Séance du
jeudi 29 novembre 2012 à
17h
57e
législature -
4e
année -
2e
session -
6e
séance
PL 10873-A
Premier débat
Le président. Nous sommes maintenant au point 19 de l'ordre du jour et je donne la parole à Mme Irène Buche... (Commentaires.) Ah non, excusez-moi ! Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, on va être clair, le projet qui nous est présenté et qui vise à créer une Fondation pour le logement des jeunes est très démagogique: c'est comme s'il n'y avait que les signataires de ce projet de loi qui étaient en faveur du logement pour les jeunes ! Ce n'est bien évidemment pas le cas. Je constate cependant que, si tout le monde dans ce parlement est en faveur du logement en général, il y a quand même certains groupes dans cette enceinte qui font tout pour essayer de retarder le développement de certains projets. On a notamment vu lors de notre dernière session le PLQ des Semailles attaqué, alors qu'il est prêt à être développé et réalisé, et on a vu aussi que, concernant le secteur Paumière-Malagnou, il y avait certains retards - n'est-ce pas, Monsieur Dandrès - dans le dépôt d'un projet de loi pour le déclassement de cette zone. Bref, il s'agit vraiment d'un projet démagogique.
J'aimerais maintenant rappeler que, dans la structure actuelle à Genève en matière de construction de logements - que ce soit pour étudiants ou autres - il y a déjà beaucoup d'intervenants. Les fondations immobilières de droit public peuvent réaliser du logement pour étudiants, la Fondation pour la promotion du logement peut le faire aussi, de même que la Ciguë et la FULE - la Fondation universitaire pour le logement des étudiants - et il y en a encore d'autres. Bref, il existe énormément d'intervenants. Preuve en est que, s'agissant du dernier projet de la Ville de Genève à la rue Lombard, on a reçu sept à huit offres de la part de différents organismes pour le développer, ce qui démontre bien qu'il y a une volonté et des organismes pour le faire.
Le vrai problème, Mesdames et Messieurs, c'est le manque de terrains ! S'il y avait plus de terrains à disposition, il n'y aurait pas de problème à dire qu'ici ou là on crée du logement pour étudiants en grande quantité, ce qui est souhaité par les initiants de ce projet de loi. D'autant que, aujourd'hui, tout le monde veut construire et partout: les coopératives poussent pour réaliser du logement, les fondations immobilières aussi, et les communes veulent également en créer. J'en veux pour preuve qu'il y a, je crois, une commune à Genève qui, tout dernièrement, a préempté un terrain de 15 000 mètres carrés alors qu'il y avait déjà un projet en cours et une volonté d'y construire du logement. Alors si on ajoute les privés et toutes les associations qui souhaitent générer et créer du logement dans notre canton, cela fait vraiment énormément d'intervenants, or le but n'est pas de mettre en concurrence tous ces protagonistes, qui le sont du reste déjà. Par conséquent, ajouter un intervenant supplémentaire - sans parler des coûts de la structure de cet intervenant - serait totalement inutile, d'autant plus qu'il s'agit d'une volonté politique. Si le Conseil d'Etat dit aujourd'hui que, sur les terrains qui sont d'ores et déjà en mains publiques, on construit à tel endroit du logement pour étudiants, il y a la possibilité de le faire. La FPLC a encore plus d'un million - 1,2 million, sauf erreur - de dotation à disposition pour le faire, il est donc très clair que les moyens sont déjà existants. Et s'il faut une volonté politique, c'est au Conseil d'Etat de la déterminer, de se prononcer et de mettre à disposition ces terrains dans ce but-là. Il n'y a donc aucune raison, Mesdames et Messieurs les députés, de créer une fondation supplémentaire, et je vous invite à rejeter ce projet de loi.
