Séance du
vendredi 26 avril 2013 à
17h
57e
législature -
4e
année -
7e
session -
43e
séance
R 726
Débat
Le président. Nous entamons l'urgence que nous venons de voter, la résolution 726. Débat en catégorie II: trente minutes. La parole est à M. le député Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Chers collègues, je remercie le groupe PDC d'avoir présenté cette urgence, parce qu'effectivement elle est urgente ! Elle est urgente, parce que tout prend beaucoup de temps dans ce domaine et nous savons que, lorsque c'est Berne qui doit se bouger, il y a intérêt à faire preuve d'énergie suffisamment tôt !
Il est vrai que nous avons déposé cette résolution, ce qui a suscité quelques réactions du type: «Qu'est-ce que c'est ? Le MCG qui défend les frontaliers ?» Eh bien, c'est la preuve que le MCG n'est pas contre les frontaliers et que si, parallèlement à la défense des intérêts nationaux, cela sert les intérêts des frontaliers, pour nous ce n'est pas un problème.
Par contre, ce qui est important évidemment, c'est que les intérêts nationaux soient préservés en priorité, et c'est le but de cette résolution. A double titre. D'abord, le problème, il est simple ! Selon les accords sur la libre circulation des personnes, les travailleurs transfrontaliers - quels qu'ils soient, d'ailleurs - sont assurés pour toute la sécurité sociale dans le pays où ils travaillent. En principe, les travailleurs qui sont domiciliés en France - quelle que soit leur nationalité, et nous savons qu'il y a beaucoup de Suisses de l'autre côté de la frontière - et qui travaillent à Genève sont normalement assurés, pour l'assurance-maladie également, auprès de la LAMal. Mais une annexe à cette convention précise qu'il y a néanmoins un choix qui doit être fait dans les trois mois dès la prise d'emploi ou dès la prise de domicile dans un autre pays que celui où l'on exerce l'activité; dans ce délai de trois mois, on peut opter pour le pays où l'on réside.
Entre la Suisse et la France, cela fonctionne ainsi: les personnes qui prennent un emploi à Genève en étant domiciliées en France - ou les Suisses qui ont déjà un emploi à Genève mais qui partent s'installer en France - disposent, à partir de ce moment-là, d'un délai de trois mois pour choisir entre le système suisse et le système français.
Le système suisse, nous le connaissons, il est unique, c'est la LAMal, pour l'assurance obligatoire, alors que le système français connaît encore aujourd'hui une alternative entre la sécurité sociale et les mutuelles - les mutuelles qui correspondent à nos assurances privées, que l'on appelle communément «assurances complémentaires.»
Aujourd'hui, la très grande majorité, plus de 90% - j'allais dire «quatre-vingt-dix» pour cent - des personnes qui viennent travailler chez nous et venant de l'autre côté de la frontière ont choisi des mutuelles car, pour un tarif inférieur à nos primes LAMal, elles ont les mêmes prestations. Pourquoi ? Tout simplement parce que ces mutuelles sélectionnent les risques. Lorsqu'on a la possibilité de s'assurer auprès de ces mutuelles, on est considéré comme un «bon risque» et on a des primes inférieures.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Mauro Poggia. Je me dépêche, Monsieur le président ! Ainsi, ces personnes peuvent s'assurer chez nous, et avec des primes inférieures. Et elles peuvent donc, surtout, se faire soigner chez nous.
A partir du 1er juin de l'année prochaine, le gouvernement français a décidé qu'il faudra passer obligatoirement à la sécurité sociale. Le but de cette résolution est que l'on ouvre une nouvelle fenêtre de trois mois à partir du 1er juin 2014 à toutes ces personnes qui sont dans ces mutuelles et qui vont passer obligatoirement à la sécurité sociale, afin qu'elles puissent, le cas échéant, revenir à la LAMal, ce qui est avantageux pour la solidarité chez nous, puisque ces personnes vont payer des primes LAMAL; ce qui est avantageux pour elles aussi, puisqu'elles pourront se faire soigner en Suisse, ce qui n'est pas possible avec la sécurité sociale française, sauf cas d'urgence. Et ce qui est bon aussi pour nos prestataires de soins ici à Genève, ce sont 25 millions qui sont estimés, qui sont rapportés par les personnes se trouvant de l'autre côté de la frontière qui viennent se faire soigner aux HUG.
