Séance du
vendredi 10 juin 2011 à
20h45
57e
législature -
2e
année -
9e
session -
53e
séance
La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de M. Renaud Gautier, président.
Assistent à la séance: Mmes Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillères d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Mark Muller, président du Conseil d'Etat, Pierre-François Unger, Charles Beer, David Hiler et François Longchamp, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Beatriz de Candolle, Fabiano Forte, Aurélie Gavillet, Vincent Maitre, Sylvia Nissim, Jacqueline Roiz, Philippe Schaller, Brigitte Schneider-Bidaux, Manuel Tornare et Jean-Marie Voumard, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
M. Jacques Béné (L), rapporteur. Après le débat houleux de tout à l'heure, nous allons recommencer à parler de développement durable, avec cette motion déposée par les Verts et qui concernait un cas précis. Il s'agissait d'un petit biotope et d'une véranda thermique de 12 m2 en dur, installés en zone agricole il y a maintenant plus de vingt-cinq ans. Suite à cette affaire, où les tribunaux avaient finalement donné raison au propriétaire, les Verts avaient jugé opportun de déposer cette motion, qui a retenu l'attention de la commission. Elle n'a malheureusement pas souhaité y donner suite, pour la simple et bonne raison qu'elle pose des problèmes juridiques en matière d'aménagement du territoire. On sait qu'il est difficile de faire prévaloir une loi sur une autre dans notre système législatif... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...même si le groupe libéral en tout cas aurait été très heureux de pouvoir collaborer sur certains points. Je pense surtout à la quatrième invite qui concerne l'amnistie, sujet qui nous est cher.
Malheureusement, en tant que personnes responsables, il nous paraissait important de ne pas donner suite à cette motion, parce qu'elle est difficilement applicable et soulèverait de gros problèmes juridiques dans son application. En commission, nous avions été rassurés par les propos du département, qui s'emploie - puisqu'il s'agissait d'une des principales raisons de cette motion - à ce que les services collaborent mieux, pour éviter ces problèmes d'application de lois et de prévalence de l'une sur l'autre. Nous reviendrons peut-être dans le courant du débat - si débat il y a - sur les différents points de cette motion.
M. Gabriel Barrillier (R). Cette motion a été déposée par le groupe des Verts essentiellement parce qu'il y a eu des différends, une confusion entre deux services situés dans deux départements différents de l'ancienne législature: le DT et le DCTI. Il s'agit donc de savoir si l'on est censé ignorer la loi lorsque l'on érige un bâtiment, que ce soit un biotope ou une partie de villa. Ceci est le premier problème: quelqu'un ayant dressé une véranda dans sa villa peut-il le faire sans autorisation ? Quand on sait que la LCI en exige une pour construire un poulailler, eh bien, Madame Baud, vous qui avez défendu cette motion, lorsque l'on souhaite ériger une véranda, il y a besoin d'une autorisation. C'est comme ça !
Donc la motion pose plusieurs problèmes et le rapporteur en a mentionné quelques-uns. Il y a d'abord le principe de la non-rétroactivité des lois - sauf pour la suppression de la peine de mort, évidemment... Ensuite, il y a l'égalité de traitement entre les citoyens. En effet, dans la villa d'à côté, la personne a peut-être requis une autorisation, qui lui a été refusée, alors que le voisin passe outre et construit sa véranda... Il s'agit de choses assez courantes, il ne faut pas se faire d'illusions. Donc il y a la question de l'égalité de traitement entre les citoyens, je l'ai dit tout à l'heure. Et nul n'est censé ignorer la loi, ça c'est la base de la base.
Cela dit, ce qui me paraît le plus important a trait au fait que l'affaire concernait deux services dépendant de deux anciens départements - le DT et le DCTI - avec deux chefs différents: l'un du groupe des Verts, l'autre du parti libéral. Or les deux services ont donné des préavis divergents au citoyen concernant une demande d'autorisation, ce qui n'est pas un bon signal. Je pense que cela pose un vrai problème, car ce n'est pas la seule fois que ce type de contradiction se manifeste et, finalement, le citoyen, l'usager, est confronté à une certaine anarchie.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Gabriel Barrillier. En dernier lieu, il y a la question des politiques publiques et des normes de protection de l'environnement, de même que celles liées à la construction, qui ont la même valeur hiérarchique. Ainsi, la seule invite importante de la motion est celle qui pose la problématique de la coordination. Pour le reste, il faut la refuser, car le cas est réglé. Il n'y a donc pas de raison d'avoir deux poids et deux mesures.
Mme Catherine Baud (Ve). Effectivement, il est regrettable qu'une majorité n'ait pas pu être trouvée en commission pour entrer en matière sur cette motion. Néanmoins, j'en prends acte. Ce cas a été résolu, mais je rappelle qu'il a fallu plusieurs années et un recours en justice pour arriver au statu quo. Il aurait alors suffi de mettre en pratique ce que le Conseil d'Etat avait prôné dans sa réponse à l'IUE 810, c'eût été beaucoup plus simple. Je vous lis ce qu'il disait: «Mais la recherche consensuelle et fine de solutions communes contribue à l'efficacité de ces deux politiques publiques et évite des situations où le requérant est soumis à des préavis contradictoires.» On est tout à fait dans ce cas ! Je vous renvoie également à la conclusion du rapport, qui indique ceci: «Il n'en reste pas moins que, même sans motion, la commission est unanime pour inciter les services de l'Etat à agir de manière plus coordonnée. Dans l'intérêt bien compris des citoyens de ce canton.» Je crois que les choses sont claires: tout le monde est unanime pour qu'il y ait davantage de concertation au niveau des relations entre les départements, afin d'éviter que de tels cas ne se reproduisent. Je vous recommande donc d'être cohérents avec ce qui vient d'être dit et d'entrer en matière sur la motion, de manière à la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Guillaume Sauty (MCG). Pour le groupe MCG, il importait de mettre en avant les félicitations adressées à ces personnes, précurseurs du développement durable. Néanmoins, comme l'ont dit mes préopinants, la loi est la loi, et elle doit être la même pour tous. C'est la raison pour laquelle le MCG s'abstiendra sur le vote de cette motion.
Mme Christina Meissner (UDC). Je me permets de prendre la parole pour répondre à l'un de mes préopinants, M. Barrillier, qui rappelait que tout le monde devait respecter la loi et qui s'indignait à l'idée que l'on construise des villas n'importe où... Mais attendez, vous n'y êtes pas du tout, Monsieur Barrillier ! Il ne s'agit pas d'une construction de villa mais d'un biotope. Un pauvre biotope qui a le malheur de se trouver en zone agricole ! Or le propriétaire ne savait pas qu'il fallait demander une autorisation quand il l'a créé, il y a vingt-cinq ans. Les tritons, les grenouilles et autres bestioles qui s'y sont installés ne le savaient pas non plus ! C'est donc devenu un biotope d'une importance nationale pour la reproduction des batraciens. Puis, lorsque le monsieur en question a fait ce qu'il pensait devoir faire pour pouvoir construire une petite véranda de 12 m2, adjacente à une construction qui était, elle, parfaitement autorisée de longue date, il s'est fait attraper pour son biotope ! A un moment donné, soyons proportionnels, il n'y a pas trente-six cas de ce genre dans la république, fichons la paix à ce pauvre monsieur et à ses tritons ! Renvoyons donc la motion au Conseil d'Etat. (Commentaires.) Il ne s'agit ni d'éléphants ni de hérissons, mais de batraciens, qui sont aussi importants ! Et en voie de disparition ! Je signale que les trois quarts des espèces de batraciens sont menacés de disparition ! Ce soir, faisons un petit effort pour les batraciens et pour ce monsieur, et renvoyons la motion au Conseil d'Etat ! Merci.
M. Jean-Louis Fazio (S). J'aimerais simplement indiquer que les socialistes n'entreront pas en matière sur la motion. Il s'agit en effet d'une affaire privée, déjà tranchée par la justice. (Brouhaha.)
M. François Gillet (PDC). Mme Baud et M. Fazio ont rappelé que le cas précis, à l'origine du dépôt de la motion, a été réglé. Cela dit, le texte a certainement le mérite de remettre à plat certains dysfonctionnements dans les préavis divergents entre des services de l'Etat. Je vous rappelle que, dans d'autres domaines concernant également le développement durable, des contradictions existent aussi entre les politiques publiques de protection du patrimoine, d'un côté, et de promotion des énergies renouvelables, de l'autre - pour revenir à un sujet qui nous a occupés tout à l'heure. Nous aurons donc à en parler prochainement, grâce à deux textes déposés concernant la CMNS. Je crois qu'il y a des domaines où des divergences d'appréciation et de préavis entre différents services doivent être réglées. Sur ce cas précis, le groupe démocrate-chrétien refusera la motion dès lors que le problème est résolu.
