Séance du
jeudi 7 juin 2012 à
20h30
57e
législature -
3e
année -
9e
session -
48e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Pierre Losio, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, François Longchamp, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Charles Beer et David Hiler, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Christophe Aumeunier, Marc Falquet et Sylvia Nissim, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'un juge assesseur du pouvoir judiciaire. Je prie Mme le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (M. Julien Barro entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur Julien Barro, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de juge assesseur au Tribunal administratif de première instance, spécialisé en matière de construction, d'urbanisme et d'hygiène publique pour statuer en matière de constructions, entrée en fonction le 1er juillet 2012. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: M. Julien Barro.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous entamons la série des urgences avec le PL 10951-A, qui figure au point 60 bis. Ce débat est classé en catégorie II, quarante minutes. Je rappelle aux deux rapporteurs qu'il convient qu'ils calibrent leurs interventions de façon à garder suffisamment de temps pour pouvoir réintervenir à la fin du débat. Monsieur le rapporteur de majorité François Lefort, vous avez la parole.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'énergie et des Services industriels a étudié les comptes 2011 présentés par les Services industriels et vous en a fait rapport dans le tiré à part que vous avez trouvé sur vos tables.
Je vais d'abord évoquer le contexte international. L'augmentation de la capacité de production électrique en Europe, principalement basée sur des centrales à gaz, mais aussi sur des énergies renouvelables, ce qui est intéressant, a eu pour résultat une surproduction d'électricité en Europe en 2011. Les prix de l'électricité, en baisse depuis 2008, se sont encore réduits, même si les tarifs de l'électricité sont restés relativement stables pour les consommateurs. Cette surproduction a créé de nombreux problèmes pour les entreprises européennes, puisque ces nouvelles centrales ne sont pas rentables compte tenu du prix du gaz. Ces entreprises ont dès lors été contraintes de faire de grosses dépréciations, et Alpiq a ainsi dû procéder à 1,6 milliard de dépréciation. Cela a son importance, car les SIG participent à Alpiq de par leur participation à EOSH. Cette participation a baissé en valeur et affecte donc les comptes des SIG à raison de -138 millions.
D'après les résultats d'Alpiq au premier trimestre 2012 qui ont été publiés le 4 mai dernier, cette tendance se confirme en 2012, en raison entre autres de la baisse des marges liée à la force du franc suisse et de la hausse des coûts liés à l'élimination des déchets des centrales nucléaires... Dans ce contexte négatif, les SIG ont pourtant pu réaliser une opération intéressante, non budgétée, en achetant en 2011 15% du capital de la société EDH, propriétaire de barrages sur le Rhin en Suisse, permettant un accès direct à un potentiel de production hydroélectrique et sécurisant pour Genève 15% de la consommation du canton. Pour ce faire, les SIG ont dû changer rapidement de stratégie et abandonner leur projet de centrale chaleur-force à gaz au Lignon. Les récentes nouvelles en provenance d'Alpiq, que je viens de mentionner, semblent donc donner raison à cette stratégie.
Pour le reste et pour l'essentiel de ce qui se trouve dans les comptes des SIG, c'est-à-dire pour les actifs propres des SIG hors impact de l'effet négatif d'Alpiq, les SIG sont une entreprise qui se porte bien et qui est saine. En détail, les SIG ont gardé 99% du marché électrique genevois en 2011, dans un contexte concurrentiel agressif. La plus grande centrale solaire de Suisse construite sur Palexpo par les SIG est fonctionnelle et produit 4,5 MW/h. Le programme éco21 a permis quant à lui d'économiser 21 GW/h d'électricité. La consommation d'électricité à Genève est stabilisée depuis trois ans en raison des conditions climatiques, bien sûr, d'un effet économique, mais surtout des mesures d'économies d'énergie, ce qui est en soi une bonne nouvelle. La consommation thermique a baissé de 12% en 2011, pour cause de températures douces. De plus, pour la première fois dans leur histoire, les SIG vendent du froid depuis 2011, grâce au réseau Genève Lac Nations. La consommation en eau continue de diminuer, malgré l'augmentation de la population, ce qui constitue encore une bonne nouvelle, comme celle de la baisse des volumes de déchets incinérés, preuve que le recyclage est de plus en plus efficace. Les SIG accompagnent les travaux dans le canton pour le renouvellement de leur réseau, ce qui a pour conséquence que les investissements, hors achats exceptionnels d'EDH, se montent à plus de 200 millions en 2011. Cela fait des SIG l'un des acteurs importants de l'économie genevoise.
Derniers détails: la taxe d'épuration a augmenté en 2011, les tarifs de l'utilisation des réseaux électriques ont quant à eux baissé, et les charges d'exploitation sont inférieures aux charges budgétées. Le résultat des SIG à Genève, hors consolidation, est similaire à celui de 2010 et supérieur à ce qui avait été budgété, ce qui est encore une bonne nouvelle. Cela permet de dire que les SIG se portent bien à Genève, ce qui n'est pas le cas de certaines de leurs fréquentations. Les SIG vont bien et investissent donc s'endettent. Toutefois, l'endettement va s'accentuer en raison des investissements dans les énergies renouvelables - que ce soit l'hydroélectricité ou encore l'éolien...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. François Lefort. Merci, Monsieur le président. ...mais également à cause de la recapitalisation de la caisse de pension CAP, qui est rendue nécessaire par la loi.
Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève a accepté les comptes 2011 de cette entreprise et vous recommande de faire de même. Cependant, la commission reste inquiète, voire très inquiète quant aux répercussions des mauvais résultats d'Alpiq sur les comptes futurs des SIG, et souhaite attirer l'attention du Conseil d'Etat. D'autres stratégies doivent être envisagées, y compris la dernière stratégie, qui est celle de la fuite. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de voter ces comptes.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de minorité Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai que les Services industriels de Genève sont une entreprise saine, compétente et bien gérée. Et, contrairement au Grand Conseil et au Conseil d'Etat, celle-ci possède une vision, une perspective qui s'appelle «Vision 2040», c'est-à-dire qu'elle planifie un plan d'affaires ainsi que des investissements, et qu'elle planifie l'avenir énergétique du canton de Genève pour les Genevoises et les Genevois non pas à l'échéance des prochaines élections, comme certains d'entre vous qui se trouvent autour de cette table, mais bien à long terme. Résultat des courses, les SIG saisissent les opportunités - comme celle de la participation à EDH qui s'est présentée - et en même temps planifient des investissements dans les autres énergies renouvelables, que ce soit l'éolien ou le solaire, ou encore un autre projet qui a eu l'occasion d'occuper l'actualité, y compris de notre Grand Conseil, à savoir le projet de centrale chaleur-force, qui permettait de produire 10% d'électricité supplémentaires pour la consommation genevoise à Genève même. En effet, quand la consommation augmente dans notre canton, il ne s'agit pas simplement d'aller acheter des barrages et peut-être d'autres énergies plus loin: il convient d'assumer les conséquences de nos comportements en produisant de l'énergie ici, puisque nous la consommons ici. Ça c'est un principe de cohérence que les SIG ont bien compris, d'autant plus que la production locale est aussi une garantie d'autonomie à long terme.
Et pour ce qui est des comptes 2011 des Services industriels, il faut dire que les SIG ont bien pu saisir une opportunité qui était imprévue - ce qui évidemment change les comptes de l'entreprise pour 2011 - et nous en prenons acte, nous ne le refusons pas, mais en même temps le problème est que le Conseil d'Etat s'est mêlé de cette affaire. Notre Grand Conseil s'est lui aussi mêlé de cette affaire puisqu'il a piqué de l'argent aux SIG au moment du vote du budget 2012 - ça ne concerne donc pas 2011 - mais le Conseil d'Etat est intervenu directement dans la marche des affaires des SIG en les empêchant de poursuivre le projet de centrale chaleur-force. Vous pourrez d'ailleurs lire aux pages 41 et 42 de mon rapport - et je rappelle aux auditrices et auditeurs qui aimeraient savoir de quoi l'on parle que nous sommes en train de traiter le PL 10951-A - une lettre que le président du conseil d'administration des SIG a écrite au président de la commission de l'énergie et dans laquelle il relève que «le conseil d'administration de SIG a été désagréablement surpris d'apprendre que le Conseil d'Etat avait décidé de revenir sur sa décision de soutenir la construction de ladite centrale - à chaleur-force - cela sans concertation préalable, ce qui ne correspond pas aux bonnes pratiques en matière de gouvernance». Ce courrier, Mesdames et Messieurs les citoyennes et les citoyens, Mesdames et Messieurs les députés, est tout simplement la preuve que le Conseil d'Etat se mêle directement de ce qui ne le concerne pas; il fausse les résultats d'une entreprise qui se projette non pas en vue des prochaines élections, mais à l'horizon 2040, et il fait du tort à la marche économique de celle-ci. Et ce même Conseil d'Etat vient ensuite nous donner des leçons de prétendue bonne gouvernance et d'indépendance des régies publiques ! C'est bien la preuve que ce Conseil d'Etat se moque de nous, se moque des Genevoises et des Genevois, et qu'il faut simplement, parce que nous ne sommes pas d'accord avec cette façon de faire, refuser les comptes 2011 des SIG, car ils ne sont pas sincères par rapport à la marche de l'entreprise qui, au demeurant, est excellente pour elle-même.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Renaud Gautier, et je rappelle que nous sommes en premier débat.
M. Renaud Gautier (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, après ces propos hautement politiques, laissez-moi partager avec vous une préoccupation qui devrait intéresser tout le monde, et en particulier celles et ceux dans ce parlement qui trouvent que, lors des votations du 17 juin, on pourrait perdre un contrôle démocratique desdites institutions. Je n'ai aucune raison - et je le dis tout à fait clairement ici - de mettre en doute les comptes des SIG, du moins l'application comptable que ces derniers font des normes auxquelles ils sont soumis.
La problématique qui nous concerne ici, dans la mesure où nous aurons à adopter les comptes consolidés de l'Etat, c'est-à-dire comprenant par exemple ceux des SIG, c'est que nous sommes dans une confrontation de type épistémologique entre une vision comptable des comptes - et les comptables disent qu'ils ont pris toutes les mesures qu'il faut - et une vision politique de ces mêmes comptes, qui est celle que je vais défendre devant vous en disant que, de mon point de vue, un certain nombre de réserves ou de provisions devraient être faites par rapport à certains points de ces comptes. Je vais vous les citer très précisément.
Les SIG ont dû assumer une perte pas banale qui est celle d'Alpiq, qui a donc détruit 1,3 milliard de ses actifs, Mesdames et Messieurs les députés; 1,3 milliard ! Cela a un impact direct sur les SIG qui, à travers EOS, sont aussi propriétaires d'Alpiq. Nul aujourd'hui ne peut vous dire que la situation d'Alpiq demain, l'année prochaine ou l'année d'après, sera meilleure que cette année. Or l'impact que pourrait avoir la fin ou la suppression de ce qu'Alpiq fournit à Genève va ou peut représenter un risque financier majeur.
En outre, il y a le débat sur la caisse de pension. Les employés des SIG ne sont pas affiliés à la CIA ou à la CEH, mais à la CAP. Néanmoins, les hypothèses qui sont évoquées par les comptables des SIG m'ont l'air fort éloignées de la réalité qui est celle dont nous discutons par exemple à la commission des finances, même si la situation financière de la CAP est bien meilleure que celle de la CIA ou de la CEH.
Enfin, Mesdames et Messieurs - et là c'est peut-être le professionnel qui parle - je ne vous cache pas avoir une grande inquiétude face aux produits financiers. En effet, cette année c'est -9 millions, alors que l'année dernière c'était +17 millions, soit un delta de 26 millions. L'essentiel du travail des SIG est celui d'un acheteur et d'un vendeur de courant. Pour ce faire, ils se prémunissent avec des instruments financiers contre le risque de change, contre le risque de variation des coûts. Ces produits financiers - la lecture régulière des journaux le montre, ainsi que quelques scandales connus ces dernières années - sont des instruments extrêmement sophistiqués, qui à mon sens devraient uniquement être utilisés par des professionnels de la finance. Je ne suis pas, sur la base de l'audition que nous avons faite à propos des comptes, totalement convaincu de la capacité des SIG à gérer ce genre de produits. Ainsi donc, je me suis retrouvé lors des comptes à devoir proposer une vision plus prudente de ces derniers, ce qui n'est malheureusement pas possible puisque nous sommes dans deux réalités différentes, la réalité comptable et celle du politique. Je parle aujourd'hui à titre personnel et je ne voterai pas ces comptes, dans la mesure où je trouve qu'un certain nombre de garanties ne sont pas fournies face à des inquiétudes à mon sens logiques que ce parlement peut avoir quant à l'avenir financier des SIG.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Madame la députée Mathilde Chaix, le temps de parole de votre groupe est épuisé. Je regrette, les quatre minutes ont été employées ! La parole est à M. le député Florian Gander.
M. Florian Gander (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, comme l'a dit mon préopinant, il y a deux points de vue: l'un est comptable, l'autre politique. Du point de vue comptable - une fois n'est pas coutume - le MCG accepte les comptes tels qu'ils ont été présentés par les SIG. Cependant, nous tenons à rappeler que ce fut une année assez riche en rebondissements au niveau des SIG, puisque la commission - comme vous le savez - a quand même travaillé un certain temps sur la centrale chaleur-force, laquelle a été abandonnée du jour au lendemain par le Conseil d'Etat.
S'agissant des acquisitions qui ont été faites chez EDH, nous ne pouvons que les soutenir, car ces acquisitions sont bonnes pour le canton de Genève, mais nous restons néanmoins «sur notre faim», entre guillemets, car cela ne va pas développer l'autonomie cantonale. Or ce que nous souhaitons actuellement, en tout cas au MCG, c'est une autonomie cantonale en matière énergétique. Alors certes nous n'arriverons pas à couvrir 70% de nos capacités du jour au lendemain, mais c'est en commençant à travailler aujourd'hui que nous pourrons développer notre avenir électrique cantonal, et si possible un avenir électrique propre.
