Séance du
vendredi 16 mars 2012 à
20h30
57e
législature -
3e
année -
6e
session -
32e
séance
M 2017-A
Débat
Le président. Nous sommes maintenant au point 36 de notre ordre du jour. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) S'il vous plaît ! Je passe la parole, s'il le souhaite, à M. le rapporteur de majorité, Jacques Béné.
M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion, Mesdames et Messieurs, est à nouveau une tentative du parti socialiste, qui n'est pas content du nouveau droit fédéral et essaie de corriger ce qui ne lui plaît pas. Alors, je vais peut-être rappeler l'intérêt de cette proposition de motion et la raison, surtout, pour laquelle nous ne pourrons malheureusement pas entrer en matière.
Il faut savoir que, avec la nouvelle procédure fédérale qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2011, lorsqu'un locataire est en défaut de paiement et que son bail est résilié, on considère dorénavant qu'il y a une procédure sommaire et que, quand il y a procédure sommaire, on ne passe plus devant la commission de conciliation. La procédure sommaire est pour les cas clairs; le défaut de paiement est considéré comme un cas clair.
Avant le 1er janvier 2011, en cas de résiliation de bail pour un défaut de paiement, on devait passer par la commission de conciliation, ensuite par le tribunal, éventuellement par la section des affaires sociales. C'était une procédure qui prenait énormément de temps, entre dix-huit et vingt et un mois, avant de pouvoir obtenir un jugement d'évacuation pour le bailleur. Aujourd'hui, il est vrai que, entre le dépôt de la requête en évacuation et l'évacuation à proprement parler, il n'y a que trois mois, en gros, trois à quatre mois, et nous considérons que c'est une avancée considérable. Pourquoi est-ce une avancée considérable ? Parce que, à partir du moment où la longueur de la procédure est diminuée, il y a des conséquences, à savoir que les montants en jeu sont plus faibles, les cas à résoudre moins difficiles - parce que les montants sont plus faibles - et les bailleurs plus facilement à même de prendre des arrangements de paiement, puisque, pour résorber le retard de loyer, on va prendre nettement moins de temps, ce qui fait que la résiliation peut être reportée.
Il y a trois écueils que ce projet de loi n'arrive malheureusement pas à éviter. Premièrement, on nous a dit que c'était un problème récurrent - c'est vrai, c'est un problème récurrent - et qu'énormément de cas pourraient être résolus grâce à ce fonds cantonal de prêt aux locataires. Il faut d'abord savoir que l'Hospice général intervient déjà à de nombreuses reprises pour aider les personnes pouvant déjà bénéficier d'octrois d'aides par l'Hospice général. En fait, on voudrait, par ce fonds, essayer de faire en sorte que bénéficient d'aides des locataires qui ne peuvent pas obtenir l'aide sociale fournie par l'Hospice général.
Ensuite, on nous a dit que l'on allait résoudre beaucoup de cas avec cela. Il se trouve que l'office du logement, qui intervient aussi au tribunal, qui est présent avec l'Hospice général, a environ une trentaine de cas qui lui sont soumis par année pour essayer de trouver des locations d'urgence, des logements d'urgence, pour certains locataires. Il nous a été confirmé que, sur ces trente cas, en moyenne sur les dernières années... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...seuls 12% d'entre eux ne trouvaient pas de solution; 12%, cela veut dire quatre cas par année. Cela signifie que tous les autres cas trouvent des solutions, des logements d'urgence. Ou alors, cela peut aussi être des locataires qui trouvent d'autres solutions par eux-mêmes. Mais il n'y a pas le nombre de cas estimé par les initiants de cette motion.
Voici le dernier point. C'est bien simple, on sait qu'à peu près 80% des locataires n'interviennent pas - alors qu'ils sont soumis à une procédure pour défaut de paiement de loyer, résiliation de bail, etc. - et c'est seulement au moment de l'évacuation qu'ils ont conscience qu'ils vont se faire mettre dehors. Ces 80% de personnes-là ne demandent de l'aide à personne et n'essaient pas de trouver des solutions. Pourquoi iraient-elles demander de l'aide à un fonds cantonal tel qu'il est voulu par cette proposition de motion ?
Pour nous, et pour la majorité de cette commission, la meilleure garantie pour le locataire, si le bail est résilié, est que la procédure soit la plus rapide possible, afin que les montants en jeu soient les plus faibles possibles pour permettre de trouver des arrangements. Effectivement, le tribunal nous a confirmé que, dans la très grande majorité des cas, il y a toujours des arrangements qui sont trouvés avec le bailleur.