M. Jacques Béné (L), rapporteur. Certes, le développement durable est le cheval de bataille des Verts, mais on ne peut pas faire n'importe quoi au nom de ce développement. Je vous pose une question à laquelle il n'a pas été répondu en commission: comment déterminer qu'existe un intérêt public prépondérant pour le préavis d'un service au détriment d'un autre, alors que chacun se base sur deux prescriptions légales différentes ? Personne n'a été capable de répondre à cela. Il y a des systèmes de dérogation dans chaque loi; ainsi, pour le développement durable, on pourrait supprimer la LCI et la LDTR. Nous constaterons alors ce qu'il adviendra du canton à ce moment-là.
En commission, la problématique des invites a largement été débattue. Deux d'entre elles pourraient éventuellement rester: la première, invitant le Conseil d'Etat à considérer avec bienveillance et intérêt ce type de réalisations, ce qui se pratique déjà puisque des systèmes dérogatoires existent dans les lois. De plus, celle qui invite à faire en sorte que les différents services de l'Etat agissent de manière coordonnée pourrait rester. La motion est alors vidée de toute sa substance, mais rappelle simplement au Conseil d'Etat qu'il doit agir dans le respect des lois et qu'il doit coordonner ses activités. Or la commission n'a pas jugé que c'était suffisamment important pour demander au Conseil d'Etat de rédiger un rapport sur ses activités dans ce domaine. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas entrer en matière sur cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée et la commission ayant conclu au refus de la motion, je vous soumets cette dernière.
Mise aux voix, la proposition de motion 1840 est rejetée par 29 non contre 28 oui et 10 abstentions.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons traiter conjointement les propositions de motions 1970 et 2009, et je passe la parole à M. Antoine Bertschy.
M. Antoine Bertschy (UDC). Merci, Monsieur le président. Je prends la parole à la place de notre présidente, qui n'a malheureusement pas pu participer à la deuxième partie de nos débats. Je dois vous avouer que je ne suis jamais très favorable aux motions visant seulement à ce que la loi soit appliquée. Or c'est ce que la motion demande, il faut bien le reconnaître. Toutefois, il y a réellement un problème à Genève, avec une certaine population qui, par une mendicité que l'on ne parvient pas à faire cesser, importune les citoyens de notre canton. La mendicité a toujours existé à Genève. A l'époque, il s'agissait de musiciens, de personnes dans le besoin ou hors normes. Dans les années quatre-vingts, il y a eu les punks qui faisaient la manche à la gare... Mais maintenant ce n'est plus cela, il s'agit d'une mendicité organisée, qui utilise toutes les astuces pour soutirer de l'argent à nos concitoyens, et même de très désagréables astuces consistant par exemple à employer des enfants pour susciter la pitié. Le groupe UDC ne peut pas accepter, surtout à la veille de la Journée mondiale de l'enfance - qui aura lieu dans deux jours - que des personnes se servent de leurs enfants pour demander la charité. Nous disons à ces gens qu'il faut qu'ils retournent chez eux, car ils seront mieux à élever leurs enfants dans leur patrie. Je rappelle que la Suisse verse des dizaines et des dizaines de millions à la Roumanie afin de développer le pays. Dans les accords passés, il est prévu que la Roumanie ou les autres pays de l'ex-bloc soviétique doivent aider leurs populations minoritaires, or cela ne se fait pas. Et je crois que ce n'est pas à Genève et aux citoyens de ce canton d'être importunés parce que la politique est mal menée dans les pays de souche de la population rom. Il y a toujours la question de l'offre et de la demande: certains demandent de l'argent et d'autres en offrent. Il y aurait donc une autre solution, c'est d'interdire aux personnes d'en donner, mais l'UDC ne pense pas qu'il faille aller dans ce sens.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Antoine Bertschy. Je vais terminer, Monsieur le président. En revanche, lorsqu'il y a des bandes organisées, que des gens font la manche avec des enfants, dans des conditions d'hygiène absolument déplorables, il faut les renvoyer chez eux, car ils y seraient bien mieux qu'ici, sur nos trottoirs, à demander de l'argent aux passants. Je vous propose donc de faire bon accueil à cette motion et de la voter.
M. Stéphane Florey (UDC). Ce que demande la proposition de motion 2009 est tout simple: il s'agit de faire un bilan, un vrai bilan de ce que rapporte la loi sur la mendicité, loi qui est apparemment très peu appliquée. Il faut une fois pour toutes tirer les conséquences de cette loi et savoir si elle est bénéfique ou non. L'UDC demande aussi une tolérance zéro. Puisque la loi n'est que très mal appliquée, nous requérons sa mise en vigueur à 100%. Surtout, nous voudrions que la population soit informée, ainsi que les touristes, de la politique sociale menée à l'égard des étrangers, et particulièrement des personnes vivant illégalement chez nous. Par exemple, on pourrait procéder comme à l'aéroport de Londres où, lorsque vous descendez de l'avion, on vous informe qu'il y a des taxis officiels, mais aussi des taxis non officiels, lesquels ont tendance à arnaquer les touristes... Eh bien nous, ce que nous demandons, à Genève, c'est d'informer clairement la population et les touristes, pour qu'ils ne donnent pas d'argent aux personnes qui mendient et pour qu'ils sachent aussi que ces dernières sont, selon la loi genevoise - la LASI - prises en charge. En effet, toutes ces personnes, illégales ou pas, sont malgré tout prises en charge par l'Etat ! Donc informons-en clairement la population, afin qu'elle arrête de leur donner de l'argent, puisque c'est néfaste non seulement au tourisme, mais aussi à l'économie genevoise.
Une voix. Bravo !
M. Frédéric Hohl (R). Pour le groupe PLR, je relève que vous avez complètement raison avec ces deux propositions de motions: il faut appliquer la loi, c'est juste, mais je pense qu'il n'y a pas besoin de motions pour cela. Et, oui, on souhaite que la police applique la loi, c'est clair, comme d'habitude.
Pour la motion 1970, c'est assez fin: vous essayez de toucher la corde sensible en évoquant les enfants et la prostitution des enfants des Roms. Vous y faites allusion sept fois dans la motion: la prostitution des enfants, la prostitution comme la pire forme de travail, la vente des enfants, les personnes mineures en prostitution... Vous en parlez sept fois, cela m'a donc interloqué. J'ai alors pris la peine de passer quelques coups de téléphone, notamment à des ONG. (Remarque.) J'ai même pris contact avec Terre des hommes, qui s'occupe de cette problématique. Or ils n'ont pas entendu parler de cette question à Genève, mis à part le cas que vous évoquez en page 3. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas suivre votre motion. Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs, à ne pas l'accepter.
Ensuite, concernant le deuxième texte, vous proposez notamment d'informer les touristes. Bon, moi je veux bien... Informer les touristes sur la problématique sociale à Genève... Vous allez faire cela en plusieurs langues ? Est-ce qu'il y aura un bureau de l'office du tourisme chargé d'expliquer ce que font les Roms ? Enfin... Il faut être un peu sérieux ! On a déjà de la peine à expliquer aux touristes la topographie des lieux - comment prendre un bus, comment visiter Genève. Si, en plus, il faut leur donner des explications sur tout ce qui s'y passe, avec les petits problèmes - et les grands ! - qu'on a... Je crois que les touristes ne viennent pas à Genève pour cela. Mesdames et Messieurs, soyons un peu sérieux ! On va rejeter ces deux motions, et je vous encourage à faire de même. Merci !
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, certains textes inspirent le renvoi - mais pas celui en commission... En effet, lorsqu'on utilise des termes aussi stigmatisants pour une population qui, certes, statistiquement commet des délits chez nous, cela nous fait penser à des textes de triste mémoire. Quand on parle des «populations errantes», cela peut faire penser aux «juifs errants» et aux textes utilisés de manière scandaleuse, inadmissible et inhumaine, voici quelques décennies. Alors, vous avez raison, la loi doit être appliquée. Il est vrai que les personnes qui sont en Suisse de manière illégale et qui troublent l'ordre public n'ont rien à y faire et doivent retourner chez elles. Nous sommes d'accord avec vous, mais il y a la façon, et tout le monde ne peut pas être mis dans le même panier. Il y aurait une seule personne de bonne dans ce panier que votre texte serait déjà inadmissible.
