Séance du jeudi 22 mars 2012 à 14h
57e législature - 3e année - 6e session - 35e séance

La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Pierre Losio, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, François Longchamp et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. David Hiler et Mme Isabel Rochat, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Christophe Andrié, Guillaume Barazzone, Beatriz de Candolle, Alain Charbonnier, Christian Dandrès, René Desbaillets, François Haldemann, Guy Mettan, Alain Meylan, Morgane Odier-Gauthier et Ivan Slatkine, députés.

Déclaration du Conseil d'Etat

Déclaration relative à l'accord conclu avec le réviseur de la BCGe

Le président. Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat François Longchamp.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a souhaité, à cette heure un peu inhabituelle de votre ordre du jour, user de sa possibilité de vous faire une déclaration. Elle concerne l'un des volets de l'affaire de la Banque cantonale de Genève, qui nous occupe depuis plus d'une décennie. Nous sommes ici pour vous annoncer la conclusion d'un accord passé ce matin - un accord d'une portée historique - après dix-sept semaines de négociations, dans le cadre du litige qui nous opposait depuis plus de dix ans à la société de révision Ernst & Young SA.

Cet accord permet, dans le cadre de l'affaire de la Banque cantonale, d'obtenir une compensation d'un montant de 110 millions de francs de la part du réviseur. Jamais une telle somme n'a été versée, en Suisse ou en Europe, par un réviseur dans une affaire de ce genre. Que ce soit l'affaire Swissair, celle des banques cantonales des différents cantons, plus récemment l'affaire UBS ou encore celle de certaines caisses de pension publiques, jamais les collectivités publiques n'avaient obtenu de compensation financière. C'est aussi la plus élevée connue en Europe, le précédent comparable étant celui de la BCCI, qui avait perçu 125 millions de dollars américains de deux réviseurs différents pour un préjudice se montant à 11 milliards.

Cet accord implique, du côté de l'Etat de Genève, de la Banque cantonale de Genève et de la Ville de Genève, le retrait de leurs prétentions à l'égard du réviseur. L'Etat continue toutefois de poursuivre les autres responsables de cette affaire, les anciens dirigeants de la banque et l'ancienne Commission fédérale des banques, pour défaut de surveillance. Cet accord a convaincu également le ministère public, à notre demande, d'abandonner de son côté l'appel qu'il avait formé contre l'acquittement des deux réviseurs. Au vu de l'importance de la somme obtenue et de son caractère exceptionnel, le ministère public a donc estimé lui aussi que l'intérêt supérieur de la collectivité était mieux préservé ainsi. Les réviseurs, dont je rappelle qu'ils avaient été acquittés en première instance au plan pénal, ont quant à eux renoncé aux indemnités qui leur avaient été accordées, à charge du pouvoir judiciaire, par le Tribunal correctionnel.

Sur cette somme de 110 millions de francs, 22 millions iront à la Banque cantonale pour le préjudice propre qu'elle a subi, et 3,2 millions à la Ville de Genève en tant qu'actionnaire de la banque.

L'accord ne concerne que le réviseur; il démontre toutefois que nous avions eu raison de croire en l'action de la justice. Tous les conseillers d'Etat, tous les Conseils d'Etat et la totalité du Grand Conseil - et je tiens ici, au nom du Conseil d'Etat actuel, à leur rendre hommage - ont toujours eu la conviction qu'il fallait poursuivre des procédures parce qu'il y avait un certain nombre de dommages, auxquels l'Etat a dû faire face, qui méritaient réparation. Le Conseil d'Etat souhaite remercier le Grand Conseil d'avoir toujours donné son appui à ces procédures, et nous entendons les poursuivre à l'endroit des trois dirigeants de la banque et à l'endroit de la Confédération suisse pour le défaut de surveillance de la Commission fédérale des banques.

J'aimerais enfin préciser que le Conseil d'Etat vous livre cette information une heure après l'avoir rendue publique pour des raisons qui ne tiennent pas à la volonté de laisser au second plan le parlement, mais parce que, en tant qu'actionnaire principal de la banque et en vertu de la loi sur la surveillance des opérations boursières fédérales, nous avions l'obligation de prévenir les autorités boursières puisque cette information était susceptible de modifier de manière importante la valeur du titre de l'action. Nous avons donc, en accord avec les autorités boursières et la FINMA, convenu d'un processus d'information qui est celui que je viens de vous indiquer. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie de cette déclaration, Monsieur le conseiller d'Etat.

Correspondance

Le président. Le Bureau et les chefs de groupe ont trouvé à leurs places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Transmission du Tribunal fédéral, le 19 mars 2012, d'un recours déposé le 9 mars 2012 par les Communes d'Aire-la-Ville et consorts contre la loi 10900 du Grand Conseil, du 15 décembre 2011, modifiant la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève (transmis à la Commission des finances). (C-3040)

Annonces et dépôts

Le président. Vous avez trouvé sur vos places la question écrite suivante, qui est renvoyée au Conseil d'Etat:

Question écrite de M. Patrick Lussi : L'économie souterraine, un mal nécessaire ? (Q-3684)

Question écrite 3684

M 1935-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Alain Charbonnier, Christian Dandrès, Irène Buche, Elisabeth Chatelain, Roger Deneys, Antoine Droin, Anne Emery-Torracinta, Marie Salima Moyard, Lydia Schneider Hausser, Christine Serdaly Morgan, Jean-Louis Fazio, Loly Bolay, François Lefort, Jacqueline Roiz, Hugo Zbinden, Brigitte Schneider-Bidaux, Sylvia Nissim pour le respect du personnel au sol à l'Aéroport international de Genève (AIG)
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Débat

Le président. Nous sommes au point 53 de notre ordre du jour. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je crois que c'est typiquement un cas dans lequel notre parlement a l'avantage de pouvoir traiter une motion avec un certain recul, parce qu'au moment de son dépôt, le 24 novembre 2011, cette motion était encore chargée d'émotion, et cela ressort de son libellé. J'y reviendrai plus tard.

De mon point de vue, la motion n'aurait pas dû être intitulée «Pour le respect du personnel au sol à l'Aéroport international de Genève», mais bien: «Pour une action syndicale responsable».

Je vais un peu développer ce propos maintenant, parce que, du point de vue historique, il faut se souvenir que cette grève sauvage a été lancée sans préavis par le syndicat SSP/VPOD le 2 janvier 2010, alors même que 77% du personnel de l'entreprise concernée, Swissport, avaient accepté les termes et conditions de la nouvelle convention de travail. Il s'agissait d'un renouvellement se faisant à un rythme normal et périodique depuis des années. Ces 77% doivent être soulignés. Ce qui l'est également, c'est ce qui est ressorti des travaux de la commission: cette convention de travail était plus favorable que les conditions offertes à Bâle ou à Zurich, par exemple. Donc, cette action sociale sauvage était contraire à tous les principes régissant le partenariat social - d'ailleurs, il n'a pas échappé à la commission que les mots «partenariat social» n'apparaissaient pas une fois dans cette motion - et qu'elle était contraire à la paix du travail. De plus, cette action aurait pu causer de graves incidents à l'aéroport, puisque la date choisie de manière sauvage était un jour de forte affluence - même d'affluence exceptionnelle, puisque 70 000 personnes étaient présentes sur le site à ce moment-là. Vous pouvez imaginer les risques et les dangers qu'auraient pu alors causer une émeute.

Dans ce contexte, je relèverai aussi que le SSP/VPOD a refusé avec obstination une demande d'arbitrage, alors que l'autre partie était d'accord et que le Conseil d'Etat avait poussé dans cette voie.

Je tiens à rendre hommage au Conseil d'Etat en général, et à M. François Longchamp en particulier, qui, contrairement à ce que sous-entend la motion, a dégagé une énergie considérable. Il nous dira le nombre d'heures qu'il a consacrées à ce dossier épineux, pour trouver une solution pacifique et... (Remarque.) ...pour que tout cela ne finisse pas dans un pourrissement du conflit. Je tiens donc à lui rendre hommage ici.

Ce qui est également ressorti des travaux de commission, c'est que plusieurs voix se sont fait entendre pour demander comment les rédacteurs de la motion avaient pu se laisser instrumentaliser de la sorte pour soutenir une action qui s'est avérée contestable. Ce texte est très choquant, puisqu'il contient des allégations fausses, des accusations infondées dont le caractère inepte a pu être prouvé durant les auditions, et grâce aux auditions. (Brouhaha.)

Même les députés socialistes, en commission - et cela je tiens à le souligner... (Brouhaha.) Monsieur le président, si je peux avoir un petit peu de silence... Même les députés socialistes, en commission, ont admis que les invites n'étaient pas adéquates et avaient été... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...je cite: «maladroitement rédigées». C'est un euphémisme.

Les députés MCG, qui étaient a priori plutôt favorables à ce texte, ont été convaincus par les auditions de faire machine arrière, et, après avoir entendu les nombreux auditionnés, ont rejeté le texte de la motion.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Edouard Cuendet. Sur le fond, et j'y reviendrai plus tard, plusieurs invites sont illégales, contraires au droit aéroportuaire international, et puis, comme je l'ai dit, les mots «partenariat social» n'apparaissent à aucun moment. Je pense donc que c'est cela le point fort que l'on doit souligner ici, c'est l'importance de ce «partenariat social».

Le président. Monsieur le député, je pense qu'il vous faut conclure !

M. Edouard Cuendet. Je conclus ! Ainsi, je vous invite à rejeter cette motion, et je pense que je reviendrai plus tard dans le débat.

Le président. La parole est au rapporteur de minorité, M. Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a évidemment été déposée dans un moment, on va dire «de grande tension», parce que tout le monde sait qu'une grève à l'aéroport, au mois de janvier, juste après nouvel an, c'est toujours délicat ! C'est délicat à vivre pour les personnes se trouvant sur le site de l'aéroport, pour les passagers devant arriver, et surtout pour ceux devant partir... Car ils n'ont pas envie d'y rester prisonniers.

Il est vrai que l'émotion suscitée par une grève sur le site de l'aéroport est compréhensible. Elle influence - pour un aéroport qui est un établissement public autonome - logiquement les travaux de notre Grand Conseil et, en tout cas, sensibilise les députés au besoin de faire fonctionner l'aéroport d'une façon satisfaisante dans la durée.

Je dirai qu'au-delà du texte lui-même de la motion, texte qui n'est pas forcément un modèle de rédaction pour notre parlement, on peut relever que l'essentiel est de savoir ce que l'on peut faire dans notre parlement pour garantir le bon fonctionnement de l'aéroport. Et notamment garantir un partenariat social intelligent à long terme ! Au-delà de considérations qui ont tendance à se résumer à l'attaque de personnes, en commission de l'économie, le PLR et le directeur de l'aéroport l'ont rappelé, la grève, en gros, n'existerait pas parce qu'il y a un problème, mais parce qu'il y a un certain délégué syndical représentant le syndicat ! Et c'est la seule raison qui expliquerait le malaise exprimé par ce mouvement... En réalité, ce n'est évidemment pas le cas. On l'a vu, il y a eu cette grève à Swissport; six mois plus tard, il y avait une autre grève à ISS. On voit que le site de l'aéroport pose différents problèmes au niveau du partenariat social, et notamment parce qu'il est dans un contexte économique particulier ! L'aéroport est en partie régi par des conventions internationales - il y a une zone franche, il y a un certain nombre d'opérations qui se déroulent en dehors du cadre légal simplement genevois ou même fédéral - et il est vrai que la problématique est compliquée. Il y a la question des sous-traitants, il y a celle des auxiliaires... Il est exact que le volume de travail peut, d'un moment à un autre de l'année, changer de façon assez considérable, mais il est certain que l'état d'esprit dans lequel se déroule le travail à l'aéroport n'est manifestement pas satisfaisant aujourd'hui, puisque des mouvements sociaux s'expriment à plusieurs occasions.

Pour les socialistes et les Verts, auteurs de cette motion, il s'agissait surtout de donner des conditions-cadre favorables au bon déroulement du travail à l'aéroport, afin d'éviter de prendre les passagers en otage. Et je crois que l'essentiel est bien là ! Aujourd'hui, la majorité, représentée par M. Cuendet - et le Conseil d'Etat, en partie - dit la même chose: «Tout va très bien, Madame la Marquise ! Il n'y a pas de problème, c'est un syndicaliste qui dysfonctionne.» Au-delà de cette position un peu simpliste, il y a bien, en réalité, un problème de partenariat social à l'aéroport. Et je crois que l'invite essentielle de cette motion consiste à dire qu'il...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. ...faut renforcer ce partenariat social. Je vous invite donc à voter l'amendement qui a été déposé pour remplacer les invites telles qu'elles étaient formulées initialement et à renvoyer ensuite cette motion au Conseil d'Etat.

M. Philippe Schaller (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme l'ont dit les deux rapporteurs, cette motion a été déposée lors de la grève de l'entreprise Swissport à l'Aéroport international de Genève. Le groupe PDC a pris cette motion au sérieux, car il est conscient des conséquences graves pouvant entraîner un dysfonctionnement des relations de travail au sein de l'aéroport.

Nous avons entendu les deux syndicats. Nous avons aussi entendu le directeur de l'aéroport, de même que le conseiller d'Etat en charge de ce dossier. Nous avons acquis la conviction que les invites de cette motion ne respectent ni les accords internationaux, ni les règlementations suisses, ni le partenariat social en vigueur dans nos entreprises. Par ailleurs, il ne nous semble pas adéquat que l'Etat et le Grand Conseil se substituent à l'OCIRT.

Par contre, la septième invite est intéressante - elle a d'ailleurs été traitée par le conseil d'administration de l'aéroport - soit la nécessité de pouvoir résilier une concession à une entreprise qui ne respecterait pas, au cours de son mandat, les conventions collectives.

Finalement, il n'est pas imaginable - comme vous l'aurez compris - de regrouper au sein d'une même convention collective un ensemble si différent d'entreprises oeuvrant sur ce site. Le groupe démocrate-chrétien suivra le rapporteur de majorité. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (UDC). Mon préopinant a très bien parlé, je l'en remercie. Le groupe UDC partage totalement ces remarques. Il faut se rappeler que le contexte de cette grève faisait suite à l'affluence exceptionnelle ayant eu lieu à l'aéroport de Genève en décembre 2009. La grève a eu lieu entre le 2 et le 11 janvier 2010 - on est déjà largement plus tard.

Des auditions se sont succédé et nous ont permis de comprendre le contexte, comprendre surtout qu'il existait depuis dix-sept ans déjà une convention collective, et qu'il y avait deux syndicats, dont l'un d'eux, le syndicat PUSH, avait accepté son renouvellement à l'unanimité, alors que l'autre syndicat, le SSP, refusait cette reconduction - étant relevé que, s'il n'y a pas d'unanimité, le renouvellement pose problème.

J'aimerais aussi souligner que le syndicat PUSH, qui est de Swissport, regroupe des collaborateurs de Swissport travaillant sur place, alors que la personne du SSP - mise très en avant par tout ce problème de grève - n'était pas un collaborateur, elle venait de l'extérieur.

En l'occurrence, les institutions nous ont montré que les invites de la motion ne respectaient pas les législations nationales, internationales, et se retrouvaient, pour la plupart, difficilement applicables. Dans ces conditions, avec le temps qui a passé, le groupe UDC vous propose de véritablement enterrer cette hache de guerre. L'aéroport va bien. Il n'y a plus de grève. Cela fonctionne bien. Arrêtons de nous pencher sur le passé, intéressons-nous aux problèmes - et ils sont nombreux - qui nous occupent aujourd'hui. Enterrons cette hache de guerre, refusons cette motion, puisque aujourd'hui tout va bien.

En ce qui concerne l'amendement, il dit en des termes légèrement différents à peu près la même chose; on ne peut donc pas accepter davantage cet amendement. Ainsi, je vous remercie de suivre le groupe UDC et de refuser cette motion. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je vois plusieurs députés ou députées s'interrogeant au sujet de l'amendement. Je rappelle que l'amendement a été distribué ce matin sur vos places. La parole est à M. le député Renaud Gautier.

M. Renaud Gautier (L). Oui, Monsieur le président, cette douce fascination du grand soir, des lendemains qui chantent, de «tout ira mieux après», une fois que le parlement se sera saisi d'une vraie révolution... Ainsi, nous parlons normalement ici de ce que l'on appelle pudiquement «le partenariat social», tout le monde est d'accord. Nous voilà introduisant quelque chose de nouveau: un partenariat social de qualité ! Sous-entendu: les autres ne sont pas de qualité.

Alors, Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut prudemment, doucement, refermer la porte de ce moment de rêve qu'ont eu certains en rédigeant des propos inadmissibles du point de vue du droit cantonal comme du droit fédéral, il faut les laisser rêver dans leur coin et continuer la bonne gestion de l'aéroport, sans pour autant s'occuper de cette motion qui devrait être très discrètement déposée dans les caves de l'Histoire.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous vous proposons un amendement, et c'est à ce propos que je m'exprimerai, et pas sur les éléments de la motion qui seraient incorrects. Soit dit en passant, c'est bien là le résultat d'une commission qui a très bien travaillé en clarifiant certains aspects du fonctionnement de l'AIG.

Revenons d'abord à l'AIG et à la dynamique entre le Grand Conseil, le Conseil d'Etat et l'AIG. Ce dernier est un fleuron genevois: bien ! Quel est alors le problème d'en faire une place exemplaire pour sa gestion des RH et un pôle d'attraction pour l'emploi ? C'est tout ce que cet amendement demande, maintenant ainsi son prestige et son attractivité en en faisant un lieu dont il sera dit qu'il est exempt de grève et bon pour y atterrir et y travailler.

