Séance du
vendredi 4 octobre 2013 à
17h
57e
législature -
4e
année -
12e
session -
74e
séance
PL 10960-A
Deuxième débat
Le président. Nous abordons maintenant l'examen du projet de loi 10960 en deuxième débat.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 11.
Le président. A l'article 12, nous sommes saisis de deux amendements de Mme Schneider Hausser. Mme la rapporteure de deuxième minorité propose tout d'abord, à l'alinéa 2, lettre a, de biffer le dernier segment de la phrase - soit «pour autant que les investissements soient autofinancés» - afin d'obtenir la teneur suivante: «En cas d'exercice bénéficiaire, la réserve conjoncturelle ne peut être alimentée qu'à hauteur de l'excédent de revenus qui ressort du compte de résultat.» Puis, elle demande l'abrogation de l'alinéa 5. Madame la rapporteure, vous avez la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Nous proposons en effet deux amendements à cet article 12, qui sont complémentaires et concernent la réserve conjoncturelle. Jusqu'à présent, la constitution ou la reconstitution après utilisation de cette réserve conjoncturelle exigeait que le résultat annuel des comptes soit un exercice bénéficiaire. Les excédents pouvaient, dans ce cadre-là, être alloués à la réserve conjoncturelle. C'était le Conseil d'Etat qui décidait de cette attribution et proposait un projet de loi au Grand Conseil. A noter que malgré un résultat positif, le Conseil d'Etat s'est abstenu, deux années de suite, de consolider cette réserve, vu les efforts à réaliser au niveau des charges.
Avec l'article tel que formulé dans le projet de loi qui vous est proposé, on crée une réserve conjoncturelle comme la constitution le demande, mais cela uniquement si le compte de résultat est bénéficiaire, ce qui est correct. Ce que ce projet de loi ajoute, c'est que tous les investissements doivent en plus être autofinancés. Ce qui veut dire qu'on ajoute 250 millions de charges liés aux investissements et donc, sauf augmentation des revenus de l'Etat, nous allons diminuer les charges de fonctionnement ou, si tout va bien, augmenter les revenus avant de reconstituer cette réserve conjoncturelle.
De plus, lorsque la réserve est épuisée ou ne couvre pas la totalité d'un excédent de charges prévu au budget, le Conseil d'Etat doit mettre en route le mécanisme d'assainissement de l'Etat: diminution de charges ou augmentation de la fiscalité en votation populaire. Par l'article tel que formulé, nous introduisons dans cette loi, via la constitution ou la reconstitution de la réserve conjoncturelle, un stop à l'endettement, et ceci sur la base d'un budget de fonctionnement. Quand on sait que le budget de fonctionnement est un élément comptable prédictif, une autorisation de dépense et des projections des revenus, on se demande ce que valent les prestations de l'Etat. (Brouhaha.)
En résumé, si la réserve conjoncturelle a dû être utilisée, c'est bien parce que l'Etat a passé un moment de crise financière et qu'il a dû relever un paiement extraordinaire et urgent. A ce titre, il nous paraît nettement plus important de reconstituer en priorité une réserve conjoncturelle pour prévenir des accidents financiers futurs que de devoir d'abord faire passer l'autofinancement et la charge de l'autofinancement des investissements qui, lui, est une rente de capital. Nous vous proposons donc l'amendement tel que formulé à l'article 11, alinéa 2, lettre a, puis à l'article 12, alinéa 5, l'amendement consistant à supprimer cet alinéa.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. C'est bien l'article 12 dont il s'agit dans les deux cas ? J'ai entendu 11 et donc j'ai pris peur, Madame la rapporteure.
Mme Lydia Schneider Hausser. Oui, c'est bien l'article 12.
Le président. La parole est à Mme la rapporteure de majorité von Arx-Vernon.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour revenir aux travaux de la commission, tout ce qui a pu être évoqué l'a déjà été. Après 58 heures de discussions, nous n'allons pas recommencer ici les travaux de la commission, qui avaient abouti à une conclusion qui se voulait harmonieuse et équilibrée. Nous ne pouvons pas accepter ce type d'amendements, qui n'ont finalement comme raison d'être que de justifier des hausses d'impôts. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la rapporteure de majorité. La parole n'étant plus demandée, je soumets à vos voix le premier amendement de Mme Schneider Hausser à l'article 12, alinéa 2, lettre a, qui consiste à biffer le dernier segment de la phrase - soit «pour autant que les investissements soient autofinancés» - afin d'obtenir la teneur suivante: «En cas d'exercice bénéficiaire, la réserve conjoncturelle ne peut être alimentée qu'à hauteur de l'excédent de revenus qui ressort du compte de résultat.»
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous appuyé ? (Quelques rares mains se lèvent.) Mollement, mollement... (D'autres mains se lèvent.) D'accord, c'est bon.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 45 non contre 14 oui et 10 abstentions.
Le président. Toujours à l'article 12, je vous fais maintenant voter le second amendement de Mme Schneider Hausser, qui consiste à abroger l'alinéa 5.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Encore un vote nominal ? (Quelques mains se lèvent.) Levez la main franchement. Une seule main, Madame la députée. Très bien, le vote est lancé.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 58 non contre 14 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 12 est adopté, de même que l'article 13.
Le président. A l'article 14, alinéa 1, lettre b, nous sommes saisis d'un amendement de M. Patrick Lussi, qui consiste à faire passer de trois à deux le nombre d'années consécutives où le compte de résultat individuel de l'Etat présentant un excédent de charges, le Conseil d'Etat doit initier la procédure relative aux mesures d'assainissement obligatoire. Monsieur le député, vous pouvez expliquer votre amendement.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne ferai pas de long développement. Comme vous l'avez dit, le travail est fait, vous connaissez notre argumentation.
Je vous rappelle simplement que notre amendement découle de cet article 14 tel qu'il était initialement libellé. Toujours dans notre crainte, dans notre souci que la dette n'augmente par trop, c'était au début sur le deuxième exercice. En commission bien sûr, nous en sommes venus à trois exercices, mais vu ce qui se passe, nous souhaitons réintroduire la version initiale. C'est la raison pour laquelle notre amendement est déposé, et je vous demande d'y faire bon accueil.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Plus nous allongerons le nombre d'années consécutives durant lesquelles un excédent de charges est accepté dans le compte de résultat individuel, moins nous maîtriserons la situation financière, et nous prendrons moins rapidement les mesures d'assainissement obligatoires. Merci, Monsieur le président.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le problème des deux ans, c'est que lors d'une crise, on a généralement deux années de déficit, mais que c'est à la troisième qu'on remonte. Le système avec sursis tel qu'il existait dans la loi s'avère d'une part peu praticable, d'autre part pas plus rapide au niveau de la prise de mesures que les trois ans sans sursis. Enfin, il y a une autre clé - et vous ne l'avez pas mentionné - à savoir que s'il n'y a plus de réserve conjoncturelle, il n'y a plus de possibilité de déposer un budget déficitaire. Vous avez donc ici une porte avec une clé, et là une autre, de sorte que d'une manière ou d'une autre, une porte se refermera. Il y a 585 millions de réserve conjoncturelle pour les prochaines années. Quand ils seront épuisés - ils sont très difficiles à reconstituer, ce qui a été signalé à l'amendement précédent - la mesure est immédiate, de sorte que le danger évoqué par l'UDC ne nous paraît pas réel et que vous pouvez voter en toute sécurité le projet de loi sorti de commission. Il est tout aussi efficace que la mesure proposée.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je soumets aux votes de l'assemblée l'amendement de M. Lussi à l'article 14, alinéa 1, lettre b, dont la teneur devient: «Lorsque le compte de résultat individuel de l'Etat présente un excédent de charges durant deux années consécutives, y compris les éventuelles corrections d'erreurs postérieures, au plus tard le 31 mars de l'année qui suit le deuxième exercice.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 70 non contre 8 oui et 3 abstentions.
Le président. Toujours à l'article 14, nous sommes à nouveau saisis d'un amendement de Mme Schneider Hausser - il figure à la page 178 du rapport - qui remplace le texte des alinéas 3 à 6 et ajoute un alinéa 7. En voici la teneur:
«3 Hors exigence d'adaptation aux règles de droit supérieur, aucune baisse fiscale ne peut être accordée tant que la dette consolidée n'atteindra pas 100% des recettes de fonctionnement consolidées.