En ce qui concerne le groupe MCG, nous soutiendrons ces textes pour autant que nos amendements soient acceptés, amendements qui modifient fondamentalement le but à atteindre. Pour ce qui est de la motion 1970, nous demandons que l'on supprime évidemment toute référence à «Roms» et à «populations errantes». Il s'agit de façon générale des personnes qui sont en Suisse de manière irrégulière et qui troublent l'ordre public. Nous demandons - vous avez les textes sur vos bureaux - à ce que le droit fédéral soit appliqué, s'il fallait le répéter, sur le territoire de la République et canton de Genève - qui fait encore partie de la Suisse - «en mettant en oeuvre tous les moyens utiles pour arrêter, placer en détention et procéder au renvoi systématique de toute personne qui trouble l'ordre public et qui se trouve en situation irrégulière». Le rappel peut être bon. Il est vrai que, dans ce domaine, des considérations politiques prennent malheureusement parfois le dessus sur l'application de la loi. Or la population a clairement dit qu'elle souhaitait que la loi soit appliquée et que les personnes commettant des délits ou des contraventions dans notre pays soient renvoyées.
Concernant la motion visant les mendiants qui harcèlent la population, et plus particulièrement sa troisième invite, je me souviens d'une intervention de Mme Céline Amaudruz qui disait aux députés socialistes qu'ils pensaient vivre dans le pays des Bisounours... Là, je crois véritablement que c'est elle qui y vit ! Non mais, écoutez ça...
Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député.
M. Mauro Poggia. Je finis, Monsieur le président ! Ecoutez ceci: il faut «informer la population et les touristes» du fait que les gens qui sont ici et n'ont pas de moyens de subsistance peuvent se rendre à l'assistance publique et qu'ils y seront aidés... Je propose de mettre cela simplement dans les «Feuilles d'avis» internationales, pour que tous les mendiants du monde viennent chez nous et puissent s'adresser à nos services sociaux !
M. Patrick Lussi (UDC). Il s'agit d'un sujet très difficile, nous le savons, comme vient de le démontrer mon préopinant qui, d'habitude, ne fait pas dans le romantisme politique. Aujourd'hui pourtant, il y a mis tout son talent et son savoir oratoires.
J'aimerais vous rappeler deux choses, Mesdames et Messieurs les députés. Tout d'abord, que la motion 1970 a été déposée le 15 septembre 2010. Pourquoi à cette date ? Puisque personne n'en a parlé, je vous le rappelle: lors de la séance du 23 juin 2010, le Conseil fédéral a approuvé les accords-cadres bilatéraux avec la Roumanie ! Alors il est clair que ce n'est pas très bien de nommer les Roms, et «Roms» est peut-être à nouveau un terme qui va vous choquer, Mesdames et Messieurs les députés. Mais alors, allons jusqu'au bout de votre raisonnement humaniste ! Car je rappelle que, dans ces accords, il a été décidé de donner 181 millions dans le cadre de programmes spécifiques à la Roumanie. Et dans ces programmes spécifiques, il est bien marqué, sous «Sécurité, stabilité et soutien des réformes»: «promouvoir la société civile» et «intégration de minorités». Oui, Mesdames et Messieurs, l'Union démocratique du centre sait bien que les Roms sont une population discriminée en Roumanie ! La motion vise donc à ouvrir le débat et à choisir entre deux voies. Soit on estime que la Roumanie fait une sorte d'épuration ethnique et est très contente des accords de Schengen qui permettent aux Roms de venir chez nous, et alors on doit prendre toutes les mesures qu'il faut à l'encontre de ce pays. Soit on estime que ce n'est pas tout à fait cela et que ces gens, qui ne sont pas forcément des criminels - et ce n'est pas à nous de le dire - doivent être intégrés en Roumanie et que, pour cela, la population suisse donne de l'argent, à travers les impôts, de manière que ces personnes soient bien traitées, intégrées, logées, qu'elles puissent travailler et parviennent aussi, par exemple, à être fonctionnaires en Roumanie, car, je le rappelle, actuellement aucun Rom n'est fonctionnaire dans l'administration roumaine. Alors, c'est cette deuxième voie que l'UDC souhaite emprunter. Je sais que vous vous hérissez lorsqu'il est question de ce sujet, car vous pensez que l'on fait de la discrimination. Toutefois, nous demandons l'application de la loi parce que nous donnons déjà de l'argent et que nous aimerions qu'il soit utilisé aussi pour cette population, en Roumanie, et que nous ne voulons pas lui en consacrer, en supplément, chez nous. Nous vous demandons donc d'accepter la motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Une voix. Bravo, Patrick !
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Pour les socialistes, ces deux motions sont une honte. Alors que l'on vient de voir dans l'émission télévisée «Mise au point» une démonstration par A plus B de l'absurdité du système genevois d'interdiction et de mise à l'amende de la mendicité, l'UDC persiste. Ce groupe demande de se montrer plus dur et d'infliger davantage d'amendes, cela avec l'argent du contribuable, investi pour le temps que la police consacre, pour les affranchissements des envois postaux, par le service des contraventions, par les divers secrétariats et ensuite par la justice. Mesdames et Messieurs, depuis 2007, depuis que nous avons voté cette loi, nous aurions pu rénover et aider pas seulement un quartier, mais des villages roms entiers avec les sous du contribuable genevois, afin de construire plutôt que de s'engager dans le cercle infernal de la répression !
De plus, l'UDC joue à l'autruche: vous ne pourrez pas indéfiniment refuser de voir que le monde existe autour de vous, de Genève en particulier, pour les populations roms de Roumanie. Dans une des motions, vous évoquez la convention relative aux droits de l'enfant, vous décrivez les pires scènes d'attaque et de cambriolage - quand ce n'est pas de la prostitution - et, en guise de solution, vous, l'UDC, proposez de renvoyer les personnes chez elles ! Je ne pense pas que cela sera réglé ainsi, ce n'est pas une solution.
Vous parlez des accords de libre circulation en disant que la seule solution est le renvoi. C'est intéressant, parce que vous jouez sur la marge: vous préconisez d'utiliser l'internement administratif, alors que la Roumanie a signé des accords bilatéraux et alors que, c'est vrai, elle n'est pas encore totalement intégrée à Schengen, mais est en phase de l'être. Mesdames et Messieurs, c'est vraiment voir petit ! Et ce que vous proposez est dangereux. En effet, si pour les populations roms et pour les Roumains les internements administratifs peuvent être appliqués, pourquoi ne les appliquerait-on pas aussi pour les Espagnols, les Portugais - qui commencent peut-être à nous déranger - pour les Italiens et pour d'autres peuples ?! (Commentaires. Le président agite la cloche.)
En résumé, que vous le vouliez ou non, l'histoire des Roms de Genève est devenue un peu la nôtre, et nous devrions y penser dans ce sens si nous voulons en sortir, plutôt que de tourner en rond. Beaucoup de bruit, beaucoup d'agitation par rapport à ces motions ! In fine, elles s'intégreraient mieux dans un magazine à sensation que dans un objet parlementaire tel que cela nous est proposé ce soir. Mesdames et Messieurs, les socialistes refuseront ces motions qui, selon nous, feraient mieux d'errer dans les archives des textes non étudiés par ce parlement.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion que nous avons ce soir porte le titre suivant: «Le respect du droit, ça change la vie. Halte à la prostitution des enfants, à la mendicité et aux cambriolages: renvoyons les Roms et autres populations errantes en situation irrégulière !» Les Verts sont très attachés à la Suisse, qui dispose de bases et de règles de droit qui font partie de nos traditions et de nos valeurs. La première règle - il y a des normes antiracistes - c'est que la loi s'applique à des individus, et non à des groupes. On est responsable de ses actes d'un point de vue individuel, et non collectif.
Pour les Verts, le titre de la motion est nauséabond et nous rappelle des souvenirs extrêmement douloureux de l'histoire du XXe siècle de l'Europe. De voir aujourd'hui que, dans ce parlement, cet amalgame puisse être fait, que l'on puisse mettre ces mots les uns derrière les autres, en désignant une population et en disant qu'il faut renvoyer ces personnes, cela nous heurte et nous choque. Nous rappelons que nous avons passé des accords avec divers pays et que les personnes ont le droit de venir en touristes, pour travailler ou pour différents motifs, et que l'application du droit pour les individus doit être la même pour tous. Ce doit être une application des droits des uns et des autres. Ce que vous nous proposez relève du droit collectif et est inadmissible et contraire aux traditions de notre pays. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts sont attachés aux traditions suisses, à ces valeurs fondamentales qui défendent le pays. Aujourd'hui, les «Heimatmüde» sont sur les bancs d'en face !
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites, mais un élément important a été oublié. Dans la motion 1970, l'UDC nous fait une fois de plus la démonstration de son incohérence et des éléments nauséabonds qui arrivent lorsqu'on fait des amalgames. Incohérence, car, au nom des enfants qui prétendument seraient maltraités, prostitués et qu'il faudrait renvoyer avec leur famille dans leur pays afin qu'ils y soient beaucoup mieux, Mesdames et Messieurs les députés, n'oubliez pas que, lorsque nous votons pour la solidarité internationale afin précisément de pouvoir développer des écoles, des hôpitaux et des dispensaires dans les pays d'origine de ces gens, eh bien l'UDC ne vote pas les crédits ! Une fois de plus, nous sommes face à son incohérence, face à de la malhonnêteté et face à des visions extrêmement dommageables pour Genève. Par conséquent, le parti démocrate-chrétien refusera cette motion.
