Séance du jeudi 22 mars 2012 à 14h
57e législature - 3e année - 6e session - 35e séance

M 2042
Proposition de motion de Mmes et MM. Mauro Poggia, Olivier Sauty, Roger Golay, Florian Gander, Jean-François Girardet, Jean-Marie Voumard, André Python, Thierry Cerutti, Marie-Thérèse Engelberts, Christina Meissner, Philippe Schaller, Pascal Spuhler, Marc Falquet, Patrick Lussi : Droit à l'information pour les proches d'un patient décédé : la transparence est garante d'une bonne pratique médicale

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie II: trente minutes. Je donne la parole au premier motionnaire, M. Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, en tant qu'avocat couramment consulté pour des problèmes de responsabilité médicale, avérés ou supputés, je dois vous dire que la plus grande souffrance à laquelle il m'est donné d'assister est celle d'une famille qui perd un enfant - majeur, bien sûr, car si l'enfant est mineur il y a l'autorité parentale - famille qui perd un frère, un père ou une mère, et qui pense que tout n'a pas été fait correctement, que ce proche aurait pu être sauvé, et qui a tout simplement devant elle un mur: des médecins qui lui refusent l'accès au dossier médical.

Le secret médical a été instauré, vous le savez, pour protéger les patients - vous et moi - et nous y sommes tous très attachés. Le projet qui vous est proposé ne vise en aucun cas à apporter une correction à ce principe. Chacun de nous a droit au respect du secret médical, a droit au respect de sa volonté, et a le droit de s'opposer à ce que qui que ce soit ait accès à son dossier médical. Ici, il est question d'un patient qui décède. Il décède et laisse des proches, et ces derniers souhaitent savoir pour quel motif il est décédé, pour quel motif le nécessaire n'aurait peut-être pas été fait. Peu importe, je dirai, la raison; il s'agit aujourd'hui d'adapter notre législation à l'évolution des moeurs. Qui parmi nous, si on lui posait la question aujourd'hui, pourrait dire ceci: «Moi, je m'opposerai à ce que l'on voie mon dossier médical; je m'opposerai à ce que mes enfants aient accès à mon dossier médical s'ils considèrent que je suis mort par la faute d'un médecin» ? Personne, bien évidemment. Nous souhaiterions tous que le responsable de notre décès réponde de sa responsabilité à la hauteur de ses fautes ! Et les médecins ne sont pas au-dessus des lois, pas plus que les avocats, d'ailleurs. Le secret médical n'a pas été instauré pour protéger le corps médical, mais, encore une fois, pour protéger le patient.

Ce qui est proposé ici consiste uniquement à faire évoluer notre législation et à humaniser l'accès, pour les proches, au dossier médical, car aujourd'hui, il faut le savoir, la violation du secret médical est réprimée par le code pénal. Il ne s'agit pas de modifier cette législation, mais le seul qui peut demander à être levé du secret médical, c'est le professionnel de la santé lui-même ! Le proche ne peut même pas demander à la commission du secret, qui existe, de lever le secret médical du médecin mis en cause ! Nous sommes donc dans une situation absurde, où celui qui a le moins intérêt à lever ce secret médical est le seul qui peut demander à le faire. Ce n'est pas normal, nous devons évoluer. Vous l'avez vu dans cette motion, je suis même allé plus loin en proposant un texte qui me semblerait suffisamment complet pour donner une réponse. Il s'agit uniquement de mettre une présomption, c'est-à-dire que chaque patient décédé est présumé avoir donné accès à son dossier médical à ses proches. C'est une présomption réfragable, comme dit le droit, à savoir que...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Mauro Poggia. Je conclus, Monsieur le président, et reprendrai la parole plus tard si nécessaire. Cette présomption peut donc être renversée du vivant du patient, qui peut dire à son médecin qu'il est exclu que l'on ait accès à son dossier; mais aussi, un médecin peut dire qu'il considère, malgré les ordres de son patient, que ce dernier ne l'aurait pas voulu. Dans ce cas, le médecin doit saisir la commission du secret, qui, elle, tranchera en toute neutralité et en toute impartialité.