C'est donc pour nous une question de responsabilisation du locataire. Notre crainte est tout simplement que la majorité des locataires qui seraient en défaut de paiement ou qui pourraient éventuellement l'être se disent...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur !
M. Jacques Béné. Je conclus, Monsieur le président. ...se disent: «A partir du moment où il y a un fonds, autant l'utiliser, et arrêtons de payer notre loyer avant de cesser de payer les autres factures que nous aurions éventuellement en suspens.» Donc, je vous prie de refuser d'entrer en matière sur cette motion.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de minorité. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ne sont pas contents avec l'intégralité du code de procédure civile fédéral, parce qu'il peut avoir des effets potentiellement catastrophiques sur bon nombre de locataires, et principalement dans le cadre des évacuations judiciaires. Cette problématique présente aujourd'hui une acuité toute particulière, parce que l'on a en fait quatre facteurs qui se conjuguent. Il y a tout d'abord la pénurie de logements sans précédent, puis la spéculation immobilière d'importance, ensuite la situation sociale des locataires - donc de la population genevoise de manière générale - qui se détériore relativement à la conjoncture économique, et il y a enfin la réforme de la procédure civile fédérale. Dans ce contexte, ces quatre facteurs ont pour conséquence que bon nombre de locataires ont des difficultés énormes à trouver des solutions de relogement à l'issue d'une procédure d'évacuation.
Le nombre de personnes confrontées aux évacuations contredit les données qui ont été indiquées tout à l'heure. Ces chiffres, je les ai vérifiés. Ils viennent de l'office du logement; ce sont les chiffres pour 2011, que nous n'avions pas à l'époque où nous avons examiné ce document. Ce sont 297 jugements d'évacuation qui n'ont pas été exécutés en 2011 et 158 jugements d'évacuation qui ont donné lieu à une intervention de la force publique. Sur les 158, on a 67 cas où les locataires ont été physiquement expulsés. Pour être d'une intégrité parfaite, 21 cas où l'appartement a été trouvé vide et 70 cas où l'appartement a été restitué après le passage des gendarmes dans un délai de quarante-huit heures. On a quand même 137 personnes qui ont été délogées directement par les gendarmes.
Les travaux de commission ont permis de voir que le dispositif existant n'est pas adapté à la nouvelle situation et qu'il fallait faire mieux. Faire mieux pour les classes moyennes, faire mieux pour les petites entreprises qui sont sujettes à des difficultés importantes, des défauts de liquidités, et qui ne peuvent pas entrer aujourd'hui - fort heureusement - dans les dispositifs d'assistance. Et pour cause: ce dispositif a pour finalité de garantir la dignité humaine, et non pas de pallier des problèmes de liquidité passagers qui pourraient être liés à une séparation ou à une perte d'emploi, le temps, justement, que l'assurance-chômage puisse entrer en matière.
Mesdames et Messieurs les députés, la solution est alors assez simple. Elle s'ancre dans un cadre légal existant: on ne demande pas la modification ni du code des obligations, ni du code de procédure civile fédéral, on demande simplement de créer un fonds, pour éviter que la lettre de mise en demeure pour défaut de paiement soit suivie d'une résiliation du contrat de bail. Pour que le fonds fonctionne, il faut qu'il soit disponible à première demande pour un crédit qui correspondrait à tout ou partie du montant de la mise en demeure, et auquel il pourrait justement être fait appel sans devoir justifier d'un certain nombre de documents - on a pu constater que les évaluations sociales peuvent prendre plusieurs mois. Les personnes que nous avons auditionnées, notamment à Caritas et au Centre social protestant, ont indiqué qu'il s'agissait était évidemment de durées minimales.
Le but de cette proposition de motion n'est pas de substituer l'Etat à la responsabilité du locataire de payer son loyer. Cela vise uniquement des problèmes de liquidité passagers ! J'insiste sur le caractère passager, justement, de la demande qui est faite. C'est la raison pour laquelle ce fonds devrait pouvoir être ouvert aussi aux petites entreprises qui sont confrontées à ces difficultés.
