Séance du
jeudi 2 mars 2017 à
14h
1re
législature -
3e
année -
13e
session -
76e
séance
PL 11222-B
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 11222-B qui est classé en catégorie II, quarante minutes. La parole revient au rapporteur de majorité, M. Christian Dandrès.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous entamons le deuxième volet de ce projet de loi, qui avait été déposé en 2014 pour une raison assez simple: avec l'entrée en vigueur du revenu déterminant unifié, il n'était plus possible pour les personnes au bénéfice de prestations complémentaires d'obtenir en plus des allocations logement. Cette lacune dans le dispositif a engendré des difficultés pour les personnes concernées puisque les barèmes prévus par le service des prestations complémentaires pour les logements sont trop faibles par rapport à la réalité du marché. En deux mots, voici les montants des loyers retenus par les barèmes PC: 1100 F charges comprises pour une personne seule et 1250 F pour les couples et familles, alors que si on se penche sur la statistique cantonale pour 2016, on constate qu'on est à 1194 F sans les charges pour un appartement de deux pièces et pas loin de 2500 F pour un appartement familial de cinq pièces, toujours sans les charges.
Une fois déposé, ce projet de loi a été traité en commission, et M. Longchamp - autrefois président du département concerné - s'est montré sensible à la question, non pas sur le fond du problème mais sur le fait qu'un certain nombre d'administrés n'avaient pas été informés de ce changement et se retrouvaient ainsi, par la faute de l'administration, dans une situation très difficile. Il a donc modifié la situation par voie réglementaire pour un nombre restreint de personnes et a prolongé le bénéfice du cumul pendant deux ans.
Mais le problème reste entier, le chantier est toujours ouvert à propos des prestations complémentaires, tant au niveau cantonal que fédéral. Vous avez sans doute constaté que les autorités fédérales ont refusé de modifier les barèmes des PC, ce qui fait que ce projet de loi demeure d'actualité. Je précise que le projet qui vous est soumis aujourd'hui est issu d'un compromis puisqu'un amendement UDC a été accepté en commission, qui permet d'étendre le cumul pour toutes les personnes remplissant les conditions de l'allocation logement et des prestations complémentaires, mais pendant une durée limitée. Je vous remercie.
Présidence de Mme Christina Meissner, première vice-présidente
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Pour l'essentiel, ce qui a été dit par le rapporteur de majorité est exact, sous réserve de quelques points sur lesquels je me permets de revenir. D'abord, ce qui a été corrigé par le Conseil d'Etat, c'est le défaut d'information du département s'agissant de baux conclus entre 2005 et 2013. Le Conseil d'Etat, probablement unanime, est intervenu par voie réglementaire pour les personnes concernées sur une période transitoire de trois ans.
Le champ n'est pas restreint - et c'est là où j'ai une divergence avec mon préopinant - il est entier pour tous ceux qui ont été victimes d'un défaut d'information. Ce projet de loi revient sur le champ du défaut d'information et étend un régime transitoire pour les gens qui n'avaient pas fait l'objet d'un défaut d'information antérieurement à l'année 2005; mais il ne l'étend pas postérieurement à l'année 2013. En réalité, on va créer une inégalité de traitement en faveur de plusieurs personnes au motif que les barèmes ne sont pas bons, alors que ce projet de loi ne corrige en rien les barèmes, il propose un régime transitoire.
La deuxième chose différente d'avec le régime transitoire voulu par le Conseil d'Etat, c'est sa durée. Le régime transitoire voulu par le Conseil d'Etat pour combler le défaut d'information du département entre 2005 et 2013 était d'une durée de trois ans et a donc cessé le 31 mars 2016. Ce régime transitoire n'existe plus, et on aimerait aujourd'hui le recréer ex nihilo depuis ce 31 mars 2016 - il est clair que le projet de loi date de bien avant, c'est juste aussi de le dire - pour des gens qui n'ont plus perçu ces indemnités depuis 2013, et cela n'est pas acceptable. Voilà les divergences qui nous conduisent à d'autres conclusions que celles du rapport de majorité.
M. Christo Ivanov (UDC). Comme l'a dit le rapporteur de majorité, un défaut important d'information de la part de l'Etat a été constaté, portant notamment sur des baux signés entre 2005 et 2013. Cela a été corrigé par une disposition réglementaire, soit l'article 91 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires. Lors du traitement de ce projet de loi à la commission du logement, le groupe UDC l'avait accepté; suite au vote de la disposition réglementaire, il est devenu obsolète. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, nous vous encourageons à le refuser. Je vous remercie.