Pour toutes ces raisons - et malgré la perte financière d'Alpiq, qui politiquement fait courir un risque à notre canton - nous pensons que ces comptes tiennent la route. Toutefois, nous restons vraiment très inquiets au sujet de nos parts dans la société Alpiq par le biais d'EOS. Le MCG soutiendra donc ces comptes, mais avec une réserve par rapport à Alpiq.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts reconnaissent que l'addition des comptes des SIG est correcte: on a fait l'addition comme il faut et on a respecté les normes comptables. Néanmoins, s'agissant de la gestion effectuée par le conseil d'administration des SIG - et nous souhaiterions des conseils d'administration plus responsables - il y a quelques choix qui nous font très peur. Aujourd'hui, tout le monde en parle ici, les choix opérés autour d'Alpiq sont assez surprenants. Alpiq est une entreprise de trading en électricité: ce sont des gens qui achètent et qui revendent à terme de l'énergie, avec tous les risques de change que cela comporte, tous les risques qu'il y a autour. Ainsi, que les SIG soient impliqués à l'intérieur de cette entreprise nous inquiète, d'autant plus que l'on voit les résultats et que l'estimation des risques autour de ces résultats ne nous semble pas tout à fait adéquate.
L'autre élément qui nous inquiète, c'est bien évidemment l'utilisation de produits financiers. Lorsqu'il s'agit de se protéger contre des risques de change, ce que vous pouvez faire avec ces produits, c'est de la bonne gestion. Mais lorsqu'il s'agit d'obtenir un rendement à travers ces produits, cela devient de la haute finance. Or nous entendons que le métier des SIG consiste à fournir des fluides aux Genevois, non pas à spéculer et à faire de la haute finance. Aujourd'hui, nous avons un conseil d'administration des SIG dont nous ne sommes pas sûrs qu'il soit conscient de ses responsabilités. Il est vrai que, si les membres d'un conseil d'administration pléthorique ou d'un petit Bureau prennent des décisions entre eux, puis demandent à cette sorte de grand-messe qui sert de conseil d'administration de les ratifier, l'exposé fin sur les risques de différents produits - qu'ils soient financiers ou de participation à travers diverses entreprises - ne peut pas être aussi précis que lorsque le conseil est plus restreint.
Mesdames et Messieurs, les députés Verts sont inquiets, nous tenons à le dire aujourd'hui. Nous pensons que la comptabilité et les comptes sont justes, nous estimons que les normes comptables ont été respectées, mais les choix ainsi que la gestion de ce conseil d'administration nous font néanmoins souci. (Quelques applaudissements.)
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai un peu le sentiment ce soir que certains prennent prétexte de ce point pour régler leurs comptes avec les SIG - et je pense en particulier au rapporteur de minorité - plutôt que de se pencher réellement sur les comptes et l'orthodoxie comptable des SIG pour l'année 2011. Effectivement, un certain nombre d'événements - que d'aucuns ont déplorés - ont émaillé la fin de l'année 2011, mais je crois que nous devons aujourd'hui nous concentrer sur les comptes qui nous sont soumis. Nous avons pu poser toutes les questions en commission, nous avons pu obtenir toutes les réponses, et je crois clairement que nous pouvons dire que ces comptes correspondent à la réalité et respectent en tous points les normes auxquelles les SIG sont soumis. Sur cet aspect, il n'y a à notre sens pas matière à remettre en question l'approbation de ces comptes.
En revanche, que l'on s'inquiète pour l'avenir, comme M. Gautier, s'agissant de certains éléments pouvant susciter quelques craintes et quelques réflexions, tels que les difficultés d'Alpiq ou les conséquences, pour les SIG, de l'aggravation de la situation d'Alpiq dans le futur, c'est effectivement légitime. Que l'on puisse s'interroger sur certaines options prises pour l'avenir par cette entreprise publique est aussi légitime, mais ce n'est pas en refusant les comptes que nous allons régler ces questions du passé ou du futur. Nous avons eu l'assurance de la part de Mme Rochat, et c'est une excellente chose, que nous pourrons très prochainement rediscuter de ces questions d'avenir, alors je crois qu'il faut clairement dissocier ce qui relève de la qualité des comptes 2011 - et sur ce point le groupe PDC n'a aucun doute et donnera son approbation - et les autres questions qui méritent effectivement débat. Ce débat aura lieu ces prochains mois, nous en sommes certains, et c'est peut-être davantage dans le cadre de l'adoption des prochains budgets que nous devrons avoir un oeil particulièrement attentif sur un certain nombre d'éléments que d'aucuns ont évoqués ce soir. Mais, s'il vous plaît, chers collègues, ne prenons pas prétexte de ce rapport sur les SIG pour régler les comptes du passé ou anticiper des problèmes futurs. (Quelques applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC). Chers collègues, l'UDC partage en grande partie les propos que notre collègue Bavarel a tenus concernant entre autres la politique menée par le conseil d'administration des SIG. En partie, parce que, finalement, la politique que peuvent mener les SIG reste quand même très cadrée. Preuve en est ce fameux problème des centrales chaleur-force, où le conseil d'administration a été mis devant le fait accompli. Autre exemple: la décision que vous avez prise l'année passée, dans le cadre du budget 2012, de retirer 60 millions aux SIG, sans trop demander ce qu'en pensait le conseil d'administration. On voit bien qu'il y a là un point qui mérite certainement d'être amélioré - et quand je dis cela je pense bien évidemment à la votation du 17 juin sur les institutions publiques - et peut-être bien qu'il sera bénéfique de pouvoir rediscuter et reformater en quelque sorte le conseil d'administration.
D'autre part, l'UDC tient à relever que, si effectivement on n'a pas pu parvenir à une partie de l'autonomie cantonale avec ce projet de centrale chaleur-force, la décision qu'a prise le Conseil d'Etat - même s'il n'a peut-être pas mis de gants et qu'il n'a pas agi de la manière qu'on pouvait espérer - nous permet d'assurer toute l'énergie dont nous aurons besoin ces prochaines années. C'est une décision qui n'est évidemment pas sans conséquence et que l'on peut diversement apprécier, mais assurer l'avenir énergétique de ce canton est sans aucun doute une bonne chose.
J'ajouterai une dernière petite remarque, toujours sur l'autonomie cantonale. Si le projet d'une grosse centrale chaleur-force est abandonné, nous savons que le Conseil d'Etat planche sur un projet comprenant plusieurs petites centrales chaleur-force qui nous permettront là de retrouver une certaine autonomie cantonale, tout en gardant, avec l'achat de participations à EDH, cette fameuse autonomie énergétique dont le canton a besoin. Pour toutes ces raisons, nous accepterons les comptes 2011 des SIG.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai vraiment le sentiment d'assister ce soir à un paradoxe au sein de ce parlement. Il n'y a pas plus tard que six mois, tout le monde disait que les SIG étaient en pleine santé, qu'ils savaient bien se gouverner et que tout était parfait. On disait même qu'on pouvait sans problème leur retirer chaque année 60 millions pendant trois ans et qu'ils auraient encore bien assez d'argent, parce qu'ils avaient déjà beaucoup de réserves et qu'ils savaient comment en accumuler davantage, comment bien gérer les choses. Ce soir, pourtant, nous entendons les mêmes personnes qui ont décidé de retirer ces 60 millions dire que les SIG ne savent pas gérer, que cela ne fonctionne pas, qu'il faut faire attention. Mais attention à quoi ? Au fait qu'ils ont décidé de jouer le jeu avec Alpiq en entrant dans cette société qui fait des achats-ventes avec des cours en bourse, etc., sur le marché libre de l'électricité - et, plus généralement, de l'énergie - et qu'il y a eu un problème chez Alpiq qui se répercute bien évidemment aujourd'hui sur les SIG ?
Concernant les fonds investis en bourse ou dans différents placements, il est vrai que les SIG n'ont pas été plus alertes que beaucoup de gestionnaires de fortune, de banques de la place ou même de particuliers par rapport à la crise de l'euro. Cela étant, on ne peut pas leur reprocher cette crise ! A un certain moment, il faut donc savoir ce qu'on veut: il faut savoir si maintenant l'on estime que les SIG doivent réfléchir de façon différente par rapport à l'avenir en anticipant en termes comptables et budgétaires et en gérant un peu différemment et plus prudemment leur fortune et leurs avoirs.
Ce que le rapport de minorité soulève comme problème, Mesdames et Messieurs - et c'est un sujet d'actualité - c'est la gouvernance. Mais là également, il y a six mois, on était satisfait de la gouvernance des SIG. Or, brusquement, on reproche aux SIG d'être une usine à gaz - c'est le cas de le dire. Je crois pourtant que ce n'est pas vrai. Je pense que nous pouvons encore faire confiance aux SIG, tout en leur accordant, comme l'indique le rapport de minorité, une autonomie que ce parlement a voulu leur donner à plusieurs reprises, que ce soit en termes d'autonomie des régies publiques ou d'autonomie de gestion. Du reste, s'il existe un rapport de minorité ce soir, c'est bien pour rappeler que, s'agissant du conseil d'administration tel qu'il est aujourd'hui et qui pourrait encore être réduit à l'avenir selon la volonté de certains, il convient de se poser la question de la limite de l'autonomie et de savoir quelle autonomie on donne à ces entreprises autonomes vis-à-vis de l'Etat.
Je pense honnêtement que ce n'est pas parce que les SIG présentent des problèmes qui méritent d'être résolus pour l'avenir - non seulement pour eux mais aussi pour toutes les régies, voire toutes les entreprises du canton - que nous pouvons dire qu'il faut changer leur gestion. Je rappelle que celle-ci était parfaite et qu'on la donnait même en exemple dans cette république il y a encore six mois.
En ce qui concerne le vote du parti socialiste, il sera diversifié: le rapport de minorité met bien en avant le refus de perte d'autonomie mais, s'agissant des comptes et du travail effectué par les SIG pendant l'année 2011, nous serons plusieurs à le soutenir.
M. Pierre Conne (R). Mesdames et Messieurs les députés, sur la base du PL 10951, de ses annexes et de l'audition des SIG, il apparaît que les comptes qui nous ont été présentés reflètent bien la réalité patrimoniale et financière de l'entreprise. Il apparaît aussi que ces comptes ont été tenus dans le respect des normes comptables applicables. Pour ces raisons, le groupe radical approuvera ces comptes tenus avec rigueur.
L'examen de ces mêmes comptes est aussi l'occasion d'approfondir plusieurs sujets: certaines de ces questions trouvent immédiatement des réponses claires et précises, mais pour d'autres les réponses sont nettement moins satisfaisantes. Il en est ainsi de la fixation des tarifs de l'électricité facturés tant aux ménages qu'aux entreprises et industries, pour lesquels cette électricité peut représenter un poste très important du budget. Cette tarification est certes complexe, mais aussi peu transparente. On peut par exemple s'étonner que le résultat opérationnel du secteur «distribution d'électricité» pour les activités en monopole soit de 66 millions, pour un produit de 222 millions. On aimerait aussi comprendre au bénéfice de qui, quand et comment les montants accumulés dans les fonds de péréquation pluriannuelle sont redistribués. Les questions ont été posées, mais les réponses sont restées peu convaincantes. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous reviendrons sur ces éléments dans le cadre de la commission de l'énergie et, sur la base du rapport de la Cour des comptes, nous auditionnerons les SIG. C'est ainsi que nous considérons prendre nos responsabilités et mener un politique constructive.
En revanche, il n'en va pas ainsi du groupe socialiste et de la manière dont il nous présente un rapport de minorité qui n'est tout simplement pas acceptable. J'aimerais tout d'abord évoquer l'introduction de ce rapport de minorité, dans laquelle on peut lire que, dans le fond, les comptes sont très bien tenus et que ce projet de loi peut être adopté. Or c'est précisément ce que l'on nous demande ! Est-ce que les comptes sont bien tenus ? Est-ce que le rapport peut être adopté ? La réponse est oui. S'ensuit un galimatias de vaines attaques politiciennes contre le Conseil d'Etat où le rapporteur revient sur d'anciennes histoires de centrale chaleur-force, sujet qui est aujourd'hui enterré et qui n'est plus à l'agenda politique ni à l'ordre du jour. Du reste, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais quand même signaler que le rapporteur de minorité qui s'est empressé de nous servir ces lignes n'a toujours pas rendu ses rapports sur les comptes des SIG des années 2007, 2008 et 2010. C'est ce qui s'appelle - et je m'adresse au groupe socialiste - ne pas mener une politique responsable. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Les deux rapporteurs ont peu ou prou épuisé leur temps de parole, mais le Bureau leur accorde une minute trente à chacun. La parole est à M. le député Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Les comptes des SIG sont effectivement bien tenus, mais il est clair qu'un parlement n'a pas pour seul objectif de faire une analyse comptable fiduciaire des comptes: il convient qu'il procède aussi à une analyse politique. En l'occurrence, quand un budget est déposé, qu'un investissement est prévu pour réaliser une centrale chaleur-force, des éoliennes ou du solaire et que, ultérieurement, des événements font que ces projets ne voient pas le jour, eh bien nous devons analyser pourquoi cet argent a été investi et si les risques étaient raisonnables. Du reste, je pense que M. Gautier a raison de relever les incertitudes qui pèsent à moyen terme, bien qu'Alpiq ait pour le moment plutôt rapporté de l'argent aux SIG.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, les SIG ont une vision 2040 et essaient de se projeter dans l'avenir; ils ne cherchent pas simplement à répondre à des éléments conjoncturels du temps politique qui est le nôtre. Dans ce sens-là, je fais personnellement bien plus confiance à la direction et au conseil d'administration des SIG - je suis désolé, chers collègues ! - qu'à vous et moi pour décider de ce que les SIG doivent faire. Les compétences sont dans l'entreprise, elles ne sont pas dans ce Grand Conseil, et je pense qu'il faut en prendre acte.
Les SIG ont un budget annuel de l'ordre d'un milliard et leurs bénéfices se montent à 100 millions de francs par année; le Grand Conseil en pique 60 millions, ce qui fait que nous diminuons leur capacité d'investissement ainsi que leur crédibilité envers des partenaires. En outre, le projet de centrale chaleur-force a coûté 4 millions à l'entreprise, qui ont été payés par les factures de vous et moi; nous avons dû payer ces investissements inutilement abandonnés par le Conseil d'Etat ! Je rappelle d'ailleurs que ce projet avait été lancé par le conseiller d'Etat Robert Cramer, conseiller d'Etat Vert.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Roger Deneys. Dans ce sens-là, les investissements sont projetés et on ne peut donc pas accepter que le Conseil d'Etat intervienne dans cette gestion. C'est pour cette raison qu'il faut refuser les comptes ! Il ne s'agit pas de faire un procès d'intention à l'entreprise, mais bien à l'ingérence du Conseil d'Etat dans ses décisions.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de majorité François Lefort, pour une minute trente.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Faisons simple: pour la majorité de la commission, et même pour les thuriféraires de la centrale chaleur-force, le changement de stratégie qui a vu l'abandon de ladite CCF n'est pas une raison pour refuser les comptes 2011. Dans le contexte international qui nous a été décrit, la CCF était de toute façon devenue un mauvais projet, qui promettait pour l'avenir des pertes bien supérieures aux 4 millions de coût d'étude qu'a mentionnés le député Roger Deneys. Ce projet était en effet prometteur de pertes en raison de l'augmentation du prix du gaz.