M. Béné conclut dans son rapport en indiquant que la proposition de motion devrait être refusée pour deux raisons: le peu de cas et les risques de dérapages qui ne seraient pas contrôlables. Alors, j'ai l'impression que la proposition de motion n'a pas été très bien comprise ! J'ai même le sentiment que M. le rapporteur de majorité s'est laissé un peu emporter par son dada pour la responsabilité individuelle au sens «parti libéral» du terme et qu'il a même peut-être oublié de lire les invites de la proposition de motion. En effet, le problème n'est pas de «juger - comme c'est affirmé par le rapporteur, page 40 - de la capacité individuelle à rechercher et trouver des solutions sans intervention de l'Etat.» Le but, au contraire, est de donner au locataire la possibilité de s'en sortir seul, sans tomber à la charge de l'Etat parce qu'il perdrait son logement. Il faut absolument prévenir que 200 personnes soient logées chaque jour à l'hôtel - c'est malheureusement le cas actuellement - ce qui est un problème de taille. Simplement, aujourd'hui, le cadre légal ne permet malheureusement pas de trouver des solutions par d'autres biais que par celui d'un fonds de cette nature, parce que le délai de trente jours de la mise en demeure est beaucoup trop court ! Comme je l'ai dit, allez voir une banque: ils vont vous demander un plan financier, des garanties, un porte-fort... Tout cela, en un mois, il n'est pas possible de le trouver !
J'aimerais maintenant rassurer l'Entente, l'UDC et le MCG: la proposition de motion ne respecte pas seulement le principe de responsabilité... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) J'ai dit qu'il s'agissait d'un crédit - et pas d'une subvention - que le crédit serait naturellement remboursable, avec arriérés...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur !
M. Christian Dandrès. Oui, je vous remercie; je finis tout de suite. De plus, le locataire n'est naturellement pas tenu de faire appel à ce fonds, s'il peut trouver des moyens par d'autres biais, mais c'est une potentialité qui pourrait avoir un avantage. Le principe de subsidiarité, cher également au coeur des libéraux, est respecté. J'ai même le sentiment que c'est là l'objectif, l'essence même du projet, puisque le but est d'éviter la perte du logement, donc le risque que la personne doive émarger à des prestations de l'Hospice général et être logée par l'office du logement.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Christian Dandrès. Je vais arrêter là. Je reviendrai peut-être tout à l'heure.
Mme Sylvia Nissim (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la commission du logement a passé plusieurs séances à débattre de cette proposition de motion socialiste, qui a le mérite de soulever la question de l'évacuation des locataires, et cela juste après une modification de la procédure des tribunaux, dans une période que l'on sait extrêmement difficile dans le domaine. La pénurie de logements à Genève, avec son taux de vacance excessivement bas, touche en particulier les plus démunis, qui, une fois leur logement perdu, n'ont plus aucun moyen d'en trouver un autre. Pourtant, cette proposition de motion précise vouloir aider les personnes de classe moyenne, temporairement en difficulté financière, pour cause de divorce, de chômage ou autres. Une bonne partie des questions de la commission ont donc porté sur ces personnes. Il s'avère qu'elles sont très peu nombreuses et que l'écrasante majorité des personnes qui se retrouvent dans ces situations d'expulsion sont des personnes qui sont en surendettement. De plus, lorsque le locataire répond aux convocations - ce qui n'est pas toujours le cas, il faut le préciser - la pratique courante reste la négociation, malgré la suppression de la conciliation.
La proposition de motion a tout de même permis de se rendre compte qu'il y a un manque important d'information sur la procédure, comme sur les possibilités d'aide aux locataires. Cette information, en partie à charge de l'Etat en ce qui concerne l'aide de l'Hospice, par exemple, ou à charge des régies, pourrait largement être améliorée.
En conclusion, on peut reconnaître que la situation du logement à Genève est plus que précaire, en particulier pour les personnes en surendettement, mais que l'aide est disponible et que la négociation reste la norme quand c'est possible. Le fonds cantonal de prêt aux locataires ne nous semble donc pas être la bonne solution, et nous nous abstiendrons ou refuserons cette proposition de motion.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est maintenant à M. le député Guillaume Barazzone.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Merci, Monsieur le président, de me donner l'occasion de faire part de l'avis du groupe démocrate-chrétien sur cette proposition de motion. Oui, Monsieur Dandrès, la situation du logement à Genève est préoccupante. Oui, la situation fait qu'il y a une pression sur les loyers et que, pour un certain nombre de familles et de personnes dans ce canton, ainsi que d'entreprises, il devient difficile de payer son loyer. Monsieur Dandrès, le problème c'est que votre proposition de motion, malheureusement, ne traite pas les causes du mal et apporte de mauvaises réponses à un problème qui se pose.