Du point de vue de la relation entre le Grand Conseil, le Conseil d'Etat et l'AIG, il nous reste la désagréable impression, dans cette affaire de grève - et la suivante - que le Conseil d'Etat a avantageusement tiré parti de la situation en passant pour le sauveur. Avec ou grâce à cette motion, nous avons découvert que le contrat établissant la concession présentait des lacunes. Ces dernières demandaient, à la signature de cette concession, le respect d'un certain nombre d'éléments relatifs aux conditions de travail, éléments qui n'étaient pas revérifiés une fois la signature effectuée, et qui n'entraînaient aucune annulation ou renégociation de la convention s'ils n'étaient pas respectés. Sa modification a bien été annoncée par le Conseil d'Etat lors des auditions début 2010; pourquoi la mise en oeuvre de cette promesse n'est-elle donc pas intervenue immédiatement, mais seulement en été ? Est-ce que de ne pas la signer permettait une deuxième grève sans trop de risques et un sauvetage par notre conseiller d'Etat président ? Parfois, les institutions publiques autonomes le sont, parfois elles le sont moins. Souvent, la gauche soulève de vrais problèmes; souvent, la droite les détourne à son profit et, entre-temps, a fréquemment oublié en route l'objectif qu'est le bon fonctionnement des institutions.

Je vous remercie de faire, tout à l'heure, bon accueil à notre amendement.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Vous ne vous étonnerez pas que les Verts soutiennent l'amendement proposé par le parti socialiste. Pourquoi y a-t-il eu une grève à ce moment-là ? C'est qu'il y a effectivement eu un conflit social. Si l'on devait se prononcer à chaque fois sur le bien-fondé d'un conflit social, eh bien, on trouverait toujours à redire.

Ce qu'a réellement permis cette motion a été souligné par Mme Serdaly Morgan: la commission de l'économie a vraiment pu se préoccuper du fonctionnement de l'AIG. Elle a même remarqué qu'il y avait une charte éthique, charte devant être signée par tous les partenaires de l'aéroport, et que ceci était probablement une bonne chose.

Il faut rappeler que, même si aucune grève ne se profile actuellement, cette dernière est malgré tout quelque chose d'exceptionnel, et surtout en Suisse. L'aéroport fonctionne. Mais, même si ses partenaires respectent au minimum les CCT qu'ils ont signées, il y a toujours des difficultés: les conditions de travail données ou les modifications de conditions de travail faites pour le personnel ne sont pas toujours très faciles. Devoir être quatre heures non-stop sur le tarmac en plein hiver n'est pas forcément aisé, et c'est ce que l'on demande actuellement à certaines personnes, qui ne le faisaient pas avant. Si avoir une meilleure condition de CCT, un bon partenaire ou un contrat à l'AIG est important, le bien-être du personnel l'est aussi. Malheureusement, il n'est aujourd'hui en tout cas pas possible pour ces personnes de dire quoi que ce soit, puisque, ce qu'elles veulent, c'est travailler et ne surtout pas perdre leur emploi.

M. Pierre Conne (R). Chers collègues, il était une fois le parti radical, puis le parti libéral, fondateurs des institutions qui nous permettent notamment d'exercer notre droit démocratique tel que nous le faisons aujourd'hui. Le principe qui a finalement conduit, depuis un siècle et demi, le travail de ces partis jusqu'à présent, c'est un Etat fort, garant des libertés individuelles. C'est dans ce cadre des libertés individuelles que s'est exercée ce que l'on appelle aujourd'hui la «paix du travail»: ce sont les relations entre les employés et les employeurs, dans le cadre de conventions collectives. Avec, pour revenir au cas qui nous intéresse, concernant Genève, une Chambre de contrôle des conventions de travail. Et si l'on prend - cela a été dit - avec le recul que nous avons aujourd'hui, les événements ayant conduit au dépôt de cette motion, force est de constater que nos institutions ont joué leur rôle.

La demande telle qu'elle émerge des sept invites de cette motion tendrait, dans le fond, à nous faire dire qu'un Etat plus interventionnel - que simplement celui d'être le garant des libertés individuelles et de la possibilité d'exercer la paix du travail comme elle se fait - serait un plus: eh bien, nous ne le pensons pas. Parce qu'un Etat plus interventionnel viendrait plutôt réduire cette liberté, qui a permis la paix du travail.

Tout cela pour aboutir à la conclusion que je voulais vous proposer: simplement demander aux motionnaires de retirer leur texte. S'ils maintiennent leur motion, nous ne la voteront évidemment pas.

M. Claude Jeanneret (MCG). Je crois qu'il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Il y a effectivement eu, au niveau de l'aéroport, certains bruits qui ont couru - le personnel était mécontent, les employeurs aussi - et puis, il s'est avéré que, sur un prétexte - dont je ne me souviens pas exactement aujourd'hui - le Grand Conseil s'est chargé d'étudier quelque chose qui était quand même du droit privé. Mais enfin, nous l'avons examiné et cela a coûté trois séances de la commission de l'économie, où nous avons principalement analysé les doléances qui nous étaient soumises, c'est-à-dire les mauvais salaires, l'utilisation de personnel auxiliaire, et puis le déplacement du personnel fixe vers des fonctions auxiliaires. Au bout de trois semaines de travail et d'auditions, aussi bien du côté de l'employeur que de celui des employés, nous avons pu constater les choses suivantes: les mauvais salaires, c'est faux ! La moyenne des salaires à l'aéroport est supérieure à celle que l'on peut trouver ailleurs pour les mêmes fonctions. En ce qui concerne le personnel auxiliaire, eh bien, quand on a une variation d'activité, il est normal d'avoir du personnel auxiliaire ! On ne peut pas engager des personnes fixes si un avion arrive une fois à minuit - on ne peut pas payer quelqu'un toutes les nuits parce que l'avion arrive une fois à minuit... Il faut quand même être raisonnable. Quant à la question de savoir si du personnel fixe était muté en personnel auxiliaire, il est apparu que cette dénonciation était totalement fausse.

Ainsi, si l'on prend le résultat des travaux - trois semaines de travaux et d'auditions - eh bien, on peut dire que tout ce qui était dénoncé s'est révélé faux ! Donc, le problème, c'est qu'il y avait des mécontents. Et nous nous sommes vraiment laissé prendre dans le jeu du mécontentement de certains employés. Je crois sincèrement que, premièrement, ce n'est pas à nous d'intervenir; deuxièmement, cette motion avait peut-être, au départ, un bon fond - parce qu'il est vrai que lorsque quelqu'un crie au secours, il faut aller vers lui - mais, si on met cette motion en pratique aujourd'hui, dans le contexte de ce qui est, dans le contexte de ce qui a été, et de ce que l'on voit réellement appliquer, cette motion est totalement obsolète. Il faut simplement la refuser.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Cuendet, vous avez épuisé votre temps de parole, mais il reste... (Remarque.) Vous permettez que je termine ? Il reste deux minutes à votre groupe politique. Je pense que ce dernier vous les accorde et, dans ce sens, je fais de même.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ça sera court, c'est pour parler de l'amendement. Le problème de ce dernier c'est que, au fond, il s'agit d'une reprise quasiment intégrale des invites précédentes, et surtout il ne change rien ni au titre, ni à l'exposé des motifs, exposé des motifs qui est un ramassis de mensonges et de procès d'intention. Donc, il est absolument exclu d'aller dans cette voie-là. Une fois de plus, je le répète, le Grand Conseil ne doit pas s'ériger en juge des relations du travail - comme l'ont dit plusieurs préopinants - car cela relève du droit privé, et l'Etat n'a pas à s'immiscer dans ce partenariat social. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mais il faut bien comprendre le fond des choses ! Et c'est dans une stratégie assez souvent exprimée: cette motion va dans le sens d'un affaiblissement de l'aéroport. Ce sont des attaques fréquemment répétées contre ce dernier, qui est pourtant une infrastructure essentielle - essentielle ! - pour l'économie et les entreprises genevoises. Pour ceux qui étaient là hier, chez Procter & Gamble, on a pu voir l'importance de l'aéroport pour le canton, la Ville de Genève et les entreprises. Comme par hasard, il n'y avait pas un socialiste du canton ! (Remarque.)

M. Roger Deneys. Nous n'étions pas invités !

M. Edouard Cuendet. Le maire de Lancy était présent et a fait un discours vibrant... (Remarque.) ...en faveur des multinationales, multinationales que les socialistes veulent chasser du canton. L'aéroport est une infrastructure vitale pour l'économie, donc n'entrons pas dans ce conflit idéologique et rejetons cette motion une fois pour toutes !

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Deneys, vous avez épuisé votre temps de parole. Il reste quarante-cinq secondes au groupe socialiste: je pense que celui-ci va vous les accorder. (Commentaires.) Bien ! Vous avez la parole pour quarante-cinq secondes.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mais, à nouveau, l'objectif est ici d'anticiper les problèmes ! Vous dites que tout va très bien... Je vous rappelle que le renvoi en commission a été accepté par 84 voix, quasiment à l'unanimité ! Parce que le problème était réel, il touchait la vie de tout le monde. Et il faut anticiper les problèmes ! Dire que tout va très bien aujourd'hui, c'est une vue à tellement court terme que c'en est incroyable, dans ce Grand Conseil ! Améliorer les choses était bien le but de la commission: on a pu rétablir certaines vérités, certes, mais il n'empêche que le risque subsiste à l'aéroport, qui connaît des conditions de travail difficiles ! (Commentaires.) Et l'on sait qu'il y a une certaine précarité sur ce site. Donc, il faut essayer d'anticiper ! Nous sommes pour une politique plus...

Le président. Il faut anticiper la conclusion de votre intervention.

M. Roger Deneys. ...interventionniste. Et je vous demande donc d'accepter cet amendement.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le 2 janvier 2010, 67 des 819 collaborateurs de la société Swissport se sont mis en grève, parce qu'un renouvellement de leur convention collective n'avait pas pu être signé avec cette entreprise, alors même - alors même ! - que le syndicat partie à cette négociation avait signé huit jours auparavant une convention collective avec l'autre opérateur chargé d'opérations au sol, la société Dnata, avec une convention collective 10% inférieure à celle qui était proposée à la signature de la société Swissport. Dans le même temps, fin décembre 2009 à Zurich, le même syndicat avait signé avec la même entreprise une convention collective 10% inférieure aux propositions de la société Swissport, propositions qui avaient été refusées et avaient amené ces 67 collaborateurs sur 819 à se mettre en grève.

La première action de ces grévistes - et Dieu sait si vous me savez attaché, avec l'ensemble du Conseil d'Etat, au droit de grève - faut-il le rappeler, le 2 janvier, jour le plus chargé de toute l'histoire de l'aéroport, puisque c'était un jour de retour de vacances scolaires, a été de bloquer l'accès à l'aéroport de tous les non-grévistes. Nous avons dû mener une négociation difficile dans la mesure où le partenariat social, que chacun vante de ses mots, est un partenariat social qui lie les syndicats et les entreprises, et non pas l'Etat, pas plus qu'il ne lie l'aéroport, entreprise qui accueille les sociétés mais qui n'a pas vocation à gérer des conventions collectives pour elle, sauf, bien sûr, pour ses propres employés - mais il ne s'agit pas de cela. Nous avons donc dû nous impliquer dans une négociation qui fut surréaliste, mais le temps a passé et l'Histoire nous permettra d'oublier.

Il n'empêche que cette proposition de motion apporte plusieurs invites qui sont fort intéressantes, mais dont nous vous avons indiqué que la plupart d'entre elles étaient simplement contraires au droit des conventions collectives. Et un certain nombre de principes, qui - Mme Serdaly Morgan, je tiens à vous le dire - ont été établis par l'aéroport lors de négociations, et qui ont été appliqués immédiatement, sans délai ni pression particulière, ont visé à contraindre les entreprises à respecter les conventions collectives dans le cadre des contrats de concession. Mais, il faut avoir l'honnêteté de le dire, le droit actuel indique que ces entreprises doivent être à tout le moins respectueuses des usages s'il y a absence de convention collective. Convention collective qui, dans ce cas précis, a été signée par un syndicat qui était plus représentatif en termes de nombre de personnes affiliées que ne l'était le syndicat d'origine, et les choses ont ainsi pu rentrer dans l'ordre.

Je vous indique donc, Mesdames et Messieurs, tout en ayant conscience du message que nous devons porter, celui de soutenir le partenariat social, que nous devons avoir l'exigence, parce que c'est une régie publique. Et même si nous avons l'obligation d'avoir un certain nombre de sous-traitants - je dis bien «l'obligation d'avoir un certain nombre de sous-traitants» - nous n'avons pas le choix d'avoir autre chose que de proposer aux compagnies aériennes clientes de l'aéroport au minimum deux entreprises de droit privé chargées des opérations au sol, et avec lesquelles elles ont la liberté de pouvoir contracter. Il n'empêche que l'aéroport doit être exemplaire en la matière; je crois pouvoir dire qu'il l'est. Et je crois pouvoir dire aussi qu'à l'exception de cette grève et d'une autre qui a suivi - autre grève qui était, mais c'est le hasard, animée par le même syndicaliste, laquelle a duré quatre mois et n'a abouti à aucun accord quelconque, les grévistes ayant mis fin à leur mouvement - l'ensemble et la plupart des entreprises présentes sur le site sont au bénéfice de conventions collectives, cherchent de manière active, comme c'est le cas encore tout récemment avec Swissport qui vient de resigner une convention collective pour l'année 2012, et sont respectueuses du partenariat social. C'est en tout cas l'engagement que le Conseil d'Etat fait ici aujourd'hui. Cependant, il vous invite, de grâce ! à ne pas voter une motion qui a probablement été déposée dans l'agitation du mois de janvier 2010, c'était parfaitement compréhensible, mais qui a sans doute été rédigée de manière un peu hâtive, puisqu'elle contient un certain nombre d'invites qui sont toutes - toutes ! - contraires au droit fédéral.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant passer au vote de l'amendement présenté par Mme Christine Serdaly Morgan, lequel remplace intégralement les invites originelles de la motion. Je vous le lis: «[...] à demander à l'AIG de mettre ne place une instance paritaire destinée aux entreprises concessionnaires de l'Aéroport, de manière à favoriser: l'application des dispositions légales en matière de travail; l'élaboration de CCT ou l'extension de l'application de celles existantes, ainsi que le suivi et le contrôle de leur application; l'intégration du personnel avec des contrats à l'heure (auxiliaires) dans le champ d'application des CCT existantes; la négociation de contrats types de travail (CTT) dans les secteurs où aucune CCT n'existe.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 25 oui.

Le président. Je vous soumets maintenant la proposition de motion 1935.

Mise aux voix, la proposition de motion 1935 est rejetée par 53 non contre 25 oui.

M 1950-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Christian Bavarel, Philippe Schaller, Marie Salima Moyard, Mathilde Captyn, Alain Charbonnier, Christian Dandrès, François Lefort, Brigitte Schneider-Bidaux, Lydia Schneider Hausser, Fabiano Forte, Michel Forni, Anne Marie von Arx-Vernon, Olivier Norer : Il faut connaître l'ampleur et l'évolution de la pauvreté pour la combattre !

Débat

Le président. Nous sommes au point 54. La parole est demandée par Mme la députée Anne Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport du Conseil d'Etat est donc la réponse à une motion déposée par plusieurs partis politiques de ce Grand Conseil, motion qui a été travaillée pendant plusieurs semaines en commission des affaires sociales et qui a mis en évidence un certain nombre de problématiques dans notre canton, lesquelles étaient toutes liées à la pauvreté. Vous conviendrez comme moi que, dans une région qui est quand même l'une des plus riches du monde, il y a de quoi se poser des questions quand on sait qu'une partie de notre population est pauvre.

Tous partis confondus, la commission des affaires sociales était... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...arrivée à la conclusion qu'il était utile de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat en la modifiant quelque peu et en proposant trois invites. L'une de ces invites demandait - c'est la première - que, tous les deux ans, le Conseil d'Etat nous fasse un rapport «décrivant l'ampleur et l'évolution de la pauvreté à Genève de manière à permettre une évaluation et un suivi des politiques mises en oeuvre dans ce domaine». Que nous répond le Conseil d'Etat ? Je vous fais grâce des détails, mais, en gros, il nous dit que l'Etat a déjà tous les outils nécessaires pour prendre la mesure de ce phénomène de pauvreté et adapter ses politiques publiques en conséquence. En d'autres termes, on nous dit: «Circulez, Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a rien à voir ! Nous, au gouvernement, nous savons ce qu'il y a à faire, nous connaissons le sujet, mais nous n'avons pas l'intention de vous donner les informations qui y sont liées.»

Certes, ces informations existent, mais elles existent de manière, je dirai, éparpillées. Et l'intérêt de ce que nous demandions, c'est que, justement, il y ait une réunion de toutes ces informations dans le cadre d'un rapport et que nous puissions, en tant que politiques, mesurer la pauvreté, son évolution, son ampleur, et surtout proposer des solutions.

Deuxième invite. Il s'agissait de «mesurer l'évolution de l'endettement ainsi qu'à analyser les facteurs clés qui provoquent cette problématique à Genève». Là, le Conseil d'Etat nous répond - et je veux bien lui en savoir gré - qu'il y a déjà quelque chose en route dans ce domaine. Donc, soit.

Troisième invite. Il s'agissait d'«évaluer l'impact de la pauvreté sur la qualité de la santé», en lien notamment avec les enquêtes pratiquées par le Bus Santé. Là aussi, la réponse est, à mon avis, totalement insuffisante, puisqu'on nous dit que, de toute façon, ce que fait le Bus Santé ne permettrait pas réellement de répondre aux questions posées et que, autrement, une étude de l'impact sur l'espérance de vie - comme le sollicite la motion - demanderait d'étudier systématiquement toutes les données de mortalité du canton de Genève: apparemment, cela n'intéresse pas le Conseil d'Etat.

Le président. Il vous faut conclure, Madame.

