraites... (Exclamation.) ...une nouvelle attaque bête et méchante. Le vote sur la grâce auquel nous avons assisté tout à l'heure était symptomatique: il a montré de manière très claire que le PLR, l'UDC et les Verts préfèrent chouchouter les criminels et punir la police. (Protestations.) Chacun devra prendre ses responsabilités. (Commentaires.) Chacun devra rendre des comptes sur ses erreurs, profondes à tous égards, sur une question qui finalement est simple. A chacun, donc, de prendre ses responsabilités, et j'imagine qu'il faudra que certains aient un peu de plomb dans la tête, du vrai plomb... enfin, qu'ils aient un peu d'intelligence, plutôt. Je vous remercie, Monsieur le président. (Remarque.)
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Il appartient en principe au rapporteur de majorité de présenter le projet de loi et son rapport. Comme ça n'a pas été fait, je vais m'en charger. Ce projet de loi vise à corriger une omission qui date de la fusion des caisses de pension CIA et CEH intervenue en 2013 avec effet en 2014, ainsi qu'à corriger une inégalité de traitement entre les différents fonctionnaires de l'Etat. Les fonctionnaires de police et de la prison bénéficient depuis toujours d'un statut particulier et spécifique, ils ont notamment le privilège d'appartenir à une caisse de pension qui leur est propre, la Caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et de la prison. Le projet de loi ne vise pas à remettre en cause cette différence ni à fusionner la caisse de pension de la police avec la CPEG, celle de tous les autres collaborateurs de l'Etat. En revanche, s'il est vrai qu'il existe des différences entre la caisse de pension de la police et la CPEG qui ont été voulues par le législateur, d'autres résultent d'anomalies qui n'ont pas été voulues par le législateur, en tout cas pas pour des raisons spécifiques au corps de police. L'anomalie que ce projet de loi veut corriger appartient à cette dernière catégorie. En effet, il s'agit de quelque chose qui n'était pas spécifique, auparavant, aux collaborateurs de la police, mais à l'ensemble des fonctionnaires, qui connaissaient le privilège d'avoir leur rattrapage de cotisation intégralement payé par l'employeur, au contraire de tous les autres salariés du pays. C'est pour corriger cette anomalie, qui subsiste dans le cas des policiers, que ce projet de loi a été déposé, et pour respecter l'égalité de traitement entre tous les collaborateurs de l'Etat.
Il faut savoir que si ce privilège existe, en réalité une autre inégalité de traitement demeure: un fonctionnaire performant, qui bénéficie d'un avancement plus rapide que le fonctionnaire qui, par hypothèse, le serait un peu moins, paierait plus de cotisations que le second. En effet, le rattrapage ne concerne que les années passées où il n'y a pas eu d'avancement. Ainsi, si vous avez un avancement rapide, vous payez plus pour la même retraite que si vous avez un avancement moins rapide où la part patronale, payée par l'Etat, est plus importante. C'est pour remettre un peu d'équité dans ce système que ce texte a été déposé. Il l'a été il y a plusieurs années, il a été longuement traité par deux commissions, celle des finances et la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat. Il est temps aujourd'hui, après avoir entendu en commission à plusieurs reprises les syndicats de police, de prendre position sereinement sur un projet de loi précis, sans en tirer les conclusions politiques hâtives que le rapporteur de majorité a énoncées, mais qui probablement n'ont pas convaincu grand monde.
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, nous avons là un nouvel épisode du passage en force du Conseil d'Etat, en particulier de Pierre Maudet - qui ne nous écoute pas - contre la police et le personnel pénitentiaire, avec une absence totale de négociation. Pourquoi la caisse de pension de la police a-t-elle des particularités ? Parce que cette profession a des particularités, notamment le fait que ces fonctionnaires passent par une succession de promotions, à moins qu'on recrute un encadrement de l'extérieur, par exemple venant de l'armée. On nous sert une rhétorique du nivellement par le bas de toutes les retraites: aux «privilégiés», entre guillemets, de la police, on évoque les sacrifiés de la CPEG...
Le président. Un petit instant, Monsieur, s'il vous plaît. Mesdames et Messieurs, arrêtez de venir sans cesse parler aux conseillers d'Etat, vous serez gentils ! Regagnez vos places, vous gênez. S'il vous plaît, Monsieur Florey ! Monsieur Florey, je vous parle ! Regagnez votre place, Monsieur Pistis aussi, et Monsieur Selleger. Merci. Monsieur Batou, c'est à vous.
M. Jean Batou. C'est gentil, on a vraiment l'impression d'être dans un cirque, ici ! (Commentaires.)
Le président. Monsieur Florey ! S'il vous plaît !
M. Jean Batou. Mais au cirque, au moins, il y a des clowns ! (Rires. Commentaires.)
Le président. Allez-y, Monsieur.
M. Jean Batou. J'espère que cette interruption sera décomptée. Donc, aux «privilégiés» de la police, on évoque les sacrifiés de la CPEG; aux «privilégiés» de la CPEG, on va évoquer les sacrifiés du secteur privé; et aux «privilégiés» des bonnes caisses de pension du privé, on évoquera les sacrifiés qui sont au minimum LPP. Cette rhétorique, nous n'en voulons pas.