Mme Irène Buche (S). J'aimerais juste resituer les choses s'agissant de l'origine de ce projet de loi. De qui parle-t-on ? On parle de bénéficiaires de rentes AVS et AI qui, par définition, disposent de revenus limités et ont donc droit à des prestations complémentaires fédérales et cantonales. On en revient au problème central des barèmes, à savoir que ceux-ci sont trop bas pour le marché locatif genevois; aussi, les personnes qui n'ont plus droit à l'allocation logement ou à la subvention personnalisée doivent prendre sur leur minimum vital pour s'acquitter partiellement de leur loyer. Voilà ce qu'il faudrait corriger.
Nous sommes bien conscients qu'on ne va pas le faire par le biais de ce projet de loi, mais il faut à tout le moins voter l'amendement proposé par l'UDC en commission - je m'étonne d'ailleurs que ce parti refuse le projet aujourd'hui - afin que ces personnes puissent bénéficier d'une période complémentaire, la plupart d'entre elles n'ayant pas trouvé de nouveau logement abordable. Certaines familles se serrent la ceinture depuis des années, ce qui n'est pas admissible pour des rentiers AVS et AI. Je vous demande donc, chers collègues, de voter ce projet de loi tel que sorti de commission. Merci.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, on parle d'un régime transitoire, ce projet de loi est de nature technique. Certes, Monsieur Aellen, il n'est pas parfait, je suis d'accord avec vous, mais on ne peut pas demander à une population bénéficiaire de rentes AVS et AI d'essuyer les plâtres dans ce genre de domaine, quand bien même l'administration n'aurait pas fait son devoir d'information. En l'état, le parti démocrate-chrétien soutiendra ce projet de loi qui amène une plus-value de l'ordre de 500 000 F par année sur les deux prochains exercices par rapport au texte initial.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. J'entends ce qui a été dit notamment par le représentant du PDC, mais j'aimerais insister sur le fait qu'il faut vraiment avoir conscience de ce dont on parle: il s'agit de faire revivre, à compter de l'adoption éventuelle de cette loi et jusqu'en 2020, un régime transitoire qui a disparu, qui avait été institué pour corriger une erreur et éviter de faire payer ces gens-là ! Ce n'est pas un problème de barème; la question du barème est un problème en soi dont on pourrait discuter, mais ce projet de loi n'agit pas sur les barèmes. En réalité, on va créer parmi les prestataires de rentes complémentaires des régimes très différents qui ne sont justifiés par rien, qui étaient justifiés jusqu'alors uniquement par un défaut d'information de l'Etat. Selon le principe de la bonne foi, il était normal qu'on corrige cette lacune, mais recréer une nouvelle forme d'injustice auprès d'autres bénéficiaires n'a vraiment pas de sens, et je ne comprends pas du tout la position du PDC sur ce point.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Je ne pense pas qu'on puisse parler d'injustice: ce projet bénéficiera à des personnes qui, aujourd'hui encore, se trouvent dans une situation qui n'est objectivement pas acceptable. Les prestations complémentaires visent à assurer une dignité à des gens disposant de retraites trop faibles en leur permettant d'atteindre un minimum vital qui soit communément considéré comme admissible dans notre pays. Or aujourd'hui, en raison de cette lacune dans la loi, certaines personnes se retrouvent dans des situations de grande pauvreté, et ce n'est pas admissible ! Si les personnes remplissent les conditions d'allocations logement et pourraient ainsi entrer dans le champ d'application de cette loi, c'est parce qu'aujourd'hui encore, elles se trouvent dans cette situation qui n'est de loin pas satisfaisante.
Certes, il s'agit d'un pis-aller, car le projet initial allait beaucoup plus loin, mais une majorité s'est dessinée, notamment avec l'UDC, pour économiser de l'argent, parce que modifier les barèmes aurait coûté des dizaines de milliers de francs. Ce projet doit être voté, et charge ensuite au Conseil d'Etat de faire en sorte que les personnes qui devraient en bénéficier trouvent chaussure à leur pied, c'est-à-dire un logement qui entre dans les barèmes PC. Je pense que ce projet doit être accepté. Si les personnes en bénéficient aujourd'hui, c'est qu'elles n'ont toujours pas trouvé de solution de relogement et, partant, l'intérêt reste entier.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je lance le vote sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11222 est adopté en premier débat par 49 oui contre 31 non et 1 abstention.
Le projet de loi 11222 est adopté article par article en deuxième débat.
Mis aux voix, le projet de loi 11222 est rejeté en troisième débat dans son ensemble par 42 non contre 39 oui.