En conclusion, je vous demanderai de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole, pour le groupe MCG, est à M. Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Je prendrai dix secondes, Monsieur le président, simplement pour relever que vous avez dit une grosse bêtise tout à l'heure - mais je ne vous en tiens pas rigueur - vous avez indiqué qu'il y avait trois minutes par député, or c'est trois minutes par groupe ! C'est une différence notable, quand je dis que l'on a de la peine, sur certains sujets importants, à pouvoir développer des arguments concernant la destinée des Genevois.

Le président. Vous savez, Monsieur le député, je ne compte pas les bêtises. La parole est à Mme Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (UDC). C'est une erreur, excusez-moi... (Remarque.) Merci, Monsieur le président. Je ne souhaitais pas véritablement prendre la parole, car je crois que c'était à mon collègue de le faire. Mais, puisque je l'ai... (Rires.) ...je vous dirai que je ne peux bien entendu qu'appuyer cette motion qui tient compte de l'émotion, de l'émotion terrible à laquelle les parents d'une personne décédée peuvent être confrontés. Dans ces circonstances, ils n'ont pas toujours le bon réflexe pour demander ce qui, pour eux, est justifié et légitime. En ce sens, cette motion apporte le guide et la transparence nécessaires pour que chacun puisse, d'une manière beaucoup plus sereine, envisager le décès d'un proche et obtenir toutes les informations lui permettant d'être apaisé et de faire le deuil de cette personne dans les meilleures conditions. En conclusion, il est évident que nous soutiendrons cette proposition de motion.

M. Charles Selleger (R). Cette motion est d'importance, j'en conviens, et j'aimerais résumer ses invites de cette manière. En réalité, elles consistent à demander l'accessibilité au dossier médical pour les proches d'une personne décédée, et que cette accessibilité devienne une règle, et non plus l'exception, comme c'est le cas actuellement. De plus, cette motion demande que la charge de lever le secret médical ne soit plus celle des familles, mais que, au contraire, il revienne au médecin de faire respecter le secret médical dans les cas où il peut présumer que telle était la volonté non exprimée du patient décédé.

Ainsi, on est en train, en quelque sorte, de renverser le fardeau de faire la démonstration, d'un côté, de la préservation et, de l'autre, de l'ouverture du secret médical. Contrairement à ce qu'a dit M. Poggia, la levée du secret médical - qui appartient actuellement à la commission de surveillance - peut faire l'objet d'une demande de la famille. Toutefois, pour avoir siégé pendant plusieurs années à la commission de surveillance, j'ai constaté que la plupart des demandes de levée du secret médical concernent des descendants qui sont mécontents des dispositions testamentaires du proche défunt et qui aimeraient, par l'ouverture du secret médical, démontrer que le testament a été fait alors que le patient était déjà dans une situation cérébrale insuffisante pour avoir un jugement sain. Par conséquent, on est très loin de la recherche d'erreurs médicales. Or c'est bien là l'intention sous-jacente de cette motion: il s'agit de faire la chasse aux erreurs médicales, de rechercher - et c'est explicité dans l'exposé des motifs - systématiquement les violations de l'art médical et de dénoncer les responsables de la mort du patient. C'est écrit en toutes lettres. Tout cela peut créer une dérive vers la recherche procédurière d'erreurs médicales, et cela constitue une porte ouverte aux avocats fouineurs à la recherche de mandats juteux, comme on le voit aux Etats-Unis.

Pour toutes ces raisons, le PLR est très sceptique quant à cette motion. Mais, vu la complexité du sujet et sa mauvaise perception par l'ensemble des non-professionnels - cela, j'en conviens - nous demanderons son renvoi à la commission de la santé, afin d'expliciter tous ces mécanismes et de pouvoir s'assurer que les intérêts légitimes des familles des proches décédés sont respectés.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Marc Falquet, à qui il reste deux minutes dix.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. L'UDC a cosigné cette motion, qui est excellente. Effectivement, la situation actuelle cause d'énormes souffrances aux familles, mais le problème n'est pas de vouloir attaquer la médecine, ce n'est pas le sujet !