Mme Sylvia Nissim (Ve), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous connaissons tous la crise du logement que traverse aujourd'hui Genève; la pénurie générale ainsi que l'augmentation des prix touchent toute la population genevoise, mais la problématique du logement frappe encore plus fortement les jeunes. En effet, les jeunes en formation ont de petits salaires quand ils en ont un, ils souffrent en outre d'un taux de tournus assez important puisqu'ils restent rarement plus de quatre ans dans le même appartement, et ils préfèrent souvent louer une chambre plutôt qu'un appartement entier, ce qui demande plus de travail aux régies puisqu'elles doivent rédiger plusieurs contrats pour un même appartement au lieu d'un seul. Il est donc d'autant plus difficile pour ces jeunes de trouver un logement.
Alors c'est vrai qu'il existe plusieurs organismes - mon préopinant les a mentionnés - tels que la Ciguë, le Bureau du logement ou l'Hospice général, mais nous les avons auditionnés en commission et ils ont tous déclaré qu'ils étaient débordés, alors que la demande ne fait qu'augmenter du fait de l'attractivité de Genève. Cela pose d'ailleurs aussi un problème au niveau de la mobilité universitaire, parce que certains étudiants ou stagiaires étrangers ne viennent pas à Genève car ils n'arrivent pas à trouver à se loger. La situation pénalise également les étudiants genevois quand ils veulent faire des échanges. En effet, eux peuvent aller dans d'autres universités et trouver du logement relativement facilement, alors que leurs correspondants ne peuvent pas venir à Genève car ils ne parviennent pas à se loger et que rien n'est prévu pour eux.
Face à ce contexte, les ressources logistiques et financières du canton sont largement insuffisantes. L'université dispose d'une structure pleine en permanence et les autres centres de formation se débrouillent comme ils peuvent, sans structure commune. Et pour ce qui est de loger les apprentis ainsi que les stagiaires du canton, rien n'est prévu. Ce projet de loi propose donc une solution au problème spécifique du logement des jeunes en formation - car il ne s'agit pas seulement des étudiants - à travers la création d'une fondation de droit public. Cette fondation aurait pour objectif de créer un nouveau parc immobilier destiné aux jeunes, et ces logements seraient loués à des prix raisonnables, avec des contrats par chambre. La fondation pourrait aussi avoir comme rôle d'assumer l'intermédiaire entre les personnes qui ont des chambres à louer et les jeunes en formation, comme une régie le ferait pour un propriétaire. Ce projet de loi permettrait notamment d'aider les jeunes en apprentissage ou en formation, comme on l'a dit, qui disposent de faibles moyens et qui sont souvent un peu plus âgés que les jeunes étudiants.
Lors des travaux de la commission du logement il a été procédé à de nombreuses auditions. Nous avons reçu l'approbation et le soutien de la quasi-totalité des auditionnés, mais il y a eu malgré cela beaucoup d'oppositions de la part des commissaires. Ce projet de loi couvre pourtant le manque qui existe entre toutes les dispositions et les institutions déjà en place, lesquelles, comme je l'ai dit, se déclarent ouvertement débordées. On a donc besoin d'un outil d'importance cantonale, à l'égal des fondations publiques et institué par le parlement, avec une mission claire de création de logements pour les étudiants et les jeunes, puisque le système actuel ne fonctionne visiblement pas.
Enfin, de nombreux terrains seront disponibles à l'avenir dans des périmètres comme le PAV, les Communaux d'Ambilly ou la Chapelle-Les Sciers, il faut donc une fondation capable de défendre les droits des jeunes dans les négociations qui sont en train de se dérouler au sujet de ces terrains. Le problème, ce n'est pas qu'aucune organisation n'existe autour de la problématique du logement des jeunes car, comme je l'ai dit, il y en a, mais ce n'est pas leur priorité. La FPLC nous a même déclaré en commission que, si la réalisation d'un programme de logements pour les personnes en formation est inscrite dans ses statuts, celle-ci n'a été ajoutée qu'après coup; ils ont donc dû faire au mieux et comme ils pouvaient, à l'époque, avec les moyens dont ils disposaient.
