Séance du
vendredi 4 octobre 2013 à
15h30
57e
législature -
4e
année -
12e
session -
73e
séance
PL 11261-A
Premier débat
Le président. Nous abordons maintenant le point 151 bis, soit le PL 11261-A. Rapport de Mme la députée Irène Buche... (Remarque de Mme Buche.) ...qui s'exprimera plus tard. La parole est donc à M. le député Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Vous avez vu que le groupe MCG a déposé deux amendements sur ce projet de loi. Je rappelle que cette modification législative est la conséquence de l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution, qui donne une nouvelle prérogative au Conseil supérieur de la magistrature pour un préavis quant aux candidats qui sont présentés. Les candidats qui, aujourd'hui, présentent leur candidature auprès... (M. Poggia s'interrompt.) Pourquoi on me regarde avec cet air-là ?
Le président. Poursuivez, Monsieur le député !
M. Mauro Poggia. Je suis bien sur le bon sujet ? Des personnes me regardaient avec des gros yeux... (Remarque.) ...donc je me demandais si c'était bien juste ! Bien, vous me rassurez, Monsieur le président, je vous remercie. (Commentaires.) Je disais donc, Monsieur le président, que dans le système actuel, les candidats sont d'abord entendus par la commission judiciaire de leur parti politique, puisque nous savons qu'un candidat hors parti n'a pratiquement aucune chance d'accéder à la magistrature... (Brouhaha.) ...et ce sont ensuite les commissions judiciaires des différents partis qui présentent les candidats sélectionnés à la commission interpartis. Vous savez que le MCG s'est élevé contre ces méthodes, que l'on considère comme du compérage, voire du copinage, parce que nous estimons que la première qualité requise d'un magistrat est l'indépendance. Exiger de celui dont la qualité première sera l'indépendance une allégeance à un parti politique est, pour nous, un non-sens; aucun joueur ne rentrerait sur le terrain si l'arbitre avait le maillot de l'équipe adverse. Or, aujourd'hui, il suffit d'ouvrir internet pour être informé de la couleur politique du juge qui a à connaître notre cause ! Les médias ne s'y trompent pas, d'ailleurs, puisque dans les décisions sensibles on ne manque pas d'indiquer quelle est l'appartenance politique du magistrat qui a rendu la décision. Cela veut dire que la politisation du pouvoir judiciaire, à tort ou à raison - et ce sont les effets que nous voulons combattre - est perçue au sein de la population comme une façon de biaiser l'indépendance de la justice. Au MCG, nous demandons donc des magistrats indépendants et apolitiques; cela ne veut pas dire que nous réclamons de nos magistrats qu'ils n'aient pas leurs idées ou leur vision de la société, comme tout citoyen. Cela ne veut pas dire non plus que nous faisons interdiction à des magistrats, ou à des futurs magistrats, d'être affiliés à un parti politique ! C'est le droit de tout citoyen, et par conséquent le leur. Par contre, nous considérons que le fait qu'un magistrat ou un candidat à la magistrature doive être présenté par un parti politique est une distorsion de la démocratie, et nous voulons donc le combattre.
Aujourd'hui, dans ce nouveau projet de loi consécutif à l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution, il y a un échelon supplémentaire. Nous pensions que cela permettrait de supprimer la commission interpartis, qui voit représenter une personne par parti politique et dont le but est de faire en sorte que l'entrée d'un magistrat corresponde, grosso modo, à la proportion de ce parti politique au sein du parlement; nous pensions qu'enfin cette commission interpartis allait être supprimée au profit du Conseil supérieur de la magistrature, qui n'a pas à intervenir dans cette cuisine interne qui, au MCG, nous semble indécente. Eh bien non ! Nous apprenons que, d'après le système que l'on veut nous faire avaler aujourd'hui, les candidats à un poste à la magistrature devront d'abord obtenir un préavis - positif ou négatif - du Conseil supérieur de la magistrature, qui les entendra le cas échéant, ou qui renoncera à les entendre si cette candidature ne pose pas de problème. Ensuite, muni de ce préavis, le candidat aura douze mois pour postuler à un poste ouvert au sein de la magistrature. Et c'est là qu'il passera par cette commission interpartis que l'on a maintenue, qui fera sa cuisine comme elle le fait aujourd'hui, en disant au candidat qu'il est parfait mais que ce n'est pas au tour des socialistes, que c'est celui des PLR qui peuvent placer un magistrat, etc. Vous connaissez la fin de l'histoire.