La déresponsabilisation institutionnelle mine ce dossier dès le départ. Pierre Maudet n'a pas négocié sérieusement avec les organisations représentatives du personnel. Deuxièmement, les groupes favorables à ce projet de loi n'ont pas pris d'option en amont des positions de leurs commissaires. Ceux-ci ont majoritairement voté contre ce texte, leurs groupes les ont désavoués par la suite: ça montre le sérieux avec lequel ils ont travaillé avec leurs commissaires. Le PLR a réussi à réunir une commission ad hoc bis en coulisses pour forger une majorité favorable à ce projet. La messe est donc dite devant ce parlement, sur la base d'un contournement du fonctionnement de nos institutions du début à la fin. Une chose est sûre: face à tant de dysfonctionnements, il est probable qu'il y ait un référendum; et s'il y a un référendum des organisations du personnel, Ensemble à Gauche le soutiendra, le Cartel intersyndical de la fonction publique le soutiendra, parce qu'il appartient au corps électoral de se déterminer quand ni le Conseil d'Etat, ni le parlement, ni ses commissions ne prennent sérieusement leurs responsabilités. Je donne donc rendez-vous aux citoyens qui sont là ou qui nous écoutent pour voter en leur âme et conscience pour la défense des conditions de retraite de la police, et demain, de l'ensemble des affiliés à la CPEG, contre ceux qui veulent porter atteinte aux retraites de la fonction publique. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Monsieur le président, tout d'abord, j'aimerais que vous signifiiez au rapporteur de majorité, qui par ailleurs a écrit un excellent rapport, qu'il a peut-être oublié de lire ou d'encadrer la fin de son rapport, c'est-à-dire le vote: un député UDC soutenait le projet de loi, l'autre s'est abstenu. Il est donc bien péremptoire, et peut-être incorrect - attendons l'issue du vote - d'avoir fait ce tir frontal contre mon parti.
Mesdames et Messieurs les députés, ce PL 11773-A et ses 186 pages, dont je ne critique pas la pertinence, démontre simplement que les huit séances consacrées et les auditions programmées n'ont pu que très partiellement répondre, osons le dire, au fond manichéen de ce projet de loi du Conseil d'Etat, dont l'économie annoncée, non négligeable, se justifie par une inégalité de traitement grave, dans le cadre des caisses de retraite, entre les promotions des fonctionnaires de police et celles des autres fonctionnaires de l'Etat. Car, chers collègues, que représente, quelle signification donner à un projet de loi accepté ou refusé, après de si longs travaux, avec quelques voix de différence, ensuite de quoi nous avons vu ces dernières heures des intrigues de palais fortes et non négligeables visant à renverser ce qui avait été décidé en commission ?
J'ai toujours exprimé et défendu l'idée que nous ne pouvions trancher, décider, sur un sujet si important. Nous parlons, chers collègues, de la vie, de la carrière, de la rémunération, de la retraite de femmes et d'hommes, certes policiers, mais heureusement néanmoins citoyens de plein droit, sans détenir, pour analyser et comparer, toutes les données et textes allant modifier et régir prochainement notre fonction publique. Et c'est bien toute l'ambiguïté dans laquelle nous nous trouvons toujours ! Les modifications de statut de la rémunération des retraites nous arrivent ces jours au Grand Conseil par les différents projets de lois du Conseil d'Etat, sur la CPEG, la caisse de retraite des magistrats, et, annoncé depuis plus de cinq ans, sur SCORE, qui doit régler la rémunération et les profils de carrières.
La prétendue inégalité de traitement dénoncée par le Conseil d'Etat dans ce projet de loi n'est pas issue, Mesdames et Messieurs les députés, de piquets de grève, de manifestations ou que sais-je, mais d'un historique de décisions de nos prédécesseurs, car c'est ici, dans cette enceinte, que ceci a été antérieurement décidé, légalement et démocratiquement. Pourquoi cela ? Pourquoi ces différences ? Souvenez-vous que la loi sur la police, régissant le personnel policier, à bien des égards et à bien des aspects, est beaucoup plus rigoureuse et n'a rien à voir avec la loi sur le personnel de l'Etat. Il ne s'agit pas là d'encenser ou de critiquer ni l'un ni l'autre, mais d'essayer d'expliquer l'historique, le générique, qui ont conduit ce parlement à créer cette différence. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Mesdames et Messieurs les députés, si nous-mêmes, par l'ensemble puis le détail des projets de lois présentés, dont je ne conteste pas la nécessité, allons modifier profondément notre fonction publique genevoise, devons-nous accepter de régler ce soir un détail ancien d'une loi qui va sous peu être entièrement révisée ? Notre travail de législateur impose...
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur.
M. Patrick Lussi. Je vous remercie, Monsieur le président. ...que nous ayons l'intégralité de toutes les données pour justifier de tels actes. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, je demande humblement que ce projet de loi soit renvoyé en commission, non pas pour refaire toutes les auditions, mais pour l'intégrer à tous ces projets de lois qui nous arrivent et voir s'il est toujours pertinent. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission de ce projet de loi, à la commission des finances, je pense... (Commentaires.) Ad hoc ? Très bien, à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat. Les rapporteurs ont la parole sur cette demande. Monsieur Baertschi ?
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il faut bien évidemment suivre la proposition du député Lussi. Je pense que c'est faire preuve de sagesse. Je tiens à m'excuser auprès de lui, parce qu'il est vrai que c'est un défenseur d'une certaine éthique, d'une certaine vision de l'Etat et de la police. J'ai toujours regretté que son groupe, malheureusement...
Le président. Nous parlons du renvoi en commission, merci !