Que se passe-t-il aujourd'hui ? Prenons un exemple: une personne hospitalisée reçoit les médecins, ceux-ci discutent avec les membres de la famille et leur disent que tout va bien, que leur proche est en bonne santé. Le lendemain, il décède... Là, la famille se pose des questions: comment se fait-il qu'il soit décédé, alors que, paraît-il, il était en bonne santé ? La médecine n'a pas le monopole de la vie ou de la mort, donc c'est comme ça, la personne a pu mourir naturellement. Cependant, la famille va essayer de se renseigner auprès du médecin et, d'un coup, se heurte à un mur, effectivement. Que va faire la famille ? Elle va commencer à suspecter des maltraitances ou une erreur médicale - alors qu'il n'y en a peut-être pas eu du tout - tandis que, si les médecins pouvaient s'entretenir avec la famille, les choses se calmeraient. Les gens ne sont pas procéduriers ! Ils aimeraient simplement faire leur deuil ! Or, actuellement, souvent les familles ne le peuvent pas. Alors, que se passe-t-il ? Ces dernières déposent plainte, car il y a soupçon d'une erreur médicale. Et cela met en route toute la machinerie: on procède à la levée du secret médical pour au moins vingt personnes, la police entend tous ces gens, et pour finir c'est elle qui fait le travail social de la médecine et qui rassure les familles. En général, la procédure est ensuite classée, et l'on a perdu de l'énergie, de l'argent et du temps. On fait également perdre du temps à tout le monde et on discrédite souvent les médecins.

Je pense donc qu'il s'agit ici d'une excellente motion qui permettrait une évolution: les consciences doivent un peu s'éveiller et les médecins n'ont pas à se sentir attaqués ! Personne ne souhaite attaquer la médecine ! C'est pourquoi je vous suggère d'accepter cette motion, car il n'est pas nécessaire de la renvoyer en commission et de perdre encore du temps. L'UDC acceptera cette motion telle qu'elle est et vous invite à en faire de même.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien demandera le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé, car il semble qu'il faut clairement définir ce qu'est le secret médical. Je ne parle pas ici en tant que médecin, mais en tant que personne qui croit que le secret médical est une notion qu'il ne faut pas galvauder. Il convient d'expliquer aux gens l'importance de ce secret médical. Ce dernier n'est pas là pour plaire à certaines personnes ou pour en protéger d'autres !

Personnellement, j'ai, à de multiples reprises, été en contact avec des gens qui étaient mécontents de certains traitements, qui pensaient que l'hôpital avait commis des erreurs; je n'ai jamais eu aucun problème pour avoir accès au dossier médical et pour le lire, et je n'ai donc jamais eu aucun problème pour expliquer à la famille si les choses avaient été faites correctement ou non. S'il y a des soucis, c'est probablement souvent dans des cas de mauvais dialogue ou de mauvaises explications de la part des médecins, mais il n'y a jamais chez ces derniers l'intention de se taire et de ne pas dire à la famille ce qui est en train de se passer.

Il faut aussi répéter ce qu'a relevé M. Selleger, à savoir que dans certains cas - et ils sont nombreux - il existe des problèmes relationnels au sein des familles, et l'on cherche à obtenir des informations qui, je regrette, n'ont pas à être connues de certains membres des familles. C'est vrai, le problème est de savoir si le défunt avait tous ses esprits avant de mourir; mais, là, excusez-moi, on a le droit de respecter la personne qui est en train de s'éteindre, on a le droit de respecter ce qu'elle voulait dire et on n'a pas à raconter à la famille s'il y avait des choses, etc. Je crois que, là, le secret médical doit être conservé. Ce secret médical est essentiel, on ne doit pas le toucher, et jusqu'à maintenant on n'a pas eu de problème à quelque niveau que ce soit pour consulter des dossiers et pour expliquer aux familles pourquoi les gens étaient décédés. S'il y a des problèmes, eh bien, tout existe pour que les gens puissent porter plainte, puissent exiger qu'une enquête soit réalisée et que justice soit faite. Jusqu'à présent, je n'ai pas connu de cas où justice n'a pas été faite. C'est vrai que, pour les avocats, cela fournit du travail. Mais, honnêtement, nous ne sommes pas là pour qu'ils aient facilement de nouvelles affaires à traiter.

En conclusion, le groupe PDC demande le renvoi de cet objet en commission. Je vous remercie.

