Séance du vendredi 13 novembre 2015 à 17h
1re législature - 2e année - 10e session - 66e séance

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, et Pierre Maudet, conseiller d'Etat, ainsi que Mme et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Thomas Bläsi, Frédéric Hohl, Philippe Morel, Jean-Charles Rielle, Pierre Ronget et Francisco Valentin.

Députés suppléants présents: Mme et MM. Christian Decorvet, Jean-Charles Lathion, André Pfeffer, Charles Selleger, Alexandre de Senarclens et Marion Sobanek.

Annonces et dépôts

Le président. La commission du logement demande un préavis à la commission des travaux sur le projet de loi 11718 modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses. Il en est pris acte. La commission des travaux devra rendre son préavis d'ici au 29 février 2016.

Questions écrites urgentes

Le président. Vous avez trouvé sur vos places les questions écrites urgentes suivantes:

Question écrite urgente de M. François Baertschi : Prothèses dentaires : quels contrôles et quelles garanties pour les patients ? (QUE-383)

Question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : Toutes et tous ne sont pas égaux devant la loi ! (QUE-384)

Question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : Quel est le revenu des membres du ministère public ? (QUE-385)

Question écrite urgente de M. Jean-François Girardet : L'écoquartier des Vergers à Meyrin doit-il se contenter des bonnes intentions du Conseil d'Etat ? (QUE-386)

Question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : Caisse de prévoyance du ministère public, qui finance quoi et combien ?! (QUE-387)

Question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : Economie pour toutes et tous : sommes-nous tous égaux ? (QUE-388)

Question écrite urgente de M. Bertrand Buchs : Médecin cherche clinique pour ses assurés de base (QUE-389)

Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Quai des Bergues : sauvons les entreprises et les commerces ! (QUE-390)

Question écrite urgente de M. Boris Calame : Bureau de la médiation administrative : non-réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente 365, mais de qui se moque-t-on ? (QUE-391)

Question écrite urgente de M. François Lefort : Décharge bioactive à Genthod, décharges de gravats à Collex-Bossy et Bellevue : le Conseil d'Etat pourrait-il nous éclairer sur ces projets étranges ? (QUE-392)

Question écrite urgente de Mme Frédérique Perler : Engagement de personnes titulaires de permis F et B réfugié aux HUG, qu'en est-il précisément ? (QUE-393)

Question écrite urgente de Mme Béatrice Hirsch : Comment le DIP compte-t-il répondre aux contre-vérités des syndicats des enseignants et les empêcher de prendre nos enfants en otage politique ? (QUE-394)

Question écrite urgente de M. Romain de Sainte Marie : RIE III, quelques précisions concernant les communes ? (QUE-395)

Question écrite urgente de M. Serge Hiltpold : Distribution de tracts syndicaux aux parents d'élèves et blâme d'une enseignante ne faisant pas la grève : que fait le DIP ? (QUE-396)

Question écrite urgente de M. Rémy Pagani : Que se passe-t-il dans ces boîtes noires que sont les Ports Francs et plus particulièrement à Genève ; aurions-nous affaire à de la soustraction aux obligations fiscales envers la Confédération et le canton ? (QUE-397)

Question écrite urgente de Mme Frédérique Perler : Point de situation concernant les personnes logées dans les abris de la protection civile (QUE-398)

Question écrite urgente de M. Thomas Wenger : Des dizaines de millions à portée de main ? (QUE-399)

Question écrite urgente de M. Roger Deneys : Durées des allocations de retour en emploi (ARE) réduites - illégalement ? - par le Conseil d'Etat : de nouvelles économies faites sur le dos des chômeurs genevois ? (QUE-400)

Question écrite urgente de M. Roger Deneys : Déclassement des Cherpines : comment et pourquoi le Conseil d'Etat a-t-il présenté sans concertation une augmentation de 30% du nombre de logements à bâtir ? (QUE-401)

QUE 383 QUE 384 QUE 385 QUE 386 QUE 387 QUE 388 QUE 389 QUE 390 QUE 391 QUE 392 QUE 393 QUE 394 QUE 395 QUE 396 QUE 397 QUE 398 QUE 399 QUE 400 QUE 401

Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.

Questions écrites

Le président. Vous avez également trouvé sur vos places la question écrite suivante:

Question écrite de M. Boris Calame : Pour une réévaluation de la dette de la République et canton de Genève / Emprunter et investir pour [mieux] économiser ? (Q-3763)

Q 3763

Le président. Cette question écrite est renvoyée au Conseil d'Etat.

QUE 369-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Jean Romain : Pourquoi les premières années du secondaire II ne sont-elles plus tenues de participer à la Cité des Métiers ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 369-A

QUE 370-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Christina Meissner : Direction générale de la nature et du paysage, que se passe-t-il ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 370-A

QUE 371-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Bénédicte Montant : Assistance au suicide à Genève : quelle est la situation à Genève ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 371-A

QUE 372-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Sarah Klopmann : Est-il bien raisonnable de conditionner le virement d'un don conséquent au domaine culturel à la résolution d'un différend administratif mineur ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 372-A

QUE 373-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Romain de Sainte Marie : RIE III, quels choix pour quelles conséquences ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 373-A

QUE 374-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Jean-Marc Guinchard : La préretraite est-elle un bon prétexte pour toucher le chômage?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 374-A

QUE 375-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Sarah Klopmann : Règlement d'application de la LRDBHD : un peu de transparence, c'est possible ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 375-A

QUE 376-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Lisa Mazzone : Quelle est la position du Conseil d'Etat sur la révision partielle 1+ de la loi fédérale sur l'aviation ainsi que sur le projet de rapport du Conseil fédéral sur la politique aéronautique ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 376-A

QUE 377-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Quelles garanties lors de la remise de droits de superficie sur des terrains du canton ou de la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l'habitat coopératif (FPLC) ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 377-A

QUE 378-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Protection des sources et données de l'Etat de Genève

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 378-A

QUE 379-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Le Conseil d'Etat accepte-t-il l'incompatibilité de fonction ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 379-A

QUE 380-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Salima Moyard : Quand le Conseil d'Etat comptera-t-il respecter la loi en vigueur concernant la médiation administrative ? Y a-t-il deux poids deux mesures entre les différents domaines d'activités de l'Etat ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 380-A

QUE 381-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Lisa Mazzone : Les conclusions sur la performance environnementale de l'Etat de Genève déplairaient-elles au Conseil d'Etat ?

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 381-A

QUE 382-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Lydia Schneider Hausser : Enquêtes pénales et poste à responsabilité dans l'administration cantonale

Annonce: Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 17h15

Cette question écrite urgente est close.

QUE 382-A

Q 3758-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Jean-Michel Bugnion : Ne faut-il pas soutenir davantage la passerelle Dubs ?
Q 3759-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Michel Ducret : Surcoûts du CEVA : l'admissible et l'inadmissible
PL 11408-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Ronald Zacharias, Eric Stauffer, Thierry Cerutti, Jean-Marie Voumard, Pierre Weiss, Cyril Aellen, Antoine Barde, Henry Rappaz, Raymond Wicky, Christo Ivanov, Benoît Genecand, André Python, Jacques Béné, Francisco Valentin, Pascal Spuhler, Christian Flury, Bénédicte Montant, Lionel Halpérin, François Baertschi, Bernhard Riedweg, Daniel Zaugg modifiant la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) (LDTR) (L 5 20) (Plus de liberté pour les locataires)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 12, 13 et 19 mars 2015.
Rapport de majorité de Mme Bénédicte Montant (PLR)
Rapport de minorité de Mme Irène Buche (S)

Deuxième débat

Le président. Nous reprenons nos travaux sur le PL 11408, dont nous avons voté le premier débat hier soir, et abordons le deuxième débat. Trois amendements ont été déposés, que je vais vous lire avant d'ouvrir les discussions. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par Mme Caroline Marti pour le groupe socialiste, qui consiste à remplacer, dans le titre, l'intitulé «(Plus de liberté pour les locataires)» par «(Plus de liberté pour les propriétaires immobiliers)». Voici ensuite le premier amendement à l'article 39, de M. Olivier Cerutti:

«Art. 39, al. 3 (abrogé) et al. 4, let. e (nouvelle teneur)

e) est acquis par un locataire souhaitant librement acheter l'appartement qu'il occupe effectivement depuis 5 ans au moins et à qui la teneur de l'article 271a, alinéa 1, lettre c CO (protection contre le congé-vente) a été notifiée. Dans ce cas, le prix de vente du mètre carré PPE ne peut dépasser 6900 F, montant indexé annuellement à l'indice genevois des prix à la consommation, et les locataires restant dans l'immeuble doivent également obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir.»

Enfin, la teneur du second amendement au même article, émanant du parti socialiste, est la suivante:

«Art. 39, al. 3 (abrogé) et al. 4, let. e (nouvelle teneur)

e) est acquis par un locataire souhaitant librement acheter l'appartement qu'il occupe effectivement depuis 5 ans au moins, au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée non résilié au moment de la vente et à qui la teneur de l'article 271a, al. 1, let. c CO (protection contre le congé-vente) a été notifiée.

Dans ce cas, le prix de vente au mètre carré PPE doit correspondre au besoin prépondérant d'intérêt général mais ne peut pas dépasser 6900 F, montant indexé annuellement à l'indice genevois des prix à la consommation.

Le logement acheté doit être occupé par son propriétaire, sauf justes motifs agréés par le département. Sont notamment considérés comme des justes motifs les circonstances imprévisibles au moment de l'acquisition du logement, soit, notamment, le divorce des acquéreurs, le décès, la mutation temporaire dans un autre lieu de travail ou un état de santé ne permettant plus le maintien dans le logement.

En cas de revente dans les 10 ans qui suivent l'acquisition, le prix du mètre carré PPE est calculé selon les critères prévus au paragraphe 2.

Si le logement est loué par l'acquéreur dans les 10 ans qui suivent l'acquisition, son aliénation ne peut en principe plus être autorisée, durant la même période, en application de l'article 39, al. 4, let. d, de la présente loi.

Afin de prévenir le changement d'affectation progressif d'un immeuble locatif, le requérant doit obtenir que 60% des locataires en place acceptent formellement cette acquisition. Les locataires restant dans l'immeuble devront obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir.»

La parole revient à Mme Caroline Marti.

Mme Caroline Marti (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme on a pu le constater hier au cours du premier débat, vous avez la majorité pour accepter ce projet de loi: vous pouvez, et je ne peux que le déplorer, démanteler la protection des locataires, permettre le retour des congés-vente, augmenter l'incertitude et de ce fait la précarité des locataires dans notre canton, vider le parc locatif et laisser des milliers de ménages sur le carreau, accélérer la «gentrification» galopante des quartiers du centre-ville de même que continuer à défendre les intérêts privés des propriétaires immobiliers et des locataires les plus fortunés au détriment de tous les autres. Vous en assumerez les conséquences et le peuple tranchera, car référendum il y aura.

Le groupe socialiste a décidé de déposer... (Commentaires.)

Des voix. Chut !

Mme Caroline Marti. ...un amendement pour modifier le titre. Hier, on a parlé sémantique - M. Lefort l'a d'ailleurs très bien fait. En effet, ainsi que je l'ai déjà dit, offrir une liberté aux locataires qui n'auront pas les moyens financiers d'en faire usage, pour une très grande majorité d'entre eux, ce n'est pas leur offrir une vraie liberté. Mais cela va plus loin: le seul qui verra une augmentation de sa liberté par le biais de ce projet de loi, c'est le propriétaire, puisque c'est lui qui pourra décider de vendre ou non son bien. Laisser cette loi partir en votation populaire avec le titre qui est le sien actuellement, c'est-à-dire «Plus de liberté pour les locataires», c'est purement et simplement mensonger, c'est chercher à induire en erreur le corps électoral de notre canton, ce qui est une grave attaque de notre système de démocratie directe. Mesdames et Messieurs les députés, si vous décidez ce soir de flinguer la protection des locataires, ayez au moins la décence de préserver la démocratie ! C'est pour ces raisons que je vous demande, au nom du groupe socialiste, d'accepter cet amendement. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Les rapporteurs souhaitent-ils s'exprimer sur l'amendement maintenant ? (Remarque.) A la fin du débat ? Très bien, alors je passe la parole à M. François Lefort.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant des amendements, nous avons déjà dit hier soir que nous soutiendrons celui de Mme Marti visant à remplacer le titre actuel de ce projet de loi, à savoir «Plus de liberté pour les locataires», par «Plus de liberté pour les propriétaires immobiliers», ceci uniquement par souci de vérité face à la population, car tel doit être le vrai titre de ce projet de loi. Quant à l'amendement de M. Cerutti, nous avons aussi déjà annoncé hier soir que nous le refuserions parce que sa tournure alambiquée demanderait une séance de mise en conformité légistique afin d'être rendue compréhensible. Nous avons tout de même fait des efforts pour le comprendre... (Remarque.) Oui, Monsieur Zacharias, nous avons fait des efforts, nous en sommes capables ! Nous comprenons que cet amendement réduit considérablement le champ du projet de loi. En effet, cette limite maximum de 6900 F le mètre carré PPE fait que cela ne concernera que les appartements dont le prix est inférieur, soit par exemple 690 000 F pour un appartement de 100 mètres carrés; au final, cela ne fait pas beaucoup d'appartements, mais certainement des appartements à bas loyer dans de vieux immeubles, occupés depuis longtemps par des personnes âgées ou à bas revenu. Et vous croyez vraiment, Mesdames et Messieurs les députés, que la population cible de cette nouvelle version du projet de loi aura les moyens d'acheter son appartement ? Non, bien sûr ! Pour notre part en tout cas, nous ne le croyons pas. Au contraire, cette population sera soumise à toutes les pressions pour quitter les appartements qu'elle occupe puisqu'elle ne pourra pas les acheter, ceci malgré la protection mentionnée dans l'amendement, à savoir le recours à l'article 271 du code des obligations.

Concernant maintenant le dernier amendement reçu aujourd'hui de la part de Mmes Marti et Buche ainsi que de M. Dandrès, qui reprend la limite maximale de 6900 F le mètre carré PPE, il introduit suffisamment de sauvegardes, qui sont d'ailleurs définies par analogie avec le projet de loi Longchamp et permettent de protéger le locataire. Nous soutiendrons évidemment cet amendement en raison des protections supplémentaires qu'il prévoit par rapport à l'amendement de M. Cerutti, et s'il était accepté, nous voterions cette loi au champ considérablement réduit et qui protégerait davantage le locataire face aux risques de congé-vente. Dans tous les autres cas, nous refuserions ce texte et, comme nous vous l'avons annoncé hier, ferions partie du comité référendaire et vous donnerions rendez-vous au référendum.

