Séance du vendredi 27 juin 2014 à 8h
1re législature - 1re année - 10e session - 61e séance

PL 11418-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2013
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 26, 27 juin, 28 août et 9 septembre 2014.
Rapport de M. Alberto Velasco (S)

Suite du deuxième débat

C - ACTION SOCIALE

Le président. Nous poursuivons le débat sur les comptes, avec la politique publique C «Action sociale». La parole est à M. Eric Leyvraz.

M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. L'UDC a refusé cette politique publique pour la raison suivante: l'action sociale à Genève est assez remarquable quand on la compare à d'autres cantons, mais ce que nous attendons du Conseil d'Etat, c'est la vérité et la réalité des chiffres ! Le gouvernement se retranche volontiers derrière le fait qu'il n'était pas en place lors de la précédente législature... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...mais quand on devient président d'une société, on reprend les actifs et les passifs et on fait avec !

Dans ce cas particulier, M. Poggia nous a présenté des chiffres qui ne nous ont pas du tout plu, à la commission des finances, car le directeur de l'Hospice général est venu nous dire qu'il lui manquait 16 millions pour boucler ses comptes et qu'il fallait donc prévoir ce montant dans le prochain budget. Puis, M. Poggia - que je ne mets pas en cause, car c'est le Conseil d'Etat qui doit effectuer cette mission - nous a dit qu'il trouvait les chiffres irréalistes. Alors que depuis trois ans en tout cas, les prévisions de l'Hospice général étaient correctes à 1% près, le Conseil d'Etat a refusé de mettre même la moitié de la somme dans le prochain budget, en disant que la situation nous montrerait que l'Hospice général n'aurait pas besoin de cette somme supplémentaire. Or, maintenant, au mois de juin, on voit qu'il ne manque pas 16 millions, mais 24 millions ! Cela signifie que le Conseil d'Etat a procédé de la même manière que pour la formation continue: il connaissait les chiffres... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Eric Leyvraz. ...et il savait qu'ils allaient être beaucoup plus élevés, mais il a refusé de les inclure dans les comptes, tout cela pour présenter un budget acceptable et qui soit dans les chiffres noirs. Nous sommes extrêmement fâchés de cette attitude.

Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, les prochaines années vont être difficiles, vous devez avoir le soutien de tout ce parlement pour pouvoir avancer et si vous commencez en camouflant les chiffres, je crois que cela est mal parti ! Nous vous demandons instamment de regarder en face la réalité des chiffres et de les accepter, même s'ils ne sont pas agréables pour vous et qu'ils rendent votre budget difficile. Ce n'est pas la peine d'établir un budget s'il est faux d'avance !

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, maintenant que la séance est lancée, je vais vous indiquer les temps restants pour chaque groupe. Pour Ensemble à Gauche: neuf minutes et quarante-six secondes. Pour le parti socialiste: treize minutes et cinquante-sept secondes. Pour les Verts: trente-deux minutes et six secondes. (Exclamations.) Pour le PDC: vingt-six minutes et trente-trois secondes. Pour le PLR: moins seize secondes. (Rires.) Pour l'UDC: douze minutes et quarante-huit secondes. Enfin, pour le MCG: sept minutes et vingt-deux secondes. Je passe la parole à Mme la députée Lydia Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette politique publique coûte plus de 334 millions. Que représente cette somme ? Elle concerne un quart de la population, c'est-à-dire 107 000 personnes qui ont besoin d'un subside pour avoir accès aux soins, 902 familles dans lesquelles au moins une personne travaille mais n'arrive pas à couvrir les besoins du groupe familial, 20 500 personnes à l'aide sociale et 2513 personnes ayant besoin d'une protection, d'une curatelle ou d'une tutelle. Une partie de ces personnes restera à long terme dans le dispositif d'aide sociale, car elles s'y trouvent suite à des restrictions des assurances sociales fédérales, en particulier l'AI, voire le chômage.

Mesdames et Messieurs les députés, la plupart de ces personnes cherchent non seulement à travailler, mais également à être autonomes financièrement. Effectivement, l'aide sociale n'arrivera pas à réinsérer toutes ces personnes toute seule et avec son unique dispositif, car d'autres soutiens sont nécessaires. Quels sont ces soutiens ? Ils correspondent à des salaires suffisants dans toutes les branches économiques, il s'agit de soutiens à la création de postes de travail non pas seulement hyper-qualifiés, mais également peut-être un peu moins exigeants en termes de formation, de même que l'accès à de vraies formations, non financées sur le dos des personnes à l'aide sociale. Preuve en est le plébiscite réservé à la validation des acquis - cette nouvelle formule permettant aux gens d'obtenir un CFC sur la base d'une expérience professionnelle, quel que soit leur âge - ou encore aux chèques formation.

Qu'on vienne nous dire qu'il faut baisser l'aide sociale, parce qu'on demandait des crédits supplémentaires, c'est blanc bonnet et bonnet blanc ! Il s'agit d'économies. Que le Conseil d'Etat choisisse la politique optimiste, dirons-nous, d'estimer que l'aide sociale resterait stable plutôt qu'elle augmente d'année en année, est une option. C'est celle qu'il a choisie, ce n'est peut-être pas la meilleure, malheureusement, mais le résultat reste quand même ce qui s'est passé et va se passer en septembre: une diminution de l'aide sociale, qui est inacceptable !

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il est difficile de percevoir la réalité si l'on se réfère au rapport lapidaire qui nous est soumis. Il est également ardu de mesurer à quel point la pauvreté et la précarité se développent à Genève, comme il est tout aussi difficile de discerner que les politiques publiques en oeuvre n'agissent pas sur les causes, mais ne gèrent que les aspects les plus criants du phénomène, et encore ! Car aux côtés de ceux à qui l'on n'offre que l'aide sociale pour horizon, il y a les autres, les plus précaires parmi les précaires, ceux de la Genève escamotée. Rappelez-vous, lors de notre dernière session: les milieux qui interviennent auprès de ces populations vous offraient un verre d'eau en guise d'aide-mémoire. Ils vous rappelaient que les places d'urgence aujourd'hui sont lacunaires, qu'il manque des possibilités d'hébergement et que la recherche d'un logement pour les sans-abri est un véritable calvaire.

Le nombre des dossiers à l'aide sociale a augmenté de plus de 50% en cinq ans ! On nous avait dit que cela était faux, que nous étions hors de toute mesure en prédisant que les dossiers allaient augmenter au fur et à mesure que la sécurité sociale régresserait - l'assurance-chômage, l'AI et bien d'autres. Pourtant, ce transfert de compétences a bel et bien eu lieu. Et c'est nous qu'on traitait d'alarmistes !

La dégradation du contexte économique et social ne cesse malheureusement de progresser: le chômage de longue durée et la régression des assurances sociales, que j'ai déjà mentionnés, sont les principaux responsables de cette augmentation de la pauvreté et de la précarité à Genève. Cependant, ce sont ceux qui en pâtissent qui sont généralement tenus pour responsables ! Pourtant ces personnes s'échinent désespérément à sortir de la situation dans laquelle elles se trouvent. Il faut voir comment elles se démènent pour essayer de trouver un emploi ! Il faut voir comment elles sont réduites aujourd'hui à travailler gratuitement, parce qu'on dit qu'elles ne font rien et qu'elles ne veulent rien faire. Savez-vous que lorsqu'elles cherchent un travail, de nombreux employeurs leur proposent des essais gratuits ? Non pas une demi-journée, comme cela se faisait il y a dix ou vingt ans ! Non, quinze jours ! Quinze jours de travail gratuit, dans la restauration ou la vente. Là où, auparavant, ces employeurs, ces entreprises engageaient des extras, aujourd'hui, sous prétexte de faire miroiter des postes de travail aux chômeurs, on les fait travailler gratuitement pendant quinze jours ! Et qu'importe ! Les quinze jours suivants, on en exploitera un autre !

Le nombre des dossiers n'augmente pas uniquement à l'aide sociale, il augmente aussi dans tous les autres services sociaux. Vous avez entendu parler du SPMi et du SPAd. Ces derniers se sont battus pour obtenir des postes, mais cela n'est pas encore suffisant pour pouvoir répondre en profondeur aux besoins des personnes s'adressant à ces organismes. Souvent, ils ne sont d'ailleurs pas en mesure de le faire et quel en est le résultat ? Ils les renvoient vers les services sociaux privés qui sont eux-mêmes déjà saturés. En fait, on opère simplement un transfert du public vers le privé... (Brouhaha. Quelques instants passent.) Voilà, ils ont fini de parler.

Le développement des épiceries sociales et des banques alimentaires devrait vous inquiéter au lieu de vous réjouir. La générosité de la population, c'est bien - il en sera tenu compte un jour, peut-être - mais toujours est-il qu'il s'agit simplement d'une mesure indiquant la température d'un patient qui est bien malade, celui des politiques publiques en matière d'action sociale. Pour ce motif, notre groupe n'acceptera pas le rapport de gestion en matière de politique sociale. (Applaudissements.)

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le groupe démocrate-chrétien acceptera cette politique publique. Il a constaté à la lecture de ce rapport que la majorité des commissaires avait refusé cette politique publique en accusant notamment le Conseil d'Etat de jouer avec les chiffres. Nous considérons qu'il y a toujours quelque chose d'imprévisible dans l'aide sociale. La précarité, comme le montre le rapport, a d'ailleurs augmenté de 8%, comme l'année précédente et l'année antérieure.

En fait, tout cela est dû à un dépassement du budget de l'Hospice général, notamment dans le cadre de la politique C03. Si on examine celle-ci, on voit que ce programme porte sur la planification, la coordination, le soutien, le contrôle des politiques publiques en matière sociale, en matière d'insertion professionnelle, d'intégration des personnes marginales, d'aide aux victimes et de lutte contre la dépendance. Il vise donc les personnes économiquement les plus fragiles et qui se retrouvent sans ressources.

Nous savons que les comptes déterminent souvent le budget de l'année suivante: nous invitons donc le Conseil d'Etat à continuer de mener une politique courageuse en matière d'aide sociale. D'ailleurs, ce rapport nous montre aussi que 5300 personnes ont quitté l'aide sociale. Ces programmes de réinsertion donnent donc des résultats positifs, même si tout le monde ne pourra pas être sauvé. Nous appelons le Conseil d'Etat à faire preuve de courage dans le but de favoriser la cohésion sociale et d'éviter une augmentation de la paupérisation des plus défavorisés.

Notre demande se justifie aussi par ce signal pas forcément positif - en tout cas, ce n'est pas celui que nous attendions comme première mesure d'économies de l'Etat - à savoir la baisse du supplément d'intégration. Cependant, malgré ces réticences et ces invitations, le groupe démocrate-chrétien acceptera cette politique.

Mme Frédérique Perler (Ve). A la lecture du compte rendu du rapport de gestion et des comptes concernant cette politique publique, les Verts ne peuvent guère s'en satisfaire; non pas qu'elle ait été mal menée, que les résultats ou les évaluations soient mauvais: notre désapprobation est liée au contenu du compte rendu et aux documents livrés par le Conseil d'Etat, qui sont un peu succincts. Par conséquent, les rapports ne pouvaient être plus étayés.

Cela dit, Monsieur le président, je me permets la remarque suivante auprès du Conseil d'Etat: on consacre un budget important à cette politique publique, car il s'agit de respecter notre Constitution fédérale et notre constitution genevoise, c'est-à-dire de permettre à chacun de trouver sa place et de maintenir une certaine solidarité dans notre canton, qui crée la cohésion sociale. C'est important ! Or, on ne retrouve pas ces éléments-là dans ces différents rapports et on ne trouve pas de volonté du Conseil d'Etat: le compte rendu parle d'aspects extrêmement techniques et ne permet pas de susciter des questions sur les politiques sociales menées, qui sont nombreuses, au demeurant, mais qui se déclinent au fond sur assez peu de choses, comme des aspects techniques autour du service de l'assurance-maladie ou bien du SCARPA, qui existe depuis plusieurs années. A ce propos, le service est efficient, on lit dans le rapport qu'il présente un taux de récupération plutôt positif et en augmentation. Mais qui est concerné par ce taux de récupération ? Les parents qui n'ont pas pu bénéficier des pensions ? A qui sert le recouvrement ? Aux parents ou à combler le déficit du service ? Il y a une manière de présenter ces politiques publiques extrêmement importantes et qui vont le devenir toujours plus, alors que les inégalités augmentent dans notre canton.

Ces chiffres ne sont pas de nature à susciter des questions de la part de la commission des finances. J'ai déduit de la lecture de ces documents qu'au fond ils justifiaient parfaitement l'abstention ! Ils ne permettent pas d'exprimer un désaccord avec ce que fait le Conseil d'Etat ou avec la manière dont il mène les politiques publiques, en revanche, on ne saurait dire que ces chiffres sont formidables et qu'il a pu juguler les difficultés que certaines parties de la population vivent dans notre canton.