Nous apprécions à posteriori la décision stratégique d'investir dans des capacités de production hydroélectrique localisée aussi en Suisse - et pour des capacités bien supérieures à celles de la CCF. C'est une décision stratégique, cher Monsieur Deneys, qui nous éloigne d'Alpiq et de ses mauvaises fréquentations. Il s'agit donc d'une piste pour le futur proche que nous souhaitons voir explorée par les SIG et leur conseil d'administration, en lequel vous portez grande confiance. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant des comptes 2011 qui nous occupent ce soir, la commission vous recommande bien sûr de les accepter.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons la délicate question des comptes où il s'agit de faire un bilan de l'activité d'une société ou d'une entreprise - qu'elle soit autonome, étatique, paraétatique, privée ou publique - et en l'occurrence il me revient de défendre celui des SIG. J'aimerais d'ailleurs remercier le rapporteur de majorité, qui a vraiment fait une description extrêmement complète des activités que l'on retrouve dans ces comptes. Comme je l'imaginais bien, le rapporteur de minorité - dont je salue le rapport - n'a bien sûr pas pu s'empêcher de revenir sur cette fameuse décision, une décision qui - je le rappelle - a été prise par le Conseil d'Etat et qui a été amenée par la direction des SIG. Je crois donc qu'il faut encore une fois remettre les choses à leur juste place.
Il est vrai que, de par une disposition légale, l'Etat a un droit - un devoir, devrais-je dire - de tutelle ou plutôt de surveillance sur les SIG. Il n'était dès lors pas question d'envisager de laisser les SIG grossir leurs investissements à raison de plus d'un milliard... J'imagine bien les réactions que vous auriez pu avoir, à juste titre, au sein de ce parlement.
Les SIG vont bien, la compatibilité est maîtrisée et les comptes d'exploitation sont en baisse, comme cela a été relevé. Il est vrai que les risques financiers de cette société qui ont été évoqués ici sont à prendre en considération, et je remercie les membres de la commission de l'énergie d'avoir attiré l'attention non seulement sur l'aspect politique - qui est un aspect important en soi - mais aussi sur l'aspect technique financier, qui ne fait que corroborer des soucis que j'ai eus dès le départ quant aux prises de participation des SIG dans des sociétés financières qui sont volatiles ou en tout cas rendues fragiles par une situation économique et énergétique mondiale compliquée. Et le risque relatif à ces prises de participation - et qui bien sûr se retrouve chez les deux propriétaires, que ce soit les communes ou l'Etat - pèse effectivement sur le bilan de l'Etat, et il s'agit donc d'évaluer ce risque au plus juste. Des explications ont été données en commission au sujet de cette technique financière bien particulière qui consiste à évaluer ce risque et qui doit pouvoir figurer au pied de bilan ou en tout cas être visible, lisible par la commission et mon département. Ce n'est pour l'instant pas le cas - je dois l'avouer, Mesdames et Messieurs les députés - et le risque que les SIG font donc porter sur les comptes consolidés de l'Etat doit maintenant être évalué.
Nous sommes à un tournant, à un tournant énergétique, et nous sommes en train de prendre en considération cette politique énergétique, avec une vision et une stratégie - je m'empresse de le préciser - s'inscrivant maintenant dans une politique qui doit être ambitieuse et en même temps pouvoir rester locale. C'est la raison pour laquelle je reviens quand même sur les petites CCF qui vont pouvoir développer peut-être de façon plus modeste l'importance d'avoir ce couplage chaleur-force, sur lequel personne n'est jamais revenu, surtout pas le Conseil d'Etat dans son extrait de procès-verbal. Il est vraiment important que nous puissions prendre en considération cette disposition financière qui, au vu de la situation mondiale, peut effectivement poser un certain nombre de problèmes.
J'aimerais finir en vous disant que cette autonomie est toute relative, dans la mesure où la société appartient à l'Etat et aux communes, et il vous revient donc de pouvoir révéler cette situation qui peut potentiellement s'avérer dangereuse. En conclusion, je vous remercie d'accepter ces comptes, car ils sont vraiment le reflet d'une gestion des plus rigoureuses.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets maintenant aux voix l'entrée en matière du PL 10951.
Mis aux voix, le projet de loi 10951 est adopté en premier débat par 86 oui et 1 abstention.
La loi 10951 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10951 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 7 non et 18 abstentions.
Le président. Le premier résolutionnaire est M. Barrillier, qui ne souhaite pas s'exprimer. La parole n'étant pas demandée au sujet de cette rectification matérielle, nous nous prononçons sur la R 698.
Mise aux voix, la résolution 698 est adoptée par 87 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Nous passons maintenant au point 96 bis, auquel est lié le point 94. Ce débat est classé en catégorie II: quarante minutes. La parole est à Mme la députée Anne Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde dans cette salle se rappelle encore le coup de tonnerre provoqué par l'annonce, il y a huit semaines environ, de la disparition du siège genevois de Merck Serono, avec comme conséquence la suppression de 1250 emplois au bas mot, puisqu'il faut compter encore les intérimaires, auxquels s'ajoutent tous les sous-traitants. A cette occasion, chacun aura pu constater quotidiennement la très forte mobilisation du personnel qui, jour après jour, oeuvre pour trouver des solutions alternatives. La résolution que nous vous proposons aujourd'hui vise donc à appuyer le Conseil d'Etat dans ses démarches, de façon à pouvoir justement soutenir les démarches du personnel face à la direction générale de Merck Serono, parce qu'on sait que la pression politique permet en tout cas d'essayer d'obtenir un certain nombre de choses.
Le personnel a fait des propositions très intéressantes, que je vous laisserai lire en détail dans la résolution. Certaines suggestions consistent plus ou moins à garder les choses en l'état, en faisant des économies sur le plan de la rationalisation des coûts, mais il y a surtout des propositions alternatives qui permettent de maintenir des activités dans le canton. La première consiste à faire de Merck Serono une sorte de HUB - pour reprendre le nom qui est proposé - c'est-à-dire qu'il y aurait une continuité des activités dans une partie des secteurs de recherche, avec des gains d'efficacité de 25% sur deux ans. La deuxième possibilité serait de créer un centre d'expertises en biotechnologie lié à Merck Serono, qui permettrait de maintenir des activités de recherche dans des domaines de pointe comme la fertilité, l'endocrinologie ou les maladies dégénératives. Enfin, la troisième possibilité consisterait à se séparer de l'entreprise Merck Serono en tant que telle et à créer, à Genève et dans la région lémanique, un pôle de biotechnologie avec une série de petites start-up.
Quel que soit le scénario qui pourrait finalement être retenu, et cela tant par les employés que par l'entreprise, notre pression est nécessaire. Pourquoi ? Parce que, s'il s'agit de conserver une partie de l'entreprise à Genève, eh bien il est clair que nous devons maintenir la pression. Et s'il est question de créer un centre de biotechnologie à Genève, cela va nécessiter de l'argent, beaucoup plus que les 20 ou 30 millions - 30 millions, je crois - qu'avait promis l'entreprise dans ce cadre-là, et il est donc nécessaire que nous manifestions notre soutien.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à soutenir unanimement cette proposition de résolution. L'une de ses invites est d'ailleurs périmée, puisque nous avons déposé notre texte hier avant d'avoir eu connaissance du point de presse du Conseil d'Etat annonçant la création d'une task force, mais, cet élément mis à part, je pense que la résolution reste tout à fait d'actualité, et nous vous invitons donc à la soutenir unanimement.
S'agissant de la motion de l'UDC, nous allons également la soutenir, puisqu'elle soulève une problématique semblable, une problématique peut-être d'avenir, à une exception près: nous invitons le parlement ou le groupe UDC à retirer la deuxième invite de cette motion concernant Procter & Gamble, puisqu'il y est question de négocier un plan social avec l'entreprise et que nous pensons que c'est un très mauvais signe aujourd'hui de parler de «plan social». Parlons de «maintien d'emplois» à Genève, et l'on verra, le cas échéant, s'il est nécessaire de parler de «plan social». Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Christina Meissner, première signataire de la M 2089.
Mme Christina Meissner (UDC). Mme Anne Emery-Torracinta a bien résumé la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Je vous rappelle que nous avions déjà consacré une séance de notre Grand Conseil au problème Merck Serono, et celui-ci est loin d'être terminé. Des propositions ont été faites par les employés à la direction, laquelle n'a pas encore répondu. Cependant, les propositions des employés rejoignent celles qui avaient déjà été formulées, notamment dans notre motion UDC, à savoir de créer un pôle de biotechnologie. Mme Emery-Torracinta a parlé de ce pôle de biotechnologie en évoquant les start-up, mais un pôle implique aussi de travailler avec des instituts de recherche, l'université, l'EPFL, etc., le tout coordonné dans une task force. C'est ce que nous demandions tous au Conseil d'Etat de faire, à savoir de mettre en place une task force et de travailler avec ces partenaires, au-delà des frontières, qu'il s'agisse de la Confédération ou des cantons, mais aussi, de la même manière, avec les entreprises et les instituts de recherche universitaires, etc.
Le Conseil d'Etat a répondu hier partiellement, je dois quand même le souligner, en disant qu'il avait créé cette task force avec les interlocuteurs dont je viens de mentionner les fonctions. Mais nous aurions souhaité personnellement avoir en plus des objectifs, des dates, un calendrier et un planning. (Remarque.) Eh oui ! Que l'on travaille avec ou sans la direction de Serono, il s'agit en tout cas de travailler avec nos partenaires. Ceux que nous savons être là le sont et le resteront - la Confédération, les universités... - et il existe la possibilité de créer des start-up.
La proposition de résolution 701 du groupe socialiste revient là-dessus, appuie à nouveau, tape sur le clou en disant que nous voulons absolument que quelque chose se fasse, et dans ce sens je pense qu'il est nécessaire que, en tant que parlement, nous continuions à montrer que nous restons engagés, à l'écoute et attentifs à ce qui va se passer. J'espère d'ailleurs que nous n'aurons pas à faire cela à chacune de nos sessions, mais que nous trouverons finalement une issue heureuse. Pour toutes ces raisons, il est donc évident que le groupe UDC soutiendra la résolution socialiste.
La proposition de motion UDC est quant à elle intitulée: «Procter & Gamble réduit la voilure, le Conseil d'Etat ne doit pas se laisser piéger !» Hélas, nous aurions pu remplacer Procter & Gamble par bien d'autres entreprises, car ce qu'il faut faire aujourd'hui, c'est bel et bien anticiper. Nous avons vu que, dans le cas de Merck Serono, il y avait eu en tout cas de la part de l'entreprise une certaine légèreté par rapport aux discussions qu'elle avait avec le Conseil d'Etat, et donc nous demandons maintenant à ce dernier de véritablement intensifier ses relations avec les entreprises et de réaliser déjà bien en amont une planification et une réflexion sur la question de savoir comment entamer un dialogue qui n'aboutisse pas au fait que nous devions subir le départ d'entreprises, mais qui nous permette de trouver des solutions ensemble pour maintenir les emplois, surtout dans des domaines qui nous intéressent. En effet, qu'il s'agisse de cleantech, de biotech, de technologies de toutes sortes, nous avons besoin de savoir-faire...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !
Mme Christina Meissner. Pour finir, je dirai que vous avez raison, Madame Emery-Torracinta: n'anticipons pas et partons du principe que ces entreprises restent ! Nous acceptons donc que la deuxième invite soit biffée.
M. Alain Meylan (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vais peut-être commencer par exprimer la position des groupes libéral et radical concernant la motion 2089 relative à Procter & Gamble, que nous refuserons. Cette motion a été déposée suite à une rumeur, à un article de journal, or je crois que la moindre des choses, avant de rédiger ce genre de proposition de motion, aurait été de prendre quelques renseignements auprès de cette entreprise qui, rappelons-le, emploie plus de 3000 personnes. Elle s'est développée à Genève, elle a toujours apporté à notre canton son soutien et sa collaboration, avec un certain nombre de développements, alors je crois que, avant de jeter l'opprobre sur ce genre de société, il aurait été utile de se renseigner davantage plutôt que de donner suite à certains courants d'idées ou expressions qui n'étaient pas forcément fondés. En ce sens, je crois qu'il n'y a plus rien à dire sur cette motion, et nous la refuserons.
Quant à la proposition de résolution, le PLR estime qu'on ne peut effectivement pas ne pas exprimer ses inquiétudes, son souci de voir les employés être touchés par cette restructuration. Dans ce cadre-là, on ne peut qu'être attentifs aux considérants et y apporter une complète attention. Nous serons donc sensibles, cas échéant, à y réfléchir.
D'autre part, s'agissant des conséquences - puisque la résolution en parle - on ne doit pas oublier non plus que, de temps en temps, quand on aborde la question des conséquences, il faut aussi parler de ce qu'il y a avant, des conditions-cadres, et là le parti socialiste ne brille pas par sa façon de fonctionner, de mettre en avant ou d'instaurer les conditions les plus adéquates possibles pour le fonctionnement des entreprises. Je pense à la taxe professionnelle, à la réforme de la fiscalité des entreprises: ce groupe et ce parti s'opposent perpétuellement à mettre des conditions-cadres efficaces aux entreprises ! Sans parler de leur conseillère administrative Sandrine Salerno qui, par dédain, dit que les cols blancs pourront bien de toute façon s'en sortir, que ce n'est pas très important et qu'en définitive la décroissance ne serait que la seule voie de la performance de Genève... Voilà ce que le parti socialiste véhicule par le biais de ses conseillers administratifs ou de ses candidats au Conseil d'Etat.