Le groupe démocrate-chrétien refusera cette proposition de motion pour deux raisons principales. La première, sur le fond, est celle-ci. Vous nous dites: «Cette proposition de motion ne remplacera pas la responsabilité individuelle.» Nous pensons au contraire que cette proposition de motion aura des effets incitatifs très négatifs dans la mesure où vous nous dites: «Fonds garanti à première demande; sans barème; sans document justificatif à présenter.» Comment voulez-vous que les gens ne fassent pas appel au fonds dès qu'un problème se pose ? Cela nous paraît être une évidence. Si les banques demandent toute une série d'informations, c'est qu'elles veulent se couvrir et faire attention que la personne demandant les fonds nécessaires puisse un jour les rembourser. De même, l'Etat, s'il voulait mener une politique sociale, devrait s'assurer que les personnes qui font appel au fonds répondent à un barème. Or, de cela, Monsieur Dandrès, vous ne parlez pas dans votre proposition de motion.
Pourtant, je pense que cette question pose un problème pratique majeur, dans la mesure où - vous l'avez dit - dès la mise en demeure, il y a environ trente jours, en fonction du moment où la personne décide d'agir, pour pouvoir faire appel au fonds. C'est la deuxième raison qui nous pousse à refuser cette proposition de motion: en termes pratiques, il nous paraît totalement impossible - admettons même qu'il y ait des critères objectifs que l'Etat pose à l'octroi d'un financement - de vérifier si la personne qui fait la demande respecte ces critères. Ainsi, la deuxième raison pour laquelle nous refusons cette proposition de motion, c'est qu'elle est totalement impraticable.
Donc, premièrement, sur le fond, nous pensons que ce n'est pas à l'Etat de se substituer à la responsabilité individuelle et, deuxièmement, il y a impraticabilité de cette proposition de motion, qui n'apporte aucune solution concrète et ne s'inscrit en réalité pas dans les exigences que posent le droit fédéral et ce fameux délai de trente jours.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, oui, cette proposition de motion part d'une bonne intention, mais elle est une mauvaise réponse à la question qui est posée. Nous refuserons donc cette proposition de motion, et nous vous invitons à faire de même.
Mme Nathalie Schneuwly (R). Que demande cette proposition de motion ? On l'a dit, elle demande de créer un fonds cantonal pour payer les loyers des locataires en difficulté, afin d'éviter leur évacuation. A première vue, cette proposition de motion a effectivement tout pour plaire. Elle permet aux locataires de ne plus être évacués, aux bailleurs de ne plus avoir d'impayés et aux régies d'avoir moins de contentieux et moins de coûts. Mais après une étude approfondie en commission et plusieurs auditions, on s'est rendu compte que ce n'était pas si simple et que cela allait être coûteux. Tous les acteurs entendus le confirment, que ce soit le Centre social protestant, Caritas, l'Hospice général, le DSE avec son représentant de la politique d'insertion, l'office du logement, les Fondations immobilières et le Tribunal des baux et loyers. Tous nous ont confirmé que, dans la majorité des cas, on trouve des arrangements, que ce soit au niveau des régies, des tribunaux, ou même encore par la suite.
Il n'y a qu'une toute petite minorité de cas pour lesquels on n'a pas d'arrangement, mais c'est parce que les gens ne viennent pas demander de l'aide. Et ces cas ne seront pas réglés par cette motion ! Le but de cette dernière est d'agir en amont, dans le délai de trente jours pendant lequel les bailleurs peuvent résilier le bail. C'est donc une illusion totale de croire que ce fonds aura une utilité... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...puisqu'il n'atteindra pas les personnes concernées.
L'effet pervers, Mesdames et Messieurs, c'est que les cas qui trouvent aujourd'hui des solutions grâce à la volonté de tous les acteurs se tourneront simplement vers l'Etat et coûteront alors plus cher. Pour toutes ces raisons, et malgré notre bonne volonté, le PLR va refuser cette proposition de motion.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, laissez-moi peut-être expliquer à celles et ceux qui nous écoutent qu'une proposition de motion n'a aucun effet contraignant. Une motion - nous parlementons à son sujet depuis maintenant à peu près quinze minutes - n'a d'effet que d'obliger le Conseil d'Etat à donner une réponse dans les six mois. Voilà comment nous tentons de régler la crise du logement et d'aider les locataires qui ne seraient plus en mesure de payer leur loyer. Alors, tout cela, c'est bien joli; mais finalement c'est la démonstration des «blocs». Nous avons un bloc de gauche qui vient dire: « Il y a ces pauvres locataires qui ne peuvent plus payer leur loyer; il faut créer un fonds.» Et nous avons le bloc de droite qui dit: «Non, il faut défendre les intérêts des propriétaires. Et surtout, construisons, mais alors lentement; ainsi, les prix restent très élevés.»