A ce propos, il aurait été très intéressant de décrire la mise en place des prestations complémentaires familiales: il s'agit quand même d'une politique publique ambitieuse qui déploie des effets positifs, mais cela reste à un niveau très technique et factuel. A partir de là, on peut se poser deux questions: puisque ces politiques concernent des êtres humains, qu'est-ce que cela signifie s'il faut deviner le contenu des politiques publiques et des effets qu'elles déploient ? Est-ce que le Conseil d'Etat évite d'en dire trop pour ne pas susciter trop de questions ou est-ce qu'il nous prépare des diminutions importantes pour le prochain budget ? Cela est inquiétant, en tout cas les Verts sont très inquiets, à voir les décisions récentes prises par le Conseil d'Etat en matière d'aide sociale. Vous comprendrez, Mesdames et Messieurs les députés, que les Verts continueront de s'abstenir au sujet de cette politique publique pour les raisons précitées.

M. François Baertschi (MCG). La politique sociale, pour le MCG, c'est très simple: arrêtons d'engager des frontaliers ! (Commentaires.) C'est là que se trouve la solution !

Cependant, je voudrais revenir sur autre chose en essayant d'être bref dans ce débat. Madame Haller - vous transmettrez, Monsieur le président - vous avez raison: les travaux gratuits sont un vrai scandale, ces travaux que certains patrons voyous donnent à certains de ces employés comme si c'était de l'aumône. Mais qui est le plus grand fournisseur de travail gratuit dans notre région ? C'est un homme de gauche. C'est une usine d'esclaves ! Il s'agit d'une machine à fric ! Qui est cette personnalité de gauche qui emploie des lots gigantesques de travailleurs gratuits ? C'est M. Rossellat... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. François Baertschi. ...directeur du Paléo ! Ce monsieur a une usine d'esclaves qui est une machine à fric. Ce même triste personnage qui dit que le MCG est une honte. C'est M. Rossellat qui est une honte ! Ayons le courage de le dire ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. S'il vous plaît, Monsieur ! La parole est à Mme Marie-Thérèse Engelberts.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Bonjour, Monsieur le président.

Le président. Bonjour, Madame !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Par rapport à... Pardon, je voulais vous dire merci, Monsieur le président.

Le président. Vous pouvez me dire merci aussi.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je voulais revenir sur la question des EMS en particulier, dans la politique sociale de notre canton. Comme vous le savez, nous assistons à une évolution extrêmement importante du «cinquième âge» - nous allons tous vivre en principe beaucoup plus longtemps - avec les pathologies qui y sont associées. Je voudrais insister ce matin sur la problématique de la santé mentale qui est en train de créer des déséquilibres au sein des EMS. Cela a un impact direct sur le budget étant donné le profil de personnel qui va devoir être engagé. Je prends l'exemple d'un établissement, mais cela peut se transférer à d'autres: sur deux cents résidents, près de la moitié des personnes sont actuellement atteintes. Le quart de la population de l'EMS a des problèmes de déficience mentale ou de troubles mentaux divers et variés. L'idée serait - parce qu'il y a la crainte de refaire ce qu'on a fait à une certaine époque...

Une voix. On a sept minutes !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Oui, on a sept minutes, mais tu en as pris une part ! Un secteur de l'EMS est réservé à l'ensemble des patients qu'on garde jusqu'à la fin de leur vie. Or, aujourd'hui on se demande que faire de ces personnes atteintes de troubles de la santé mentale et qui causent une gabegie au sein des institutions. Ma crainte est que, tout à coup, on retourne à des EMS un peu «ghettos», où l'on ne rencontre que ce type de patients, tandis que les autres restent des milieux de vie. L'idée serait d'étudier la possibilité d'avoir dans certains types d'EMS assez grands des unités de crise permettant la prise en charge de certaines personnes en alternance, tout en les maintenant dans le cocon global de ce qu'elles connaissent, reliées à la même maison pour ne pas perturber davantage la situation. Cela a un coût, mais peut-être que c'est une alternative à une «ghettoïsation» des personnes âgées atteintes dans leur santé mentale.

Le deuxième point que je voudrais soulever, c'est que tous les EMS ne sont pas au bénéfice des mêmes équipements nécessaires, médicaux ou autres - ergothérapeutiques, etc. Il serait donc important, sur le plan logistique, soit d'avoir un fonds de matériel à disposition de l'ensemble des EMS - parce qu'on n'a pas tous les jours besoin de cinq fauteuils roulants dans une maison - et qu'un tournus puisse être effectué, soit de doter chaque EMS d'un minimum vital pour une prise en charge adéquate de ces personnes.

Le troisième point concerne le profil des professionnels, qui devront être davantage formés en santé mentale et spécialisés dans le domaine de la psychiatrie.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je ne peux pas laisser sans réponse les propos de M. Baertschi. Le festival de Nyon fonctionne avec une équipe payée correctement et se base sur le bénévolat depuis sa création. On ne peut pas parler d'emplois gratuits !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le problème global de l'aide sociale est évidemment important et préoccupant. Ce parlement reconnaît unanimement que les prestations d'aide sociale augmentent de manière inquiétante d'année en année. Certains, avec raison, se sont dits choqués par le fait qu'année après année le budget de l'Hospice général doive être augmenté et que des crédits supplémentaires doivent être demandés en cours d'année. Je les rassure - je l'ai déjà dit en commission des finances: le Conseil d'Etat et l'Hospice général disposaient jusqu'à présent de méthodes différentes d'estimation de la progression des prestations d'aide sociale directe octroyées par l'Hospice général. A partir de 2015, il ne devrait plus y avoir de différence, puisque nous travaillons en accord avec l'Hospice général et que les budgets présentés seront des budgets communs entre cette entité et l'Etat. Encore faut-il que ces budgets communs soient conformes à la réalité, me direz-vous ! Ils le seront, du moins autant qu'un budget puisse être conforme à la réalité, puisqu'il est établi sur la base de prévisions.

Quoi qu'il en soit, des centaines de millions sont versés dans le domaine de l'aide sociale. Certains se sont inquiétés du fait que toutes ces propositions seraient techniques et factuelles et que l'on manquerait de vision. Pourtant, le Conseil d'Etat a une vision sur ce qu'il faut faire. Non pas que nous soyons généreux aujourd'hui - de loin pas ! Non pas que les personnes bénéficiaires se trouvent dans le confort ou l'aisance - certainement pas ! Mais nous devons par contre essayer de comparer ce qui se fait à Genève avec ce qui se fait ailleurs, pour voir si la cible est juste, car la précarité n'est pas une fatalité, l'Etat n'a pas pour unique rôle de verser des prestations à ceux qui y tombent. L'Etat doit également prévenir cette précarité ! Vous le savez, la prévenir passe par une formation solide, permettant aux personnes de ne pas arriver au chômage, qui trop souvent devient un chômage de longue durée... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Mauro Poggia. ...puis des prestations d'aide sociale en cas de fin de droit à celui-ci. Nous devons donner les moyens à ces personnes d'obtenir une formation qualifiante sur le marché du travail pour pouvoir se battre à armes égales avec ce qui reste encore trop souvent une concurrence déloyale par rapport à un marché du travail très vaste auquel nos employeurs ont accès. Ces mesures, le Conseil d'Etat entend les mettre en place.

Mais je parlais de comparaison et j'ai bien entendu le groupe PDC qui s'est déclaré ému du fait que le supplément d'intégration ait été touché. Peut-être que, je vous le concède, cela n'aurait pas dû être la première mesure, puisqu'elle serait ressentie comme une volonté du Conseil d'Etat de toucher les plus faibles en premier lieu: je vous rassure, tel n'est pas le cas. Des questions de planning, de mise en oeuvre et des programmes informatiques doivent incrémenter ces modifications réglementaires, raison pour laquelle cette proposition a été faite au Conseil d'Etat qui l'a acceptée, parce qu'elle est juste. Je vous explique brièvement pourquoi. Je crois qu'il y a eu beaucoup de malentendus sur ce sujet et il s'agit de les dissiper. Sachez que ce supplément d'intégration de 100 F à 300 F a été proposé par la Conférence intercantonale relative aux institutions sociales. Il se monte à Fribourg à 250 F, pour autant qu'il y ait un contrat d'insertion sociale dans lequel est définie la mesure d'insertion sociale reconnue comme contre-prestation. A Neuchâtel, il s'agit de 100 F à 200 F, pour autant que les personnes qui en bénéficient fournissent une prestation d'intégration sociale et/ou professionnelle. Au Tessin, ce sont 200 F par personne en cas de participation à un programme d'insertion sociale. En Valais, la somme est de 100 F pour autant qu'il y ait un effort d'intégration sociale et/ou professionnelle et 150 F pour les 16 à 25 ans, c'est-à-dire pour les jeunes en apprentissage qui effectuent une formation de base admise par le service compétent. Dans le canton de Vaud, on octroie 133 F aux jeunes adultes. A Berne, ce sont 100 F par personne, à Zurich, on octroie entre 300 F et 500 F selon l'intensité de l'activité déployée par la personne.

Vous le voyez, au niveau intercantonal, ce supplément d'intégration vient s'ajouter aux prestations sociales, il s'agit d'un montant que la personne reçoit chaque mois et qui constitue pour elle un moyen de faire face à ses charges courantes, mais il y a, indépendamment de l'échelonnement, une exigence de contre-prestation réelle.

A Genève, aujourd'hui, 300 F sont octroyés, sans limitation dans le temps, à tout le monde. On ne peut pas raisonnablement l'admettre comme tel. Il faut que les personnes qui reçoivent ces prestations puissent entrer réellement dans un contrat d'insertion professionnelle, alors que ces contrats sont une simple formalité à l'heure actuelle, sans aucune vérification de leur mise en oeuvre. Souvent, il s'agit pour ces personnes de la possibilité de se lever tous les matins et de se rendre dans un lieu où elles peuvent participer à des activités communes. Il faut davantage que cela et nous devons mettre ces sommes là où elles auront un effet à long terme pour les personnes à l'aide sociale, afin qu'elles regagnent le marché du travail.

Nous avons réduit cette prestation de 150 F, ce qui fait que la somme octroyée actuellement se monte à 150 F, mais à 200 F pour plusieurs catégories de personnes à l'aide sociale. La réduction est donc de 150 F pour la grande majorité, mais sachez que 100 F d'économie représentent 9 millions d'économie globale que nous pouvons réaffecter aux prestations sociales qui augmentent d'année en année. Cette somme est importante. Les 50 F supplémentaires correspondent à 4,5 millions, qui sont affectés précisément à des mesures d'insertion mises en place par l'Hospice général et non dans le cadre des mesures du marché du travail de l'office cantonal de l'emploi, qui s'appliquent au service de réinsertion professionnelle.

Ce sont des mesures qui peuvent être mises en place à long terme, que nous n'avons pas actuellement, puisque même les prestations... Nous en avons parlé hier soir concernant la ligne budgétaire de l'office cantonal de l'emploi, où l'on n'avait «pas assez dépensé» - je le mets entre guillemets - les 10 millions, qui étaient une économie sans en être véritablement une, puisqu'il s'agit d'une somme destinée aux mesures cantonales de réinsertion, mais même celles-ci sont dans un carcan qui est défini et tout le monde ne peut pas en bénéficier.

Aujourd'hui, cette somme supplémentaire de l'ordre de 4,5 millions est véritablement à disposition pour permettre à des personnes n'entrant pas dans ce cadre de bénéficier de formations certifiantes. Voilà la vision, Mesdames et Messieurs.

Vous voulez un gouvernement responsable, vous voulez un gouvernement courageux et lorsque ce gouvernement essaie d'exprimer un peu de courage et un peu de détermination, automatiquement les uns et les autres trouvent à redire, considérant que ce n'était pas la bonne façon, que ce n'était peut-être pas le bon moment, pas la bonne manière, qu'il aurait peut-être fallu le faire autrement et à un autre moment. Quoi qu'il en soit, des mesures, vous en aurez cet automne !

Vous nous avez reproché d'être dans le flou, d'être peu précis dans notre programme de législature. Or, celui-ci est ce que l'exercice veut qu'il soit ! C'est un programme, une vision. Nous allons à présent l'appliquer au niveau du gouvernement, parce que nous avons l'intention que Genève puisse dans le long terme faire face à ses obligations, pour que Genève puisse combattre véritablement la précarité dans ce canton et non pas uniquement en versant des prestations sociales à ceux qui y ont droit bien sûr et qui vivent des situations difficiles. (Brouhaha.)