Quant à la motion 2009, il suffit de rappeler aux Genevois que, lorsqu'ils donnent de l'argent, ils encouragent les gens à rester, et que pour que ces derniers ne restent pas, eh bien il faut ne pas leur en donner ! Ainsi, nous refuserons également cette motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Marc Falquet, à qui il reste trente secondes.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je vais vous raconter une petite anecdote sur les donneurs de leçons. Lorsque j'étais à la police, des personnes en situation irrégulière se présentaient souvent, le soir, que ce soient des mendiants, des Roms ou des demandeurs d'asile. Alors nous prenions la liste de tous les gens qui ont bonne conscience - et qui se trouvent sur les bancs d'en face - des gens qui font la morale, des gens solidaires: en vingt ans, Mesdames et Messieurs, aucun d'entre eux n'a accueilli l'une de ces personnes !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Marc Falquet. Aucun n'a accueilli chez soi l'une de ces personnes irrégulières ! C'est encore nous, les policiers, qui devions nous débrouiller pour trouver des logements ! Et ensuite, on vient nous tenir des théories ?! (Brouhaha.)
Il est vrai que ce sont les Roms qui posent des problèmes...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Marc Falquet. ...ce sont les Roms qui commettent beaucoup de cambriolages et qui importunent les personnes âgées. Et vous êtes complètement à côté de la plaque et de vrais hypocrites ! C'est tout ce que je voulais dire. (Brouhaha.)
Mme Nathalie Fontanet (L). Le groupe libéral est extrêmement choqué par le contenu de ce texte. Mais nous tenons à rappeler que, aujourd'hui, si ce type de texte est établi par certains groupes, c'est à cause de l'attitude - et nous venons de le voir - du groupe socialiste, qui se cache dans son angélisme, qui prétend que la mendicité ne pose pas de problèmes à Genève, et qui se retranche derrière l'idée formidable d'accueil et d'encadrement de ces personnes. Je pense que s'il y avait, de part et d'autre, un peu plus de clairvoyance et moins d'hypocrisie, et que l'on arrivait à reconnaître ensemble certains problèmes, des groupes ne seraient pas obligés de présenter un texte qui choque la majorité de notre parlement.
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, les temps de parole des uns et des autres étant épuisés - c'est le cas de le dire - je passe le micro à Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'effectivement il est dangereux de faire des amalgames. On parle d'internement administratif et de prostitution des enfants... Je crois qu'il faut juste savoir de quoi il est question. L'internement administratif n'a rien à voir dans ce débat, et nous aurons l'occasion d'aborder cela lors du traitement d'un prochain objet figurant à l'ordre du jour.
Concernant la prostitution des enfants, il existe une loi sur la prostitution, entrée en vigueur, qui protège les mineurs et prévient l'exode de filles entre 15 et 18 ans, qui arrivent par wagons entiers, par containers - j'emploie le mot «containers» à dessein - soit à la gare, soit à l'aéroport. Et cela, c'est indigne ! Aussi, Genève s'est doté d'une loi sur la prostitution afin de protéger ces filles et ces jeunes hommes, et je crois que le problème est réglé. S'agissant des jeunes qui sont dans la rue, avec des mendiants, le problème a été résolu en dix jours, Mesdames et Messieurs, par une action conjointe de M. Charles Beer et moi-même l'année dernière. Il faisait moins dix degrés, des enfants étaient sur le trottoir, ce qui est indigne d'une population quelle qu'elle soit, indigne pour Genève, indigne pour l'humanité.
Revenons à la motion qui nous préoccupe et laissez-moi vous donner des chiffres importants. Depuis que la loi est en vigueur - soit depuis 2008 - le nombre total des rapports de contraventions infligées à des mendiants s'élève à 13 634; cela pour un montant, amendes et frais compris, de 1 629 380 F et concernant 1516 personnes. Juste pour 2011, 1606 rapports de contraventions ont été dressés, pour un montant de 203 000 F. Voilà les chiffres que je voulais vous donner.
On parle de moins de 300 Roms pour une population de 500 000 personnes. Il est important de rappeler certaines choses: la Roumanie est entrée dans l'espace Schengen, il est donc illusoire d'imaginer que l'on puisse renvoyer les Roms. Cela, pour une raison d'ordre administratif. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La raison administrative, elle est pratique. Je peux vous dire que, pour ceux qui sont sur le terrain, la réalité, c'est ça, et il ne faut pas vivre de mythes: la réalité, c'est qu'au bout de deux mois les Roms partent au Luxembourg ou en France, puis ils reviennent. Et le délai reprend, jusqu'à ce que l'on arrive à identifier qu'ils sont là durant trois mois consécutifs et qu'ils n'ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins.
C'est clair qu'il faut appliquer la loi. Mais je vous explique les écueils devant lesquels la police genevoise se trouve pour arriver à les renvoyer. «Renvoyons les Roms !» C'est tellement facile de dire cela ! Laissez-moi vous expliquer la vraie vie, les vraies difficultés que l'on rencontre. Ils sont là depuis quelques semaines, des contraventions sont infligées, leur nombre en atteste. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) On parvient à démontrer qu'ils n'ont pas de moyens de subsistance. Ils arrivent à partir juste avant l'échéance des trois mois... Et quel est le meilleur moyen d'attester qu'ils sont là depuis trois mois, puisqu'ils sont errants ? C'est de leur infliger des contraventions. Ce n'est que grâce à ces dernières qu'on arrive à déterminer qu'ils sont là depuis deux mois et quelques jours. Juste avant l'échéance des trois mois, ils se débrouillent pour passer la frontière, et tout est à reprendre à zéro ! Ce qui rend la dissuasion extrêmement difficile. C'est cela, la réalité !
Je vous ai toujours dit que toutes les lois ne pourront jamais contrevenir à la crédulité et à la bêtise des gens qui continuent à alimenter ces mendiants. Dès le 16 juin, la loi sur le bonneteau entrera en vigueur. (Commentaires. Le président agite la cloche.) A cet effet, un ordre de service est passé, afin que la police puisse appliquer la loi, comme vous le demandez. Cet ordre de service traite de la procédure applicable en matière de contraventions. Les bases légales, vous les connaissez: il y a la loi fédérale, la loi pénale genevoise et la loi sur la police. Le cadre légal existe. Depuis le 1er janvier, nous avons les ordonnances de flagrante contravention; il s'agit maintenant de dissuader ces gens en leur mettant des contraventions le plus souvent possible, de façon à pouvoir conserver leur trace et noter qu'ils sont là depuis plus de trois mois. La réalité, c'est ça !
Maintenant, il faut aussi savoir que toutes les amendes - concernant tous les montants - sont systématiquement cassées par l'association Mesemrom. C'est aussi une réalité ! (Commentaires.) Mais c'est une réalité ! (Brouhaha.) Je ne vous dis pas que c'est bien ou pas: vous me demandez pourquoi on ne les renvoie pas, alors je vous dis que la réalité, c'est ça. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vous dis que la réalité, c'est que, d'un côté, la Ville de Genève emploie des sommes considérables pour vider les camps, les matelas et les installations provisoires et que, de l'autre, elle donne 40 000 F à l'association pour subvenir aux besoins de ces personnes. Je ne pose pas de jugement de valeur, ce n'est pas à moi de juger. Mais mon rôle est de vous expliquer la difficulté et la réalité du terrain, qui est celle-ci ! A partir du 16 juin, la loi sur le bonneteau entrera en vigueur, et l'ordonnance est extrêmement claire à cet effet. Je vous ai donné des chiffres: ils me semblent assez éloquents.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes donc en procédure de vote. Le renvoi en commission n'ayant pas été demandé, je dois vous soumettre, Mesdames et Messieurs les députés, l'amendement MCG à la motion 1970 appelé «amendement général». Voici la nouvelle invite proposée par cet amendement: «à faire application du droit fédéral sur le territoire de la République et Canton de Genève, en mettant en oeuvre tous les moyens utiles pour arrêter, placer en détention et procéder au renvoi systématique de toute personne qui trouble l'ordre public et qui se trouve en situation irrégulière».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 24 oui et 1 abstention.
Le président. Je dois maintenant vous soumettre la proposition de motion 1970.
Mise aux voix, la proposition de motion 1970 est rejetée par 64 non contre 9 oui et 7 abstentions.
Le président. Nous sommes toujours en procédure de vote et sommes saisis d'un amendement MCG relatif à la motion 2009. Il s'agit de biffer la troisième invite ainsi libellée: «à informer la population et les touristes que l'Etat assure, même aux personnes étrangères sans autorisation de séjour, le droit à des prestations d'aide financière si ces personnes ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de leur famille, rendant de ce fait la mendicité superflue».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 23 oui.