En conclusion, c'est à un besoin urgent que répond cette fondation qui propose de développer des solutions adéquates à un problème spécifique. Elle offre plusieurs possibilités d'action pour proposer des logements adaptés à cette population disposant d'un faible pouvoir d'achat et d'une grande mobilité. De plus, il semble aux Verts que les acteurs en place sont déjà au maximum de leurs capacités et qu'ils n'ont pas forcément envie de s'agrandir. Il n'y aura donc pas de concurrence, contrairement à ce qui a été mentionné en commission. Enfin, le taux d'étudiants à Genève augmente chaque année, ce qui ne fait qu'empirer la situation qui n'est déjà pas terrible. Les Verts regrettent donc que la majorité de la commission ne soit pas entrée en matière sur cette possible solution et vous demandent d'accepter ce projet de loi.
Mme Irène Buche (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, avec ce projet de loi il est question de se donner les moyens d'une véritable politique publique en faveur du logement des jeunes, qu'il s'agisse d'étudiants, d'apprentis, de stagiaires ou encore de personnes en recherche de formation ou d'emploi. Cette politique fait actuellement défaut, car l'activité des organismes s'occupant du logement des jeunes à Genève est totalement morcelée. Si les auditions en commission ont fait ressortir le travail important et remarquable effectué par chacun de ces acteurs dans son domaine d'intervention, il est également apparu qu'ils agissent souvent sans concertation ni coordination, et surtout qu'ils ne peuvent construire suffisamment de logements pour les jeunes de cette manière-là.
Le principal argument avancé par les opposants à ce projet de loi est que la FPLC, qui est une fondation de droit public, remplit déjà le rôle que nous nous proposons de donner à cette Fondation pour le logement des jeunes, ce qui est totalement inexact. En effet, la FPLC a certes également pour mission de favoriser la réalisation de logements pour les jeunes en formation, mais la problématique du logement des jeunes n'est pas la priorité de la FPLC, ce qui est compréhensible au vu de l'importance et de la multiplicité des objectifs que lui assigne la LGL, notamment la construction de logements d'utilité publique à des loyers abordables en faveur de l'ensemble de la population. On constate que la FPLC a construit 300 chambres en sept ans et qu'elle en a encore 250 à mettre sur le marché; certaines sont donc en cours de construction, mais c'est tout à fait insuffisant, et si la FPLC prend à nouveau près de dix ans pour en construire 500, on ne va clairement pas atteindre les objectifs ni répondre aux besoins existants. On a également pu constater en commission que la Ciguë et la FULE, comme les autres organismes, ont atteint leurs limites en termes quantitatifs et n'ont actuellement pas les moyens de gérer davantage de projets de construction. La Ciguë en particulier, qui est une coopérative de droit privé, n'est pas appelée à s'agrandir, du moins pour le moment.
Il est ainsi nécessaire pour nous de créer un acteur qui pourrait se consacrer à cette question, traiter globalement cette problématique et insuffler une véritable dynamique avec une vision d'ensemble sur le logement des jeunes, ce qui n'empêchera nullement les autres acteurs de continuer à construire et à gérer des logements pour étudiants et jeunes en formation. Il s'agit ici de créer une fondation immobilière de droit public sur le modèle des quatre fondations de droit public déjà existantes prévues par la LGL pour la construction et la gestion de logements HBM, et ce dans le cadre existant du Secrétariat des fondations immobilières de droit public. Il ne s'agit donc pas de créer une fondation de toutes pièces et sans aucun cadre. Le cadre existe.
On peut se réjouir par ailleurs qu'à Genève l'université et les HES connaissent un succès grandissant mais, comme tout le monde le sait, la grave pénurie de logements frappe durement les étudiants et tous les jeunes, si bien que beaucoup renoncent à venir étudier ici pour ce motif-là. Le problème touche également les jeunes étudiants des HES, et c'est ce que nous ont aussi confirmé le vice-recteur de l'université et le directeur général des HES-SO. Il manque, semble-t-il, entre 1200 et 1500 lits pour les étudiants, uniquement de l'université et des HES. Il en va de même pour les apprentis, qui à l'heure actuelle sont très souvent majeurs et qui sont nombreux à connaître des problèmes de logement à Genève, comme nous l'a indiqué le représentant du Centre de formation professionnelle pour la construction, qui est un conseiller social régulièrement confronté à des situations très critiques en matière de logement pour des dizaines de jeunes. C'est donc un problème qui va en grandissant et auquel nous devons répondre. A cela s'ajoute la fermeture d'un certain nombre de foyers ces dernières années qui n'a pas été compensée par la création d'autres places en suffisance, alors que la demande augmente, comme je viens de le dire. Il y a également le problème des stagiaires, qui viennent relativement nombreux dans une ville comme Genève, qui ont beaucoup de peine à se loger et qui souvent doivent renoncer à leur stage, ainsi que nous l'a expliqué le représentant du CAGI, le Centre d'accueil - Genève internationale.