A Genève, la situation est effectivement préoccupante. (Le président agite la cloche.) Sachez néanmoins - parce qu'il y a des chiffres qu'il faut donner, car il faut aussi que vous sachiez de quoi l'on parle - qu'une personne à l'aide sociale, seule, peut défiscaliser 2942 F. Deux adultes en couple peuvent déduire 4339 F, deux adultes avec un enfant 5065 F, deux adultes avec deux enfants 5746 F. Je vous le demande, Mesdames et Messieurs, combien de couples qui travaillent bénéficient, net, après paiement des impôts, pour une famille de quatre personnes, de 5746 F ? Y a-t-il véritablement une incitation à travailler ? Je ne dis pas que ces individus à l'aide sociale sont des paresseux, bien sûr... (Protestations.)

Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît !

M. Mauro Poggia. Il s'agit de faire en sorte que le retour à l'emploi soit une réalité. Le discours est le même avec les emplois de solidarité: ceux-ci sont un tremplin pour aller au-delà. Si vous versez pour ces emplois de solidarité des salaires confortables, conformes au marché du travail, alors même qu'une formation obligatoire doit être accordée à ces personnes, qui se trouvent donc dans une situation où l'employeur s'engage à leur égard, vous n'inciterez jamais ces personnes à regagner le marché du travail. Or, l'Etat doit être incitatif par ces mesures. C'est un programme courageux !

Il serait plus facile pour moi de vous dire que l'on ne touche à rien et que l'on continue ainsi ! La gauche serait contente, la droite me dirait qu'il faut faire quelque chose, mais avec sa mauvaise conscience inévitable dirait qu'on ne peut quand même pas toucher les plus faibles, et nous resterions dans le système actuel. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, il s'agit de prendre des mesures pour être efficace sans toucher les plus faibles de manière aveugle et indistincte. Merci de soutenir la politique du gouvernement. (Huées à gauche. Applaudissements à droite.)

Le président. S'il vous plaît ! (Chahut.) Monsieur Deneys ! Monsieur Deneys ! (Brouhaha.) Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer au vote sur cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique C «Action sociale» est rejetée par 38 non contre 37 oui et 1 abstention. (Huées, applaudissements et bravos à l'annonce du résultat.)

D - PERSONNES AGEES

Le président. Nous passons à la politique publique suivante, D «Personnes âgées». La parole n'est pas demandée... (Remarque.) Monsieur Lussi, vous avez la parole.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne cette politique «Personnes âgées» que l'UDC acceptera... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...vous me permettrez de ne pas entrer cette fois dans des discussions d'économies, mais d'exprimer un réel souci sur l'explosion des coûts. Celle-ci, en tout cas en ce qui concerne les EMS, devient dramatique. Je me réfère à vos chiffres: quand le prix s'élève à 5800 F par mois pour une personne, j'ai toujours le souci de savoir comment un couple sans enfants qui doit aller en EMS va payer. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Patrick Lussi. Monsieur le conseiller d'Etat, je sais que la question vous préoccupe, je sais que le parlement s'est prononcé pour que l'on essaie, dans la mesure du possible, de ne plus placer les gens en EMS, car le problème est avant tout de leur apporter des soins, mais même dans ce cas, en ce qui me concerne, je me dis qu'on assiste à une dérive des coûts. Nous l'avons vu notamment en commission des finances avec ce statut du personnel qui oblige les EMS à pratiquer les mêmes augmentations que l'Etat. En définitive, ce sont nos pauvres personnes âgées qui paient. Il y a donc un réel problème et l'UDC attend que le gouvernement et en particulier votre département, Monsieur le conseiller d'Etat, nous annoncent des mesures, non pas d'économies, mais visant à freiner cette explosion des coûts qui devient insupportable, parce que si pour payer ce personnel on en arrive au point que les enfants doivent assumer une partie de l'entretien, il y a une dérive à laquelle l'UDC ne participera pas !

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, Mme Engelberts l'a évoqué tout à l'heure, le vieillissement de la population que nous connaissons aujourd'hui se vérifie effectivement d'un point de vue démographique, mais également dans les politiques publiques pour les personnes âgées au niveau des EMS et au niveau de l'IMAD qui dit que sa situation se complexifie, qu'elle atteint ses limites et que le financement ne suit pas. Alors, si je n'avais qu'une seule question, ce serait celle-ci: quid de l'initiative 125 ? Pourquoi les travaux autour d'une révision du système PLAISIR ou l'adoption d'un nouveau système tarde-t-elle autant ? Il y a là, en effet, beaucoup de choses à faire et nous pensons qu'une attention soutenue doit être accordée aux ressources allouées aux services et aux établissements qui aujourd'hui prennent en charge les personnes âgées.

Et puis, parce que ce n'est pas toujours le dernier qui parle qui a raison, vous me permettrez de revenir sur les propos de M. Poggia, parce qu'un certain nombre de contre-vérités ont été proférées et méritent une réponse. D'abord, j'aimerais lui dire, puisqu'il a parlé de courage, que celui-ci ne se résume pas au fait de s'attaquer aux plus faibles. En général, le courage serait plutôt de s'attaquer aux plus forts ! (Applaudissements.)

M. Poggia a dit qu'il s'agissait peut-être d'une erreur d'annoncer cette mesure en premier lieu. Je tiens à vous dire que si vous l'aviez fait en dernier lieu, cela aurait tout autant constitué une erreur ! Parce qu'il est injuste, indigne et totalement déplacé de prendre aux plus démunis ! Vous avez dit que cette aide constitue un plus, mais j'aimerais vous rappeler que ce n'est pas un plus, que le coût de la vie est beaucoup plus élevé à Genève que dans les autres cantons que vous avez pris pour référence et qu'aujourd'hui les bénéficiaires, avec la diminution que vous proposez, percevront moins que ce dont ils bénéficiaient en 2006 dans ce canton !

En janvier 2006, on a supprimé aux plus précaires de ce canton le forfait vêtements et TPG, équivalent à 130 F. En juillet 2006, on a introduit les normes CSIAS. Qu'a-t-on fait ? Alors que le forfait de base était de 1260 F, on a enlevé 300 F qu'on a rendus ensuite sous condition de mérite, dans une situation où l'on prétendait parler d'insertion, alors qu'il n'y a jamais eu aussi peu de possibilités d'insertion.

Le fait qu'aujourd'hui vous prévoyiez un régime particulier pour les personnes à l'AVS/AI montre bien qu'on peut octroyer cette prestation à cette catégorie sans poser d'objectifs et donc que, quelque part, cet argent fait bien partie du minimum vital; alors venir le retrancher aujourd'hui, cela revient à retirer deux jours de nourriture dans un budget, c'est enlever la possibilité de régler un certain nombre de factures, cela signifie prendre aux plus faibles de ce canton ! C'est les empêcher de vivre dignement dans un canton qui ne leur offre pour horizon que l'aide sociale une fois qu'ils y sont tombés, faute d'alternative ! Vous l'avez dit hier: on a utilisé à peine un peu plus d'un tiers du budget d'insertion. Vous l'avez déploré et c'est vrai, mais la réalité est là: il existe trop peu d'alternatives et tant qu'on ne mènera pas une politique proactive, ces gens devront rester à l'aide sociale et vous devrez leur garantir, comme le prévoit la constitution genevoise, un revenu suffisant pour subvenir à leurs besoins vitaux et sociaux. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Jean-Luc Forni (PDC). Une fois de plus, le groupe démocrate-chrétien soutiendra cette politique publique. Nous rappelons que la politique de la personne âgée est une priorité de santé publique de notre canton et qu'il faut tout mettre en oeuvre pour maintenir les personnes âgées le plus longtemps possible à domicile, notamment par le développement des structures de jour et bien entendu des EMS. On voit d'ailleurs dans les comptes qu'il y a eu une diminution de l'enveloppe destinée à l'ouverture de nouvelles places de soins dans les établissements médicaux sociaux et que les charges versées par le service des prestations complémentaires ont aussi été inférieures à ce qui avait été budgété.

Il faut donc rester vigilant sur les coûts, il y a peut-être des problèmes sur l'adaptation des salaires des entités subventionnées au sein des EMS, mais je crois quand même qu'il faut tout faire pour maintenir le plus longtemps possible les personnes âgées à domicile. Dans ce cadre, il faut aussi se préoccuper du statut des proches aidants et de ceux qui mettent tout en oeuvre pour maintenir à domicile leurs proches sans forcément avoir le soutien ni financier ni logistique nécessaire. Pour toutes ces raisons et avec les réserves que nous émettons à nouveau, nous soutiendrons cette politique publique.

M. Bertrand Buchs (PDC). Cette politique publique est l'une des plus importantes politiques menées par l'Etat. Il ne faut pas la banaliser. Nous vivrons de plus en plus longtemps et il faut que l'Etat se prépare aux problèmes liés aux personnes âgées. Les aînés ont beaucoup donné pour notre canton et méritent en retour qu'on leur donne tout autant.

Il est clair que c'est une question d'argent, on le voit dans les comptes, cela coûte cher, mais c'est comme l'aide sociale, ce sont des choses que l'on doit assumer. L'Etat doit prioritairement assumer les personnes âgées, comme il doit assumer l'aide sociale. Dans ce domaine, nous faisons confiance au gouvernement.

Toutefois, il faudra aussi avoir une réflexion sur le financement de la politique publique des personnes âgées et il est évident que, puisqu'on veut que celles-ci restent plus longtemps à leur domicile, il faudra peut-être réfléchir à une modification de la façon de soigner les gens. Est-ce qu'on base tout sur l'aspect hospitalier ? Est-ce qu'on octroie moins pour les soins à domicile ? Je pense que des transferts financiers devront être effectués et qu'une vision différente de la santé devra être adoptée.

Lorsqu'on parle de l'IMAD qui demande des moyens supplémentaires, il faut savoir que si cette institution n'arrive pas à tourner, c'est parce que les tarifs appliqués lorsque son personnel se rend au domicile des patients sont ridicules. Ce n'est donc pas le problème du canton de Genève, car ces tarifs sont décidés par la Confédération. Cependant, le niveau de rémunération des infirmières ou des aides à domicile est très bas et avec les frais ainsi facturés, on n'arrive pas à obtenir le budget nécessaire pour les personnes âgées. Il faut se battre pour celles-ci et, comme l'a très bien dit Mme Engelberts, il convient de penser à des structures différentes, pas uniquement aux EMS, et de réfléchir aux modifications psychologiques liées à l'âge qui poseront de gros problèmes. Je crois donc que le gouvernement a un gros travail devant lui.

Mme Frédérique Perler (Ve). Cette politique est extrêmement importante - on l'a dit - surtout dans une société vieillissante. On y voit effectivement les efforts considérables de l'Etat et il est primordial de maintenir un dispositif non seulement en matière d'EMS, mais également de maintien à domicile performant.

L'idée serait quand même, Mesdames et Messieurs les députés et Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, d'éviter de s'en tenir à un niveau très théorique à propos du maintien à domicile, c'est-à-dire d'éviter qu'il reste une intention. La difficulté principale serait de préserver les moyens permettant à cette politique, actuellement très bien menée, de continuer à l'être. Il faut accorder une attention toute particulière au fait que les politiques publiques mises en place doivent aussi être maintenues et ne pas se vider de leur propre sens.

Je me permets de revenir tout de même sur les propos précédents de M. Poggia, dont Ensemble à Gauche a pu relever certains aspects. Encore une fois, nous avons eu droit à la déclinaison de ce qui se fait dans les autres cantons uniquement d'un point de vue financier - au Tessin, c'est tant, à Neuchâtel, c'est tant et à Zurich, c'est tant - avec en même temps, dans cette comparaison, une véritable déconnexion des réalités économiques et sociales que vit chacune de nos différentes villes ou chacun de nos cantons en Suisse.

Genève est une des villes les plus chères. Il est impossible de sortir à Genève sans consommer: donc, quand on parle de supplément d'intégration, le terme est déjà mal choisi ! Mme Haller a expliqué pourquoi et je n'y reviendrai donc pas, mais il ne s'agit pas d'un «supplément», ni d'un cadeau ! C'est un droit, qui a été divisé il y a un certain nombre d'années, en 2005, et qui doit se mériter, d'où ce nom de «supplément» horrible et inaudible !

Quand en plus le Conseil d'Etat, qui dit avoir du courage - et là, permettez-moi tout de même, Mesdames et Messieurs les députés, de relever le paradoxe - qui dit que nous devons être solidaires envers les plus démunis, qu'il tient à cette solidarité, déclare en même temps qu'il faut couper des prestations aux plus démunis et déshabiller Paul pour habiller Jacques, puisque ces sommes, cela vient d'être dit, vont être réaffectées à d'autres politiques, eh bien les bras m'en tombent ! Voilà ce que je tenais à relever, je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Eric Stauffer, pour deux minutes et trente-trois secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG a déposé une motion concernant les politiques sociales pour rétablir ce qui a été supprimé par le Conseil d'Etat. Nous sommes toujours pour la défense des plus démunis, je l'ai dit sur le plateau de Léman Bleu... (Exclamations.) ...nous le maintenons aujourd'hui, on ne s'attaquera pas aux plus faibles de cette république !