Le MCG va vous dire, Mesdames et Messieurs, quelle est sa position. La première constatation est que l'hypocrisie règne. En effet, nous avons dans la constitution genevoise, chers collègues députés, un l'article 10B intitulé «Droit au logement». Je ne parle pas d'une loi, je parle d'un principe constitutionnel. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) L'article 10B, alinéa 1, stipule: «Le droit au logement est garanti.» Vous devriez aller expliquer cela à tous les citoyens qui ne trouvent pas de logement et qui sont obligés de s'expatrier, soit en France voisine, soit dans le canton de Vaud. L'alinéa 2 est ainsi conçu: «L'Etat et les communes encouragent par des mesures appropriées la réalisation de logements - en location ou en propriété - répondant aux besoins reconnus de la population.» Ce devait être des voeux de Jean Calvin, jadis, qui sont restés pieux !
L'alinéa 3 a la teneur suivante: «A cette fin, dans les limites du droit fédéral, ils mènent une politique sociale du logement, notamment par: a) la lutte contre la spéculation foncière;» Il doit y avoir certains membres du PLR qui ont besoin de lunettes, parce que, concernant la spéculation foncière, je n'aimerais pas vous rappeler de tristes épisodes de la Banque cantonale de Genève... La population nous est témoin. Voici la lettre b): «la construction et le subventionnement de logements avec priorité aux habitations à bas loyers;» J'ai regardé la presse aujourd'hui pour voir quelles étaient les loyers pratiqués... Mon Dieu, j'ai pris peur ! Pourvu que mon immeuble ne s'effondre pas, parce que je n'aurai plus les moyens de déménager sur le canton de Genève ! Et voici la lettre c): «une politique active d'acquisition de terrains;» Ah oui, pour faire des discothèques, c'est vrai que l'on a été très rapide: 14 millions votés en moins de trois mois dans ce parlement ! Je dois dire «Chapeau !», c'était un record de vitesse.
Je pourrais continuer longtemps, Mesdames et Messieurs. Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas, dans la constitution genevoise, un droit au logement opposable, tout cela ne servira à rien ! Le jour où un citoyen qui n'a pas de logement peut faire payer l'Etat, eh bien, ce jour-là, Mesdames et Messieurs, nous construirons, nous déclasserons, et nous aurons enfin une qualité de vie et des logements en suffisance pour nos concitoyens et pour leurs enfants, qui grandissent et qui veulent fonder une famille.
En ce qui concerne la proposition de motion du parti socialiste, évidemment, elle part d'une bonne intention. Mais comme l'Hospice général va se substituer droit derrière l'évacuation pour trouver un logement et subventionner ce dernier, votre proposition de motion ne sert strictement à rien dans ce sens-là.
M. Christo Ivanov (UDC). Créer un fonds cantonal de prêt aux locataires, voilà une magnifique et même très séduisante idée. Malheureusement, quand on gratte un peu, on se rend compte qu'il s'agit d'une nouvelle usine à gaz. En effet, faut-il instituer une déresponsabilisation des locataires dans ce canton ? Faut-il encourager, finalement, le non-paiement de son loyer ? Telles sont les questions.
L'Hospice général aide déjà ceux qui sont dans la précarité et participe à payer leur logement. Les tribunaux, de leur côté, font largement leur part des choses. Ils font leur maximum pour trouver une solution avec les bailleurs. Cette proposition de motion est donc un coup d'épée dans l'eau, purement électoraliste et démagogique. En conclusion, le groupe UDC refusera d'entrer en matière sur cette proposition de motion.
Mme Irène Buche (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que cette proposition de motion a été mal comprise, en tout cas mal interprétée. Il s'agit avant tout d'agir en amont, d'éviter que certaines résiliations ne soient envoyées aux locataires, en leur donnant les moyens de payer leur loyer dans les temps. Il ne s'agit pas de déresponsabilisation, il s'agit d'intervenir dans des cas de difficultés passagères. Il s'agirait d'un prêt remboursable, donc pas du tout d'une aide à fonds perdu.