Pour le PLR, il s'agit d'exprimer quand même son soutien et de voir de quelle manière on peut faire en sorte d'améliorer les choses et de trouver des conditions-cadres générales pour les entreprises qui soient adéquates. De ce côté-là, je crois qu'il manque en tout cas dans la dernière invite de la résolution socialiste de Mme Emery-Torracinta un élément essentiel. En effet, nous fêtons cette année le 75e anniversaire de la paix du travail, Madame, si vous ne l'avez pas noté, une paix du travail qui a trois pôles: l'Etat, les partenaires sociaux - parmi lesquels se trouvent les syndicats, que vous mentionnez dans votre invite - et il manque le troisième point, un point aussi important, qui est le patronat. Et si l'on veut continuer et maintenir la paix du travail, qui a été signée pour la première fois le 15 mai 1937 dans l'horlogerie pas très loin de chez nous, eh bien je pense qu'il faut aussi penser à insérer ou en tout cas à donner la possibilité à cet équilibre de se poursuivre et de s'exprimer, de même qu'il faut penser qu'il y a un monde patronal qui est là pour faire développer les entreprises afin qu'elles innovent et qu'elles créent de l'emploi. Alors c'est vrai que le cas de Merck Serono pose problème et que c'est très difficile à vivre...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Alain Meylan. ...mais je crois qu'il faut être ensemble pour trouver des solutions. Et, comme le disait quelqu'un, le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien. Pour cette raison, nous demandons que cette résolution soit renvoyée à la commission de l'économie, de façon qu'elle soit traitée le mieux et le plus efficacement possible et que nous puissions trouver des solutions pour les employés et pour l'emploi à Genève. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, lors de la dernière session nous avons renvoyé au Conseil d'Etat, dans l'urgence mais à une très grande majorité, deux résolutions et une motion pour le soutenir et l'encourager dans la recherche de solutions face à la crise historique que représente la suppression de 2000 emplois à Genève. Toujours dans ce même esprit de soutien et d'encouragement au gouvernement, nous revenons aujourd'hui avec des pistes que nous pensons, en accord avec les personnes concernées, être des éléments praticables, une solution permettant de sauver le maximum d'emplois. Une solution praticable permettant de retenir la richesse de formations et d'expériences que représentent ces employés abandonnés par Merck Serono. Une solution permettant de sauver le potentiel d'emplois durables que représente cette richesse.
Les employés ont proposé des solutions qui peuvent s'intégrer au tissu de recherche biotechnologique de l'arc lémanique, et les activités dans lesquelles ils excellent peuvent générer de nouvelles entreprises retenant ces activités d'expertises dans les domaines biotechnologique et pharmaceutique, au bénéfice justement du tissu biotech et pharmaceutique suisse et en relation avec les hautes écoles. Pour que ceci ait une chance d'aboutir, il faut du temps, et il faut donc que les négociations et les discussions continuent entre les employés et la direction de Merck Serono. Pour que ceci ait une chance d'aboutir, il faut un soutien politique, il faut un soutien opérationnel, et c'est dans ce sens que nous proposons la constitution d'une task force comprenant le Conseil fédéral, les gouvernements vaudois et genevois, les hautes écoles, les hôpitaux vaudois et genevois, les entreprises biotechnologiques de la région, les employés de Merck Serono, leurs représentants syndicaux et la direction de Merck Serono si elle le veut. Voilà des pistes pour sauver l'essentiel de ces 2000 emplois et conserver ici à Genève le savoir-faire des employés abandonnés par Merck Serono. Le gouvernement, visiblement sur la même longueur d'onde, a proposé hier lui aussi la création d'une task force, peut-être un peu moins étoffée que la nôtre. Dans les détails nous ne savons pas s'il s'agit du même projet, aussi maintiendrons-nous notre proposition quant à la composition de la task force. Pour toutes les raisons que je viens de vous exposer, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous remercions de soutenir cette résolution et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.
M. Philippe Morel (PDC). Je vois avec plaisir que, dans cette séance, nous sommes loin du débat à consonance fortement politique que nous avions vécu il y a quelques semaines. Nous sommes revenus à une échelle pragmatique, à la recherche de solutions réelles. Alors c'est vrai que la situation de Merck Serono est peut-être prémonitoire et que d'autres entreprises seraient amenées à quitter Genève... Des bruits existent, mais ils ne nous semblent pas justifier la motion de l'UDC et, comme d'autres l'ont dit, nous n'allons donc pas la soutenir. En revanche, la résolution socialiste nous paraît extrêmement intéressante, puisque dans le fond elle soutient l'action qui a été entreprise par le Conseil d'Etat, largement soutenu par le Grand Conseil. C'est donc à l'unisson que le Grand Conseil et le Conseil d'Etat ont engagé des actions et des démarches pour tenter de sauver une partie de ces emplois.
J'aimerais pour ma part vous apporter une autre dimension. Comme scientifique qui voyage quand même passablement dans le monde, je peux vous dire que notre petit arc lémanique recèle une quantité - une foison, devrais-je dire - de capacités, de connaissances, d'entreprises plus ou moins grandes, publiques ou privées, de hautes écoles, d'hôpitaux et d'universités qu'il est rare de rencontrer dans le monde. J'ai été invité dans la Silicon Valley pour un sujet qui me concerne et sur lequel je ne m'étendrai pas ici, et lorsque je leur ai mentionné et montré sur la carte l'ensemble des hôpitaux, des universités, des hautes écoles et des différentes entreprises existant sur l'arc lémanique, on a comparé cela à la Silicon Valley. Alors peut-être pourrait-on faire une parodie en disant que ce n'est pas la Silicon Valley, mais la «Leman Valley» !
Je crois que le problème de Merck Serono n'est pas uniquement genevois: c'est un problème qui concerne l'arc lémanique. Et cette task force vient particulièrement à point, puisqu'elle unit les personnes non seulement de Genève mais également de l'arc lémanique et des hautes écoles qui forment aux différents secteurs des entreprises privées actives dans le domaine des biosciences, de la biologie, de la science et des nouvelles technologies. Si nous unissons ces forces, nous avons peut-être une opportunité, au travers du drame de Merck Serono, non pas seulement de conserver quelques centaines d'emplois - ce que nous espérons vivement - mais de créer à moyen terme un nombre d'emplois plus important que celui que nous avons perdu aujourd'hui. L'union fait la force, dit-on, eh bien dans cette situation-là c'est particulièrement vrai ! Cette union entre les différentes écoles et institutions existantes pourrait offrir dans bien des domaines - notamment dans celui qui me concerne, la chirurgie - non seulement du travail à de nombreux employés, mais aussi un rayonnement à cette région. Et bien sûr que cela pourrait attirer d'autres entreprises. Reste à savoir comment on va les accueillir, les héberger et loger les différentes personnes, mais je pense que, au travers de cette crise importante que nous subissons, nous avons peut-être l'occasion de saisir une chance, celle de réaliser notre force, de réaliser la puissance que nous aurions en étant ensemble. Et la task force a certainement pour but, dans l'idée de ce qui a été fait par le Conseil d'Etat, de générer cette force, en sachant que d'autres efforts ont déjà été accomplis, que d'autres entreprises ont déjà été conçues et qu'un effort majeur a été réalisé depuis plusieurs années dans le domaine des biosciences, de la biotechnologie - on peut donner différentes appellations à ces domaines - entre autres par notre actuel président du Conseil d'Etat.
Je pense donc que, si la Silicon Valley est une technopole magnifique qui crée des emplois et du rayonnement, eh bien «Leman Valley» serait peut-être la naissance qui pourrait suivre la catastrophe de Merck Serono ! Nous soutiendrons donc la résolution socialiste et refuserons en revanche la motion UDC. (Quelques applaudissements.)
M. Jacques Jeannerat (R). Oui bien sûr que le dialogue entre les employés de Merck Serono et leur direction doit continuer, loin de nous l'idée de penser qu'il faut qu'il s'interrompe. Oui bien sûr qu'il y a un avenir dans notre région pour les biotechnologies - un avenir et un savoir-faire - et nous devons pouvoir sauver des places de travail.
Lors de la dernière session nous avons voté trois objets - des résolutions et des motions, me semble-t-il, je ne me souviens plus de leur libellé exact. Nous l'avons fait avec une certaine émotion et il y avait un élan unanime. S'agissant du texte qui nous est soumis aujourd'hui, j'aimerais dire d'abord que certains éléments qui y figurent sont déjà mis en action par le Conseil d'Etat, alors que d'autres demandent quelques approfondissements et quelques éléments techniques - notamment un point de situation exact - pour pouvoir aller de l'avant. La position du PLR est donc la suivante: nous sommes en faveur de ce texte mais, pour atteindre vraiment précisément son objectif, il doit être amélioré grâce à quelques auditions en commission de l'économie. Je regarde sa présidente... Pour en être membre, je sais que nous n'avons pas de sujet urgent dans le pipeline, et je suis donc persuadé que la présidente de la commission de l'économie, Mme Hartmann, pourrait rapidement mettre cet objet à l'ordre du jour. Je crois en effet que l'on doit passer par quelques auditions - le gouvernement, la direction de Serono, les syndicats - pour affiner et taper juste. Nous ne sommes plus en phase émotionnelle, nous avons déjà voté des objets de manière émotionnelle lors de la dernière session, donc s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, renvoyez avec nous ce projet en commission pour un retour relativement rapide.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Esther Hartmann, pour une minute vingt.
Mme Esther Hartmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Les Verts, qui sont également cosignataires de la motion 2089 de l'UDC, vont évidemment soutenir son renvoi au Conseil d'Etat. Oui, c'est vrai que l'on nomme une entreprise et que cela pourrait vexer quelques susceptibilités, mais ce qui nous a poussés à soutenir et à signer cette motion, c'est l'importance de la situation et la volonté d'éviter qu'à l'avenir une situation telle que celle qui a touché Merck Serono ne se reproduise au sein d'une entreprise de dimension importante, entraînant donc des conséquences assez importantes pour l'économie genevoise.
La troisième invite en particulier nous a semblé tout à fait intéressante, et je ne vois pas en quoi elle choquerait les membres de cette assemblée. Je vous la cite: «à intensifier ses rapports avec les entreprises, quelle que soit leur taille, afin de préparer avec ces dernières les mesures envisageables pour restaurer la compétitivité et l'attractivité de Genève». Je suis certaine que le conseiller d'Etat va nous assurer qu'il est déjà en mesure de faire cela, et je ne pense pas que cette auguste assemblée va se vexer de renvoyer ce texte au conseiller d'Etat. Effectivement, les deux premières invites pourraient éventuellement être révisées, et nous ne nous y opposerons pas, car la raison prédomine dans cette assemblée, comme vous le savez tous. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Patrick Saudan, à qui il reste deux minutes.
M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le temps politique est très long, mais le temps en recherche et biotechnologie est encore plus long. La Silicon Valley ne s'est pas faite en deux ans, mais en vingt ou trente ans. Alors nous sommes d'accord avec l'esprit de cette résolution et sommes tout à fait prêts à la soutenir, parce qu'elle part de bonnes intentions, mais pourquoi serait-il bénéfique de la renvoyer pour un court passage à la commission de l'économie ? Pour une raison très simple: on parle de créer un «Geneva Biotech Cluster» avec l'université, l'EPFL, les hôpitaux, les entreprises, mais leur a-t-on demandé leur avis ? Parce que l'on est dans un domaine ultra-compétitif ! Et je vous rappelle - mais vous avez probablement tous lu la «Tribune de Genève» - qu'en tout cas la direction de Merck a pris aujourd'hui une décision préjudiciable à l'avenir de la technologie de Merck Serono: ils veulent transformer les usines du canton de Vaud en usines de production de biosimilaires, c'est-à-dire qu'ils vont créer des anticorps monoclonaux qui existent déjà sur le marché depuis longtemps. Ils ont donc tiré une croix sur l'avenir technologique de Merck Serono ! Alors c'est à nous de nous battre - et c'est pour ça que nous sommes d'accord avec l'esprit de cette résolution - pour sauver le potentiel humain des employés de Merck Serono. Soit, mais pour le sauver... Je trouve magnifique et très incantatoire cette troisième invite, mais on aimerait quand même avoir l'avis de l'université, du Polytechnicum de Lausanne, des hôpitaux, etc. Je vous rappelle qu'à l'université de Genève il existe un service spécifiquement dédié à la création de start-up, et peut-être qu'ils n'en veulent pas ! Il faudrait quand même leur demander leur avis ! Rien que pour cela, il vaut donc la peine de renvoyer cette résolution à la commission de l'économie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Christina Meissner, qui prend du temps de parole sur celui de son groupe pour confirmer ses amendements.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. J'ai bien entendu qu'effectivement il ne fallait pas réduire cette question à une seule entreprise et surtout ne pas la réduire au problème d'une seule entreprise: il s'agit d'un problème de l'arc lémanique, de l'ensemble de nos entreprises, et il s'agit d'anticipation. Ainsi, vous aurez constaté que vos chefs de groupe ont reçu un amendement visant à supprimer les deux premières invites et à ne garder que la dernière, qui concerne l'ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille, pour que le Conseil d'Etat prépare des mesures à même de restaurer la compétitivité et l'attractivité de Genève. Mesdames et Messieurs les députés, vous ne pouvez pas être contre une telle déclaration ! Vous pouvez tout à fait la renvoyer au Conseil d'Etat, et c'est ce que je vous demande de faire. Il s'agit d'un signal, au même titre d'ailleurs que la résolution 701 signée par les socialistes et les Verts. L'idée n'est pas de la renvoyer à la commission de l'économie. Je me pose du reste la question: si la direction de Serono ne vient pas rencontrer ses propres employés ou notre conseiller d'Etat, va-t-elle véritablement se déplacer dans une commission ? J'ai des doutes.