4 Si le Grand Conseil refuse l'entrée en matière sur un ou plusieurs projets de lois proposés par le Conseil d'Etat ou y apporte des amendements, il doit proposer des mesures législatives d'un montant équivalent.
5 Le Grand Conseil doit adopter dans les trois mois une ou plusieurs lois soumises au vote du corps électoral.
6 Pour chacune des mesures d'assainissement, le vote oppose la modification législative proposée à une augmentation d'impôts d'effet équivalent. Le corps électoral doit faire un choix. Il ne peut apposer une double acceptation ou un double refus à l'alternative proposée.
7 Les diminutions de charges ou augmentations d'impôts qui résultent des modifications législatives adoptées entrent en vigueur l'année qui suit le vote du corps électoral.»
Madame la rapporteure, vous pouvez vous exprimer.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cet amendement dit expressément: «Hors exigence d'adaptation aux règles de droit supérieur, aucune baisse fiscale ne peut être accordée tant que la dette consolidée n'atteindra pas 100% des recettes de fonctionnement consolidées.» Cet amendement tombe sous le bon sens ! Dans toute entité - que ce soient les familles ou les entreprises - lorsque les équilibres financiers sont tendus, on regarde soit du côté des économies à réaliser, soit du côté des revenus possibles, soit du côté d'une prudence en termes de revenus.
Ce qui vous est demandé ici n'est pas une hausse d'impôts, mais de stopper les impôts là où ils sont, sauf si l'on doit les adapter au droit supérieur - harmonisation fiscale ou droit de l'Union européenne, etc. Pour ce qui est du canton, il s'agit de ne plus proposer de diminution d'impôts tant qu'on n'est pas revenu à un équilibre ! L'équilibre ici proposé est un des critères retenus par les maisons de notation, en particulier Standard & Poor's pour Genève. On aurait pu en choisir un autre, mais celui-là nous paraissait intéressant. Juste pour exemple: à fin 2011, le ratio de dette consolidée était de 138% contre 142% à fin 2012. Il nous semble que le mettre à 100% laisse une marge de manoeuvre prudente. C'est ce que tout le monde demandait hier: de la prudence, de l'économie. Je pense que c'est le minimum que d'accepter de ne pas continuer ou de ne pas proposer de réduction d'imposition tant que nous ne sommes pas revenus à un équilibre de la dette par rapport aux finances.
Le président. Merci, Madame la rapporteure de deuxième minorité. La parole n'étant pas demandée, je fais voter cet amendement à l'assemblée.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 14 oui.
Mis aux voix, l'article 14 est adopté.
Le président. Nous passons à l'article 15, où nous sommes saisis de cinq amendements. Nous allons procéder dans l'ordre. Tout d'abord, l'amendement de Mme Schneider Hausser, qui demande l'abrogation de cet article 15. Madame la rapporteure, vous avez la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit et ce que j'ai déjà expliqué hier soir. Avec cette loi et ces freins à l'endettement, l'objectif est d'arriver à limiter l'endettement à long terme à un montant maximum, équivalent aux revenus du compte de résultat financier individuel de l'Etat de l'année écoulée.
Lors de la dernière séance de commission, cet amendement a été proposé, à savoir l'introduction de ce nouvel article de frein sur les investissements. La majorité était là. Nous, socialistes - et c'est ce qui a été dit hier soir - avons accentué ce mécanisme, parce que nous ne le trouvions pas supportable. Avec tout ce qu'il y avait déjà d'introduit dans la loi, nous le trouvions dangereux. Mettre le type de dépenses liées aux investissements sur le même pied que le budget de fonctionnement revient à penser que la pierre ne vaut plus rien, qu'elle ne représente plus une valeur pour la communauté, pour le futur. Stopper la possibilité d'investir dans du bâti anéantit une part importante du rôle de l'Etat, c'est-à-dire être là en période de crise pour accompagner d'autres mesures - comme il a été dit - pouvoir relancer la construction et utiliser les investissements dans une mesure anticyclique. Cela sera difficilement possible avec l'amendement et le projet de loi tel que ressorti de commission, voire avec les amendements qui seront proposés après.
De plus, la valeur des immeubles ne se déprécie que très lentement s'ils sont entretenus. Par contre, le montant de la dette en francs constants, lui, se déprécie. A Genève, un million n'avait pas la même valeur il y a vingt ans qu'aujourd'hui. Il est donc difficile de comparer la gestion de la dette de l'Etat avec les dettes contractées par un ménage. L'Etat a une responsabilité face aux citoyens, et l'on voit bien que les politiques d'austérité menées en Europe ne profitent qu'à un certain nombre de citoyens - voire de spéculateurs - et que ceux qui trinquent sont toujours ceux qui ont peu ou pas de moyens.
Si l'on part du principe que l'Etat ne construit plus rien et dépend du privé pour les bâtiments, il y a alors des frais de location à payer, comme nous l'avons fait pour les bâtiments de l'OCP ou actuellement de Saint-Georges Center... alors que nous pourrions construire nos propres infrastructures ! Il est vrai que mettre un frein aux investissements comporte un risque important pour l'Etat. Aujourd'hui, le parti socialiste ne veut pas prendre ce risque, parce que cela reviendrait à dire que nous reportons le devoir de bâtir sur les générations futures, qui devront suivre au niveau des infrastructures. Nous ne partageons pas cette charge, comme nous l'avons fait ces dernières années, voire comme nous pourrons l'étaler avec certains emprunts pour les investissements. Pour toutes ces raisons, le parti socialiste vous demande donc de refuser cet article.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. La parole est à M. le député Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Non, je m'exprimerai après le rapporteur de minorité.
Le président. Non, Monsieur, je donne la parole au rapporteur à la fin. Vous avez la parole, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Très bien, alors je prendrai la parole à la fin.
Le président. Mais vous ne pouvez pas, vous avez appuyé sur le bouton. Vous ne voulez donc plus parler ?
M. Eric Stauffer. Mais enfin, Monsieur le président, pour une fois que je n'ai pas envie de parler, vous n'allez quand même pas m'y obliger !
Le président. Non, en effet, on ne va pas s'en plaindre. (Rires.) Alors je donne la parole à Mme la députée Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Je regrette beaucoup que notre conseiller d'Etat ne soit pas là juste en ce moment, parce que - vous m'excuserez - j'avais envie de lui poser deux questions qui me paraissent quand même importantes. Je ne fais pas partie de la commission des finances, et ce sont peut-être des aspects qui y ont été évoqués. (Brouhaha.)
Pourquoi mettre des francs au lieu d'un pourcentage dans la loi en matière d'endettement ? En fait, ce pourcentage nous permettrait d'éviter de changer les chiffres à chaque fois. Cela vous paraît peut-être une question impertinente. Je crois que ceux qui nous écoutent seraient, comme moi, assez intéressés à savoir pourquoi on ne met pas des seuils en pourcentages plutôt qu'en francs.
Ma deuxième question est la suivante: par rapport au principe de maîtrise de nos finances, pourquoi n'avons-nous pas réfléchi à ce qui est adopté dans d'autres cantons ? C'est-à-dire qu'à partir d'un investissement dépassant un certain nombre de dizaines de millions, c'est soumis automatiquement au vote populaire. A ce moment, je crois qu'il y aurait aussi une responsabilité commune qui serait prise par le peuple et pas seulement par le parlement. Je remercie le conseiller d'Etat de répondre lorsqu'il interviendra.
Le président. Merci, Madame la députée. Le conseiller d'Etat s'exprimera, mais après l'amendement proposé par le Conseil d'Etat. La parole est à Mme la députée Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. J'avais au fond la même question que Mme Meissner à poser à M. Hiler... (Commentaires.) ...mais indépendamment de cette question, j'aimerais m'interroger sur cet article et son bien-fondé dans le projet de loi.
On connaît les origines de ce projet: la loi était dépassée sur le plan cantonal et il y avait des adaptations à faire. Mais là, je dois dire que je ne comprends pas. Je ne comprends pas, parce qu'avec cet article-là, on est en train de revenir à la même situation que dans les années 90, où l'on a bloqué les investissements parce que la dette augmentait. Le résultat des courses, c'est qu'aujourd'hui l'on doit rattraper. Aujourd'hui, vous avez le résultat tous les jours: il y a des chantiers partout à Genève, la circulation se fait mal...