Le président. Je vous soumets à présent la proposition de motion 2009.
Mise aux voix, la proposition de motion 2009 est rejetée par 59 non contre 9 oui et 10 abstentions.
Débat
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a été déposée en date du 28 septembre 2010. L'actualité nous a montré les errances de la conception du nouveau code de procédure pénale suisse, avec l'énorme difficulté rencontrée - mentionnée par la presse - par rapport aux détentions préventives. Le nouveau code a amené une baisse de 36% des détenus à Champ-Dollon. Certes, c'est un premier pas, mais tout le monde dit - même certains procureurs - qu'il faudrait revoir ceci, car l'actualité nous indique aussi que les cambriolages sont loin d'être en baisse - 1000 par mois - et que Genève est devenu une plaque tournante du trafic de drogue, puisque les petits délinquants sont difficiles à incarcérer. Nous le verrons, mais revenons à la motion.
Il faut avoir à l'esprit que la prison de Champ-Dollon a été initialement bâtie pour 270 détenus. Et, bien que des constructions soient en cours pour obtenir 100 places supplémentaires, elle reste, à la base, un établissement de détention préventive ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Lorsque l'on est condamné et que l'on purge des peines, notre système prévoit d'être enfermé dans un établissement pénitentiaire, ce qui est défini dans un concordat. On s'aperçoit malgré tout que Champ-Dollon a servi bien souvent comme établissement pénitentiaire, et non comme établissement préventif.
Les invites de la motion demandent donc que soient davantage étudiées les possibilités de transférer les détenus condamnés - et on ne parle que des détenus condamnés - dans d'autres établissements pénitentiaires, de même que soit intensifié le dialogue, voire modifié - cela s'adresse à la conseillère d'Etat - avec les autres cantons quant au concordat latin, de manière à augmenter le nombre de places d'accueil.
Cette motion ne vise pas autre chose, Mesdames et Messieurs les députés, raison pour laquelle le groupe UDC vous demande de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président
Le président. Il en est pris note, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comment encombrer l'ordre du jour avec des motions qui ne servent à rien ? (Commentaires.)
Une voix. Il y a des spécialistes ! (Rires.)
M. Eric Stauffer. Eh bien voilà, on a exactement une motion qui ne sert à rien ! Ce n'est pas leur faute, à l'UDC, je vais vous expliquer pourquoi. Nous avons une commission appelée «commission des visiteurs officiels», mais puisque son commissaire manque 80% des séances, il ne connaît pas tout ! Donc je vous propose de refuser cette motion et de passer à autre chose.
En quelques mots, il y a ce que l'on appelle le «concordat latin», qui prévoit que les détenus en prison préventive soient placés ensuite dans des établissements pénitentiaires. Sauf que la loi indique qu'il y a un détenu pour une place de travail. Donc on ne peut pas les inventer ! Quand les pénitenciers sont pleins, on attend qu'une place se libère. Et dès que c'est le cas, les détenus en détention préventive partent pour exécuter leur peine.
Maintenant, si la motion avait mis en évidence le manque de vision cruel de ce gouvernement qui n'a pas su anticiper la montée de la criminalité et construire plus de prisons d'exécution de peine, on aurait pu y adhérer ! Par exemple, dans le concordat latin, Genève est à la traîne depuis quarante ans avec Curabilis ! Par exemple ! Cela fait quarante ans qu'on devait construire Curabilis... Vous savez - c'est l'ex-article 43 - pour les criminels extrêmement violents, ceux qui ne sont plus sujets à une libération du pouvoir judiciaire, mais qui relèvent du corps de médecine - ceux que l'on appelle un peu «les dérangés de la carafe». Donc on a fait Curabilis, finalement. Mais au lieu de réaliser en même temps l'agrandissement de Champ-Dollon, on a construit huit pavillons de vacances pour accueillir 65 détenus dans Curabilis... Coût des travaux, je ne m'en souviens plus - vous me pardonnerez l'inexactitude des chiffres - mais il doit s'agir de 40 ou 50 millions environ... Pour construire huit pavillons ! Alors que l'on manquait cruellement de places, surtout des places de détention administrative. Donc voilà, s'il y a quelqu'un à blâmer dans cette histoire, c'est bien les gouvernements précédents et, pour une fois, pas notre actuelle conseillère d'Etat, puisque c'est le manque de vision antérieur qui a fait qu'aujourd'hui, eh bien, on paie cette carence ! On a vu une réelle volonté d'effectuer un effort pour parer à ce manque avec «Cento pas rapido» - dont les murs se sont effondrés avant même qu'ils aient fini d'être construits; avec un dépassement de crédit - là aussi, veuillez excuser ces chiffres approximatifs, mais je crois qu'il s'agissait d'un dépassement de crédit de 20 millions... A la louche, n'est-ce pas, cela doit être à peu près ça; avec une violation flagrante des règles sur les appels d'offres sur le marché public, du gré à gré - enfin, rien de particulier en ce qui concerne le DCTI...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Bien sûr ! Je vais conclure, Monsieur le président. C'est usuel, donc, au sein du DCTI. Mais, en l'état, concernant cette motion, il faut simplement la refuser ! En effet, elle ne sert strictement à rien, puisqu'elle n'a aucune incidence par rapport aux lois et aux pratiques.
M. Michel Ducret (R). Quelle belle idée prônée dans cette motion, qui vise à inviter le Conseil d'Etat à faire ce qu'il fait déjà, à savoir à appliquer la loi - ce qu'il tente de faire depuis longtemps - et à le faire de mieux en mieux. En réalité, ce qui est demandé est déjà en cours ou en voie de réalisation ! Je vous citerai quelques exemples. Agrandissement de Champ-Dollon: en cours; davantage de personnel: en cours; construction de La Brenaz: cela a été fait; agrandissement de La Brenaz: projet en cours également; construction de Curabilis: travaux commencés; contacts avec les autres cantons: c'est fait depuis longtemps. Et j'en passe !
Mesdames et Messieurs, notre Grand Conseil s'est ému de la situation à Champ-Dollon depuis plusieurs années déjà, et a d'ailleurs invité le Conseil d'Etat d'alors à s'en préoccuper. Cela a débouché sur l'ensemble de ces projets.
La question est la suivante: lors des débats en plénière sur ce sujet, mais où donc étaient les représentants de l'UDC ?! Et, à la commission des visiteurs officiels - que je préside cette année - où donc étaient les représentants de l'UDC ? Que font-ils ? Comment dialoguent-ils avec leur groupe ? Que rapportent-ils à leur groupe ? Apparemment, rien ! Quelque part, cette motion est le fruit d'un dysfonctionnement interne de ce groupe parlementaire, plutôt qu'une nécessité pour notre canton. Cette absence de communication interne, d'ailleurs un peu surprenante, produit finalement une proposition blessante et vexante pour ceux qui travaillent, au niveau politique, à l'exécutif et dans notre conseil législatif, pour les fonctionnaires dans l'administration et dans les relations avec le concordat latin et pour tous ceux qui, depuis des années, s'efforcent d'améliorer la situation pénitentiaire à Genève. Le concordat latin, lui, fait son possible, mais on ne peut pas inventer des places qui n'existent pas ailleurs !
Au final, Mesdames et Messieurs, le seul but de cette proposition de motion, si on la regarde objectivement, est purement publicitaire. En conséquence, nous vous invitons à rejeter cette motion, que la décence eût demandé simplement de retirer.
Mme Loly Bolay (S). Pour une fois, je vais être d'accord avec M. Stauffer sur un point, à savoir quand il dit que cette motion ne sert à rien. Elle ne sert vraiment à rien ! Beaucoup de choses ont déjà été dites, mais j'aimerais vous rappeler quelques chiffres. Le service d'application des peines et mesures envoie à la commission des visiteurs officiels - la CVO - les chiffres permettant de savoir où sont les détenus genevois. A l'heure actuelle - et ce sont les chiffres de juin - à Champ-Dollon, il y a 88 détenus qui ont été condamnés. De ce chiffre, il faut enlever ceux qui ont fait recours de leur condamnation et qui doivent rester à Champ-Dollon pour des raisons évidentes. Presque 110 détenus se trouvent dans d'autres lieux de détention que prévoit plus particulièrement le concordat.