C'est vrai qu'il est difficile de trouver des terrains pour construire des logements pour les jeunes, mais la création d'un seul acteur permettra justement à celui-ci, à cette fondation de droit public, de se concentrer sur la recherche de terrains et sur la mise en place de projets de construction afin de trouver des solutions. Il y a également d'autres missions qui seraient attribuées à cette fondation, et c'est l'un des grands avantages de la solution proposée, puisque le but est «de construire, acquérir, rénover et louer des immeubles de logements bon marché destinés aux jeunes de 18 à 35 ans en formation (études, apprentissage, stage), en recherche de formation ou de projet de formation, d'emploi, et aux jeunes travailleurs à bas revenus».
Pour toutes ces raisons, je regrette vivement que la commission du logement dans sa majorité ait purement et simplement refusé l'entrée en matière, sans même accepter de travailler sur le projet et de proposer éventuellement des amendements pour trouver une solution qui permette de véritablement répondre à ce problème. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à revoir votre position, à accepter d'entrer en matière sur ce projet de loi et, le cas échéant, à proposer des amendements, afin que l'on parvienne à une solution qui permette réellement de mettre en place une politique du logement des jeunes à Genève. (Quelques applaudissements.)
Mme Anne Mahrer (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la seule évocation d'une nouvelle fondation a fait perdre tout bon sens à la majorité de la commission du logement. Visiblement, l'échec de la fusion des fondations immobilières de droit public en 2011 laisse des traces et empêche de réfléchir. Le corps médical, bien représenté au sein de l'Entente, aurait pourtant pu intervenir pour faciliter cette phase post-traumatique et permettre à ces députés de retrouver le chemin de la réflexion, mais sans doute ces prestations politico-médicales ne figurent-elles pas dans l'assurance de base !... Le mal est si profond que la seule réponse de la majorité à une problématique reconnue comme urgente est la non-entrée en matière, et le rapporteur de majorité se contente de dire qu'il s'agit d'une mauvaise réponse à un vrai problème. Mais aucune proposition n'est venue de la part des opposants à ce projet ! Voilà pour le législatif.
Quant à l'exécutif, il n'a assisté à aucune des six séances de la commission du logement, n'a toujours pas déposé le projet de loi de déclassement du terrain à Carouge appartenant à l'université, qui prévoit 400 lits pour les étudiants et a répondu, comme vous le savez, avec brio à la motion 1954 dans sa version «-C». C'est dire l'importance qu'il accorde à cette problématique. Il est sorti de sa torpeur le 9 mai dernier en déclarant ceci dans un communiqué de presse: «Le gouvernement exprime ainsi sa volonté de contribuer à résorber la pénurie de logements pour étudiants...» Après le dépôt des deux projets de lois concernant la Fondation de la Cité universitaire il va sans doute se rendormir, estimant avoir fait son devoir !
Mesdames et Messieurs les députés, l'inauguration, le 11 septembre dernier, de la Maison des étudiants sur le Campus de la paix - réalisation qui propose 135 logements aux étudiants de l'Institut - ne doit pas nous faire oublier le nombre de personnes sur liste d'attente en cette rentrée académique. Le rectorat et la direction de la HES-SO Genève étaient présents lors de cette inauguration et rêvaient devant cette réalisation. On ne peut pas se contenter, comme l'a fait la majorité, de reconnaître l'acuité du problème sans chercher de solutions. En 2002, les Verts déposaient déjà un projet de loi qui modifiait la LGL pour le logement des personnes en formation et dotait la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l'habitat coopératif d'un capital de 10 millions. On en a parlé tout à l'heure, ce capital touche à sa fin, car il reste effectivement à peu près un million. La différence, c'est qu'en 2003 la commission du logement a travaillé de manière positive; le chef du département était présent et, avec son appui, on est arrivé à un consensus et ce projet de loi a été adopté à l'unanimité. Or rien de tout cela, comme je l'ai dit, lors des séances de commission qui se sont déroulées entre novembre 2011 et novembre 2012.