M. François Baertschi. Je parle du renvoi, oui ! Mais je voulais aussi faire acte de justice, si vous permettez, Monsieur le président. Je vous propose donc de suivre cette demande de renvoi, d'autant plus que nous avons reçu, malheureusement trop tard, une lettre de l'UPCP et du Syndicat de la police judiciaire qui nous indiquent qu'une procédure est en cours, que de nouveaux éléments sont arrivés entre-temps qui méritent d'être examinés. Si on veut véritablement ne pas voter quelque chose la tête dans le sac, il faut accepter ce retour en commission, c'est vraiment l'intelligence et la sagesse mêmes.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Le renvoi en commission n'a pas de sens. Les éléments donnés par l'UPCP sont anciens. Pour répondre à l'auteur de cette demande de renvoi, je dirai que j'ai de la peine à le suivre: je ne vois pas en quoi SCORE toucherait cette loi-là, sauf à supposer qu'il veuille étendre la problématique traitée dans la loi sur le traitement aux problématiques propres à la police. Je ne vois pas en quoi la LCPEG modifiée toucherait cette loi-là, sauf à supposer qu'on souhaite fusionner les deux caisses, auquel cas il faudrait que ce député précise sa pensée à ce sujet - savoir s'il veut vraiment une fusion des deux caisses, et donc traiter ensemble la LCPEG et la LCPFP.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je m'exprimerai dans le droit fil des propos du rapporteur de minorité, pour dissiper un éventuel malentendu dans les paroles du député qui souhaite renvoyer cet objet en commission. Si l'argument - c'est le seul que j'aie entendu - est qu'il faut que nous reprenions le thème dans son ensemble à travers tous les projets de lois proposés par le Conseil d'Etat, permettez-moi de vous dire que vous vous trompez: la caisse de pension de la police, précisément, n'a pas fait l'objet d'un projet de loi du Conseil d'Etat, par exemple pour un basculement dans le régime de primauté des cotisations. Mais si c'est ce que vous souhaitez, Monsieur le député - il ne me semble pas que ce soit le cas - si vous souhaitez que nous reparlions de la fusion de cette caisse de pension avec la CPEG, effectivement, renvoyez cet objet en commission ! (Remarque.) Mais je ne crois pas que ce soit le sens de votre intervention, raison pour laquelle, parce que ce projet de loi est précisément isolé, qu'il traite d'un thème spécifique qui n'a rien à voir avec le reste de la problématique propre à la CPEG, le renvoi en commission ne se justifie pas.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons procéder au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11773 à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat est rejeté par 52 non contre 40 oui.
Le président. Nous continuons notre débat, la parole est à M. Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Il est évident, Monsieur le conseiller d'Etat - je m'adresse à vous puisque vous êtes intervenu - que nous refuserons ce projet de loi, à cause d'inégalités. Le problème, Monsieur, c'est qu'à l'époque, au moment des négociations sur la CEH et la CIA, il y a eu des accords complets sur toutes les conditions salariales, qui ont été prises en compte. Ça n'a pas été le cas s'agissant de la police. Ce projet de loi, Monsieur le président, survient dans un contexte budgétaire qui pousse à faire des économies, et il y a eu un malaise, en tout cas dans notre groupe, à traiter ce texte précisément dans un contexte d'économies. Nous aurions aimé plutôt qu'il y ait une négociation avec la police. Il est évident qu'il y a une inégalité de traitement par rapport à d'autres; mais ça fait partie des conditions d'emploi de la police dans son ensemble ! Cette particularité de la caisse fait partie des conditions d'emploi de la police, de tout plan de carrière, des revenus de l'ensemble de la carrière ! Si vous voulez changer les règles pour qu'il y ait une égalité de traitement avec le reste de la fonction publique, il n'y a pas d'inconvénient; mais à ce moment-là, négociez avec l'ensemble du corps de la police pour que les traitements ou les revenus en question soient intégrés, disons, ce qui n'a pas été le cas et a jeté un malaise.
Le rapporteur de minorité dit que cet objet n'est pas lié à SCORE. Peut-être, mais dans SCORE, on va utiliser un plan général des revenus, une classification des revenus selon les différentes fonctions qui seront établies. Le corps de la police sera aussi intégré dans SCORE. Dans le cadre de la revalorisation des fonctions et de leur rétribution, on peut très bien intégrer cette problématique pour qu'à la fin de l'exercice, si vous voulez que votre projet de loi puisse exister, le résultat soit neutre. Or, avec ce projet de loi, le problème est qu'en réalité, vous péjorez le traitement des policiers qui ont un avancement. C'est une réalité tout à fait claire. Ce que nous vous demandons, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est de négocier avec la police afin que le résultat soit neutre du point de vue financier et que, de ce fait, il n'y ait ni gagnants ni perdants. Nous serions alors d'accord d'entrer en matière. Voilà la raison pour laquelle nous avons refusé ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Stauffer pour deux minutes.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, j'ai toujours défendu la police... (Exclamations. Commentaires.) ...et je continuerai à défendre la police, c'est la raison pour laquelle je vais accepter ce projet de loi. Je vais vous en donner les raisons. Mesdames et Messieurs, dans cette enceinte, vous le savez, il y a des députés policiers et il y a des députés membres du syndicat de la police qui n'ont toujours pas compris comment fonctionne la politique. La décision qu'ils essaient de vous faire prendre pour que vous refusiez ce texte va à l'encontre des intérêts des policiers. Je m'en explique. M. le conseiller d'Etat l'a dit: si les policiers veulent à court terme une fusion avec la CPEG, et passer à la primauté des cotisations, il faut suivre les représentants des syndicats qui sont en train de vous envoyer droit dans le mur. Si, en revanche, vous voulez conserver l'indépendance de la caisse de la police, qui est saine et devrait peut-être donner quelques leçons à certains conseillers d'Etat sur la gestion des caisses de retraite, eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, il faut accepter ce projet de loi. Dire que c'est un préjudice pour les policiers est faux ! Car n'importe qui, au bénéfice d'une promotion, peut, à l'exception de l'année en cours, payée par l'employeur, racheter ses années de cotisation; c'est déductible des impôts. Le privilège existe pour n'importe quel fonctionnaire, il existe pour n'importe quel employé dans le secteur privé, et il serait contre-productif de refuser ce projet de loi ce soir, Mesdames et Messieurs, parce que dans ce cas, le Conseil d'Etat n'aura pas d'autre choix que de demander la fusion des deux caisses. Celui qui se retrouvera pomme avec le buur, ce sera le policier, et je me refuse à ça, j'ai toujours défendu la police et je continuerai à le faire ! (Exclamation. Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole... (M. Eric Stauffer reste debout à sa place.) Vous pouvez vous asseoir, c'est autorisé ! Monsieur Stauffer, vous pouvez reprendre place ! Merci beaucoup. (Remarque. Rire.) Ça me permettra de voir les députés qui sont derrière vous ! Madame Flamand, c'est à vous.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en 2017 après Jésus-Christ; toute la fonction publique est réunie dans une caisse de pension, la CPEG. Toute ? Non, la Caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et de la prison résiste toujours et encore à la fusion. Le Conseil d'Etat aussi, mais il paraît que ça va bientôt changer ! (Rires.)