M. Eric Stauffer (MCG). Je serai bref, Mesdames et Messieurs les députés. Hier soir, on a entendu beaucoup de bêtises provenant de la gauche, comme M. Pagani disant que lorsque les taux d'intérêt augmenteront, ceux qui auront acheté leur appartement ne pourront plus les payer. Laissez-moi rétorquer que si les taux d'intérêt augmentent, les locataires voient leur loyer augmenter également parce que ça figure dans la loi; malheureusement, à l'inverse, quand il y a des baisses, on n'en profite pas forcément en tant que locataire - et je sais de quoi je parle car j'en suis un, je ne suis pas propriétaire.

Toute l'intelligence de ce projet de loi réside dans ceci, Mesdames et Messieurs, et je vais vous donner un exemple concret: M. Alvarez - c'est un nom fictif, je m'excuse s'il existe - est concierge aux Eaux-Vives, sa femme travaille à mi-temps, leur revenu commun est de 8000 F et ils louent un cinq-pièces pour 1800 F ou 2000 F par mois; s'il avait la possibilité de l'acheter, avec le projet de loi qu'on vous soumet aujourd'hui, M. Alvarez ne paierait pas plus de 1250 F et serait propriétaire de son appartement ! C'est bien là tout l'objectif du projet de loi, à savoir de rendre la propriété accessible à des gens de la classe moyenne à qui la gauche fait payer des loyers leur vie durant afin qu'ils ne deviennent jamais propriétaires et ne puissent rien léguer à leurs enfants.

Hier, on a aussi entendu M. Pagani - vous transmettrez, Monsieur le président - préconiser de ne surtout pas économiser parce que, quand nous serons vieux et invalides, on nous mettra dans un EMS et on nous obligera à vendre nos biens et à manger nos économies pour pouvoir le payer. Quelle belle mentalité de cigale ! Le message de la gauche est donc le suivant: vivez aux crochets de la société, ne mettez surtout pas d'argent de côté parce qu'on pourrait vous le prendre lorsque vous serez âgé ! C'est simplement détestable d'entendre de tels propos dans la bouche d'un élu ! Pour ma part, comme vous le savez, j'ai la double nationalité italienne et suisse, et il est vrai que dans la culture du Sud, tout le monde possède une petite maison de famille: c'est toujours bien que les enfants puissent un jour bénéficier de ce modeste héritage - car on ne parle pas de villas somptueuses mais d'appartements où on a grandi, vécu, et qui se transmettent de génération en génération. Que dire ? Vous, la gauche, avez bloqué cette possibilité pour les classes moyennes de pouvoir accéder à la propriété, vous avez fait de Genève un canton de locataires puisque nous sommes 83% de locataires à Genève. J'ai dit !

M. Cyril Aellen (PLR). S'agissant de l'amendement sur le titre, j'aimerais juste rappeler qu'aujourd'hui déjà, un locataire a le droit de devenir propriétaire, il peut acheter tous les logements qui sont en vente, à une exception près, celui qu'il occupe lui-même. Dans ce cas, on lui dit: «Non, vous n'avez pas le droit d'acheter votre propre appartement, vous devez en trouver un autre ailleurs, dans un autre quartier, changer vos enfants d'école, les délocaliser.» Ce projet de loi consacre une nouvelle liberté dont le locataire pourra bénéficier, celle de rester dans l'appartement qu'il aime. Voilà pour le premier amendement. Concernant le deuxième, celui de M. Cerutti, on en a déjà largement discuté hier, et le PLR l'appuiera sans réserve.

Quant au dernier amendement, qui a été déposé aujourd'hui, j'aimerais faire deux remarques. Tout d'abord, le député Lefort considère que celui qui dit la moitié, soit celui de M. Cerutti, est incompréhensible et mérite d'être étudié en commission; mais celui dont on ne comprend plus rien et qui est totalement inapplicable, il n'y a pas besoin de l'examiner, n'est-ce pas ! Ensuite - et je m'arrêterai là, comme ça je n'aurai pris la parole qu'une seule fois pour l'ensemble des amendements - ce projet de loi ne concerne pas les nouveaux bâtiments comme dans les zones de développement, où il faut s'assurer que l'achat puisse être pérenne; ce qui compte surtout - et ça me surprend qu'on puisse être contre - c'est de s'assurer que des locataires puissent demeurer dans leur appartement. Pour cela, ils doivent être là depuis au moins cinq ans, et la prolongation de la durée demandée par le PDC est une bonne chose. Le reste, franchement, est totalement inapplicable, et vous le savez très bien, nous ne sommes pas dupes. (Quelques applaudissements.)

M. Ronald Zacharias (MCG). Je serai extrêmement bref. Cette demande d'amendement n'est ni plus ni moins que la généralisation de l'économie immobilière planifiée à Genève, voilà ce que veut la gauche ! Il n'y aura plus aucune zone de liberté, tout sera contrôlé: le prix, qui va habiter dans l'appartement et combien de temps, le montant auquel il pourra être revendu ou loué ensuite, tout ça fera l'objet d'un plan quinquennal ou décennal. Nous ne voulons pas de cette société-là à Genève en matière immobilière ! Voilà pour le premier point.

Deuxièmement, je m'insurge contre les mensonges et la manipulation mentale constante de cette gauche qui ose aujourd'hui encore parler de congé-vente ! Le droit fédéral du bail protège là-contre, tout comme le texte que nous avons déposé, qui vise, dans le cas où l'acquisition de l'appartement est offerte au locataire, à lui notifier préalablement la teneur du droit du bail en matière de protection contre le congé-vente, ce qui confère toutes les garanties possibles pour pouvoir subséquemment invalider un congé. Il n'y a pas de congé possible dans ce domaine avec ce projet de loi ! Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole à M. Thierry Cerutti... qui renonce. Elle revient alors à Mme la députée Danièle Magnin.

Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste revenir à cet argument fallacieux de la gauche selon lequel le fait de donner à un locataire le droit d'acheter son propre logement mettrait en péril celui des autres locataires qui ne voudraient pas quitter ni acheter le leur: je vous rappelle que, jusqu'aux sept-pièces, la LDTR protège les locataires et qu'on ne peut pas leur donner congé sauf motif très particulier. Cela reste en force, et ceux qui viennent dire qu'on ferait perdre leur bail aux personnes qui ne veulent pas acheter leur appartement ont un raisonnement qui ne tient pas la route parce que la loi ne le permet pas. Je sais que vous allez agiter cet argument si vous lancez un référendum, mais je vous annonce d'ores et déjà que c'est une erreur voire un mensonge.

M. Christo Ivanov (UDC). Le groupe UDC refusera les deux amendements déposés par le parti socialiste et se permet de sourire quant au second concernant l'article 39, alinéa 4, lettre e, puisque la gauche, qui ne manque pas de culot, reprend partiellement l'amendement de M. Cerutti, notamment le montant de 6900 F. De qui se moque-t-on ? Le groupe UDC soutiendra évidemment l'amendement du PDC.

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, en déposant cet amendement, j'ai peut-être voulu faire de la realpolitik - cette semaine, l'ancien chancelier allemand Schmidt est décédé, et c'est sans doute ceci qui m'amène à vous dire cela ! Pacifier le débat sur le logement est complexe, on l'a entendu et vu hier soir: nous sommes tous arrivés dans cette salle avec nos arguments et en sommes ressortis avec les mêmes arguments, nous avons difficilement évolué - si ce n'est que je retrouve certaines de mes formulations dans l'amendement déposé aujourd'hui par le parti socialiste ! A mon sens, pacifier ce débat passera par un seul moyen, à savoir construire. Mesdames et Messieurs, nous devons construire pour détendre la situation du logement à Genève, c'est la seule méthode ! Faisons-le intelligemment, faisons la paix sociale du logement, Mesdames et Messieurs, faute de quoi nous resterons toujours au point de départ. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui m'ont permis de formuler cet amendement, je vous remercie simplement de le soutenir au moment du vote.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été assez surpris par l'intervention d'un préopinant MCG qui, pas plus tard que dans quelques minutes, va dire que l'Etat doit instaurer un frein à l'endettement et un «personal stop». Pourquoi est-ce que je fais le lien avec ce projet de loi ? Parce que la situation du marché immobilier à Genève est malheureusement caractérisée par des prix très élevés: cela risque de placer certaines personnes dans des situations extrêmement difficiles si elles achètent leur logement parce qu'elles s'y sentent contraintes. Aujourd'hui, et on aura l'occasion d'en reparler tout à l'heure, on évoque le fait que la conjoncture économique est moins bonne qu'il y a un certain nombre d'années, le Conseil d'Etat annonce des coupes dans le personnel au sein de l'Etat, propose des économies et donc des suppressions de postes. Ceux qui auraient peut-être les moyens d'acheter un logement à un prix raisonnable, Mesdames et Messieurs les députés, avec la politique d'austérité imposée par votre majorité et le Conseil d'Etat, risquent de se retrouver d'ici quelques années dans une situation très compliquée.

La problématique du logement ne se limite pas au fait de devenir propriétaire de son appartement, il s'agit aussi de pouvoir le payer dans la durée. En effet, il ne faudrait pas oublier ce qui s'est passé il y a quelques années aux Etats-Unis dans une situation de bulle immobilière: c'est ce qu'on a appelé la crise des subprimes, qui a massivement détruit l'économie du monde occidental tout comme, en cascade, les recettes fiscales du canton de Genève. Ainsi, il ne faut pas sous-estimer les conséquences d'une vente de logement à un prix excessif. Pour ma part, je vois dans ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, et je tenais à ce que ce soit dit, une volonté des milieux immobiliers de se débarrasser de biens à des prix excessifs pour les refiler à des locataires qui n'auront ensuite pas les moyens de les payer. Nous ferons alors face à des cas de faillites, de poursuites, de loyers impayés - ah non, pardon, ils n'auront pas de loyer mais des banques à qui ils devront rembourser leur prêt ! Avec ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, cette situation peut arriver à Genève.

A cet égard, l'amendement des socialistes, rédigé par M. Christian Dandrès et Mmes Caroline Marti et Irène Buche, vise justement à préciser les conditions pour éviter la spéculation des milieux immobiliers tout en permettant l'acquisition de logements. Je ne vois donc pas pourquoi la majorité de droite, si elle oeuvre réellement à l'intérêt de personnes souhaitant acquérir le logement dans lequel elles habitent, refuserait cet amendement. Mais, une fois de plus, on voit bien que votre seul objectif est de faire de l'argent et de ne pas payer d'impôts. S'il y avait un peu de cohérence au sein de la droite - mais on devra certainement encore attendre longtemps ! - vous feriez comme pour le frein à l'endettement, vous préconiseriez que l'endettement maximal d'un ménage ne doit pas dépasser son revenu annuel puisque c'est ce que vous voulez imposer à l'Etat. Vous êtes incohérents: vous prétendez que les locataires n'ont qu'à emprunter pour payer des biens à des prix disproportionnés sans vous inquiéter des conséquences mais, quand il s'agit de l'Etat, non, non, non, ce n'est pas possible ! Mesdames et Messieurs les députés, si vous êtes de bonne foi et que vous ne voulez pas favoriser la spéculation immobilière, votez l'amendement socialiste ! (Quelques applaudissements.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Ce que je viens d'entendre dans cette salle de la part de M. Stauffer demande rectification: l'image bucolique de la petite maison que les parents possèdent et peuvent transmettre à leurs enfants, c'est bien joli mais ça veut dire qu'on devrait donner l'assistance publique et les prestations du SPC à toute personne dans cette république sans contrepartie, sans contrôle. Il est heureux qu'actuellement, les personnes qui en ont besoin aient l'opportunité de recevoir de l'argent comptant chaque mois, soit de l'aide sociale, soit du SPC, en hypothéquant leur bien immobilier dans lequel elles peuvent continuer à vivre tant que c'est possible, ce qui n'était pas le cas avant: à l'époque, soit les descendants ou les ascendants devaient payer directement, soit il fallait vendre et quitter la maison, avec le soutien de l'aide sociale pour boucler les fins de mois. Il y a eu entre-temps des accords de subsidiarité.

Ce que dit M. Stauffer, c'est que quand on possède un bien immobilier, on devrait aussi avoir un bouclier immobilier, que personne ne devrait pouvoir toucher à ce bien et qu'il n'est pas normal que d'aucuns doivent le vendre - ou, soyons plus corrects, l'hypothéquer - pour payer des frais d'EMS. Nous vivons plus longtemps; ma foi, si les gens n'ont pas de fortune pécuniaire, la maison fait office de bien qu'on doit pouvoir utiliser en cas de frais plus importants que ceux qu'on peut payer. Cette image bucolique, peut-être était-elle valable en Suisse il y a cinquante ans - et encore ! - mais elle ne l'est plus aujourd'hui, et je crois qu'on ne peut pas baser des arguments là-dessus pour soutenir une loi, faute de quoi on se retrouve à donner l'assistance publique et les prestations du SPC à tout le monde sans contrepartie.

M. Alberto Velasco (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce que nous aimerions, quant à nous, c'est conserver le parc locatif genevois. Certains prétendent que c'est pour une question de business de l'ASLOCA; mais non, c'est parce qu'on ne veut pas que les gens soient obligés, pour se loger, d'acheter un appartement ! M. Stauffer a donné l'exemple des pays du Sud. Mais, Mesdames et Messieurs, le problème des pays du Sud, c'est qu'il y a très peu de locatif et que les gens, pour se loger, doivent acheter un logement et donc l'hypothéquer, et ils hypothèquent parfois leur vie ! Vous avez suivi les scandales en Espagne et dans d'autres pays, c'est ça le problème: beaucoup de personnes ne trouvent pas de locatif et sont obligées d'acheter. Or ici, nous avons un parc locatif qui offre aux citoyens un certain choix.