Genève doit se donner les moyens de ses ambitions; la qualité de ses formations attire les jeunes, mais encore faut-il pouvoir les accueillir et répondre à la demande. Mesdames et Messieurs les députés, ces personnes ont besoin de logements adaptés à leurs moyens et à la mobilité; cela implique une gestion complexe des locations, et ce projet de loi y répond. Nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs les dépités... euh, les députés... (Exclamations. Commentaires.) C'est un joli lapsus ! Nous vous invitons donc à changer d'avis et à accepter ce projet de loi. Je vous en remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Nathalie Schneuwly (R). Mesdames et Messieurs les députés, s'attaquer au problème du logement des jeunes est un but louable, mais ajouter une couche au millefeuille est loin d'être une bonne solution. On l'a dit, la loi sur le logement prévoit déjà cinq fondations immobilières qui offrent du logement aux personnes à revenus modestes, auxquelles s'ajoute la Fondation pour la promotion du logement bon marché qui s'occupe d'acquérir des terrains, de construire et de vendre. Dotée de 10 millions, elle devait fabriquer 500 chambres; elles seront bientôt toutes réalisées, et il restera encore une dotation d'un million. Les logements que la Fondation crée sont ensuite remis, comme cela a été dit, à des fondations universitaires pour le logement comme la FULE, à la Ciguë et à d'autres associations.
On l'a vu, il y a passablement d'acteurs publics et privés qui s'occupent de ces questions et ce n'est pas là que réside le problème de fond. Genève n'a pas besoin d'une fondation pour chaque catégorie de personnes en difficulté, sinon on va créer des fondations pour les jeunes couples qui cherchent un appartement, les jeunes qui sont en quête de leur premier logement, les familles monoparentales, les familles recomposées, les gens avec des animaux - avec même le petit poussin Piou - et j'en passe, et l'on va perdre en diversité. Le noeud du problème, c'est le manque de terrains, lequel engendre des difficultés pour toutes catégories confondues de population. Ce qu'il faut peut-être, c'est juste une meilleure coordination entre les acteurs, principalement peut-être avec la FPLC, qui fournit du logement d'utilité publique aux fondations, ainsi qu'une nouvelle dotation spécifique pour le logement d'étudiants. Et, éventuellement, permettons-nous de rêver aussi à un nouveau campus universitaire quelque part à Genève. En conclusion, convaincus que ce projet de loi n'est pas une bonne solution, les radicaux vous invitent à le refuser.
M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, Mme Mahrer a tenté il y a quelques instants, avec une certaine ironie et un certain talent, de nous faire croire que la décision de la majorité de refuser l'entrée en matière - décision que le groupe démocrate-chrétien va également prendre dans quelques minutes - reflétait en quelque sorte une étude peu sérieuse de cette problématique et de ce projet de loi, alors qu'il n'en a évidemment rien été. Je crois - enfin, j'en suis même certain - que ce projet a été étudié avec toute l'intensité et le sérieux voulus. On a procédé à d'innombrables auditions, on a pu voir brosser un tableau très complet de la situation du logement pour étudiants et pour personnes en formation à Genève, et force est de constater que ce tableau est évidemment peu reluisant. Mais il est peu reluisant dans ce domaine comme dans le domaine général du logement à Genève, il n'y a pas de particularité en ce qui concerne le logement pour les jeunes en formation. D'ailleurs, le parallélisme de la situation du logement traditionnel - si vous me pardonnez l'expression - et du logement pour les jeunes en formation est tout à fait saisissant: on est dans la même situation de manque cruel, dans la même situation de pénalisation. Et là je rebondis sur quelques piques qui ont été lancées dans le débat précédent concernant le fait que le manque de logements étudiants à Genève pénalise l'université ainsi que les HES dans leur attractivité, puisque ça ne leur permet probablement pas d'accueillir toutes les personnes qui voudraient venir étudier ici, comme cela pénalise la mobilité des étudiants. Sur tout cela nous sommes d'accord, absolument d'accord, de même que sur la nécessité d'accentuer les efforts également pour ce genre de logements, pour cette catégorie de demandeurs de logement. C'est absolument évident aussi.