D'ailleurs, je ne comprends pas qu'un parti qui fait son beurre électoral en disant: «Halte aux bouchons !» puisse aujourd'hui accepter un tel amendement et, au fond, dire qu'on n'aura par exemple pas de traversée du lac dans quelques années, ni d'élargissement de l'autoroute sans financement fédéral suffisant, etc. A mon avis, c'est aberrant de se lier les mains avec des chiffres de ce style-là !
Dans le meilleur des cas, si nous voulions vraiment émettre un voeu, gardons - je dirais - les deux premiers alinéas, qui sont logiques et nous disent de tendre vers une certaine politique, mais surtout, par pitié, pas de chiffres ! (Brouhaha.) Là aussi, c'est bien une aberration que de voir le parlement vouloir mettre des chiffres dans une loi, alors qu'habituellement, une loi est un acte général qui donne une intention; on n'y met pas de chiffres. Que va-t-on faire, dans quelques années, si les revenus du canton augmentent tout à coup et que ça ne correspond plus ? On sera dans une situation un peu aberrante.
Je trouve donc que cet article est mal fait. Pour le moins, supprimons donc l'alinéa 3. Et si véritablement la majorité de ce parlement souhaite un article, alors optons éventuellement pour des pourcentages, mais en tout cas pas pour des chiffres absolus. Je vous remercie.
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je note avec beaucoup d'intérêt que les questions liées aux transports intéressent dorénavant le parti socialiste, ce qui est une bonne chose.
Quant au fond, il y a ici un débat qui pourrait être intéressant, qui est celui de la perception ou du sens d'avoir des dettes. Cette salle se partage plus ou moins en deux, entre celles et ceux qui trouvent que l'augmentation de la dette est périlleuse pour l'avenir et nos enfants, et celles et ceux qui pensent que la dette en elle-même n'est pas un problème. La question qui vous est posée ici, à travers ce projet de loi, c'est effectivement de refuser le projet de loi du frein à l'endettement si cela vous apparaît être un problème qui n'est pas important. Au contraire, s'il vous apparaît que l'augmentation constante de la dette demande des mesures de façon à être traitée dans le temps, alors votez ce projet de loi. De fait, ces deux positions sont, Mesdames et Messieurs, irréconciliables. Une certaine gauche pense que la dette n'est pas un problème; d'autres, dans ce parlement, pensent qu'elle péjore de manière substantielle l'avenir, non seulement de l'Etat, mais encore de ce que nous allons laisser à nos enfants. Le choix est là, Mesdames et Messieurs.
Une voix. Bravo !
M. Roger Deneys (S). Comme on l'a déjà rappelé hier, les socialistes sont tout à fait en faveur d'une gestion raisonnable et à long terme de la dette, en vue de la réduire. Ceci dit, j'aimerais quand même ajouter que cette disposition est particulièrement absurde, et je crois que toutes les personnes de bon sens, les citoyennes et les citoyens qui nous écoutent, peuvent s'en rendre compte. Limiter la dette au montant total du compte d'exploitation de l'Etat - soit à 8 milliards - revient à dire à un ménage qu'il ne peut pas emprunter plus que son revenu annuel total pour acquérir un bien.
On l'a dit, les investissements, c'est notamment prévoir un remboursement dans le temps - et l'on pense que l'Etat doit pouvoir se le permettre, car c'est indispensable pour les investissements. En gros, on est en train de dire à quelqu'un: «Vous ne pouvez pas prendre une hypothèque plus grande que votre salaire annuel, parce que sinon ça ne va pas aller.» Alors évidemment, avec ce genre de raisonnement, personne n'emprunterait jamais pour acheter un bien immobilier. En réalité, ce qui se passe - et le cas du bien immobilier le prouve: un investissement permet d'acquérir un bien qui dure et a une certaine valeur. C'est pour cela qu'un investissement est aussi intéressant à long terme, parce qu'il permet à une collectivité publique ou à un ménage de vivre dans les conditions qu'il souhaite avoir.
Nous pensons donc que ces mécanismes sont absurdes. Comme l'a dit ma collègue Anne Emery-Torracinta, les chiffres dans l'absolu ne sont pas spécialement intelligents, et quand la population augmente, on a peut-être besoin de davantage d'investissements. Il faut donc aussi voir comment la dette évolue en fonction du nombre d'habitants. C'est surtout limiter l'endettement sur le fonctionnement année après année qui est important. On ne doit pas faire de déficits de fonctionnement, mais l'endettement pour des investissements est nécessaire à certaines époques. Et aujourd'hui, on est en train de remettre des probabilités de retard dans les investissements qu'on sait devoir faire. Anne Emery-Torracinta l'a affirmé, les socialistes l'ont déjà dit hier: c'est extrêmement dangereux pour Genève de se priver de cette capacité d'investissement aujourd'hui.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je vais revenir sur un exemple très concret, à savoir la problématique des transports et celle du CEVA.
Une voix. Ouh là là...
Mme Anne Emery-Torracinta. Dans les années 90, ce parlement s'est demandé s'il ne serait pas utile pour la mobilité d'avoir un métro à Genève. Il est allé étudier ce qui se passait à l'extérieur, en allant notamment voir le métro léger à Lille, et a finalement renoncé pour des raisons financières, parce qu'il a été décidé qu'au niveau des investissements, un métro du type de celui de Lille coûtait beaucoup trop cher. Je ne sais pas si la situation à Genève serait meilleure ou non si l'on avait décidé de faire ce type de métro à l'époque; mais ce qui est sûr, c'est qu'on a reporté une discussion et des investissements qui étaient indispensables au canton, investissements qu'on a fini par faire, d'une certaine manière, avec le CEVA. Or on sait très bien que lorsque le CEVA fonctionnera, il ne sera déjà plus suffisant pour répondre à l'ensemble des problèmes. (Commentaires.) J'aimerais donc attirer votre attention sur le fait qu'on se trouve dans une situation où l'on se lie les mains de manière totalement absurde.
Et puis, qui va déterminer le caractère urgent d'un ouvrage ? Est-ce que la traversée du lac, par exemple, sera dite urgente ? Est-ce que ce sera au parlement de décider ? Comment, quoi ? Il s'agit donc d'un article qui sera soit vidé de son sens, soit va focaliser des débats parlementaires de manière inutile. Soyons donc raisonnables et gardons les deux premiers alinéas comme un objectif qui me paraît tout à fait raisonnable à atteindre, mais ne nous lions pas les mains inutilement.
M. Eric Stauffer (MCG). Vous voyez, finalement, certains propos font que je me sens obligé de remettre quelques pendules à l'heure. (Exclamations.) Nous écoutions, il y a quelques minutes, le parti socialiste dire: «Supprimons totalement l'article 15, plus de frein à l'endettement !» On parle du CEVA, on parle de métro... Alors, je vous le dis d'emblée: un métro à Genève ? Mais le MCG aurait signé quatre fois pour le faire ! La finalité du CEVA, c'était quoi ? D'aller à Annemasse - et je l'ai dit hier - mais pourquoi ? Pour les frontaliers. On voit bien que quand il n'y a aucun plafond aux investissements, vous en arrivez encore à investir dans les infrastructures publiques françaises ! J'en veux pour preuve qu'il y a moins d'un mois, vous avez voté 240 millions sur dix ans avec le premier train du projet de loi à 3 millions de francs pour construire un parking relais sur le territoire français ! A un moment donné, on va peut-être allumer la lumière au dernier étage et aller expliquer tous ensemble - enfin, surtout vous - aux citoyens genevois qui paient des impôts que leur argent sert à financer des infrastructures en France. Voilà ! (L'orateur est interpellé.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur le député Weiss !
M. Eric Stauffer. C'est quand même extraordinaire ! Mesdames et Messieurs les députés, on voit bien qu'il est nécessaire que ce parlement - premier pouvoir de la république et pouvoir législatif - mette des garde-fous, de sorte que les investissements bénéficient d'abord aux Genevois. Il faut que le nécessaire, l'indispensable soit fait, et on reparlera du superflu dans quelques décennies. En conclusion, Monsieur le président, concernant le projet du CEVA, cette grande révolution de l'après 2000: mais qu'est-ce qui a été inventé avec ce CEVA ? C'est un tracé qui date de 1907...
Le président. Monsieur le député, je suis désolé, non, non, non !