M. Cyril Aellen a dit une chose à laquelle je ne peux pas souscrire, à savoir qu'actuellement, un locataire ne peut pas acheter son logement. Si, Mesdames et Messieurs, il peut acheter son logement, à condition que 60% des habitants de l'immeuble soient d'accord. C'est donc faux, il peut l'acheter ! Il nous dit ensuite que si ce locataire veut devenir propriétaire, il faut qu'il achète un autre logement ailleurs. Non, Monsieur Cyril Aellen, il ne peut pas acheter ce même type de logement ailleurs puisqu'il n'y habite pas ! Il faudrait qu'il y habite et que, si le logement est à vendre par la suite, 60% des personnes de l'immeuble donnent leur accord à la vente, c'est inscrit dans la LDTR.

En outre, de nombreuses PPE sont sur le marché - j'ai les chiffres de l'année passée pour exemple: pratiquement la moitié des logements construits dans ce canton étaient des PPE ! Beaucoup de logements PPE sont ainsi construits à Genève, et il ne faut pas en plus attaquer le parc locatif qui, lui, est dévolu à des personnes aux revenus modestes - 60% des citoyens de notre canton ont un revenu tournant aux alentours de 60 000 F. Pour finir, j'aimerais reprendre l'exemple de la famille Alvarez - on aurait évidemment pu choisir un autre nom que celui-ci, qui n'est pas du tout stigmatisant, n'est-ce pas ? Mais enfin, soit. Où se situe la famille Alvarez, fait-elle partie des 60% ou 70% de revenus moyens de ce canton ? Parce qu'avec 8000 F de revenu, ça fait presque 100 000 F par année, ce qui ne correspond pas vraiment à la grande majorité des contribuables de ce canton.

Voici précisément le problème, Mesdames et Messieurs: vous vous adressez à une certaine catégorie de personnes qui ont tout juste la possibilité d'acheter. Voilà pourquoi nous disons qu'il est possible que ces gens achètent mais qu'ils vont ensuite relouer, ce qui nous fait alors entrer dans une spirale spéculative. Ce que nous voudrions, pour notre part, c'est conserver le parc locatif pour que les gens puissent se loger à un prix acceptable dans les conditions difficiles que l'on connaît aujourd'hui et que l'on va continuer à connaître parce que la situation financière se détériore dans tous les pays. Voilà, merci. (Quelques applaudissements.)

M. Christophe Aumeunier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, la gauche nous offre une vision extrêmement caricaturale de ce projet de loi et de l'amendement PDC en disant au fond que tout propriétaire rêve de vendre; c'est parfaitement faux ! Aujourd'hui, 70% du parc locatif appartient à des caisses de pension, notamment celle de l'Etat, ou à des assurances. Vous pensez vraiment que tous les propriétaires privés veulent vendre alors que, sur le long terme, les revenus immobiliers sont réguliers, tiennent la route et sont très différents des revenus mobiliers ? La réponse est non, pas du tout. En réalité, vous dressez une caricature en laissant penser que l'ensemble des locataires genevois seraient menacés. Mais menacés de quoi, de congé-vente ? Il y a des protections extrêmement fortes contre les congés-vente, non seulement les dispositions du code des obligations mais également celles du code pénal, le locataire est donc parfaitement protégé.

Je ne parlerai ici que de l'amendement socialiste visant à intégrer dans ce projet de loi des dispositions liées à une loi qui entend réglementer l'acquisition des propriétés par étage en zone de développement. Mais ces dispositions ont été partiellement invalidées par les juridictions cantonales et sont portées devant les fédérales ! Il y a là un doux mélange entre la zone de développement et la zone ordinaire. Ces restrictions à la propriété que vous entendez apporter par cet amendement, à savoir l'obligation d'occuper, le contrôle du prix pendant dix ans et la contrainte s'agissant de la location, ne sont envisageables en zone de développement que parce que l'Etat soutient qu'il y a une contrepartie, ce que nous contestons d'ailleurs nous-mêmes. En effet, il y aurait en zone de développement une vraie contrepartie, à savoir un contrôle du prix du terrain, qui permettrait d'engager des restrictions à la propriété. Or on parle ici de zones ordinaires et il n'est pas question, au regard de l'ensemble des législations suisses et de la jurisprudence, d'imaginer ne serait-ce qu'une seconde de pareilles restrictions qui, si elles peuvent répondre à un intérêt public, celui de l'accession à la propriété, sont en revanche disproportionnées quant à la durée de contrôle et à l'obligation d'habiter; quant à leur applicabilité, elle est tout à fait déniée.

Au final, ces mesures agissent à fins contraires: qui aura envie d'acheter un appartement qu'il faudra absolument habiter faute de quoi il faudra demander au département l'autorisation d'aller travailler à l'étranger, respectivement d'y loger un membre de sa famille ? Qui aura envie d'acheter un appartement pour lequel un prix est maintenu pendant dix ans à un niveau contrôlé ? Plus personne ! Par le biais de ce projet de loi ainsi que de l'amendement PDC, que nous saluons ici, nous avons voulu permettre aux locataires en place de devenir propriétaires. A la Chambre genevoise immobilière, nous savons que beaucoup de locataires souhaitent accéder à la propriété, nous sommes consultés tous les jours à ce sujet. Les Genevois souhaitent devenir propriétaires, ne les en empêchez pas ! (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je reste dubitatif quant aux arguments de l'Alternative. D'abord, on ne va pas forcer les gens à acheter leur appartement; si certains sont intéressés à l'achat, ils en feront la démarche eux-mêmes. Je crois que vous vous trompez: on n'est pas du tout dans la situation des années 90, que j'ai condamnée comme vous, on est dans une autre logique aujourd'hui. Pour commencer, il ne s'agit évidemment pas de parc locatif HLM, HBM ou LUP, il s'agit de logements avec des loyers libres, lesquels, si les taux d'intérêt augmentent, augmenteront également. Ceux qui décideront d'acheter leur appartement le feront parce qu'ils ont envie d'y rester à l'avenir et qu'ils en ont certainement les moyens, ils ne le feront pas pour essayer de trouver tout de suite après une location ailleurs ou pour le revendre, ça n'a pas d'intérêt. La personne en tant que telle doit obtenir un crédit hypothécaire, dont les taux sont aujourd'hui extrêmement bas - 1% à 1,5% - et restent fixes pendant environ dix ans. Elle va être protégée pendant toute cette période, donc je ne pense pas non plus qu'on se retrouve dans le cas de figure qui a été décrit tout à l'heure, à savoir la problématique des subprimes - je ne me souviens plus qui en a parlé, mais c'était du côté des bancs de l'Alternative. Vous êtes complètement à côté de vos pompes, on n'est pas dans cette logique-là ! L'exemple du fameux Alvarez est typique parce que c'est quelque chose qui est susceptible d'arriver, mais on ne va pas se retrouver tout à coup avec des centaines de personnes qui voudront acheter leur appartement et faire de la spéculation. Non, on n'est pas dans ce cas de figure et il y a de toute façon des cautèles dans la loi qui vous est proposée pour empêcher cela. Vous vous trompez complètement !

Malheureusement, c'est idéologique chez vous: dès qu'on parle de vente, vous tremblez, vous avez peur que toute une série d'appartements soient mis en vente et les gens qui les habitent jetés à la rue. Mais pas du tout: ce sont bien ceux qui les louent et vivent dedans aujourd'hui qui voudront éventuellement, du moins pour certains d'entre eux, les acheter. Ça ne changera rien au marché actuel du logement, il n'y aura pas davantage de gens en train de faire la queue pour chercher un appartement, parce que personne ne sera mis dehors, ni celui qui achète, ni les autres, qui n'auront pas l'obligation d'acheter. Aussi, je crois que vous n'êtes pas dans la bonne logique; évidemment, ça vous arrange parce que vous voulez faire un référendum, mais faites-le ! Faites-le et le peuple tranchera, et je pense qu'il vous donnera tort parce que des cautèles existent et qu'on n'est pas dans la logique précédente, où on voulait effectivement forcer les gens en disant: «Vous achetez votre appartement ou vous partez parce que quelqu'un d'autre va me l'acheter à un prix plus élevé !» Ce n'est pas ce que nous souhaitons, nous voulons juste donner la possibilité à ceux qui habitent aujourd'hui dans des appartements à loyer libre - probablement relativement chers - de pouvoir les acheter et se retrouver finalement avec une charge locative, à travers les intérêts de la banque, moins importante. Voilà l'objectif, ce n'est pas autre chose, et je pense que vous vous trompez.

Une voix. Bravo, Daniel ! (Quelques applaudissements.)

M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'intervention de M. Aumeunier rend indispensable le rappel d'un fait, à savoir que la disposition de la LDTR sur la protection contre les ventes à la découpe ou les congés-vente ne s'applique qu'en période de pénurie de logements. Il n'y a pas de mécanisme général qui empêche un locataire d'acheter son appartement si le propriétaire souhaite le vendre lorsqu'il n'y a pas de pénurie de logements. La contrepartie dont parlait M. Aumeunier, c'est que dans des situations comme celle-ci, où les loyers peuvent prendre l'ascenseur et les propriétaires, seuls maîtres à bord, dictent leurs conditions, il faut des mécanismes de protection des locataires, et c'est ce que prévoit la LDTR. Le jour où le canton aura permis la construction de suffisamment de logements destinés aux personnes qui en ont le plus besoin - je rappelle que plus de 70% de la population n'a pas les moyens de devenir propriétaire - cette disposition tombera. C'est un fait absolument essentiel que personne ne peut contester. A partir de ce moment-là, avec le projet de loi de M. Zacharias, on affaiblit ce dispositif et on fait courir le risque que le propriétaire impose ses conditions économiques au locataire, ceci également s'agissant de l'achat en tant que tel.

On nous a indiqué que les congés-vente étaient actuellement prohibés par le code des obligations; c'est juste. Mais vous verrez à la lecture du rapport, notamment dans les annexes produites, que les bailleurs sont aujourd'hui un peu plus intelligents qu'ils n'ont pu l'être à l'époque - il faut dire aussi que la loi leur a imposé cette réflexion. Ils ne vont pas dire: «Nous résilions le contrat de bail si vous n'achetez pas», mais «nous allons résilier le contrat de bail parce que nous souhaitons vendre à un tiers, mais, si vous voulez acheter l'appartement, vous pouvez le faire». Ou, pire encore, ils font signer un contrat à terme fixe, non renouvelable, et à la fin de l'échéance - c'est ce qu'on constate aujourd'hui - ils placent le locataire devant le choix péremptoire d'acheter ou de quitter les lieux. Voilà la réalité que l'on rencontre aujourd'hui dans la pratique à Genève.

Pour lutter contre ces mécanismes, il faut mettre en place des instruments de régulation, que l'on trouve d'ailleurs dans la loi actuelle. Le département puis, cas échéant, les juges doivent opérer une pesée des intérêts entre l'intérêt public, très important, de préserver le parc immobilier locatif pour que les gens puissent se loger - je vous rappelle qu'il manque 10 000 logements à Genève au minimum - et l'intérêt privé. La proposition de M. Cerutti va dans le bon sens - nous l'en remercions - parce qu'elle aborde uniquement la question du prix, ce qui limite la spéculation de ce point de vue. Vous relèverez tout de même que le plafond est fixé sur la base de la moyenne des prix pour les logements neufs. 6900 F coïncident avec la statistique pour des logements neufs en zone de développement alors qu'on parle ici d'appartements qui ne sont pas neufs par essence. C'est donc déjà un geste assez généreux en faveur du propriétaire, car je ne pense pas que le locataire ait son mot à dire sur la question du prix de vente.

Mais cet amendement ne va pas assez loin; je pense pour ma part qu'il faut aller au-delà afin d'éviter de retrouver, dans le cadre du parc immobilier locatif ancien, les mêmes travers qu'on a eu l'occasion de dénoncer ici s'agissant des nouveaux immeubles, notamment à La Tulette. Dans ce cas-là, le conseiller d'Etat Longchamp, et je salue la démarche qui avait été la sienne, avait mis en place un dispositif, récemment validé par la Cour de justice lorsqu'elle a examiné l'initiative qui reprenait son texte. Ce que je propose, avec mon amendement, c'est de reprendre le même système - on espère vraiment que la population votera ce régime de protection voulu par M. Longchamp qui, je le souligne, est un magistrat PLR - et de garantir ainsi aux locataires en place le même régime de protection dans des logements existants, anciens. Je pense que c'est là un élément indispensable pour éviter que le vice de la spéculation ne réémerge, une spéculation qui, en 1985, a mené aux conséquences qu'on a connues par la suite. Voilà pourquoi notre amendement est sain, il s'appuie sur un dispositif éprouvé et validé par le Tribunal fédéral.

J'aimerais encore relever la remarque de M. Stauffer concernant la cigale et la fourmi. Personnellement, j'aime les fables; mais, en l'occurrence, c'est vous qui soutenez cette fable-là, et c'en est véritablement une. En effet, si vous prenez comme exemples des budgets de Caritas ou du Centre social protestant, une personne qui touche 8000 F par mois dispose en tout et pour tout - et c'est une personne très économe, qui n'a pas d'enfants - de 1000 F par année pour partir en vacances. Imaginez-vous combien de temps il lui faudra économiser pour bénéficier des fonds propres nécessaires à l'acquisition d'un logement qui répondrait au prix que vous avez vous-mêmes évalué à 100 000 F et qui est très largement surfait !? Non, on ne peut pas jouer avec certaines vérités sociologiques, et la vérité sociologique de base, c'est qu'une partie écrasante de la population ne peut pas accéder à la propriété et le peut d'autant moins aujourd'hui que la Banque nationale a, fort heureusement, mis en place un certain nombre de cautèles pour éviter qu'on ne se retrouve dans la même situation que celle que nous avons connue et qui a coûté pas loin de 2 milliards de francs aux contribuables - 2 milliards de francs qui ne sont pas partis en fumée mais dans la poche des personnes ayant spéculé à l'époque. Il est absolument essentiel que ce phénomène ne se reproduise pas, mais cela signifie qu'on ne peut pas étendre à l'infini le nombre de personnes qui pourraient faire l'acquisition de leur logement ou d'un logement neuf.

Ma proposition consiste donc à mettre en application les principes de la loi Longchamp - on espère qu'elle sera acceptée sous forme d'initiative par la population - à l'intention des locataires existants, qui ont droit à autant de protection que les futurs habitants. Je rappelle que le dispositif en question n'existera que tant que la pénurie frappera; une fois que la pénurie n'existera plus à Genève, ces mécanismes tomberont et le marché pourra fonctionner librement.