On a évoqué quels étaient les problèmes, mais je crois qu'il n'est pas inutile de les rappeler; il s'agit notamment du manque de terrains, des oppositions et de la longueur des procédures. Et j'ajouterai à cette liste - mais ça ne va pas vous surprendre - la fiscalité très peu favorable aux communes, pour accueillir de nouveaux logements. Ça joue peut-être un moins grand rôle pour les logements étudiants, mais ça a une grande influence en ce qui concerne les autres catégories de logements, et j'espère que ça va bientôt changer. Voilà la raison fondamentale pour laquelle on ne construit pas de logements, pardon, peu de logements à Genève, et peu de logements étudiants. Donc ce projet de loi, tout sérieux qu'il puisse être - et je ne retire pas à ses auteurs l'ambition qui est la leur d'améliorer la situation - est un miroir aux alouettes ! Ce n'est rien d'autre ! C'est un leurre, et la situation est là pour nous le prouver.
On a évoqué des projets, que je connais particulièrement bien pour faire partie notamment de certaines fondations qui s'occupent de ce type de logements. Il y a par exemple un projet, dont le rapporteur de majorité a parlé, qui a fait l'objet d'une concurrence acharnée pour un modeste droit de superficie octroyé par la Ville de Genève - qu'il faut d'ailleurs saluer puisque, dans le cas d'espèce, elle a délibérément voulu favoriser ce type de logements. Il y a donc eu une concurrence effrénée, ce qui laisse à penser qu'un acteur, de surcroît un acteur étatique de poids que l'on créerait avec cette fondation, phagocyterait probablement tout cela; il exacerberait sans doute la concurrence, ce qui évidemment ne permettra pas de produire un logement supplémentaire.
Il existe un projet, celui de la FULE à Pinchat - cela a été évoqué par Mme Mahrer à juste titre - et s'il y a un domaine d'action dans lequel le gouvernement et le parlement peuvent déployer une activité de manière accélérée, c'est précisément autour de ce projet, puisque l'Université de Genève a mis à disposition de la FULE un magnifique terrain de 15 000 mètres carrés, que la Fondation universitaire pour le logement des étudiants - donc la FULE - a déjà organisé un concours tout à fait magnifique pour construire 400 chambres et qu'on n'attend plus que le déclassement de ce terrain pour les réaliser et les mettre sur le marché. C'est sur ce projet, Mesdames et Messieurs, chers collègues, que nous devons maintenant concentrer et accentuer nos efforts.
Enfin - et je conclurai là-dessus - j'aimerais également évoquer une fondation, une modeste fondation communale que je connais bien, qui refuse de sectoriser les catégories de logements ou plus précisément de les catégoriser, et qui veut offrir des logements pour toutes les catégories de la population. Je parle d'une fondation communale active dans une commune que je connais bien et qui s'est maintenant mise en action pour réaliser un modeste projet de dix chambres pour étudiants, mais dans un cadre, pour renforcer son parc et le diversifier. Et je pense justement que, à l'avenir, la solution à ce type de problèmes réside également dans une diversité qui serait la bienvenue dans toutes les fondations qui oeuvrent dans le domaine du logement, et en particulier les fondations de droit public, comme la FPLC, dont on a évoqué tout à l'heure la capacité, conférée par ses statuts, à construire aussi du logement pour étudiants.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, pour toutes ces raisons, pour toutes ces bonnes raisons, et malgré le fait que d'aucuns pourraient croire que ce projet de loi est la panacée, nous vous invitons à ne pas voter son entrée en matière, car ça créerait probablement encore une confusion supplémentaire et ça ne contribuerait en tout cas pas à rendre les choses plus efficaces. (Quelques applaudissements.)
