Séance du vendredi 22 février 2013 à 20h30
57e législature - 4e année - 5e session - 26e séance

M 2042-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Mauro Poggia, Olivier Sauty, Roger Golay, Florian Gander, Jean-François Girardet, Jean-Marie Voumard, André Python, Thierry Cerutti, Marie-Thérèse Engelberts, Christina Meissner, Philippe Schaller, Pascal Spuhler, Marc Falquet, Patrick Lussi : Droit à l'information pour les proches d'un patient décédé : la transparence est garante d'une bonne pratique médicale
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (L)
Rapport de minorité de M. Mauro Poggia (MCG)

Débat

Le président. Nous allons passer au point suivant de notre ordre du jour... (Protestations.) ...le numéro 32, avec la proposition de motion 2042-A. Catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Béné, qui prend place. (Brouhaha.)

M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. D'entente avec M. Poggia, je lui laisse la parole. (Exclamations.) C'est sympa, hein !

Présidence de M. Gabriel Barrillier, président

Le président. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole.

M. Mauro Poggia (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je prends la parole dans un souci de célérité, puisque je vois que l'heure tardive presse légitimement nos collègues. Le sujet est néanmoins important puisqu'il est question, ici, d'accès au dossier médical d'un patient par les proches lorsque celui-ci est décédé. Il y a eu de longues et intéressantes discussions au sein de la commission, qui a dû arbitrer entre deux intérêts; celui, légitime, de préserver la sphère privée du patient... (Brouhaha.) ...même lorsqu'il est décédé, ou plutôt, surtout lorsqu'il est décédé, et celui, potentiellement tout aussi légitime, d'un proche de savoir si finalement les traitements qui ont été administrés à ce patient avant son décès étaient adéquats, afin que le secret médical ne soit pas utilisé à une autre fin que celle pour laquelle il a été érigé, c'est-à-dire la protection du patient. Puisque la commission a finalement décidé, bien que consciente du problème, que les propositions qui étaient faites ne pouvaient pas être acceptées telles quelles, j'ai déposé plusieurs amendements dont je ne conserverai que le premier. Celui-ci vise finalement à instaurer dans notre législation ce qui est déjà... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...un acquis jurisprudentiel dans la pratique des HUG, c'est-à-dire de permettre aux proches d'un patient décédé de faire appel à un médecin de confiance qui servira de lien entre le dossier, dans lequel le secret du patient devra être préservé, et leur légitime volonté d'avoir des explications. Je crois que cette proposition, qui est tout à fait raisonnable, devrait pouvoir obtenir votre assentiment. Elle vise simplement à avancer dans la bonne direction, dans l'espoir que le département puisse assez rapidement nous proposer un projet de loi dans ce sens, projet de loi qui pourra être à nouveau discuté en commission. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur Béné, vous souhaitez vous exprimer ?

M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, j'avais préparé deux ou trois choses à dire, mais vu l'heure avancée et la proposition de M. Poggia, je prendrai peut-être la parole seulement à la fin. Merci.

M. Charles Selleger (R). Si je vous dis secret du confessionnal... (Brouhaha.) ...vous comprenez que le secret, c'est celui de la personne qui vient se confesser. Ici on parle de secret médical, et on commence à délirer en disant que c'est le secret du médecin, qui veut cacher les erreurs qu'il aurait pu commettre dans ses agissements professionnels. Non, il ne s'agit pas du tout de cela ! Le secret médical c'est le secret du patient. Et cette motion, en tout cas dans son état d'origine, veut changer le paradigme et dire qu'on peut présumer qu'un patient décédé aurait été d'accord d'ouvrir son dossier médical à ses proches, alors que le respect de la mémoire d'un patient décédé c'est de préserver son secret médical, à moins qu'il en ait disposé d'une manière différente. Donc que demande cette motion ? Elle demande que ce soit le médecin concerné qui prenne sur lui d'aller défendre le secret médical du patient décédé devant une commission. Ça c'est impossible, le médecin ne le fera pas. D'abord parce que ça va lui faire perdre du temps, et puis parce qu'il a à soigner des gens vivants plutôt que de se soucier de secrets médicaux qui ne sont pas les siens mais qui sont ceux du patient.

En ce qui concerne l'idée qu'on soupçonne quand on lit une telle motion, à savoir que celle-ci puisse servir à débusquer les agissements professionnels inadéquats, notre législation et les commissions, en particulier la commission de surveillance, existent, elles sont là pour répondre à ce besoin. Et, à défaut, on peut toujours s'adresser aux tribunaux, ils sont aussi là pour répondre aux plaintes de gens qui penseraient que leur parent a subi un acte contraire aux agissements professionnels adéquats de la part des médecins. Alors il y a des propositions d'amendements, donc je ne sais pas si c'est maintenant qu'on va en discuter... (Le président acquiesce.) Merci, Monsieur le président, si tel est le cas je vais un tout petit peu rallonger. On nous parle d'un premier amendement qui correspondrait déjà à la pratique jurisprudentielle du Tribunal fédéral. Moi je veux bien, mais est-ce que c'est vraiment utile...

Le président. Vous avez bien compris qu'il n'y avait plus qu'un amendement, le premier.

M. Charles Selleger. Non, il y en a un troisième. Il y a le un et le trois. (Commentaires.)

Le président. Non non, il a précisé qu'il n'y avait plus qu'un amendement.