Un dernier mot encore sur les propos de M. Zacharias qui, de temps en temps, est hanté par certains esprits maccarthystes, surtout lorsqu'il explique que la gauche, en voulant une planification générale, est mue par une approche bolchevique. On sait bien que le MCG déteste la planification au point même de refuser le plan directeur cantonal et de plonger la population genevoise dans une situation de pénurie encore plus aiguë, mais, en l'occurrence, dans une situation comme celle-ci et sans régulation, avec la pénurie et la spéculation que vous avez vous-mêmes dénoncées, vous allez revoir apparaître la situation que nous avons connue en 1985...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Christian Dandrès. ...et que nous avons déplorée. Le groupe socialiste vous demande d'accepter cet amendement. (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai dit hier soir que l'amendement de M. Cerutti allait dans le bon sens. En écoutant les prises de position des uns et des autres, notamment de la majorité qui semble se dessiner s'agissant de cet amendement, je ne comprends pas pourquoi l'amendement proposé par le parti socialiste ne recueille pas son assentiment. En effet, ce qui y est notamment demandé - j'ai bien écouté M. Sormanni - c'est d'empêcher toute spéculation et d'établir une sorte d'équilibre entre celui qui offrira l'appartement et le locataire acheteur. M. Dandrès, qui pratique tous les jours sur le terrain, se rend bien compte que le texte de M. Cerutti, tel que proposé, permettra toutes les affres dans lesquelles nous nous sommes retrouvés et nous retrouvons encore s'agissant des appartements en vente, qui sont pléthore dans notre canton.

Je rappelle que le problème principal, c'est la création de logements; or ce type de projet de loi ne crée aucun logement. L'objectif de M. Zacharias, et il l'a dit très clairement - je soupçonne peut-être un peu moins le PDC, encore que le PLR, dans son opposition à la loi Longchamp, ait par exemple soutenu La Tulette - est de s'attaquer au socle de logements aujourd'hui occupés par des locataires qui, avec leur loyer, ont fait quasiment bloquer leur prix parce qu'ils y habitent depuis trente, quarante, cinquante voire soixante ou septante ans pour certains. Ce qui intéresse M. Zacharias, c'est de débloquer ce socle de logements et d'inviter à la spéculation tous les propriétaires, tout comme l'amendement proposé par les démocrates-chrétiens invite encore à la spéculation. Nous le dénonçons et nous continuerons à le dénoncer !

Cela étant, Mesdames et Messieurs, le débat sur les bureaux, le débat sur le PAV et celui d'aujourd'hui visent simplement à cacher le fait que vous ne voulez pas favoriser les zones de développement, vous entravez les processus quand il s'agit de déclasser des terrains - on l'a vu avec la Chevillarde ou les Communaux d'Ambilly. Tout ça est connu mais, malheureusement, vous êtes suffisamment armés au niveau de la presse pour faire passer ce genre de pratiques indignes de la part de personnes qui ont toutes inscrit dans leurs promesses électorales la volonté de développer le logement et le logement social en particulier. Aujourd'hui, vous le savez très bien, la quasi-majorité des constructions est constituée de propriété par étage, laquelle demeure inaccessible à la majeure partie de la population. Nous le dénonçons et nous continuerons à le dénoncer, notamment lors de la campagne référendaire qui aura lieu sur cet objet, comme aura d'ailleurs lieu une campagne référendaire par rapport à La Tulette et à la loi Longchamp. Je vous remercie de votre attention.

M. Roger Deneys (S). J'aimerais brièvement compléter les propos de mon préopinant socialiste. Franchement, Mesdames et Messieurs les représentants du MCG, n'essayez pas de nous faire croire ce soir que les milieux immobiliers genevois sont animés par des sentiments d'intérêt général et font quasiment de l'humanitaire ou de la philanthropie ! N'essayez pas de nous faire croire ça, ni à la population genevoise. Nos craintes viennent bien de ce que nous constatons à Genève depuis de nombreuses années, et ce n'est pas un fantasme, c'est la réalité ! Les lois ont dû être renforcées parce que la réalité a malheureusement montré que les milieux immobiliers avaient des pratiques véritablement discutables, qui se faisaient au détriment de personnes n'ayant pas de revenus suffisants. Voilà le principal problème, et c'est ce qui pousse les socialistes à demander des garanties supplémentaires pour vérifier votre bonne foi.

L'autre chose, Mesdames et Messieurs les députés, et il faut insister là-dessus, c'est que ce projet de loi, en augmentant le nombre de logements en propriété, a simplement pour conséquence automatique de réduire le nombre de logements en location, ce qui signifie que si cette loi est adoptée, il va falloir réviser les paramètres qui régissent les zones de développement parce que le rapport entre propriété privée et logement locatif au sein de celles-ci sera remis en question.

M. François Lefort (Ve). Je suis un peu étonné de constater que la majorité qui soutenait ce projet de loi défend maintenant l'amendement du PDC, lequel réduit la liberté actuelle donnée à un locataire par la LDTR d'acheter son appartement sous certaines conditions. (Remarque.) Mais oui, Monsieur Aellen, ça vous a été rappelé par plusieurs intervenants: la loi prévoit déjà pour un locataire la possibilité d'acheter son appartement sous certaines conditions ! Or cet amendement va réduire cette liberté. C'est à se demander si certains ne sont pas prêts à tout ce soir uniquement pour l'ivresse de la victoire - une petite victoire, somme toute - et pour se donner l'illusion d'une réussite idéologique.

Parce que la vraie conséquence de cet amendement PDC, c'est que la possibilité d'achat sera réduite aux seuls locataires vivant dans des appartements au prix inférieur à 6900 F le mètre carré. Il est quand même curieux, de la part de personnes qui soutenaient initialement une liberté d'achat totale, de proposer maintenant de passer du cadre rigide de la LDTR qu'ils dénonçaient à un cadre encore plus rigide ! Il est possible que je n'aie pas la bonne compréhension de cet amendement puisque ce n'est pas la même que celle de tout à l'heure, ce qui illustre bien une tournure alambiquée qui dit tout et son contraire. Ce que je viens de vous décrire, c'est une autre interprétation possible de cet amendement PDC, ce qui prouve une fois de plus qu'il a sans doute été écrit d'une plume rapide et trop légère.

Mme Marion Sobanek (S), députée suppléante. Mesdames et Messieurs de la droite, vous faites appel au rêve en laissant croire aux gens qu'il leur sera possible d'acheter leur logement, alors que ce n'est pas le cas. Reprenons votre exemple de M. Alvarez avec ses 8000 F par mois: est-il capable d'économiser dans un laps de temps assez court les 139 000 F de fonds propres qui lui seront nécessaires pour acquérir son appartement ? On ne se fait pas d'illusion: le prix des appartements ne sera pas calculé sur leur valeur réelle mais bien sur celle du marché, et on sait très bien que le marché immobilier à Genève est en surchauffe et qu'on va obligatoirement en exiger un prix trop élevé.

Imaginez que, par miracle, M. Alvarez ait à disposition les 140 000 F de fonds propre: à un moment donné, les intérêts vont augmenter et il ne pourra plus les payer; il va alors décider de mettre en location son logement, lequel était peut-être loué avant pour 1600 F par mois et dont le loyer sera évidemment bien plus cher après, ce qui va conduire à une raréfaction des appartements bon marché. Ne faites donc pas croire que nous voulons empêcher les gens d'habiter dans un appartement avec un loyer acceptable, c'est faux. Ce que vous allez faire, avec ce projet de loi, c'est tout simplement réduire l'éventail de l'offre d'appartements bon marché. Il faut à tout prix éviter cela et donc accepter les amendements du parti socialiste. Merci beaucoup.

M. Cyril Mizrahi (S). Je veux juste compléter les propos de mes préopinants socialistes s'agissant de la famille Alvarez, qui a un revenu de 8000 F par mois; même si elle a pu mettre de côté l'argent pour l'achat d'un cinq-pièces, la banque lui refusera un prêt justement à cause du taux théorique, qui constituerait un effort beaucoup trop important par rapport à un revenu de 96 000 F par année. Vous vendez effectivement du rêve ! Merci.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. J'aimerais tout d'abord revenir sur la déclaration de M. Aellen de tout à l'heure, qui disait que dans le cadre de la loi actuelle, un locataire en place ne peut pas acheter son logement; c'est faux, l'article 39, alinéa 3, le permet, et l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 août 2015 l'a rappelé: il faut faire une pesée des intérêts, et la vente est possible si l'intérêt privé l'emporte sur le public. Il n'est donc nul besoin de changer la loi pour qu'un locataire en place puisse acheter son appartement.

Maintenant, si vous voulez modifier ce paradigme, changer le système et supprimer la pesée des intérêts, comme c'est le cas dans ce projet de loi, en rendant cette condition obligatoire, à savoir que la lettre e obligera le département à délivrer l'autorisation de vente, il faut à ce moment-là inscrire des conditions strictes pour éviter la spéculation. L'amendement PDC était un premier pas dans ce sens, mais hélas insuffisant, car ce projet de loi ouvre la porte à toutes les dérives, comme elles existent déjà - il est naïf de penser que les congés-vente ont totalement disparu, ils se font simplement sous d'autres formes.

L'amendement socialiste vise à donner des garanties au locataire afin qu'il ne soit pas mis devant le choix sans alternative de partir ou d'acheter, notamment en prévoyant qu'il faut un contrat de durée indéterminée pour que la vente soit possible. Et puisque le but est de permettre au locataire d'acheter son appartement pour continuer à y vivre, il n'est pas problématique d'imposer une obligation d'habiter. Si vous êtes si soucieux que ça d'éviter la spéculation, vous devriez voter notre amendement sans hésiter, et c'est ce que je vous invite à faire. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame le rapporteur. Je vais maintenant lancer la procédure de vote...

M. Roger Deneys. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas. Nous allons commencer par nous prononcer sur l'amendement de Mme Marti consistant à remplacer, dans le titre, «(Plus de liberté pour les locataires)» par «(Plus de liberté pour les propriétaires immobiliers)».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 33 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous passons aux deux amendements à l'article 39, alinéa 4, lettre e...

Mme Caroline Marti. Vote nominal !

Le président. Est-ce que vous êtes soutenue, Madame ? (Plusieurs mains se lèvent. Remarque.) D'accord, tous les votes seront nominaux. Mesdames et Messieurs, je vous soumets en premier lieu l'amendement le plus éloigné, c'est-à-dire celui du groupe socialiste, dont je vous rappelle le contenu:

«Art. 39, al. 3 (abrogé) et al. 4, let. e (nouvelle teneur)

e) est acquis par un locataire souhaitant librement acheter l'appartement qu'il occupe effectivement depuis 5 ans au moins, au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée non résilié au moment de la vente et à qui la teneur de l'article 271a, al. 1, let. c CO (protection contre le congé-vente) a été notifiée.

Dans ce cas, le prix de vente au mètre carré PPE doit correspondre au besoin prépondérant d'intérêt général mais ne peut pas dépasser 6900 F, montant indexé annuellement à l'indice genevois des prix à la consommation.

Le logement acheté doit être occupé par son propriétaire, sauf justes motifs agréés par le département. Sont notamment considérés comme des justes motifs les circonstances imprévisibles au moment de l'acquisition du logement, soit, notamment, le divorce des acquéreurs, le décès, la mutation temporaire dans un autre lieu de travail ou un état de santé ne permettant plus le maintien dans le logement.

En cas de revente dans les 10 ans qui suivent l'acquisition, le prix du mètre carré PPE est calculé selon les critères prévus au paragraphe 2.

Si le logement est loué par l'acquéreur dans les 10 ans qui suivent l'acquisition, son aliénation ne peut en principe plus être autorisée, durant la même période, en application de l'article 39, al. 4, let. d, de la présente loi.

Afin de prévenir le changement d'affectation progressif d'un immeuble locatif, le requérant doit obtenir que 60% des locataires en place acceptent formellement cette acquisition. Les locataires restant dans l'immeuble devront obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 34 oui (vote nominal).

Vote nominal

Le président. A présent, je vous invite à vous exprimer sur le second amendement à l'article 39, déposé par M. Olivier Cerutti et que voici:

«Art. 39, al. 3 (abrogé) et al. 4, let. e (nouvelle teneur)

e) est acquis par un locataire souhaitant librement acheter l'appartement qu'il occupe effectivement depuis 5 ans au moins et à qui la teneur de l'article 271a, alinéa 1, lettre c CO (protection contre le congé-vente) a été notifiée. Dans ce cas, le prix de vente du mètre carré PPE ne peut dépasser 6900 F, montant indexé annuellement à l'indice genevois des prix à la consommation, et les locataires restant dans l'immeuble doivent également obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 59 oui contre 18 non et 15 abstentions (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 39, al. 3 (abrogé) et al. 4, let. e (nouvelle), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Troisième débat

La loi 11408 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11408 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 34 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 11408 Vote nominal

PL 11398-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Cyril Aellen, Ivan Slatkine, Edouard Cuendet, Frédéric Hohl, Serge Hiltpold, Pierre Weiss, Antoine Barde, Renaud Gautier, Beatriz de Candolle, Bénédicte Montant, Michel Ducret, Benoît Genecand, Gabriel Barrillier, Murat Julian Alder, Patrick Saudan, Jean Romain, Daniel Zaugg, Raymond Wicky, Jacques Béné modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat (LGAF) (D 1 05) (Renforcement du frein à l'endettement)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 19 et 20 février 2015.
Rapport de majorité de M. Patrick Lussi (UDC)
Rapport de première minorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve)

Deuxième débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante, soit le PL 11398-A, que nous traitons en catégorie II, soixante minutes. Je rappelle que ce projet de loi avait été ajourné après que nous avions adopté le premier débat et entamé le deuxième, en juin dernier.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 15 (nouvelle teneur avec modification de la note).

Le président. M. Deneys a déposé un amendement visant à abroger l'article 15A ainsi libellé:

«Art. 15A Objectif (nouveau)

L'objectif à long terme de l'Etat est de limiter l'endettement à un montant maximum équivalant au total des revenus du compte de résultat des états financiers individuels de l'Etat de l'année écoulée.»