Mme Esther Hartmann (Ve). J'essaierai d'être brève, même s'il y a énormément de choses à dire sur cette proposition de motion. Les Verts ne peuvent soutenir ce texte ni le renvoyer à la commission de la santé, car ils considèrent qu'il constitue une attaque du secret médical.

Tout à l'heure, mon préopinant - M. Poggia - a posé la question de savoir si quelqu'un dans cette salle pouvait s'opposer à ce que les membres de sa famille aient accès à son dossier médical après son décès... Je ne sais pas quand je vais mourir, mais là, maintenant, même si je n'ai rien de honteux à cacher, je serais tout à fait opposée à ce que ma famille ait accès à mon dossier médical. Il y a des choses qui font partie de l'intime, qui doivent rester dans cette sphère privée et ne pas être communiquées d'office à des proches - qui, du reste, ne tiennent peut-être pas forcément à connaître certains éléments du parcours du défunt.

Deuxièmement, j'encourage mes préopinants à lire le rapport de la préposée à la protection des données et à la transparence pour l'année 2011. Il est mentionné en page 7 tout ce que la préposée à la protection des données a déjà entrepris par rapport au secret médical et aux situations litigieuses, ainsi que l'appui, en cas de circonstances délicates, qu'elle peut offrir dans les démarches concernant l'accès aux données. Peut-être qu'il faudrait déjà commencer par cela, avant d'aller chez un avocat en ayant le soupçon que le médecin «a fait quelque chose qui».

Je vous parle aussi en tant que proche de personnes décédées. Bien sûr, il est arrivé que je ne sois pas d'accord avec la prise en charge médicale; et, bien sûr, j'ai eu quelques petits soupçons par moments. Mais je considère que la personne proche décédée avait tout à fait le droit de garder des secrets qui faisaient que je ne comprenais pas certaines réponses qui m'étaient données.

Pour ces raisons, que ce soit sur le plan personnel ou que ce soit sur le plan politique en tant que députée Verte, j'encourage les membres de ce parlement à refuser tout simplement cette motion. (Applaudissements.)

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion pose une question importante qui, comme toujours, n'a pas de réponse simple et univoque. Il y a autant de situations de décès que de personnes, et parfois, c'est vrai, cela peut être une période de conflit. Néanmoins, cette proposition de motion s'inscrit dans un travail plus général, promu à Genève notamment par l'Etat et par les institutions, qui consiste à parler plus ouvertement et sans tabou de la mort, et à l'anticiper pour soi et pour ceux qui restent. Dans ce sens, si l'on peut en effet inscrire aujourd'hui dans des directives anticipées ses désirs post mortem et l'accès à son dossier médical, tout le monde ne le fait pas. La fin de vie reste un sujet difficile à aborder.

C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables au renvoi de cette motion en commission, afin d'en examiner les tenants et les aboutissants et d'envisager éventuellement à quelles conditions la loi pourrait permettre de fixer un cadre légal, sans trahir le secret médical ni laisser les proches en dehors des affaires de la personne décédée. Il y a de bons médecins et de mauvais médecins, tout comme il y a de bonnes familles et de mauvaises familles, et il n'existe certainement pas une seule manière de répondre à cette question, raison pour laquelle il nous semble intéressant d'en étudier les divers aspects.

M. Claude Aubert (L). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous ne vous souvenez peut-être pas de la Société des Nations, la SDN. Un humoriste avait dit qu'il ne s'agissait pas de la Société des Nations, mais de la «satiété des notions». La satiété des notions... Cette motion, très importante sur le fond, pose le problème des acceptions très différentes que l'on donne aux mots. Moi, j'ai toujours compris que le secret médical, c'était le secret du patient et que le médecin en était le garant. Or, dans la dernière invite - mais je parle sous le regard d'un avocat - il est écrit: «[...] lorsque le titulaire du secret médical, protégeant un patient décédé, considère...» Mais si le titulaire ici, c'est ce qu'on appelle le prestataire de soins, pour moi cela entretient la confusion. Il est bien clair que le secret médical c'est le secret du patient et que le personnel de santé est en position de garant.