Dans votre motion, vous dites qu'il faut aller au-delà du concordat: mais c'est fait depuis longtemps ! Puisqu'il y a aujourd'hui des détenus à Witzwil, à Thorberg dans le canton de Berne, à Lenzburg en Argovie, à Pöschwies, à Ringwil - et en d'autres lieux, dont je n'arrive pas à prononcer les noms ! (Rires.) Tout ça pour vous dire que, aujourd'hui et depuis longtemps, le SAPEM, qui fait un travail remarquable - Madame la présidente du département, vous n'allez pas me contredire - a déjà essayé de placer les détenus genevois ailleurs. Mais il y a aussi une autre raison, celle selon laquelle, dans les pénitenciers, il ne peut y avoir de surpopulation carcérale. Tout à l'heure, on nous a rappelé pourquoi: parce qu'il y a une ordonnance fédérale qui stipule que, dans un pénitencier, il faut une cellule et que le détenu ait un travail. Donc il ne peut pas y avoir de surpopulation ! Mais la surpopulation se trouve à Champ-Dollon, parce que c'est un établissement préventif - on ne l'appelle plus comme cela, mais il s'agit de détention avant jugement. Donc, aujourd'hui, tout se fait, et tout a été entrepris depuis longtemps.
Juste une anecdote. Vous savez que M. Stauffer avait fait une grande publicité concernant le Valais. Mme la conseillère d'Etat a essayé d'y trouver des possibilités, or cela n'a pu se réaliser, parce qu'une trop mauvaise publicité avait été effectuée.
Mesdames et Messieurs les députés, comme d'autres groupes, les socialistes vous demandent de refuser cette motion: elle ne sert à rien, car tout est en train de se faire. Et depuis longtemps, d'ailleurs !
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe PDC va refuser cette motion. Tout a été dit. Je crois que c'est un peu injurieux pour les gens qui siègent à la commission des visiteurs officiels, qui font un travail remarquable et qui se préoccupent depuis très longtemps de la question. Oser dire que rien ne se fait est purement scandaleux !
Quant au problème de Curabilis, il existe, mais il faut également relever que les gens qui s'y trouveront ne sont pas des «dérangés de la carafe», comme l'a dit M. Stauffer, mais de vrais cas psychiatriques. Le problème de ces cas est extrêmement important au niveau des détenus, parce qu'ils augmentent de plus en plus, ce qui cause du souci quant à leur traitement en milieu carcéral.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écrit mon texte...
Des voix. Oh !
M. Christian Bavarel. Je suis désolé ! Les Verts vous invitent à refuser cette motion inutile. (Rires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Lussi, qui dispose d'une minute dix.
M. Patrick Lussi (UDC). Oh, ce sera largement suffisant, Monsieur le président, je vous remercie ! (Remarque.) J'admire les faces calmes devant nous... C'est clair que la gausserie, la plaisanterie, la «matamorerie» de M. Stauffer sont de rigueur ce soir ! Je lui servirai ses motions inutiles ! Je rappelle simplement la date de dépôt de la motion... S'il n'y avait pas eu l'opportunité des erreurs et des errements du code pénal suisse - avec Champ-Dollon qui comptait 600 personnes, comme c'était le cas lorsque cette motion a été rédigée - eh bien je me réjouirais d'entendre quels propos vous tiendriez ! Mais vous avez raison: l'actualité passe, le temps passe, nous en sommes là... Peut-être reviendrons-nous sur le sujet. Lorsque l'établissement de Champ-Dollon sera à nouveau plein, lorsque Genève en aura assez de tant de détenus, lorsque la population en aura assez d'être agressée, on reprendra le dialogue ! Pour le reste, l'UDC maintiendra, même si c'est inutile, sa demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, plutôt que de considérer le passé, j'aime mieux voir l'avenir. Cette motion me permet de rappeler que je vous dois la planification pénitentiaire qui est en train d'être construite - tout de suite, à la rentrée, vous serez saisis du rapport. Il me semble important de prévenir les à-coups de l'année dernière. Ils sont peut-être dus à des erreurs du passé, mais je ne me prononcerai pas là-dessus car, encore une fois, je préfère voir l'avenir. Il est évident que nous allons de toute façon vers une augmentation de la population carcérale. Ce n'est pas Genève, mais toute la Suisse et l'Europe qui le disent. C'est une évidence. Il me reste à caler la planification pénitentiaire, telle qu'elle est prévue pour Genève, sur un chiffre hypothétique de 500, pourquoi pas, et de le lisser sur plusieurs années, de manière que nous soyons prêts.
La motion révèle des carences passées, mais j'aime mieux imaginer ce que l'on pourra faire pour le futur, c'est-à-dire caler un certain nombre, mettre en place des infrastructures et ne plus en bouger, afin d'empêcher les à-coups qui ne sont bons ni pour les détenus, ni pour les gardiens, ni pour les infrastructures, ni pour les finances cantonales, ni pour les travaux parlementaires ! Voilà pourquoi j'ai le plaisir de vous annoncer que, le 25 juillet, il y aura l'inauguration de Cento Rapido; nous mettrons enfin le pied dans cet établissement pénitentiaire que vous appelez de vos voeux. La motion aura au moins eu l'avantage de me permettre de vous annoncer cette planification pénitentiaire.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes en procédure de vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 1973 est rejetée par 69 non contre 8 oui et 2 abstentions.
Débat
M. Patrick Lussi (UDC). Décidément, vais-je entendre une nouvelle fois le MCG me dire que je parle pour rien, dans le vide, et que l'on ne sert à rien ? Mon Dieu, pourquoi pas ! Je suis prêt à l'entendre.
Mesdames et Messieurs, de quoi s'agit-il ? A nouveau, nous sommes en octobre 2010: une époque où la densité de population carcérale est élevée, une époque d'échauffourées, une époque où les gardiens sont blessés. On est à une époque où beaucoup de choses se passent. On est surtout à une époque où peut-être pas la hiérarchie, ni le Conseil d'Etat, mais en tout cas les gardiens vivent très mal cette surpopulation, cette confrontation, et peut-être aussi - ceci vous déplaira davantage, mais j'ose le dire - ce mélange de cultures entre détenus, qui viennent souvent de pays n'ayant pas du tout les mêmes principes, les mêmes lois, les mêmes usages et la même conception que nous avons du respect.
Il est vrai que, face à cela - et face à un cas précis - nous avions relevé qu'aux Etablissements de Bellechasse, par rapport à ce que l'on appelle la «mise au mitard», la peine disciplinaire au sein de la prison était plus élevée. D'où cette motion.
Mais, à la base, Mesdames et Messieurs les députés, c'est bien d'essayer de soutenir - et je sais que vous le faites mais, par le biais de cette motion, nous verrons votre réaction - c'est bien de soutenir ces honnêtes citoyens qui, tous les jours, travaillent à Champ-Dollon. Ce n'est pas simple, avec des détenus qui n'ont pas les mêmes usages que vous, qui n'ont pas la même famille que vous, qui n'ont pas la même envie de travailler que vous. Et ce n'est pas simple à supporter ! Ces employés se font agresser - on le dit peu ! - ils se font cracher au visage, ils se font insulter. Alors, heureusement, les punitions corporelles sont terminées mais, de grâce, lorsque des événements assez importants se produisent, essayons de prendre des mesures ! Peut-être que Mme la conseillère d'Etat répondra pertinemment à cela. En conclusion, nous vous demandons simplement de transmettre cette motion au Conseil d'Etat.
Présidence de M. Renaud Gautier, président
M. Fabien Delaloye (MCG). La proposition de motion 1976 de l'UDC a été déposée alors que des détenus en surnombre peuplaient la prison de Champ-Dollon. Le fait qu'actuellement cette pression a quasiment disparu favorise un retour au calme et un respect entre gardiens et détenus. Au passage, le Mouvement Citoyens Genevois souhaite saluer le personnel de la prison pour son engagement de tous les instants, ainsi que pour son professionnalisme. (Commentaires. Le président agite la cloche.)
Le règlement actuel, F 1 50.04, est largement suffisant au niveau de l'application de la discipline intérieure; modifier celui-ci en se calquant sur les Etablissements de Bellechasse, comme le souhaite l'UDC, serait techniquement difficile. Le fait qu'il n'y a que neuf cellules d'isolement disponibles pour toute la prison ne permet pas d'augmenter de dix à trente jours, au maximum, les arrêts disciplinaires. (Brouhaha.) Il faut ajouter qu'une trop forte répression intérieure pourrait favoriser un climat insurrectionnel, sachant que les détenus sont solidaires. Le remède serait pire que la maladie. (Commentaires.) Le MCG est pour une stricte application du règlement existant et ne soutiendra pas le projet de motion UDC afin de ne pas cautionner ce nouveau règlement, digne des barons du Moyen-Age.
Une voix. Bravo !
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe PDC va refuser cette motion, en se posant la question suivante: est-ce que mettre quelqu'un au mitard pendant trente jours ou plus va régler le problème de la violence dans les prisons ? Nous pensons plutôt que c'est le contraire. Dans les pays où les gens sont à l'isolement pendant longtemps, il y a une violence énorme et davantage qu'à Genève ou dans d'autres cantons. Et puis, on peut se demander - je laisserai parler ensuite les membres de la commission des visiteurs officiels - si, vraiment, tout est si bien à Bellechasse. Est-ce que tout fonctionne réellement bien avec le règlement que cette prison a ?