Blague à part, suite à la création de la CPEG, de nombreuses choses ont changé pour tous les fonctionnaires qui y sont affiliés; notamment le fait que les rappels de cotisations ne sont désormais plus cofinancés aux deux tiers par l'Etat employeur, mais pris en charge intégralement par l'employé, et ce de manière facultative et déductible des impôts, comme l'a rappelé l'intervenant précédent. Pour les policiers et les gardiens de prison, l'Etat continue à prendre en charge ces rappels, ce qui représente environ 3 millions de francs par année. Le Conseil d'Etat a souhaité corriger cette inégalité en déposant ce projet de loi. Il faut reconnaître que le département de la sécurité et de l'économie n'a pas fait tout juste: il n'a visiblement pas respecté toutes les étapes de la concertation, qui était indispensable, auprès de la caisse de la police. Nous ne pouvons que le regretter sur la forme. Toutefois, sur le fond, nous sommes favorables à ce projet de loi afin de rétablir une certaine égalité entre diverses catégories de la fonction publique, la grande majorité des fonctionnaires ayant dû faire de grands sacrifices pour assurer la pérennité de leur caisse de retraite, la CPEG. Alors que le Conseil d'Etat a déposé un projet de budget lourdement déficitaire, alors que des mesures sont prises régulièrement sur le dos des plus vulnérables dans notre république, alors que certaines catégories de subsides LAMal sont remises en question, nous estimons que l'effort demandé aux fonctionnaires de police et de prison est raisonnable, et vous engageons à adopter ce projet de loi qui pourra ainsi produire ses effets dès 2018. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien !
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Je suis toujours un peu sceptique quand ce Grand Conseil s'occupe de problèmes liés aux ressources humaines, un secteur qui demande beaucoup de rigueur et de simplicité, alors qu'on tombe assez facilement dans un débat passionnel et surtout corporatiste.
De quoi s'agit-il ? Cette cotisation de rattrapage, telle qu'elle est proposée, amène une égalité de traitement entre les différents fonctionnaires qui servent notre Etat. Si un policier accepte la promotion qui lui est offerte, sa retraite est améliorée s'il accepte aussi le rattrapage. S'il refuse celui-ci, c'est son salaire qui est amélioré et sa retraite qui est légèrement péjorée. Il est gagnant sur le salaire et sur la retraite s'il accepte le grade et s'il refuse le rattrapage. En revanche, s'il accepte le grade et le rattrapage, son salaire est légèrement péjoré pendant une durée limitée, mais sa retraite est nettement améliorée. L'un dans l'autre, le fonctionnaire de police est gagnant. Je vous rappelle tout de même qu'il s'agit d'une catégorie qui n'est pas proche de la misère, puisque le salaire d'entrée en fonction d'un policier avoisine les 7000 F. Dès lors, au nom du groupe démocrate-chrétien, en regard de ces chiffres et au nom de l'égalité de traitement, je vous suggère d'adopter ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG ne votera pas en faveur de ce projet de loi. Il ne paraît pas juste de vouloir faire une égalité dans l'inégalité. Les policiers ne sont pas des fonctionnaires comme les autres... (Remarque.) ...ils ont des fonctions particulières, des horaires particuliers, une retraite particulière, et une caisse de retraite particulière, justement ! Une caisse de retraite qui se porte bien, son taux de capitalisation est supérieur à 100%. Je crois que c'est une fausse bonne idée que de vouloir aller dans le sens du projet de loi. Les exemples donnés précédemment - Monsieur Leyvraz, vous transmettrez à M. Guinchard - sont de la théorie ! Evidemment que si, avec les avancements qui sont un peu automatiques dans la police... Alors bien sûr, peut-être que le policier en question va accepter le grade mais ne fera pas le rattrapage; ou il va le faire à ses frais, et même s'il le déduit des impôts, il sera perdant. Vous ne pouvez pas dire que c'est bonnet blanc, blanc bonnet: non, ce n'est pas bonnet blanc, blanc bonnet, c'est au détriment des policiers, c'est une fausse bonne idée, on n'a pas à aligner la caisse de retraite des policiers sur celle des autres fonctionnaires. (Remarque.) Ce serait une grave erreur. Je vous invite à refuser ce projet de loi et vous en remercie.
Le président. Merci, Monsieur. Est-ce que les rapporteurs veulent encore s'exprimer ? Monsieur Baertschi, vous appuyez un peu tard, mais allez-y.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. On entend beaucoup de choses, beaucoup de contresens, des gens qui se disent amis de la police alors que ce sont ses pires ennemis, ceux qui vont puiser dans le porte-monnaie des policiers, leur enlever leurs acquis. On entend beaucoup de personnes dire qu'on va amener une sorte d'équilibre, ou de bascule, entre l'un et l'autre; on a quelque chose de guilleret, des Bisounours verts qui racontent tout et n'importe quoi, qui mélangent les caisses de pension. On a des gens qui s'amusent à détruire les acquis, la police, qui, objectivement, défendent les criminels... (Protestations.) ...au lieu de motiver les troupes.