Raison pour laquelle nous avons proposé deux amendements, et nous verrons, dans ce parlement, celles et ceux qui sont pour une justice véritablement indépendante et apolitique, et celles et ceux qui considèrent que le système actuel est finalement très bien, qu'ils sont assis sur le magot et qu'il n'y a pas de raison de le laisser partir. Parce que le but final de ce que nous proposons, c'est qu'il n'y ait plus de coloration politique - je le dis encore, les idées de chacun leur appartiennent - des magistrats. Et je suis certain que les magistrats seront les premiers heureux, et les futurs magistrats encore plus, de n'avoir pas à déclarer une affiliation à un parti politique pour faire leur travail, un travail qui, encore une fois, consiste à appliquer la loi et non pas à donner raison à certains groupes de la société selon leur vision personnelle. Donc nous avons - je crois que je parle pour les deux amendements en une seule fois, Monsieur le président, je vous remercie - proposé un alinéa 2 à l'article 22, qui est libellé ainsi - vous l'avez sur vos tables, mais comme vous l'avez reçu hier... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...je vous le lis:
«Le candidat à un poste de magistrat qui sollicite un préavis - au Conseil supérieur de la magistrature s'entend - ne peut ni se référer à un parti politique, ni être présenté par l'un deux.» C'est-à-dire qu'un candidat qui remplit les conditions pour devenir magistrat, qui a notamment le brevet d'avocat, eh bien postule auprès du Conseil supérieur de la magistrature pour obtenir un préavis. (Brouhaha.) Il n'a pas à être présenté par un parti politique, il n'a pas non plus à mentionner que c'est sous les couleurs de tel ou tel parti qu'il se présente. Voilà donc le premier amendement que nous vous proposons.
Ensuite, il y a un deuxième amendement: l'actuel alinéa 2 de l'article 22, que vise ce deuxième amendement, serait légèrement modifié par rapport au texte actuel puisqu'il s'agirait d'abord d'enlever le «sommairement». Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui on prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature, saisi d'une demande de préavis, se détermine sommairement. Le «sommairement» ne nous plaît pas, parce que si on dit à quelqu'un qu'il n'est pas apte à faire ce métier, je pense que cette personne doit savoir pourquoi.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Mauro Poggia. Je conclus rapidement, Monsieur le président. Par ailleurs, transmettre les motifs au Grand Conseil - alors qu'ils peuvent toucher la personnalité - ne revient pas à les expliquer au candidat. Donc nous avons non seulement demandé que ce préavis soit motivé, et non pas sommairement motivé - vous verrez, la modification consiste simplement à enlever la qualification de sommaire - et, de surcroît, qu'il soit présenté à la personne qui a sollicité le préavis, pour qu'elle sache pourquoi ce dernier serait négatif. Voilà ces deux amendements, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'ils sont l'expression du bon sens et je vous demande de les soutenir, parce que le prix à payer est d'avoir une justice crédible, qui soit véritablement le fer de lance de notre cohésion sociale.
Mme Irène Buche (S), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes tous d'accord sur une chose: nous voulons une justice indépendante. (Brouhaha.) Mais, aujourd'hui, il ne faut pas se méprendre, le débat ne se situe pas sur ce point. Je pense que le MCG se trompe vraiment de problématique et d'endroit, car cette discussion a déjà eu lieu à la constituante, qui avait décidé de maintenir le mode d'élection actuel des magistrats et a simplement choisi de rajouter un filtre, en quelque sorte, c'est-à-dire un préavis du Conseil supérieur de la magistrature que tout candidat devra obtenir avant de se présenter. Cela suffit clairement à garantir l'indépendance. Donc, aujourd'hui, c'est de cela que l'on parle; on ne parle pas du mode d'élection, on ne parle pas de revenir sur les débats de la constituante. On est simplement là pour appliquer ce que la constituante a décidé. La commission judiciaire a dû travailler vite... (Brouhaha.) ...car les élections générales auront lieu l'année prochaine et que le Conseil supérieur de la magistrature doit avoir le temps de faire son travail d'ici à fin janvier.
En ce qui concerne les amendements du MCG, je vous invite à les refuser. Comme je l'ai dit, ce n'est pas le lieu d'avoir un débat que l'on a déjà eu, et j'aimerais rappeler que ce projet de loi a été voté par tous les partis de ce parlement à l'exception du MCG, qui s'est abstenu. Donc je vous remercie de voter ce projet de loi tel qu'il est ressorti des débats de commission.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter l'entrée en matière de ce projet de loi.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Commentaires. Des mains se lèvent.) Oui, très bien.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 11261 est adopté en premier débat par 73 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 15 (nouvelle teneur) à 19, alinéas 1 et 2 (abrogés, les alinéas 3 à 8 anciens devenant les alinéas 1 à 6).
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements à l'article 22. Le premier est une modification de l'alinéa 2, tel qu'expliqué par M. le député Poggia. Je vous le lis:
«Article 22, alinéa 2 (nouvelle teneur)
Le préavis porte sur les compétences du candidat et son aptitude à devenir magistrat ou à être élu ou réélu, dans la catégorie de fonction concernée. Lorsque le préavis est négatif, il est motivé et mentionne la position du candidat. Le préavis lui est notifié. Lorsque le préavis porte sur un magistrat en fonction, il mentionne les sanctions disciplinaires prononcées contre lui et les procédures disciplinaires en cours.»
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 51 non contre 23 oui et 2 abstentions.
Le président. Nous abordons le deuxième amendement proposé par le MCG, que je vous lis également:
«Article 22, alinéa 2 (nouveau)
Le candidat à un poste de magistrat qui sollicite un préavis ne peut ni se référer à un parti politique, ni être présenté par l'un d'eux.»
Une voix. Vote nominal ! (Appuyé.)
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 53 non contre 23 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 22 (nouvelle teneur avec modification de la note) est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).
Troisième débat
La loi 11261 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11261 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 68 oui et 3 abstentions.