Certes, on pourrait éliminer ces 150 F, comme on pourrait supprimer d'autres choses, mais finalement je préfère qu'on élimine des prestations et qu'on dégraisse l'Etat ailleurs, mais qu'on ne touche pas aux plus démunis de cette république. Quand bien même il s'agirait d'un cadeau de 150 F à ceux qui sont à l'assistance sociale, ceux qui ont été frappés par la disgrâce du chômage et qui ont de la peine à boucler leur mois, je signerais encore, parce que, je l'ai déjà dit, la force d'une chaîne se mesure toujours à son maillon le plus faible.

Enfin, puisqu'il ne nous reste plus de temps pour la déclaration finale, je dirai simplement que le groupe MCG refusera ces comptes. Nous ne sommes pas satisfaits de l'action gouvernementale, spécifiquement de l'ancienne législature. Aujourd'hui, le Conseil d'Etat dans son ensemble devrait avoir un sursaut pour revenir aux réalités genevoises et arrêter de faire des déclarations «ventilateurs» avec ce Grand Genève que les Genevois ne veulent pas !

Une voix. Bravo !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que la politique de la personne âgée est au centre des préoccupations de l'Etat, d'abord pour des questions humaines, bien sûr, puisqu'il s'agit d'offrir des réponses adéquates à une population vieillissante, que nous rejoindrons sans doute bientôt, mais pour des questions financières également: vous le savez, le coût des EMS est, que ce soit pour les prestations directes ou indirectes, de 8000 F à 12 000 F par mois et par personne. Or, dans le domaine du maintien à domicile, nous nous trouvons dans une fourchette de 3000 F à 4000 F. Ne serait-ce que pour des questions de viabilité financière à long terme, nous devons favoriser l'aide à domicile, cela correspond d'ailleurs à ce que veut une grande majorité de notre population. Pour ce faire, l'institution de maintien et d'aide à domicile, l'IMAD, reçoit un soutien conséquent.

Mais l'Etat doit également améliorer le soutien aux proches aidants. Ce soutien n'est pas uniquement financier. Les proches aidants, souvent, ne demandent pas à être rémunérés pour le travail qu'ils font avec générosité, compte tenu de liens familiaux. En revanche, il s'agit de permettre à ces proches aidants, parfois, de respirer, comme on dit, parce que les proches peuvent être une charge extrêmement lourde au quotidien et il faut aussi que ces personnes puissent se ressourcer par moments pour pouvoir se sentir d'attaque et revenir assumer ces obligations. Pour ce faire, il existe évidemment des foyers de jour, les unités temporaires de répit, qui doivent être améliorées et concentrées dans le canton, non pas dispersées, pour que les personnes puissent aussi y avoir accès sans avoir besoin de traverser le canton. On ne dépose pas son père ou sa mère comme on irait mettre son animal de compagnie dans un foyer le temps de prendre des vacances ! Evidemment pas ! Un accompagnement doit précéder cette démarche qui souvent précède elle-même l'entrée dans un EMS et qui évite le choc brutal de l'entrée en EMS quand on vient de son domicile. Pour certaines personnes âgées, il s'agit d'une habitude à prendre pour constater que finalement l'on n'est pas si mal lorsqu'on est entouré et pas forcément 24h/24 par la personne qui nous est la plus proche.

Tout cela, évidemment, a un coût et l'Etat en est conscient. Il s'agit de trouver les moyens nécessaires et vous verrez dans le cadre du budget 2015 que ces politiques sont soutenues. J'y reviendrai lors de la discussion sur la politique du handicap, qui nous préoccupe également, parce qu'elle est rejointe par la politique du vieillissement. Ces deux politiques se chevauchent en effet aujourd'hui. Auparavant, les personnes vivant avec certains handicaps décédaient malheureusement très tôt. Aujourd'hui, heureusement, elles vieillissent, mais le vieillissement de cette population spécifique pose de nouveaux défis auxquels notre société doit pouvoir répondre.

Il existe à Genève 52 EMS subventionnés par l'Etat, dans lesquels les prestations sont de très grande qualité, ce pour quoi je les remercie. Il s'agit évidemment de continuer à les aider, mais il faut aussi faire preuve de créativité, pour trouver des structures et des réponses adaptées à la perte progressive de l'autonomie des personnes âgées. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Permettez-moi, Monsieur le président, puisque certaines et certains ont considéré devoir revenir sur le sujet précédent, de dire ceci: le Conseil d'Etat ne prend pas aux pauvres pour donner aux riches. Je rappelle simplement à certains qui ont la mémoire courte... (Brouhaha.) ...qu'en 2013, l'Etat a versé 34 millions de plus à l'Hospice général que ce qui était prévu au budget. Ces 34 millions, je pense que vous en conviendrez, ont été versés à des personnes qui en avaient besoin, à des personnes en précarité. Et ce montant n'était pas prévu au budget.

Les sommes prélevées sur la réduction modeste de ce supplément d'intégration sont allouées précisément à des personnes qui en ont besoin, en très grande partie sous forme de prestations et, pour un tiers, sous forme de mesures de réinsertion. On l'a dit - et Mme Haller dans son intervention passionnée et accusatrice l'a relevé - le Conseil d'Etat aussi considère que l'on n'a pas fait assez en matière d'intégration et que les sommes non dépensées l'ont été à tort. Le Conseil d'Etat considère que toute notre énergie doit être investie dans ce but.

Il ne s'agit pas uniquement des finances de l'Etat, il en va de questions humaines: ces personnes à l'aide sociale en souffrent pour la grande majorité d'entre elles, le statut d'assisté de l'Hospice général pèse à certaines personnes et je le reconnais.

L'Etat n'a pas pour unique rôle de verser des prestations permettant aux gens de payer leurs charges mensuelles. Il est là aussi pour donner une place à chacun et je veux bien croire que pour une grande majorité de personnes qui sont à l'Hospice général aujourd'hui, trouver une place ne signifie pas rester à l'assistance, mais revenir sur le marché du travail. Pour cela, nous avons besoin de moyens et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a pris une décision que je persiste à considérer comme courageuse - j'en veux pour preuve les réactions très animées d'une partie de ce parlement. Il faut avoir un certain courage pour se dire qu'il faut réaffecter certains moyens là où véritablement nous en avons besoin. (Applaudissements. Quelques huées.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce qui se passe n'est pas correct du tout ! J'aimerais que quand un orateur s'exprime, on respecte ses paroles. Vous avez le droit de ne pas être d'accord, mais vous n'avez pas le droit de huer les gens. Je vous prie d'avoir le moindre des respects, afin que nos débats puissent se dérouler sereinement dans cette assemblée. (Applaudissements. Huées.)

Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote de cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique D «Personnes âgées» est adoptée par 69 oui contre 2 non et 13 abstentions.

E - HANDICAP

Le président. Nous passons à la politique E «Handicap». La parole est à M. le député Cyril Mizrahi.

M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, chers collègues, j'ai une minute pour vous parler de la politique du handicap, c'est assez court ! Ce que j'aimerais vous dire, en substance, c'est que, Mesdames et Messieurs, ceci n'est pas une politique du handicap ! D'ailleurs, il est intéressant de constater le glissement sémantique: au chapitre de l'enseignement, qui est la seule autre politique publique où l'on aborde la question des personnes handicapées, en particulier des enfants handicapés, on parlait d'inclusion; ici, on ne parle plus d'inclusion, mais d'intégration; enfin, si vous regardez le programme de législature du Conseil d'Etat, on ne parle même plus d'intégration, on parle uniquement de prise en charge des personnes handicapées et des personnes âgées, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit. Le problème est le même pour la politique de la personne âgée: il n'y a pas, dans ce canton, de véritable politique globale du handicap.

Où est-ce que l'on parle, dans ces comptes, des mesures prises par l'Etat pour favoriser la réinsertion professionnelle des personnes handicapées ? Où parle-t-on des mesures prises par l'Etat pour améliorer l'accessibilité du bâti, de l'environnement construit aux personnes handicapées ? Où parle-t-on des mesures prises par l'Etat pour favoriser l'autonomie des personnes handicapées ? Eh bien, ni dans la politique du handicap, ni ailleurs !

Même si vous observez les indicateurs par rapport aux institutions... Parce que dans la politique du handicap, on ne trouve que deux choses: les institutions et les sommes versées directement aux personnes au titre des prestations complémentaires, notamment. Eh bien, si vous regardez les indicateurs concernant les institutions, nulle part on n'explique, par exemple, combien de personnes ont pu quitter les institutions et retourner vivre à domicile ou dans des structures intermédiaires. On ne parle pas non plus du nombre de personnes ne trouvant pas de place en institution. On le sait après avoir traité la pétition de la FéGAPH: une centaine de personnes ne trouvent pas de place.

Ce n'est donc pas satisfaisant. Je voterai contre cette «non-politique du handicap» et je vous invite à en faire de même. (Applaudissements.)

Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'interviens très brièvement: j'entends ce qui s'est dit. Sans doute l'Etat n'a-t-il pas axé tous ses efforts dans la politique du handicap. En revanche, je ne peux pas laisser dire que l'Etat ne se préoccupe pas de l'intégration des personnes handicapées. Il ne se passe pas une semaine sans que je rencontre deux ou trois partenaires, associations ou fondations travaillant dans ce domaine et créant des ateliers, précisément pour permettre aux personnes de regagner le marché du travail; mais souvent, bien sûr, le handicap implique des ateliers protégés. Tout cela a un coût et tout cela est en cours.

Nous allons sans doute faire mieux ces prochaines années, c'est en tout cas une préoccupation, nous l'avons dit dans le discours de Saint-Pierre: une place pour chacun, c'est aussi une place pour les personnes handicapées dans notre société et non pas uniquement dans des homes, bien sûr. Il s'agit de faire en sorte que les handicapés soient partout parmi nous, à tous les niveaux de la population, au niveau professionnel et social, et nous y travaillons.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons passer au vote sur cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique E «Handicap» est adoptée par 47 oui contre 15 non et 14 abstentions.

F - ENVIRONNEMENT

Le président. Je passe la parole à M. le député Eric Leyvraz pour la politique publique suivante, F «Environnement».

M. Eric Leyvraz (UDC). Monsieur le président, l'UDC acceptera cette politique publique F. Elle constate que ce département est bien mené, qu'il a réussi à contenir ses dépenses et à diminuer légèrement le nombre de ses employés - ce qui était demandé, mais il n'y a pas beaucoup de départements qui l'ont fait. De ce côté-là, le bilan est satisfaisant.

Cependant, l'UDC se rend compte que l'on arrive à présent à des limites physiques de notre territoire et qu'on atteint les 8400 hectares de surface d'assolement. La limite est donc atteinte, le Conseil d'Etat est allé rencontrer Mme Leuthard pour négocier la possibilité d'assouplir un peu cette limite, mais notre conseillère fédérale a dit non; elle refuse que l'on mette, par exemple, une partie de la zone viticole dans cette surface d'assolement. Il va désormais falloir se montrer inventif si l'on veut garder cette zone agricole dans son état actuel.

L'UDC met aussi en garde le Conseil d'Etat sur certains principes d'environnement, comme la politique d'environnement 2015-2030 que nous avons vue en commission et que nous avons dû passablement corriger, car elle part de très bons principes mais se transforme assez rapidement en usine à gaz. Il était assez extraordinaire de voir que, dans ces principes d'environnement 2015-2030, on ne parlait pratiquement pas des paysans, qui disposent quand même de la moitié du territoire à Genève ! Evidemment, aucune politique environnementale ne se fera sans les paysans, qui en seront le moteur.

J'aimerais quand même souligner à présent un point très positif, c'est le succès des produits de proximité, le label GRTA. Certes, les paysans font des produits de grande qualité, mais ensuite il faut encore les vendre, et il s'agit d'un autre problème. Dans le développement du GRTA, l'aide de l'Etat a été d'une grande utilité. On peut remercier le Conseil d'Etat et j'adresse également un petit sourire et un remerciement à Mme Künzler, parce que, dans ce domaine-là, elle a effectué un excellent travail.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, il faut déjà souligner l'important travail effectué en 2013 par le département et ses services dans les différents domaines qui concernent l'environnement. On peut citer, par exemple, dans le cadre de la politique liée à l'eau, la renaturation de certains cours d'eau.