Mme Anne Emery-Torracinta. Je conclus, Monsieur le président ! Pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que je vous invite, simplement au nom du respect de la séparation des pouvoirs, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Philippe Schaller (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien ne sera, concernant ce rapport, pas aussi sévère que le groupe socialiste. Nous avons été signataires de cette motion, mais, depuis son écriture ainsi que son dépôt au sein de ce parlement, il s'est passé un certain nombre de choses et plusieurs adaptations législatives. Le rapport du Conseil d'Etat le rappelle, ce que je fais brièvement: nous avons voté le PL 10600 soutenant les familles pauvres qui travaillent; nous avons également voté le projet de loi - confirmé par le peuple - sur l'aide individuelle au niveau du dispositif qui remplace et renforce l'insertion; nous avons aussi adopté en commission de l'économie le PL 10821 sur le chômage, projet que nous espérons voir adopter aujourd'hui; de plus, nous avons voté en commission des affaires sociales le PL 10823 relatif à la politique de cohésion sociale en milieu urbain, projet qui sera également à l'ordre du jour de ce plénum. Il y a eu, en outre, d'autres mesures prises par le Conseil d'Etat: mandat du CATI - instance intervenant comme observatoire des inégalités; rôle de cartographies et de tableaux de bord; mise en place du programme cantonal de lutte contre l'endettement, réunissant des acteurs publics et privés; mise en place d'une consultation mobile de soins communautaires aux HUG et renforcement de cet équipe mobile; suppression, au niveau fédéral, de la pénalité par refus des prestations en cas de non-paiement des primes, cette suppression permettant d'améliorer l'accès aux soins.

Nous remercions le Conseil d'Etat, parce que son rapport nous montre qu'il développe une certaine transversalité au sein du système social du canton. Mais le sujet de la pauvreté est complexe: comment faire, sans créer une structure supplémentaire ? Alourdir le travail des fonctionnaires, pour, in fine, quelles actions ?

Il est vrai que la pauvreté est multiple et insidieuse, l'urbanisation des villes et la globalisation de notre monde conduisant à des problématiques nouvelles. La lutte contre la pauvreté demande donc de rassembler de nombreux acteurs de terrain; elle demande également des analyses fines au sein des quartiers, des communautés, de groupes à risque. Acteurs publics, privés, institutions et associations doivent s'impliquer. C'est effectivement au niveau local: nous pensons que l'on peut agir de manière plus adéquate et plus efficace... (Brouhaha.) ...ainsi qu'avec une politique volontariste...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Philippe Schaller. ...et transversale. Et c'est pour cela que, en complément à cette motion et en complément au rapport du Conseil d'Etat, nous espérons que l'adoption du projet de loi 10823 - relatif à la politique de cohésion sociale en milieu urbain - nous permettra d'avoir une meilleure connaissance des poches de pauvreté, cibler les personnes à risque et avoir une action locale de tous les acteurs.

M. Eric Bertinat (UDC). Chers collègues, l'UDC est moyennement satisfaite de ce rapport. Moyennement, parce que, à travers les explications données, on peut constater que de nombreuses choses se font dans le cadre de la pauvreté et de l'endettement à Genève, mais que nous n'avons pas une réponse formelle de la part du Conseil d'Etat quant à savoir s'il nous livrera ou pas, tous les deux ans, un rapport, tel qu'il l'est demandé dans la motion. Voilà, si je puis dire, l'approche technique de cette motion.

Mais il y a aussi une approche plus politique à suivre, et elle doit avoir lieu, parce que, depuis environ deux ans, Genève subit les effets de la libre circulation. On attendait un miracle économique, mais on découvre surtout les problèmes que l'on ne nous avait pas annoncés, et que notre canton rencontre aujourd'hui avec la libre circulation: son impact, dur pour la plupart des salariés; les baisses de salaires que l'on peut observer un peu partout; la difficulté pour nos jeunes - et pour les moins jeunes - à retrouver de l'emploi. Par ailleurs, de nombreuses données ont, depuis deux ans, fondamentalement changé, non seulement dans le cadre du chômage, mais, bien évidemment - une fois que le chômage de longue durée entre en ligne de compte - aussi dans le cadre de la pauvreté. Cela, il faut pouvoir l'aborder maintenant en tenant compte des difficultés que rencontrent les Genevois.

Il y a deux ans encore, l'étudiant qui terminait ses études par un diplôme était presque assuré de trouver un emploi; le jeune qui sortait des filières d'apprentissage terminait son apprentissage, puis trouvait un emploi... C'est terminé aujourd'hui ! Ici, à Genève, les jeunes qui font un apprentissage ont bien souvent du mal à retrouver un emploi. Quant à ceux qui font des études, voire des études très poussées, ils ont toutes les peines du monde à venir sur le marché de l'emploi, parce qu'il y a une pression absolument folle de la part des pays européens. Il vous suffit de vous promener à Genève pour constater les nombreuses plaques minéralogiques de tous les pays d'Europe, et pour voir des gens venant directement chercher de l'emploi ici. Ils arrivent avec des capacités professionnelles assurées, mais également avec un appétit salarial moindre que celui que nous montrons, nous Genevois, pour vivre dans ce canton - ils l'auront évidemment dans quelques mois ou dans quelques années - et, aujourd'hui, il y a une réelle compétition dont nous devons tenir compte. Et, pour nous, ce rapport sur la pauvreté est un rapport indirect sur la situation non seulement de l'emploi à Genève, mais aussi des salaires qui y sont pratiqués depuis deux ans.

Dernière petite remarque. Lorsque le débat du 11 juin 2011 a eu lieu, notre collègue Mme la députée Rolle relevait les difficultés des agences de placement - paraît-il - à trouver ici le personnel nécessaire, agences qui allaient évidemment le recruter en France, ce qui ne faisait qu'accroître la difficulté pour les Genevois et les résidents vivant à Genève de trouver un emploi. J'ai eu hier, avec différents conseillers municipaux, une discussion sur des agences de placement qui, elles, se sont...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Eric Bertinat. Oui, Monsieur le président. ...engagées à aider les chômeurs à Genève: elles sont confrontées au problème inverse - puisqu'elles ne veulent pas aller recruter en France pour trouver plus facilement du personnel, mais vraiment aider le résident genevois à trouver de l'emploi - et elles se trouvent face à des difficultés monstrueuses, car il y a évidemment à disposition, à Genève, tout le personnel que vous voulez: personnel venant de l'Europe.

Donc, ce rapport ne nous satisfait pas. Et nous ferons de même que les socialistes: nous désirons le renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, les députés radicaux et libéraux du groupe PRL... (Commentaires.) ...vont prendre acte de ce rapport, cela néanmoins avec deux regrets.

Tout d'abord, je dois dire que nous sommes tout à fait en accord avec le Conseil d'Etat en ce qui concerne la conclusion de ce rapport, qui rappelle opportunément que notre canton utilise un dispositif dense de prestations sociales à même de lutter efficacement contre la précarité dans notre population genevoise.

Par rapport aux invites, et pour ce qui est de la première, demandant un rapport bisannuel pour faire le point sur «l'ampleur et l'évolution de la pauvreté» dans notre canton, il est vrai que le Conseil d'Etat dispose de multiples sources d'information, tant fédérales que cantonales, pour mesurer cette pauvreté et analyser son ampleur; néanmoins, un rapport synthétique bisannuel aurait pu tout à fait se concevoir. Cela n'a pas été le cas, c'est notre premier regret.

Concernant la deuxième invite, sur l'évolution de l'endettement dans la population genevoise et l'analyse des facteurs clés contribuant à ce phénomène qui est de plus en plus prégnant dans notre population - celle des jeunes en particulier - nous pensons que la politique menée par le Conseil d'Etat - avec son programme cantonal de lutte contre le surendettement qui vient d'être lancé - est la réponse adéquate. Pour nous, le Conseil d'Etat a donc répondu à satisfaction à cette deuxième invite.

En revanche, en ce qui concerne la troisième invite, sur l'impact de la pauvreté sur la qualité de la santé, nous devons déplorer que le Conseil d'Etat ne veuille pas utiliser les potentialités de l'unité d'investigation épidémiologique populationnelle, à savoir le Bus Santé, qui, à notre avis, est un instrument fantastique et serait facilement - facilement ! - adaptable pour mesurer l'impact de la pauvreté sur la santé des Genevois. Je vous rappelle qu'on parle de plus en plus de médecine urbaine et que les facteurs environnementaux deviennent toujours plus importants pour déterminer notre état de santé. C'est pour cela que nous encourageons le Conseil d'Etat à revoir sa position par rapport à une utilisation du Bus Santé dans l'évaluation de la pauvreté. Néanmoins, nous sommes conscients des efforts considérables que ce canton réalise pour les personnes en état de précarité, et nous prendrons acte de ce rapport.

Mme Esther Hartmann (Ve). Le groupe des Verts demandera le renvoi de la motion au Conseil d'Etat. Nous ne sommes pas du tout satisfaits par le rapport de ce dernier concernant cette motion. Nous sommes surpris d'entendre que le PLR va soutenir et prendre acte de ce rapport, alors qu'il admet qu'il n'est pas satisfait de deux réponses sur trois, ce qui représente quand même un pourcentage assez élevé.

Nous, par souci de cohérence, nous allons demander que cette motion soit à nouveau traitée par le Conseil d'Etat. Nous ne sommes pas satisfaits qu'il soit dit, par exemple concernant le Bus Santé, que ce dernier n'a pas les moyens de traiter les données. En commission on nous avait indiqué que ce Bus Santé pouvait effectuer ce travail-là d'une manière économique, rationnelle, et qu'il pouvait très bien ajuster ses instruments de mesure aux demandes de la commission ou aux demandes que l'on pourrait lui présenter. De plus, l'argument selon lequel les problèmes de remboursement de caisses maladie sont supprimés depuis le 1er janvier et que tout le monde pourra maintenant bénéficier d'une couverture de l'assurance-maladie ne nous semble pas satisfaisant. Une partie importante de la population renonce à la prise de soins: non seulement parce qu'elle ne peut pas, parce qu'elle n'est pas assurée ou parce qu'elle ne peut pas payer les primes maladie, mais aussi tout simplement parce qu'elle ne peut même pas payer les frais de franchise. Donc, c'est une population que l'on ne peut pas forcément mesurer statistiquement pour le moment.

Ainsi, pour ces différents motifs, nous renvoyons à nouveau la motion telle quelle au Conseil d'Etat.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, le groupe MCG demandera le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Nous arrivons très exactement au même constat que ceux qui ont été évoqués par notre collègue M. Saudan, mais, en ce qui nous concerne, nous tirons les conséquences de ce constat: nous ne disons pas que nous ne sommes pas satisfaits, mais que nous prenons acte. Nous considérons qu'une insatisfaction doit forcément déboucher sur quelque chose de plus qu'une prise d'acte; c'est pour aller de l'avant et pour améliorer les démarches que nous sommes ici.

Ce rapport est intéressant, et nous ne sommes pas en train de dénigrer le travail fait par le Conseil d'Etat, et par M. François Longchamp en particulier, pour la lutte contre la précarité. Nous savons que des projets de lois sont sur le point d'être votés, d'autres l'ont été. C'est donc une préoccupation de notre Conseil d'Etat, et nous en sommes évidemment conscients. Par contre, la lutte contre la pauvreté implique d'abord une connaissance de l'évolution de cette pauvreté: on ne lutte un ennemi que lorsqu'on connaît les caractéristiques de cet ennemi. Or, ici, sur les trois invites figurant dans la motion, deux ne sont abordées que de manière incomplète par le Conseil d'Etat - elles ont été abordées par d'autres avant moi.

Je le répète, nous souhaitons effectivement un rapport tous les deux ans, pour savoir comment évolue la pauvreté. Il ne suffit pas de nous dire que la Confédération est là pour faire ce travail... Si la Confédération s'occupe de la pauvreté comme elle s'occupe de la sélection des avions de guerre, eh bien, je préfère, pour ma part, m'en charger !

Concernant la troisième invite, celle de l'évolution de l'impact de la pauvreté sur les soins, nous sommes tous conscients ici que la précarité de notre population amène de plus en plus de nos concitoyens à renoncer à se soigner comme leur état le nécessiterait, et c'est une préoccupation. Car, nous le savons tous, ne pas se soigner aujourd'hui c'est, évidemment, impliquer demain des coûts beaucoup plus importants ! Nous sommes heureusement dans une société solidaire qui ne laisse pas mourir les gens au bord de la route, et cela impliquera - si l'on veut raisonner en termes libéraux - des coûts supplémentaires pour la société. Donc, il y a une structure s'appelant Bus Santé qui est à disposition, et je pense que nous devons absolument lui maintenir son mandat - et augmenter ce mandat - afin de savoir comment cette précarisation de notre population a des impacts sur les soins.

Voilà pourquoi, Monsieur le président, chers collègues, nous considérons que ce rapport doit être renvoyé au Conseil d'Etat, afin qu'il améliore sa copie, tout en sachant qu'il est sur la bonne voie.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Nous passons maintenant au vote.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 1950 est adopté par 46 oui contre 28 non.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1950 est donc refusé.

M 2053
Proposition de motion de Mme et MM. Patrick Lussi, Stéphane Florey, Christo Ivanov, Eric Leyvraz, Eric Bertinat, Christina Meissner, Marc Falquet, Antoine Bertschy, Bernhard Riedweg demandant de renforcer la lutte contre le dumping salarial et le travail au noir dans les marchés publics par la consultation des associations professionnelles intéressées

Débat

Le président. Nous passons au point 55. Nous sommes en catégorie II - trois minutes. Le premier motionnaire est M. Patrick Lussi, à qui je donne la parole.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés - peut-être non pas pour plagier, mais pour prévenir certaines remarques qui pourraient se faire entendre - oui, nous nous sommes inspirés de nos voisins ! Certes, nous n'avons pas eu l'outrecuidance - pour certains - d'aller jusqu'à Paris: nous nous sommes arrêtés dans les faubourgs de Lausanne. Il est vrai que la manière de traiter le dumping salarial ou le travail au noir, dans le cadre des marchés publics, semble faire recette, en tout cas chez nos amis vaudois.

Qu'en est-il exactement ? Je sais que certaines choses existent, et nous n'enfonçons pas des portes ouvertes: le but est d'ajouter, dans le cadre des entreprises ayant le droit de soumissionner à nos marché publics, une liste exhaustive, négociée également avec les associations, non seulement professionnelles mais aussi syndicales, lesquelles ont peut-être parfois aussi quelques exemples - qui ne sont pas forcément connus de tous - d'entreprises qui ne respectent pas, d'une part, les conventions collectives et, d'autre part, la formation des apprentis, ainsi que d'autres textes de lois - je parle des paiements sociaux, mais ça on le sait.

Donc, Mesdames et Messieurs les députés, face à cela, quel est l'avantage ? L'avantage quand même, vous en conviendrez, c'est de traiter en amont ce qu'il est très difficile de traiter en aval ! C'est-à-dire d'avoir des inspecteurs, qui vont sur les chantiers, qui dénoncent, etc. Si une bonne partie des maux que nous dénonçons - non seulement de travail au noir, mais surtout, dans le cas présent, de dumping salarial - pouvaient être prévus en amont, l'actualité a quand même montré des errements et qu'il était facile d'arriver dans des excès qui, eux, sont très difficiles à corriger a posteriori.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, notre idée est simplement de vous dire: regardons ce qui se passe, faisons une liste exhaustive. Si d'autres entreprises veulent s'adjoindre à cette liste, eh bien, elles ne devront pas montrer patte blanche, mais seulement montrer qu'elles répondent à toutes les conditions dès l'ouverture de marchés publics genevois. En fonction de cela, elles pourront accéder aux soumissions et à l'ouverture.

C'est la raison pour laquelle, dans un premier temps, le groupe UDC pense, vu la simplicité des invites, qu'il serait judicieux de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au premier vice-président du Grand Conseil, M. Gabriel Barrillier.

M. Gabriel Barrillier (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous apprécions la sollicitude et l'intérêt de notre collègue au sujet de la lutte contre le travail au noir ou contre des méthodes d'adjudication discutables. Pour faire court, j'aimerais vous indiquer que, effectivement, le canton de Vaud a mis au point un système de listes permanentes d'entreprises - je parle ici de la construction, mais il peut s'agir d'autres fournitures. Ces listes permanentes, autorisées par les AIMP, permettent aux maîtres d'ouvrages publics, aux communes et à d'autres de vérifier - sur ces listes tenues à jour - si les entreprises sont en ordre quant à leurs obligations sociales et conventionnelles.

Genève a un autre système - on a essayé ces listes, on a réfléchi à cette systématique; on a un autre système, prévoyant d'abord la liste des entreprises membres des associations professionnelles. Je vous rappelle que, en tout cas dans la construction, les 98% des entreprises et artisans sont membres d'associations professionnelles, membres de caisses de compensation, qui font ce travail de contrôle. Et les entreprises qui n'y seraient pas soumises - parce qu'il n'y a pas d'extension de la convention collective - sont obligées de présenter au maître d'ouvrage, avant adjudication - donc au moment du dépôt de l'offre - un engagement selon lequel elles appliquent les conventions ou les usages. C'est donc un système un peu différent, mais qui offre le même résultat.

Maintenant, encore une précision: ce que vous demandez concerne ce qui se passe avant l'adjudication ! Et j'ai cru comprendre que vous souhaitiez que les partenaires sociaux donnent leurs avis. Sachez que les partenaires sociaux reçoivent les procès-verbaux d'ouvertures publiques, ce qui leur permet, dans les dix jours qui suivent, d'attirer l'attention du maître d'ouvrage public sur telle ou telle entreprise qui n'est pas connue ou qui n'est pas en ordre. Car tout se sait, dans la construction. Donc, on a déjà un système qui permet aux partenaires sociaux de donner leurs avis.