M. Eric Stauffer. Je ne parle pas du CEVA, je parle des investissements, Monsieur le président. (Commentaires.)
Le président. Parlez des investissements, mais pas de... Voilà. (Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Mais on est sur les investissements ! Le CEVA est un tracé de 1907. (Commentaires.) Rien n'a été inventé, on a ressorti un vieux dossier poussiéreux d'un tiroir parce qu'il y avait une subvention fédérale, et puis on l'a enfilé aux Genevois. On aurait voulu avoir un gouvernement visionnaire qui vienne nous parler d'un métro au centre-ville pour désengorger le trafic de surface. Mais non, on a ressorti un vieux dossier ! Puis, vu que la ligne de chemin de fer passait en campagne en 1907, on a dit qu'on allait la faire passer dans le sous-sol pour aller jusqu'à Annemasse et relier les deux réseaux ferroviaires ! (Commentaires.) Franchement, c'est un oreiller de paresse. Mais une fois encore, Mesdames et Messieurs, vous aurez la réponse après-demain... (Commentaires.) ...à tout ce que vous avez fait pendant quatre ans. Nous, nous allons continuer et refuserons évidemment cet amendement socialiste qui ouvrirait les dépenses et les investissements notamment en France voisine.
Le président. Merci, Monsieur le député. Recentrons-nous sur notre projet de loi. Monsieur le député Antoine Bertschy, c'est bien sur le projet de loi que vous souhaitez vous exprimer ?
M. Antoine Bertschy (UDC). Tout à fait, Monsieur le président. C'est plutôt sur des propos qui ont été tenus par nos collègues socialistes, qui viennent nous dire: «Mais c'est bien que les ménages puissent s'endetter, c'est bien que l'Etat puisse s'endetter aussi !» Je vous rappelle que ce même parti qui se bat contre le petit crédit et dépose motion sur motion sur le désendettement vient nous dire ici que s'endetter est une bonne chose. Excusez-moi, mais ça frise la schizophrénie ! Il faut avoir une certaine ligne de conduite: soit l'endettement est favorable, soit il est mauvais. Mais il ne peut pas être une fois bon, une fois mauvais suivant le sujet qu'on traite.
Des voix. Bravo, très bien !
M. Ivan Slatkine (L), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vais essayer d'apporter quelques réponses aux questions qui ont été posées, même si M. Hiler le fera certainement mieux que moi. Je vais aussi vous expliquer le sens de mon rapport de minorité. En effet, pour la minorité que je représente, le projet de loi tel que sorti des travaux de commission n'est pas satisfaisant quant à son mécanisme sur le frein à l'endettement, parce que beaucoup trop contraignant. La loi qui nous est soumise actuellement dit que tout investissement nécessite une majorité absolue de 51 voix dès que l'endettement dépasse 12,5 milliards. Nous pensons que ce point précis est effectivement bloquant et ne nous permettrait pas d'investir dans des crédits urgents - j'en ai cité plusieurs hier soir - pour les écoles, la mobilité, la sécurité ou la santé. Il est évident qu'il nous faut quand même une disposition plus souple que la loi qui vous est présentée. D'où mon rapport de minorité, qui contenait une proposition d'amendement; mais je le dis déjà, cette proposition d'amendement est retirée.
Si vous me le permettez maintenant, je reviendrai sur l'historique de cet article. Quand elle a débattu du projet de loi soumis par le Conseil d'Etat, la commission de contrôle de gestion s'est rendu compte que même le frein aux dépenses tel qu'il existe et tel qu'il a été proposé par le Conseil d'Etat n'était pas suffisant pour stopper l'évolution de la dette. Et on le voit très bien avec le projet de budget 2014: on nous présente un projet de budget à l'équilibre, mais nous avons une augmentation de la dette de plus de 500 millions ! Pour les partis libéral et radical, cette augmentation est inacceptable. Mais elle n'est pas uniquement inacceptable pour les partis que je représente, elle l'est aussi pour des agences de notation comme Standard & Poor's. Je sais que, pour le parti socialiste, ce type d'agences n'existe pas. Mais quand Standard & Poor's signale que la note financière de notre canton - et je cite - «reste contrainte par un endettement consolidé élevé et des engagements au titre des caisses de pension jugés très importants», et que «la dette consolidée du canton, représentant 143% des recettes de fonctionnement consolidées, est considérée comme élevée», on doit s'inquiéter. Je crois qu'il relève de la mission de notre Grand Conseil d'anticiper ce qui pourra se passer dans le futur. Alors, si l'on ne veut pas un frein trop restrictif, nous estimons qu'il est nécessaire de donner un signal aujourd'hui, à savoir que le Grand Conseil est conscient que notre endettement est trop élevé et qu'il faut s'attaquer à ce problème.
Mais contrairement à ce que j'ai pu entendre dire, nous ne sommes pas en train de vous déclarer qu'il faut diminuer la dette; nous sommes en train de parler d'un frein à l'endettement avec des seuils bien supérieurs à la dette d'aujourd'hui. Fin 2012, l'endettement de notre canton se situait à 11,9 milliards et, dans la proposition faite par le Conseil d'Etat, le premier palier est à 13,3 milliards, le second à 14,8 milliards. Pour le commun des mortels, imaginez, 14 milliards 800 millions... ! Et pour le parti socialiste, ce n'est rien, on peut vivre avec. Nous estimons que ce n'est pas le cas, parce que le jour où les taux d'intérêts remonteront - alors que les intérêts de la dette représentent aujourd'hui 250 millions, ce qui correspond à la politique de la mobilité, je l'ai aussi dit hier soir - dans l'hypothèse où les taux d'intérêts doubleraient, ce sont les prestations sociales de notre Etat qui seraient mises en danger; ce sont les prestations à la population qui seraient mises en danger. Ne pas se soucier de l'évolution de la dette, c'est avoir une attitude totalement irresponsable. Et dans ce parlement, le seul parti qui s'oppose à un tel mécanisme est le parti socialiste, et principalement ses deux candidats au Conseil d'Etat. Il y a de quoi s'inquiéter, je tenais à le relever.
S'agissant maintenant de l'historique de cet amendement, il faut quand même bien voir que les partis libéral et radical ont fait une proposition en demandant au département de nous présenter un article pour un frein à l'endettement. Cet article nous a été soumis le 1er juillet et, chose étrange, qui a fait partie de ceux qui ont voulu le rendre encore plus contraignant ? Le parti socialiste, qui a voté l'amendement proposé par les groupes UDC et MCG. Allez chercher la cohérence. Personnellement, je n'ai toujours pas compris. Et qui était le leader dans cette affaire ? M. le candidat au Conseil d'Etat Roger Deneys !
L'amendement proposé par le Conseil d'Etat a donc été amendé en commission, de manière bien excessive selon la minorité que je représente, d'où le dépôt de mon rapport. Ensuite, la proposition faite par le Conseil d'Etat et discutée en commission de contrôle de gestion a reçu l'approbation de tous les groupes. Mais une erreur a été commise, et grâce à l'assistant parlementaire du groupe radical - M. Julien Marquis, je tiens à citer son nom ici - nous nous sommes rendu compte que nous avions voté une disposition non constitutionnelle. Il fallait donc revenir à une proposition de frein à l'endettement réaliste, sérieuse, souple, mais aussi légale. C'est pour cette raison que je retire la proposition d'amendement que j'ai déposée dans mon rapport et que nous soutiendrons en partie la proposition d'amendement du Conseil d'Etat.
Aujourd'hui, il est important de se rendre compte que la dette est un sérieux problème pour l'avenir. La proposition qui vous est faite n'est pas un stop aux investissements; il s'agit de mesures graduelles pour faire en sorte que notre Grand Conseil sache voter ce qui est prioritaire et maîtriser la dette avec un objectif à long terme, soit de ramener la dette au niveau d'une année de fonctionnement de l'Etat. Dans le discours socialiste, j'ai entendu M. Deneys nous dire qu'il ne voulait pas de l'article 15, puis Mme Torracinta qu'elle en voulait mais seulement jusqu'à l'alinéa 2... Il faudrait vous mettre d'accord, Messieurs-dames, et savoir ce que veut le parti socialiste.
Pour répondre à Mme Meissner: pourquoi n'a-t-on pas mis de pourcentages ? D'abord, on veut des pour-cent, on veut des ratios... mais de quoi par rapport à quoi ? Parce que quand on parle de pourcentages, il y a quelque chose des deux côtés de la barre. Si le modèle comptable MCH2 propose de retenir des critères avec des degrés d'autofinancement des investissements, par exemple...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur.
M. Ivan Slatkine. Tout à fait. ...ou si le canton de Bâle-Ville a considéré un ratio dette/PIB, il nous a semblé qu'à Genève, étant donné notre économie assez volatile en fonction de la conjoncture et pour éviter des «stop-and-go» dans les investissements, il était plus raisonnable de proposer des chiffres absolus.