J'aborderai assez rapidement, parce que nous avons peu de temps, la question de l'air. Nous en avons souvent parlé au sein de ce parlement: à Genève, les normes de pollution de l'air sont fréquemment dépassées. La commission de l'environnement est en train d'étudier trois motions visant à prendre des mesures efficaces en cas de pics de pollution de l'air; je crois qu'il faut vraiment avoir une volonté politique, également en termes de normes de protection contre le bruit. Ces normes sont régulièrement dépassées à Genève, où environ quatre-vingt mille personnes souffrent du bruit: il s'agit donc d'une vraie question de santé publique.

En termes de déchets, je voudrais citer un chiffre: le taux de recyclage, qui est de 44%, comme indiqué dans le rapport de gestion. Ce taux doit continuer à augmenter. Je sais que le département fait beaucoup de choses, notamment par des campagnes de sensibilisation et d'animations pédagogiques auprès des enfants, parce que c'est là que cela commence.

Je citerai aussi l'agriculture. Vous avez parlé des produits GRTA. Un projet très intéressant de labellisation de restaurants a débuté: on compte à ce jour 75 restaurants GRTA. Cela est aussi important pour nos produits du terroir, que l'on doit effectivement défendre, que l'on soit de droite ou de gauche.

Mon collègue UDC l'a dit, au sein de la commission, nous avons parlé du concept «Environnement 2030» qui a été déposé par le Conseil d'Etat en novembre 2013: de nombreuses questions se posent par rapport à ce concept. Il a été voté par la commission à une large majorité, mais il a effectivement suscité beaucoup de questions et un débat que l'on n'aura malheureusement pas le temps de mener aujourd'hui, mais qu'on aura prochainement lors des travaux du Grand Conseil.

Je terminerai en rappelant que ce concept «Environnement 2030» indique bien - et cela paraît tout à fait logique - qu'il faut que les autres politiques publiques parallèles à celle de la protection de l'environnement soient cohérentes avec une volonté de protéger notre environnement. Or, si on considère par exemple la politique de mobilité et ce qui nous est proposé aujourd'hui, c'est-à-dire une traversée autoroutière de la rade, que l'on votera ou pas - et j'espère qu'on ne la votera pas - le 28 septembre, ainsi qu'un élargissement de l'autoroute de contournement, je pense qu'il est assez facile de comprendre qu'avec une telle politique de mobilité on n'ira pas dans le bon sens par rapport à la protection de l'environnement.

Présidence de M. Antoine Droin, président

M. François Lefort (Ve). Certes, mon collègue Eric Leyvraz se réjouit que cette politique ait été bien gérée. Oui, c'est assez facile de bien gérer cette politique avec des moyens extrêmement réduits par rapport à 2012 ! En 2013, elle a été bien gérée, mais avec beaucoup moins de moyens ! En observant la gestion de cette politique en 2013, nous avons remarqué que nous n'avons pas les moyens de mettre en oeuvre les lois que nous votons ! La loi sur la biodiversité, votée en 2012 et créant un fonds sur la biodiversité, n'est absolument pas mise en oeuvre, parce qu'il n'y a pas un kopeck dans ce fonds ! Alors, je m'adresse au Conseil d'Etat: dans le budget 2015, pouvez-vous penser à achalander le fonds de cette loi pour l'implémenter dans le cadre de la mise en oeuvre de cette politique F04 sur la nature et le paysage ?

J'en viens à la politique agricole: j'ai entendu M. Leyvraz se réjouir de tout ce qui a été bien fait, en particulier par Mme Künzler. Nous le remercions de s'en apercevoir maintenant, mais c'est un peu tard ! Parce que Mme Künzler était également en charge de cette politique il y a deux ou trois ans et elle la gérait bien, d'ailleurs si vous la félicitez aujourd'hui, c'est justement parce qu'elle s'en occupait bien !

Concernant cette politique agricole, la question que j'aurai pour le Conseil d'Etat est la suivante: comme nous avons remarqué que les dépenses par rapport au budget étaient restées stables en 2013, nous avons constaté que, dans le cadre de la mise en oeuvre du développement d'une agriculture respectueuse de l'environnement, les soutiens à la conversion des entreprises agricoles qui choisissent l'agriculture biologique ne sont pas au rendez-vous. Alors, est-ce que le Conseil d'Etat sera au rendez-vous en 2015 pour soutenir les conversions des entreprises voulant opter pour l'agriculture biologique ? Merci pour ces réponses, Monsieur le conseiller d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais passer la parole au rapporteur, puis au conseiller d'Etat. Ensuite, nous voterons.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Tout à l'heure, nous avons parlé des politiques sociales et donc des coûts, mais, Monsieur le président du département, il y a un problème grave à Genève, c'est le bruit ! Vous ne pouvez pas être assis sur une terrasse en plein air en été, alors que c'est le moment d'en profiter, sans qu'il y ait un bruit infernal, notamment des deux-roues. Vous le savez, on en a parlé, mais je trouve qu'il y a une impunité invraisemblable ! Nous étions quelques députés l'autre jour dans la Vieille-Ville et cinq ou six motos de cylindrée assez puissante ont provoqué un bruit infernal. Non seulement ces individus sont passés à plusieurs reprises, mais en plus, ils ont stationné de manière interdite, sans qu'on puisse leur dire quoi que ce soit. Alors, effectivement, peut-être que la police pourrait faire quelque chose à ce sujet, Monsieur le président !

Il est important pour la santé des citoyens qu'ils puissent bénéficier d'une certaine tranquillité, notamment pendant les week-ends. Vous savez qu'il s'agit d'une politique fédérale. Genève est l'une des villes de Suisse les plus polluées en matière de bruit. Dans ce domaine, je crois que le Conseil d'Etat, en tout cas ces dernières années, n'a absolument rien fait !

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite d'abord vous remercier d'avoir souligné le bon travail qui a été fait par Mme Künzler avant tout - je dis bien «qui a été fait», mais il continue à être fait. Il est vrai que la politique de l'environnement dans notre canton est basée sur «Environnement 2030», programme avec lequel je suis entièrement d'accord.

On a parlé du manque de moyens, mais il est vrai qu'on peut encore faire passablement de choses malgré ce manque de ressources, par le biais d'une meilleure concertation. Celle-ci doit se faire également entre mes différents services. Vous savez que l'environnement implique non seulement le bien-être et tout ce qui relève de la qualité de l'air, mais concerne aussi l'espace naturel, les forêts et l'espace agricole. On a parlé des produits GRTA, un label qui fête aujourd'hui ses dix ans et que nous allons renforcer auprès des restaurants, de l'hôtellerie et du tourisme, dont la demande à l'égard de ces produits GRTA est toujours plus grande, par de meilleurs contrôles également des personnes qui travaillent autour de ce label et qui doivent le respecter, car il leur permet également d'accéder à certains marchés.

En ce qui concerne la pollution de l'air, je rencontre bientôt mes collègues romands, puisque vous savez que les différentes dispositions quant au respect de la qualité de l'air dépendent non seulement de Berne, mais également de positions communes avec la Suisse romande. J'ai demandé que soient mises à l'ordre du jour des mesures à prendre lors de pics de pollution, que cela concerne les particules fines durant l'hiver ou les pics d'ozone durant l'été: on a parlé de la gratuité des transports publics, mais aujourd'hui, bien sûr, les moyens manquent pour réaliser cette gratuité en cas de pics de pollution, parce que cela représente environ 100 000 F de déficit par journée gratuite pour les TPG. Cependant, le but serait peut-être de s'aligner sur les normes utilisées par nos voisins français, parce que toute la région est concernée et les discussions ont lieu à ce niveau-là.

En rapport avec ce qui se fait dans notre canton, même si on peut toujours faire mieux, nous avons reçu il y a quelques semaines le Forum européen sur la nature et les forêts urbaines. Je peux vous dire, Mesdames et Messieurs, que nous sommes quand même des privilégiés. Nous sommes cités en exemple, cela est positif, mais on ne peut pas agir uniquement au niveau cantonal et je crois qu'il y a encore beaucoup de travail à effectuer, en concertation avec les autres cantons au niveau national, ainsi que, je le répète, avec toute la région.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote de cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique F «Environnement» est adoptée par 73 oui et 3 abstentions.

G - AMENAGEMENT ET LOGEMENT

Le président. Nous passons à la politique publique G «Aménagement et logement». La parole est à M. François Lefort.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Ici encore, nous remarquons dans les comptes 2013 une baisse des moyens par rapport au budget 2013, ainsi que par rapport aux comptes 2012. Sous certaines de ces sous-politiques G, le budget 2013 n'est pas réalisé. On observe donc une réduction des moyens, alors que la politique de l'aménagement est déterminante pour résoudre le problème principal de la population, c'est-à-dire le manque de logements à Genève. Pour résoudre ce problème, l'outil que nous avons mis en place l'année dernière s'appelle le plan directeur cantonal, dont nous attendons l'approbation par le Conseil fédéral.

En quoi consiste le plan directeur cantonal ? Il s'agit du programme de déclassements prévus pour pouvoir construire les logements qui font défaut. Les conséquences de ce manque de moyens sur le plan directeur cantonal sont le ralentissement de sa mise en oeuvre et le ralentissement de l'aménagement. Alors, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat: on ne peut dire à la population que nous allons résoudre les problèmes de logement et en même temps ne pas se donner les moyens d'implémenter ce plan directeur cantonal !

Nous vous saurions donc gré de prévoir pour 2015 le minimum des moyens nécessaires à la mise en oeuvre du plan directeur cantonal, c'est-à-dire l'organisation des déclassements sur les périmètres prioritaires sur lesquels nous devons construire les logements. Voilà les engagements que les Verts attendent de la part du Conseil d'Etat.

Mme Irène Buche (S). Il faut constater année après année la même chose: Genève ne construit pas assez de logements et surtout pas suffisamment de logements sociaux correspondant aux besoins prépondérants de la population. L'objectif prévu par le plan directeur cantonal est de 2500 nouveaux logements par année, mais il est loin d'être atteint ! En effet, en 2013, Genève n'a augmenté son parc locatif que de 1345 logements, dont de nombreuses villas, appartements en propriété par étage et loyers libres. Sur ces 1345 logements nouveaux, il n'y a que 154 LUP, soit à peine 12% du total. En 2013, cela a permis d'augmenter le taux de LUP de 9,33% à 9,4%. C'est un progrès fulgurant ! Or, l'objectif fixé par la loi est de 20% de LUP sur l'ensemble du parc locatif. On en est bien loin !

D'autre part, le nombre de demandeurs de logements inscrits à l'office du logement augmente chaque année de manière considérable. On peut ainsi constater dans le rapport du Conseil d'Etat que ce nombre a augmenté de près de mille personnes entre 2012 et 2013, soit 13%. Cette augmentation, parmi d'autres critères, montre que la pénurie de logements déjà grave est en train de s'aggraver encore, contrairement à l'objectif défini.

Ainsi, au lieu de promouvoir des logements en PPE, dont on sait qu'ils n'ont à ce jour essentiellement profité qu'à une minorité de privilégiés, il faut absolument que l'Etat mette toutes ses ressources dans le logement social, au profit de la majorité de la population. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (UDC). Le groupe UDC, vous le savez, s'est opposé au plan directeur cantonal 2030. Pourquoi ? Parce que celui-ci ne prend pas en considération les limites de notre territoire, qu'il nous faut bien admettre. Sinon, que se passe-t-il ? Eh bien, ce qui se passe au niveau du plan directeur cantonal 2030: nous touchons terriblement les terres agricoles et, maintenant que la Confédération nous dit que cela n'est plus possible, on va se rattraper sur la classe moyenne, sur les zones villas, M. Hodgers l'a dit très clairement. Mais c'est aussi ne pas prendre en compte une large part de la population, qui a investi tous ses moyens pour essayer de pouvoir travailler et vivre à Genève et qui aujourd'hui ou demain se trouvera forcée à l'exil. Cette classe moyenne, il faut commencer à y penser, car demain nous n'aurons peut-être plus les moyens de mener la politique sociale de notre canton.

En raison de l'atteinte aux terres agricoles, mais également des dommages à la classe moyenne, il est clair que cette politique d'aménagement menée à travers le plan directeur cantonal ne peut pas nous convenir. C'est pourquoi nous refuserons cette politique publique.

Mme Martine Roset (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cela a été relevé tout à l'heure par mon collègue Eric Leyvraz, il est vrai que l'emprise sur la zone agricole va devenir très problématique: nous n'avons désormais plus de marge sur notre quota de SDA et cela implique que nous devrons nous montrer très imaginatifs concernant la densification du bâti actuel. Dans ce domaine, nous avons de grands principes, mais il est vrai qu'en termes de mise en application, nous sommes un peu faibles. Cela vient d'être relevé par Mme Meissner, il est vrai que la zone villas doit être densifiée, mais on doit trouver des solutions, sinon Genève est destinée à ne plus pouvoir progresser en matière de logement.