Cette motion n'apporte strictement rien. Le personnel de la prison de Champ-Dollon a parfaitement bien agi, malgré des situations très difficiles, et le règlement est tout à fait suffisant.
Mme Christiane Favre (L). Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas ce qui m'a le plus surprise en lisant cette motion. Je crois que cela a commencé par le titre: «Pour le retour du respect mutuel entre détenus et agents de détention». Quand on demande le retour du respect mutuel, c'est qu'on pense qu'il n'y en a plus de part et d'autre, c'est-à-dire du côté des gardiens et de celui des détenus. Ce n'est sûrement pas ce que vous avez voulu dire, mais c'est écrit.
Ensuite, on lit que «les gardiens sont devenus des domestiques au service des délinquants» et qu'ils sont «au bord du gouffre». Même pour le bon motif, je peine à comprendre qu'on puisse exprimer une idée aussi réductrice de la profession et de la qualité des gardiens de Champ-Dollon.
Je passe rapidement sur l'invite où l'on voudrait calquer le règlement de Champ-Dollon sur celui de Bellechasse, sans indiquer nulle part, ne serait-ce que pour la réflexion, que le premier établissement est une prison préventive, de détention avant jugement - pour relever ce qu'a dit ma collègue tout à l'heure - alors que le second est destiné à l'exécution de peines. Cette petite précision aurait pourtant permis de comprendre que les buts, le choix et la durée des sanctions peuvent être assez différents. Mais quand on a envie d'exagérer, on ne fait pas dans le détail ! Et le pompon tient dans une phrase de l'exposé des motifs. Je cite: «En définitive, les agents de détention sont devenus les serfs de détenus chouchoutés par nos autorités et entourés d'une cohorte d'avocats à leur service, alors que les gardiens ne peuvent compter que sur les bons soins prodigués par les HUG pour les coups qu'ils reçoivent !» C'est une phrase, Mesdames et Messieurs les députés, pour faire pleurer dans les chaumières ! Mais alors là, j'invite l'UDC - navrée de le redire - à être un peu plus présente aux séances de la commission des visiteurs officiels. (Brouhaha.) Parce qu'au travers des nombreuses visites annoncées, mais surtout inopinées, on a l'occasion d'observer la réalité du terrain: les conditions de détention, mais aussi les préoccupations et les souffrances du personnel quand il y en a.
L'avis d'experts que nous avons demandé récemment pour La Clairière montre assez bien que nous nous préoccupons des deux aspects du problème et qu'ils sont souvent liés. Alors que cette motion, déposée pour réagir à l'actualité, s'empare d'un problème en le caricaturant, à chaud, dans l'émotionnel, sans recul. C'est un peu dommage. Nous vous invitons donc à la refuser. (Applaudissements. Exclamations.)
Mme Loly Bolay (S). Je voudrais dire deux choses: tout d'abord que le parti socialiste ne soutient évidemment pas cette motion. Ensuite - et ce n'est pas M. le président du Grand Conseil, éminent membre et ancien président de la commission des visiteurs officiels, qui me contredira - la prison de Champ-Dollon est parfaitement bien gérée ! S'il y avait eu des problèmes, la commission l'aurait su, puisque nous nous y sommes souvent rendus lorsque se sont produites des tentatives de mutinerie, etc.
Et prendre Bellechasse comme exemple, Mesdames et Messieurs de l'UDC, c'est un peu fort de café ! En effet, l'année dernière, la commission des visiteurs officiels a dû intervenir, après une visite à Bellechasse, parce que des dysfonctionnements plus que discutables de la part de sa direction ont été relevés. Nous avons ainsi dû rédiger un courrier, parce que figurez-vous que les détenus étaient catalogués par des couleurs correspondant à leur appartenance. Et en fonction de cette dernière, ils étaient traités de telle ou telle manière. Evidemment, la commission des visiteurs s'est interrogée en entendant les détenus, raison pour laquelle nous avons écrit à la direction de Bellechasse. Je tiens à dire que M. Ischi, alors président de la commission - lui aussi, pourtant membre de l'UDC - était très circonspect sur la façon dont le directeur de Bellechasse gérait l'institution.
Donc, encore une fois, je crois que cette motion ne sert à rien. De plus, avant de la déposer, vous auriez dû parler à celui qui vous représente à la commission des visiteurs, afin qu'il vous tienne au courant de la problématique. Je tiens à dire que la commission des visiteurs officiels, l'une des plus anciennes de Suisse, est un exemple, puisque le canton de Vaud veut en créer une à l'instar de ce qui existe à Genève. Donc vous pouvez lui faire confiance. Je vous demande par conséquent de refuser cette motion.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas écrit mon texte, comme d'habitude, mais j'ai préparé quelques notes. (Exclamations.)
Une voix. Ça va être drôle !
M. Christian Bavarel. Non, cela ne va pas être drôle. Parce que la situation est dramatique dans les prisons, lorsque l'on est en surpopulation. Et effectivement, ces périodes-là sont... (Commentaires. Le président agite la cloche.) Monsieur le député Barrillier, je vais vous faire une confidence. J'ai déjà eu l'occasion de le dire dans cette salle, oui, j'ai été en prison, car je suis objecteur de conscience et, oui, j'ai vu de l'intérieur comment cela se passait. Ce qui m'a toujours surpris - surtout en tant qu'objecteur - c'est la violence qui règne dans ce genre d'endroit ! C'est la loi du plus fort ! Celui qui est capable de casser la figure à un gardien a le dessus, vis-à-vis de ses collègues et des gardiens. C'est extrêmement surprenant, lorsque vous avez l'habitude d'un monde normal, de voir celui des détenus, qui n'est pas tout à fait le même. (Remarque.) Oui, c'est un monde très brutal et, Mesdames et Messieurs les députés, le travail de gardien est très difficile. Lorsque l'on est en surpopulation, c'est pire encore.
Néanmoins, la proposition de l'UDC, qui voudrait mettre plus de gens au mitard, impliquerait de se retrouver également très vite en surpopulation dans les mitards et de devoir en construire de nouveaux. Je rappelle simplement que, dans une prison préventive, les gens sont présumés innocents. Certains seront jugés coupables, seront condamnés et iront dans une prison d'exécution de peine, mais, jusque-là, ils sont innocents ! De plus, vous avez des personnes réellement innocentes qui vont faire un temps de prison préventive. Les règles que vous souhaitez instaurer pour des personnes présumées innocentes me semblent donc quelque peu particulières.
Oui, les conditions de détention qui ont prévalu à Champ-Dollon étaient inacceptables, et pour les détenus et pour les gardiens. La commission des visiteurs officiels a tiré la sonnette d'alarme, dans ce parlement, plus d'une fois. Non, il ne faut jamais retrouver une situation de ce type, car elle est inadmissible, c'est certain. Le travail de gardien, dans ces conditions, devient épouvantable, la vie de détenu également. Je rappelle à nouveau que, dans une prison préventive, certaines personnes sont innocentes ! Donc il faut que l'on soit très clair là-dessus, et je suis toujours surpris par ce genre de règle qui veut que, dès qu'il y a un problème, la seule solution consiste à taper, à serrer, à compresser, etc. Quand vous connaissez un peu ce milieu-là et que vous vous rendez compte qu'il y a une «violence mère» et une «violence fille», eh bien vous savez que plus vous ferez monter la pression, plus cela deviendra dangereux et plus les gens vont sortir de prison révoltés ! Je me souviens d'un bouquin écrit à l'époque par Guy Gilbert, intitulé: «Des jeunes y entrent, des fauves en sortent». Il faut que nous fassions attention à ce que nos prisons soient capables de remettre ces gens - parce qu'ils retournent un jour dans la société...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Bavarel. Oui, Monsieur le président, bien évidemment ! Les gens qui se trouvent en prison vont sortir un jour, et ils seront des citoyens, avec nous. Il faut donc que nous ayons une prison qui permette d'éloigner les gens dangereux de la société et, en même temps, qui leur permette de réintégrer cette dernière par la suite. Or les solutions que vous proposez ne permettent pas aux gens de retourner dans la société comme étant des gens normaux.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je ne vais pas m'exprimer au sujet de cette motion, mais je pourrais tout à fait rejoindre mon préopinant dans ses propos. Cependant, j'ai une remarque à faire, car nous avons vécu une situation extrêmement désobligeante, et ceux qui sont concernés vont s'y reconnaître. Je trouve que la moquerie, la suffisance, la surenchère pseudo-intellectuelle de certains députés au sein de cet hémicycle sont totalement inacceptables ! Cela vous fait sourire, cela vous fait rire, mais c'est comme une histoire de gardiens... On demande le respect, un respect mutuel, et certains ont vraiment du culot ! Chaque fois que quelqu'un prend la parole ici et que vous n'êtes pas habitués soit au langage, soit à la manière de s'exprimer, vous faites des remarques totalement désobligeantes ! C'est tout à fait inacceptable ! Ce que j'apprends ce soir - et par vous, Monsieur Weiss, en particulier - c'est que l'université, si elle forme parfois à l'excellence, ne forme en tout cas pas tout le monde à l'élégance ! (Applaudissements. Exclamations.)