Enfin, pourquoi pas de vote populaire ? Justement parce que, pour un vote populaire, il faudrait faire une modification constitutionnelle, et cette modification n'a pas été apportée par notre commission. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser l'amendement irresponsable du parti socialiste et à vous ranger à la proposition partielle du Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Roger Deneys (S). On va quand même redire ce qu'on a dit hier soir, Mesdames et Messieurs les députés: si l'on se préoccupe de l'endettement, on ne commence pas par baisser les impôts comme vous l'avez fait en 2010. (Exclamations. Protestations.) La dette était de 10 milliards et demi; vous avez baissé les impôts de 400 millions par année. Alors ne venez pas nous dire aujourd'hui que ça vous préoccupe, vous vous en fichez complètement ! Vous voulez démanteler l'Etat social, vous voulez démanteler les prestations, et c'est cela que nous n'acceptons pas et c'est pour cela que nous contestons formellement cet amendement à l'article 15. Vous êtes en fait - je l'ai dit hier soir - des pyromanes, des pyromanes qui nous expliquent comment éteindre l'incendie ! Ce n'est tout simplement pas sérieux. La dette ne vous préoccupe pas du tout, c'est démanteler l'Etat qui vous préoccupe !
Et puis quand j'entends hier soir l'UDC dire qu'il faudrait réduire la dette à cause des critères de Maastricht... Je croyais que l'UDC était contre l'Europe: il faudrait vous décider ! (Commentaires.) Il faudrait vous décider un jour ! Dans ce Grand Conseil, nous, socialistes, sommes pour que la dette soit sous contrôle, et c'est pour ça que nous voulons des excédents budgétaires. Mais pour ça, il faut être cohérent dans les actes. Si la dette était si importante, des hausses d'impôts devraient aussi être envisagées dans cet article. Je l'ai proposé en commission, vous l'avez refusé. Vous vous en fichez complètement de la dette. Ce que vous voulez, c'est démanteler l'Etat, et c'est scandaleux. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau a décidé de clore la liste sur cet amendement. Doivent ou peuvent encore s'exprimer - dans le désordre - Mmes et MM. Schneider Hausser, Forster Carbonnier, von Arx-Vernon, Buchs et Stauffer. La parole est à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Il est clair que le parti démocrate-chrétien ne va pas voter l'amendement socialiste. Ce n'est pas une surprise. Je n'aimerais pas qu'on recommence les discussions d'hier, car je crois que les choses sont claires. Il y a des gens qui sont pour la dette, d'autres contre. Il faut quand même réfléchir à ce qu'on fait; il faut quand même réfléchir à l'avenir; il faut quand même que lorsqu'on dépense, on ait un chiffre. Si l'on dépense sans compter, on se réveillera un jour avec de gros problèmes. Avoir des limites nous permet de mieux réfléchir à nos investissements et à ce qui est urgent ou non pour Genève. Je crois que vous êtes obligés de faire cet exercice. L'argent que vous avez n'est pas gratuit, ce n'est pas de l'argent que vous pouvez jeter par les fenêtres. Il est de votre responsabilité, en tant que députés, d'avoir en tête ce qui est important ou non pour Genève. Là, on vous laisse quand même des limites assez lointaines, qui vont permettre de faire des investissements. Il ne s'agit pas d'un stop à l'investissement, ça va permettre à l'Etat de se développer, mais avec des cautèles et un esprit quant au développement de Genève.
Maintenant, je me fais un peu de souci. Tous les partis représentés dans cette commission ont travaillé, ont bien travaillé. Or il y a un parti qui a brusquement changé d'avis, parce qu'il a brusquement changé de commissaire en commission: c'est le parti socialiste. J'ai l'impression qu'il y a un seul représentant du parti socialiste, à savoir M. Deneys. Les autres, on ne les entend pas. Le parti socialiste, serait-ce donc uniquement M. Deneys ? Quand il y avait d'autres représentants du parti socialiste dans cette commission, je n'ai pas eu l'impression que l'avis était le même. Et je me fais du souci quand ce parti se dit gouvernemental. Merci beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer. Madame Serdaly Morgan, je suis désolé, mais la liste a été bouclée.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Je pense que ce doit être la quatrième fois que je le dis depuis hier, mais puisqu'on revient toujours avec ce même argument - à savoir que la baisse des impôts a plombé les comptes de l'Etat - vous voudrez bien transmettre au député Deneys, Monsieur le président, que durant la période 2005-2013 et nonobstant la baisse d'impôts, il y a eu 2,9% de recettes en plus ! Lorsque les socialistes auront compris que l'impôt tue l'impôt et que pour faire du social efficace... (L'orateur est interpellé.)
Le président. Monsieur le député Deneys, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. ...il faut une économie forte, ils auront compris les fondements d'une économie qui fait qu'on peut vivre en harmonie. Allez demander à vos amis grecs comment ils se portent avec leur Etat social...
Le président. Monsieur le député, attendez !
M. Eric Stauffer. Oui, Monsieur le président ?
Le président. J'aimerais demander à M. le député Deneys d'arrêter ses interjections. Poursuivez, Monsieur. (Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Voilà ! Vous irez donc demander à vos amis grecs comment ils trouvent leur Etat social aujourd'hui, un Etat socialiste qui les a menés à la faillite. Voilà ce que vous proposez au peuple genevois ! Mais - encore une fois - je sais que les électeurs sauront choisir les leurs.
Le président. Si on pouvait baisser les décibels, ça arrangerait tout le monde ! La parole est à Mme la députée Forster Carbonnier.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Je tâcherai en effet de ne pas crier comme mon prédécesseur.
Pour les Verts, le frein à l'endettement n'est pas un tabou. En effet, nous ne voulons pas léguer aux générations futures une dette trop importante qui les prétériterait dans leur capacité à répondre à leurs besoins. Pour moi, c'est un point extrêmement important. C'est la raison pour laquelle nous sommes en faveur d'un certain frein à l'endettement. Comme je l'ai dit hier, un frein à l'endettement n'est pas non plus un stop aux investissements. (Remarque.) Nous voulons faire en sorte que notre parlement puisse toujours voter des investissements, des investissements nécessaires et utiles, de sorte que notre canton puisse fonctionner correctement.
Cependant, il y a aussi un argument important à souligner, à savoir qu'un service de la dette trop important ou des investissements démesurés pèsent sur le budget de fonctionnement. Il s'agit de quelque chose qu'il faut éviter, par le biais du service de la dette ou par le biais des amortissements. Si nous voulons continuer à payer des prestations sociales - et de qualité ! - aux habitants de ce canton, il ne faut pas grever notre budget de fonctionnement en investissant trop ou en ayant une dette trop élevée. Les Verts soutiendront donc ce soir l'idée d'un frein à l'endettement - et non pas d'un stop. Pour nous, il s'agit là d'une différence considérable. Si les amendements qui vont nous être proposés sont votés, notre parlement aura toujours la possibilité d'investir et de choisir à bon escient des investissements urgents et importants pour le canton, et la population pourra même s'exprimer en dernier recours. Pour nous, c'est un point essentiel, et nous appelons donc à suivre ce vote. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je souhaite un heureux anniversaire à notre collègue Mme Sobanek. (Applaudissements.) La parole est à Mme la rapporteure Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je ne peux quand même pas laisser dire que les socialistes s'en fichent de la dette et de son montant. Nous ne l'avons jamais dit, et nous ne le dirons pas. (Remarque.) Bien évidemment, ce sont là des affirmations gratuites et fausses. Comme d'autres partis, nous avons demandé des diminutions sur certains postes lors du budget. Mais là encore: juste avant, on vous a proposé par un amendement une mesure pour stopper l'effritement des revenus - non pas les augmenter, mais les stopper - et vous l'avez refusée ! Tout est question de vision. Nous sommes minoritaires et la majorité du parlement a un avis très simpliste. Quand il s'agit d'imposition et d'une baisse de celle-ci, la dette n'est pas importante. Mais quand il s'agit de pouvoir continuer à laisser une marge de manoeuvre importante en termes d'investissements, la dette devient tout à coup insupportable.