Je parlais de densification: nous devons étudier la surélévation des immeubles. La densification doit être envisagée non seulement en termes de densité minimale, mais également en termes de construction en hauteur. La commission d'aménagement s'est déjà saisie de cette problématique. Notre conseiller d'Etat est également conscient des défis qui nous attendent et je pense que tous autour de la table, nous serons capables de les relever.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Rémy Pagani, à qui il reste deux minutes et quarante secondes.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rappeler un certain nombre de choses. Depuis quatre ans maintenant, nous produisons dans ce canton à peu près 1300 logements - mais c'est vraiment pousser très haut la barre - et nous sommes incapables de construire ces 2500 logements qui manquent cruellement à la majorité de la population. Parmi ces 1300 logements, nous produisons 60%, voire plus, de logements en PPE qui font l'objet de spéculation et qui introduisent des procédures mafieuses dans notre canton, ce qui est extrêmement grave, Mesdames et Messieurs !

Nous estimons qu'une politique doit être menée visant à renverser cette tendance et à faire en sorte que l'on construise 60% de logements bon marché ou de logements qui soient en tout cas accessibles à la population, c'est-à-dire locatifs, comme par le passé, dans les années où l'administration fonctionnait. Cela nous permettait de sortir 2000 à 2200 logements dans ce canton, ce qui est la moindre des choses !

Quand on regarde le fonctionnement de l'administration, alors là, c'est catastrophique ! D'ailleurs, je m'étonne que M. Hodgers ne soit pas là. Les processus mis en place par l'administration pour l'adoption de PLQ sont désastreux. A peu près vingt personnes - de mémoire - s'occupaient de mettre en place des PLQ, il n'y en a plus que deux en fonction aujourd'hui ! C'est le résultat d'une politique visant à sabrer dans les effectifs de l'administration cantonale au département des constructions - ou selon ses différentes appellations au fil du temps - c'est-à-dire des coupes linéaires de 5% qui ont été menées drastiquement et qui ont fait fuir les meilleurs éléments vers l'administration municipale notamment. Nous en sommes à la politique zéro, et je trouve un peu paradoxal que l'on mette des 30% ou des 40% aujourd'hui...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Rémy Pagani. J'aimerais juste faire une incise par rapport à la Marbrerie: ce n'est pas le Conseil administratif de Carouge qui bloque la situation, c'est qu'on n'arrive pas à trouver des locaux corrects pour reloger l'ensemble des artisans...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Rémy Pagani. ...et on va être coincé au niveau du plan d'aménagement de Praille-Acacias-Vernets. Enfin, je conclurai en disant que si on ne se retrousse pas les manches...

Le président. Votre temps de parole est terminé, Monsieur.

M. Rémy Pagani. ...on n'arrivera pas à produire ces logements.

M. Eric Leyvraz (UDC). J'interviendrai très rapidement: pour les paysans, lorsqu'on déclasse 58 hectares de terres aux Cherpines, c'est une énorme surface, et il n'est pas admissible que la densité ne soit que de 1. Ce n'est pas de cette manière-là que nous arriverons à régler nos problèmes !

M. François Lefort (Ve). Je ferai d'abord une remarque: il faut relever que Mme Meissner a forcé un peu le trait. Ah, je ne la vois plus ! Elle s'essaie à la manipulation sémantique, en avocate de la zone villas: elle s'approprie les classes moyennes ! Si être propriétaire d'une villa, c'est faire partie de la classe moyenne, j'imagine que toute la vraie classe moyenne à Genève aimerait en faire partie !

Pour faire écho aux propos de M. Pagani concernant le manque de moyens dans certaines politiques, il est notable, à la politique G03, que seule la moitié des moyens consentis sur le budget ont été utilisés. Cette discrépance résulte principalement de postes restés vacants. Il y avait donc des besoins, mais les postes n'ont pas été pourvus; on n'a pas dépensé l'argent pour engager le personnel prévu dans le domaine «Conformité des constructions et des chantiers». C'est un problème grave !

La deuxième chose qui explique la discrépance, d'après les informations fournies par le document, c'est qu'il n'y a pas eu suffisamment de subventions demandées pour la rénovation et l'assainissement énergétique. C'est également un problème grave, Mesdames et Messieurs les députés, parce qu'au niveau du canton, nous sommes impliqués par la loi sur l'énergie dans la transition énergétique, et on s'aperçoit que cela ne se fait pas. Nous l'avions déjà mis en exergue en 2010 et en 2011 en posant des questions écrites au gouvernement sur la mise en oeuvre du Programme Bâtiments de la Confédération et on s'aperçoit que, deux ans après, il n'y a toujours pas d'effets de cette politique fédérale à Genève - en tout cas pas les effets attendus - et surtout que les moyens consentis au budget ne sont pas dépensés dans les comptes. Cela n'est pas acceptable pour le futur ! Si l'on octroie des moyens - qui sont déjà extrêmement faibles - à la transition énergétique, il serait bien de les dépenser !

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Monsieur le président, M. Pagani a effectivement raison. J'ai posé un certain nombre de questions au sujet de ce département et notamment du service de l'aménagement, et les réponses qui m'ont été données manquaient de pertinence, parce que, voyez-vous, Monsieur le président, si on n'a pas de production de PLQ, on ne peut pas construire ! Or, il est notoire que, dans ce service, non seulement on a augmenté le nombre d'employés, ainsi qu'en catégorie de classe, mais en plus, on a une baisse de production de PLQ ! Cela est quand même assez contradictoire !

Ce qui est grave, par ailleurs, c'est qu'effectivement on investit plus de moyens, mais on a moins de PLQ, donc on va construire un peu moins de logements. D'ailleurs, les chiffres que vous avez donnés, Mesdames et Messieurs, reflètent une baisse des constructions de 2011 à 2013. C'est effectivement dramatique, alors que Genève connaît une pénurie très importante !

Le deuxième élément, Mesdames et Messieurs, concerne les 35 millions de fonds LUP. Normalement, ces 35 millions doivent être affectés à l'achat du foncier. Mais un projet risque de passer impliquant le retrait d'une partie de ce fonds pour financer les équipements publics. Dans ce cas, non seulement on arrive difficilement à atteindre les 20% de LUP, mais si en plus on réduit la capacité d'achat du foncier pour construire, je crois que ces 20% seront peut-être atteints dans cent ans !

Je trouve quand même un peu grave aujourd'hui que ce département, fer de lance de la construction de logements, je le répète, soit sinistré. J'espère que le nouveau conseiller d'Etat s'attellera à mettre de l'ordre pour qu'on puisse dégager un certain nombre de PLQ et ne pas faire la somme de la production sur les quatre ans, mais année par année.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote de cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique G «Aménagement et logement» est rejetée par 49 non contre 31 oui et 10 abstentions.

H - SECURITE ET POPULATION

Le président. Nous passons à la politique publique H «Sécurité et population». Je passe la parole à Mme la députée Emilie Flamand-Lew.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, avec la politique publique suivante, I «Justice», celle-ci est la politique publique qui a connu la plus forte augmentation de charges ces dernières années. Les Verts ont soutenu avec constance les augmentations de budget et donc de postes pour la police, convaincus de la nécessité d'avoir une police de proximité présente et efficace et dans ce but, idéalement, en uniforme.

Toutefois, l'orientation prise ces derniers mois, confirmée par le programme de législature, de faire de la sécurité la seule priorité de l'action de l'Etat, tant en termes de fonctionnement que d'investissement et au détriment de toutes les autres politiques publiques, nous inquiète.

Renforcer les moyens de la police sur le terrain, c'est tout à fait nécessaire; donner à la justice les moyens de faire son travail est primordial; offrir aux détenus des conditions de vie dignes est aussi indispensable - d'ailleurs, les Verts ont voté les budgets et les crédits allant dans ce sens; mais poursuivre une boulimie pénitentiaire n'est pas nécessaire. Faire de Genève un «hub» romand de détention administrative - une détention coûteuse et inefficace en l'absence d'accords de réadmission qui doivent être négociés par Berne - n'est pas nécessaire non plus. Prétériter des politiques publiques comme la formation ou encore l'emploi et le social qui ont des fonctions préventives indéniables, ce n'est définitivement pas souhaitable. La sécurité est certes un aspect fondamental de la qualité de vie, mais ce n'est - et de loin - pas le seul ! Nous refuserons donc cette politique publique en appelant à la prudence financière pour les années à venir.

M. Michel Amaudruz (UDC). Dans le cadre de cette rubrique, j'évoquerai d'abord brièvement le problème de la naturalisation, pour rappeler que celle-ci à Genève et en Suisse prend beaucoup trop de temps. La procédure administrative est beaucoup trop longue et on ne peut que le regretter. Il y a en tout cas un point sur lequel je pense que tout le parlement sera d'accord: parfois, la naturalisation a des mérites, puisque c'est peut-être grâce à elle que la Suisse a pu parvenir en huitièmes de finale de la Coupe du monde ! Il faut donc la regarder comme un phénomène qui a des effets positifs sur la situation en Suisse et qui surtout répond à une autre problématique en relation avec notre situation pénitentiaire.

A ce propos, notre cour suprême a décrété que certaines prisons, dont celle de Champ-Dollon, ne satisferaient pas la condition élémentaire à laquelle on peut s'attendre pour le respect des droits de l'être humain ou des Droits de l'Homme. Il est vrai que cette situation est extrêmement préoccupante et alarmante. Il est évident que l'on peut toujours faire mieux, mais si l'on se reporte à une carte géographique, on voit que la Suisse, même à Genève, est encore bien lotie. Ceux, dont Strauss-Kahn, qui ont eu le privilège d'aller en prison à New York, dans la zone de Brooklyn, s'en souviennent. M. de Sainte Marie ne me contredira pas: si vous allez y faire un petit séjour, ce n'est pas à la Santé ou aux Baumettes qu'on reprend des forces ! Je crois qu'il faut aussi savoir raison garder dans cette problématique.

Effectivement, il n'y a guère de motivation dans la population à s'engager pour maîtriser le problème carcéral; il est vrai qu'il y a une urgence, mais dans le cadre de celle-ci, il faudrait avoir une réflexion globale, en se souvenant malgré tout que, pour répondre à l'argument selon lequel la population en Suisse augmente, il est normal que la délinquance suive le même cours. L'ennui dans cette façon de poser le problème, c'est qu'elle ignore le fait que le 80% de la population carcérale est étranger, ce qui, d'une certaine façon, nous ramène aussi à Schengen. Quoi qu'il en soit, face à cette problématique, il appartient aussi à nos autorités de savoir prendre les mesures qui s'imposent pour maîtriser un problème devenant, à certains égards, essentiel et primordial.

Dans le cadre de notre sécurité, il faut aussi mettre en exergue que nous sommes confrontés, pour le bon accomplissement des tâches réservées aux forces de police, à l'aberration du mille-feuille administratif qui dilue les efforts et empêche notre force publique de se consacrer fondamentalement à son rôle essentiel: la protection. Ce sont ces quelques paroles que je voulais vous réserver en vous remerciant de bien vouloir y prêter attention.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes voteront contre cette politique publique H «Sécurité et population» pour différentes raisons. Certains programmes de cette politique publique sont révélateurs de graves dysfonctionnements ces dernières années, toujours pas réglés à ce jour. Je vais en citer deux: c'est notamment, en ce qui concerne la H01, l'office cantonal de la population et les longs délais d'attente pour obtenir des permis. Si vous lisez la page 65 du rapport sur le PL 11419, vous verrez que le Conseil d'Etat répond à une question à propos des délais. Il y a un problème d'organisation au sein de l'unité qui s'occupe de cela. Auparavant, certains dossiers attendaient des mois avant d'être traités, alors qu'à présent tout doit être ouvert dans les quarante-huit heures, afin qu'on puisse directement contacter les personnes pour leur indiquer les documents manquants. C'est dire si à ce jour on a affaire à un service sinistré ! Tant mieux si on arrive à constater des améliorations, mais à notre connaissance, ce n'est pas encore le cas aujourd'hui et cela est extrêmement inquiétant.

L'autre service qui dysfonctionne totalement, c'est le SAPEM, le service d'application des peines et mesures où il y a un problème de suivi des dossiers extrêmement grave; on espère réellement assister prochainement à des améliorations.

En termes de choix politiques, il est vrai que la question du «business» de la détention administrative est particulièrement choquante pour les socialistes. Nous nous y opposons fermement et nous ne partageons pas ces priorités. Pour toutes ces raisons, nous refuserons cette politique publique. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, mon intervention sera brève, vu l'excellente prestation de mon préopinant. Je pointerai simplement le fait que l'UDC s'abstiendra sur cette politique publique, pour les différentes raisons évoquées. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mais la raison majeure - c'est une déclaration politique, puisque c'est le lieu pour le faire - en est le programme H07. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Patrick Lussi. Mesdames et Messieurs les députés, nous venons de parler des personnes âgées et de beaucoup d'autres. Rappelons quand même qu'un détenu coûte entre 18 000 F et 25 000 F par mois ! Ce sont des statistiques qui le montrent. On discute des EMS à 5000 F par mois. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai apprécié, pour une fois, que ma préopinante Verte reprenne un terme que l'UDC emploie depuis longtemps: ne faisons pas de Genève un «hub» carcéral, un Club Med carcéral ! Non !