J'aimerais surtout relever que l'Hospice général, bien sûr, a un mandat et intervient dans un certain nombre de cas. Mais il ne peut pas intervenir financièrement, ou alors qu'à très petites doses, si une personne ne remplit pas les barèmes de l'Hospice. Donc, il y a beaucoup de personnes ayant des revenus tout à fait moyens, mais qui n'arrivent plus, à un moment donné, à payer leur loyer, et ce sont celles que l'on vise.
J'aimerais aussi attirer votre attention sur l'amendement qui a été proposé en commission par les socialistes, lequel consisterait à créer ce fonds à titre expérimental. Cet amendement est maintenu, et je vous invite à l'accepter. Il ne s'agit pas de créer une usine à gaz, mais simplement de réfléchir, de demander au Conseil d'Etat de réfléchir à une telle solution et de faire cela à titre expérimental.
Le président. Merci, Madame la députée. Je mettrai votre amendement aux voix tout à l'heure. La parole est maintenant à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts.
Une voix. Elle s'est barrée !
Une autre voix. C'est une erreur.
Le président. Alors, c'est une erreur. La parole est à M. le député David Amsler.
M. David Amsler (L). Merci, Monsieur le président. Effectivement, je pense que cette proposition de motion fait un peu l'unanimité contre elle. Mais elle a quand même eu deux ou trois effets positifs. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Tout d'abord, elle a permis d'auditionner tous les acteurs du domaine immobilier qui sont de près ou de loin liés à ces problèmes d'évacuation de locataires, qui sont toujours pénibles pour toutes les parties. Elle a permis aussi d'obtenir certains engagements, notamment de l'Union suisse des professionnels de l'immobilier, qui s'est engagée à écrire à ses membres pour qu'ils annexent aux courriers de résiliation de baux les procédures qui sont à disposition des locataires pour demander des aides, notamment à l'Hospice général. Nous espérons fortement que ces mesures pourront aider les gens dans la difficulté à s'adresser aux organismes compétents pour les aider. Enfin, cela nous a aussi permis, à la commission du logement, de voir que la chose importante dans cette problématique de l'évacuation est le problème du suivi social. En fait, l'aide financière sans un suivi social ne sert finalement pas à grand-chose. C'est pour cela que les actions du CSP et de Caritas sont primordiales dans le cadre du suivi social de ces dossiers de personnes en difficulté. On s'est rendu compte qu'il ne sert à rien de payer un loyer sans ce suivi social.
Alors, cette proposition de motion fait un peu l'unanimité contre elle; un fonds cantonal, c'est de nouveau une grosse infrastructure, une grosse logistique, pour un problème qui peut être réglé différemment. Ainsi, pour toutes ces raisons, le groupe libéral du PLR vous recommande de refuser cette proposition de motion.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Dans le fond, vous l'avez dit tout à l'heure, cette proposition de motion pose la question générale du logement à Genève. Un certain nombre de députés dans cette enceinte font de grandes déclarations en opposant le bloc de droite et le bloc de gauche, arguant qu'il n'y aurait pas eu de solutions trouvées depuis un certain nombre d'année... C'est vrai, nous avons une responsabilité; les opposants aux projets immobiliers et aux déclassements dans ce canton ont une énorme responsabilité.
Mais nous, ce qui nous intéresse, au PDC, c'est de savoir ce que M. Stauffer fait, lui qui est magistrat depuis un certain nombre d'années dans une commune, Onex... (Remarque.) ...et qui est député depuis six ans dans cette enceinte. Eh bien, nous n'avons vu aucune proposition concrète en matière de logement de la part du MCG ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Nous attendons les propositions de motions et le programme politique de M. Stauffer, qui brigue un poste à l'exécutif de ce canton. Donc, il est très facile de critiquer, mais nous, nous attendons les solutions. J'invite tous les citoyens... (Commentaires.)
Le président. Il vous faut conclure !
M. Guillaume Barazzone. ...et les téléspectateurs... (Brouhaha.) qui nous regardent et qui écoutent religieusement M. Stauffer à longueur de soirées, à lui écrire et à lui demander ce qu'il a fait en matière de logement à Onex. Nous attendons ses propositions, parce que, pour l'instant, ce n'est que du vent, Mesdames et Messieurs !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements. Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Prunella Carrard.
Mme Prunella Carrard (S). Merci, Monsieur le président... (Commentaires.)
M. Roger Golay. Vous avez fait quoi, avec vos conseillers d'Etat, jusqu'à maintenant !
Mme Prunella Carrard. Monsieur Golay, je vous remercie de me laisser parler ! J'aimerais juste dire ici que nous déplorons que ce débat ne mène nulle part. Tout le monde nous dit: «C'est une fausse bonne idée», mais personne ne soumet aucune proposition. Les socialistes ont au moins le mérite de le faire.