Enfin, je vous rappelle qu'il s'agit d'une résolution, c'est-à-dire d'une déclaration de notre Grand Conseil. Donnons comme les 9 et 10 mai un signal fort, montrons que nous sommes unis, que nous nous soucions de nos emplois et de nos entreprises et que nous voulons anticiper avec des plans d'actions. Demandons-le au Conseil d'Etat, en l'enjoignant de travailler au-delà du canton, au niveau fédéral, au niveau des universités et des entreprises d'une manière générale. Je vous remercie pour votre soutien.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut rappeler que la situation des collaboratrices et collaborateurs de Merck Serono est extrêmement dramatique au niveau personnel, au niveau humain, et dans ce sens-là il est très important de marquer une fois de plus notre attachement au sort qui leur sera réservé. Cependant, je crois qu'il ne faut pas se tromper au niveau des compétences: un parlement peut éventuellement faire des déclarations d'intention et adopter un projet de loi mais, dans des délais aussi courts, l'essentiel des responsabilités d'action revient légitimement au Conseil d'Etat. Par conséquent, un renvoi à la commission de l'économie, alors que des procédures sont à bout touchant et que les employés risquent de perdre définitivement leur emploi dans les prochaines semaines, est tout simplement malhonnête pour ces personnes. Du reste, j'ai dans ma messagerie un courrier électronique d'un collaborateur de Merck Serono... (Exclamations.) ...qui me dit: «Les politiciens, bougez-vous !» (Commentaires.) En effet, il a l'impression que nous ne le faisons pas. Qu'il ait tort ou raison, moi je pense que c'est un très mauvais signal que de renvoyer ce texte à la commission de l'économie. En plus, comme cela a été relevé, il s'agit d'une résolution, donc nous pouvons sans autre la renvoyer au Conseil d'Etat. Nous pouvons d'ailleurs aussi participer à la manifestation de soutien de Merck Serono qui aura lieu ce samedi 9 juin à 14h devant le siège de cette entreprise, afin de montrer que la population genevoise, que les députés sont solidaires de ces personnes qui se trouvent dans une situation dramatique.
Au demeurant, notre canton a besoin de moyens, et sur ce point j'aimerais quand même revenir sur la déclaration de M. Meylan, bien que cela ne m'étonne pas du PLR... Pour pouvoir faire une politique publique proactive, il faut des moyens ! On ne peut pas se contenter de baisser les impôts, parce qu'au final nous n'avons pas les moyens de nos ambitions. Et ça c'est l'un des problèmes réels ! Nous ne pouvons pas baser notre avenir sur des entreprises qui viennent parce qu'elles ne paient pas d'impôts ici et qui repartent à la moindre occasion parce que le franc suisse est un peu plus cher ou qu'elles bénéficient de cadeaux fiscaux ailleurs. Pour cette simple raison, il faut être cohérent, il faut être équilibré, et les recettes fiscales sont l'un des éléments essentiels de l'avenir économique des pays développés. Sans elles, nous allons tout droit à la faillite.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Anne Emery-Torracinta. Il vous reste trente secondes en tant que première signataire, auxquelles s'ajoute une minute trente pour le groupe socialiste.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, renvoyer cette résolution en commission, c'est l'enterrer ! C'est même pire que ça, parce qu'à la limite enterrer une résolution n'est pas dramatique en soi. C'est donc pire que ça, car c'est donner un très mauvais signe tant aux employés qu'à la direction générale de Merck Serono. Ça signifie que l'on ne se préoccupe pas véritablement de leur sort et qu'on ne se préoccupe pas véritablement de l'avenir de l'emploi dans notre canton.
J'aimerais, chers collègues, vous rappeler l'exemple de Novartis, cet exemple qui montrait combien la classe politique vaudoise avait été unie, tous partis confondus. Le conseiller d'Etat libéral-radical était allé dans la rue aux côtés des syndicats pour manifester son soutien aux employés qui risquaient d'être licenciés. C'est cela, Mesdames et Messieurs, que nous devons faire aujourd'hui ! Notre résolution n'a pas d'autre but que de soutenir le Conseil d'Etat dans ses démarches et de dire qu'il faut maintenir l'emploi à Genève. Toutes celles et ceux qui veulent proposer autre chose ne feront qu'enterrer cette résolution et enterrer l'emploi à Genève.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG a déjà eu l'occasion de vous le dire, il n'appartient pas à ce parlement de s'immiscer dans le secteur privé de la manière dont vous le faites. Vous êtes aujourd'hui en train de créer un danger, et je vous le dis comme je le pense... (Exclamations.) Les socialistes veulent, par le biais d'initiatives, augmenter les impôts pour les grandes sociétés, car nous venons d'entendre M. Deneys dire que, si cela continue, nous courons tout droit à la faillite. Eh bien laissez-moi vous dire, cher parti socialiste, que vous êtes un fabuleux accélérateur pour ça ! La grande différence qui réside entre vous et nous - il y en a - c'est que vous vous ne voulez plus de riches, alors que nous nous ne voulons plus de pauvres. Pourtant, si vous ne créez pas de richesses, vous n'aurez plus rien à dépenser pour le social, mais ça, effectivement, vous avez beaucoup de peine à l'imprimer.
D'autre part - vous transmettrez, Monsieur le président - ma collègue Anne Emery-Torracinta nous a cité l'exemple de Novartis. Mais Novartis est une entreprise suisse, qui touche des subsides de la Confédération pour la recherche ! Les moyens de pression politique étaient donc très grands, et ils ont porté leurs fruits. En revanche, Merck est une société allemande, sur laquelle il n'y a aucune pression à exercer. Alors plutôt que de vouloir s'immiscer dans le secteur privé, protégeons Genève en tant que pôle d'excellence. Donnons à notre canton la capacité d'attirer ces entreprises non pas par la contrainte ou grâce à des allégements fiscaux, mais parce que Genève reste un pôle d'excellence. Là, ça fait du sens !
Nous soutiendrons le renvoi en commission de la résolution pour ne pas heurter les socialistes, et nous pourrons débattre en commission des invites qu'ils proposent. Nous adopterons en outre la motion de l'UDC, dont il reste la dernière invite que je vous cite: «à intensifier ses rapports avec les entreprises, quelle que soit leur taille, afin de préparer avec ces dernières les mesures envisageables pour restaurer la compétitivité et l'attractivité de Genève». Ça, ça fait du sens !
Enfin, vous parliez de grandes multinationales comme GTI ou Procter & Gamble, alors j'aimerais vous dire, Mesdames et Messieurs, que vous pouvez critiquer la politique gouvernementale quant à certains allégements fiscaux, mais Procter & Gamble emploie sur son site genevois 3500 personnes, dont 75% résident sur le canton de Genève ! Alors avant de tirer à boulets rouges sur ceux qui font aujourd'hui la richesse des PME et des petits artisans parce qu'ils consomment à Genève, réfléchissez bien, Mesdames et Messieurs les socialistes, à là où vous allez diriger vos canons, parce qu'il y a un proverbe qui dit que, parfois, à la pelote basque, le boulet peut vous revenir en pleine figure !
Je vous le dis, Mesdames et Messieurs, soutenons notre économie, dotons-nous des bases permettant de produire une économie forte sur notre canton, et vous verrez que nous serons tous contents parce que cela produira des richesses et que Genève pourra continuer à arborer une économie florissante. En ce sens, nous soutenons le conseiller d'Etat chargé de l'économie afin qu'il mette toutes les bases nécessaires pour conserver ce que nous voulons à Genève, c'est-à-dire un pôle d'excellence et une Genève qui rayonne au niveau international.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Emery-Torracinta, à qui il reste une minute.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Monsieur le président, vous pourrez peut-être dire à M. Stauffer que je crois qu'il n'a tout simplement pas lu notre résolution et que, une fois de plus, il connaît mal les sujets dont il parle. (Rires. Commentaires. Le président agite la cloche.) En effet, vouloir créer à Genève un centre de petites entreprises et de start-up dans le domaine de la biotechnologie en lien avec les universités, avec l'hôpital, etc., ça va coûter ! Le lancement de ces entreprises aura un coût ! Et, justement, l'une des propositions du personnel consiste à essayer, si cette alternative-là est retenue, d'obtenir plus que les 30 millions promis par la direction de Merck Serono. Or si vous renvoyez cette résolution en commission, que va-t-il se passer ? On va enterrer cette solution-là, et si c'est ce qui arrive à terme, eh bien c'est le canton qui devra payer, et je me réjouis alors de voir qui sera d'accord de mettre les 70 millions supplémentaires pour créer ce centre à Genève. (Applaudissements.)
M. Charles Selleger (R). Je reviens sur la M 2089 qui concerne Procter & Gamble pour vous dire que les groupes radical et libéral voteront les amendements présentés par la première signataire Mme Meissner et demanderont, une fois ces amendements acceptés, le renvoi de cette motion à la commission de l'économie. Pourquoi ? Parce que ce sera l'occasion de pouvoir auditionner des structures qui oeuvrent déjà dans le sens demandé par cette motion, à savoir le service de la promotion économique, la Fondation d'aide aux entreprises et Eclosion. Pour cette raison, nous vous invitons à adopter ces amendements et à renvoyer cette motion à la commission de l'économie.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord corriger certains éléments que j'ai lus - exprimés avec délicatesse dans la résolution et avec la méchanceté traditionnelle présente dans les pamphlets de l'UDC dans la motion - notamment le fait qu'il eût fallu anticiper. Eh bien vous nous donnerez la recette, Madame ! Et vous aussi, Madame ! Dans la mesure où, depuis trois ans, nous rencontrons régulièrement des gens de Merck Serono pour leur dire nos inquiétudes de savoir qu'il n'y a qu'une seule molécule susceptible d'arriver sur le marché dans les années qui suivent, nous ne pouvons pas anticiper beaucoup plus, notamment pas en créant des molécules que nous ne saurions pas créer et en nous substituant à ceux qui doivent en être les créateurs. Alors plus d'anticipation, c'est difficile ! Mais on attend vos recettes avec plaisir, vous qui savez tout faire.
Lorsque Serono, par la voix du président du conseil d'administration de Serono Genève, nous a informés de la décision de fermeture de l'usine dès le lendemain, je me suis permis de réunir une task force, virtuelle au départ, en autorisant et en facilitant l'entrée des syndicats dans l'entreprise, qui ne comprenait aucun employé syndiqué. J'estime à cet égard-là avoir joué le rôle de facilitateur de dialogue social à l'intérieur de l'entreprise, et ce n'est pas le représentant du syndicat qui me contredira. Il m'en a d'ailleurs remercié.
Naturellement, j'ai également vu très vite la direction de l'entreprise, la direction de Genève, qui manifestement n'avait pas anticipé non plus. Elle a dû apprendre dans les tout derniers jours ce qu'on lui imposait de faire, et c'est la raison pour laquelle j'ai rencontré à deux reprises des gens du directoire de Darmstadt - d'abord le responsable de la recherche, puis le responsable général et le responsable de la recherche - pour leur demander ce qu'ils entendaient faire par un geste aussi brutal et sans appel. La question est restée sans réponse, si ce n'est une réorientation partielle des activités, qui se confirme dans le sens où des usines de production dans le canton de Vaud seront inaugurées. Il y en a effectivement une grande à Vevey, de 450 millions, qui doit être inaugurée ces tout prochains jours, probablement sans tapage vu le contexte actuel.
Mais vous aurez observé qu'ont aussi disparu de chez Merck Serono 500 emplois à Lyon et 600 emplois en Espagne; c'est donc une stratégie mondiale de cette entreprise qui a changé. Il n'en reste pas moins que les contacts ne sont pas rompus. En effet, la direction est indispensable dans le partenariat de la task force - et j'espère qu'elle en fera partie, même si pour le moment elle n'entend pas y participer - afin de calibrer un peu convenablement l'aide financière qu'elle pourrait accorder à ses anciens employés, en créant des structures soit à l'interne de Serono, soit à l'externe - les deux volets sont possibles - sur la base non pas de projets, mais de desseins réalisés ces derniers jours dans une atmosphère difficile. A nous de les aider à transformer ces desseins en projets. Nous ne pouvons pas en juger la qualité car nous n'en avons pas la compétence, même si nous les avons distribués, notamment au milieu académique auquel vous faites référence et à Eclosion, qui a l'habitude de ce type de situation.
Pourquoi nous battons-nous ? Nous nous battons pour garder des emplois, pour garder des emplois qualifiés dans un domaine qui pourtant nous était largement contesté il y a encore sept ou huit ans, quand nous avons inauguré Eclosion. Tant mieux, tout change, vous vous y êtes habitués et vous trouvez même que c'est bien, ce que nous pensons aussi; on est donc d'accord - ce n'est pas si fréquent que cela - et nous allons par conséquent continuer dans ce domaine.
Comment va-t-on garder des emplois qualifiés ? Il y a trois scénarios, pas cinquante mille ! Le premier consiste à trouver un repreneur à Serono dans son activité, avec les bâtiments, le personnel et les ustensiles. Nous avons cherché mais n'avons pas trouvé de maison pharmaceutique intéressée à ce jour par la reprise de l'entier, ce qui évidemment aurait été le plus simple. Nous n'avons pas trouvé, et ce n'est pas faute d'avoir cherché.
La deuxième solution consiste à créer un certain nombre de start-up, on en a déjà parlé il y a un mois. C'est une voie dans laquelle on a un certain savoir-faire académique et économique dans la métropole lémanique, et c'est donc quelque chose qu'on pourrait faire, qu'on peut faire, mais qui nécessite beaucoup d'argent. Je vous avais d'ailleurs rendus attentifs le mois dernier au fait que, pour développer une molécule en biotechnologie, il faut un milliard ! Il ne faut pas 30 millions, somme qu'entend donner Serono le cas échéant à ses anciens employés, mais bien un milliard pour développer ! Alors quand on veut développer pour un milliard, il faut bien entendu que cela s'insère dans un programme où des projets en sont à différents stades, où des innovations sont en train d'arriver sur le marché et peuvent déjà rapporter un certain montant, qui servira à financer d'autres développements. Il faut trouver des fondations qui sont intéressées à investir dans ce type de projets et nous en avons cherché en Suisse, en Europe et aux Etats-Unis; nous avons des contacts avec de pareilles fondations, que l'on met maintenant en relation avec les chercheurs de la maison, bien sûr, mais aussi des entreprises et des académies d'ici.
Alors vous en dire plus, Mesdames et Messieurs, on ne peut pas, parce qu'à ce stade ce qui ne constitue pas des desseins mais des projets - et il y en a - est couvert par des accords de confidentialité. C'est la raison pour laquelle passer par des auditions en commission n'est pas utile ! Soit les gens n'auront rien à dire parce qu'ils sont soumis à des accords de confidentialité, soit ils auront quelque chose à dire mais ne le pourront pas, et vous trouvez qu'ils parlent peu... Vous pouvez donc d'emblée présumer de ce qui sera ! Cette résolution doit être renvoyée au Conseil d'Etat, car c'est un signe dont nous avons besoin pour continuer à développer l'énergie que nous déployons depuis plus d'un mois afin d'essayer de résoudre tout ou partie de cette affaire.