Doubler la population carcérale n'est pas en adéquation avec la population. Plus de 80% des détenus sont étrangers, on l'a dit, et n'ont aucune attache avec Genève, cela est inscrit dans le rapport. Je remercie d'ailleurs M. le rapporteur d'avoir bien nuancé mon propos, car on ne parle pas des étrangers résidant et travaillant à Genève qui peuvent faillir une fois. C'est la raison pour laquelle l'UDC présente une divergence fondamentale, nous osons le dire, avec le programme du département en ce sens. Pour le reste, nous nous abstiendrons sur cette politique publique.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien votera cette politique publique. Je me fais aussi momentanément l'ambassadrice du PLR - qui est à moins seize secondes - et nous associe, au nom de l'Entente, aux félicitations, à la confiance et au soutien que nous apportons au gouvernement dans le cadre de cette politique.

Il y a effectivement des choses à améliorer, mais je tiens surtout à relever et à apporter ma reconnaissance pour une politique définie comme autre projet d'importance stratégique, qui avait été initiée par Mme Rochat avec un très grand courage, parce qu'il s'agissait de quelque chose de très peu visible à l'époque, et qui a été renforcée par M. Pierre Maudet: il s'agit de la lutte contre la traite des êtres humains, un phénomène extrêmement inquiétant, très peu connu et qui demande à être empoigné avec beaucoup de détermination pour lutter contre ce grave fléau. Nous savons que c'est aussi par une formation très fine et pointue de la police que nous pourrons enrayer cette traite des êtres humains qui touche les personnes les plus fragiles, c'est-à-dire les femmes, les migrantes, que cela soit pour l'exploitation de leur force de travail, l'esclavage domestique, la prostitution forcée ou le prélèvement forcé d'organes. Cela se passe à Genève, et je remercie M. Maudet d'avoir empoigné cette problématique avec autant de détermination.

M. Vincent Maitre (PDC). D'une manière générale, le parti démocrate-chrétien est attaché à une sécurité forte, qui protège ses concitoyens. Force est de constater...

Le président. Vous n'avez pas le micro, Monsieur le député. (M. Vincent Maitre vérifie le fonctionnement de son micro.)

M. Vincent Maitre. Oui, je crois que c'est le bon.

Le président. Voilà, vous pouvez poursuivre.

M. Vincent Maitre. Force est de constater que depuis maintenant plusieurs années, précisément depuis le début de la législature précédente, des actions significatives ont été entreprises de la part du Conseil d'Etat, d'abord sous Mme Rochat, puis poursuivies avec efficacité par M. Maudet. Les résultats sont là: la criminalité est en baisse à peu près partout dans notre canton. Comme je le disais, le PDC reste attaché à la sécurité de nos concitoyens, raison pour laquelle il ne s'opposera jamais à des moyens suffisants permettant d'assurer une sécurité directe pour les citoyens.

En revanche, force est également de constater que depuis en tout cas cinq ans, aucun budget, aucune mesure, aucune restriction n'a été imposée aux forces de l'ordre, et si le PDC est activement favorable à une politique de sécurité assurant directement le bien-être de nos concitoyens, en revanche, il sera désormais beaucoup plus attentif aux conditions générales offertes à nos policiers et à nos forces de l'ordre.

J'entendais avec plaisir tout à l'heure M. Stauffer dire qu'il s'indignait que l'on puisse retirer 150 F aux plus démunis, à ceux qui sont à l'assistance sociale. Je suis ravi de l'entendre. Il disait précisément que des économies devaient être faites ailleurs. En ce qui me concerne, je pense que, puisque nous traiterons de la LPol prochainement, nous pourrons proposer des amendements pour faire des économies substantielles dans ce domaine-là, sans péjorer la qualité de vie de nos policiers et encore moins la qualité de vie déjà bien amoindrie de ceux à qui on entend prélever 150 F actuellement. Nous espérons que le PDC sera suivi sur ce point en temps voulu.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Sormanni pour cinquante-neuf secondes. (Remarque.) C'est une erreur. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. J'interviendrai brièvement, puisque le Conseil d'Etat va s'assigner aussi cette discipline ascétique de la limitation du temps de parole. Je crois qu'un chiffre devrait mettre tout le monde d'accord et faire ici l'unanimité: depuis deux ans, nous constatons une baisse de 19%, arrondissons, 20% de la criminalité à Genève. Ce sont 20% d'infractions rapportées en moins. Il s'agit d'une statistique fédérale. Elle n'a pas été tripatouillée, si d'aucuns y pensaient. C'est un constat objectif que font les citoyennes et les citoyens. Partant de là, nous devons convenir ici, tous autant que nous sommes sur ces bancs, que si la sécurité n'a pas de prix, elle a un coût qui est celui de la dignité en prison, et je tiens à dire ici que ce coût est important, il faut le payer, parce que nous ne pouvons pas tolérer de voir le Tribunal fédéral nous condamner pour des conditions jugées dégradantes. Cela n'est pas tolérable dans la ville des Droits de l'Homme.

De la même façon, nous ne pouvons pas tolérer que des gredins se baladent librement, parce que nous n'avons prétendument pas assez de place en prison pour pouvoir les mettre là où ils devraient être précisément en vertu du droit pénal. Ce sont les paradigmes de base, Mesdames et Messieurs, et cela me semble important de le rappeler ici.

Un mot maintenant pour relever les propos de M. Deneys ou de M. Amaudruz: vous avez raison, il y a encore de grands progrès à faire dans ces politiques publiques. Il est inadmissible d'attendre trente-huit mois pour voir son dossier de naturalisation aboutir, ce d'autant plus que la plupart de ces dossiers ne présentent pas de problèmes. J'ai pris ici des engagements pour que dès le 1er janvier 2015 on réduise ce traitement à dix-huit mois au maximum. Il s'agit d'un engagement qui pèse sur l'administration, à moyens constants, mais cela est parfaitement réalisable pour peu que l'on envisage, à la fois en termes de mentalité et d'organisation, un modèle un peu différent. De la même façon, il est inadmissible de voir des plans d'exécution de sanctions maîtrisés par le SAPEM - ces fameux documents dont on a redécouvert en septembre qu'ils étaient essentiels - manquer par centaines, là où la gestion de nos détenus non seulement peut présenter des risques en termes de dangerosité, mais également des risques évidents pour les processus administratifs. Ce sont des engagements qui ont été pris, et je crois pouvoir témoigner ici qu'en 2013 des progrès ont été réalisés qui se poursuivront en 2014.

Soyez donc rassurés, Mesdames et Messieurs, sur le fait que si la sécurité n'a pas de prix mais qu'elle a un coût, celui-ci sera aussi absorbé à moyens constants pour toute une série d'activités traditionnelles de mon département, parce que, Mesdames et Messieurs, je le redis ici avec force: la sécurité, premièrement, n'est pas négociable, et, deuxièmement, n'est pas un luxe. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets à présent aux voix cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique H «Sécurité et population» est rejetée par 44 non contre 30 oui et 9 abstentions.

I - JUSTICE

Le président. Nous passons à la politique publique I «Justice». La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique I «Justice» est adoptée par 38 oui contre 29 non et 14 abstentions.

J - MOBILITE

Le président. Nous passons à la politique publique J «Mobilité». La parole est à M. le député Thomas Wenger, pour deux minutes et trente-neuf secondes.

M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a dit notre collègue Renaud Gautier, nous débattons des états financiers 2013, donc malheureusement je ne pourrai pas vous parler de la traversée routière de la rade sur laquelle nous allons voter le 28 septembre. (Remarque.) Je ne pourrai pas vous parler de ce projet qui sera un cauchemar pour Genève et qui va coûter 1,2 milliard, alors qu'il existe d'autres investissements clairement prioritaires dans le domaine de la mobilité, comme l'extension en souterrain de la gare Cornavin, l'extension des lignes de tram vers la France voisine ou encore la construction de pistes cyclables sécurisées, ainsi que la population l'a voulu en acceptant l'initiative 144 pour la mobilité douce. Je ne pourrai pas vous parler de ce projet catastrophique qui va bloquer le trafic du centre-ville à l'avenue de France, à la rue de Lausanne, dans le quartier de Malagnou et sur le quai Gustave-Ador. Les modélisations prédisent 30% à 50% d'augmentation de trafic. Les gens sont déjà aujourd'hui dans les bouchons, imaginez avec cette traversée le nombre de bouchons supplémentaires que nous connaîtrons !

Je ne vous parlerai pas de ce projet désastreux - je l'ai dit - de traversée routière de la rade, qui est combattu par la gauche et par les associations environnementales, qui est combattu par la droite, par le PLR et le PDC, et qui est combattu par le Conseil d'Etat et par Luc Barthassat, qui s'est exprimé notamment dans le journal «Le Temps». Il est simplement soutenu par la nouvelle farce, qui va nous proposer ce projet cauchemardesque ! Je dis à la population qui a le courage de nous écouter aujourd'hui de refuser ce projet catastrophique !

Comme je ne peux pas vous parler de cela, je vais vous parler de 2013. (Rires.) En 2013, nous avons été un peu échaudés par deux projets. Le premier, en termes d'investissements, concerne le domaine «Autres infrastructures routières», la tranchée couverte de Vésenaz...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Thomas Wenger. ...qui a coûté 57 millions plus un crédit supplémentaire de 7,7 millions, soit 65 millions pour 500 mètres de tranchée couverte - cela fait cher le mètre !

Pour les dix secondes qu'il me reste, j'aimerais parler de notre déception - et c'est un euphémisme - de ne pas avoir de vélos en libre-service à Genève aujourd'hui. Je pense que si Gland a réussi à avoir des vélos en libre-service...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Thomas Wenger. ...la Genève internationale devrait y arriver ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, à qui il reste trois minutes.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Dans cette politique publique, des économies sont possibles, notamment dans l'assainissement du bruit routier qui n'est pas une priorité. (Exclamations.) De même, certains travaux d'entretien et de rénovation des routes, des trottoirs et des pistes cyclables ne doivent pas atteindre des taux de satisfaction des usagers de plus de 50%, alors qu'ils le sont au-delà de 93%. De même, les vélos en libre-service ne sont pas prioritaires.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera cette politique publique, comme toutes les politiques publiques proposées jusqu'à présent. Même si tout n'est pas parfait ou n'a pas été parfait durant la dernière année, je pense qu'il y a quand même une volonté de la part du Conseil d'Etat de faire bouger les choses. Il est clair que lorsqu'on parle de mobilité, tout le monde sort son revolver et tout le monde est mécontent, mais nous appelons, comme l'a déjà fait M. Barthassat, à adopter une politique pragmatique. Cela veut dire que nous ne pourrons pas faire plaisir à tout le monde ! Chacun devra, dans le domaine de la mobilité, accepter de perdre quelque chose pour que d'autres gagnent quelque chose. A mon avis, la politique des transports et de la mobilité doit être une politique PDC, parce que c'est une politique du centre, de la modération... (Commentaires.) Oui. (Commentaires.) Non, c'est une politique de modérés, chacun doit pouvoir utiliser ses moyens de transport, mais il doit y avoir des axes. Ceux-ci ont été définis par M. Barthassat jusqu'à présent. Donnons-lui le temps de les mettre en pratique !

Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, personnellement, je ne vous parlerai pas de la traversée de la rade et cette fois, ce sera vrai ! Néanmoins, il est certain que si elle venait à être acceptée, on ne parlerait plus de rien, puisque tous nos investissements seraient absorbés par cette traversée inutile et absurde. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

En matière de mobilité, je tiens à rappeler un certain nombre d'enjeux. En premier lieu, les enjeux environnementaux: en effet, aujourd'hui, la qualité de l'air est extrêmement dégradée, les pics de pollution... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Lisa Mazzone. ...dépassent régulièrement les normes recommandées par la Confédération et nous ne respectons pas le plan de mesures OPair.

Un autre des enjeux environnementaux est la question du bruit routier. Contrairement à ce qui a été dit précédemment, je rappelle que 60% de la population en souffre et qu'il s'agit effectivement d'une priorité appuyée par la Confédération, qui édicte là encore des normes en matière de bruit routier et de dégradation de la qualité de vie des habitants. Tout cela pour dire qu'en matière de mobilité, on devrait viser un accroissement de la qualité de vie, une amélioration du bien-vivre dans les quartiers et dans les habitations, en ville comme à la campagne.