Que se passera-t-il si on vote ce texte ? Le policier de base ne pourra pas grader, devenir officier, et pourquoi ? Parce que ça lui coûtera une fortune. (Commentaires.) On est en train de faire un nivellement par le bas... (Protestations.) ...et d'aller chercher des troupes de mercenaires hors du domaine de la police. (Commentaires.) Vous êtes en train de détruire notre Etat social à travers ce gain-là... (Protestations. Commentaires.) ...comme on le fait au travers de la CPEG et d'autres mesures. Cette politique est catastrophique comme elle l'a été dans d'autres domaines, comme elle l'a été pour ConvergenceS, comme elle l'a été pour les policiers municipaux genevois, comme elle le sera encore dans d'autres domaines - on pourrait établir une longue liste de tout ce qui a été mené de manière catastrophique par le PLR et ses alliés d'un jour, l'UDC - sauf M. Lussi - les Verts, dont on ne sait pas trop ce qu'ils sont maintenant... (Protestations.) Je vous demande de refuser cette mauvaise loi, qui est véritablement une catastrophe, parce qu'elle annonce d'autres désastres.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Deux précisions. Je rappellerai que ce n'est pas une spécificité qui avait été accordée à la police, mais une situation valable pour l'ensemble des fonctionnaires et qui a été modifiée, à l'occasion de la fusion des caisses de pension CIA et CEH, pour tous ceux-ci sauf pour la police. Voilà la première précision factuelle. Deuxième précision: je ne peux pas laisser dire que cette proposition empêchera les policiers de grader pour des raisons financières. Ce n'est absolument pas vrai, et ce n'est pas moi qui le dis, mais des représentants syndicaux qui sont venus l'expliquer à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. D'abord, une petite rectification ou un complément: à l'exception notable de Mme la députée Flamand, personne n'a souligné que ce projet de loi touche non seulement les policiers, mais aussi les gardiens de prison. Ce n'est pas une profession moins honorable et cela indique l'ampleur des effectifs concernés. Je me devais de le rappeler ici.
Sur le fond, j'aimerais notamment rassurer le député Sormanni: les «avantages», entre guillemets, ce qui distingue et caractérise la profession de policier, respectivement celle de gardien de prison, sont, à la faveur de la loi sur la police, largement soulignés et rémunérés. Il s'agit de jours de vacances supplémentaires, de la prise en charge totale de l'assurance-maladie - plus la quote-part, plus la franchise, donc tout ce qui l'accompagne - évidemment de la prise en charge des débours, en cours de négociation avec les syndicats, tous éléments qui justifient ce statut particulier. Mais de grâce - et c'est le premier enjeu ici - l'égalité de traitement, rappelée tout à l'heure, peut être un peu plus largement partagée, à un moment où les caisses de pension sont mises à forte contribution - et il faut se rappeler que l'Etat a largement contribué à renflouer la caisse de pension de la police, car si elle bénéficie d'un taux de couverture supérieur à 100%, cela ne tombe pas du ciel. Je n'ai pas constaté par ailleurs, Mesdames et Messieurs, que dans les autres domaines de la fonction publique, personne ne souhaitait être aspiré vers le haut, postuler pour des postes à responsabilités, parce que le rattrapage n'était que partiellement pris en charge par l'Etat ! Je me réjouis de faire avec vous le constat, dans un an, de la transformation de la police en une sorte de groupe autogéré sans aucun cadre - nous verrons, Monsieur Baertschi, si vous aviez raison.
Le deuxième élément a été rappelé tout à l'heure par le député Stauffer, et il est juste: l'enjeu - et il faut se demander là qui soutient vraiment les policiers - est le maintien de la caisse de pension. (Remarque.) Le maintien de celle-ci passe notamment par une série de mesures, peut-être de nature symbolique - vous disiez tout à l'heure que ça touchait les gens, Monsieur Baertschi, vous dites maintenant que c'est symbolique, j'y vois une contradiction - mais le symbole a son importance, et l'égalité de traitement qu'apporte ce petit projet de loi a toute son importance pour le Conseil d'Etat dans son ensemble, par rapport au reste de la fonction publique.
Un dernier mot, Mesdames et Messieurs, parce que c'est important de le souligner aussi: certains d'entre vous ont parlé de négociations avec la police. J'entends être très clair: il n'y a pas de négociations avec la police; la police est une institution incorporée à l'Etat. (Remarque.) La police obéit. Il peut y avoir des négociations avec les syndicats de police. Il se trouve - j'aimerais rassurer nos amis de l'extrême gauche - qu'il y en a et qu'elles se passent bien; elles portent sur la prise en compte de l'assurance-maladie dans le traitement, sur les débours, sur mille et une choses, mais pas là-dessus, pour une raison simple: nous nous sommes mis d'accord avec les syndicats, qui espéraient peut-être obtenir facilement une réponse négative à ce projet de loi et ont exclu celui-ci du périmètre des négociations. Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que ce texte n'entrait pas dans le périmètre des négociations ! Ce soir, nous aurons la réponse: oui ou non, mais soyez certains qu'avec les syndicats, cet élément-là a d'emblée été exclu des négociations qui depuis six mois se déroulent correctement - preuve en est le fait qu'on n'entend plus parler des syndicats, parce que précisément, ils concentrent leur énergie sur ces négociations, ce dont je les remercie.
Vous l'aurez compris, je vous invite, Mesdames et Messieurs, avec le Conseil d'Etat, à approuver ce projet de loi qui est un jalon, qui ne nuit pas à l'ensemble des négociations mais permet très clairement de rétablir une égalité de traitement et par ailleurs de poser le cadre général s'agissant de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et de la prison. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Largement, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 11773 est adopté en premier débat par 53 oui contre 40 non et 1 abstention (vote nominal).