Je précise, chers collègues - vous permettez Monsieur le président - qu'il n'est pas question que l'Etat demande l'avis des partenaires sociaux concernant l'entreprise qu'il va choisir, on n'est bien d'accord ! Ça, c'est la liberté du maître de l'ouvrage ! Les partenaires sociaux contrôlent la conformité sociale de l'entreprise. Ensuite, on entre dans le droit de la construction.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Gabriel Barrillier. Donc, pour toutes ces raisons, j'aimerais vous dire que nous sommes d'accord de renvoyer cette motion intéressante à la commission de l'économie, qui nous permettra de décortiquer toutes ces procédures. Je vous remercie ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien demandera aussi le renvoi à la commission de l'économie. Il est sensible aux questions posées par cette motion. On avait vu, ces derniers temps, quelques problèmes surtout liés à des sous-traitants. Cela veut dire qu'on n'était peut-être pas au courant, au début, lorsque le contrat a été signé, de ce que les travaux seraient donnés à certains sous-traitants qui n'allaient pas respecter des conventions collectives.

Il y a déjà eu, au niveau de l'Etat, des études au sujet du dumping salarial et des conventions collectives; on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de dumping salarial si une convention collective existait et que les choses étaient tout à fait respectées.

Maintenant, il faut quand même travailler sur cette zone grise - où l'on ne sait pas ce qui se passe dans certaines sous-traitances - et il faut vraiment être très attentifs à ce qu'il peut arriver, car il est exact que l'on a peut-être tendance à sous-payer des personnes qui viendraient de certains pays, surtout des pays de l'Est.

Il est donc vrai que si l'on renvoie cela à la commission de l'économie, on aura peut-être toutes les réponses, les certitudes et les aides possibles de la part de l'Etat. Mais je reviendrai sur ce que vient de dire M. Barrillier: il y a un moment où il faut aussi laisser travailler les entreprises privées, ainsi que les partenaires sociaux, et l'Etat ne doit pas être trop présent.

Mme Esther Hartmann (Ve). Les Verts vont soutenir le renvoi de cette motion à la commission de l'économie. Cette motion est intéressante: le dumping salarial est quelque chose qu'il faut effectivement analyser avec soin. Or, la rédaction des invites actuelles ne nous satisfaisant pas entièrement, nous ne pouvons pas renvoyer directement ce texte au Conseil d'Etat. Nous comptons sur le travail de la commission de l'économie pour voir si quelque chose peut être fait.

Mme Prunella Carrard (S). Mesdames et Messieurs les députés, en 1994, la Suisse a ratifié l'accord de l'OMC sur les marchés publics. Cette convention avait alors été saluée par l'Entente, qui invoquait l'intérêt supérieur de notre budget; il s'agissait de faire baisser les prix en déroulant, en quelque sorte, le tapis rouge aux consortiums internationaux. L'Entente était alors soutenue par l'UDC, qui sacrifia alors à la concurrence - ces partis se rendent compte aujourd'hui que le dogme de la concurrence se fait malheureusement d'ordinaire sur le dos des PME et des salariés. En 2010, coup de tonnerre avec le rapport de la CEPP: le Conseil d'Etat semble découvrir que le dumping gangrène le marché du travail. Le gouvernement a d'ailleurs un peu de peine à y croire, et il mandate un second expert qui fait le même constat.

Alors, que faire aujourd'hui ? L'UDC nous suggère, dans sa proposition de motion, de nous inspirer du modèle vaudois et de faire participer les partenaires sociaux à l'adjudication des marchés publics. Cette proposition intervient en amont du problème; c'est un premier pas que les socialistes vont soutenir. J'invite maintenant l'UDC à en faire un deuxième ! En acceptant d'intervenir en aval dans le contrôle du respect des usages. Pour rappel, le contrôle des usages, c'est l'outil prévu par la loi pour, justement, lutter contre le dumping salarial. Or, nous constatons que l'autorité chargée aujourd'hui de son contrôle est en peine, notamment parce qu'elle manque d'inspecteurs. Pour environ 300 000 salariés, à Genève, on a moins d'une vingtaine d'inspecteurs pour effectuer les contrôles contre la sous-enchère salariale: ce n'est donc clairement pas assez. Pour remédier à ce problème, les syndicats ont lancé, cet automne, une initiative qui a abouti, et les socialistes invitent donc l'UDC, lorsque l'initiative arrivera au Grand Conseil, à la soutenir.

Pour le reste, nous suivrons le renvoi en commission, car, de toute manière, même si nous aurions pu la renvoyer aujourd'hui au Conseil d'Etat, nous estimons qu'il est intéressant que ce Grand Conseil se penche un peu plus précisément sur cette problématique et en discute en commission, afin d'avoir beaucoup plus d'éléments encore.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG s'amuse toujours lorsque l'Entente - doublée cette fois par les socialistes - vient reconnaître ce que l'UDC et le MCG disent depuis des semaines, des mois et des années, à savoir que les accords bilatéraux sont à renégocier. Et que l'espace Schengen a provoqué des effets collatéraux dommageables pour nos économies locales ! C'est quand même assez amusant que vous vous aperceviez aujourd'hui, chers collègues, que, finalement, tout n'était pas aussi rose et beau que ce qui nous avait été vendu lors des votations populaires. Alors, moi je vous le dis: effectivement !

Et on a un autre problème, avec les soumissions publiques. C'est que la Romandie - pour voir un peu plus loin que Genève - ne décroche aucun contrat avec la Suisse alémanique ! On pourrait se poser la question du pourquoi et du comment. Et tous les grands chantiers... Eh bien, on passe à côté ! Regardez le CEVA ! Oui, bien sûr, il y aura, en sous-traitance, quelques miettes pour les PME genevoises, mais le gros a été confié à une entreprise... française ! Et puis - et puis ! - Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas armés pour lutter contre cette concurrence ! Et, aujourd'hui, certains pans - de plus en plus nombreux et conséquents - de l'économie genevoise sont en train de tomber ! Alors, nous, au MCG, eh bien, on salue le courage de M. Pierre-François Unger et de M. Bernard Gruson, des HUG, pour avoir dit qu'il faut maintenant donner la priorité absolue au marché de l'emploi ! Cela rentre dans le même cadre ! Cela rentre exactement dans la même logique ! Il faut favoriser les entreprises qui sont sur le territoire genevois, et pas les simples filiales boîtes aux lettres ! Parce que nous avons, nous autres Genevois, ouvert avec une facilité déconcertante la possibilité de constituer une société sur le territoire genevois... (Brouhaha.) Combien de petites PME - sans forcément entrer dans le cadre des appels d'offres publics... Combien de petites PME sont venues de France juste avec une boîte aux lettres à Genève et vendent des prestations sur catalogue, en faisant croire aux futurs clients genevois qu'il s'agit d'une entreprise genevoise alors qu'elles n'ont, ici, qu'une adresse auprès d'un bureau fiduciaire ? Eh bien, c'est cela qui ne va pas, Mesdames et Messieurs ! Et aujourd'hui...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. Je vais conclure, mais c'est vrai qu'on ne peut plus parlementer, dans ce parlement ! Et, sur des sujets importants, tout... (Commentaires.) Mais oui ! Mais cela vous arrange, évidemment ! Vous qui prônez l'ouverture à tout-va ! Car, finalement, plus il y aura de concurrence, plus les Genevois resteront sur le carreau, et plus vous pourrez dire que vous faites du social ! Eh bien, je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que pour faire du social efficace, il faut une économie forte ! Et ce n'est pas avec vos principes, Mesdames et Messieurs les socialistes, adoubés certaines... (Brouhaha. Rires.) ...fois par les Verts, que nous pourrons sortir Genève de là où elle se trouve.

En conclusion, Monsieur le président, nous soutiendrons le renvoi en commission, afin de démontrer aux députés de ce Grand Conseil qu'il y a effectivement des problèmes. Il y a bien des choses à améliorer pour la qualité de vie de nos PME, et notamment dans l'attribution des appels d'offres publics.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je ne peux pas laisser dire par un député que, dans cette enceinte, l'on ne peut pas parlementer. J'informe donc toutes celles et ceux qui regardent cette retransmission qu'il existe dans notre règlement des catégories de débats. Pour cet objet a été fixée la catégorie II, soit trois minutes par personne. Aucun député n'est au-dessus de ce règlement ! C'est trois minutes pour chaque député. Et chacun est autorisé à parlementer pendant trois minutes ! (Applaudissements.) La parole est à M. le député Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (L). Merci, Monsieur le président. Pour une fois, je suis totalement d'accord avec M. Stauffer: je suis pour une économie forte. Cependant, je diverge évidemment sur la méthode, puisque le PLR est favorable aux accords bilatéraux et à la libre circulation des personnes... (Brouhaha.) ...avec les mesures d'accompagnement et les contrôles nécessaires, en rappelant que Genève est un canton qui se compose de beaucoup d'entreprises exportatrices dans les domaines horlogers, chimiques et autres, et qu'il a absolument besoin de cette ouverture des marchés. Donc, une autarcie complète serait la mort de notre économie !

Cela étant dit, des mesures doivent être prises pour prévenir les abus. C'est toujours avec émotion que j'entends le parti socialiste s'ériger en grand défenseur des PME, alors qu'il n'a de cesse que d'augmenter les contrôles, les charges et les impôts, et qu'il les fait toutes crever les unes après les autres ! Donc, cela me fait vibrer le coeur...

Le PLR est d'accord de renvoyer cette motion à la commission de l'économie... (Brouhaha.) ...laquelle se penchera sur le sujet. Elle s'y est déjà penchée plusieurs fois, elle a donc une certaine expérience en la matière. Nous avons eu des auditions sur d'autres motions venant de différents partis, donc nous ferons le travail encore une fois. Mais, évidemment, sur cette motion particulière, je partage les réserves de mon collègue et préopinant Gabriel Barrillier, qui a souligné l'importance du rôle des partenaires sociaux, mais dans une économie libre: avec un interventionnisme limité de l'Etat, et surtout avec un droit du maître de l'ouvrage de choisir lui-même l'entreprise avec laquelle il voudra travailler et à laquelle il voudra confier les travaux. Parce que cela ne sera ni au Grand Conseil ni aux partenaires sociaux de choisir, pour finir, l'entreprise à laquelle les travaux seront adjugés ! Mais la commission de l'économie se penchera sur toutes ces questions.

Mme Christina Meissner (UDC). Je souhaitais en tout cas remercier l'ensemble des groupes soutenant cette motion et simplement rappeler à l'une de mes préopinantes qu'il s'agit effectivement de renforcer les mesures d'inspection en amont - vous avez raison. Mais il y a surtout un travail à faire avec les partenaires sociaux naturels, les syndicats, qui sont en charge de la majorité des contrôles en ce qui concerne toutes les entreprises sous convention collective. Et là, il s'agira véritablement de travailler tous dans la même direction, afin que l'emploi soit préservé à Genève, et qu'il le soit, bien entendu, pour ses habitants. Je vous remercie du soutien que toutes et tous vous apportez à cette motion.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Prunella Carrard, à qui il reste quarante-cinq secondes.

Mme Prunella Carrard (S). J'aurai très vite terminé. Oui, effectivement, les syndicats sont impliqués dans le contrôle des usages, mais ils le sont par le biais des commissions paritaires, lesquelles n'existent que si elles sont prévues par les conventions collectives, ce qui n'est de loin pas le cas de tous les secteurs de l'emploi. Pour rappel, au niveau suisse, uniquement 50% environ des travailleurs sont protégés par des conventions collectives de travail. Il y a donc encore beaucoup de travail à faire. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Lussi, il vous reste vingt secondes sur votre temps de motionnaire, plus deux minutes et trente secondes sur le temps de votre groupe politique, s'il vous les accorde.

M. Patrick Lussi (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président. J'essaierai de ne pas abuser de votre temps. Je tenais simplement à rappeler une chose qui me semble très importante: dans ce cas-là, nous parlons bien d'une pratique que le gouvernement et le parlement vaudois ont mise en place. On n'est donc pas dans un système où l'Etat - l'Etat ! - va se gêner ou prétériter quoi que ce soit dans l'entreprise privée. Rappelons simplement que le but est d'amener, en amont, un partenaire de plus pour voir quelles sont les listes d'entreprises pouvant participer. Bien entendu, le choix échoira ensuite à l'Etat, puisqu'on ne parle que de listes.

Pour le reste, Monsieur le président, j'avais demandé, au début, que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat - sachez que je suis intéressé - et je remercie aussi M. le vice-président de l'attention portée; peut-être qu'en commission il est nécessaire de décanter davantage les choses. En définitive, n'est-ce pas un bien, de même que l'apanage de nos parlements démocratiques, que de pouvoir proposer, discuter et, ensuite, décider ? Ainsi, l'UDC ne sera pas contre le renvoi en commission.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat voit avec bienveillance le renvoi de cette motion en commission, ce d'autant plus que la commission de l'économie a eu l'occasion de se pencher sur le fonctionnement du marché du travail et de rappeler un certain nombre des principes régissant le marché du travail, ainsi que des principes régissant les contrôles. Comme l'a très brillamment rappelé Mme la députée Meissner, peut-être, à certains membres de ce parlement, quand bien même vous auriez la volonté, pourquoi pas, d'augmenter le nombre de contrôleurs à l'OCIRT, le contrôle des commissions paritaires ne peut pas être substitué par un contrôle de ce dernier, puisque, de par la loi, il s'agit précisément d'un contrôle paritaire, et non pas d'un contrôle étatique.

Nous aurons également l'occasion de vous indiquer, en commission, un certain nombre de listes - non pas positives comme vous le proposez, mais malheureusement négatives - qui sont déjà disponibles notamment sur le site «www.ge.ch», où nous publions la liste des entreprises interdites en raison, précisément, d'infractions au dispositif de lutte contre le travail au noir de marchés publics, pour des durées limitées. Nous aurons également l'occasion de vous indiquer toutes les procédures prévalant dans les marchés publics pour, justement, donner la publicité de certaines entreprises, et vérifier qu'elles respectent bien les dispositions légales.

Je vous invite donc à renvoyer cette motion à la commission de l'économie, pour que nous puissions en débattre calmement.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer sur le renvoi de cet objet à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2053 à la commission de l'économie est adopté par 76 oui et 3 abstentions.

RD 873-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'évaluation de la nouvelle loi en matière de chômage
Rapport de M. Philippe Schaller (PDC)
PL 10821-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi en matière de chômage (LMC) (J 2 20)
Rapport de majorité de M. Philippe Schaller (PDC)
Rapport de première minorité de M. Roger Deneys (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Dominique Rolle (MCG)

Débat

Le président. Nous sommes au point 56. Monsieur Lefort, vous avez une demande particulière à formuler ?

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, lors du traitement de ce PL 10821, ce sont en fait trois autres projets de lois qui ont été traités en commission: les PL 10677 et 10815 présentés par les socialistes et le PL 10855 présenté par les Verts. Puisque certains sont plus rapides que d'autres, les rapporteurs du PL 10821 et des rapports de minorités des trois autres projets de lois ont rendu leur travail. Il manque les rapports de majorité d'un rapporteur PLR - un peu laborieux...

Le président. Quel est le contenu de votre demande ?

M. François Lefort. Mais j'y arrive, Monsieur le président !

Le président. Eh bien, je vous prie d'y arriver rapidement.

M. François Lefort. J'y arrive, Monsieur le président. (Commentaires.) Nous vous proposons - nous vous demandons - d'ajourner le traitement de ce projet de loi à la prochaine session du Grand Conseil, de façon que ce laborieux député PLR puisse déposer ses... (Commentaires.) ...textes, et que les quatre objets soient traités concomitamment. (Brouhaha.) C'est une question de méthode, afin de ne pas s'y prendre à deux fois sur le même sujet ! Je vous remercie.

Le président. Bien ! Conformément à notre règlement, je vais d'abord donner, s'ils le souhaitent, la parole aux trois rapporteurs, puis au Conseil d'Etat. Nous voterons ensuite à la majorité simple l'ajournement de ce point.

Est-ce que les rapporteurs - M. Schaller, M. Deneys, Mme Rolle - désirent intervenir ? (Remarque.) Oui. Alors, veuillez prendre place à la place des rapporteurs, je vous prie !

Mme Dominique Rolle (MCG), rapporteuse de deuxième minorité. Cela va être très bref: le MCG soutiendra l'ajournement de ce projet de loi concernant les chômeurs. Et le MCG n'est pas pressé de se faire requalifier.

Le président. Je vous remercie. M. Schaller ne souhaitant pas s'exprimer, M. Deneys non plus, je donne la parole à M. le conseiller d'Etat François Longchamp.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, dans la mesure où il serait effectivement plutôt sain de pouvoir faire l'ensemble des débats sur le projet principal comme sur les autres projets de lois, le Conseil d'Etat peut vous inviter à soutenir cette demande d'ajournement, ce d'autant que votre ordre du jour à l'air d'avancer et qu'ajourner ce projet ne va pas amener le débat dans des horizons de temps trop improbables.

J'aimerais néanmoins attirer votre attention sur le fait que cette loi est une loi d'application d'une loi fédérale contre le chômage, et qu'elle contient plusieurs dispositions qui ne sont d'ailleurs, pour certaines d'entre elles, pas contestées par bon nombre d'entre vous, mais qui sont quand même nécessaires à la stabilisation d'une situation, puisque la loi fédérale est entrée en vigueur il y a maintenant un certain temps.

Donc, dans la mesure où cet ajournement est un ajournement limité par un délai et que nous pourrons, Monsieur le président, en discuter dès que le rapporteur aura rendu ses textes sur les projets connexes, j'accède à votre demande de pouvoir ajourner les débats, si telle est votre intention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix l'ajournement de ce rapport.

Mis aux voix, l'ajournement sine die du rapport sur le rapport du Conseil d'Etat RD 873 et sur le projet de loi 10821 est adopté par 76 oui contre 1 non.