Refuser de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat revient à dire: «Nous ne voulons même pas que le Conseil d'Etat réfléchisse à la question.» Ainsi, nous vous enjoignons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, éventuellement avec l'amendement proposé par ma collègue, à savoir que ce fonds serait créé à titre expérimental. Cela permettrait au moins - au moins ! - que le Conseil d'Etat se penche sur la question et nous fasse des propositions. J'espère par ailleurs que les groupes qui ne sont pas capables de faire autre chose que de lire la constitution et de nous accuser de ne rien faire seront capables, désormais, de soutenir cette motion.
Le président. Merci, Madame la députée. Avant de passer la parole à Mme Dominique Rolle, j'aimerais demander à nos collègues sur ma droite, MCG... (Commentaires.) Voilà, c'est très bien, je vous remercie ! Ecoutez votre collègue ! Madame la députée, vous avez la parole.
Mme Dominique Rolle (MCG). Merci, Monsieur le président. Alors écoutez, quand j'entends les déclarations de M. Guillaume Barazzone, je trouve cela assez hilarant... «Parce que le PDC attend les solutions» ! Voilà ce dont il faut prendre note. Ils attendent. Merveilleux ! Nous, nous n'avons pas encore les exécutifs nécessaires à la construction et pour faire avancer les dossiers. Mais ce n'est pas grave: au moins, la bonne volonté est là. Bonne volonté qui a présidé à la commission du logement, qui s'est attachée à faire un état des lieux le plus complet possible en entendant tous les organismes, pour voir vraiment qui était concerné par les dossiers et qui ne l'était pas. Finalement, il est vrai que cela ne concernait pas tant de personnes que cela. On a fait le tour, et on a vu aussi que cela créait un doublon notamment avec les fonds...
Le président. Il vous reste dix secondes, Madame la députée.
Mme Dominique Rolle. D'accord. ...donc, cela créait un doublon avec les fonds de l'Hospice. C'est pour cela que le MCG a décidé de ne pas soutenir cette proposition de motion, bien qu'elle soit demandée par les divers organismes.
M. Patrick Lussi (UDC). Beaucoup de choses ont été dites, mais j'aimerais simplement répondre à ma préopinante socialiste, parce que, en définitive, elle a sans doute raison: il ne faut pas faire une guerre de tranchées. Mais votre rapporteur de minorité l'a dit... (Remarque.) ...je crois, dans les premiers mots: vous n'êtes pas contents avec la législation fédérale. Alors, est-ce ici, à nous, de demander au Conseil d'Etat de faire des choses ? Je crois que vous avez des relais encore plus puissants que les nôtres, sur place, pour le faire ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Voilà simplement ce que je voulais ajouter. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous pensons que ce n'est pas à nous de traiter cela. Au-delà des guerres de tranchées, notre avis est simplement que ce n'est pas notre rôle, raison pour laquelle nous refusons cette proposition de motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. Exceptionnellement, pour vingt secondes, la parole est à M. Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Je souhaite simplement répondre, puisqu'on a mis en cause ma fonction de magistrat, au motif que je n'aurais rien fait à Onex. Rassurez-vous - vous transmettrez, Monsieur le président, à mes collègues du PDC - Onex bouge extrêmement vite. En ce qui me concerne, je n'ai pas les constructions ou l'urbanisme, j'ai les finances. Et j'en suis à la deuxième dénonciation à l'autorité de surveillance des communes, notamment pour votre magistrat PDC...
Le président. Voilà, il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. ...qui a violé la loi. Et j'ai reçu un arrêté de Mme la conseillère d'Etat m'autorisant à payer une facture, puisqu'il a payé plus de 40 000 F...
Le président. Voilà, Monsieur le député...
M. Eric Stauffer. ...en violant la loi. (Commentaires.)
Le président. ...on y est ! (Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, j'en appelle à votre sagesse pour terminer cette journée de la façon la plus agréable possible. J'accorde une minute à chacun des deux rapporteurs. La parole est à M. le rapporteur de majorité.
M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le problème est qu'il est toujours difficile de rester calme, parce que, quand le MCG est hors sujet, on lui donne encore plus la parole ! Alors, j'ai un peu de peine à comprendre ! (Commentaires.) Puisque l'on est dans ce sujet, je tiens quand même à relever que, pour M. Stauffer - il l'a dit sur Léman Bleu - il y avait prétendument 800 m2 dans les mains de l'Etat sur une galette commerciale qui était vide depuis huit ans. Il s'est avéré que cette galette commerciale n'est encore pas construite, donc je vous laisse juge ! (Commentaires.)