Je vous demande donc de soutenir cette résolution et de la renvoyer au Conseil d'Etat, afin qu'il la renvoie à son tour au Conseil fédéral. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député - vous avez donc entamé le temps accordé à votre groupe. La parole est à Mme la députée Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Oui, cette question est importante, et je remercie M. Poggia d'avoir déposé cette proposition de résolution. On pourrait croire effectivement que le 1er juin 2014 nous donne suffisamment de temps, mais, comme on le sait, tout prend du temps, et ce que cette résolution demande finalement, c'est d'accorder encore un petit délai supplémentaire à toutes les personnes qui vont se trouver dans l'obligation de choisir entre la LAMal et la sécurité sociale ou les assurances privées.
Cela étant, le groupe UDC peut parfaitement entendre ces invites et adhérer au principe du renvoi au Conseil d'Etat, car finalement le problème se situe surtout au niveau fédéral; c'est là que la discussion doit avoir lieu, et non pas s'enliser dans nos commissions cantonales.
Toutefois, s'il est vrai qu'il faut que tout le monde ait les mêmes possibilités d'affiliation, surtout quand on travaille en Suisse et qu'on réside ailleurs, je constate que la discrimination, pendant toutes ces années, c'est surtout nous, les Suisses travaillant en Suisse, qui l'avons subie, puisque nous n'avions qu'un seul choix, celui de la LAMal !
D'une certaine façon, j'aurais envie de dire à ceux qui vont porter le message à Berne qu'il faudrait aussi voir dans quelle mesure nous pourrions également ouvrir aux Suisses la possibilité d'avoir des mutuelles qui soient non pas nationales mais d'ailleurs; les Français frontaliers et les Suisses domiciliés à l'étranger ont actuellement ce choix-là, tout le personnel des organisations internationales en profite aujourd'hui. Pour en avoir profité moi-même pendant des années, je peux vous garantir qu'il s'agit d'un système bien pratique, qui n'est pas plus cher, et je trouverais donc juste que l'ouverture se fasse dans les deux sens.
Nous soutiendrons cependant cette résolution et son renvoi au Conseil d'Etat.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien soutient le renvoi au Conseil d'Etat et a signé cette résolution. C'est une résolution qui est essentielle, car il y a une injustice. En effet, les gens qui viendront s'installer en France et qui travailleront en Suisse le 1er juin 2014 auront le choix entre s'affilier à la sécurité sociale ou à la LAMal, et les 93% qui ont choisi une mutuelle actuellement n'auront pas le choix, ils seront directement mis à la sécurité sociale. C'est une perte d'argent énorme pour le canton, une perte d'argent énorme pour l'Hôpital cantonal, il ne faut pas l'oublier.
C'est pour cela qu'il faut une action conjointe entre le parlement genevois et le Conseil national. Le conseiller national Luc Barthassat ayant déposé une motion sur le même sujet, signée par tous les conseillers nationaux genevois, il est important de renvoyer cet objet immédiatement à Berne, afin que les deux textes soient discutés en même temps.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Effectivement, c'est un sujet extrêmement technique, et l'on pourrait se dire: «Dans le fond, pourquoi encore une histoire d'assurance ?» C'est une réalité que l'assurance-maladie pour les Français qui habitent en France et travaillent à Genève est moins chère que la LAMal. Mais, en même temps, le choix de l'hôpital ne peut et ne pourra plus se faire à partir du 1er juin. Ce qui signifie que notre bel hôpital perdra un certain nombre de clients, tout comme nous n'aurons pas ou plus la possibilité de choisir l'établissement dans lequel nous voulons nous faire soigner, sauf en Suisse - mais en tout cas pas en France, ni ailleurs, sauf pour les cas d'urgence si nous nous trouvons à Paris ou ailleurs.