M 2042
Proposition de motion de Mmes et MM. Mauro Poggia, Olivier Sauty, Roger Golay, Florian Gander, Jean-François Girardet, Jean-Marie Voumard, André Python, Thierry Cerutti, Marie-Thérèse Engelberts, Christina Meissner, Philippe Schaller, Pascal Spuhler, Marc Falquet, Patrick Lussi : Droit à l'information pour les proches d'un patient décédé : la transparence est garante d'une bonne pratique médicale

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie II: trente minutes. Je donne la parole au premier motionnaire, M. Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, en tant qu'avocat couramment consulté pour des problèmes de responsabilité médicale, avérés ou supputés, je dois vous dire que la plus grande souffrance à laquelle il m'est donné d'assister est celle d'une famille qui perd un enfant - majeur, bien sûr, car si l'enfant est mineur il y a l'autorité parentale - famille qui perd un frère, un père ou une mère, et qui pense que tout n'a pas été fait correctement, que ce proche aurait pu être sauvé, et qui a tout simplement devant elle un mur: des médecins qui lui refusent l'accès au dossier médical.

Le secret médical a été instauré, vous le savez, pour protéger les patients - vous et moi - et nous y sommes tous très attachés. Le projet qui vous est proposé ne vise en aucun cas à apporter une correction à ce principe. Chacun de nous a droit au respect du secret médical, a droit au respect de sa volonté, et a le droit de s'opposer à ce que qui que ce soit ait accès à son dossier médical. Ici, il est question d'un patient qui décède. Il décède et laisse des proches, et ces derniers souhaitent savoir pour quel motif il est décédé, pour quel motif le nécessaire n'aurait peut-être pas été fait. Peu importe, je dirai, la raison; il s'agit aujourd'hui d'adapter notre législation à l'évolution des moeurs. Qui parmi nous, si on lui posait la question aujourd'hui, pourrait dire ceci: «Moi, je m'opposerai à ce que l'on voie mon dossier médical; je m'opposerai à ce que mes enfants aient accès à mon dossier médical s'ils considèrent que je suis mort par la faute d'un médecin» ? Personne, bien évidemment. Nous souhaiterions tous que le responsable de notre décès réponde de sa responsabilité à la hauteur de ses fautes ! Et les médecins ne sont pas au-dessus des lois, pas plus que les avocats, d'ailleurs. Le secret médical n'a pas été instauré pour protéger le corps médical, mais, encore une fois, pour protéger le patient.

Ce qui est proposé ici consiste uniquement à faire évoluer notre législation et à humaniser l'accès, pour les proches, au dossier médical, car aujourd'hui, il faut le savoir, la violation du secret médical est réprimée par le code pénal. Il ne s'agit pas de modifier cette législation, mais le seul qui peut demander à être levé du secret médical, c'est le professionnel de la santé lui-même ! Le proche ne peut même pas demander à la commission du secret, qui existe, de lever le secret médical du médecin mis en cause ! Nous sommes donc dans une situation absurde, où celui qui a le moins intérêt à lever ce secret médical est le seul qui peut demander à le faire. Ce n'est pas normal, nous devons évoluer. Vous l'avez vu dans cette motion, je suis même allé plus loin en proposant un texte qui me semblerait suffisamment complet pour donner une réponse. Il s'agit uniquement de mettre une présomption, c'est-à-dire que chaque patient décédé est présumé avoir donné accès à son dossier médical à ses proches. C'est une présomption réfragable, comme dit le droit, à savoir que...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Mauro Poggia. Je conclus, Monsieur le président, et reprendrai la parole plus tard si nécessaire. Cette présomption peut donc être renversée du vivant du patient, qui peut dire à son médecin qu'il est exclu que l'on ait accès à son dossier; mais aussi, un médecin peut dire qu'il considère, malgré les ordres de son patient, que ce dernier ne l'aurait pas voulu. Dans ce cas, le médecin doit saisir la commission du secret, qui, elle, tranchera en toute neutralité et en toute impartialité.

En conclusion, je vous demanderai de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole, pour le groupe MCG, est à M. Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Je prendrai dix secondes, Monsieur le président, simplement pour relever que vous avez dit une grosse bêtise tout à l'heure - mais je ne vous en tiens pas rigueur - vous avez indiqué qu'il y avait trois minutes par député, or c'est trois minutes par groupe ! C'est une différence notable, quand je dis que l'on a de la peine, sur certains sujets importants, à pouvoir développer des arguments concernant la destinée des Genevois.

Le président. Vous savez, Monsieur le député, je ne compte pas les bêtises. La parole est à Mme Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (UDC). C'est une erreur, excusez-moi... (Remarque.) Merci, Monsieur le président. Je ne souhaitais pas véritablement prendre la parole, car je crois que c'était à mon collègue de le faire. Mais, puisque je l'ai... (Rires.) ...je vous dirai que je ne peux bien entendu qu'appuyer cette motion qui tient compte de l'émotion, de l'émotion terrible à laquelle les parents d'une personne décédée peuvent être confrontés. Dans ces circonstances, ils n'ont pas toujours le bon réflexe pour demander ce qui, pour eux, est justifié et légitime. En ce sens, cette motion apporte le guide et la transparence nécessaires pour que chacun puisse, d'une manière beaucoup plus sereine, envisager le décès d'un proche et obtenir toutes les informations lui permettant d'être apaisé et de faire le deuil de cette personne dans les meilleures conditions. En conclusion, il est évident que nous soutiendrons cette proposition de motion.

M. Charles Selleger (R). Cette motion est d'importance, j'en conviens, et j'aimerais résumer ses invites de cette manière. En réalité, elles consistent à demander l'accessibilité au dossier médical pour les proches d'une personne décédée, et que cette accessibilité devienne une règle, et non plus l'exception, comme c'est le cas actuellement. De plus, cette motion demande que la charge de lever le secret médical ne soit plus celle des familles, mais que, au contraire, il revienne au médecin de faire respecter le secret médical dans les cas où il peut présumer que telle était la volonté non exprimée du patient décédé.

Ainsi, on est en train, en quelque sorte, de renverser le fardeau de faire la démonstration, d'un côté, de la préservation et, de l'autre, de l'ouverture du secret médical. Contrairement à ce qu'a dit M. Poggia, la levée du secret médical - qui appartient actuellement à la commission de surveillance - peut faire l'objet d'une demande de la famille. Toutefois, pour avoir siégé pendant plusieurs années à la commission de surveillance, j'ai constaté que la plupart des demandes de levée du secret médical concernent des descendants qui sont mécontents des dispositions testamentaires du proche défunt et qui aimeraient, par l'ouverture du secret médical, démontrer que le testament a été fait alors que le patient était déjà dans une situation cérébrale insuffisante pour avoir un jugement sain. Par conséquent, on est très loin de la recherche d'erreurs médicales. Or c'est bien là l'intention sous-jacente de cette motion: il s'agit de faire la chasse aux erreurs médicales, de rechercher - et c'est explicité dans l'exposé des motifs - systématiquement les violations de l'art médical et de dénoncer les responsables de la mort du patient. C'est écrit en toutes lettres. Tout cela peut créer une dérive vers la recherche procédurière d'erreurs médicales, et cela constitue une porte ouverte aux avocats fouineurs à la recherche de mandats juteux, comme on le voit aux Etats-Unis.

Pour toutes ces raisons, le PLR est très sceptique quant à cette motion. Mais, vu la complexité du sujet et sa mauvaise perception par l'ensemble des non-professionnels - cela, j'en conviens - nous demanderons son renvoi à la commission de la santé, afin d'expliciter tous ces mécanismes et de pouvoir s'assurer que les intérêts légitimes des familles des proches décédés sont respectés.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Marc Falquet, à qui il reste deux minutes dix.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. L'UDC a cosigné cette motion, qui est excellente. Effectivement, la situation actuelle cause d'énormes souffrances aux familles, mais le problème n'est pas de vouloir attaquer la médecine, ce n'est pas le sujet !

Que se passe-t-il aujourd'hui ? Prenons un exemple: une personne hospitalisée reçoit les médecins, ceux-ci discutent avec les membres de la famille et leur disent que tout va bien, que leur proche est en bonne santé. Le lendemain, il décède... Là, la famille se pose des questions: comment se fait-il qu'il soit décédé, alors que, paraît-il, il était en bonne santé ? La médecine n'a pas le monopole de la vie ou de la mort, donc c'est comme ça, la personne a pu mourir naturellement. Cependant, la famille va essayer de se renseigner auprès du médecin et, d'un coup, se heurte à un mur, effectivement. Que va faire la famille ? Elle va commencer à suspecter des maltraitances ou une erreur médicale - alors qu'il n'y en a peut-être pas eu du tout - tandis que, si les médecins pouvaient s'entretenir avec la famille, les choses se calmeraient. Les gens ne sont pas procéduriers ! Ils aimeraient simplement faire leur deuil ! Or, actuellement, souvent les familles ne le peuvent pas. Alors, que se passe-t-il ? Ces dernières déposent plainte, car il y a soupçon d'une erreur médicale. Et cela met en route toute la machinerie: on procède à la levée du secret médical pour au moins vingt personnes, la police entend tous ces gens, et pour finir c'est elle qui fait le travail social de la médecine et qui rassure les familles. En général, la procédure est ensuite classée, et l'on a perdu de l'énergie, de l'argent et du temps. On fait également perdre du temps à tout le monde et on discrédite souvent les médecins.

Je pense donc qu'il s'agit ici d'une excellente motion qui permettrait une évolution: les consciences doivent un peu s'éveiller et les médecins n'ont pas à se sentir attaqués ! Personne ne souhaite attaquer la médecine ! C'est pourquoi je vous suggère d'accepter cette motion, car il n'est pas nécessaire de la renvoyer en commission et de perdre encore du temps. L'UDC acceptera cette motion telle qu'elle est et vous invite à en faire de même.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien demandera le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé, car il semble qu'il faut clairement définir ce qu'est le secret médical. Je ne parle pas ici en tant que médecin, mais en tant que personne qui croit que le secret médical est une notion qu'il ne faut pas galvauder. Il convient d'expliquer aux gens l'importance de ce secret médical. Ce dernier n'est pas là pour plaire à certaines personnes ou pour en protéger d'autres !

Personnellement, j'ai, à de multiples reprises, été en contact avec des gens qui étaient mécontents de certains traitements, qui pensaient que l'hôpital avait commis des erreurs; je n'ai jamais eu aucun problème pour avoir accès au dossier médical et pour le lire, et je n'ai donc jamais eu aucun problème pour expliquer à la famille si les choses avaient été faites correctement ou non. S'il y a des soucis, c'est probablement souvent dans des cas de mauvais dialogue ou de mauvaises explications de la part des médecins, mais il n'y a jamais chez ces derniers l'intention de se taire et de ne pas dire à la famille ce qui est en train de se passer.

Il faut aussi répéter ce qu'a relevé M. Selleger, à savoir que dans certains cas - et ils sont nombreux - il existe des problèmes relationnels au sein des familles, et l'on cherche à obtenir des informations qui, je regrette, n'ont pas à être connues de certains membres des familles. C'est vrai, le problème est de savoir si le défunt avait tous ses esprits avant de mourir; mais, là, excusez-moi, on a le droit de respecter la personne qui est en train de s'éteindre, on a le droit de respecter ce qu'elle voulait dire et on n'a pas à raconter à la famille s'il y avait des choses, etc. Je crois que, là, le secret médical doit être conservé. Ce secret médical est essentiel, on ne doit pas le toucher, et jusqu'à maintenant on n'a pas eu de problème à quelque niveau que ce soit pour consulter des dossiers et pour expliquer aux familles pourquoi les gens étaient décédés. S'il y a des problèmes, eh bien, tout existe pour que les gens puissent porter plainte, puissent exiger qu'une enquête soit réalisée et que justice soit faite. Jusqu'à présent, je n'ai pas connu de cas où justice n'a pas été faite. C'est vrai que, pour les avocats, cela fournit du travail. Mais, honnêtement, nous ne sommes pas là pour qu'ils aient facilement de nouvelles affaires à traiter.

En conclusion, le groupe PDC demande le renvoi de cet objet en commission. Je vous remercie.

Mme Esther Hartmann (Ve). J'essaierai d'être brève, même s'il y a énormément de choses à dire sur cette proposition de motion. Les Verts ne peuvent soutenir ce texte ni le renvoyer à la commission de la santé, car ils considèrent qu'il constitue une attaque du secret médical.

Tout à l'heure, mon préopinant - M. Poggia - a posé la question de savoir si quelqu'un dans cette salle pouvait s'opposer à ce que les membres de sa famille aient accès à son dossier médical après son décès... Je ne sais pas quand je vais mourir, mais là, maintenant, même si je n'ai rien de honteux à cacher, je serais tout à fait opposée à ce que ma famille ait accès à mon dossier médical. Il y a des choses qui font partie de l'intime, qui doivent rester dans cette sphère privée et ne pas être communiquées d'office à des proches - qui, du reste, ne tiennent peut-être pas forcément à connaître certains éléments du parcours du défunt.

Deuxièmement, j'encourage mes préopinants à lire le rapport de la préposée à la protection des données et à la transparence pour l'année 2011. Il est mentionné en page 7 tout ce que la préposée à la protection des données a déjà entrepris par rapport au secret médical et aux situations litigieuses, ainsi que l'appui, en cas de circonstances délicates, qu'elle peut offrir dans les démarches concernant l'accès aux données. Peut-être qu'il faudrait déjà commencer par cela, avant d'aller chez un avocat en ayant le soupçon que le médecin «a fait quelque chose qui».

Je vous parle aussi en tant que proche de personnes décédées. Bien sûr, il est arrivé que je ne sois pas d'accord avec la prise en charge médicale; et, bien sûr, j'ai eu quelques petits soupçons par moments. Mais je considère que la personne proche décédée avait tout à fait le droit de garder des secrets qui faisaient que je ne comprenais pas certaines réponses qui m'étaient données.

Pour ces raisons, que ce soit sur le plan personnel ou que ce soit sur le plan politique en tant que députée Verte, j'encourage les membres de ce parlement à refuser tout simplement cette motion. (Applaudissements.)

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion pose une question importante qui, comme toujours, n'a pas de réponse simple et univoque. Il y a autant de situations de décès que de personnes, et parfois, c'est vrai, cela peut être une période de conflit. Néanmoins, cette proposition de motion s'inscrit dans un travail plus général, promu à Genève notamment par l'Etat et par les institutions, qui consiste à parler plus ouvertement et sans tabou de la mort, et à l'anticiper pour soi et pour ceux qui restent. Dans ce sens, si l'on peut en effet inscrire aujourd'hui dans des directives anticipées ses désirs post mortem et l'accès à son dossier médical, tout le monde ne le fait pas. La fin de vie reste un sujet difficile à aborder.

C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables au renvoi de cette motion en commission, afin d'en examiner les tenants et les aboutissants et d'envisager éventuellement à quelles conditions la loi pourrait permettre de fixer un cadre légal, sans trahir le secret médical ni laisser les proches en dehors des affaires de la personne décédée. Il y a de bons médecins et de mauvais médecins, tout comme il y a de bonnes familles et de mauvaises familles, et il n'existe certainement pas une seule manière de répondre à cette question, raison pour laquelle il nous semble intéressant d'en étudier les divers aspects.

M. Claude Aubert (L). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous ne vous souvenez peut-être pas de la Société des Nations, la SDN. Un humoriste avait dit qu'il ne s'agissait pas de la Société des Nations, mais de la «satiété des notions». La satiété des notions... Cette motion, très importante sur le fond, pose le problème des acceptions très différentes que l'on donne aux mots. Moi, j'ai toujours compris que le secret médical, c'était le secret du patient et que le médecin en était le garant. Or, dans la dernière invite - mais je parle sous le regard d'un avocat - il est écrit: «[...] lorsque le titulaire du secret médical, protégeant un patient décédé, considère...» Mais si le titulaire ici, c'est ce qu'on appelle le prestataire de soins, pour moi cela entretient la confusion. Il est bien clair que le secret médical c'est le secret du patient et que le personnel de santé est en position de garant.

D'autre part, on a parlé de la commission de surveillance des professions médicales, mais on a évoqué également la commission du secret, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Enfin, et cela a été bien souligné par Mme Hartmann, je crois que, d'une part, il est absolument anormal qu'une profession puisse se retrancher derrière un secret pour pouvoir couvrir ses impérities, mais, d'autre part, on doit tenir compte de la possibilité pour chacun de garder un secret sur lui-même. On a droit à un secret de famille ! On a droit à un secret personnel ! Et cela, ce n'est pas en deux coups de cuiller à pot qu'on arrive à le régler, d'où le renvoi en commission.

Je donne un exemple tout simple: une personne va à l'hôpital suite à un abcès cérébral et en meurt. Dans le dossier, il est indiqué qu'elle était atteinte du sida, mais personne ne le savait parce que c'était un secret. Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce qu'on va le dire ou pas ? S'il faut maintenant introduire quelqu'un qui va être le médiateur du secret, pour savoir ce que l'on peut lire entre les lignes et ne pas lire du tout, cela devient très compliqué.

En conclusion, soit on ne s'occupe pas de cette motion et on vote contre, soit on la renvoie en commission. J'ai entendu parler de la commission de la santé: à mon avis, il devrait carrément s'agir de la commission des Droits de l'Homme. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Renaud Gautier, à qui il reste quinze secondes.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, je vous fais don de ces quinze secondes !

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous en remercie, Monsieur le député. La parole est à M. Patrick Saudan, à qui il reste vingt secondes.

M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le président, je vais essayer d'être très bref.

Le président. Vous avez vingt secondes !

M. Patrick Saudan. Le débat a un peu dévié du secret médical à l'erreur médicale, et je vais vous expliquer très rapidement comment cela se passe à l'hôpital. Nous avons des traitements de plus en plus complexes; de temps en temps, les patients peuvent décéder de ces traitements, c'est lié à des effets secondaires. Il faut savoir qu'il y a des procédures extrêmement strictes s'agissant de ce que l'on appelle des incidents graves, afin d'étudier les décès qui sont inexpliqués.