Je lui cède la parole pour qu'il nous explique son amendement.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le PL 11398-A fixe des principes sur le montant de l'endettement du canton de Genève et vise notamment, en son article 15A, à «limiter l'endettement à un montant maximum équivalant au total des revenus du compte de résultat des états financiers individuels de l'Etat de l'année écoulée». Cela signifie que la dette cantonale, qui dépasse aujourd'hui les 13 milliards de francs, devrait être réduite à environ 8 milliards de francs, soit le budget annuel actuel. J'aimerais attirer votre attention sur la chose suivante, Mesdames et Messieurs les députés, en particulier de la droite: si vous introduisez une réforme de l'imposition des entreprises à un taux proche de 13%, le nouveau montant des revenus de l'Etat se situera aux alentours de 7,5 milliards, soit une réduction supplémentaire, ce qui requerra un effort supplémentaire de plusieurs années pour atteindre l'objectif fixé dans ce projet de loi.

Ce qu'il faut savoir, c'est que le fait de prévoir que l'endettement du canton ne doit pas dépasser ses revenus annuels ne repose sur aucune base scientifique ni économique. Pensez à l'Union européenne qui, dans les critères de Maastricht, fixe un déficit annuel de 3% du PIB; si on appliquait la même règle pour le canton de Genève, cela représenterait un déficit annuel de l'ordre de 1,5 milliard de francs. Ce n'est évidemment pas le but mais, en même temps, il faut se rendre compte que le montant actuel de la dette doit aussi être mis en perspective avec d'une part les projets de réforme de la fiscalité, d'autre part les futures dépenses potentielles que nous souhaitons faire, notamment pour des investissements: certains veulent une traversée du lac, d'autres une gare souterraine à Cornavin - j'en fais d'ailleurs partie - et d'autres encore une nouvelle prison. Or il a été évoqué que la nouvelle prison des Dardelles, avec ses 400 fonctionnaires supplémentaires, coûterait 100 millions de francs par année de frais de fonctionnement ! Mesdames et Messieurs les députés, en fixant de tels critères et si vous voulez construire une prison comme celle des Dardelles, vous allez devoir soit supprimer des postes dans la fonction publique - ce seront sans doute des postes d'enseignants - soit renoncer à cette prison.

Je le répète: le fait de limiter la dette au montant des revenus annuels ne repose sur aucune base économique ni scientifique, je vous invite donc à supprimer cet article 15A qui fixe un montant arbitraire pour réduire notre endettement. C'est ce Grand Conseil qui, chaque année au moment du budget, doit prendre des décisions souveraines, c'est quand nous votons des lois et le budget que nous déterminons le montant de la dette ainsi que, bien entendu, les éventuels déficits ou boni. Votre disposition est complètement abracadabrante dans une démocratie parce que l'instrument de régulation, c'est le budget tout comme les lois que nous votons !

Mme Magali Orsini (EAG). Juste quelques mots pour rappeler la position d'Ensemble à Gauche: ce nouveau projet de loi, qui prétend imposer à l'Etat le gel des embauches et la limitation des dépenses tant que le niveau de la dette ne serait pas redescendu à 8 milliards, ne peut pas être accepté par notre groupe. En effet, il serait alors impossible d'adapter les charges de l'Etat ne serait-ce qu'à la croissance démographique ! Cette mesure est impraticable, aucune politique publique ne pourrait plus évoluer sans que cela se fasse au détriment d'une autre. Nous avons déjà vu s'installer les mesures d'assainissement, le frein à l'endettement pour limiter l'investissement, et on nous fait maintenant une proposition tellement coercitive que la marge de manoeuvre du Conseil d'Etat serait de plus en plus réduite compte tenu de l'augmentation des dépenses contraintes et des mécaniques de charges, qui découlent d'accords passés avec ses différents partenaires. Voilà, je tenais simplement à vous rappeler qu'EAG s'oppose avec vigueur à ce projet de loi; s'il devait être voté, nous n'aurions d'autre choix que de lancer un référendum. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il est difficile de qualifier l'ignominie d'un projet de loi tel que celui-ci, les mots manquent pour détailler la perversité qui se cache derrière les propos de ceux qui prétendent préserver la fonction publique alors que c'est très exactement la volonté contraire qui les anime. La fonction publique, quant à elle, a délivré un message clair: trois jours de grève consécutifs massivement suivis, trois manifestations d'envergure qui ont réuni des dizaines de milliers de personnes, trois assemblées du personnel fréquentées à chaque fois par quelque 2000 employés en moyenne - la détermination des fonctionnaires de l'Etat et du secteur subventionné ne laisse aucun doute. Que vous le reconnaissiez ou non, vous avez et nous avons vécu les 10, 11 et 12 novembre derniers une mobilisation historique.

Si le Conseil d'Etat fait pour l'instant la sourde oreille aux revendications du personnel, il est encore temps qu'il se souvienne de ses obligations en tant qu'employeur - le plus grand du canton par ailleurs - ou qu'on les lui rappelle une fois de plus. Nous déterminerons s'il sera nécessaire de lancer une nouvelle grève, reconductible et plus dure, au mois de décembre. Grève en novembre, Noël en décembre ? Voilà peut-être l'occasion de ressortir les slogans des années 90. Assez étrangement, le Conseil d'Etat a subitement trouvé 84 millions pour équilibrer le projet de budget 2016, ce qui représente 28 millions par jour de grève et laisse à réfléchir sur les bienfaits de ce moyen de lutte ! Mais soyons sérieux: Mesdames et Messieurs les députés de la droite, à moins que vous ne soyez, vous aussi, atteints d'une forme de surdité collective, vous ne pouvez pas ignorer le message qui vous a été délivré durant ces trois jours, en particulier hier soir et en ce moment même encore sur la Treille, sous les fenêtres de cette salle ! (On entend le bruit de la manifestation de la fonction publique à l'extérieur.) Les employés ne sont pas dupes, ils ont parfaitement conscience des motivations néfastes qui animent les signataires de ce projet de loi et leur disent non: non à l'étranglement des services publics, non aux mesures insensées qui ne tiennent pas compte des besoins de la population et dégraderaient les prestations au point de les supprimer en leur enlevant tout sens.

Réduire les charges de personnel et de fonctionnement, empêcher les engagements, poser des conditions quasiment impossibles à respecter pour créer les postes nécessaires: ce projet de loi, qui vise à tout geler pendant des lustres au prétexte de vouloir abaisser la dette à 8 milliards, est inacceptable et nous conduira à nous monter les uns contre les autres: vous voulez une éducatrice sociale ? Supprimez un policier ! Non, pour entretenir une fonction publique vivante et capable de délivrer des prestations de qualité, il faut la laisser respirer et respecter le personnel. Or ce projet de loi d'une rigidité maximale et hautement contraignant est clairement délétère voire létal pour toutes et tous, pour les fonctionnaires, pour l'Etat, pour la population. Au «personal stop», les fonctionnaires répondent «PLR stop !» ou «Stop aux cadeaux fiscaux !» et lanceront si nécessaire, avec l'appui des organisations syndicales et évidemment d'Ensemble à Gauche, un référendum qui sortira victorieux des urnes, car la population ne se trompera pas et refusera de saborder les services publics, de dégrader de manière irréversible l'instruction publique, la sécurité et la santé ! Le groupe Ensemble à Gauche vous invite à refuser ce projet de loi et soutiendra les amendements du parti socialiste. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et prie les rapporteurs de bien vouloir m'excuser car j'aurais dû leur passer la parole en premier. Madame Forster Carbonnier, rapporteure de deuxième minorité, c'est donc à vous.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président, ce n'est pas grave du tout ! Je vais m'exprimer sur ce premier amendement et je reviendrai plus tard sur les suivants. Nous voici donc arrivés à l'acte II de ce projet de loi au titre trompeur, je dois le dire. En effet, ce qu'on nous propose aujourd'hui, ce n'est pas un frein à l'endettement mais un plan drastique de réduction de la dette. Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, qui allez voter ce projet de loi, je doute que vous preniez réellement conscience de ce que vous vous apprêtez à faire. Ce texte prévoit que tant que la dette n'aura pas diminué de 5 milliards environ, les charges de personnel et de fonctionnement ne pourront augmenter que du montant de l'inflation, laquelle est nulle, comme vous le savez. Par contre, ce que la majorité de ce Grand Conseil tente de nous dissimuler, c'est que pour atteindre l'objectif fixé, c'est-à-dire une dette de 8 milliards environ, l'Etat va devoir réduire drastiquement ses dépenses. Il ne s'agit plus ici d'un contrôle des dépenses mais d'une coupe à la hache dans les prestations de l'Etat !

Je n'exagère pas, vous le savez, et je vais vous en faire la démonstration. Imaginons que le Conseil d'Etat décide d'atteindre l'objectif fixé par ce projet de loi en dix ans: pendant dix ans, il devra couper dans les dépenses de l'Etat pour un montant annuel de 500 millions de francs ! Oui, chaque année pendant dix ans, il faudra couper pour 500 millions de francs dans le budget de l'Etat ! Une année, ça peut aller; deux ans, ça devient compliqué; ensuite, c'est la catastrophe assurée. Vous me direz qu'on n'est pas obligé de le faire en dix ans, on peut le faire en vingt ans. Vingt ans ? Cela représente 250 millions de francs annuellement, 250 millions de francs pendant vingt ans ! C'est totalement inatteignable et irréaliste, et ceci sans prendre en compte les effets de RIE III.

Mesdames et Messieurs les députés, le mécanisme que vous vous apprêtez à voter est destructeur, je crois que peu de personnes dans cette salle ont réalisé sa portée. Couper chaque année des centaines de millions n'est pas réaliste. Les grandes dépenses de l'Etat s'articulent, comme vous le savez, autour de la formation, de la santé et du social; atteindre l'objectif fixé et trouver des économies, en période de mauvaise conjoncture, quand les recettes fiscales diminuent, ne se fera pas en augmentant un peu le nombre d'élèves par classe ou en introduisant une semaine à 44 ou 46 heures; il faudra, année après année, mécaniquement, couper, couper et encore couper, et cela impliquera forcément moins de prestations ou des prestations de mauvaise qualité. Mesdames et Messieurs les députés, il faut accepter l'amendement socialiste. Je vous remercie.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites qui ne reflètent pas la réalité, d'où la confusion que nous constatons actuellement dans les rues de Genève. Tout d'abord, je vais rétablir certaines vérités: le MCG est pour la protection de la fonction publique dans son ensemble... (Commentaires.) Le MCG, depuis sa création, et cela figure dans sa charte que vous pouvez lire sur son site internet, protège les fonctionnaires. (Commentaires.) Aujourd'hui, nous nous trouvons face à un choix stratégique que peu de gens à l'extérieur comprennent. Mais, en substance, voici les engagements du MCG vis-à-vis de la fonction publique: nous sommes contre les 42 heures, nous sommes contre la parité des cotisations pour les caisses de pension, nous sommes contre la diminution de personnel - c'est là un engagement que le MCG a pris et continuera à respecter. Cela dit, nous avons obtenu la garantie des annuités et des mécanismes salariaux pour l'ensemble de la fonction publique...

M. Roger Deneys. La garantie de qui ?

M. Eric Stauffer. ...tout comme nous avons obtenu la garantie du maintien de l'emploi.

M. Roger Deneys. De qui ?

M. Eric Stauffer. Je m'explique, Mesdames et Messieurs les députés. Le projet de budget 2016 du Conseil d'Etat, c'est: plan 2018, -5%; le projet de loi qu'on s'apprête à voter ce soir, c'est: «plus, plus», c'est-à-dire +0,5% en charges de personnel et +1% possible en charges de fonctionnement, et c'est le maintien des mécanismes salariaux, c'est-à-dire du paiement des annuités. Alors expliquez-moi, Mesdames et Messieurs, vous qui hurlez à la mort contre le MCG, en quoi il est difficile de choisir entre le plan du Conseil d'Etat, qui consiste à réduire le personnel, donc à licencier ou à ne pas remplacer les départs, ceci afin d'atteindre son objectif de -5% en 2018, et la proposition du MCG, qui préconise un projet de loi «plus, plus» ?

M. Roger Deneys. Mais c'est faux !

M. Eric Stauffer. Evidemment, là, vous n'avez plus rien à dire parce que la manipulation exercée par certains groupuscules de gauche est absolument délétère et mensongère ! Oui, le MCG sera très attentif, Mesdames et Messieurs, à ce que fera le Conseil d'Etat dans les semaines à venir. (Remarque.) Tout le monde sait dans ce parlement qu'il y a un problème au sein de la fonction publique qu'il faut renégocier, mais personne n'ose en parler. Je vous donnerai deux chiffres par rapport à cela: en équivalents temps plein, c'est-à-dire en postes de travail nets, l'évolution entre le budget 2015 et le projet de budget 2016 est de 115 postes. Mais saviez-vous que, sur ces 115 postes, un seul département s'en est octroyé 90 ? Ceci parce qu'une certaine convention a été signée. Je n'en dirai pas plus, la responsabilité incombe maintenant au gouvernement d'avoir le courage de rétablir un équilibre au sein de la fonction publique, et je prends l'engagement solennel, devant la population, que le MCG pourrait revoir sa position quant au projet de loi qui sera voté ce soir. J'en ai terminé !

Une voix. Très bien, bravo !

M. Eric Leyvraz (UDC). Monsieur le président, je vais être factuel car j'aimerais que les gens se rendent compte de la situation exacte de notre Etat. On parle de 13 milliards de dette, or ce chiffre est faux pour deux raisons. Tout d'abord, ce qui compte vraiment, que ce soit pour un Etat ou une entreprise, c'est la dette consolidée. Si vous possédez 50% d'une entreprise et que celle-ci fait du bénéfice, la moitié de ce bénéfice doit être inscrite à votre bilan; il en va de même pour les pertes. S'agissant de l'Etat de Genève, son état consolidé montre une dette de 16,8 milliards - évidemment, elle a plus d'actifs. Voilà pour le premier chiffre.