Deuxième débat
Le projet de loi 11773 est adopté article par article en deuxième débat.
Troisième débat
La loi 11773 est adoptée article par article en troisième débat.
Le président. Monsieur Baertschi, est-ce pour le vote nominal ?
M. François Baertschi. Oui, je demande le vote nominal, et je souhaite faire une déclaration.
Le président. Non, Monsieur, c'est terminé. Nous allons donc passer au vote nominal sur l'ensemble de ce projet de loi... (Remarque.)
M. François Baertschi. Il me reste du temps ou pas ? (Remarque.)
Une voix. Oui !
Le président. En principe, après le Conseil d'Etat, on ne s'exprime pas... (Protestations.) ...mais allez-y.
M. François Baertschi. Il n'y a pas de débat !
Le président. Il vous reste deux minutes.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais quand même insister sur un élément, parce que c'est véritablement... Et je crois que certains députés au sein de cet hémicycle n'ont pas compris le sens de ce vote: ce vote va être catastrophique à deux égards, d'abord sur les retraites des fonctionnaires, de tous les fonctionnaires, et les Verts vont subir l'effet boomerang et se retrouver dans une situation difficile - il ne faudra pas venir pleurer. (Remarque.) C'est aussi un vote boomerang pour l'UDC qui s'est laissé piéger par le PLR, une fois de plus, et qui défend et favorise les criminels... (Vives protestations.) ...au lieu de défendre la police ! Il faut assumer, comme pour la politique des grâces... (Protestations. Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. François Baertschi. ...que vous êtes anti-police, comme les électrons libres doivent assumer qu'ils sont contre la police... (Protestations.) ...et arrêter de dire en permanence des contre-vérités. (Commentaires.) Il faut tenir un langage de vérité, et l'heure de vérité est ce soir, on le verra au vote ! (Remarque.) C'est pour cela que je demande le vote nominal.
Le président. Ce vote nominal a été accepté. La parole n'étant plus demandée, nous votons sur l'ensemble de ce projet de loi.
Mise aux voix, la loi 11773 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 40 non (vote nominal).
Débat
Le président. Nous abordons le dernier point du jour, soit la M 2393-A. Ce texte est classé en catégorie II, trente minutes. Tout à l'heure, la lecture du courrier 3698 a été sollicitée; aussi, je laisse le micro à Mme Moyard afin qu'elle puisse y procéder.
Le président. Merci, Madame. La parole est à M. Raymond Wicky.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, il convient de préciser en préambule qu'à aucun moment, la majorité de la commission n'a voulu stigmatiser les collectionneurs d'armes ou les tireurs sportifs, ainsi que cela a été sous-entendu - et même dit ouvertement - lors des travaux. Par contre, cette motion n'a pas trouvé grâce à ses yeux.
Premièrement, quand on lit le titre - «Non à la discrimination: pour une pratique conforme au droit fédéral en matière d'acquisition d'armes par les particuliers !» - on a beaucoup de peine à suivre, pour la simple et bonne raison que l'ordonnance sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions stipule clairement, à son article 16: «L'autorité cantonale compétente peut délivrer un permis donnant droit à l'acquisition de trois armes ou éléments essentiels d'armes au plus, si ceux-ci sont acquis simultanément et auprès du même aliénateur.» Affirmer que la pratique genevoise n'est pas conforme à la législation fédérale est donc absolument faux. Deuxièmement, le motionnaire nous a expliqué qu'une procédure juridique initiée par Pro Tell était en cours, et nous lui avons donc proposé de suspendre les travaux sur ce texte en attendant d'obtenir une réponse du tribunal compétent qui nous permettrait d'y voir plus clair. Au final, la majorité de la commission n'a pas suivi cette motion - sans doute pour des motifs différents en fonction des partis - c'est pourquoi elle vous demande de la rejeter sur le siège aujourd'hui. J'en ai terminé et vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. L'objectif de cette motion est de supprimer une restriction de la loi fédérale qui n'existe qu'à Genève. Le droit supérieur permet d'acquérir jusqu'à trois armes moyennant une seule et unique autorisation, un seul et unique émolument, mais ce n'est pas le cas à Genève, où il en faut une par arme. Lors d'un entretien, M. Maudet a lui-même reconnu que cette pratique pouvait provoquer un surcroît de travail administratif, sans pour autant améliorer la sécurité de la population. On parle là d'armes enregistrées, souvent de collection, de personnes qui remplissent tous les prérequis pour obtenir un permis d'achat d'armes... (Remarque.) ...et celles-ci sont connues, commercialisées par un vendeur au bénéfice de toutes les autorisations adéquates. Il ne s'agit pas de trafic d'armes, de marché noir ou d'acquisition à des fins illicites.
La restriction genevoise, comme le mentionne l'association Pro Tell, forte de 10 000 membres - oui, forte de 10 000 membres ! - oblige les collectionneurs d'armes à payer inutilement trois émoluments. Elle est appliquée uniquement dans notre canton et n'apporte ni avantage ni amélioration. Pourtant, une telle tracasserie administrative concerne beaucoup de monde: 20 000 tireurs sportifs sont inscrits dans une société ! Après le football, c'est l'activité sportive qui bénéficie du plus grand nombre de pratiquants à Genève. Si on ajoute à cela les multiples collectionneurs, on réalise que le tir et la collection d'armes sont très populaires à Genève. Or, les faits le prouvent, ces deux types d'adeptes ne créent aucun problème de sécurité.
Je le répète: notre canton est le seul à appliquer cette restriction. Pour ces raisons, je vous recommande d'accepter cette motion. Merci de votre attention.