Je termine bientôt, Monsieur le président. J'ai conscience d'avoir été un peu long, mais nous traitons deux objets ! S'agissant du deuxième objet, je ne vous cache pas qu'il m'aurait fait frémir si j'avais encore un âge pour cela... Il m'a en tout cas fait sourire de naïveté. En effet, quand la société Procter & Gamble est arrivée il y a cinquante ans, elle est venue avec 60 collaborateurs. Elle en est à un peu plus de 3200, ce qui signifie que, s'agissant de la planification - puisque vous faisiez référence, Madame, à des soucis de planification - Procter a dépassé de 200 emplois celle que nous avions prévue ensemble pour début 2013. Cette société a donc grandi plus vite que nous ne nous y attendions ! En conséquence, je ne vois pas en quoi planifier servirait à quoi que ce soit.
Et alors je ne vous cache pas non plus que, quand je lis que votre souci principal serait que... Où est-ce que c'est, c'est tellement idiot, cette affaire ! (Rires.) Quand je lis que «le Conseil d'Etat ne doit pas se laisser piéger», je me pose la question de savoir, Madame, s'il ne faut pas se laisser piéger par le franc fort sur lequel le gouvernement genevois ne peut rien; et lorsque les gens gagnent leur vie en dollars ou en euros - ce qui est le cas des grandes multinationales - mais qu'ils doivent payer leurs frais en francs suisses, devise qui a augmenté de 40% par rapport aux autres monnaies en une année, je ne vois pas ce que nous pouvons faire ni ce que nous pouvons planifier. Ce que nous pourrions peut-être planifier, c'est un meilleur accueil, et plusieurs d'entre vous l'ont dit. Mais ce meilleur accueil, Madame, vous le contestiez l'année dernière ! Les multinationales étaient des horreurs, elles mangeaient la place des Suisses, et des relents xénophobes apparaissaient dans la plupart de vos remarques et de vos réactions. Vous entendiez chasser les multinationales qui mangeaient les logements, les carottes et le reste aux Genevois ! Alors une telle hypocrisie, un tel opportunisme, quel que soit l'intérêt qu'il y a à rencontrer les entreprises - ce que je fais de toute manière et indépendamment de toute motion - ne méritent de mon point de vue que d'être shootés assez sèchement, parce qu'il est honteux de prétendre tout et son contraire en économie à six mois d'intervalle. Il y a six mois vous vouliez la mort des multinationales, et maintenant vous voulez que l'on aille boire le thé avec Procter & Gamble: c'est vraiment se moquer du monde ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous allons passer au vote... (Remarque.) Oui, Madame ?
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Nous demandons l'appel nominal pour le renvoi en commission et le vote final de la R 701.
Le président. Très bien. Etes-vous suivie ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Madame Meissner, vous demandez également le vote nominal ?
Mme Christina Meissner. Oui, je demande l'appel nominal pour le vote concernant le renvoi de la motion au Conseil d'Etat.
Le président. Bien. Etes-vous soutenue ? (Plusieurs députés lèvent la main.) C'est le cas. En premier lieu, nous allons voter sur le renvoi de la R 701 à la commission de l'économie.
Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi de la proposition de résolution 701 à la commission de l'économie est rejeté par 48 non contre 43 oui.
Le président. Ce renvoi ayant été refusé, nous nous prononçons maintenant, toujours au vote nominal, sur le renvoi de cette proposition de résolution au Conseil d'Etat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 701 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui contre 7 non et 24 abstentions.
Le président. Nous passons à la M 2089, dont nous votons d'abord le renvoi à la commission de l'économie.
Une voix. Non, il y a des amendements !
Le président. Non, Monsieur, je vous rappelle la procédure habituelle relative aux motions: s'il y a des amendements et une demande de renvoi en commission, nous votons d'abord sur le renvoi et, si ce dernier est refusé, nous nous prononçons sur les amendements. Et voilà ! Je mets donc aux voix le renvoi de cette motion à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2089 à la commission de l'économie est rejeté par 92 non et 1 abstention.
Le président. Nous passons donc au vote sur l'amendement, qui consiste à abroger les deux premières invites.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 91 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 2089 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 52 oui contre 39 non et 1 abstention.
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante. Il s'agit de la R 699, qui figure au point 57 bis. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. le premier résolutionnaire Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Depuis quelques mois, le parti démocrate-chrétien est préoccupé par le fait que les médecins mais aussi les hôpitaux rencontrent des problèmes pour s'approvisionner en médicaments. Si nous déposons cette résolution pour inviter le Conseil d'Etat à solliciter les Chambres fédérales, c'est parce que Genève a un hôpital universitaire - de même que le canton de Vaud - et que, dernièrement, les professeurs d'oncologie des hôpitaux universitaires des cantons de Vaud et de Genève ont tiré la sonnette d'alarme en disant que certains médicaments anticancéreux étaient en rupture de stock. Nous nous sommes rendu compte que cette rupture de stock ne concernait pas seulement certains médicaments anticancéreux, mais aussi des anesthésiques, des antidépresseurs et certaines formes de cortisone. Et nous nous sommes aperçus que ce problème touchait également les cabinets médicaux. Dans mon cabinet de rhumatologie, par exemple, nous avons plus de peine à obtenir certains dérivés de la cortisone et nous devons nous fournir sur certains «marchés gris» qui obligent à acheter des gros stocks de médicaments, à des prix qui n'ont plus rien à voir avec les tarifs habituels du marché.
Je vous donnerai un exemple qui est très préoccupant: il s'agit d'un monsieur qui est atteint d'un cancer et qui doit prendre un médicament qui s'appelle le Leukeran. Le mois dernier, il a acheté trois boîtes dans la même pharmacie à Carouge, et la première fois il a payé 19,80 F, la deuxième 30 F et la troisième 127 F. Et pourquoi 127 F la troisième fois? Parce qu'il n'y avait plus de stock en Suisse, que la pharmacie a dû se fournir sur le marché gris en Allemagne et que les intermédiaires prennent forcément une marge énorme. Le médicament a donc été acheté 127 F.
Le problème, c'est donc que l'on en arrive - et les pharmaciens des hôpitaux cantonaux le disent - à des situations où l'on n'a plus de stock pour réaliser certaines préparations anticancéreuses, ce qui met la santé des gens en danger. Il faut par conséquent absolument que ce problème-là soit pris en compte à Berne, parce que l'on a l'impression que Swissmedic et le Conseil fédéral passent complètement à côté de cette problématique. Or, lorsqu'on se rend à des congrès médicaux, on constate que ce problème y est discuté tous les jours, et les Américains ont déjà pris des mesures, de même que les Canadiens. C'est à l'échelle du monde entier que ce problème se pose et nous devons réagir en tant que canton qui possède un hôpital universitaire, parce que nous devons protéger les gens qui sont soignés. On ne peut pas continuer comme ça, car on risque de devoir arrêter certains traitements, ce qui peut être extrêmement préjudiciable pour les malades.
Pourquoi en arrive-t-on là ? Simplement parce que certaines substances sont devenues tellement bon marché que certaines industries n'ont plus intérêt à les produire. Et pourtant ces médicaments fonctionnent bien, on les connaît bien, on sait comment s'en servir, on en connaît bien les effets secondaires, et ce sont des médicaments qu'on utilise tous les jours. Or ces médicaments ont tendance à disparaître, ou alors...
Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Bertrand Buchs. Merci, Monsieur le président. Je conclus en vous disant ceci: vu l'urgence de la situation, et dans la mesure où les Chambres fédérales sont réunies maintenant, que des motions relatives à ce problème seront déposées auprès des Chambres fédérales et que les présidents de la santé de tous les cantons ont déjà alerté le Conseil fédéral à ce sujet, nous vous demandons de renvoyer directement cette résolution au Conseil d'Etat. Nous vous remercions.
M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, la problématique que vient d'évoquer mon collègue est tout à fait vraie; elle est réelle, elle est dramatique, et il l'a bien exprimée. Il s'agit d'un problème mondial, qui se discute dans le Bureau ovale, dans les instances de l'ONU ainsi que dans les plus grosses instances intergouvernementales.
Or le problème que nous avons, nous autres des groupes libéral et radical, c'est que nous savons que notre parlement est omnipotent et qu'il est bourré de personnes dotées de nombreuses compétences, mais nous nous posons la question de savoir si cet hémicycle est vraiment fait pour traiter ce genre de problèmes. En effet, ces derniers sont dramatiques, très techniques, mais ils dépassent la réalité genevoise, tout simplement ! C'est pour cela que nous sommes un peu dubitatifs et que nous n'avons pas voté l'urgence. Mais nous ne nous opposerons pas à un renvoi en commission, d'autant moins que l'invite est juridiquement inexacte: «demander aux Chambres fédérales de proposer au Conseil fédéral» ne tient pas la route et, d'après nos experts en droit et nos juristes, cette résolution risquerait d'être shootée tout simplement pour cause de non-conformité. Nous vous proposons donc de la renvoyer à la commission de la santé pour qu'elle soit retravaillée.
Mme Christina Meissner (UDC). Je remercie le bon docteur Buchs d'avoir attiré notre attention sur la situation dramatique que nous sommes en train de vivre. On joue, au nom du fric, avec la vie des gens, et c'est intolérable. Entre l'obsolescence programmée des médicaments et les nouvelles pathologies qui sont inventées pour nous vendre de nouveaux médicaments alors que les anciens fonctionnent très bien, il y a effectivement un manque d'éthique dramatique au niveau de certaines entreprises pharmaceutiques, il faut le reconnaître. Alors nous devons évidemment soutenir les sociétés qui font preuve d'éthique, qui respectent l'environnement, leurs employés et surtout une manière d'être, mais par ailleurs nous devons aussi ne pas laisser d'autres jouer avec la vie des gens. Dans nos pays, surtout s'agissant de la Suisse, nous avons des entreprises pharmaceutiques magnifiques - Novartis notamment, dont on a parlé, mais il en existe tant d'autres - et ce serait quand même un comble que nous n'ayons plus de médicaments pour pouvoir nous soigner et vivre des jours heureux dans notre beau pays, en bonne santé et avec de bons médicaments.
C'est la raison pour laquelle il n'y a pas lieu de renvoyer une telle résolution en commission, car c'est clairement un signal, là aussi, que nous devons donner aux Chambres fédérales. Alors peut-être que l'invite n'a pas été rédigée dans les règles de l'art, mais je rappelle qu'il s'agit là d'une déclaration et que notre parlement a le droit de faire des déclarations quand il estime qu'il est question de sujets importants. Aux yeux de l'UDC, c'est un sujet important, et nous soutiendrons donc le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat.
M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'étais il y a quelques heures encore aux Etats-Unis, et nous avons abordé ce problème qui est bien sûr très aigu dans cet autre continent, mais qui est exactement le même que celui que nous avons. Nous sommes face à un scandale et face à un dossier qui devient très chaud. Scandale, parce que d'une part il y a une pénurie programmée de médicaments, et que d'autre part nous assistons au développement de réseaux que nous appelons les «réseaux gris»: c'est un marché juteux qui permet à certains de bloquer les médicaments, de bloquer les productions, ou alors de faire des stocks et de les revendre à des prix abusifs.
Nous sommes donc face à un problème éthique, puisque les premiers à en souffrir sont les patients. Et je tiens à vous dire par exemple que les femmes qui sont atteintes d'un cancer de l'ovaire en Suisse et qui étaient soumises à un programme national sont dans l'incapacité de le poursuivre à cause d'un médicament qui a été retiré, à savoir le Caelyx, pour ceux qui auront eu le temps de voir ce qu'il en est. Je rappelle que cette molécule était impropre sur le plan chimique, et il s'avère que, derrière cette molécule, il y a d'énormes contrats juteux qui prennent le relais. Donc les femmes sont touchées, tout comme les hommes, la médecine privée est touchée, tout comme la médecine académique, et c'est tout à fait scandaleux.
Le deuxième point, c'est bien sûr le problème de l'augmentation des prix. Vous avez bien compris que nous partons du générique, et que ces génériques ont été l'objet d'énormes pressions par les hôpitaux également, il faut le dire, par les groupes qui achetaient, qui eux-mêmes ont fait d'énormes pressions sur certains groupes qui produisaient; parmi ces groupes, certains ont fait faillite, d'autres se sont regroupés, et certains ont adopté cette stratégie qui est tout à fait inhumaine et dans laquelle il y a bien sûr une concurrence dans le prix.
Il y a aussi - attention ! - des éléments que nous devons maintenir, et il faut éviter les amalgames; la chimie suisse n'est pas en cause, je tiens à le dire franchement ce soir. Nous avons entendu tout à l'heure M. Stauffer déclarer que Novartis recevait des subsides de la Confédération, mais c'est faux: je m'insurge contre ce principe totalement faux ! C'est fallacieux, c'est un mensonge.
Alors que se passe-t-il en Suisse ? Eh bien nos compagnies essaient de remonter la pente, essaient de revenir par leurs usines - qui se construisent malheureusement aussi en Europe, notamment en Autriche - mais la production de ces médicaments prend entre dix-huit et vingt-quatre mois. Il y a donc un hiatus qui va mettre du temps à être comblé et qui ne sera pas rapidement récupérable.
Pourquoi renvoyer ce texte d'abord au Conseil d'Etat, puis ensuite à Berne ? Parce qu'il y a en Suisse un baromètre, qui s'appelle la confiance politique, c'est-à-dire que nos institutions sont régulées et que l'on ne fait pas n'importe quoi tant au niveau de son cabinet qu'au niveau des achats de médicaments. Ensuite, il y a la confiance institutionnelle, parce qu'en Suisse les hôpitaux, comme les médecins, travaillent avec une certaine méthodologie, une certaine éthique, et les compagnies font de même. Il y a en outre un problème de confiance économique, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, les mesures d'achats à prix cassé ou de reventes à prix usurpé aboutissent toujours à des contradictions, à des horreurs, et nous avons ce soir un bel exemple d'une riposte de l'industrie qui est tout à fait disproportionnée. Nous voulons également une confiance sociétale, parce que nos patientes et nos patients sont malheureusement les premiers touchés et que, comme cela a été dit, nous sommes face à un problème de responsabilité non seulement par rapport à l'avenir, mais aussi au temps présent. C'est la raison pour laquelle nous demandons au Conseil d'Etat d'intervenir et de faire en sorte que soit bien étudié ce problème d'approvisionnement et de régulation.
Le président. Monsieur le député, vous avez épuisé votre temps de parole !
M. Michel Forni. Merci, Monsieur le président. Je demande donc que nous puissions transmettre ce texte au Conseil d'Etat afin qu'il l'étudie et qu'il le fasse suivre ensuite à Berne. (Applaudissements.)