C'est simple, on a parlé de familles. Prétendre - comme le dit M. Deneys - qu'une famille peut contracter des dettes et faire des emprunts sans réfléchir et que l'Etat peut faire la même chose est faux. C'est vrai que, pour une famille, il n'est pas admissible d'emprunter pour aller en vacances. Si elle ne peut pas s'offrir de vacances, elle ne part pas, c'est le plus simple. Par contre, si un père ou une mère de famille doit faire un investissement - par exemple dans une voiture ou un abonnement général - parce qu'il ou elle a un nouveau travail qui permet de faire vivre la famille, la dette devient du coup importante. Et il est important qu'elle soit acceptée, parce que c'est un moyen de faire vivre et d'améliorer l'état de la famille.
Si l'on reporte cela à l'Etat et à ses investissements, c'est dans ce sens-là que nous n'admettons pas de freins, et d'autant moins basés sur des montants chiffrés de la dette par rapport aux investissements. C'est une option. Nous avons d'autres moyens de compresser et de contrôler les investissements: un budget, des suivis de comptes, une commission des travaux et un Conseil d'Etat qui peut nous proposer ou non des projets de lois. Je ne connais pas beaucoup de projets de lois d'investissement qui ont été proposés par des députés, à part la traversée de Vésenaz - c'est le dernier en date et on en voit le résultat. Je m'excuse, mais ce n'est pas la gauche qui a proposé la traversée de Vésenaz ni les surplus de frais qu'elle va nous coûter. Par contre, les projets de lois proposés par le Conseil d'Etat ont déjà des priorisations, comme M. Hiler l'a expliqué hier soir. Poser maintenant un carcan supplémentaire sur ces investissements nous paraît une fausse bonne idée.
Encore une dernière chose: bien sûr, c'est lors de la dernière séance qu'il a été décidé que le parti socialiste ne soutenait pas cet article...
Une voix. Vous l'avez soutenu ! (Commentaires.)
Mme Lydia Schneider Hausser. Non, nous ne l'avons pas soutenu. Nous avons soutenu le frein à l'endettement sur trois ans et les mêmes amendements que ce que nous amenons dans le projet de majorité. Sur le fond, nous n'avons donc pas soutenu le projet de loi sur les investissements. (Commentaires.) Qu'après, nous ayons soutenu une exagération de ce que proposait le parti libéral afin de montrer jusqu'où pouvait aller le frein et jusqu'où pouvait aller l'aberration, c'est une autre chose. Par rapport au projet d'amendement qui vous est proposé, nous vous demandons de soutenir le projet d'abrogation de cet article 15. (Quelques applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. J'aimerais simplement rappeler deux éléments très importants, afin de remettre de la réalité dans nos débats: ce n'est pas seulement nous qui avons voulu une baisse d'impôts, c'est le peuple ! Et aujourd'hui, le peuple nous dit merci à chaque fois qu'on en parle, notamment avec les familles. Et d'un !
Deuxièmement, il y a eu 58 heures de travail en commission avec un aboutissement, une co-construction tout à fait intéressante et les socialistes qui ont participé de manière tout à fait harmonieuse et qui ont voté la conclusion... Alors tout remettre en question maintenant - comme à la dernière séance - c'est vraiment se moquer du monde. Les socialistes nous démontrent aussi qu'ils confondent fonctionnement avec investissement, et cet amendement en est la preuve. C'est pourquoi il faut le refuser. Je vous remercie.
Le président. Je vais soumettre l'amendement de Mme Schneider Hausser à vos voix, à savoir l'abrogation de l'article 15.
Une voix. Vote nominal ! (Quelques mains se lèvent.)
Le président. Le vote nominal est demandé, il n'est pas vraiment soutenu... (De nouvelles mains se lèvent.) Ah si, voilà ! Cette fois, c'est clair. Le vote est lancé.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 73 non contre 16 oui et 1 abstention.
Le président. Toujours à l'article 15 et puisque M. Slatkine a retiré son amendement, nous passons à celui de M. Béné, à qui je demande s'il retire son autre amendement qui figure dans le rapport. Monsieur le député Béné ? (Remarque.) M. Béné retire donc son premier amendement et propose à la place un sous-amendement à l'amendement du Conseil d'Etat, lequel sera examiné après. Suivez bien, parce que ce n'est pas simple. Je commence par vous donner l'amendement du Conseil d'Etat, qui consiste à remplacer le contenu des alinéas 1 et 3 et à ajouter un alinéa 4:
«1 La moyenne annuelle de la dette financière de l'Etat publiée dans les états financiers individuels de l'Etat représente l'endettement de l'Etat.
3 Tant que l'objectif visé à l'alinéa 2 n'est pas atteint, les mesures suivantes s'appliquent aux crédits d'ouvrage spécifiés à l'alinéa 4:
a) Si l'endettement annuel moyen dépasse 13,3 milliards, le Grand Conseil ne peut adopter que des crédits d'ouvrage qui autorisent des dépenses à caractère urgent. La majorité absolue de ses membres est requise (51 voix).
b) Si l'endettement annuel moyen dépasse 14,8 milliards, le Grand Conseil ne peut adopter que des crédits d'ouvrage qui autorisent des dépenses à caractère urgent. La majorité des deux tiers de ses membres est requise (67 voix).
c) Si l'endettement annuel moyen dépasse 16,3 milliards, en sus des conditions stipulées à la lettre b, le Grand Conseil vote sur l'application de l'article 67, alinéa 3, de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012.
4 Les crédits d'ouvrage visés à l'alinéa 3 excluent les crédits d'études et les acquisitions d'immeubles.»
Nous allons donc examiner d'abord le sous-amendement de notre collègue M. Béné, qui consiste, à l'article 15 ainsi amendé par le Conseil d'Etat, à supprimer la lettre c de l'alinéa 3 et à remplacer le contenu de la lettre b par la teneur suivante: «Si l'endettement annuel moyen dépasse 14,8 milliards, le Grand Conseil ne peut adopter que des crédits d'ouvrage qui autorisent des dépenses à caractère urgent. La majorité des deux tiers de ses membres est requise (67 voix). De plus, le Grand Conseil vote sur l'application de l'article 67, alinéa 3, de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012.»
Si vous voulez, c'est le moteur à deux temps, si je puis m'exprimer ainsi. Alors que la proposition du Conseil d'Etat, c'est le moteur à trois temps ! Ensuite, une fois que cet amendement aura été discuté et voté - ou non - je ferai voter l'amendement du Conseil d'Etat. Vous avez la parole, Monsieur le député Béné.
M. Jacques Béné (L). Je vous remercie, Monsieur le président. Il s'agit effectivement de lier cet amendement à l'amendement du Conseil d'Etat. Comme l'a expliqué M. Slatkine, une partie de la lettre c, à l'alinéa 3, ne pouvait malheureusement pas être appliquée pour des raisons constitutionnelles. Il n'y a dès lors plus de raison d'avoir ces trois paliers. Nous en resterions donc à deux paliers. Il nous paraît effectivement sain d'accentuer un peu la pression quand on arrive à 14,8 milliards de dettes. La majorité qui serait requise pour pouvoir continuer à adopter des crédits d'ouvrage à caractère urgent dans ce parlement serait des deux tiers. Cela nous paraît assez sain de le faire de cette manière-là.
Nous avons également ajouté ce qui avait été prévu par le Conseil d'Etat à la lettre c, à savoir que le Grand Conseil doit aussi se prononcer sur l'application de l'article 67, qui soumettrait au référendum le crédit urgent concerné. C'est donc assez simple. Nous pensons que c'est plutôt sain d'ajouter cette modification dans l'amendement du Conseil d'Etat, qui n'en change absolument pas la substance, puisque les lettres b et c étaient vraiment trop proches.
M. Eric Stauffer (MCG). Après nous être concertés avec nos collègues, il nous est apparu opportun de ne pas reprendre l'amendement du PLR et de soutenir celui que vient de proposer notre collègue M. Béné. (Commentaires.) Il est évident que ce que veut le Mouvement Citoyens Genevois, c'est une dette maîtrisée. Autrement dit, ce n'est pas un blanc-seing au gouvernement, et il faut des paliers. Mais il est vrai aussi que nous ne pouvons pas bloquer tout investissement, car c'est la machine de l'Etat qui serait à ce moment-là bloquée. Evidemment, cela ne serait bénéfique pour personne. En vertu des explications que je viens de vous donner, le groupe MCG soutiendra donc l'amendement ainsi modifié et proposé par le PLR.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien soutiendra l'amendement déposé par le PLR. Ce qui était important pour nous - et ce n'était pas clair hier en dehors des débats - c'est que le peuple puisse aussi se prononcer. Il faut laisser au peuple la possibilité de se prononcer. Il y a donc là une possibilité, et le Conseil d'Etat devra revenir et revoir au niveau de la constitution une possibilité pour que le peuple puisse se prononcer avec un référendum. Concernant les investissements, c'est vraiment important, puisque si le peuple veut continuer à investir au-dessus d'une certaine somme, il a le droit de le faire et on devra suivre son avis. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député indépendant Didier Bonny, à qui j'accorde deux minutes.