C'est pourquoi je vous demande - les Verts vous demandent - de soutenir cette proposition de résolution, afin qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat pour l'inviter à intervenir auprès du Conseil fédéral. Parce qu'il est vrai qu'il s'agit d'un sujet important; du reste, M. Berset est en train de négocier avec Paris, pour que des accords puissent être conclus et que les gens puissent se faire soigner non pas à 150 km de chez eux, mais dans une limite de kilométrage respectable, et c'est cela qui est important. Je vous demande donc de soutenir cette résolution.
M. Pierre Conne (R). J'aimerais tout d'abord saluer la vigilance du MCG, car probablement que, sans cette vigilance-là, nous serions passés à côté des effets d'une décision administrative française qui aurait privé les résidents en France qui travaillent à Genève de la possibilité, tout simplement, de continuer à être soignés dans nos institutions suisses. Et Dieu sait si une grande majorité de personnes dans cette situation préfèrent, pour différentes raisons, être affiliées à notre système LAMal, se faire soigner en Suisse, plutôt que d'être strictement affiliées à la sécurité sociale française.
Evidemment, compte tenu de ces éléments, le groupe libéral et le groupe radical saluent cette résolution et soutiendront son renvoi au Conseil d'Etat.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que le groupe socialiste aurait préféré faire un tour en commission pour pouvoir obtenir des éléments peut-être plus précis que ce qui est noté - encore que la résolution est déjà bien argumentée - mais aussi pour avoir quelques arguments et positions, en particulier du Conseil d'Etat, sur ce sujet-là - nous les connaîtrons certainement en partie maintenant.
Il est vrai aussi que dans une région transfrontalière, le fait de priver une partie des gens qui transitent d'un côté et de l'autre de la frontière en raison de leur travail, eh bien, les priver d'une possibilité de faire de même concernant les soins nous paraît problématique, surtout dans le cadre de la construction de l'agglomération. De ce point de vue là, les choses se négociant à Berne, nous soutiendrons cette résolution afin qu'on transmette un message disant que si l'on veut construire l'agglomération, il faudrait peut-être avoir des positions différentes de celles qui ont été prises en matière de soins actuellement en France.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat accepte bien volontiers cette résolution, elle est même une aide; et si le vote était unanime, elle serait une aide plus puissante encore à une politique qu'il essaie de mener, de collaboration dans le domaine sanitaire, dans ce qu'on appelle désormais le Grand Genève, de manière que les uns et les autres puissent agir en complémentarité, mais surtout avec un minimum de liberté ! Or, c'est cette liberté qui serait enlevée à toutes celles et ceux qui d'ores et déjà travaillent à Genève et habitent en France voisine. C'est d'autant plus singulier que le principe général des accords bilatéraux veut que l'on s'affilie à l'endroit où l'on travaille, et pas à l'endroit où l'on habite.
Il y a déjà eu cette exception, faite essentiellement d'ailleurs à la demande des frontaliers, à l'époque, qui pouvaient profiter d'un régime de «Sécu» minimum agrémenté d'une assurance privée bon marché, puisque par définition ce sont des travailleurs, donc des gens relativement jeunes et relativement peu malades, sans quoi ils ne travailleraient pas. C'est ce qui faisait cet attrait.
Mais maintenant, les choses sont très différentes, puisqu'on inventerait un système à deux vitesses pour ceux qui viendraient après une certaine période et ceux qui y sont déjà. De plus, quand on relit ces accords bilatéraux, il est dit que lors de chaque changement important pour la personne le libre choix se réenclenche durant une certaine période. Et si cela n'est pas à considérer comme un changement important pour la personne, alors c'est à n'y plus rien comprendre de l'interprétation de textes pourtant écrits, pour une fois, dans une certaine simplicité !
Nous accueillons donc avec plaisir cette résolution. Nous transmettrons notre soutien à cette résolution adressée à l'autorité fédérale. Le seul bémol, si vous permettez, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que le Conseil d'Etat n'exige pas du Conseil fédéral, et il n'exige pas plus de l'Etat français. En revanche, il rendra attentifs les deux Etats aux problèmes que cela pose de changer les règles en cours de route; règles qui, selon le principe d'une certaine stabilité du droit, sont à ne pas changer dans une région qui se construit. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix cette proposition de résolution.
Mise aux voix, la résolution 726 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 63 oui (unanimité des votants).