Cependant, il s'agit aussi de résoudre les problèmes de circulation, et dans ce but, nous avons besoin d'être rationnels, ce qui implique aussi, à un moment, de faire des choix conséquents, assumés, déterminés et qui permettent d'extraire un certain nombre de voitures de notre canton, simplement pour permettre à la mobilité de mieux fonctionner, et je pense en particulier aux transports publics, qui permettent de déplacer un grand nombre de personnes.

Ce que l'on constate, c'est que ces choix n'ont pas été faits, parce qu'on observe de l'année qui vient de s'écouler qu'on donne un peu à la route - on a construit une tranchée couverte à Vésenaz, on projette la route des Nations et l'extension de l'autoroute - et qu'en parallèle, on a construit quelques vagues pistes cyclables dans des lieux reculés du canton et on a fait des études pour la gare souterraine. A nouveau, on a tapé un peu dans tous les coins, sans donner d'orientation. Ces choix, pourtant, sont appuyés par une tendance à la baisse du taux de motorisation des ménages observée actuellement, que ce soit en ville ou dans le canton.

Nous espérons donc que l'année prochaine, grâce au ministre PDC des choix, nous pourrons distinguer clairement la marque d'une politique. L'année 2013 nous porte à constater qu'il n'y a pas de vélos en libre-service - nous ne mettrons pas cela sur le dos du Conseil d'Etat, mais bien sur celui de notre parlement - qu'on n'observe pas non plus une véritable application de l'initiative pour la mobilité douce avec des réalisations de pistes cyclables, qu'il n'y a pas non plus une priorité aux Transports publics genevois qui consisterait en un accroissement de l'offre. La tranchée couverte de Vésenaz existe pourtant, ou des études pour la route des Nations. Voilà pour l'année 2013.

Maintenant, il s'agit de poser les jalons pour 2014, qui annonce un certain nombre d'enjeux pour ces choix d'avenir, qui peuvent se concrétiser notamment par le développement du rail dans le canton de Genève, mais aussi par une priorité à la mobilité douce en ville. Je trouve, à ce titre, que le rétablissement du double sens à la rue de l'Ecole-de-Médecine, qui avait gagné en convivialité et en qualité de vie et qui avait permis aux habitantes et aux habitants de retrouver la rue, est un signal pour le moins négatif. J'espère que l'on pourra distinguer à l'avenir une politique donnant une vraie priorité aux modes de transports durables, une politique visant simplement à résoudre les problèmes de circulation...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Lisa Mazzone. ...en permettant à chacune et à chacun de se déplacer autrement et plus durablement.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Patrick Lussi, à qui il reste deux minutes et trente-trois secondes.

M. Patrick Lussi (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, certes, nous avons de grandes divergences dans nos conceptions de la mobilité, mais enfin, quand j'entends mon préopinant, M. Wenger, on n'est plus dans la polémique, on est dans le prêche ! A croire que son association, l'ATE, est la succursale genevoise de la secte des Amish ! Et je prends volontairement cet exemple, parce que vous savez tous que ce sont des intégristes religieux qui refusent tout, ce sont des Suisses allemands, originaires de Berne, qui s'expriment en dialecte bernois, même aux Etats-Unis.

Non, Mesdames et Messieurs, soyons sérieux ! Oui, nous avons le droit d'avoir des divergences ! Oui, nous avons le droit de dire que depuis des décennies tout le monde a suivi, sous l'impulsion néfaste d'acteurs comme l'ATE et d'autres, une promotion du rail et des transports publics uniquement, tandis que les automobilistes ont été laissés de côté. Ils l'ont été quant aux réalisations, mais pas quant à la ponction de moyens financiers qu'on effectue sur cette catégorie, car plus de 50% des ressources ayant servi à construire le rail ou d'autres infrastructures - les chiffres fédéraux le démontrent - proviennent des taxes sur les huiles minérales, des taxes automobiles, et j'en passe !

Mesdames et Messieurs les députés, que cela vous déplaise, nous le savons, mais ce qui est certain, c'est que les mauvaises décisions que vous vous autorisez à prendre en club privé et que vous présentez comme l'unique vérité sont en train de créer le cataclysme ! Vous êtes des gens dangereux quand vous prétendez cela, Monsieur Wenger !

Heureusement, nous sommes encore dans un pays où la démocratie règne ! L'UDC fait une proposition sérieuse, présente des aménagements sérieux pour le pourtour du lac et attend que le peuple tranche. Si le peuple tranche en notre faveur, nous en resterons là, mais nous n'acceptons pas, Monsieur Wenger, les propos que vous avez tenus: ils sont sectaires !

Une voix. Bravo !

M. Philippe Morel (PDC). Vivre, c'est bouger. Il faut constater qu'à Genève, depuis quelques années, on vit de moins en moins, parce que l'on bouge de plus en plus difficilement et de plus en plus lentement. Que faut-il pour améliorer la situation ? Eh bien, il faut imaginer des solutions avec les usagers. Tenir compte de leur avis, c'est à la fois les informer et les faire participer au processus visant à résoudre les difficultés qui existent, et probablement, nous l'espérons, à trouver des solutions. Il est ensuite nécessaire d'avoir de l'imagination, parce qu'il faut s'imaginer qu'on peut se déplacer autrement que sur terre ou sous terre: on peut aussi, c'est vrai, se déplacer en l'air ! Plusieurs villes en Europe et dans le monde le démontrent de manière très efficace. Il faudra aussi un esprit de conciliation et d'entente pour que l'on trouve une solution et que chacun des usagers de la voie publique puisse se déplacer selon le mode qu'il a choisi et de la manière qu'il a décidée. Faire avec les usagers, faire avec imagination et être conciliant, c'est exactement le programme que vient de lancer notre nouveau conseiller d'Etat, M. Barthassat. Nous lui en sommes reconnaissants et nous réjouissons de la suite de son application.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler, à qui il reste cinquante-neuf secondes.

M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer de dire l'essentiel. J'ai entendu M. Buchs - vous transmettrez - qui disait que la politique des transports, c'est la politique du PDC: je l'ignorais. Pourtant à Genève, on roule à droite, je ne savais pas que c'était une politique de gauche ! Mais, effectivement, quand on voit la situation catastrophique de cette politique, moi, je veux bien vous la laisser, Monsieur Buchs !

Enfin, il faudrait juste dire concernant le CEVA que l'explosion des coûts et des délais ne constitue pas une politique franchement très efficace ! Quand j'entends nos amis de gauche mettre toujours en avant la mobilité douce, à force de ne privilégier que la mobilité douce, c'est tellement doux que cela ne bouge plus ! Il est vrai que c'est très agréable, quand cela ne bouge pas, mais en l'occurrence, à Genève, on aimerait se déplacer comme on veut et comme on le désire, parce que la mobilité, c'est aussi la liberté !

Une voix. Bravo !

Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu que vivre, c'est bouger. Effectivement, vivre, c'est bouger et, d'un point de vue de santé publique, il est important de rappeler ou de noter que pour bouger réellement, il s'agit d'utiliser ses pieds; se déplacer en mobilité douce est bien la meilleure façon de se faire du bien et de répondre à la problématique de la sédentarité croissante, qui touche 60% de la population.

J'ai également entendu qu'en matière de mobilité il fallait faire avec les usagers. Concept attrayant ! Néanmoins, il faut quand même admettre qu'au final, il sera nécessaire de trancher, et c'est justement là que cela devient intéressant: on peut se perdre et se dissoudre dans des consultations à rallonge, qui de toute façon n'auront pas le mérite d'être objectives et représentatives, puisqu'on ne prendra qu'un échantillon de la population, mais au final, la population dira A et B et il faudra choisir entre l'un et l'autre. Notre rôle aujourd'hui est justement d'effectuer de véritables choix. C'est d'ailleurs la proposition qu'ont faite les Verts par le biais de leur initiative pour des transports publics plus rapides, qui comporte véritablement une orientation en faveur de ceux-ci, étant donné qu'elle vise à leur accorder la priorité. A ce titre, il est regrettable de constater le refus de cette initiative par le Conseil d'Etat et surtout le refus, par conséquent, d'une orientation claire, dont nous avons besoin, ne serait-ce que pour résoudre les problèmes de circulation.

Je tiens à dire simplement que les Verts refuseront cette politique publique, parce qu'elle a été empreinte des blocages du parlement, elle n'a pas pu être orientée, justement, et ne résulte pas de choix. Nous espérons qu'à l'avenir cela se passera différemment.

Le président. Merci, Madame la députée. Je vais passer la parole à M. le conseiller d'Etat Luc Barthassat, puis nous voterons.

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vaste sujet que celui de la mobilité à Genève ! Pour reprendre la dernière intervention du groupe des Verts, qui va refuser la politique de mobilité: je vous rappelle que nous sommes en 2014, mais que nous parlons des politiques 2013 ! Je ne suis en poste que depuis six mois. Mais pendant seize ans, Mesdames et Messieurs les députés des rangs des Verts, vous avez eu des représentants qui auraient pu mettre des pistes cyclables partout, qui ont mis le tram - oui - partout, mais pas toujours où il le fallait, pas toujours sur le bon tracé. Alors, je souhaiterais simplement vous dire, Mesdames et Messieurs: pour que la mobilité fonctionne à Genève, il faut avoir une vision globale et ne pas simplement parler de vélos ou de voitures, car nous sommes tous des piétons, des automobilistes, nous aimons tous la mobilité douce; je crois que si on veut arrêter cette «guéguerre» des transports, une vision globale est nécessaire. La mienne consiste à lancer ces états généraux du transport, que j'avais promis pendant la campagne. Ils permettront une concertation et une meilleure communication avec la population qui, je vous le rappelle, Madame Mazzone, sont inscrites dans la constitution. Je n'ai rien inventé, je ne fais que respecter les règles ! En parlant de la constitution, vous n'êtes pas sans savoir qu'elle contient un article entérinant le libre choix des transports.

Il faudra avoir cette vision globale. Bien sûr, je suis favorable à la poursuite des lignes de tram, du chantier du CEVA, à la construction de pistes cyclables en site propre quand de nouvelles routes cantonales seront réalisées, parce que nous n'avons pas les sous, aujourd'hui, pour consacrer plus de 20 millions uniquement aux vélos, à cause des restrictions budgétaires. Je vous rappelle que le budget du génie civil, dans mon département, a été diminué de 20% ces dernières années.

Il y aura encore beaucoup de choses, comme la route des Nations ou la route d'évitement de Perly, et tout cela coûte plus d'un milliard, un milliard et demi, l'équivalent de ce dont vous avez parlé tout à l'heure, la fameuse traversée de la rade, qui non seulement nous coûterait ce prix-là, mais nous empêcherait également de réaliser tous ces projets.

Mesdames et Messieurs, de grâce, essayons de travailler ensemble, d'avoir une politique globale des transports ! Nous allons agir d'une manière assez large, avec les gens. Notre action portera sur des endroits symboliques, vous en avez parlé. Il y a des rues à rouvrir, notamment Ami-Lullin - ce qui est en train d'être fait - le quai Gustave-Ador, sur la rangée duquel on voulait mettre sept à neuf feux, et surtout l'Ecole-de-Médecine. Et quand vous me dites que ce n'est pas un signe positif, permettez-moi de ricaner gentiment: car il y a trois jours encore, je me trouvais à la rue de l'Ecole-de-Médecine pour expliquer au personnel de mon service comment nous allions marquer cette nouvelle rue. Eh bien, si j'ai pu discuter deux minutes avec mon collaborateur, c'était déjà beaucoup, parce que j'ai passé au moins une heure à parler avec les gens qui sortaient des bistrots et des appartements pour nous dire: «Enfin ! Vous êtes devenu, Monsieur Barthassat, une star dans le quartier !» (Exclamations. Applaudissements. Commentaires.) Madame Mazzone et les gens que vous représentez, faire du vélo, c'est bien, pédaler, c'est bon pour la santé, mais pédaler dans la semoule, cela ne nous apporte rien !

Mesdames et Messieurs, les états généraux sont lancés, les responsabilités sont prises, les priorités seront mises en avant quand tout le monde aura été consulté d'ici la fin de l'année. On parlera entre-temps des ondes vertes, des feux clignotants et de toutes les infrastructures propres à la mobilité dans ce canton. Je vous en ferai part, c'est un épisode à suivre. (Applaudissements. Commentaires.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique J «Mobilité» est rejetée par 66 non contre 13 oui et 5 abstentions.

Le président. Nous sommes à la fin du deuxième débat.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article unique.

Le président. Nous arrivons au troisième débat. Est-il demandé ? Oui, c'est le cas. Je vous propose de le débuter après la pause, dans dix minutes.

Cinquième partie du débat sur les comptes 2013 (3e débat): Session 10 (juin 2014) - Séance 62 du 27.06.2014