M. François Lefort (Ve). Cette motion demande la modification d'une pratique cantonale sous prétexte qu'elle constituerait une infraction à la loi fédérale sur les armes. A Genève, en effet, on est limité à une seule arme par acte d'achat, alors que la législation fédérale en autorise jusqu'à trois simultanément. En regard d'actualités récentes, cette restriction - qui n'est pas appliquée dans les autres cantons - laisserait à penser qu'il n'est pas complètement stupide de réguler l'acquisition compulsive et massive d'armes à feu.
Comme cela a été rappelé par le rapporteur de majorité, l'article 16 de l'ordonnance sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions, intitulé «Acquisition exceptionnelle de plusieurs armes ou de plusieurs éléments essentiels d'armes au moyen d'un permis d'acquisition d'armes», stipule que l'autorité cantonale compétente peut délivrer un permis donnant droit à l'achat de trois armes. Elle peut le faire, elle n'y est en rien obligée, voilà ce que dit le droit fédéral ! Il n'est pas obligatoire de souscrire au maximum, c'est-à-dire à trois armes simultanément, donc la pratique genevoise n'enfreint pas du tout la législation fédérale, ainsi que voudraient nous le faire penser les motionnaires. Le droit supérieur n'oblige personne à vendre simultanément trois armes si un citoyen veut s'en procurer une seule ! Voilà ce que je souhaitais, dans un premier temps, répondre aux allégations des motionnaires.
Quant à leurs revendications, à savoir que cette application mesurée de l'ordonnance fédérale sur les armes à Genève nuirait aux tireurs sportifs ou aux collectionneurs, eh bien nous en restons pantois, nous n'imaginions pas qu'il existait, parmi les 20 000 tireurs sportifs ou parmi les collectionneurs, des gens désireux d'acheter souvent et simultanément trois armes à feu ! Nous en restons pantois et même un peu inquiets, parce que si cette population était si nombreuse qu'il en faille modifier la pratique genevoise, alors ce serait peut-être le chemin vers ces faits divers qui nous ont récemment glacé le sang, ces massacres survenus pour la bonne raison qu'il était possible et légal d'acheter des armes en masse.
En effet, il est des pays où on peut acheter beaucoup plus que trois armes en même temps - c'est justement le cas des Etats-Unis, où a eu lieu la tuerie de Las Vegas - et c'est bien ça, le problème ! Ce n'est pas le trafic d'armes, c'est le fait qu'on puisse, dans certains endroits, se procurer un très grand nombre d'armes à la fois. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Or ce n'est pas le cas à Genève, ce n'est pas le cas en Suisse non plus, d'ailleurs.
Revenons à la raison: la pratique genevoise est non seulement en tout point légale et conforme au droit supérieur - c'est une chose qu'il faut répéter - mais elle nous protège, Mesdames et Messieurs les députés. Nul doute que les très nombreux tireurs sportifs - on nous dit qu'ils seraient 20 000 dans notre canton - et collectionneurs s'en accommodent fort bien, nous ne pensons pas qu'ils aient vraiment envie d'acheter trois armes en même temps. Non, cette application mesurée nous convient, et nous refuserons évidemment cette motion qui est un peu... Comment dirais-je ?
Une voix. Stupide !
M. Bernhard Riedweg (UDC). A Genève, 129 000 armes à feu privées sont enregistrées, qui se trouvent dans des maisons et des coffres-forts, et appartiennent essentiellement à des collectionneurs. Celles à disposition dans les clubs de tir et dans les fourreaux des quelque 1770 agents de sécurité armés viennent compléter cette statistique. Qu'il s'agisse de pistolets et de revolvers, de fusils et de carabines, on recense une arme pour quatre résidents, ce qui fait quatre fois plus d'armes privées que de chiens de compagnie ! (Exclamations.) Comme le prouvent les faits, ces armes ne posent pas de problème pour la sécurité.
La grande majorité des propriétaires d'armes disposent seulement d'un permis d'acquisition, pas d'un permis de port d'arme, celui-ci n'étant délivré que de manière parcimonieuse à ceux qui justifient d'une menace concrète, à l'instar des agents de sécurité privée. Le permis d'acquisition exige que l'arme soit transportée déchargée; parmi ses détenteurs figurent ceux qui ont conservé leur fusil à la libération de leurs obligations militaires, les collectionneurs et les tireurs sportifs.
Il faut savoir que notre relation aux armes provient en grande partie de notre armée de milice, qui est un élément constitutif de l'identité helvétique, puisque la Suisse, tout comme Genève, a toujours été une république. Dans le cadre de l'école de recrue, des tirs obligatoires et des cours de répétition, le soldat est amené à considérer l'arme non pas comme un objet, mais comme un prolongement de lui-même à entretenir avec soin. (Exclamations.) L'Union démocratique du centre... (Exclamations.) ...demande que lorsqu'un citoyen genevois souhaite acquérir des armes à feu, la législation fédérale soit appliquée par le département. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo ! (Exclamation.)
Le président. «Sur nos monts, quand le soleil...» ! Monsieur Bandler, c'est à vous.
M. Marko Bandler (S), député suppléant. Je vous remercie, Monsieur le président. (L'orateur rit.) Vous m'excuserez, je suis encore un peu sous le choc après les propos de mon préopinant...
Une voix. Mais non !
M. Marko Bandler. Etant moi-même un ancien grenadier de montagne volontaire, je n'ai jamais considéré mon fusil comme un quelconque prolongement de moi-même - vous lui transmettrez, Monsieur le président ! (Rires.)
Cela étant dit, je reviens sur les deux aspects qui nous intéressent s'agissant de cette motion. Le premier est d'ordre juridique, légal, et il me semble que les motionnaires n'ont toujours pas compris ce qu'il en était puisque - cela a déjà été rappelé à réitérées reprises, mais je le répète car plus on le dit, plus le message sera audible - l'article 16 n'autorise pas tout un chacun à se porter acquéreur de trois armes à la fois, il autorise le canton à délivrer, s'il le souhaite, un permis d'acquisition, et là réside toute la différence.
