Séance du
jeudi 24 janvier 2013 à
17h
57e
législature -
4e
année -
4e
session -
17e
séance
R 712
Suite du débat
Le président. Nous poursuivons notre débat sur le point 29. La parole est à M. le député Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Chers collègues, nous avons pris acte de cette résolution nostalgique du parti socialiste genevois qui souhaiterait donner des leçons de démocratie au grand frère russe; nous aurions souhaité, évidemment, avoir des résolutions de ce type dans les années 60 et 70, et pas aujourd'hui.
Vous le savez, même Gérard Depardieu dit que la Russie est «une grande démocratie.» (Commentaires.) L'avis seul de ce grand homme devrait vous amener à retirer purement et simplement votre résolution !... Mais soyons un peu sérieux. Si vous voulez la liste des pays dans lesquels Genève pourrait effectivement s'émouvoir du manque de démocratie, on peut vous en fournir une, nous avons les noms ! Ainsi, vous aurez du travail durant les prochaines années.
Il faut savoir montrer un minimum de retenue. Lorsque la Suisse négocie une convention internationale avec un Etat étranger, il est, je dirai, normal que l'on s'interroge, lorsque l'on parle d'argent, sur le respect des droits de l'Homme de notre futur partenaire. Mais lorsqu'il n'y a pas de problème de ce genre dans l'immédiat, proposer de faire la leçon à un pays étranger est totalement inadmissible.
Si vous voulez entrer dans ce jeu-là, vous n'allez pas cesser de donner des leçons de démocratie au monde entier - sans doute avec raison - mais je vous dirai que devant notre porte il y a peut-être modestement du travail à faire. Je vous suggère de regarder de plus près et de vous mettre au travail. Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco (PDC). De nombreuses choses ont été dites et j'irai à peu près dans le même sens. Je voudrais simplement intervenir en relevant que la démocratie est quelque chose qui met du temps à entrer dans les moeurs et dans les systèmes politiques. Nous avons dans notre pays une très grand tradition en la matière, mais on n'efface pas, dans les usages, des siècles de pratiques antidémocratiques, que ce soit au siècle passé, avec un système que le parti socialiste connaît bien, ou durant les siècles précédents, où les choses n'étaient guère meilleures.
Je voudrais juste ajouter que ce n'est pas à notre parlement de se préoccuper, en tant que tel, de ce genre de questionnement. Des problématiques, nous en avons bien assez devant notre porte, cela s'appelle le logement, la sécurité, les problèmes de mobilité; c'est également les questions de cotisations d'assurance-maladie qui ont été indûment perçues à un niveau supérieur. C'est cela que nous devons traiter dans ce parlement, Mesdames et Messieurs ! Et non pas nous préoccuper de considérations importantes, certes, mais qui ne nous appartiennent pas.
Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, je propose que nous recentrions vraiment nos débats, nos réflexions et notre travail - comme le serment que nous avons fait nous y oblige - sur les questions de notre canton, lesquelles sont bien présentes. Je vous invite donc, au nom du groupe démocrate-chrétien, à refuser cette proposition de résolution.
M. Pascal Spuhler (MCG). Effectivement, beaucoup de choses ont déjà été dites sur cette proposition de résolution. J'aimerais juste ajouter que Genève, qui veut se faire gérant du monde et de la démocratie, si elle accueille un grand nombre d'organisations internationales et, entre autres, l'ONU, elle n'est toutefois pas le siège de l'ONU. Ici, nous ne sommes que le parlement du canton de Genève, et nous ferions mieux de nous occuper plutôt de nos affaires le plus rapidement possible.
Aux propos de M. Ducret - qui a mentionné quelques grandes entreprises russes à Genève qui font marcher l'économie - j'ajouterai que le tourisme est aussi grandement sollicité par les voyageurs russes et que notre tourisme et les commerces qui en vivent en profitent largement. Ce serait donc stupide de vouloir entrer en matière sur cette proposition de résolution.
M. Antoine Bertschy (UDC). Cela fait vingt-cinq ans - vingt-cinq ans, pratiquement - que le Mur est tombé, Monsieur le président. Je me demande si cette motion n'est pas un peu nostalgique... Je crois que notre collègue Deneys est un peu nostalgique de ceux qu'on nommait de la couleur de sa cravate. Il s'en prend donc au gouvernement russe actuel, qui certes n'est pas parfait - mais il y en plein d'autres qui ne sont pas parfaits, cela a déjà été dit. Je me demande pourquoi il n'a pas ajouté à la Russie, le Vénézuela ou la Chine ! La Chine est le pays qui exécute le plus sur terre... Mais apparemment, pour M. Deneys, vu que c'est un pays encore communiste, cela lui va très bien. Donc c'est un peu désolant qu'on s'en prenne ainsi à un pays, qui n'est pas le pire sur terre.
J'aimerais encore relever ceci: pour moi, la démocratie c'est que lorsqu'il y a un vote, on l'accepte et on fait avec ! Or il y a moins d'une heure, le parti socialiste, après le refus de l'urgence au sujet des Vélib', nous le fait revoter ! Ils veulent donner des leçons de démocratie alors qu'eux ne sont pas démocrates, ils refusent les votes populaires ! Il n'y a donc pas de raison d'entrer dans ce jeu, on ne peut pas dire oui à cette proposition de résolution alors qu'eux ne respectent pas ce qu'ils préconisent.