De plus - et là je m'adresse à M. Falquet - quand une erreur médicale est avérée, les médecins savent - ils ne sont pas bêtes - qu'ils ont intérêt à discuter d'emblée avec la famille et à avouer l'erreur médicale, parce qu'autrement la procédure pénale qui sera engagée contre eux par les familles risque d'être beaucoup plus complexe.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Mauro Poggia, à qui il reste deux minutes.

M. Mauro Poggia (MCG). Deux minutes ? Je suis le seul de mon groupe à souhaiter encore s'exprimer ?

Le président. Oui, Monsieur le député !

M. Mauro Poggia. Je vous remercie, Monsieur le président. En trente ans de pratique, je n'ai jamais obtenu une levée du secret médical autrement que par le biais d'une procédure pénale. C'est évidemment regrettable. Des gens vivent dans le rêve et essaient de nous faire croire, comme M. le député Saudan, qu'il y aurait des directives internes qui sont là pour la transparence... Non, ce n'est pas le cas, Monsieur Saudan ! (Commentaires.) Ecoutez, ça fait trente ans que je travaille dans le domaine et je sais que ce n'est pas le cas ! Mais peu importe, là n'est pas le problème.

Je dirai simplement à M. Selleger - puisque nous avons entendu tous les médecins de ce parlement, sauf un - que je ne suis pas plus un avocat fouineur en recherche de mandats juteux qu'il n'est un médecin incapable qui compte sur le secret professionnel pour dissimuler ses erreurs. Nous sommes ici tous conscients que seule la transparence est garante d'une bonne médecine, et il n'y a aucune raison de venir se cacher derrière un secret médical.

En revanche - et je vous rassure, Madame la députée Hartmann - vous avez parfaitement le droit de protéger votre secret médical ! Vous avez parfaitement le droit de dire à votre médecin que vous ne voulez pas, après votre mort, que qui que ce soit ait accès à votre dossier médical. Et vous avez parfaitement le droit, Monsieur Aubert, même si votre patient décédé du HIV ne l'a pas dit expressément, de considérer qu'il ne voudrait pas que l'on sache qu'il était atteint du HIV et de demander à la commission du secret de l'établir en toute impartialité. C'est ce que nous demandons ! C'est que vous ne soyez pas, vous les médecins, juge et partie, et qu'une autorité extérieure à votre pouvoir puisse dire si, oui ou non, vous avez raison !

En ce qui concerne les mobiles, si, demain, un héritier considère que son frère a manipulé son père, qui était atteint d'une grave maladie d'Alzheimer - pour lui faire signer un testament d'une main tremblotante - et que cet héritier veut précisément démontrer que l'on a manipulé ce vieil homme pour lui soutirer de l'argent, où est le mal ? Je pense que vous êtes en train de nous dire que le secret professionnel devrait protéger le malhonnête ! Alors que, au contraire, nous avons, tous, intérêt à ce que la justice soit bien rendue et que la volonté des personnes capables de discernement soit respectée ! Si l'on doit avoir accès à ce dossier médical pour démontrer que cette personne n'avait pas la capacité de discernement lorsqu'on lui a fait signer un acte, eh bien, je crois que le secret médical n'est, une fois encore, pas là pour protéger les malhonnêtes ou ceux qui se trompent ! Tout simplement.

Et j'ajouterai, puisqu'il semble qu'une majorité se dessine pour le renvoi en commission, que j'appuierai ce renvoi, mais à la commission de la santé, car il s'agit d'une modification de notre loi sur la santé. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le président du Conseil d'Etat, M. Pierre-François Unger.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites et l'on voit bien que, suivant que l'on se situe du côté du canon ou, au contraire, de la partie de la carabine que l'on met contre l'épaule, on ne se protège pas de la même manière et on ne poursuit pas les mêmes objectifs non plus ! C'est un sujet extrêmement difficile, vous avez bien fait de le souligner, et les circonstances ne sont que rarement aussi caricaturales que celles que vous avez décrites. Lorsque nous étions dans nos rôles différents, Monsieur Poggia - vous, non pas comme député mais comme avocat, et moi, à l'époque, comme médecin - nous avons eu l'occasion d'échanger à ce propos. A savoir que l'article 321 du code pénal suisse protège le secret médical. Et le secret médical, ce n'est pas celui du médecin, c'est celui que le médecin détient par le pouvoir de celui qui le lui a remis. Partant de là, il n'est qu'un coffre-fort, il n'est pas sa propre clé. Et ça, c'est très fondamental ! Cela figure dans l'article 321 du code pénal, que vous connaissez mieux que moi, pour l'appliquer régulièrement.

Deuxièmement, le Tribunal fédéral s'est évidemment penché sur ce sujet, vous le savez bien, et ce dernier a dit qu'il n'y avait pas de raison de penser que, après la mort, tout d'un coup les choses seraient différentes de ce qu'elles sont lorsque les gens sont vivants. En d'autres termes, lorsque les gens sont vivants, personne ne leur conteste le droit de dire ou de ne pas dire un certain nombre de choses à leurs proches. Partant de là, il n'y a aucune raison de présumer qu'au moment où ils sont morts leur décision serait différente. Sauf, le cas échéant, à faire plaisir soit à un avocat, soit à une partie de la famille, comme cela a été évoqué.

Ce sujet est trop important pour que l'on en discute à fond ici. Il convient de l'étudier, vous avez raison, en commission de la santé. Toutefois, il ne faudra pas que chacun se contente de voir les circonstances qu'il a vécues dans l'exercice de sa propre profession, mais ce que couvre le secret médical, qui est le droit absolu pour une personne vivante ou décédée de disposer des données qui la concernent. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix le renvoi de la proposition de motion 2042 à la commission de la santé. Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent... (Remarque.) Je n'ai pas très bien compris, Monsieur Gautier !

M. Renaud Gautier (L). Il me semble, Monsieur le président, que M. le député Aubert avait demandé le renvoi à la commission des Droits de l'Homme. Il y a donc deux propositions de renvoi: aux Droits de l'Homme et à la santé, la dernière suggestion étant le renvoi aux Droits de l'Homme.

Le président. La première demande qui a été formulée concernait la commission de la santé. Nous votons donc sur cette première demande. Si elle n'est pas acceptée, nous nous prononcerons sur le renvoi aux Droits de l'Homme.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2042 à la commission de la santé est adopté par 51 oui contre 26 non et 1 abstention.

M 2052
Proposition de motion de Mmes et M. Lydia Schneider Hausser, Marie Salima Moyard, Anne Emery-Torracinta, Prunella Carrard, Jean-Louis Fazio : Non au retour des farines animales en Suisse

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie II: trois minutes par groupe. Je donne la parole à la première motionnaire, Mme Lydia Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion fait suite à des articles parus dans la presse à la fin de l'année dernière. Ces articles indiquaient que, au niveau européen, il était question de lever l'interdiction des farines animales dans les élevages de bovins et d'autres animaux. La Suisse, depuis la dernière épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine - l'ESB - a mis en route tout un programme d'études au niveau fédéral par le biais du Service vétérinaire suisse. Cependant, même si cette cellule a rendu des études intéressantes et a pu promouvoir une prévention et une information à la population - qui, à l'époque, ont épargné une panique générale - nous devons, en tant que consommateurs et citoyens du pays, rester très attentifs à l'évolution de ces normes sur le plan européen. C'est d'autant plus important qu'au niveau des normes européennes il existe des protocoles, mais qui sont de moins en moins liés à la sécurité alimentaire, c'est-à-dire à ce que contiennent les aliments.

Ainsi, même si en Suisse nous avons une protection encore plus grande à ce niveau-là, il n'est pas inutile de rester attentifs. Cette motion demande tout simplement au Conseil d'Etat - avec les moyens qu'il a, c'est-à-dire lors de rencontres avec la députation à Berne ou par l'intermédiaire des personnes qui y sont déléguée afin de faire du lobbying pour le canton - eh bien, cette motion lui demande d'intervenir si cette discussion est à l'ordre du jour - et elle le sera prochainement au Conseil fédéral - dans le but de relayer une préoccupation que nous avons à Genève. Il s'agit de dire - et je vous propose d'approuver cela - que nous ne pouvons pas, d'emblée, comme ça, simplement réintroduire les farines animales.

Nous pourrons entrer dans les détails techniques plus tard. Pour l'heure, je vous demande en tout cas de soutenir cette motion, qui constitue une intention mais qui revêt une grande importance pour notre alimentation et nos habitudes de consommateurs.

M. Eric Leyvraz (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, on reparle en Europe de la réintroduction des farines animales dans le régime des animaux de rente. Leur nom a changé - on parle maintenant de «protéines animales transformées», PAT - et, la main sur le coeur, on nous assure que ces PAT n'ont rien à voir avec ce que l'on a connu auparavant, que l'on utilisera les restes d'animaux sains et non pas malades, que la cannibalisation sera interdite et que ces protéines serviront à nourrir les porcs et les poissons, et non pas les ovins et les bovins qui peuvent contracter l'ESB... Bien ! Le problème est que les instances responsables restent fortement divisées. Si l'on prend la France, premier pays d'Europe du point de vue agricole, le ministre de l'agriculture, M. Bruno Le Maire, a annoncé que tant qu'il serait ministre il serait exclu que l'on réintroduise ces farines animales. L'Agence nationale de sécurité sanitaire dit la même chose. Mais le Conseil national de l'alimentation, lui, est d'accord d'entrer en matière.

Tout cela, dans le fond, est une histoire de gros sous. L'élimination des déchets carnés coûte une fortune: en Suisse, cela représente presque 50 millions par année, ce qui est quand même une somme considérable. En outre, les farines animales sont une source d'acides aminés indispensables pour stimuler la production, parce que la digestion de ces protéines animales est bien meilleure que celle des protéines végétales, bien que l'on fasse du tannage de tourteaux qui permet une meilleure assimilation de ces protéines végétales. On voit du reste que le prix des tourteaux de soja - recherchés par les éleveurs parce qu'ils contiennent un acide aminé qu'on trouve peu dans les herbages, à savoir la lysine - s'envole ! Il est donc évident que l'on essaie de réintroduire ces farines animales.

Mais ces mesures d'amélioration des procédures nous inquiètent quand même. Je dois dire que nous gardons tous en mémoire la catastrophe de cette ESB qui a surpris les scientifiques il n'y a pas longtemps. Cela fait seulement vingt ans ! Il y a vingt ans, pourtant, certains scientifiques recommandaient de ne pas utiliser de farines animales pour nourrir des bêtes comme les vaches ou les ovins, c'est-à-dire des animaux qui ne mangent que des herbages, qui sont herbivores et possèdent un système immunitaire qui n'a rien à voir avec celui des porcs, par exemple, lesquels sont omnivores. On n'a pas écouté ces scientifiques ! Le résultat, on le connaît: on a l'ESB, la vache folle, et l'on a vu ces photos - qui, je crois, sont inoubliables - de charniers où l'on a brûlé des dizaines de milliers de bêtes ! En Angleterre, on apercevait ces nuages de fumée qui obscurcissaient le ciel, en même temps qu'on voyait le désespoir et la ruine des éleveurs ! Sans parler de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, qui s'est déclarée à la suite de cette ESB.

Mesdames et Messieurs, je crois quand même que le principe de précaution doit encore s'appliquer ! Et j'aimerais bien que l'on renvoie cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture, afin que l'on puisse discuter avec les spécialistes fédéraux et qu'ils nous disent où l'on en est, de façon à pouvoir ensuite vous présenter, dans cette assemblée, quelque chose qui tienne un peu la route. Je demande donc le renvoi de cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

Mme Jacqueline Roiz (Ve). Les Verts demanderont eux aussi le renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture. En effet, cette motion nous met en alerte et nous pose la question de la sécurité alimentaire en Suisse, car la Confédération étudie l'éventualité de réintégrer les farines animales - qui sont donc élaborées à partir de restes d'animaux morts et données comme nourriture à des animaux vivants. Cette motion nous rappelle les dégâts dramatiques provoqués par cette industrie alimentaire de la viande et l'épidémie qui s'était ensuivie. Cette dernière avait causé la mort de moutons, de vaches, de boeufs, et s'était étendue à l'humain. La maladie de la vache folle avait mené à l'interdiction totale des farines animales et avait causé une véritable panique chez le consommateur. Elle avait en outre obligé les paysans à réformer leurs structures et à tuer leurs propres vaches, ce qui était assez dramatique, et ils ont ensuite dû regagner la confiance des consommateurs.

L'encéphalopathie spongiforme bovine est une infection dégénérative du système nerveux - nous avons vu des images de vaches tombant brusquement, tremblantes - et cette maladie mortelle est causée par un agent infectieux moléculaire qu'on appelle «protéine prion», qui se trouvait à l'époque dans les farines animales servant à nourrir les bovins.

Alors, est-ce réactionnaire, naïf et simpliste de penser qu'une vache s'alimente d'herbe et de foin ou d'autres fourrages végétaux ? Il me semble que cela relève du bon sens. Mais pourquoi en est-on arrivé là ? C'est ici que c'est intéressant. On peut citer la surexploitation des viandes animales, la demande des fournisseurs, les fast-food, cette facilité de cuisiner un steak au lieu de prendre son temps et de mijoter un plat. Nous sacrifions un animal pour n'en manger que quelques parties, et ensuite on a des déchets, des carcasses qui débordent, et leur incinération devient un problème économique et sanitaire pour la population... On a donc obligé à prendre en charge ces traitements de déchets en échange de l'exploitation des farines animales, pour les revendre. En 1996, pourtant, la transmission de la maladie de la vache folle vers l'homme était déjà avérée, et depuis 2001 la prohibition des farines animales est en vigueur en Suisse suite à cette épidémie. En 2008, l'Europe parle de réintroduction possible de ces farines, en disant que ce sont des protéines extraites exclusivement de morceaux inutilisables mais propres à la consommation humaine... Avec ce triste épisode, nous sommes face à un exemple de plus de cette consommation à outrance qui nous oblige à nous fournir en viandes diverses provenant des quatre coins du monde, et la peur de cette réintroduction de farines en Suisse est légitime.

Comme il s'agit d'une motion demandant à Berne de ne pas réintroduire les farines animales, il est nécessaire que l'on ait des connaissances actuelles et que l'on dispose du niveau technique; il faut connaître les limites d'un tel traitement, examiner de manière rationnelle le problème sous l'angle scientifique et éthique, évaluer les risques...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Jacqueline Roiz. Oui, Monsieur le président ! Il faut, par exemple, voir comment s'assurer que l'on peut tracer tout le parcours d'une farine ou savoir quelles sont les autres utilisations de cette farine. En conséquence, les Verts proposent que cette motion soit traitée en commission de l'environnement et de l'agriculture.

M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai qu'une vingtaine d'années ont passé et que le souvenir de cette crise de la vache folle, qui avait enclenché une crise sanitaire, fait place actuellement à une crise socioéconomique. Pourquoi ? Comme on l'a dit, ces problèmes de viande ont été associés à la consommation de produits carnés mais aussi à la destruction de ces parties d'animaux qui, malheureusement, étaient tantôt atteints ou tantôt détruits dans des conditions extrêmement difficiles et dans des locaux souvent inappropriés. On a donc développé ce principe de la précaution, qui fait appel à l'existence d'un risque, de sa sévérité, du désaccord des experts, des erreurs humaines, et surtout à des notions de prédictibilité et d'extrapolation.

Derrière cette pénible histoire des prions de l'encéphalopathie, de la vache folle et autres, il y a bien sûr absence de risque zéro. Il est donc étonnant que l'Office vétérinaire fédéral - comme d'ailleurs d'autres offices européens - revienne un peu avec cet oubli de la politique du rétroviseur, en sous-estimant les principes de précaution et en travaillant surtout sur des éléments économiques. Comme cela a déjà été dit, éliminer des produits, et des déchets de carcasses essentiellement, coûte cher. D'autre part, il convient de maintenir un apport suffisant nutritionnel pour les bestiaux et, bien sûr, de remplacer parfois cet apport protidique insuffisant par d'autres éléments.

En dehors du risque potentiel, qui n'a pas été éliminé à 100%, de transférer un agent infectieux, il y a aussi la possibilité de transformer en risque un autre problème, lequel a déjà été mentionné indirectement: celui du soja. Car le soja ne pousse pas chez nous; il croît essentiellement dans d'autres pays, notamment en Amérique du Sud. Et l'on encourage le développement du soja, mais cela peut aussi amener d'autres problèmes, comme le fait de grignoter certains territoires pour le produire. Je pense à l'Amazonie, au déboisement, mais également - il ne faut pas l'oublier - au développement de certaines structures pour le purifier, pour le maintenir, donc des structures qui sont génétiquement modifiées.

Par ailleurs, nous sommes aussi dans un pays où nous avons une certaine confiance dans ce que nous mangeons et où nous aimons bien avoir des informations correctes; nous préférons souvent renoncer à certains aliments si nous n'avons pas de traçabilité. Ainsi, derrière ce principe de précaution que nous sommes en train d'éteindre, il y a aussi un facteur d'inquiétude. Et nous ne pouvons pas oublier - parce que c'est de la viande, parce que ce sont des protéines - qu'il existe aussi ce même principe de précaution avec les médicaments, ce que nous appelons la pharmacovigilance. Mais nous savons que, en dépit de la grande vigilance dont on fait preuve avec les médicaments, il y a parfois de très vilaines surprises ! C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il convient de bien analyser ce problème du principe de précaution, mais aussi de bien voir ce qui se cache derrière cette réintroduction des farines.

En conséquence, le PDC vous propose - comme mes autres préopinants - de renvoyer cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

Mme Patricia Läser (R). Mesdames et Messieurs les députés, la réintroduction des farines animales est uniquement et strictement due à des raisons économiques. Cette réintroduction ne peut conduire qu'à une perte de confiance des consommateurs vis-à-vis de notre production. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que le risque zéro n'existe pas ! A-t-on déjà oublié les scandales de la vache folle ou de la tremblante du mouton ? Le consommateur a besoin de messages simples, et la production suisse sans farines animales en est un: tous les moyens visant à distancer la production suisse des autres productions contribuent à renforcer nos positions sur les marchés locaux.