M. Melik Özden (S). Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de résolution de M. Buchs met le doigt sur un problème réel, mais qui est créé, comme cela a été souligné, par des compagnies pharmaceutiques transnationales. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'à l'origine de ce problème se trouve le système de brevets. En effet, selon l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, connu sous le nom d'ADPIC, un brevet a une durée de vie de vingt ans; après, il tombe dans le domaine public. C'est pourquoi l'industrie pharmaceutique a pris la mauvaise habitude ces dernières années de sortir de prétendus nouveaux médicaments contenant des modifications mineures par rapport aux anciens médicaments déjà existants, le but étant de pouvoir étendre leur durée de vie et de continuer à engranger des bénéfices qu'ils ne méritent pas. C'est ce problème qui est à l'origine de la pénurie de médicaments et, je le répète, c'est une pénurie qui a été créée et entretenue par l'industrie pharmaceutique.
Les autorités fédérales devraient s'attaquer à l'origine du problème, elles devraient serrer la vis par rapport à l'attribution de brevets à tout-va, car de nombreux nouveaux médicaments sur le marché ne méritent pas d'obtenir le label de nouvelle découverte. Les autorités fédérales peuvent également, en invoquant la santé publique, obliger les fabricants à fournir les médicaments indispensables hors période de brevet pour approvisionner nos hôpitaux.
En conclusion, le groupe socialiste soutiendra l'adoption de cette résolution et s'opposera à son renvoi en commission, car c'est aux autorités fédérales de prendre les mesures qui s'imposent dans ce domaine. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre attention.
Présidence de M. Pierre Losio, président
M. Mauro Poggia (MCG). Avant toute chose et puisque mon intervention sera courte, j'aimerais faire une remarque concernant la manière dont les députés sont interrompus lorsqu'ils arrivent à l'approche de la fin de leur temps de parole. Pour fréquenter le Conseil national, je constate que jamais le président du Conseil national n'interrompt un député: il a le tact de tapoter sur sa petite cloche pour faire sentir à la personne qui s'exprime qu'elle arrive au bout de son temps. Je trouve cela beaucoup plus respectueux que d'interrompre quelqu'un qui est en train de parler et j'aimerais bien que cette pratique que j'apprécie beaucoup s'applique aussi dans notre parlement. Cela étant... (Commentaires.) Peut-être que vous appréciez d'être interrompus, mais moi pas, et quand on me fait signe que j'arrive au bout, j'ai la discipline de m'arrêter. (Commentaires.)
Maintenant concernant le texte qui nous occupe ici, je pense qu'il s'agit d'un sujet effectivement important, mais il faut avoir l'humilité de savoir que les vagues que nous faisons ici sont égales à celles que peut faire un poisson rouge dans un bocal. Donc nous pouvons manifester, mais cela aura évidemment un impact extrêmement restreint. Nous allons par conséquent évidemment soutenir cette démarche, parce que sur le principe elle est louable, mais il faut être conscient de son caractère limité.
Ce qui est particulièrement choquant, c'est que la Suisse est le pays de l'industrie pharmaceutique; la Suisse subventionne l'industrie pharmaceutique directement, mais aussi indirectement, puisque le prix de nos médicaments est supérieur à celui que paient nos voisins. Et l'on nous explique année après année que si nous payons plus cher, c'est parce que précisément la recherche coûte cher, que nous avons cette industrie chez nous - la chance de l'avoir chez nous ! - et qu'il faut donc indirectement la subventionner. Alors quand on entend que cette même industrie pharmaceutique joue finalement la récession des médicaments pour en tirer des profits financiers, je trouve cela indécent et totalement inacceptable. Mais il faut évidemment être conscient que le problème est complexe et qu'il sera difficile, par une simple intervention comme nous le faisons ici à l'intention de Berne, de faire changer cette situation lamentable.
M. Pierre Conne (R). Chers collègues, le problème est évidemment important, et il ne s'agit pas de le nier. Néanmoins, cette résolution m'irrite; elle m'irrite parce que, dans le fond, c'est comme si maintenant nous nous mettions à crier «Au feu ! Au feu !», alors que d'autres, bien avant nous, ont déjà appelé les pompiers et que ceux-ci sont à l'oeuvre pour tenter de résoudre le problème. Cela fait plus d'un an que ce processus de raréfaction de certains médicaments au plan mondial est connu, cela fait plus d'un an que le gouvernement fédéral s'est saisi de la question, et actuellement l'Office fédéral de la santé publique travaille d'arrache-pied pour trouver des solutions, en collaboration avec les directeurs de la santé cantonaux. Alors oui, nous pouvons nous agiter, nous pouvons chercher à nous faire de la publicité sur un problème extrêmement sensible et extrêmement important, mais s'il vous plaît ne nous ridiculisons pas et, pour le moins, rédigeons un objet qui soit correct en termes de droit, de manière que nous ne soyons pas, en plus de cela, tournés en ridicule sur ce plan-là. Nous avons donc déjà formulé la proposition de renvoyer cette résolution à la commission de la santé, et probablement qu'il sera beaucoup plus intéressant de retravailler la problématique de fond. Il n'est absolument pas nécessaire d'agir dans l'urgence puisque les instances fédérales sont déjà en train de traiter la question. Nous pourrions donc étudier cela au sein de la commission de la santé et proposer un texte bien mieux élaboré et plus correct sur le plan juridique. En conclusion, je réitère notre demande de renvoyer cette résolution à la commission de la santé.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). J'ai l'impression que, dans ce parlement, on découvre les mécanismes de l'économie de base, ceux qui ont - c'est très simple - créé la pénurie pour vendre plus cher un produit. Point barre ! Et quand on voit les choses comme ça, on se dit que l'industrie pharmaceutique n'a rien inventé, qu'elle fait simplement tourner une roue qui est très très connue et que l'on est en train de subir actuellement. On sait que les problèmes pharmaceutiques, les problèmes de pénurie de médicaments vont ou sont en train d'arriver, et qu'on doit acheter des médicaments à des prix plus élevés non pas parce qu'ils n'existent pas, mais simplement parce qu'on a créé une pénurie de façon artificielle. On vit ce que vivent les pays du tiers-monde tous les jours, et je pense que, pour une fois, eh bien c'est peut-être à nous de payer aussi ce genre de choses. C'est bien dommage, mais c'est une réalité.
Le fait que cette résolution soit parfaite ou non n'est donc pas la question. Cette résolution soulève un problème important et redit au Parlement fédéral qu'il faut peut-être remettre une couche et s'activer un peu plus pour résoudre cette problématique, et je pense par conséquent que notre parlement se doit de la renvoyer là où il doit, c'est-à-dire à Berne.
M. Claude Aubert (L). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, dès l'instant où l'on devient émotionnel et que l'on désigne des victimes - en l'occurrence les patients qui seraient victimes de ces pénuries - on désigne immédiatement le persécuteur, et le persécuteur c'est l'industrie pharmaceutique qui amasse des millions pour le profit de ses managers. On passe donc d'une caricature à une autre caricature.
Tout à l'heure nous avons parlé de Serono, eh bien cette entreprise a eu un énorme problème: elle a créé un médicament qui marchait très bien, elle a continué à le produire encore et encore et, tout d'un coup, les recherches ayant été extrêmement poussées dans d'autres pays et dans d'autres industries, elle a essayé de développer quelque chose; mais ça n'a pas marché et, comme il n'y avait qu'un seul médicament qui était vraiment porteur, eh bien voilà, ça s'arrête. Alors maintenant on se gausse des industries pharmaceutiques qui créent beaucoup de médicaments, mais elles ne le font pas simplement pour enrichir les actionnaires: ces médicaments nouveaux sont aussi utiles. Et je vous livre un rappel historique: quand il y a eu l'épidémie de sida, vous rendez-vous compte de la vitesse de réactivité des industries pour trouver des médicaments nouveaux pour un problème nouveau ? S'il avait fallu avoir une académie qui planifie la recherche en pharmacologie pour les cinq ans à venir, on aurait probablement mis dix ans pour s'occuper du sida. Il faut donc cesser de parler en termes de caricatures, de victimes et de persécuteurs, et se dire qu'il y a des moments où, s'il faut quasiment un milliard d'investissements pour développer un médicament, il faut être d'accord qu'il existe évidemment des questions d'argent, mais que l'objectif des industries pharmaceutiques n'est pas simplement de tondre les patients, mais aussi de produire des médicaments dont vous profitez tous.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez dit l'essentiel. Peut-être conviendrait-il de préciser ce que l'on veut réellement demander aux Chambres, respectivement au Conseil fédéral, et il est vrai que ce sujet va être traité par les Chambres lors de la session actuelle, mais je doute que votre texte serait agendé à cette session, même si on l'envoyait - ce qui serait probablement le cas - lundi ou mardi.
Ou alors on peut essayer de l'améliorer, parce que le problème de fond est réel et que les solutions ne sont pas innombrables. A l'heure actuelle, les maisons pharmaceutiques qui arrêtent de produire un médicament ou qui ne comptent pas renouveler leur stock ont l'obligation, en tout cas en Suisse, de prévenir l'autorité sanitaire deux mois à l'avance. C'est déjà très court, et en plus le délai n'est pas respecté. Alors il y aurait peut-être une réflexion à mener autour de ce délai, en disant que si une industrie pharmaceutique arrête de produire un médicament qui n'a pas d'alternative, il devrait être obligatoire de pouvoir le prolonger, quitte à ce que l'on trouve des clés de répartition sur le financement de la prolongation, etc. Là, il y a une vraie question que l'on pourrait probablement essayer de développer un peu en commission.
L'autre élément est celui de la gestion des stocks, parce que si le problème est mondial - et c'est vrai - il est moins grave pour les hôpitaux du bassin lémanique que pour les autres hôpitaux, puisque nous sommes regroupés en termes d'approvisionnement, ce qui fait que notre gestion du stock est un peu meilleure qu'elle ne l'est ailleurs. Et même dans les hôpitaux où la gestion du stock n'est pas idéale, elle est meilleure que ce qui se passe dans un cabinet médical, et c'est bien normal, parce qu'on ne parle pas des mêmes quantités.
Ce problème est un problème réel et, sans vouloir du tout être dilatoire, un petit détour en commission permettrait peut-être d'affiner le type de demande que l'on peut faire à la Confédération, dans l'espoir qu'elle puisse la faire appliquer, parce que la demande telle qu'elle est actuellement est tellement générale pour un problème mondial que j'ai peur que cela n'ait pas un impact suffisant, mais c'est votre décision qui l'emportera.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous passons à présent au vote sur le renvoi de la R 699 à la commission de la santé. En cas de refus, nous nous prononcerons sur la proposition de résolution elle-même.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 699 à la commission de la santé est rejeté par 43 non contre 41 oui et 2 abstentions.
Mise aux voix, la résolution 699 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 26 non et 2 abstentions.
Débat
Le président. Nous passons à notre avant-dernière urgence, à savoir la R 695, qui figure au point 57. Ce débat est classé en catégorie II: trente minutes. Il nous reste une demi-heure, nous devrions donc arriver à traiter cet objet. La parole est au premier signataire, M. Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le président. Je serai bref ! Mesdames et Messieurs les députés, vous n'êtes pas sans savoir que la Radio Télévision Suisse, dans le cadre de ses mesures d'économies, envisage de supprimer son programme en langue anglaise. Le Conseil d'Etat s'est ému de cette situation et a écrit il y a déjà quelques semaines pour exprimer son inquiétude quant à l'éventuelle disparition de ce programme. Il faut donc que nous autres députés du Grand Conseil nous posions la question de savoir pourquoi soutenir le Conseil d'Etat dans cette démarche. Alors je vous fais grâce des considérations économiques et diplomatiques, de l'importance de la communauté anglophone pour la Suisse et plus particulièrement pour Genève, mais je pense que nous, députés, avons une responsabilité particulière par rapport aux liens historiques qui nous unissent à la communauté anglophone. En effet, vous n'êtes pas sans savoir que nous siégeons dans une maison qui abrite la salle de l'Alabama, or cette salle est le lieu où a été signé en 1872 le fameux traité entre les Etats-Unis et l'Angleterre, qui a soldé en quelque sorte tous les comptes de flibusterie et de piraterie pendant la guerre de Sécession. C'est l'un des textes fondateurs, avec la création de la Croix-Rouge, de la Genève internationale, qui a permis, en partie, la prospérité de notre ville à l'heure actuelle et qui a rejailli sur l'ensemble de la Suisse - raison pour laquelle WRG est devenu WRS.
Alors si nous devons avoir une radio anglophone, quel type de radio devons-nous avoir ? La communauté anglophone est importante, mais elle a un petit travers: elle ne vit pas avec nous, elle vit à côté de nous. Mais il faut savoir que c'est assez simple; comme l'anglais est la «lingua franca», les anglophones peuvent tout à fait vivre en Suisse en anglais, en tout cas dans les grands centres urbains. WRS propose un programme original: tous les matins les animateurs de cette radio intéressent leurs auditeurs à ce qui se passe en Suisse, à la politique suisse, et ils interrogent même des politiciens suisses. Ils essaient donc d'intégrer au maximum cette population.
Vous avez tous reçu une lettre de M. Mark Butcher, un ancien journaliste de WRG qui travaille maintenant pour l'un des concurrents de WRS. Il vous présente un modèle de radio commerciale, et d'ailleurs il ne s'en cache pas, sa lettre est très explicite. C'est très - vous me pardonnerez cet anglicisme - «business oriented». Je suis moi-même allé sur le site de AngloINFO et vous n'y trouvez pas cette touche locale, cette touche d'intérêt national. Nous autres francophones, nous écoutons parfois WRS, mais je peux vous dire qu'aucun de nous ne se branchera sur Radio Frontière, ou Radio Frontier, parce que ce sera une radio pour les expats et uniquement pour eux.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, même si cette résolution est symbolique, il nous faut soutenir l'exécutif dans ses démarches pour maintenir une radio de langue anglaise au sein de la RTS. Je vous remercie de m'avoir écouté.