M. Alexis Barbey (L). Mesdames et Messieurs les députés, oui, c'est vrai, la Russie n'est pas une démocratie parfaite. J'en veux pour preuve le classement d'un groupement neutre qui s'appelle «The Economist Group», où la Russie figure en 117e position, alors que la Suisse figure en 7e position. Naturellement, on pourrait se targuer d'être beaucoup plus intelligents qu'eux, mais on voit que, derrière, il y a des pays comme le Maroc, l'Algérie, le Qatar, la Chine, le Vietnam ou l'Iran, qui sont beaucoup moins bien classés que la Russie et avec lesquels la Suisse entretient également des relations, soit diplomatiques, soit commerciales, soit les deux. Si on veut commencer à faire le ménage là-dedans, nous aurons beaucoup de travail !
Je veux aussi pour preuve l'absence de démocratie en Russie par le fait que, lors des dernières élections de décembre 2011 - qui étaient, sauf erreur, des élections parlementaires - il y a eu à peu près 100 000 personnes dans la rue, à Moscou. Alors oui, on peut se dire que ce n'est pas une bonne démocratie. Mais si l'on regarde un peu les choses - il n'y a jamais un seul côté à une pièce - on s'aperçoit qu'à la Douma, au parlement russe, il y a un quorum relativement élevé - à 7% - mais que les partis qui s'approchent de ce quorum sans y parvenir - lesquels sont à 5% ou à 6% - reçoivent un ou deux sièges à la Douma et peuvent donc faire valoir l'avis de leurs électeurs ! Je dirai que, par rapport à cet esprit d'ouverture, peut-être que la Douma a également quelques leçons à donner à la Suisse.
On a l'impression, au groupe libéral, que cette proposition de résolution veut nous donner bonne conscience. Cela n'aurait de toute façon aucun impact sur la vie quotidienne des Russes. Nous sommes élus ici pour gérer et pour prêter main-forte à la population genevoise, et non pas à la population russe. Genève n'a aucune légitimité institutionnelle pour intervenir dans des affaires internationales, c'est le rôle de la Confédération. Je dirai qu'on a quand même un rôle à jouer, mais qui est celui, à travers la liberté de la presse que nous avons - domaine où la Suisse est très bien classée - de pouvoir dénoncer les abus ayant lieu en Russie. Mais ce n'est pas le rôle de ce parlement.
Cela dit, si M. Poutine veut absolument connaître la position de Genève sur la Russie, je pense qu'il n'aura qu'à ouvrir le Mémorial du Conseil municipal; parce que, dans cette enceinte-là, on a une tendance à légiférer le monde, que je ne souhaite pas que nous partagions ici. C'est pourquoi, avec le parti libéral, je vous propose de refuser cette résolution.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Bernhard Riedweg, à qui il reste vingt-cinq secondes.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. La Russie apprécie la Suisse. Elle préside actuellement le G20 et a invité pour la première fois notre pays au sommet des vingt plus grandes puissances économiques qui aura lieu à Moscou le mois prochain. Dans son invitation, la présidence russe du G20 a évoqué le rôle important que joue la Suisse dans le système financier international et la fructueuse collaboration que les deux pays entretenaient dans le passé par le biais de leur dialogue financier bilatéral. Nous serons donc contre cette proposition de résolution.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Marc Falquet, vous n'avez plus de temps à disposition, je suis désolé. La parole est à M. Roger Deneys, qui s'exprime sur le temps de son groupe.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écouté avec attention vos interventions et j'en suis malheureusement assez déçu. (Brouhaha.) Bien entendu, nous n'allons pas changer le monde, ici, dans ce parlement ! Mais je pense que, quand des démocrates se battent, partout sur terre, et viennent jusqu'à Genève pour témoigner de ce qui se passe dans leur pays, qu'ils prennent des contacts locaux avec les médias afin de rappeler ce qui se passe chez eux et qu'ils risquent leur vie lorsqu'ils apportent ces témoignages, eh bien, je crois que nous ne pouvons pas ignorer les souffrances des peuples qui viennent en témoigner ici.
L'ironie de certains d'entre vous et les prétextes fallacieux, économiques en partie, sont réellement regrettables. On peut estimer, effectivement, que le message est symbolique et de faible portée, mais de là à renoncer à témoigner notre soutien aux démocrates, eh bien je dois dire que j'ai honte... J'ai réellement honte. (Brouhaha.)
Sachez, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que la résolution demande d'exprimer des inquiétudes. On ne peut pas dire que c'est une ingérence dans la façon dont les affaires sont gérées en Russie ! Cette résolution demande de «se mettre à la disposition des autorités et du peuple russes pour les aider à améliorer les processus démocratiques et électoraux en Russie.» Mesdames et Messieurs les députés, «demander» et «proposer de se mettre à disposition», ce n'est pas une ingérence dans les affaires d'un Etat étranger, c'est rester humblement mais fermement à disposition des démocrates et de ceux qui se battent pour la démocratie.
Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. Je vous invite réellement à adopter cette résolution et je demande le vote nominal.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le vote nominal est-il soutenu ? (Quelques mains se lèvent.) Ce n'est pas suffisant, cher collègue. (Remarque.) Monsieur Falquet, vous n'avez plus de temps à disposition. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vais vous soumettre cette proposition de résolution.
Mise aux voix, la proposition de résolution 712 est rejetée par 52 non contre 13 oui et 13 abstentions.