D'autre part, on a parlé de la commission de surveillance des professions médicales, mais on a évoqué également la commission du secret, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Enfin, et cela a été bien souligné par Mme Hartmann, je crois que, d'une part, il est absolument anormal qu'une profession puisse se retrancher derrière un secret pour pouvoir couvrir ses impérities, mais, d'autre part, on doit tenir compte de la possibilité pour chacun de garder un secret sur lui-même. On a droit à un secret de famille ! On a droit à un secret personnel ! Et cela, ce n'est pas en deux coups de cuiller à pot qu'on arrive à le régler, d'où le renvoi en commission.

Je donne un exemple tout simple: une personne va à l'hôpital suite à un abcès cérébral et en meurt. Dans le dossier, il est indiqué qu'elle était atteinte du sida, mais personne ne le savait parce que c'était un secret. Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce qu'on va le dire ou pas ? S'il faut maintenant introduire quelqu'un qui va être le médiateur du secret, pour savoir ce que l'on peut lire entre les lignes et ne pas lire du tout, cela devient très compliqué.

En conclusion, soit on ne s'occupe pas de cette motion et on vote contre, soit on la renvoie en commission. J'ai entendu parler de la commission de la santé: à mon avis, il devrait carrément s'agir de la commission des Droits de l'Homme. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Renaud Gautier, à qui il reste quinze secondes.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, je vous fais don de ces quinze secondes !

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous en remercie, Monsieur le député. La parole est à M. Patrick Saudan, à qui il reste vingt secondes.

M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le président, je vais essayer d'être très bref.

Le président. Vous avez vingt secondes !

M. Patrick Saudan. Le débat a un peu dévié du secret médical à l'erreur médicale, et je vais vous expliquer très rapidement comment cela se passe à l'hôpital. Nous avons des traitements de plus en plus complexes; de temps en temps, les patients peuvent décéder de ces traitements, c'est lié à des effets secondaires. Il faut savoir qu'il y a des procédures extrêmement strictes s'agissant de ce que l'on appelle des incidents graves, afin d'étudier les décès qui sont inexpliqués.

De plus - et là je m'adresse à M. Falquet - quand une erreur médicale est avérée, les médecins savent - ils ne sont pas bêtes - qu'ils ont intérêt à discuter d'emblée avec la famille et à avouer l'erreur médicale, parce qu'autrement la procédure pénale qui sera engagée contre eux par les familles risque d'être beaucoup plus complexe.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Mauro Poggia, à qui il reste deux minutes.

M. Mauro Poggia (MCG). Deux minutes ? Je suis le seul de mon groupe à souhaiter encore s'exprimer ?

Le président. Oui, Monsieur le député !

M. Mauro Poggia. Je vous remercie, Monsieur le président. En trente ans de pratique, je n'ai jamais obtenu une levée du secret médical autrement que par le biais d'une procédure pénale. C'est évidemment regrettable. Des gens vivent dans le rêve et essaient de nous faire croire, comme M. le député Saudan, qu'il y aurait des directives internes qui sont là pour la transparence... Non, ce n'est pas le cas, Monsieur Saudan ! (Commentaires.) Ecoutez, ça fait trente ans que je travaille dans le domaine et je sais que ce n'est pas le cas ! Mais peu importe, là n'est pas le problème.

Je dirai simplement à M. Selleger - puisque nous avons entendu tous les médecins de ce parlement, sauf un - que je ne suis pas plus un avocat fouineur en recherche de mandats juteux qu'il n'est un médecin incapable qui compte sur le secret professionnel pour dissimuler ses erreurs. Nous sommes ici tous conscients que seule la transparence est garante d'une bonne médecine, et il n'y a aucune raison de venir se cacher derrière un secret médical.

En revanche - et je vous rassure, Madame la députée Hartmann - vous avez parfaitement le droit de protéger votre secret médical ! Vous avez parfaitement le droit de dire à votre médecin que vous ne voulez pas, après votre mort, que qui que ce soit ait accès à votre dossier médical. Et vous avez parfaitement le droit, Monsieur Aubert, même si votre patient décédé du HIV ne l'a pas dit expressément, de considérer qu'il ne voudrait pas que l'on sache qu'il était atteint du HIV et de demander à la commission du secret de l'établir en toute impartialité. C'est ce que nous demandons ! C'est que vous ne soyez pas, vous les médecins, juge et partie, et qu'une autorité extérieure à votre pouvoir puisse dire si, oui ou non, vous avez raison !