M. David Amsler (L). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi que nous traitons ce soir part effectivement d'un constat qui est juste et que nous avons tous fait: les jeunes ont de la peine à se loger dans notre canton. Toutefois, comme Mme Schneuwly l'a dit tout à l'heure, ils ne sont pas les seuls, et tout le monde connaît la crise du logement sur notre territoire. En outre, la proposition qui est formulée ne contribue pas à régler ce problème, et je crois que toutes les interventions précédentes l'ont bien souligné.
Comme cela a été dit, nous avons procédé à l'audition de nombreux acteurs: la FPLC, des conseillers sociaux, des présidents de coopératives, des directions de l'action sociale, le président de la Commission fédérale pour l'enfance et la jeunesse - qui n'est autre que Pierre Maudet - des représentants de l'université, des directeurs de foyers, des présidents de fondations pour le logement, etc. Et la conclusion de toutes ces auditions n'était pas, comme l'a dit Mme Nissim, que ce projet de loi résolvait le problème. Toutes les personnes interviewées ont certes mentionné le problème du logement pour les jeunes, mais elles ont toutes dit que la création d'une fondation de droit public n'était pas la solution adéquate pour régler cette problématique. Alors nous n'avons peut-être pas eu les mêmes perceptions de ces auditions, mais les personnes ont toutes dit la même chose. Le problème n'est pas lié au financement, mais à la recherche de terrains et de projets. Comme l'a dit le député Dal Busco tout à l'heure, la Ville de Genève a mis au concours un droit de superficie pour un immeuble extrêmement exigu près de l'hôpital, et pas moins d'une dizaine d'entités qui sont proches du domaine du logement pour les jeunes ont fait acte de candidature, dont une organisation que je connais bien puisque je la préside. C'est effectivement une fondation - la FULE - qui a été retenue pour construire ce bâtiment, mais ce ne sont pas moins d'une dizaine d'offres qui ont été transmises à la Ville de Genève pour réaliser ce petit bâtiment à proximité de l'hôpital.
Alors ce projet de loi a peut-être un mérite, celui de remettre cette question sur la place publique, et la solution qui a été évoquée en commission consistait éventuellement à doter la FPLC de montants supplémentaires pour pouvoir construire plus de logements pour les jeunes. Effectivement, c'est une proposition intéressante, et si la FPLC venait avec des demandes concrètes pour des projets concrets et que le million qui lui reste pour construire du logement pour les étudiants ou les jeunes ne suffisait pas, eh bien nous serions prêts à analyser la possibilité de doter la FPLC de moyens supplémentaires. C'est donc peut-être l'un des mérites de ce projet de loi. En revanche, pour ce qui est de créer une fondation de droit public avec un conseil, des membres de conseil d'administration, etc., on connaît la problématique et nous ne sommes pas prêts à revenir dans une telle procédure.
Les Verts et les socialistes ont lancé un premier projet en 2002, et ce soir, on le sait, cette entrée en matière ne va probablement pas non plus être acceptée. En effet, par les temps qui courent, on pense tous - en tout cas au parti libéral - qu'il faut plutôt donner les moyens à des entités privées de réaliser des projets, et que l'Etat doit créer les conditions-cadres pour les mener à bien. Il y a du reste à l'ordre du jour deux ou trois motions - qui passeront probablement un jour devant ce plénum - pour que l'Etat crée des projets, mette à disposition des terrains et laisse des privés réaliser des projets.