Maintenant, il faut citer un second chiffre important. L'Etat se targue de respecter les normes IPSAS, ce qui est fort bien, mais il fait une exception de taille. Les normes IPSAS sont extrêmement claires: si une dette est avérée, elle doit être inscrite au bilan. Eh bien il se trouve que l'Etat a une dette avérée - il a en effet promis de la payer - à savoir celle de la caisse de pension, qui s'élevait à 6,2 milliards; on a déjà payé 800 millions et mis 200 millions de côté, mais il reste encore 5,2 milliards à honorer. Cette dette doit être inscrite au bilan, et non en pied de bilan. En fin de compte, si vous additionnez 16,8 milliards et 5,2 milliards, ça fait une dette effective de 22 milliards ! Voilà la situation réelle de notre Etat, laquelle est bien pire que ce qu'on veut bien admettre. J'estime que ces chiffres doivent être connus pour que la discussion puisse se poursuivre de façon sereine. Je vous remercie.

Une voix. Très bien, Eric !

M. Cyril Aellen (PLR). Puisque nous sommes au deuxième débat, j'annonce que le PLR soutiendra le projet de loi tel que sorti de commission et refusera tous les amendements déposés sur nos tables. Quelques rappels concernant notre position, qui est finalement assez simple: il s'agit de sortir d'une logique de besoin qui ne se préoccupe pas des moyens à disposition et de laisser place à une responsabilisation pour déterminer quelles prestations on peut servir, on doit servir, et qu'il est important de préserver en fonction des possibilités de l'Etat. Je ne peux pas laisser dire que ce sont des coupes massives, à la hache, ni articuler un certain nombre de chiffres qui ne reposent pas sur grand-chose, raison pour laquelle je vais me borner à rappeler ce qu'il en est dans le projet de loi.

S'agissant de l'amendement proposé relatif à l'objectif d'une année de rentrées, je répondrai d'abord que cet objectif figure déjà dans la loi actuelle. Cet objectif a été discuté et, sans constituer en soi une contrainte absolue, il démontre de la meilleure des façons que depuis qu'il existe dans la loi, nous ne l'avons jamais atteint, et c'est bien le problème. Pour en revenir à ce que la presse a relayé et notamment au corset, il s'agit en effet d'un cadre auquel les autorités gouvernementale et parlementaire devront dorénavant se tenir jusqu'à ce que la dette soit réduite à 8 ou 9 milliards. (Remarque.) Comment ?

M. Roger Deneys. Entre 7,5 et 8 milliards !

M. Cyril Aellen. Je n'ai interrompu personne alors j'aimerais bien pouvoir parler, Monsieur Deneys, s'il vous plaît !

Une voix. Il est mal élevé !

M. Cyril Aellen. Qu'est-ce que cela signifie ? Eh bien que le budget précédent représente la limite pour le budget suivant, auquel on ajoute automatiquement l'inflation, et on peut encore ajouter 1% supplémentaire avec une majorité qualifiée.

En ce qui concerne les charges de personnel, le mécanisme est le même à une exception près. En effet, comme l'a dit M. le député Stauffer, les mécanismes salariaux ne sont pas pris en compte, ce qui ne veut pas dire que ce projet de loi les fixe ou les abandonne car ils sont garantis par une loi différente qui - il faut avoir l'honnêteté de le dire - est toujours en vigueur à ce jour. Les mécanismes salariaux sont actuellement garantis par un dispositif législatif qui a été voté par ce parlement et qui fait l'objet - il faut être complet - d'un projet de loi déposé par le gouvernement pour le supprimer. Vous connaissez ma position à ce sujet: il ne faudrait pas supprimer ces mécanismes mais en donner la compétence à une autre instance qu'au parlement - on y reviendra.

On a affaire à deux politiques différentes: celle qui a été exposée par notre collègue Deneys, qui préconise de dépenser chaque année un milliard et demi de plus que ce que l'on a, et celle développée par d'autres, qui consiste à tenter de stopper cette frénésie de dépense sans réflexion. Ce sont deux manières différentes de pratiquer la politique, mais il faut utiliser des arguments concrets. La politique de la peur, qu'on avait l'habitude de voir maniée par d'autres partis au niveau fédéral, est aujourd'hui pratiquée de façon beaucoup plus excessive par les partis de gauche genevois, ce qui m'étonne grandement. Car parmi les partis qui défendent les fonctionnaires aujourd'hui, on distingue deux catégories: la gauche, qui prétend les défendre en leur promettant de leur donner tout ce qu'ils demandent sans savoir au juste comment ce sera financé, et les autres, dont le MCG fait partie sur cet aspect-là, qui savent que pour garantir un juste cadre à la fonction publique, il faut aussi et surtout se soucier des moyens qu'on aura à disposition ! (Quelques applaudissements.)

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, à l'instar du Conseil municipal de la Ville de Genève, notre assemblée voit la droite bander ses muscles et, animée d'une nouvelle force, démontrer qui est le patron: c'est le patronat; fort bien. Maintenant, posons-nous la question suivante, quoi qu'en disent MM. Aellen et Stauffer: quelles sont réellement les conséquences attendues d'un tel projet de loi sur les écoles, les hôpitaux et les services sociaux ? Comment ne pas penser qu'avec un objectif d'économies aussi élevé, ces services seront touchés de plein fouet ? Alors voilà, diminuons la dette, pas à la hache - M. Aellen ne le souhaite pas - mais à la tronçonneuse, et tant pis pour les élèves, tant pis pour les personnes malades, âgées ou simplement victimes de la précarité.

Ce projet de loi est clairement d'essence néolibérale; ce n'est pas une accusation mais une évidence démontrée par l'attitude de la droite à la commission des finances, qui refuse les propositions pourtant modestes du Conseil d'Etat et montre par là même sa volonté de faire porter tout l'effort aux fonctionnaires ainsi que de ne pas laisser le budget passer dans les chiffres noirs - en effet, avec des chiffres rouges, il sera plus facile de démanteler l'Etat ! De moins en moins d'Etat, de plus en plus de profit pour les possédants: c'est le nouveau credo. C'est le choix de la droite, et il est de son droit de faire ce choix; mais, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, il faut aussi assumer ce choix, il faut le dire explicitement à la population et ne pas lui faire croire qu'elle peut avoir à la fois le beurre, soit l'étendue et la qualité des prestations publiques actuelles, et l'argent du beurre, à savoir le refus de la moindre mesure fiscale supplémentaire.

Les Verts ne peuvent partager cette vision ni un tel modèle de société, «so British», à la Cameron. Nous voulons une société solidaire, qui ne laisse personne au bord du chemin. Par conséquent, nous invitons les députés qui refusent le néolibéralisme et la primauté du pognon sur l'humain à rejeter ce projet de loi, et nous demanderons évidemment le vote nominal. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, «le parti démocrate-chrétien est très préoccupé par la dette et par la situation financière de l'Etat. [...] des économies structurelles conséquentes sont absolument indispensables, et ce dès le débat budgétaire 2016, si nous voulons un jour commencer à maîtriser la dette»: c'est par ces mots que j'ai débuté mon intervention lors de l'étude de ce projet de loi au mois de juin. Pourtant, par la suite, je disais que nous pouvions faire ces réformes structurelles nécessaires sans mettre le corset imposé par ce projet de loi. Aujourd'hui, au vu des prévisions et des rentrées fiscales moins élevées que prévu au mois de juin, nous sommes en train d'étudier à la commission des finances un budget déficitaire. Et force est de constater, que cela fasse plaisir ou non, que nous avons besoin d'un cadre légal contraignant, faute de quoi nous ne parviendrons pas à réduire notre endettement et allons simplement laisser à nos enfants le soin de payer la facture et la responsabilité de faire les choix que nous ne voulons pas faire aujourd'hui.

Oui, le parti démocrate-chrétien soutiendra ce projet de loi, et nous nous réjouissons d'avoir l'occasion - merci à Ensemble à Gauche ! - de mener ce débat avec la population, de la laisser s'exprimer et nous donner sa vision de la situation financière du canton. Si une personne s'endette, il semble évident qu'elle va chercher à réduire ses dépenses bien avant d'attendre que son employeur lui octroie une hausse de salaire pour combler les trous du budget de son ménage. Alors oui, il faut faire des économies, notamment sur les charges de l'Etat. Nous faisons confiance au Conseil d'Etat, qui saura ne pas opérer ces coupes linéaires à la hache, à la tronçonneuse, ainsi qu'elles ont été décrites par la gauche et M. Bugnion, mais bel et bien faire des choix politiques et déterminer les endroits où ces économies sont faisables, sans toucher aux prestations indispensables. Voilà pourquoi le parti démocrate-chrétien votera ce projet de loi sans accepter aucun amendement. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Jocelyne Haller pour une minute et trente-huit secondes.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. A entendre M. Stauffer, il aurait tout compris... (Remarque.) Eh bien oui, parce qu'il se distingue de ce point de vue là ! Depuis mardi dernier, il y aurait donc 10 000 mal-comprenants dans la rue ! D'ailleurs, écoutez: ils récidivent ! (On entend le bruit de la manifestation de la fonction publique à l'extérieur.) Ils essaient de vous parler, mais vous n'entendez pas ! Apparemment, M. Stauffer a pris sur lui de faire un deal: il sacrifie les conditions de travail de la fonction publique et les prestations dues à la population contre les annuités. Mais qui lui a demandé de le faire ? Personne ! Ce n'est pas ce que demande la fonction publique; la fonction publique veut des conditions de travail et salariales correctes et surtout des prestations à la population dignes de ce nom ! Or expliquez-nous comment, avec 5 milliards de moins, vous allez réussir à ne pas toucher aux postes et à ne pas diminuer les prestations ? J'aimerais bien vous y voir, et la population vous jugera !

On vient nous parler de politique de la peur, de fausses allégations de la part du mouvement de la fonction publique; ce dont j'aimerais parler, quant à moi, c'est de l'arrogance de ceux qui prétendent aujourd'hui...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Jocelyne Haller. ...adopter ces mesures alors qu'ils méconnaissent les conditions dans lesquelles la fonction publique et le secteur subventionné sont amenés à travailler. Ceux-ci se trouvent déjà dans des situations de flux tendu qui sont inacceptables et affectent la qualité des prestations à la population. On vient nous parler d'un cadre contraignant, comme si la contrainte budgétaire n'était pas déjà...

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Jocelyne Haller. Je termine, Monsieur le président ! ...en train de s'exercer. Vous êtes en train de tuer le service public, voilà ce que vous faites, vous détruisez les prestations à la population...

Le président. C'est terminé, Madame.

Mme Jocelyne Haller. ...et vous modifiez le rôle de l'Etat ! C'est un combat idéologique...

Le président. Je vous remercie, Madame la députée.

Mme Jocelyne Haller. ...que vous menez... (Le micro de l'oratrice est coupé. Applaudissements à la fin de son intervention.)

Le président. C'est terminé. Je passe la parole à M. Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Je demande le vote nominal pour l'ensemble des votes.

Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, il en sera fait ainsi. La parole va à M. le député Cyril Aellen, à qui il reste une minute trente-cinq.

M. Cyril Aellen (PLR). Je n'aurai pas besoin d'autant de temps, Monsieur le président. La question suivante a été posée: le budget 2016 pourrait-il être voté avec un tel projet de loi ? La réponse est oui, mais à la majorité qualifiée. Il y a précisément 0,5% d'augmentation des charges de personnel et moins de 1% de charges, donc le projet de budget 2016 est compatible avec ce projet de loi pour autant que la majorité qualifiée soit acquise; sans lui, la seule majorité suffirait.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, M. Aellen dit qu'il y a deux manières de faire de la politique, et il a raison: l'une consiste à répondre aux nécessités de notre collectivité aujourd'hui et demain, l'autre à défendre les intérêts d'un certain groupe de personnes, notamment ceux qui détiennent quelque pouvoir, afin de préserver celui-ci et que ceux-là ne s'échappent pas de cette république. Ce qui est étonnant, dans ce projet de loi, c'est qu'il limite tout d'abord la capacité de gestion du Conseil d'Etat. Avec ça, je ne sais pas ce que vous allez faire, Messieurs les conseillers d'Etat, il faudra nous le dire - peut-être qu'il vaudrait mieux vous inscrire au chômage !

La réponse à l'augmentation des malades à l'hôpital, à celle des élèves, des chômeurs ou des pauvres, se fera donc en fonction de l'inflation, Mesdames et Messieurs ? Eh bien oui, c'est comme ça. M. Aellen, pour ne pas le citer, a lié ces phénomènes de société par ailleurs difficilement contrôlables à un autre phénomène, lui aussi difficilement contrôlable, c'est-à-dire l'inflation. Car voyez-vous, Mesdames et Messieurs, ce qu'on appelle le renchérissement ne dépend pas de nous mais de ce que la Réserve fédérale des Etats-Unis ou la Banque centrale européenne adopteront comme politique. En effet, ce sont ces gens-là qui décident plus ou moins s'il y aura relance ou pas, du taux d'inflation, de la quantité de monnaie à écouler dans le marché, et nous dépendons d'eux pour répondre au problème du nombre croissant d'élèves ou de malades. A ceux-ci, nous allons ainsi dire: «Il faut attendre une hausse de l'inflation pour voir augmenter le budget qui vous est destiné» ? C'est absolument incroyable, incroyable !

Or, Mesdames et Messieurs, savez-vous que l'inflation peut augmenter sans pour autant créer de la richesse ? Sous prétexte qu'il y aura une augmentation de l'inflation, on pourra débourser tout ce qu'on veut, alors même qu'on disposera peut-être de moins d'argent ?! C'est magnifique, il s'agit vraiment d'un projet d'une intelligence admirable ! Tous les économistes que j'ai consultés - et j'en ai consulté quelques-uns - me l'ont confirmé: ce projet de loi est vraiment très peu intelligent - même si je ne doute pas que les personnes qui l'ont déposé soient très intelligentes. Mesdames et Messieurs les députés, accepter ce projet de loi, c'est ouvrir la voie à un mécanisme inapplicable, tout simplement inapplicable ! Sans compter le fait que vous vous enlevez du pouvoir, c'est-à-dire que la majorité de ce Grand Conseil qui décidera ne sera pas une vraie majorité parce que, comme l'a dit notre collègue Aellen tout à l'heure, une majorité qualifiée est nécessaire. Ce projet de loi représente un recul vraiment incroyable au niveau social; ce qu'on a vécu jusqu'à présent est déjà incroyable, mais là, c'est tout bonnement inadmissible ! Je vous propose de voter l'amendement du groupe socialiste - et je souhaite qu'il passe la rampe.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, en tant que rapporteur de majorité, je n'ai aucune intention agressive ni mimique triomphante, parce que je ne suis pas content de ce projet de loi, je ne suis pas content des circonstances auxquelles nous sommes arrivés car ce n'est pas une situation d'urgence, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le début de la crise qui, un jour ou l'autre, peut très vite mener notre Etat à la faillite, et ce qui adviendra alors sera bien plus grave. En ce qui concerne la majorité, nous tenons à dire que, contrairement à ce que l'on entend, nous cherchons à conserver ce qui est en place mais en mettant en oeuvre un dispositif - un carcan, comme a dit une préopinante - afin d'éviter l'inflation du personnel et de l'administration publique. En effet, que cela plaise ou non, si on regarde les chiffres, on s'aperçoit que le montant payé pour le fonctionnement - bien sûr, il n'y a pas que les fonctionnaires, d'autres systèmes sont peut-être aussi à revoir - devient très important.