J'en viendrai juste, pour terminer, à une chose qui me paraît assez importante. En fait, la problématique n'intervient pas au moment où le locataire reçoit la lettre de mise en demeure, parce que, dans la plupart des cas, précisément, les locataires ne réagissent pas à cette lettre de mise en demeure; ils attendent la résiliation du bail. Or, au moment de la résiliation du bail, il se trouve que le locataire a déjà trois ou quatre mois de retard de loyer, ce qui fait que ce n'est plus seulement un petit prêt anodin.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur !
M. Jacques Béné. Ce sont des montants qui deviennent assez considérables. C'est également dans ce sens-là que l'on pourrait croire que la proposition se justifie, comme si rien ne se faisait à Genève. Mais il a été dit, en commission, lors des auditions que nous avons effectuées - que ce soit l'Hospice général, le Centre social protestant ou l'office du logement - qu'il y a déjà de nombreuses aides et que les cas qui pourraient être concernés par ce fonds cantonal sont minimes.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de minorité. Je serai très bref. J'aimerais rebondir sur la question de la responsabilité individuelle, notamment sur les propos qui ont été tenus par M. Guillaume Barazzone. J'ai l'impression qu'ils frisent l'absurde, pour une raison assez simple: comment peut-on parler de responsabilité individuelle lorsque le but d'un fonds de cette nature est de prévenir les défauts de liquidités ? Une entreprise qui, tout à coup, a un carnet de commandes qui fondrait ou un créancier qui ne paie pas ne peut pas être tenue pour responsable; on ne peut pas lui imputer ce fait-là. De la même manière pour une personne qui perdrait son emploi et pour une personne qui se séparerait de son conjoint ! Il ne s'agit pas d'un phénomène à endiguer, ou en tout cas d'un phénomène qui irait croissant et qu'il s'agirait de bloquer par ce biais-là.
La position de l'Entente est parfaitement contradictoire. En effet, on nous dit d'un côté que le fonds serait inutile parce qu'il toucherait une portion congrue de locataires, et, d'autre part, on nous explique qu'il y aurait des risques de débordements et que cela coûterait des fortunes.
Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il faut clarifier le problème. Je vous fais donc la proposition - qui est celle de l'amendement - de créer ce fonds à titre expérimental, pour voir. Testons la chose, en précisant que les balises que nous avions mises étaient que le prêt soit limité à deux ou trois mois de loyer - sur signature d'une reconnaissance de dette, avec évidemment l'obligation de rembourser liée à cette reconnaissance - d'avoir un intérêt sur la dette et que, si la personne se trouve dans une situation sociale difficile, qu'elle soit évidemment soumise à une évaluation. Donc, je vous propose ceci: testons, puis nous pourrons revenir ici pour examiner s'il s'agit d'étendre la mesure, de la maintenir, ou non.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets d'abord l'amendement que vous avez à la page 54 du rapport, qui se limite à ajouter à l'invite les termes: «à titre expérimental». (Remarque.) Les termes: «à titre expérimental». J'espère que tout est clair pour tout le monde. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez levé la main ?
M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Oui, merci, Monsieur le président. Sur l'amendement, puis-je m'exprimer ?
Le président. Si c'est pour une précision...
M. Jacques Béné. Sur l'amendement ! L'amendement est présenté maintenant; j'aimerais bien m'exprimer juste sur l'amendement.
Le président. Vous aviez le temps de le faire. Je vous ai donné une minute de plus à chacun, donc vous aviez la possibilité de vous exprimer. (Commentaires.)
M. Jacques Béné. Je voulais juste apporter une précision.
Le président. Une précision !
M. Jacques Béné. Cet amendement a été proposé en commission; il est question d'un montant compris entre 100 000 F et 150 000 F. A considérer les loyers à Genève et les cas qui pourraient être concernés, même si l'on estime que c'est 1500 F par mois, quatre mois à 1500 F, cela fait 6000 F. Je vous laisse imaginer le peu de locataires que l'on pourrait aider avec ce petit montant.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Par parallélisme, j'accorde aussi trente secondes au rapporteur de minorité.
M. Christian Dandrès. Je les abandonne, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 13 oui et 23 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 2017 est rejetée par 54 non contre 13 oui et 14 abstentions.