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'intégration ne concerne pas que les réfugiés et elle ne passe pas uniquement par l'apprentissage du français; l'intégration a différentes facettes et il est nécessaire de multiplier les occasions pour inviter les étrangers qui résideront plus ou moins longuement en Suisse à établir des ponts pour permettre de s'approprier notre culture. Ainsi, l'intérêt de WRS est de donner accès à l'actualité politique, culturelle et sociale de Genève et de la Suisse. La Confédération finance le programme Swissinfo, successeur de Radio Suisse Internationale, en neuf langues, pour la communauté internationale ainsi que pour les Suisses de l'étranger. Il y aurait quelques paradoxes à ne pas investir pour cette même communauté internationale dans les frontières de notre pays. Enfin, la Genève internationale n'est pas qu'un projet genevois, mais bien une politique nationale et, à ce titre, il semble normal de se donner les moyens de soutenir un programme de langue anglaise en Suisse en tant qu'outil au service de cette politique de la Genève internationale. Dans ce sens-là, nous vous invitons à soutenir cette résolution.
M. Guy Mettan (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, beaucoup de choses ont été dites, et je ne vais pas les répéter. J'aimerais juste rappeler deux ou trois éléments. Cette radio a été fondée il y a une douzaine d'années et s'appelait alors World Radio Geneva. Elle a été largement soutenue par le canton qui, au début des programmes de WRG, a mis environ 500 000 F par an pour soutenir cette radio. Et pourquoi le canton s'est-il beaucoup investi en faveur de cette dernière ? C'est parce que, comme cela a été bien dit, il s'agit d'abord de s'adresser aux 120 000 anglophones qui sont dans notre région et dans la région zurichoise, mais aussi de resserrer les liens avec tous les fonctionnaires internationaux, les quelque 40 000 fonctionnaires internationaux qui sont à Genève et qui s'expriment majoritairement en anglais. Il faut savoir qu'il y a une pétition qui circule dans ces milieux internationaux: elle a déjà été signée par des milliers de personnes et nous sera prochainement remise. C'est dire que l'attention est très grande, et ce n'est pas du tout un problème uniquement genevo-genevois; la préoccupation dans tous ces milieux est vraiment très grande.
J'aimerais encore rappeler quel est le budget de cette radio: c'est 3 millions de francs pour une vingtaine d'employés, alors que la SSR a un budget de plus d'un milliard de francs par année. Je crois donc que la SSR peut tout à fait se permettre de payer ce programme qui est très utile non seulement à Genève, mais à l'ensemble des anglophones de Suisse.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez vu lors de la précédente séance, nous avons refusé l'ajout et l'urgence. Oh, certains se disent déjà: «Ils ne veulent même plus entendre de l'anglais sur leurs ondes !» Mesdames et Messieurs les députés, lorsque nous avons reçu cette proposition de résolution, nous y étions presque favorables au sein de notre caucus. Toutefois, comme tout un chacun, nous avons trouvé totalement déplorable que, dans cette résolution, rien ne soit mentionné quant au fait qu'il pourrait peut-être y avoir quelqu'un qui n'est pas si diabolique que M. Saudan a bien voulu le dire, une société qui a aussi une grande implantation, ou tout du moins qui veut l'avoir, qui veut aussi travailler sur Zurich, une société qui est elle aussi dans la FM.
Alors en définitive, oui, l'UDC, par rapport à ce forcing que M. Saudan et peut-être certains de ses amis tentent de nous faire, mais je vois que la majorité est là... En somme on vous présente un projet tout fait, on vous dit que c'est parfait, et je comprends le groupe socialiste, la SSR est leur petit, c'est bien clair qu'ils vont soutenir cela... Ce qui m'étonne le plus, c'est que le PLR au moins n'offre pas l'opportunité d'aller un peu plus loin pour voir ce que ce groupe peut réellement faire, mais balaie simplement d'un revers de la main les efforts de cette Radio Frontière en disant: «Non, il n'y a que WRS, par rapport à la SSR, qui pourrait être viable.» Nous ne le pensons pas ! C'est la raison qui nous a poussés à dire non, nous ne sommes pas d'accord, pour amener un peu de débat. Et j'aimerais dire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il semblerait ce soir que vous êtes très sélectifs, et même - je vais vous faire hurler - soviétiques dans vos décisions. Le groupe UDC maintiendra donc sa position. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Christina Meissner, à qui il reste une minute trente.
Mme Christina Meissner (UDC). Thank you, Mr President. For once, if you allow me, I'll speak in English... (Exclamations. Commentaires.) ...as what is at stake today is to know whether we want to keep an English-speaking radio in our country, and especially in Geneva. I'm not talking to my dear friends and colleagues of the deputy, but to the English-speaking people who hopefully do listen to us, even at such a late hour. (Brouhaha.) And if not to the English-speaking community, I would like to say to World Radio Switzerland, or maybe to Radio Frontier, that we would really love to have more contacts with you, because we regret that we have not been contacted by you, although your future is at stake.
Well, thank you, Mr President, for helping me and allowing me to speak in a language which is cherished by a lot of people in Geneva. That would be all. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Je tiens tout d'abord à féliciter pour une fois Mme Meissner...
Une voix. En latin ! En latin !
M. Pierre Weiss. Je ne le ferai pas en latin mais, enfin, je le pense quand même ! S'agissant de cette résolution, j'aimerais dire en premier lieu, dans la ligne de ce que M. Mettan a indiqué tout à l'heure, que cette station de radio, ce service public à la communauté anglophone de notre pays, c'est peanuts pour le budget de la SSR. Mais la proposition de la SSR montre combien cette régie publique, jadis monopole, privilégie son fonctionnement interne par rapport à sa mission réelle, combien elle privilégie le fonctionnement de sa bureaucratie par rapport aux auditeurs et aux téléspectateurs pour lesquels elle devrait travailler. Car les conséquences du maintien de World Radio Switzerland, c'est effectivement une réduction des moyens alloués à la bureaucratie, au profit des moyens alloués au service public de la communauté anglophone de notre pays, si possible dans un esprit de compétition, avec des stations privées, chères à M. Lussi.
Le deuxième élément que je tiens à relever, c'est qu'évidemment, de façon un peu sournoise, la SSR choisit ses victimes. Ces victimes, ce ne sont pas les Rhéto-Romanches, parce qu'on aurait pu se demander après tout pourquoi ne pas couper les chaînes rhéto-romanches... Ces victimes, ce n'est pas le deuxième, le troisième ou le quatrième programme qu'elle peut proposer sur les ondes. Non, ces victimes, c'est une communauté qui actuellement est obligée de payer la redevance - 462 F par an - mais qui en revanche ne vote pas. On choisit donc comme victimes des gens qui ne sont pas électeurs: c'est sournois, c'est mesquin, ce n'est pas digne d'une radio et d'une télévision de service public. Voilà aussi un argument, Monsieur le président du Conseil d'Etat, que je souhaite que vous rapportiez auprès de la direction et de la présidence de la SSR quand elles réfléchiront à leur façon de regagner de la popularité et une image de véritable radio et télévision au service de la population suisse et des habitants anglophones de notre pays.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Le MCG est tout à fait favorable au soutien de cette résolution. Quel plaisir d'écouter la radio internationale quand on est à l'étranger ! C'est extraordinaire de pouvoir écouter la radio dans sa langue maternelle - que ce soit le français, l'italien ou autre - et avoir des nouvelles qui sont relativement proches de soi. Alors je ne voudrais pas être lyrique, mais je dirais quand même que, lorsqu'on tue une radio pour des raisons d'économies, c'est un peu comme quand on se débarrasse d'une bibliothèque: ça laisse des traces, et c'est fort dommage.
Mes préopinants ont évoqué toutes les raisons d'accepter ce texte et je ne les répéterai pas, mais j'aimerais juste relever les principaux motifs. La forte présence à Genève et dans les environs, l'écoute qui est faite et l'analyse des besoins vont vraiment dans le sens de garder cette radio et de pouvoir la développer. L'outil d'intégration, comme l'a bien dit ma collègue socialiste, fonctionne dans les deux sens, et apprendre de notre milieu culturel mais aussi participer à la vie du canton ainsi que des communes me semble un bon facteur d'intégration. Quand on vit quelque part - et j'ai travaillé aussi dans une multinationale - il y a à la fois beaucoup d'aspiration et beaucoup de rejet. Il y a une incompréhension du monde dans lequel les gens vivent, ils ne savent pas comment on achète le pain, combien ça coûte, etc. Mais d'un autre côté il y a une volonté de s'intégrer: les femmes et les enfants le font donc en général, les maris un peu moins. Cette possibilité permet par conséquent une double intégration.
Quant à l'aspect culturel, je crois qu'on en est très proche. Vous avez évoqué les accords qui ont été conclus entre les Etats-Unis et l'Angleterre, et ensuite aussi pour le CICR. Je pense qu'il y a là une tradition qu'on pourrait encore plus mettre en évidence en cette période où l'on est à la recherche de liens, des liens culturels qui pourraient exister et qui nous éviteraient bien des inconvénients. Il y a une vingtaine d'années, nous avons déjà raté la possibilité d'avoir la radio BFM à Genève et de la développer. Je crois que l'on peut s'en mordre les doigts, et il serait dommage de perdre aussi celle-ci.
M. Patrick Saudan (R). Je voudrais juste répondre rapidement à M. Lussi qui m'a un peu mis en cause, et d'abord féliciter Mme Meissner pour la qualité de son anglais. Monsieur Lussi, je sais que vous appartenez à un parti qui a l'habitude des caricatures outrancières et des propos un peu diffamatoires, mais sachez que cette démarche est spontanée et que le PLR n'est pas une bande de copains qui est acoquinée avec tel ou tel groupe... (Commentaires.) Et je précise simplement, par rapport à Radio Frontier, que j'ai rendez-vous lundi avec M. Butcher pour discuter avec lui. En effet, je suis le dossier, et il m'a contacté suite à cette résolution. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Alors, s'il vous plaît, arrêtez ! Si vous êtes juste capable de traîner dans la boue vos adversaires politiques parce que vous manquez d'arguments, vous êtes vraiment minable. Voilà ! (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Bertschy, il vous reste trente secondes, les voulez-vous ?
M. Antoine Bertschy (UDC). Oui, merci, Monsieur le président. Je suis surpris, je suis dépité par les propos que je viens d'entendre. Monsieur le résolutionnaire, si vous n'avez pas encore toutes les informations, faites preuve d'intelligence et, comme l'UDC l'a fait lors de la dernière session, retirez votre résolution ! On retraitera ce sujet dans six mois, quand vous aurez tous les renseignements nécessaires ! Visiblement, vous manquez d'informations, alors n'allons pas plus avant.
Moi j'ai de la peine à comprendre cette résolution du PLR: on a une radio qui est privée, qui marche très bien, qui a beaucoup d'auditeurs - 50 000 - et on veut faire de la concurrence; le PLR veut faire de la concurrence à une radio qui est privée, avec des fonds publics, pour une radio qui fonctionne moins bien... Je suis désolé, Monsieur le député, mais expliquez-moi où est la logique économique là-dedans ! Nous avons fait preuve d'intelligence...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Antoine Bertschy. Je vais conclure. Nous avons fait preuve d'intelligence le mois dernier en retirant notre motion, alors faites-en de même, s'il vous plaît, Monsieur le député ! (Remarque.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. René Desbaillets pour trente secondes.
M. René Desbaillets (L). Merci, Monsieur le président. Je m'excuse, mais moi je suis genevois depuis 1378, j'ai peu été à l'école, j'ai fait des HES - des hautes écoles communales de Satigny - et je n'ai pas compris les propos de Mme Meissner ! (Commentaires.) Est-ce que vous pourriez la rappeler pour qu'elle vienne s'exprimer en français afin que je puisse voter juste sans me tromper ? Je n'ai pas pu comprendre tout le débat, alors ce serait gentil, Monsieur le président, s'il vous plaît ! (Rires.) C'est pour un pauvre Genevois qui ne sait pas l'anglais, en tout cas qui ne le parle pas aussi bien que ça...
Le président. Je suis très sensible à votre complainte, Monsieur le député, mais je vous suggère de prendre rendez-vous avec Mme la députée Meissner à la salle Nicolas-Bogueret... (Exclamations.) La parole est à Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Ecoutez, je vous laisserai faire vos rendez-vous galants dans les salles attenantes... (Exclamations.) Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, très rapidement, car l'heure avance, j'aimerais vous dire que le Conseil d'Etat s'est effectivement ému de cette décision, ou plutôt de cette volonté qui s'est trouvée exprimée par certaines rumeurs de nous faire abandonner ce magnifique instrument de liaison avec la population internationale qui nous tient à coeur. Il s'agit de 33 000 emplois rien que pour Genève, centre mondial de la gouvernance internationale, et je vous fais grâce de tous les arguments en faveur de ce magnifique outil de politique étrangère qu'est Genève. En revanche, le fait de pouvoir disposer de ce pont entre deux communautés est vraiment le message qui doit être maintenant envoyé par le Grand Conseil, suite à la communication qui a été adressée au conseil d'administration de la RTS. C'est essentiel, dans la mesure où la collectivité genevoise dans son ensemble, par la voix de son exécutif et de son législatif, saura sûrement émouvoir le conseil d'administration qui doit se réunir et, selon les dernières informations, prendre une décision d'ici à la fin du mois de juin. Le message de la cession de cette concession serait extrêmement mauvais pour le monde international, lequel a maintenant vraiment besoin d'impulsions et de savoir que Genève reste ce lien indispensable entre les différentes communautés internationales. Il s'agirait donc d'un changement très difficilement compréhensible, et il y a une nécessité pour les uns et les autres de pouvoir bénéficier de ce pont indispensable entre les communautés.
Vous l'aurez bien compris, je vous engage, au nom du Conseil d'Etat, à voter cette résolution comme étant vraiment très complémentaire à la volonté de l'exécutif de garder cette radio vivante, tant pour la Suisse romande que pour la Suisse allemande.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons maintenant procéder au vote sur le renvoi de la R 695 au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la résolution 695 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 67 oui contre 5 non et 3 abstentions.
Le président. Je vous prie de ne pas quitter vos places, car nous avons encore un point à traiter; cela prendra trente secondes !
Le président. Nous en sommes à notre dernier objet, qui figure au point 39. Je ne vous retiens véritablement pas plus d'une minute ! M. le député Roger Golay, premier motionnaire, m'a autorisé à demander à sa place uniquement le renvoi de cette proposition de motion à la commission des travaux pour la sauvegarde de nos archives. Si vous êtes d'accord, je vous fais immédiatement voter sur cette demande.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2080 à la commission des travaux est adopté par 70 oui contre 2 non et 1 abstention.
Le président. Je vous souhaite une bonne rentrée. Partagez les parapluies, et à demain 15h !
La séance est levée à 22h55.