Mesdames et Messieurs les députés, d'aucuns disent qu'il faudrait des mesures fiscales supplémentaires - c'est un credo tant répété. Pourquoi pas ? Pourtant, à l'échelon de notre pays, on s'aperçoit que l'effort fiscal fait par les citoyens dans le canton de Genève est globalement plus important que dans d'autres cantons: à périphérie ou style de vie analogues, Zurich n'en est pas là. Faut-il croire que nous sommes meilleurs à Genève ou alors sommes-nous en train de créer une Genferei de plus qui, cette fois-ci, risque de nous conduire à la catastrophe ? Je le demande très sincèrement. Un préopinant a dit que nous préférions le pognon à l'humain; je peux affirmer que personne, ni dans notre groupe ni au sein de cette majorité, ne prétend préférer le pognon à l'humain. Au contraire, nous cherchons justement à préserver l'humain parce que nous arrivons à un stade où nous n'avons plus d'argent.

Je dirai ceci pour terminer, Monsieur le président: un préopinant socialiste se vante des ratios de l'Union européenne; mais quand on voit où en est l'Union européenne avec sa dette, gardons notre pays d'en arriver là ! Mesdames et Messieurs les députés, la majorité vous demande de refuser tous les amendements déposés. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, je vous invite à vous exprimer sur l'amendement de M. Deneys à l'article 15A qui consiste, je vous le rappelle, en son abrogation.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 34 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 15A (nouveau) est adopté.

Le président. Nous poursuivons: M. Deneys propose un deuxième amendement dont le but est d'abroger l'article 15B suivant:

«Art. 15B Charges de fonctionnement en général (nouveau)

1 Tant que l'objectif visé à l'article 15A n'est pas atteint ainsi que pour les trois exercices suivants, le budget peut présenter une augmentation des charges de fonctionnement à condition qu'elle soit inférieure ou égale au renchérissement tel qu'enregistré en octobre de l'année en cours.

2 En dérogation à l'alinéa 1, le budget peut exceptionnellement présenter une augmentation supérieure, à concurrence toutefois d'une augmentation maximale de 1% par rapport au dernier budget de fonctionnement. L'article 137, alinéa 9, de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est applicable.»

La parole vous revient, Monsieur Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Compte tenu du temps extrêmement court dont nous disposons pour ce débat, je vais parler à la fois de l'article 15B, qui concerne les charges de fonctionnement, et du 15C, qui consacre le «personal stop»: ces deux articles, qu'il s'agit d'abroger selon les socialistes, visent simplement à encourager les privatisations ! Mesdames et Messieurs les députés, et en particulier du MCG, j'aimerais vous rendre attentifs au fait qu'en permettant, par dérogation, une augmentation des charges de fonctionnement de 1% et des charges de personnel de 0,5%, vous encouragez les privatisations, celles-là mêmes que vous dénoncez ! Ce ne sont plus seulement les services de convoyage de détenus qui seront privatisés, mais l'ensemble des emplois liés à la sécurité, comme les gardiens de prison, à l'éducation ou à la santé ! Conserver ces deux articles revient à créer un accélérateur à privatisation et à démantèlement des services publics. Voici la réalité des chiffres proposés: 1% sur les charges de fonctionnement représente environ, sur 8 milliards, 80 millions, tandis que 0,5% sur les charges de personnel, c'est moins de la moitié, Mesdames et Messieurs les députés. Eh bien c'est très clair: avec ces dispositions, vous allez faire basculer des tâches de l'Etat vers le secteur privé, et c'est ce que vous voulez, au MCG, contrairement à ce qu'a prétendu votre chef qui, une fois de plus, ne dit pas la vérité !

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Je voudrais également revenir sur cet article 15B et préciser mes propos quand je dis que ce projet de loi est destructeur. En effet, Monsieur Aellen, on peut décider de ne pas toucher au niveau de la dette, de ne pas essayer de désendetter l'Etat et, à ce moment-là, on applique ce projet de loi sans que le niveau de la dette évolue d'une année à l'autre, et on en reste à ce carcan que vous avez fixé. Or il s'agit d'un carcan extrêmement contraignant, qui deviendrait de fait le carcan le plus contraignant au monde, à tout le moins de Suisse ! Ce projet de loi est vraiment mal conçu et ne peut être appliqué, même si on voulait adhérer à son idée ou à sa philosophie de base. En effet, vous auriez au moins pu faire en sorte d'exclure un certain nombre de mécanismes de ce projet de loi.

Ce qu'il est important de savoir, c'est que même si vous n'essayez pas de désendetter l'Etat, même si vous ne mettez pas en place ce plan sur vingt ou dix ans dont je parlais tout à l'heure, chaque année, il y a 42 millions sur lesquels l'Etat n'a aucune marge de manoeuvre: ce texte n'exclut pas de son champ d'application des charges sur lesquelles le canton de Genève n'a aucune prise, par exemple la péréquation financière intercantonale, les accords passés avec d'autres cantons, les intérêts de la dette, de même que les charges qui découlent d'obligations légales envers la population comme les prestations complémentaires aux personnes âgées ou handicapées. Ce sont là des obligations de l'Etat, qui n'a pas d'autre choix que de les honorer. Au regard du dernier plan financier quadriennal qui nous avait été présenté, on estime cette augmentation automatique des charges, sur lesquelles on n'a aucune prise, à 42 millions par an. Vous devrez de toute façon couper et encore couper ! C'est la raison pour laquelle, encore une fois, je vous invite à accepter les amendements socialistes. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame le rapporteur. Je demande à l'assemblée de bien vouloir se prononcer sur l'amendement de M. Deneys consistant en l'abrogation de l'article 15B.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 33 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 15B (nouveau) est adopté.

Le président. A l'article 15C, nous sommes saisis d'un autre amendement, toujours de M. Deneys, demandant son abrogation. Je vous rappelle le contenu de cet article:

«Art. 15C Charges de personnel (nouveau)

1 Tant que l'objectif visé à l'article 15A n'est pas atteint ainsi que pour les trois exercices suivants, le budget peut prévoir, hors mécanismes salariaux au sens des articles 12 et 14 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers, du 21 décembre 1973, une augmentation des charges de personnel à condition qu'elle soit inférieure ou égale au renchérissement tel qu'enregistré en octobre de l'année en cours.

2 En dérogation à l'alinéa 1, le budget peut exceptionnellement présenter une augmentation supérieure, à concurrence toutefois d'une augmentation maximale de 0,5% par rapport au dernier budget de fonctionnement. L'article 137, alinéa 9, de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est applicable.

3 Le principe de réallocation ne s'applique pas aux postes financés par la Confédération.»

Personne ne sollicitant la parole, je mets immédiatement cet amendement aux voix.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 34 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 15C (nouveau) est adopté.

Le président. M. Deneys souhaite également abroger l'article 15D, que voici:

«Art. 15D Crédits d'ouvrage (nouveau)

Tant que l'objectif visé à l'article 15A n'est pas atteint, les mesures suivantes s'appliquent aux crédits d'ouvrage, à l'exclusion des crédits d'études et des acquisitions d'immeubles:

a) si l'endettement annuel moyen dépasse 13,3 milliards de francs, le Grand Conseil ne peut adopter que des crédits d'ouvrage qui autorisent des dépenses à caractère urgent. La majorité absolue de ses membres est requise (51 voix);

b) si l'endettement annuel moyen dépasse 14,8 milliards de francs, le Grand Conseil ne peut adopter que des crédits d'ouvrage qui autorisent des dépenses à caractère urgent. La majorité des deux tiers de ses membres est requise (67 voix). De plus, le Grand Conseil vote sur l'application de l'article 67, alinéa 3, de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012.»

Je lance le scrutin.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 34 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 15D (nouveau) est adopté.

Le président. Le prochain amendement de M. Deneys vise à instituer un nouvel article 15E, que je vous lis:

«Art. 15E Impôts (nouveau)

Tant que l'objectif visé à l'article 15A n'est pas atteint, le Conseil d'Etat augmente les centimes additionnels sur les personnes physiques des contribuables disposant d'un revenu annuel supérieur à 200 000 F par an de telle sorte qu'il génère 200 millions de francs de recettes fiscales supplémentaires annuelles.»

Monsieur Deneys, vous disposez d'une minute et cinq secondes de parole.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Ce projet d'article 15E vise à inscrire dans la loi l'obtention de nouvelles recettes fiscales. Mesdames et Messieurs les députés, soyons clairs: si votre objectif est réellement de réduire la dette, comme vous le prétendez dans ce projet de loi, il faut non seulement passablement réduire les dépenses mais également générer de nouvelles recettes. Ce nouvel article vise à créer 200 millions d'excédent par année afin de rembourser la dette jusqu'à ce que son niveau atteigne l'objectif choisi par M. Aellen de façon arbitraire. C'est la seule disposition qui devrait figurer dans ce projet de loi parce qu'elle a un effet direct...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Roger Deneys. ...sans faire baisser les prestations à la population. Je vous invite à accepter ce nouvel article.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. J'aimerais juste vous indiquer que le groupe des Verts s'abstiendra sur cet amendement. En effet, si on ne peut qu'être d'accord avec M. Deneys quant à la nécessité de trouver de nouvelles recettes, nous n'estimons en revanche pas très sérieux de discuter ici de l'augmentation des centimes additionnels. Voilà pourquoi nous nous abstiendrons sur cette proposition.

Le président. Je vous remercie, Madame. Monsieur Velasco, souhaitez-vous ajouter quelque chose à propos de l'amendement ?

M. Alberto Velasco. Non, merci, Monsieur le président, je reprendrai la parole au troisième débat.

Le président. Très bien, alors nous passons au vote sur cet amendement consistant à ajouter un article 15E déjà cité.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 24 oui et 10 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.

Le président. La dernière proposition d'amendement de M. Deneys a pour objectif l'abrogation de l'article 2 souligné et, par conséquent, de l'article 137, alinéa 9 nouveau, de la LRGC, puisqu'il s'agit d'une modification à cette loi. Ce nouvel alinéa est ainsi conçu:

«Art. 137, al. 9 (nouveau)

9 Si le Grand Conseil entend déroger à l'article 15B, alinéa 1, ou à l'article 15C, alinéa 1, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 4 octobre 2013, l'adoption de la loi requiert la majorité des deux tiers de ses membres.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 34 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté, de même que l'art. 3 (souligné).

Troisième débat

Le président. Je cède la parole à la rapporteure de deuxième minorité, Mme Sophie Forster Carbonnier.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ?

Le président. Cinquante-sept secondes, mais vous pouvez prendre sur le temps de votre groupe, il y en a encore largement assez.

Mme Sophie Forster Carbonnier. Parfait, merci, Monsieur le président. A présent, nous arrivons à l'instant crucial où il s'agit de voter ce projet de loi. Le groupe des Verts vous invite à le refuser pour les raisons que j'ai évoquées au début de la séance. Nous sommes inquiets de la politique mise en place aujourd'hui, de ce corset qui n'en est pas un puisqu'il s'agit en réalité, si vous voulez atteindre les objectifs visés par la loi, d'un plan de désendettement massif qui aura des répercussions importantes pour l'Etat et les prestations à la population, ceci même si vous le mettez en oeuvre sur vingt ans.

De plus, comme je vous l'avais précisé lors du débat d'entrée en matière, ce texte va également à l'encontre du bon sens parce qu'il empêche l'Etat de mener des politiques anticycliques. En effet, il prévoit que quand il y a de l'inflation, tout va bien, on peut dépenser; à l'inverse, en situation de récession, il faut se serrer la ceinture. C'est complètement aberrant, on sait bien aujourd'hui que ce n'est pas à ce moment-là qu'il faut arrêter d'investir ! Il est clair et évident que ce projet de loi aura un impact sur les investissements car il bride les dépenses, même celles qui se situent au niveau des amortissements; ainsi, nous pourrons forcément moins investir et cela aura un impact énorme sur l'économie de ce canton. Même en adoptant une position libérale, on peut se poser la question du bon sens de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle je vous invite fermement à le refuser et à ne pas plonger Genève dans le chaos. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. C'est étonnant: chaque fois que j'assiste à une limitation des libertés de ce parlement, cela provient toujours de ceux-là mêmes qui ont créé le problème ! Je m'explique: comme vous le savez, la gauche n'a jamais été majoritaire dans ce pays, c'est la réalité; ce n'est donc pas nous qui avons, par notre pouvoir, créé cette situation problématique. Ensuite, Mesdames et Messieurs, si on fait un descriptif de notre dette, on constate qu'elle provient d'une part de la Banque cantonale - 2,7 milliards - d'autre part de la caisse de pension, à cause de lois votées par une majorité à Berne, et enfin d'une série de baisses d'impôts que vous avez provoquées. Ce qui est extraordinaire, c'est que la problématique de la dette, qui est à l'origine de ce projet de loi, a justement été créée par ceux-là mêmes qui ont déposé ce texte ! C'est quand même magnifique !

Le problème, Mesdames et Messieurs, c'est que les conséquences de votre projet de loi ne seront pas subies par ceux qui ont créé la dette ni par ceux qui ont déposé le projet de loi, mais par ceux qui se retrouveront dans des classes de 28 ou 30 élèves ou qui devront attendre indéfiniment à l'hôpital cantonal... (Remarque.) Oui, Mesdames et Messieurs, voilà la conséquence, parce que c'est une limitation des prestations aux citoyens les plus démunis. Les personnes qui ont besoin de prestations dans ce canton sont celles qui ont peu de moyens. En effet, si vous avez les moyens, vous pouvez envoyer vos enfants à l'école privée, vous pouvez consulter un médecin dans une clinique privée, vous pouvez même vous payer des voyages pour vous faire soigner à l'étranger; mais quand vous avez peu de moyens, vous êtes obligé de recourir aux prestations publiques. Or ce projet de loi consiste justement à limiter ces prestations ainsi que leur qualité.