M. Charles Selleger. Moi, le seul qui m'aurait convenu ça aurait été le troisième. Le premier, j'admets que c'est peut-être ce que pratique la jurisprudence du Tribunal fédéral, mais si tel est le cas il n'y a pas besoin que nous légiférions nous-mêmes sur ce point, qui reste délicat.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Marc Falquet. Vous avez donc bien compris qu'il ne reste plus qu'une invite ?

M. Marc Falquet (UDC). Oui oui, j'ai bien compris. Quand on entend M. Selleger, on comprend un peu pourquoi les gens déposent plainte contre l'Hôpital cantonal. Ce n'est pas un problème de secret médical, c'est un problème de communication avec les gens qui veulent faire leur deuil ! C'est simplement ça ! Etant donné qu'il y a une succession de médecins qui traitent différemment le patient, et qu'ensuite la famille ne sait pas vers qui se tourner, alors elle s'adresse à un médecin qui ne connaît pas bien les circonstances, et ce médecin a peur de donner des informations à la famille parce qu'il n'a pas pu avoir une relation proche avec elle. C'est tout simplement ça. Et c'est pour remédier à ce problème que, lorsque la famille ne sait pas exactement ce qui s'est passé, qu'elle ne sait pas quoi faire, malheureusement il lui arrive de déposer plainte, ce qui débouche sur des procédures inutiles. Cette motion va régler ce problème, je l'espère.

L'amendement proposé par M. Poggia devrait normalement être bien accueilli par tout le monde, surtout que la jurisprudence du Tribunal fédéral permet de désigner un médecin de confiance, ce qui se fait déjà à l'hôpital. Ce n'est donc pas une question de secret médical, c'est une question de communication. Les médecins doivent apprendre la communication. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci !

M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs, comme vous l'avez compris, les médecins ont l'obligation de respecter le secret médical, d'abord sous peine de sanctions disciplinaires, et ensuite en tenant compte des pesées d'intérêt entre le droit supérieur, la jurisprudence fédérale, la loi sur la protection des données, et j'en passe. Il y a d'ailleurs des éléments nouveaux qui sont intervenus, qui découlent des directives anticipées, c'est-à-dire des éléments qui permettent déjà de bien baliser le parcours d'un patient, entre l'information qui lui est donnée et celle qu'il permet de transmettre à ses proches. Alors il est vrai que lorsque l'évolution est défavorable, on peut arriver à des procédures de judiciarisation galopantes, qui aboutissent parfois à des solutions telles que celles qui ont été analysées par notre commission, qui vont dans le sens d'un rejet. Pourquoi ? Parce que l'articulation entre le confidentiel et le transmissible reste extrêmement difficile et exige toujours une très grande prudence. De plus, l'idéologie de la transparence totale conduit très souvent à la langue de bois généralisée et entraîne généralement trop loin, notamment au-delà des barrières de la confidentialité.

Par ailleurs, comme cela a été dit... (Brouhaha.) ...il n'y a pas de consensus sur la dissimulation. Et c'est la raison pour laquelle la stratégie qui a été mise au point par l'hôpital d'avoir un médecin de référence, de contact, est probablement une excellente solution, qui permet de non pas transgresser le secret médical, non pas de s'en emparer, mais de le mettre à la disposition d'un médecin, en possibilité de le transmettre à la famille avec ses explications. Nous sommes dans une situation qui est celle d'un secret médical jusqu'à ce que mort s'ensuive, ou face à la chronique d'une mort prochaine du secret médical. Il ne s'agit donc pas de parler, ce soir, de sanctions pénales, de discrétion, de devoir de réserve. Nous sommes dans le cas, comme cela est bien connu, d'un contrat de mandat entre le patient et le médecin, et cela reste un élément qui ne peut pas être levé par des méthodes traditionnelles. L'élément essentiel qui découle de cette motion est finalement une recherche de conciliation. Conciliation entre le secret médical et le droit à la vérité. Dans ces conditions, il nous paraît suffisant de retenir qu'actuellement ce qui se fait se fait bien, et, au nom du groupe démocrate-chrétien, nous ne voyons pas l'utilité de rajouter des éléments supplémentaires. C'est la raison pour laquelle nous proposons de refuser cet amendement. Merci !

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je ne voudrais pas vous décevoir, mais honnêtement, un sujet aussi important que celui-là, à la fois pour le corps médical, ce que je comprends très bien, mais encore plus pour nous, les patients et les familles - imaginons que nos enfants... - enfin bref, toute cette discussion qui est tellement importante, on l'entame à 22h50 ! Alors c'est sûr qu'on peut la bâcler, mais personnellement je propose une motion d'ordre pour qu'on commence par cette motion la fois prochaine, selon les possibilités. (Applaudissements.)

Le président. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, motion d'ordre pour arrêter le débat. Je fais voter la suspension du débat et la levée de la séance. C'est à la majorité des deux tiers.

Mise aux voix, cette motion d'ordre (suspendre le débat et lever la séance) est adoptée par 55 oui contre 12 non et 2 abstentions. (Applaudissements.)

Le président. Cette demande ayant été acceptée, ce débat se poursuivra ultérieurement.

Fin du débat: Session 06 (mars 2013) - Séance 36 du 21.03.2013