M. Didier Bonny (HP). Merci, Monsieur le président. Je ne pense pas que ce sera nécessaire. En écoutant attentivement ce débat, je me pose les questions suivantes: qui vote les investissements au moment du vote du budget ? Il me semble que ce sont les députés. Qui vote les crédits d'investissement qui arriveraient lors des séances ? Ce sont aussi les députés. J'ai donc de la peine à comprendre pourquoi ce parlement veut s'imposer des règles extrêmement strictes. C'est comme s'il ne se faisait pas confiance et se sentait obligé de se lier les poings au cas où il ferait des bêtises. Pour moi, cela va dans le sens d'une déresponsabilisation, et je dois dire que, très franchement, je la comprends difficilement. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je serai très bref. On ne va pas s'éterniser. Le groupe de l'Union démocratique du centre soutiendra l'amendement modifié tel que proposé par le rapporteur de minorité.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je serai très bref. Pour répondre à M. Bonny: c'est parce que nous ne sommes pas raisonnables, c'est tout. Nous ne sommes pas parfaits. Merci.
Le président. Voilà qui est bref ! Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jacques Béné.
M. Jacques Béné (L). Merci, Monsieur le président. Je voudrais quand même relever quelque chose: il ne s'agit pas de museler le parlement, il s'agit de museler globalement l'Etat. Comme l'a dit M. Hiler hier, il va falloir que le Conseil d'Etat priorise ses investissements. Mme Schneider Hausser a rappelé tout à l'heure qu'à part la traversée de Vésenaz, les députés ne proposent pas d'investissements. C'est le travail du Conseil d'Etat de savoir ce qu'il faut faire, où et surtout quand. (Commentaires.) D'une certaine manière, le parlement ne s'auto-muselle pas, il met des conditions supplémentaires pour que les projets de lois qui seraient présentés par le Conseil d'Etat aient une chance d'aboutir. Je voulais juste clarifier ce point-là. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais maintenant passer la parole successivement aux trois rapporteurs, d'abord à Mme Schneider Hausser, ensuite à M. Slatkine et enfin à Mme von Arx-Vernon. Le conseiller d'Etat David Hiler s'exprimera pour terminer.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de deuxième minorité. Je serai très rapide. Vu le choix qui reste, le parti socialiste soutiendra l'amendement du Conseil d'Etat.
M. Ivan Slatkine (L), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, dans l'idéal, la commission de contrôle de gestion aurait souhaité un troisième palier avec un vote populaire obligatoire. Mais pour introduire un tel mécanisme, il faut une modification de la constitution, avec un projet de loi constitutionnel. La votation populaire, comme un de mes préopinants UDC en avait parlé, n'est donc pas possible de manière forcée. D'où la proposition du Conseil d'Etat. Et mon collègue Béné a expliqué pourquoi notre amendement avait son sens, parce que cette lettre c telle que proposée n'a finalement plus de raison d'être, la mesure étant exactement identique à celle de la lettre b. Autant donc se satisfaire de deux paliers et supprimer le troisième, quitte à ce qu'un groupe parlementaire dépose un projet de loi concernant uniquement le problème de la dette lors de la prochaine législature, avec un débat de fond et une votation populaire. Mais ne prenons pas en otage l'ensemble de la réforme proposée juste pour cette affaire de frein à l'endettement. C'est la raison pour laquelle les partis libéral et radical soutiendront bien entendu l'amendement qui vous est proposé, puis celui du Conseil d'Etat.
Enfin, fixer dans la loi un frein à l'endettement avec des paliers, c'est aussi signaler à nos créanciers que nous sommes conscients d'avoir un problème avec notre dette et que nous posons des garde-fous. C'est aussi cela, instaurer de la confiance. Et aujourd'hui, c'est de la confiance qu'il faut donner. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, l'amendement qui est proposé maintenant revient à l'esprit de la loi telle que travaillée au sein de la commission de contrôle de gestion. Il y a donc de nouveau une cohérence, et je vous remercie de le soutenir.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, un certain nombre de questions ont été posées du côté de l'UDC et de M. Bonny, un certain nombre de critiques ont été faites par ailleurs. J'entends brièvement y répondre, avant d'entrer dans la finesse architecturale de l'amendement et celle de son sous-amendement PLR que nous soutiendrons.
En ce qui concerne la dette, Mesdames et Messieurs, je dois quand même vous rappeler une chose: pendant les années 90, en moins de dix ans, la dette, qui était somme toute assez faible et n'atteignait pas 4 milliards en 1989, est montée à 10 milliards. Une augmentation de 6,3 milliards sur une décennie ! C'est vous dire, Mesdames et Messieurs, qu'en cas de crise, il est bien difficile de répondre. Arrivée au pouvoir, Mme Calmy-Rey, sachant - comme vous le savez - qu'il y aurait une somme colossale à débourser pour la Banque cantonale, a décidé de mener une politique extraordinairement restrictive en matière d'investissements, qui n'ont pas dépassé 300 millions par année à cette période. Je dois dire qu'il n'y avait pas d'autre choix et que je soutiens complètement la politique qu'a suivie Mme Calmy-Rey. A l'époque, les taux d'intérêts étaient plus élevés, et l'intérêt de la dette est monté jusqu'à 400 millions, alors même que la somme était inférieure. Ce choix a évidemment eu la conséquence suivante: à partir du moment où la situation a changé et était de nouveau plus favorable, nous avons mis énormément de temps à faire repartir les investissements. Rien ne s'est vraiment passé entre 2003 et 2005, au moment de la transition. En 2006, il y a bien eu des tentatives, mais aussi passablement de recours sur les sujets que vous connaissez. Finalement, ce n'est qu'en 2008 que le volume d'investissements est revenu, et c'est fort dommage. Seulement voilà, un investissement, c'est quelque chose qui prend quatre années de préparation. Par contre, une fois qu'il est parti, ça occupe les comptes pendant quatre ans.
Voici maintenant un deuxième élément sur lequel j'aimerais insister: pourquoi avoir raisonné par paliers et non pas en pourcentages ? Premièrement, nous avons simplement observé ce qui s'est passé dans les autres pays. Pourquoi est-ce que plus personne ne respecte les critères de Maastricht ? Tout bonnement parce que quand vous avez le PIB qui baisse, vos recettes fiscales s'effondrent, et c'est un effet double: vous perdez, vous avez un PIB plus bas, la dette augmente et, à la place d'avoir une détérioration à un facteur 1, vous l'avez à un facteur 2, voire 3. C'est ce qui est arrivé à un certain nombre de pays. C'est la raison pour laquelle nous ne pensons pas que ce soit la bonne solution. Mais il y a plus que cela. L'architecture générale qui a été inventée - c'est vrai - avec l'appui des services du département est la suivante: il y a un premier constat de la situation: avons-nous, oui ou non, une dette supérieure à une année de recettes ? Aujourd'hui, la réponse est oui. Si c'est non, tous les paliers tombent, que ce soit clair. Deuxièmement, si nous avons une dette supérieure au total des recettes, jusqu'où l'acceptons-nous ? La réponse, c'est 13,3 milliards pour la dette moyenne qui, en période de hausse de la dette, est inférieure à la dette en fin d'année mais reste un chiffre relativement stable, sur lequel on ne peut pas trichoter en renvoyant sur l'exercice suivant. Voilà ce qui a été présenté. Il s'agit d'un premier seuil, qui correspond simplement à 25% du PIB. Et que se passe-t-il ? D'abord, il y a une demande du qualificatif urgent pour les nouveaux crédits d'ouvrage. D'ailleurs, Messieurs Bonny et Béné, c'est le Grand Conseil qui détermine s'ils sont urgents ou non. Je peux vous dire qu'on a déjà fait assez largement le travail pour cette législature dans le PDI, comme vous le constaterez. Mais ce sera vous, en dernière analyse, qui - de bonne foi, nous l'espérons - jugerez si c'est urgent ou non. Et il faut 51 personnes ni plus ni moins pour décider, tout comme pour le budget quand il est déficitaire. Quant au deuxième seuil - fixé à 14,8 milliards - il faut les deux tiers du parlement. L'idée est donc de freiner. L'idée est que l'être humain, le politique, puisse toujours décider, mais avec des cautèles. Il n'y a pas d'automatisme dans le système. Ensuite vient la question du troisième palier. Je précise tout de même que le troisième palier est un calcul qui dit: si l'on tient compte de notre dette, de la dette suisse, de la dette communale, de la dette des régies publiques, de la dette fédérale publique, à quoi a-t-on droit ? Toutes choses étant égales par ailleurs, on a droit à 16,8 milliards pour rester en dessous des fameux 60% du PIB.