Concernant la nécessité de disposer de protéines, les protéines végétales peuvent remplacer les protéines animales et offrent de surcroît des perspectives pour la production indigène. Je répondrai simplement à M. Forni - vous transmettrez, Monsieur le président - que le soja se cultive en Suisse et que c'est une production de plus en plus actuelle sur nos terrains. De plus, il s'agit de soja sans OGM.

La nourriture est primordiale dans la vie de chacun, et nous devons tout faire pour qu'elle soit de la meilleure qualité possible. Nous devons donc résister au productivisme à outrance qui néglige la qualité et le bien-être de chacun. Pour ce qui est de la nourriture, nous devons oublier l'appât du gain et rester le plus près possible du naturel.

Pour toutes ces raisons, je vous demande d'adopter sans attendre cette proposition de motion. Si vraiment la majorité souhaite qu'elle passe par la commission de l'environnement et de l'agriculture, il en sera fait ainsi, mais je pense qu'il est nécessaire de renvoyer cet objet directement au Conseil d'Etat. Le temps presse, les autorités fédérales discutent actuellement de cette problématique, et il ne faut pas le perdre ! (Applaudissements.)

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Chers collègues, je ne suis pas une spécialiste des farines animales, mais, en lisant cette motion, il m'est apparu assez important - et je ne répéterai pas tout ce qui a été dit par rapport aux pathologies qui découlent de cette ingestion - que l'on aborde en commission de l'environnement et de l'agriculture non seulement les notions liées au principe de précaution, mais aussi le concept tellement utilisé aujourd'hui de la prévention. Vous savez que dans la Constitution fédérale, tout comme dans la loi fédérale y relative, le principe de précaution n'apparaît pas, d'où la difficulté que nous avons à le faire appliquer, voire simplement à en parler.

Il est dit que le principe de précaution est applicable lorsque de sérieux indices scientifiques font craindre un risque important mais que les données scientifiques sont insuffisantes pour prouver de manière absolue et définitive une relation de cause à effet. Il est dit encore que le principe de précaution invite à prendre des mesures assez tôt, afin de prévenir des atteintes à l'environnement qui seraient irrémédiables et dont les coûts de réparation pourraient être exorbitants.

Effectivement, pour des raisons économiques, on risque de tendre à la facilité et d'appliquer simplement un principe de prévention. Il serait donc utile que l'on puisse, en commission, faire la différence entre ces deux principes et voir les effets, de même que l'applicabilité de ceux-ci. Ainsi, nous soutiendrons le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture, afin de travailler sur ces deux principes.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est bizarre que l'on ait de la peine à apprendre des expériences négatives... On fait des expériences terribles, avec la vache folle, qui est une conséquence des farines animales, et on arrive, pour des raisons effectivement économiques, pour le business, à essayer de nous refiler encore ces farines !

C'est vrai que, à la base, ce qu'il faudrait aussi peut-être regarder, ce sont les industries animales, afin de voir dans quelles conditions sont élevés les animaux que nous allons manger. Il y a quarante ans, on consommait beaucoup moins de viande, et je crois que les gens étaient en meilleure santé. Maintenant, je pense que l'on va être de plus en plus malades à cause des industries animales - car, pour finir, on absorbe la tension de l'animal - et tout ce que l'on fait au détriment du respect de la vie, eh bien, je crois qu'on va en subir une fois ou l'autre les conséquences.

Le mieux - et le plus sage effectivement, comme le propose Mme Roiz - serait de transmettre cette excellente motion à la commission de la santé. Parce qu'il s'agit d'un problème de santé ! (Remarque.)

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, un détour, fût-il rapide, par une commission me paraît important pour expliciter un peu tout ce qui s'est fait. Le concept de farine animale a énormément évolué et les mêmes termes ne s'appliquent pas aux mêmes substances qu'il y a dix ans. Il faut le savoir, parce qu'il est évident que, s'agissant des anciennes farines animales, ce que maintenant on appelle les C1 et les C2, là, il n'y a pas photo, on n'entre pas en matière sur la réintroduction de quoi que ce soit ! Les risques sont avérés ou probables, et il n'est pas question d'entrer en matière.

Mais vous savez que, à l'heure actuelle, il y a une cacophonie européenne sur ces sujets-là: l'Allemagne est en faveur d'un assouplissement - puisqu'elle n'a pas eu de cas - alors que la France et l'Angleterre sont favorables au maintien de la position dure, dans la mesure où ces pays ont, eux, connu des cas d'ESB. Je crois alors qu'il vaut la peine que vous passiez par une commission, pour avoir des explications, à la fois des nutritionnistes et des vétérinaires, et, le cas échéant, sur les nouvelles différenciations et les éléments en jeu.

La seule chose que nous pouvons vous garantir, c'est que, quelle que soit la position de l'Europe - pour autant qu'elle arrive à en prendre une, ce qui serait quand même une nouvelle assez stupéfiante - cette position-là ne s'appliquerait pas à la Suisse sans autre forme de procédure, et notamment pas sans consultation de tous les organismes concernés - bien entendu, les milieux agricoles, les milieux vétérinaires et les cantons.

Donc, nous serons, nous, très attentifs à ce que rien ne se passe avant que les choses soient faites convenablement et que, le cas échéant, votre commission, celle que vous aurez choisie, ait rendu ses travaux.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je fais maintenant voter le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture. En cas de refus, je mettrai aux voix le renvoi de ce texte à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2052 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 52 oui contre 16 non et 2 abstentions.

M 2054
Proposition de motion de Mmes et MM. Patrick Saudan, Beatriz de Candolle, Daniel Zaugg, Ivan Slatkine, Charles Selleger, Patricia Läser, Serge Hiltpold, Nathalie Schneuwly, Fabienne Gautier, Bertrand Buchs, Frédéric Hohl, René Desbaillets, Claude Aubert, Jean Romain, Pierre Weiss : Médecins et accords bilatéraux : pour une meilleure reconnaissance de la formation postgraduée suisse !

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie II, trois minutes par groupe. La parole est à M. le premier motionnaire Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les compétences d'un médecin sont déterminées d'une part par la formation qu'il va recevoir à l'université, qui est la formation de base, mais surtout par la formation postgraduée. Par formation postgraduée on entend les années passées dans les hôpitaux ou dans les structures de santé, comme interne et éventuellement chef de clinique.

Mesdames et Messieurs les députés, en Suisse cette formation est longue: cinq ans sont nécessaires pour avoir un FMH en médecine générale, et cinq à huit ans, voire plus, si vous voulez devenir spécialiste. Dans certains pays, cette formation est plus courte; vous pouvez avoir un diplôme de praticien FMH après trois ans de formation postgraduée dans la plupart des pays d'Europe. Avec les accords bilatéraux et la levée de la clause du besoin - en 2010 pour les généralistes et cette année pour les spécialistes - beaucoup de médecins venant de l'Union européenne se sont installés à Genève. Je crois qu'il faut être très clair: cette proposition de motion ne s'insurge nullement contre les bilatérales et contre la libre circulation des personnes - j'entends déjà les sarcasmes, sur les bancs de l'UDC et du MCG... Cette proposition de motion ne parle que - que ! - d'un droit fondamental, le droit des patients, en leur offrant la possibilité de connaître simplement le type de formation postgraduée des médecins, cela en modifiant l'article 14 du règlement sur la santé. Par exemple, on pourrait demander que soient mentionnés sur la plaque, à l'entrée du domicile professionnel des médecins, le type de formation postgraduée et le lieu où ils l'ont acquise.

Je tiens aussi à spécifier, car je suis sûr que je vais faire l'objet de sarcasmes, que je ne suis en rien concerné par cette proposition de motion. Pour ceux qui ne le savent pas, je suis médecin hospitalier et je n'exerce donc pas en pratique privée.

Mesdames et Messieurs les députés, il est évident que toutes les formations ne sont pas équivalentes. Et mieux un médecin est formé, plus il utilisera judicieusement les structures de santé ! Notre population doit donc pouvoir connaître le niveau de formation des médecins qu'elle consulte.

C'est la raison pour laquelle je vous demande de renvoyer cette proposition de motion à la commission de la santé, afin que celle-ci puisse auditionner les associations professionnelles concernées - les associations de patients, le cas échéant - et la direction générale de la santé, pour voir si une signalétique appropriée pourrait être mise en place. Je vous remercie de votre attention.

Mme Christina Meissner (UDC). Nous venons de parler beaucoup de ce que nous mangions avant. Je ne suis pas médecin, je suis biologiste, et il y a suffisamment de médecins dans ce parlement, pour parler très doctement de leur formation. Je leur fais toute confiance.

En revanche, pour revenir à ce que nous mangeons, eh oui, nous sommes ce que nous mangeons ! Et ce que nous mangeons a évidemment une influence énorme sur notre santé; pas seulement la nôtre, mais aussi celle de la planète. Aussi réclamons-nous tous de connaître le lieu d'origine de ce qui est produit et que nous allons consommer ! Et nous voulons aussi savoir quels moyens de transport ont été utilisés, voire comment les aliments ont été produits. Ainsi, puisque les médecins et les professionnels de la santé ont évidemment une influence sur notre vie et notre santé, pourquoi ne pas demander aussi un, entre guillemets, «étiquetage d'origine» qui nous permette de savoir comment ils ont été formés, d'où ils viennent et si on peut faire confiance à ce mode de «production» ? En conclusion, nous ne pouvons qu'être d'accord avec cette motion, et nous la soutiendrons.

M. Claude Aubert (L). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, on peut aborder cette motion selon deux points de vue très différents: il y a d'abord ce que l'on peut appeler le protectionnisme, la protection ou l'autoprotection, qui peut être officielle ou officieuse, latente ou patente, mais l'on peut aussi étudier cette motion d'une toute autre manière, simplement par rapport à la protection du consommateur. Or il y a ici un certain nombre de médecins, il y a beaucoup de consommateurs, et moi je me réjouis que l'on réfléchisse en termes de consommateurs. Ma préopinante en a parlé, mais je pourrais être encore plus clair qu'elle: même les yoghourts permettent qu'on puisse étudier leur traçabilité ! Par conséquent, en termes de consommateurs, la question qui se pose est celle de savoir si l'on peut étudier la traçabilité des producteurs de soins. (Commentaires.)

Une voix. Surtout des psychiatres ! (Remarque.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Je ne suis pas un yoghourt, je suis un médecin ! (Rires.) On pourrait parfois se méconnaître, je dois être comestible... Je crois que la question qui est posée est un sujet qui préoccupe énormément les médecins; voilà pourquoi il faut renvoyer cette motion à la commission de la santé, afin qu'on puisse auditionner les associations professionnelles.

C'est très important, car il y a actuellement un mécontentement énorme parmi les médecins installés en pratique privée, il faut le dire. La formation des médecins en Suisse a toujours été très élevée: il est demandé aux médecins suisses d'avoir une formation extrêmement compliquée, sanctionnée par des examens en fin de formation - c'est cinq ans au minimum, mais, la plupart du temps, cela dure beaucoup plus longtemps; moi-même j'ai étudié plus de dix ans - à laquelle s'ajoute encore une formation continue. Or on voit actuellement arriver des médecins qui s'installent à Genève avec des diplômes qui sont reconnus automatiquement parce qu'ils viennent de l'Union européenne, mais qui n'ont pas du tout de formation. Ils obtiennent le même titre que le mien simplement parce qu'ils disent qu'ils ont fait ceci ou cela et qu'on leur répond: «OK, vous l'avez fait, vous avez donc le droit, sans examens, sans rien du tout, de vous installer avec un titre à Genève»... Cela, les médecins genevois ne l'acceptent pas, il faut le dire clairement. Au niveau de l'application des règlements, on n'est pas d'accord. On aimerait que cela change et que les gens puissent savoir d'où viennent les médecins qu'ils consultent.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas ici question de sarcasmes. C'est plus grave, cette motion ne sent pas bon; elle sent la discrimination, elle ressemble à d'autres tentatives récentes d'exclure du monde de la santé - par exemple, les infirmières frontalières, et donc forcément étrangères. (Commentaires.) C'est une autre tentative d'instaurer des formes de protectionnisme local. On l'a vu lors de la dernière session, la levée de la clause du besoin suscite des peurs; certains veulent la réinstaurer en enfermant Genève et ses cabinets derrière un mur, alors que d'autres, les initiateurs de cette motion, voudraient stigmatiser les médecins étrangers en leur apposant un signe distinctif qui permettrait de nous assurer qu'ils sont bien étrangers. C'est avancer l'idée qu'un médecin est moins bon quand il est étranger, et que seule la longueur des études est garante de qualité. (Brouhaha.) Rappelons ici que la pratique en matière de formation est hautement considérée dans le système suisse et qu'il existe une vision de la médecine en réseau qui permet au médecin d'analyser sa pratique au sein de cercles de qualité et de continuer à se former.

Par ailleurs, cessons de temps en temps les Genfereien là où elles sont inutiles ! C'est la Confédération qui s'occupe de la reconnaissance des titres étrangers, et si les médecins n'en sont pas contents, ils peuvent, avec leur association faîtière, discuter ces mêmes modalités de reconnaissance. Encourageons, Mesdames et Messieurs les députés, l'organisation des cabinets en réseau, afin d'assurer un cadre d'excellence, non seulement pour les médecins praticiens étrangers mais aussi pour les nôtres, car, encore une fois, la durée des études n'offre pas à priori la garantie d'une bonne pratique. Faisons la promotion de nos formations postgrades en attirant des étudiants ici, si elles sont absolument meilleures, et dialoguez avec l'OFFT si le système de reconnaissance entre la Suisse et l'Europe vous semble insatisfaisant, Messieurs les médecins ! Mais le groupe socialiste n'acceptera pas d'apposer une marque sur certains médecins - une étiquette, disait une députée - et il se permet de s'étonner que, dans cette assemblée, certains députés préoccupés de non-discrimination soutiennent une pareille idée ! Mesdames et Messieurs les députés, à tout le moins nous nous abstiendrons d'entrer en matière sur cette motion.

M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés libéraux-radicaux, je crois que vous ne manquez pas d'audace, vous qui, à longueur de séances, nous fustigez chaque fois que nous essayons de mettre en avant une priorité de résidence. Pas de nationalité: de résidence ! Vous voulez faire un «Swissness» de la médecine, une marque de fabrique de nos médecins. (Commentaires.) Vous le savez très bien, ce sont les conventions bilatérales que vous portez constamment devant vous qui sont à la base de cette discrimination dont vous vous plaignez, et pourtant vous vous gardez bien de mettre en cause ces bilatérales ! Et ce que vous voulez créer maintenant, c'est une discrimination dans l'autre sens ! Vous voulez que l'on mette un drapeau étranger sur les médecins qui ne sont pas «made in Switzerland» ! Et comme vous savez que cette proposition ne sent pas bon - d'aucuns diraient que la mauvaise odeur se répand dans cette salle - eh bien, vous vous drapez dans le blanc manteau de la défense des patients ! «C'est les patients qu'il faut défendre !» «Il faut qu'ils sachent à qui ils s'adressent !» Sous-entendu: il y a les très bons et les moins bons ! Les très bons, c'est vous, mes chers collègues membres de cette corporation médicale, et les moins bons sont évidemment les autres.

Ainsi, je vous dirai que c'est du bout des lèvres, vraiment du bout des lèvres, que le MCG acceptera le renvoi en commission. Parce que, précisément, s'il y a une once de possibilité de défendre les patients par cette motion, nous ne voudrions pas passer à côté. (Commentaires.)

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je reconnais, comme Mme Serdaly Morgan, le côté, disons, protectionniste de cette motion. Toutefois, je pense qu'il vaut la peine de l'étudier en commission, parce que, contrairement à ce que disait M. Aubert, les soins ne sont pas une prérogative des seuls médecins: il y a toute une kyrielle de professions qui ont trait aux soins et qui, peut-être, mériteraient ou ne mériteraient pas un protectionnisme tel que celui des médecins. Je propose donc que l'on étudie gentiment cette motion en commission.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Patrick Lussi, à qui il reste une minute trente.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés du PLR, permettez-moi, pour une fois, non pas de sourire, puisque nous allons quand même accepter votre motion... (Remarque.) ...non, mais simplement de me réjouir que la persévérance de l'UDC ait parfois quelques échos favorables dans d'autres partis. Car nous avons quand même eu des perles aujourd'hui ! Mon préopinant, médecin libéral-radical, a notamment dit que les conventions bilatérales n'assuraient pas la protection du consommateur... Moi, je suis très content quand j'entends cela ! Oui, cela a été dit, et il y a eu d'autres perles !

La deuxième perle, mon préopinant du MCG l'a relevée, est la suivante: nous avons en Suisse la meilleure des formations, il n'y en a pas de semblables à la nôtre, elle est qualifiée d'élitaire, les autres ne l'ont pas... Mesdames et Messieurs du PLR, jamais nous n'aurions osé aller jusque-là ! Il est vrai que notre odeur va parfois dans d'autres directions, mais, au niveau de la formation et des élites, nous n'aurions pas osé être si critiques ! (Remarque.)

Alors oui, du bout des lèvres ! Du bout des lèvres - parce que cela va dans notre sens - nous soutiendrons votre motion. Mais permettez-moi de terminer par cette citation, dont je ne me rappelle pas l'auteur: «Une mémoire courte permet d'affirmer une bonne conscience.» (Exclamations.)