Pour toutes ces raisons, le groupe libéral refusera également l'entrée en matière ce soir. J'ai ouï dire que les Verts et les socialistes sont déjà en train de préparer le prochain projet qui ira dans ce sens, alors comme le premier projet remonte à 2002 et que nous sommes en 2012, je vous donne rendez-vous en 2022 ! En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons de refuser également l'entrée en matière de ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, je me réjouis que le constat sur lequel repose ce projet de loi soit partagé par l'intégralité des partis présents dans cette assemblée. Ce constat, je le répète, c'est que la pénurie de logements frappe de manière plus dure les personnes en situation de précarité, comme le sont notamment les apprentis, les stagiaires et les étudiants de l'université ou des HES. L'avantage de ce projet de loi, c'est qu'il sort de l'approche sectorielle qui est celle que l'on connaît aujourd'hui et qui malheureusement met en concurrence les acteurs qui travaillent pour la construction de logements estudiantins, ce qui freine les projets et ralentit la réalisation de cet objectif. L'avantage de cette fondation, c'est aussi son approche innovante puisqu'elle englobe en une seule structure une politique publique en faveur des étudiants, des apprentis et des stagiaires. Cette fondation amène en outre une innovation importante dans la mesure où elle traite le problème en aval, c'est-à-dire qu'elle traite le problème des personnes qui sont en cours de formation ainsi que de celles qui sortent de formation mais qui n'ont pas encore à leur actif un contrat à durée indéterminée et qui donc n'ont pas accès au parc immobilier locatif privé. Or aujourd'hui nous sommes face à une situation très délicate, puisque la plupart des statuts des bailleurs de logements estudiantins prévoient que ces personnes doivent quitter leur logement alors qu'elles n'ont pas nécessairement la possibilité d'en obtenir un autre. Ces jeunes se retrouvent ainsi face à l'alternative de devoir soit retourner chez leurs parents, s'ils habitent à Genève, soit de faire l'expérience de la précarité, ce qui est profondément détestable.
Mesdames et Messieurs les députés, comme M. Amsler l'a rappelé, la commission du logement a auditionné bon nombre de personnes, qui ont toutes confirmé le panorama qui a été dressé dans l'exposé des motifs, à savoir la carence que l'on connaît actuellement. Les auditions ont également permis de démontrer que les FIDP - les fondations immobilières de droit public - ne parviennent pas à répondre à cette problématique aujourd'hui parce qu'elles doivent faire face à une demande grandissante de la population, qui n'arrive pas à trouver des logements auprès des bailleurs privés. Ces fondations font donc un travail exceptionnel pour les familles, mais elles ne parviennent pas à traiter le problème des jeunes en formation.
Je viens d'expliquer pourquoi ce projet de loi était une nécessité sociale, mais je pense qu'il faut aussi rappeler ici - c'est un élément qui plaira sans doute à l'Entente, qui parle à longueur d'année de conditions-cadres, dont on a traité tout à l'heure en examinant le projet de loi figurant au point 18 de notre ordre du jour - que, aujourd'hui, des personnes ne viennent pas étudier à Genève parce qu'elles ne parviennent pas à trouver de logement. L'université a tiré la sonnette d'alarme en expliquant que les programmes Erasmus ne pouvaient pas aboutir, parce que ces personnes-là n'arrivent justement pas à trouver de logement. Du coup, l'université se trouve en porte-à-faux avec les engagements qui sont les siens, ce qui est extrêmement choquant. Comme cela a été rappelé, il y a une demande de 1000 à 1500 logements supplémentaires, et pour que cette demande puisse être atteinte, il faut un moteur, il faut une institution qui puisse porter à bras-le-corps cette politique publique pour arriver en un court laps de temps à résoudre ce problème. Je pense donc que cette fondation est une réponse opportune, adaptée. Mme Buche a expliqué tout à l'heure qu'il ne s'agissait pas de construire un mammouth, mais bien d'ancrer cette fondation dans le cadre légal existant, avec le soutien du secrétariat qui fonctionne déjà pour les fondations immobilières de droit public. Pour toutes ces raisons, les socialistes vous appellent à soutenir ce projet ce soir. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La liste des intervenants est close. Peuvent encore s'exprimer Mmes et MM. les députés Ivanov, Andrié, Roiz, Béné, Buche et Nissim, ainsi que le conseiller d'Etat. Nous reprendrons ce débat tout à l'heure, après le traitement des urgences.
Suite du premier débat: Session 02 (novembre 2012) - Séance 7 du 29.11.2012