Par ailleurs, Mesdames et Messieurs, les prestations ne se décident pas d'une année à l'autre, elles se programment sur dix ou vingt ans. On ne peut pas dire: «Aujourd'hui on arrête, demain on investit.» Quand on agit ainsi, ça coûte trois fois plus cher, Mesdames et Messieurs, trois fois plus cher ! Vous êtes en train de mettre en place une mesure qui va coûter très, très cher aux plus démunis de ce canton. Ce sont toujours les mêmes qui paient, Mesdames et Messieurs, ce sont toujours les mêmes qui paient, et c'est regrettable. A ceux qui ont encore une conscience sociale, même toute petite - le MCG l'a délaissée, je le sais - je vous demande, s'il vous plaît, de refuser ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole va à M. Roger Deneys, qui dispose de vingt secondes.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est très clair: dans sa forme actuelle, ce projet de loi confirme, à un mois de l'Escalade, que la république a aujourd'hui trois ennemis: le PLR, qui dépose ce texte suicidaire, le Conseil d'Etat qui, par son silence, le cautionne, et le MCG, qui saborde la fonction publique. Mesdames et Messieurs, les ennemis de la république sont parmi nous, et il faut les dénoncer ! (Applaudissements. Brouhaha.)

Le président. Je rappelle aux personnes à la tribune qu'il est interdit de manifester ! Monsieur Stauffer, vous avez la parole.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Chacun a exprimé son point de vue, chacun a exposé son angle de compréhension sur ce projet de loi. Au nom du MCG, je répète ici haut et fort: le Mouvement Citoyens Genevois est pour la protection de la fonction publique... (Exclamations. Huées.) Nous sommes contre les 42 heures, nous sommes contre la parité des cotisations, nous sommes contre la diminution du personnel. Nous avons obtenu la garantie des mécanismes salariaux...

M. Roger Deneys. Ce n'est pas vrai !

M. Eric Stauffer. ...nous avons obtenu...

Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. ...et vous le savez, la garantie de l'emploi. Ce que nous voulons, c'est protéger les fonctionnaires en place et que le Conseil d'Etat prenne ses responsabilités. Vous voulez une piste pour des économies, Mesdames et Messieurs les députés ? Le MCG a lancé une initiative pour supprimer le versement de 300 millions de francs par année à la France voisine !

M. Carlos Medeiros. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer. Sur dix ans, cela représente 3 milliards de réduction ! Si vous voulez protéger la fonction publique, comme le MCG et la population genevoise, soutenez l'initiative du MCG !

Enfin, au nom du MCG, j'invite le gouvernement à prendre ses responsabilités, et spécifiquement Mme Torracinta dans son département - elle sait très bien de quoi je veux parler. Il appartiendra à ce gouvernement de faire des propositions équilibrées qui respectent l'ensemble des fonctionnaires, sans créer un îlot de privilégiés prenant en otage le reste de la fonction publique ! (Huées.) Ce tabou doit être brisé ce soir ! Il appartient au gouvernement, comme le MCG, le PDC, le PLR et l'UDC le font... (Brouhaha. Huées.)

Le président. S'il vous plaît ! Il vous faut conclure, Monsieur.

M. Eric Stauffer. ...de prendre ses responsabilités. Nous les prenons pour notre part, charge maintenant au gouvernement...

Le président. Il vous reste dix secondes.

M. Eric Stauffer. ...de prendre les siennes ! (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Je crois qu'il faut garder une certaine raison, et cette raison consiste à prendre nos responsabilités. (Remarque.) Non, ce n'est pas loupé ! Il y a la vision de la gauche et puis celle de la droite. Je suis d'accord avec ce qui a été dit, c'est-à-dire que nous, la droite, avons une responsabilité parce que nous avons été au pouvoir pendant de nombreuses années et n'avons rien fait pour éviter ce qui arrive maintenant. Mais ce n'est pas en repoussant les décisions chaque année qu'on parviendra à trouver une solution ! On est arrivé au point où on ne peut plus repousser la décision et où on doit penser à notre avenir et à celui de nos enfants, on ne peut plus continuer avec ce train-là parce qu'à force de tout faire et de tout accepter, on n'aura plus les moyens de payer ce que l'on désire.

Ce que ne veut pas le parti démocrate-chrétien, c'est qu'on arrive à un cul-de-sac où, pour trouver des économies, il faudra couper dans le social et les subventions. Est-ce que c'est ce que vous voulez ? C'est vraiment ça que vous voulez ? Eh bien sachez que c'est ce qui va arriver. Où va-t-on trouver des économies ? Puisque vous ne voulez faire aucune économie ailleurs, on les cherchera là où il est facile de les trouver, à savoir dans le social et les subventions, c'est tout. Il faut faire ces économies, alors, s'il vous plaît, gardez raison ! Est-ce que le canton de Genève est en train de mourir ? Non ! On se tue à vous répéter que le budget augmente, que le nombre de postes augmente, qu'on continue à investir. On n'est pas dans une situation de crise, mais il s'agit de faire attention et de freiner, faute de quoi on ira droit dans le mur. Vous regardez le mur et vous accélérez ! Voilà, c'est tout. Arrêtez de dire qu'on est en train de supprimer des postes ou qu'il y aura 40 enfants par classe, arrêtez de dire qu'il n'y aura plus rien, ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas vrai !

M. Roger Deneys. Calcule !

M. Bertrand Buchs. Calculer quoi ? Est-ce que les cantons de Zurich, de Berne ou de Bâle arrivent à faire les mêmes choses que le canton de Genève ? (Remarque.) Si, c'est tout ! Simplement, réfléchissez et demandez-vous si on ne peut pas faire des économies dans ce canton. Chaque fois que le Conseil d'Etat, que vous attaquez sans cesse, propose des pistes pour des économies, vous les refusez !

M. Roger Deneys. C'est toi qui as voté le quatorzième salaire !

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Bertrand Buchs. Et puis alors ? Et alors ? Le quatorzième salaire, Monsieur Deneys, met-il en péril l'économie ? (Commentaires.)

Le président. Monsieur Deneys, M. Buchs ne vous a pas interrompu quand vous aviez la parole !

M. Bertrand Buchs. Merci beaucoup, Monsieur le président. Voilà, on en arrive à un stade où on doit prendre une décision courageuse. La droite prend ses responsabilités et les assumera. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Eric Leyvraz (UDC). Evidemment, nous nous trouvons dans une situation difficile, mais que voulez-vous ? Il faut la regarder en face, il faut voir la réalité en face ! On va être obligé de faire avec moins parce que la situation économique est en train de se détériorer. Tout à l'heure, je parlais de la dette; une dette aussi élevée de 22 milliards est-elle supportable ? Oui, parce qu'elle représente 40% du PIB. Est-elle acceptable ? Non, elle n'est pas acceptable: par tête d'habitant, notre dette est six fois plus élevée que la moyenne suisse ! On ne peut pas continuer comme ça, on ne doit pas continuer comme ça. Nous sommes en train de charger, par égoïsme, la génération de nos enfants et de nos petits-enfants. Mesdames et Messieurs, la situation est également difficile pour les entreprises privées. Vous croyez que c'est facile pour nous ? On sent la crise, on voit bien que les choses changent.

Voilà des années - ça fait huit ans que je siège à la commission des finances - que l'UDC dénonce le train de l'Etat et demande de moins dépenser, de mettre de l'argent de côté ou de rembourser la dette. On ne peut pas dire qu'on ne vous a pas avertis ! Il y a des années, nous avons demandé des coupes linéaires faibles de 0,5% en disant: «Si on commence maintenant, ce ne sera pas douloureux; plus on attendra, plus ça sera douloureux.» Maintenant, nous sommes face au mur et les mesures vont être douloureuses. Mais nous n'avons pas le choix ! C'est embêtant, ça va être difficile, mais il n'est plus possible de faire autrement. Mesdames et Messieurs, nous devons accepter ce projet de loi, qui ne sera d'ailleurs certainement pas suffisant parce que nous allons être rattrapés par la réalité; nous l'annonçons depuis des années et, cette fois-ci, nous y sommes.

Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce soir, les Verts sont atterrés, tout d'abord par la décision que ce parlement s'apprête à prendre... (Commentaires.) ...qui ne manquera pas d'avoir des répercussions désastreuses sur les prestations de l'Etat, mais aussi par l'hypocrisie du MCG... (Commentaires.) ...qui vote cette loi destructrice en prétendant défendre la fonction publique. Je cite le président à vie: «Ce que nous voulons, c'est protéger les fonctionnaires en place.»

Premièrement, vous êtes vraiment naïfs de croire que les mécanismes salariaux continueront à être versés si, dans les années à venir, la majorité reste la même qu'aujourd'hui. Deuxièmement, vous avouez avec cette phrase que ce ne sont pas les prestations publiques qui vous intéressent; non, ce qui vous intéresse, c'est uniquement de défendre les fonctionnaires actuels. Troisièmement, il est tout simplement faux de penser que vous allez défendre les fonctionnaires en votant cette loi car si les postes ne peuvent pas augmenter, si les services se retrouvent surchargés, si les prestations ne peuvent plus être délivrées, ce sont bien les fonctionnaires en place qui vont en souffrir, ainsi que tous les citoyens ! (Quelques applaudissements.) Je vous appelle à un sursaut: si, comme vous le prétendez, vous défendez véritablement la population et la fonction publique, s'il vous plaît, refusez ce projet de loi ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame Flamand-Lew. Je passe la parole... (Remarque.) Vous n'avez plus de temps de parole, Monsieur ! ...à M. le rapporteur de première minorité, Alberto Velasco, pour quarante-cinq secondes.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais dire, chers collègues, que ce projet de loi est avant tout un désaveu du Conseil d'Etat. Ce soir, nous sommes en présence d'une majorité qui désavoue son propre Conseil d'Etat, il faut le souligner. En second lieu, Monsieur Stauffer, il y a une telle contradiction dans vos propos, vous êtes d'un cynisme incroyable: vous prétendez appuyer la fonction publique et vous allez voter ce projet de loi ?! A un moment donné, le cynisme doit s'arrêter...

Le président. Il vous faut conclure. (Remarque.)

M. Alberto Velasco. Vous aussi, Monsieur Sormanni, ancien socialiste ! C'est tout à fait incroyable: vous allez voter ce projet de loi et vous osez continuer à dire que vous défendez la fonction publique ? Bravo ! (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, je reviens sur ma première remarque: il est très grave de voir que...

Le président. C'est terminé, Monsieur le rapporteur.

M. Alberto Velasco. ...vous avez une majorité et que vous désavouez le Conseil d'Etat.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, lorsque votre parlement a voté l'entrée en matière sur ce projet de loi, lors du premier débat au mois de juin dernier, j'avais indiqué que les objectifs visés par ses auteurs rejoignaient largement les préoccupations du Conseil d'Etat. En effet, les finances de notre canton sont préoccupantes, le niveau de la dette n'est pas supportable à long terme, la situation économique générale n'est pas bonne, et la volonté du Conseil d'Etat d'améliorer cette conjoncture est réelle, déterminée. Mais je vous avais dit également que les dispositifs figurant aujourd'hui dans la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat en ce qui concerne tant le frein à l'endettement que le frein au déficit étaient, aux yeux du Conseil d'Etat, suffisants. J'avais ajouté qu'imposer un corset supplémentaire - parce que c'est bien d'un corset qu'il s'agit - était selon nous inutile. Un corset, je répète les propos que j'avais tenus, a pour effet d'affiner la silhouette mais en aucun cas de faire maigrir. On parle donc d'un dispositif vestimentaire destiné à faire illusion, un peu comme ce projet de loi. Pour perdre véritablement du poids, pour alléger nos charges durablement, il faut un objectif, une discipline, un travail de fond, une volonté.

Je peux imaginer que cette volonté n'ait pas paru évidente à votre parlement au mois de juin dernier; peut-être est-elle plus claire depuis que le Conseil d'Etat a, au mois de septembre dernier, déposé son projet de budget 2016 en l'accompagnant d'un objectif à moyen terme sur les trois prochains exercices ? Il a ainsi apporté la preuve de sa volonté farouche. Et, au vu de ce qui s'est passé cette semaine dans notre canton, je crois qu'une partie de nos collaborateurs a compris cette volonté et que le message est bien passé. Le Conseil d'Etat est déterminé à atteindre l'objectif qu'il s'est fixé; il prend et veut garder les responsabilités qui sont les siennes et que la constitution et la loi lui confèrent, soit celles d'organiser le travail au sein de l'administration de même que d'accompagner et de gérer les ressources humaines, c'est-à-dire nos collaboratrices et collaborateurs. Le Conseil d'Etat souhaite garder ces prérogatives, il ne veut pas qu'on lui impose une manière de faire. Nous sommes ici parce que le peuple nous a élus dans cette fonction, afin que nous prenions nos responsabilités.

Aussi, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas en instaurant une loi rigide et des a priori que nous atteindrons cet objectif; nous l'atteindrons avec des arguments et une conviction, que nous entendons bien poursuivre, notamment en ouvrant une porte - et en la laissant ouverte ! - dans les discussions avec nos collaborateurs. Cette conviction que nous apporterons à la population de ce canton proviendra du discernement et de l'ouverture d'esprit ainsi que de la constance de ce message qui, je le répète, découlera aussi d'une certaine créativité. Voilà autant d'éléments pour convaincre qu'on ne trouve pas dans ce projet de loi, qui ne nous convainc d'ailleurs pas, et c'est la raison pour laquelle je vous invite, au nom du Conseil d'Etat, à le refuser. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. C'est le moment, Mesdames et Messieurs les députés, du vote final.

La loi 11398 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11398 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 35 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 11398 Vote nominal

PL 11718
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses (LCI) (L 5 05) (Accessibilité des personnes en situation de handicap)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.

Le projet de loi 11718 est renvoyé sans débat à la commission des travaux, avec un délai au 29 février 2016, pour préavis à la commission du logement qui rendra son rapport au Grand Conseil.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie et vous retrouve à 20h40. Bon appétit à tous !

La séance est levée à 19h05.