Le président. Eh ben ! Monsieur Leyvraz, votre groupe a épuisé son temps de parole. Je passe donc le micro à Mme Marie-Thérèse Engelberts, à qui il reste une minute quinze.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. Par rapport à cette motion, je suis assez choquée. Parce que je me dis qu'il y a peut-être une association professionnelle qui doit traiter de ces questions-là ! Et il existe en Suisse un système de formation au niveau fédéral, pour la formation médicale comme pour d'autres formations. Alors je ne voudrais pas sembler négative, mais je me dis que s'il était question ici de la formation des infirmières, de la formation postgrade, du statut que nous lui donnons, des comparaisons qui ont été faites - au niveau européen, par exemple - des formations des psychologues, des physios, etc., j'aurais souhaité qu'une telle motion puisse, à un moment donné, faire apparaître les professions de la santé en même temps que la vôtre, Messieurs les médecins - puisqu'il n'y a que des messieurs ! Et peut-être aussi qu'il aurait été bon que cette motion ne soit pas défendue que par des médecins. Que l'un d'eux puisse en présenter...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...les tenants et les aboutissants, d'accord ! Mais je trouve qu'il y a quelque chose - non pas d'insultant, c'est beaucoup trop fort - mais quelque chose de mal ajusté, et c'est donc du bout des lèvres que nous voterons le renvoi de cet objet à la commission de la santé, où nous pourrons l'étudier.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Bertrand Buchs, à qui il reste deux minutes.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président, je vais être bref. Je crois qu'il faut revenir au point de vue technique. Lorsqu'une personne demande que l'on reconnaisse ses titres à Berne, cela se fait automatiquement si cette dernière vient de l'Union européenne. En revanche, si quelqu'un est issu d'un pays extérieur à l'Union européenne, eh bien, ses titres ne sont pas reconnus. Alors, on aimerait savoir où est l'égalité ! Une personne venant de Russie ne verra pas ses titres reconnus, alors qu'une autre venant de Pologne ou de France verra les siens automatiquement reconnus, sans qu'on regarde si la formation qu'elle a suivie est la même qu'en Suisse... Personnellement, si je voulais m'installer en Hollande, en France ou en Allemagne, je peux vous dire que je ne pourrais pas le faire. Je ne le pourrais pas ! On ne reconnaîtrait pas mes titres. Nous sommes absolument pour la liberté, mais il faut que cette liberté soit la même partout et que, si je souhaite m'installer ailleurs, je puisse le faire, comme on le fait en Suisse ! La Suisse, c'est extraordinaire, vous déposez vos papiers, c'est enregistré, et vous pouvez vous installer ! Dans aucun pays de l'Union européenne ou de la CEE vous ne pouvez le faire... Dans aucun pays ! Parce que, là, il y a une limitation aussi concernant l'installation des médecins. Nous voulons donc une égalité. Il ne s'agit pas de dire que nous souhaitons des espèces d'étiquettes de médecins, mais nous désirons simplement une égalité de traitement.

M. Patrick Saudan (R). Je serai très bref, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu les mots «protectionnisme», «nauséabond»... Mais on ne veut pas coller une étiquette, une étoile sur le dos des médecins, il faut arrêter de délirer ! Il y a une formation postgraduée en Suisse, qui est de qualité. Je n'ai jamais dit qu'elle était excellente: elle est de qualité. Et je n'ai pas honte du «Swiss made» dans ce domaine ! Je trouverais normal que les médecins, dans un système de libre entreprise, puissent indiquer que leur formation postgraduée a été effectuée en Suisse ! On ne va pas interdire à des médecins étrangers qui ont le droit, avec les bilatérales, de s'installer en Suisse de le faire ! On ne le peut pas, il s'agit de compétences fédérales. Ce que l'on veut simplement, c'est que les formations postgraduées soient connues facilement par les patients. C'est tout !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Philippe Morel, à qui il reste trente-cinq secondes.

M. Philippe Morel (PDC). Merci, Monsieur le président. Tout a été dit et je n'ajouterai rien à cette discussion. Merci.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, qu'on le veuille ou non, derrière cette motion il y a du protectionnisme. Et le protectionnisme, historiquement, rappelez-vous un peu ce qui s'est passé avant l'existence de l'Europe, même si nous n'avons pas besoin d'en faire partie: c'était la guerre ! Et c'était la guerre parce que les protectionnistes faisaient que certaines populations allaient mille fois mieux que d'autres !

Le protectionnisme a toujours été le moyen intellectuellement le plus indigent pour protéger, comme son nom l'indique, un marché qui n'arrive pas à se frotter à la concurrence. Et je suis un peu surpris tout de même que des gens qui prônent la concurrence, ou qui du moins prônent le marché... Car je crois que, depuis la disparition du parti communiste dans cette enceinte, il n'y a plus personne en dehors du marché. Vous savez bien que ce qui moralise le marché, c'est la concurrence ! C'est vrai que cette concurrence impose une certaine transparence, et que de savoir ce que les gens ont fait et savent faire est important, mais, en matière de médecins, c'est la Confédération qui décide. Alors, soit vous demandez à cette dernière qu'elle nous délègue cette compétence - et on va encore inventer une usine à gaz administrative pour les reconnaissances, etc. - soit vous vous dites que l'on fait confiance à la Confédération !

J'avoue avec vous, Monsieur Buchs, que probablement les problèmes de réciprocité avec l'Europe sont difficiles. Mais enfin, la population a marqué sa volonté répétée des bilatérales, et non moins répétée de ne pas entrer dans l'Europe ! C'est une contradiction avec laquelle nous devons vivre, parce qu'elle est simplement un état de fait - chez nous confirmé par la population, ce qui est assez rassurant.

Ce que je trouve aussi un peu étonnant, c'est de dire qu'il faudrait que les médecins soient labellisés, mais que l'on est en même temps très contents d'avoir des tas de gens qui viennent d'ailleurs, pour effectuer de nombreuses tâches - qui ne sont pas des tâches médicales, mais quand même des soins, etc. - et que, là, il n'est plus très important de savoir si tel diplôme obtenu au Canada, en Amérique du Sud, en Turquie ou en France voisine permet quand même de travailler - ce que l'on peut mesurer au quotidien !

Je suis donc un peu surpris. Allons, si vous le voulez, en commission de la santé, regarder cette affaire. Toutes celles et ceux qui ont pratiqué savent que la qualité de la formation est certes importante. Mais alors, la qualité de la formation, déterminée par sa seule provenance... Très honnêtement, c'est un protectionnisme de tout petit niveau. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2054 à la commission de la santé est adopté par 51 oui contre 14 non et 4 abstentions.

PL 10336-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève, en liquidation à aliéner la parcelle 5417, plan 40 de la commune de Bernex, soit un bâtiment sis route du Pré-Lauret 3
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Premier débat

Le président. Nous sommes en catégorie II: quatre minutes par rapporteur et quatre minutes par groupe. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Pierre Weiss.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi représente l'un des derniers objets à vendre de la saga de la Banque cantonale, dont on a appris aujourd'hui qu'elle coûtait 110 millions de moins pour l'Etat que les 2,3 milliards que les contribuables ont dû mettre de leur poche jusqu'à présent pour cette affaire.

Il s'agit, dans ce projet de loi, de vendre un bâtiment qui en réalité avait été construit comme loge de concierge pour une propriété appelée «Von Graffenried», construite par un célèbre architecte genevois de l'entre-deux-guerres, Braillard, sur la commune de Bernex. Il est donc question de vendre ce bâtiment - qui avait été transformé par la suite en un EMS de près de 700 m2 abritant 21 pensionnaires en 12 chambres - pour un prix initialement de 4 500 000 F et finalement de 3 950 000 F.

Au moment où le projet de loi a été déposé, l'EMS n'était plus exploité. Dans une note de suivi du 28 novembre 2007 de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale - et c'est probablement l'essentiel de la question - il est notamment indiqué que le département de la solidarité et de l'emploi, à qui l'on avait alors confié la charge des EMS, je cite, «n'est pas intéressé à acquérir la parcelle en cause», car «ce projet n'entre pas dans la planification médicosociale ni dans le cadre de la planification EMS 2001/2010. Le plan financier impliquant des coûts de construction élevés (y compris la remise aux normes des 2 établissements existants) laisse apparaître un prix d'achat initial trop important. (...) L'Etat renon(ce) à l'acquisition des 2 parcelles gagées en notre faveur».

Une autre note, toujours de 2007, montre qu'il n'y a pas d'intérêt de l'Etat pour acquérir deux autres des parcelles en sus de celle-là et, en définitive, l'Etat confirme sa volonté de renoncer à cette parcelle, parce que l'EMS, tel qu'il était alors, était trop petit, peu rentable et non adapté aux normes de confort du secteur et que, d'autre part, si un projet de transformation devait être réalisé, il aurait impliqué en particulier d'empiéter sur la zone agricole, avec déclassement et emprise sur les forêts, dont on sait qu'elles sont protégées par une législation ad hoc. C'est la raison pour laquelle, lorsque la commission a été appelée à voter, elle s'est prononcée par 10 oui contre 2 non et 3 abstentions - les 2 non étant des voix socialistes, représentées ici par M. Deneys - en faveur de la vente de ce bâtiment pour un montant de 3 950 000 F. J'en ai terminé pour l'instant, Monsieur le président.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Les fameuses notes de 2007-2008, ce sont les fameuses notes du DCTI, les fameuses notes de l'ère Muller; ce sont les fameuses notes de l'ère d'une gestion du patrimoine de l'Etat qui visait systématiquement à privatiser, à liquider, à vendre les bijoux de la famille pour récolter le moindre centime. Nous avons déjà eu l'occasion en 2007 et 2008 de constater que l'Etat vendait des biens appartenant à la Fondation de valorisation sans même se préoccuper de l'éventuel intérêt qu'ils pourraient présenter pour l'Etat, pour d'autres activités. J'ai, dans mon rapport de minorité, cité l'immeuble sis Alexandre-Gavard 28, en plein périmètre du PAV et qui abrite des locaux de l'OCE, soit 60% des surfaces. A l'époque, cet immeuble, occupé à 60% par l'administration publique, a été vendu à une émanation de la banque Pictet... On voit bien comment ça marche à Genève: on est en plein périmètre stratégique, et on vend ! Eh bien, ici c'est la même chose ! On a une parcelle qui abrite un EMS, 21 chambres...

M. Pierre Weiss. Non, 12 chambres et 21 patients !

M. Roger Deneys. Oui, 21 patients et 12 chambres ! ...et on ne se préoccupe même pas de savoir si l'on peut en faire un usage public raisonnable ! Eh bien, là, c'est tout simplement inadmissible ! Dans mon rapport de minorité j'ai évoqué la motion 1729 - sur les conseils de ma collègue Anne Emery-Torracinta - qui rappelle que des demandes ont été faites pour des lieux spécifiques, notamment pour les handicapés. Alors, ici, on pourrait réaliser une structure provisoire, étant donné que le bâtiment existe, qui plus est dans un périmètre stratégique, puisqu'il est situé à proximité de Bernex et pas très loin de la plaine de l'Aire. Pourquoi faut-il vendre ce bien, alors qu'il pourrait servir à la collectivité publique ? Je vous le demande ! Une fois de plus, nous sommes en train de brader le patrimoine de l'Etat ! Voilà pourquoi nous vous invitons à refuser ce projet de loi.

D'ailleurs, on pourrait dans tous les cas retourner en commission des finances, parce que la façon de travailler de cette dernière n'est pas particulièrement sérieuse: c'est expédié ! On n'avait même pas les courriers du département que c'était déjà voté, expédié et vendu à un propriétaire privé. Franchement, ce n'est pas une gestion rationnelle des biens de l'Etat. Et si l'on se préoccupe de la santé des finances publiques, on ferait mieux d'être un peu plus attentifs aux conséquences de ce que l'on brade à la moindre occasion.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai la réponse à la question de M. Deneys, «Mais pourquoi l'Etat n'en a pas voulu»... Tout simplement parce que ce n'est absolument pas rentable ! Cela engendrerait des frais d'exploitation ainsi que de mise aux normes qui sont complètement délirants ! Et pourquoi l'Etat ne le rachète-t-il pas ? Mais tout simplement parce qu'il est important aussi de désendetter l'Etat ! Il y a des priorités, des choses extrêmement importantes qui nous attendent, notamment - et M. Deneys est bien placé pour le savoir - la fusion des caisses de pension. Nous avons des priorités ! Et ce n'est pas brader les bijoux de la couronne que de vendre ce bâtiment, qui n'est pas du tout adapté à un usage d'utilité publique ! On dit que c'est un scandale, une horreur, que nous sommes absolument irrespectueux de notre patrimoine... Pas du tout ! Nous avons des priorités. Et, au parti démocrate-chrétien, nous voulons désendetter l'Etat. Nous estimons qu'il y a des priorités qui vont se situer dans le domaine social et de la pérennité de l'Etat, et si nous pouvons récupérer quelques sous, qui correspondent effectivement à ce que les citoyens ont dépensé pour pouvoir racheter les milliards de la Banque cantonale, eh bien, nous nous en réjouissons ! Je vous remercie de soutenir ce projet de loi.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Madame la députée, je ne partage pas votre point de vue. En effet, vous avez dit que l'on ne pouvait rien faire de ce lieu sur le plan social. Mais je n'en suis pas sûre ! Les éléments qu'on a reçus du département sont quand même assez laconiques, pour ne pas dire lacunaires. On nous indique que l'on ne peut pas construire sur la parcelle, soit ! Or il est peut-être possible de transformer l'intérieur du bâtiment, et l'on sait que l'on manque de locaux dans le domaine social.

Deuxièmement, je crois que, dans ce canton, on devrait plus souvent avoir une vision à plus long terme et éviter, comme l'a dit mon collègue Roger Deneys tout à l'heure, de vendre les bijoux de la couronne, éviter de vendre les terrains de l'Etat. On ne sait pas, peut-être qu'un jour ces terrains pourront être déclassés et avoir une autre affectation ! On sait qu'à terme on aura des besoins - notamment de logements - dans le canton, donc gardons ce que l'on peut et évitons de vendre des bâtiments ou des terrains qui pourraient être utiles un jour ou l'autre pour la collectivité.

M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'aimerais apporter quelques éléments complémentaires à ce que mon excellente collègue Anne-Marie von Arx-Vernon vient de dire. La parcelle dont il est question est située sur le territoire de la commune de Bernex et cette dernière a été approchée par les services de l'Etat pour une éventuelle acquisition de cette parcelle. Nous avons donc mené de notre côté des analyses qui, semble-t-il, sont similaires à celles que les services de l'Etat ont réalisées sur la viabilité économique de cet objet, et notamment sur les investissements qu'il faudrait consentir pour, précisément, envisager une affectation dans le domaine social ou médicosocial. Nous avons procédé à la même analyse au niveau de la commune et nous sommes arrivés aux mêmes conclusions: les investissements à consentir sont trop importants et la viabilité économique de l'opération serait extrêmement prétéritée. De plus, le potentiel qui aurait pu nous intéresser pour les raisons qu'évoque M. Deneys - par exemple, le développement urbain dans la région - eh bien, ce potentiel à bâtir est inexistant sur cette parcelle. Pour toutes ces raisons, la commune est parvenue aux mêmes conclusions que la majorité de la commission, à savoir que le prix de vente tel qu'il est proposé à un privé est un bon prix et qu'une vente à ce prix-là servirait probablement les intérêts de l'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de minorité Roger Deneys, à qui il reste une minute trente.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement rappeler la note du DSE qui se trouve à la page 11 du rapport. Cette lettre, dont je vous cite un extrait, est au conditionnel: «Cependant, dans la mesure où il semblerait que, d'une part, cette parcelle soit non constructible et que, d'autre part, il n'y ait pas de possibilité de modifications du bâtiment dans l'objectif d'en augmenter la capacité d'accueil, il n'est économiquement pas raisonnable au vu du prix demandé d'envisager une activité à caractère social pour un maximum de 21 résidents.» Je vous rappelle simplement que cela appartient à la Fondation de valorisation et que, si c'est une fondation publique qui acquiert le bien, le prix peut être fixé de gré à gré, sans même que cela ne passe devant notre Grand Conseil ! Donc cette parcelle aurait pu être vendue, avec le bâtiment, pour un franc symbolique ! Même pour une mesure provisoire, même pour dix ans, c'est certainement mieux que des bâtiments provisoires ou des baraquements que l'on installe quelque part...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser ce projet de loi ! On peut tout à fait revenir avec un autre projet, il n'y a aucune urgence, donc rejetez ce projet de loi !

Le président. Je vous remercie. La parole est à M. le rapporteur de majorité Pierre Weiss, pour quarante secondes.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Ce bâtiment n'est pas voulu par le département de la solidarité et de l'emploi; ce bâtiment ne se situe pas dans une zone de développement de la commune de Bernex; enfin, ce bâtiment peut contribuer, pour 4 millions, à réduire la dette de notre canton. Pour ces trois raisons, il convient de le vendre, et je vous remercie de suivre mes conclusions en adoptant ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons maintenant voter l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 10336 est adopté en premier débat par 41 oui contre 17 non et 8 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2.

Troisième débat

Le président. La parole est demandée par M. Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement dire que, une fois encore, le MCG est amusé quand le PLR veut vendre des bâtiments et que, par ailleurs, il loue à prix d'or des immeubles pour les administrations publiques... Mais, je le répète, on n'est pas à une contradiction près. Peut-être - Monsieur le président, vous transmettrez au rapporteur de majorité - peut-être qu'ils ont déjà un acheteur qui pourrait être un promoteur immobilier et qui, en outre, pourrait établir un contrat avec l'Etat, afin de lui louer ce même bâtiment en vue d'abriter l'administration publique...

Tout ça pour dire que le MCG n'est pas en faveur de cette vente. Au mieux, il s'abstiendra; au pire, il refusera.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons maintenant, en troisième débat, nous prononcer sur ce projet de loi.

La loi 10336 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10336 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 44 oui contre 22 non et 4 abstentions.

Loi 10336

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève cette séance et vous donne rendez-vous à 17h05.

La séance est levée à 16h50.