En ce qui concerne les mobiles, si, demain, un héritier considère que son frère a manipulé son père, qui était atteint d'une grave maladie d'Alzheimer - pour lui faire signer un testament d'une main tremblotante - et que cet héritier veut précisément démontrer que l'on a manipulé ce vieil homme pour lui soutirer de l'argent, où est le mal ? Je pense que vous êtes en train de nous dire que le secret professionnel devrait protéger le malhonnête ! Alors que, au contraire, nous avons, tous, intérêt à ce que la justice soit bien rendue et que la volonté des personnes capables de discernement soit respectée ! Si l'on doit avoir accès à ce dossier médical pour démontrer que cette personne n'avait pas la capacité de discernement lorsqu'on lui a fait signer un acte, eh bien, je crois que le secret médical n'est, une fois encore, pas là pour protéger les malhonnêtes ou ceux qui se trompent ! Tout simplement.

Et j'ajouterai, puisqu'il semble qu'une majorité se dessine pour le renvoi en commission, que j'appuierai ce renvoi, mais à la commission de la santé, car il s'agit d'une modification de notre loi sur la santé. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le président du Conseil d'Etat, M. Pierre-François Unger.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites et l'on voit bien que, suivant que l'on se situe du côté du canon ou, au contraire, de la partie de la carabine que l'on met contre l'épaule, on ne se protège pas de la même manière et on ne poursuit pas les mêmes objectifs non plus ! C'est un sujet extrêmement difficile, vous avez bien fait de le souligner, et les circonstances ne sont que rarement aussi caricaturales que celles que vous avez décrites. Lorsque nous étions dans nos rôles différents, Monsieur Poggia - vous, non pas comme député mais comme avocat, et moi, à l'époque, comme médecin - nous avons eu l'occasion d'échanger à ce propos. A savoir que l'article 321 du code pénal suisse protège le secret médical. Et le secret médical, ce n'est pas celui du médecin, c'est celui que le médecin détient par le pouvoir de celui qui le lui a remis. Partant de là, il n'est qu'un coffre-fort, il n'est pas sa propre clé. Et ça, c'est très fondamental ! Cela figure dans l'article 321 du code pénal, que vous connaissez mieux que moi, pour l'appliquer régulièrement.

Deuxièmement, le Tribunal fédéral s'est évidemment penché sur ce sujet, vous le savez bien, et ce dernier a dit qu'il n'y avait pas de raison de penser que, après la mort, tout d'un coup les choses seraient différentes de ce qu'elles sont lorsque les gens sont vivants. En d'autres termes, lorsque les gens sont vivants, personne ne leur conteste le droit de dire ou de ne pas dire un certain nombre de choses à leurs proches. Partant de là, il n'y a aucune raison de présumer qu'au moment où ils sont morts leur décision serait différente. Sauf, le cas échéant, à faire plaisir soit à un avocat, soit à une partie de la famille, comme cela a été évoqué.

Ce sujet est trop important pour que l'on en discute à fond ici. Il convient de l'étudier, vous avez raison, en commission de la santé. Toutefois, il ne faudra pas que chacun se contente de voir les circonstances qu'il a vécues dans l'exercice de sa propre profession, mais ce que couvre le secret médical, qui est le droit absolu pour une personne vivante ou décédée de disposer des données qui la concernent. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix le renvoi de la proposition de motion 2042 à la commission de la santé. Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent... (Remarque.) Je n'ai pas très bien compris, Monsieur Gautier !

M. Renaud Gautier (L). Il me semble, Monsieur le président, que M. le député Aubert avait demandé le renvoi à la commission des Droits de l'Homme. Il y a donc deux propositions de renvoi: aux Droits de l'Homme et à la santé, la dernière suggestion étant le renvoi aux Droits de l'Homme.

Le président. La première demande qui a été formulée concernait la commission de la santé. Nous votons donc sur cette première demande. Si elle n'est pas acceptée, nous nous prononcerons sur le renvoi aux Droits de l'Homme.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2042 à la commission de la santé est adopté par 51 oui contre 26 non et 1 abstention.