Deuxièmement, sur la nature politique de cette motion - je ne veux pas y revenir trop longuement, ma foi, on a les combats qu'on mérite - je suis personnellement heureux que notre canton fasse preuve de prudence et d'une politique plutôt restrictive quant aux procédures d'acquisition d'armes. Dans leur argumentaire, les motionnaires font comme si de rien n'était, considérant finalement les armes comme des produits de consommation courante. A les entendre, sous prétexte qu'il y a de nombreux tireurs sportifs dans notre canton - c'est vrai, visiblement, les chiffres sont là - il conviendrait de faciliter l'achat des armes à feu. Ce discours me choque quelque peu. Soulignons qu'il y a également un grand nombre d'amateurs de sport automobile ou encore de vin - c'est par exemple mon cas - et ce n'est pas forcément pour ça que M. Barthassat va supprimer les limitations de vitesse en ville ou qu'on doit mener une politique plus libérale en matière de vente d'alcool.
Il faut faire comprendre aux motionnaires et à l'UDC que dans une démocratie comme la nôtre - je les sais très attachés à ce terme - les libertés doivent parfois être limitées lorsqu'il existe un risque. Or je n'accepterais pas qu'on me dise que la prolifération des armes telle qu'elle peut se produire - j'entends qu'on dénombre une arme pour quatre résidents à Genève ! - constitue un risque zéro pour la sécurité de la population. Au contraire, j'estime - et je ne suis sûrement pas le seul - que plus on multipliera le nombre d'armes dans la nature, plus on augmentera les risques, quelle que soit la culture civique ou militaire, que mon préopinant a rappelée, que nous avons dans ce pays. La pratique genevoise est saine et réfléchie et, à l'instar du groupe socialiste, Mesdames et Messieurs, je vous propose de rejeter vigoureusement cette motion. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Christian Flury (MCG). Encore une Genferei administrative ! Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le tir, que ce soit au fusil ou au pistolet, constitue une discipline olympique. D'ailleurs, Heidi, une de nos tireuses suisses dont j'ai oublié le nom de famille, a remporté une médaille de bronze à Rio dans la catégorie «pistolet à 25 mètres». Pour obtenir de bons résultats, ce sport exige, en sus de la technique, une bonne condition physique, de la concentration et une maîtrise de soi.
Les collectionneurs d'armes, Mesdames et Messieurs, sont des gens comme vous et moi, bien dans leur peau, bien dans leur tête. Bon, c'est clair qu'on les trouvera plutôt de ce côté-ci ou au fond de l'hémicycle que sur les bancs d'en face, quoique... Si chaque soldat suisse possède chez lui son arme de service, souvent un fusil capable de tirer en rafale, les armes de collection se trouvent généralement dans des coffres-forts.
Celui ou celle qui désire acheter une arme ou un élément essentiel de cette dernière - le permis couvre également l'achat de canons, de détentes, etc. - doit s'adresser à la police genevoise, lui transmettre un extrait du casier judiciaire daté de moins de trois mois pour prouver que c'est un honnête citoyen sans problèmes avec la justice et demander un permis d'acquisition d'armes. La législation fédérale stipule clairement, à l'article 16 de l'ordonnance sur les armes: «L'autorité cantonale compétente peut délivrer un permis donnant droit à l'acquisition de trois armes ou éléments essentiels d'armes au plus, si ceux-ci sont acquis simultanément et auprès du même aliénateur.» Ce permis comprend trois copies: une pour le vendeur, une pour l'acheteur et une qui retourne au service des armes qui pourra procéder à l'enregistrement, l'essentiel étant que l'autorité compétente sache quelle arme se trouve chez qui.
Or le canton de Genève ne reconnaît pas la possibilité d'acquérir trois armes ou éléments essentiels d'armes auprès d'un privé, il la réserve aux seuls armuriers. Par exemple, je veux acheter un pistolet 9 millimètres Parabellum et j'ai besoin de deux éléments essentiels avec, soit un canon 7.65 et une culasse à un canon .22 Long Rifle; si je vais chez M. Baud, armurier, je peux les obtenir avec un seul permis, mais si je vais chez mon voisin collectionneur, eh bien je devrai payer pour trois permis différents. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il s'agit là d'une tracasserie administrative inadmissible et discriminatoire, que seul le canton de Genève impose aux tireurs sportifs et collectionneurs.
Cette motion demande au Conseil d'Etat de faire en sorte que les pratiques cantonales soient en conformité avec le droit fédéral. Le Mouvement Citoyens Genevois sollicite d'abord un renvoi en commission afin que celle-ci puisse procéder aux auditions qui y ont été refusées et, si tel ne devait pas être le cas, nous soutiendrons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Très bien !
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Au vu du caractère passionné des débats, Mesdames et Messieurs, j'indique à toutes fins utiles que ni le rejet ni l'adoption de la motion n'auront de quelconque incidence sur la sécurité. Je regrette de ne pas avoir été reçu en commission afin d'expliquer les tenants et aboutissants d'une pratique au demeurant conforme à la législation fédérale, donc si vous y renvoyez ce texte, ça ne me gêne absolument pas, ce sera l'occasion de faire une mise à jour s'agissant des dispositions Schengen qui vont toucher la Suisse l'année prochaine. Peut-être pourra-t-on poursuivre cet intéressant débat, démêler les tenants - qui ne sont pas des tracasseries administratives, je le précise - et aboutissants, et enfin pacifier quelque peu la situation !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et lance le vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2393 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 55 oui contre 30 non.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous en avons terminé pour aujourd'hui ! Je vous souhaite une excellente fin de soirée et vous donne rendez-vous demain à 14h pour les extraits.
La séance est levée à 22h40.