Cela dit, le 1er juillet, la commission a effectivement voté quelque chose qui ne tenait pas si mal avant la fin de séance que vous avez évoquée, et sur laquelle je ne reviendrai d'ailleurs pas. Le problème, c'est que la commission a introduit la notion de référendum obligatoire, alors que celui-ci n'existe plus avec la nouvelle constitution. A ce stade, je vous présente d'ailleurs les excuses du département et les miennes; nous aurions dû le voir. Nous ne l'avons pas vu, je ne l'ai pas vu alors que je pouvais le voir. C'est une erreur de notre part. Le tout est qu'elle ne sabote ni ne pollue le débat. Cela a été constaté et nous avons cherché des solutions mais, entre-temps, nous avions déjà rédigé tous nos amendements en faisant un copier-coller des vôtres, puisque nous n'avions changé que les seuils et les calculs. Depuis quelques jours, des âmes de bonne volonté cherchent une solution. Cette solution, c'est de voter l'amendement du Conseil d'Etat sous-amendé par l'amendement de M. Béné. Nous renonçons au troisième seuil. Ce n'est pas qu'il n'a pas de sens, c'est qu'il n'a pas assez de force, puisque c'est une recommandation pour le Grand Conseil. Je constate que nous avons là une solution souple et raisonnable. Rappelons en effet que bien que nous ayons un PIB par habitant parmi les plus élevés de Suisse - je crois qu'il ne doit guère y avoir que Zoug à en avoir un plus haut - nous sommes le seul canton à avoir une dette supérieure à une année de revenus. C'est un héritage, il faut l'assumer. Je n'ai jamais dit qu'il fallait le baisser, mais à un moment donné il faut l'arrêter.
L'idée générale est donc dans la dynamique; c'est un peu plus difficile à imaginer que des modèles statiques. Si l'on fait des montants en chiffres, le poids de la dette dans le PIB va forcément baisser. Mais il va baisser extrêmement lentement, et de façon à ce que nous puissions nous organiser pour faire des investissements. Or je dois quand même le dire aussi, ce sont des freins très lents. Actuellement, si la décision de freiner l'investissement se met en place, si l'on veut réduire le niveau, comme les investissements sont en cours, il faudrait quatre ans de freinage. Ça, c'est la réalité ! Par conséquent, cela exige des mesures et contrairement à ce qui a été dit, je pense que le système est intelligent. Il est préférable à ce qu'on connaît ailleurs. Il n'est pas destructeur. Ce qui aurait été destructeur, c'est le premier amendement que M. Béné avait déposé hier, à savoir qu'à partir d'un certain seuil, on n'a plus le droit d'investir. Voilà qui n'est pas une bonne idée. Maintenant, j'assume ma part de responsabilité, puisque c'est un peu dans l'urgence que le Conseil d'Etat a déposé son amendement.
J'en profite d'ailleurs pour remercier M. Eric Stauffer, dont - comme vous le savez depuis longtemps - je ne partage évidemment pas les propos sur les frontaliers et quelques autres sujets. Mais en renonçant à faire mousser cette affaire et en reprenant l'amendement du PLR d'hier soir, il fait preuve de sens des responsabilités, plaçant certainement les intérêts de la république avant ceux de sa campagne, et je veux le souligner au passage.
Mesdames et Messieurs les députés, la voie est claire. La voie est claire: il faut voter l'amendement Béné, qui est un sous-amendement du Conseil d'Etat, donc voter l'amendement du Conseil d'Etat ainsi sous-amendé. Ensuite, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que ce qui a été dit est juste. Le prochain Conseil d'Etat devra déterminer s'il veut faire un projet de modification constitutionnelle et, le cas échéant, les partis prendront leur part au débat. Je crois, Mesdames et Messieurs, que nous avons la solution et je vous demande de vous en tenir là. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais tout d'abord soumettre à vos voix le sous-amendement Béné à l'amendement du Conseil d'Etat à l'article 15, qui consiste à supprimer la lettre c de l'alinéa 3 et à remplacer le contenu de la lettre b par la teneur suivante: «Si l'endettement annuel moyen dépasse 14,8 milliards, le Grand Conseil ne peut adopter que des crédits d'ouvrage qui autorisent des dépenses à caractère urgent. La majorité des deux tiers de ses membres est requise (67 voix). De plus, le Grand Conseil vote sur l'application de l'article 67, alinéa 3, de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 76 oui contre 12 non et 5 abstentions.
Le président. Je vous fais maintenant voter l'amendement du Conseil d'Etat ainsi sous-amendé:
«1 La moyenne annuelle de la dette financière de l'Etat publiée dans les états financiers individuels de l'Etat représente l'endettement de l'Etat.
3 Tant que l'objectif visé à l'alinéa 2 n'est pas atteint, les mesures suivantes s'appliquent aux crédits d'ouvrage spécifiés à l'alinéa 4:
a) Si l'endettement annuel moyen dépasse 13,3 milliards, le Grand Conseil ne peut adopter que des crédits d'ouvrage qui autorisent des dépenses à caractère urgent. La majorité absolue de ses membres est requise (51 voix).
b) Si l'endettement annuel moyen dépasse 14,8 milliards, le Grand Conseil ne peut adopter que des crédits d'ouvrage qui autorisent des dépenses à caractère urgent. La majorité des deux tiers de ses membres est requise (67 voix). De plus, le Grand Conseil vote sur l'application de l'article 67, alinéa 3, de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012.
4 Les crédits d'ouvrage visés à l'alinéa 3 excluent les crédits d'études et les acquisitions d'immeubles.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 75 oui contre 11 non et 6 abstentions.
Mis aux voix, l'article 15 ainsi amendé est adopté par 74 oui contre 10 non et 7 abstentions.
Mis aux voix, l'article 16 est adopté, de même que les articles 17 à 52.
Le président. A l'article 53, nous sommes saisis d'un amendement de Mme Schneider Hausser, qui demande son abrogation. Madame, vous avez la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de deuxième minorité. Monsieur le président, cela concerne la gestion des risques. Le 2 octobre, la presse a déjà eu connaissance du concept et du règlement d'application du nouveau contrôle des risques de l'Etat. La machine étant déjà en route et vu l'enthousiasme général pour un contrôle à tout vent, nous ne jouerons pas les derniers des Mohicans. Tout en restant farouchement opposés à une telle usine à gaz administrative et en privilégiant le renfort sur les postes de terrain et l'implication «métier» des personnes plutôt que d'avoir des employés interchangeables à terme, nous retirons notre amendement.
Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure.
Mis aux voix, l'article 53 est adopté, de même que les articles 54 à 67.
Le président. A l'article 68 souligné, nous sommes saisis d'un amendement général de Mme von Arx-Vernon, amendement qui demande la modification de quarante autres lois. Je vous informe que la commission de contrôle de gestion a épluché ces quarante modifications. Dès lors, vous voterez en bloc cette modification à d'autres lois. Madame von Arx-Vernon, vous avez la parole.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aurais trouvé tout à fait élégant que M. Hiler remercie aussi ma collègue rapporteuse de minorité pour avoir évité de prolonger les débats et fait passer l'intérêt général avant... (Protestations.) Absolument !
Deuxièmement, je trouve effectivement indispensable de voter cet amendement général, qui est une mise en conformité avec toutes les lois concernées. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. La parole est à Mme la députée Catherine Baud.
Mme Catherine Baud. Excusez-moi, c'était une erreur.
Le président. Ah, c'est une erreur ! Alors je soumets au vote de l'assemblée cet amendement général à l'article 68 souligné.
Mis aux voix, cet amendement général est adopté par 82 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 68 (souligné) ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
La loi 10960 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10960 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 72 oui contre 10 non et 7 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)