M. Michel Ducret (R). J'en viendrai à l'essentiel de la proposition, et j'inviterai Mme et MM. les proposants à se renseigner auprès de leur délégué à la commission des visiteurs officiels. Tous les détenus genevois que nous rencontrons dans les établissements d'exécution des peines de l'ensemble de la Suisse nous font généralement part de leur souhait de retourner à Champ-Dollon, bien que ce soit une prison préventive, avec un régime moins favorable. Pourquoi, Mesdames et Messieurs ? Parce que les relations entre les détenus et les gardiens y sont les meilleures ! L'excellent - l'excellent ! - travail de nos gardiens de prison à Champ-Dollon se répercute sur la vie en prison de la manière la plus favorable, malgré les conditions de travail déplorables découlant de la surpopulation. Et l'on peut affirmer que la situation est meilleure à Champ-Dollon que dans bien d'autres établissements de Suisse, Bellechasse compris. Il faut saluer le travail de ces personnes, Mesdames et Messieurs, et donner les moyens à la justice, afin que l'accomplissement des peines puisse s'effectuer dans les meilleures conditions, notamment en parant aux problèmes de surpopulation. Mais en aucun cas cette motion ne pourra contribuer à quoi que ce soit, sinon à durcir les relations dans le monde carcéral entre détenus et gardiens.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Lussi, pour quarante secondes.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. J'ajouterai deux choses. M. Bavarel n'est plus là, mais peut-être a-t-il confondu différents éléments, car nous ne parlons pas de mettre au mitard les personnes innocentes. Il s'agit bien de questions disciplinaires, suite à de graves problèmes.
Ensuite, Madame Bolay, il est vrai qu'avant de prendre la parole ce soir par rapport à cette motion qui, on l'a vu, n'est pas tout à fait récente, j'ai lu avec intérêt l'excellent rapport de la commission des visiteurs officiels, rédigé, je crois, par M. Ducret. Bien sûr, vous pouvez vous gausser ou dire qu'il y a peut-être une mauvaise communication... Eh bien je me permets de rappeler que - souvenez-vous, Madame - il y a environ un an et demi, un gardien avait été choqué de ce que la commission des visiteurs officiels était, lors de ses visites de Champ-Dollon, tout attentive aux détenus et qu'elle n'avait même pas salué les gardiens. Souvenez-vous de cela ! En outre, nous avons quelques contacts, aussi, avec ce que l'on appelle les «gens masqués», peut-être ceux qui, face à leur hiérarchie, ne préfèrent pas parler avec l'oligarchie.
Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député.
M. Patrick Lussi. Eh bien, je conclurai simplement: nous maintenons cette motion. Nous sommes persuadés qu'elle est pertinente et nous demandons son renvoi au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Weiss, qui dispose de quarante secondes.
M. Pierre Weiss (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je pourrais vous parler de la paille et de la poutre, mais je veux juste vous demander si le Grand Conseil forme à l'humour. Je vous remercie.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aime bien ces propositions de motions qui permettent de faire l'éloge de votre magnifique commission des visiteurs officiels, qui, une fois de plus - il est temps de le rappeler - fait un travail fantastique ! Je vous soupçonne de susciter ces motions de façon que l'on puisse à nouveau saluer le travail remarquable accompli... Plus sérieusement, je crois que cette motion n'a pas de sens, et je vous donnerai deux chiffres. Seulement deux chiffres ! Pour 2010, il y a eu 493 mises en cellule forte pour une moyenne de 564 détenus, soit moins d'une mise en cellule forte par détenu: 0,9 exactement. Je crois que d'avoir précisé cela, c'est une réponse.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes en procédure de vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 1976 est rejetée par 64 non contre 8 oui et 2 abstentions.
Débat
M. Jacques Jeannerat (R). Mesdames et Messieurs les députés, Genève est une terre d'immigration, mais elle ne l'a pas toujours été. La Genève de Calvin n'a ouvert ses portes qu'aux Huguenots, donc à des personnes qui avaient en partage avec Genève une même religion. Qui plus est, ce furent surtout des Huguenots argentés qui trouvèrent portes ouvertes. Pour les autres, on accordait un asile de trois jours, après quoi ils devaient quitter la cité. Nous n'en sommes plus là, heureusement. Ce ne sont pas moins de 21 000 permis B et C qui ont été délivrés à Genève ces quatre dernières années. Nous avons besoin, comme toute l'Europe, de cet apport. Sans immigration, notre économie ne tournerait pas, nos assurances sociales seraient en faillite.
Avec la globalisation, les immigrés proviennent désormais de pays et de cultures très éloignés des nôtres. Migrer n'est jamais une chose simple. Cela nécessite de s'adapter à la législation, à la langue, au système scolaire et au système de santé. Notre loi sur l'intégration a un mérite: celui d'avoir institué le Bureau de l'intégration des étrangers, qui fournit un travail important. Mais comme l'a dit André Castella, délégué à l'intégration, devant la commission des Droits de l'Homme, il manque toujours une véritable politique d'intégration cantonale visant à une organisation transversale dans l'ensemble des départements de l'Etat et impliquant les entreprises et la société civile. En d'autres termes, la loi actuelle ne définit aucune politique. Elle ne décrit pas ce qu'est concrètement l'intégration.
Les principes qu'énonce cette motion nous concernent tous: le respect de la démocratie, l'égalité hommes-femmes, le libre choix de sa religion, de son mode de vie, etc. Autre lacune: le Bureau de l'intégration dépend du département de la sécurité et de la police... C'est révélateur. En travaillant à une refonte de la loi sur l'intégration, comme le propose notre motion, le Conseil d'Etat pourrait enfin s'apercevoir que l'intégration n'est pas un travail de police. Cette dernière ne doit intervenir que lorsque l'intégration a échoué.
Mesdames et Messieurs, le contrat d'intégration, qui est l'une des possibilités évoquées par la motion, aurait le mérite de faire comme l'Hospice général depuis 2007, via le contrat d'aide sociale individuel, soit de demander à chaque personne les efforts qu'elle est en mesure de fournir et de lui proposer l'aide dont elle a besoin.
En demandant à notre commission des Droits de l'Homme d'étudier cette motion, vous reconnaîtrez deux choses: d'abord, que l'immigration est essentielle pour notre canton; ensuite, qu'elle suppose que l'on définisse une véritable politique d'intégration.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion présentée aujourd'hui ne rencontre pas du tout le soutien des Verts. En effet, si nous pensons que l'accueil des nouveaux migrants devrait être amélioré, le dispositif présenté ne nous semble pas adéquat, et nous jugeons ces propositions trop stigmatisantes et peu réalistes. Cette motion recommande notamment de conclure des contrats d'intégration avec les nouveaux arrivants ou avec des personnes établies ne maîtrisant pas le français... Certes, nous sommes convaincus que l'apprentissage du français est un facteur d'intégration important pour tout migrant, mais la contrainte et la menace, via le permis d'établissement, ne sont pas des méthodes que nous approuvons.
De plus, Mesdames et Messieurs les motionnaires, comment pensez-vous convaincre les employés des multinationales ne parlant que l'anglais de prendre des cours de français ? Ou encore les employés de l'ONU ? Il faut être réaliste, cela n'est guère faisable. La structure même de l'immigration à Genève rend fort difficile la conclusion de tels contrats. Mais vous, les motionnaires, le savez fort bien ! Et cette motion vise donc uniquement les migrants pauvres, en les stigmatisant davantage. Ceci n'est pas acceptable pour les Verts.
La motion parle encore de déficit d'intégration. Certes, il existe des personnes souffrant de problèmes d'intégration dans notre société, mais cela peut concerner également des Suisses, et pas uniquement des étrangers. Les Verts sont donc en faveur de mesures bénéficiant à tous, et pas seulement à une catégorie de personnes.
Pour toutes les raisons évoquées, les Verts ne peuvent soutenir cette motion et demandent son renvoi à la commission des Droits de l'Homme. En effet, nous aimerions entendre le Bureau de l'intégration sur ce sujet, ainsi que les associations travaillant avec les migrants. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Juste pour votre information, Mesdames et Messieurs, le renvoi à la commission des Droits de l'Homme a déjà été demandé. Alors si chaque intervenant présente cette même demande... On va gagner du temps ! La parole est à Mme la députée Irène Buche.
Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Les socialistes appuient bien évidemment toute mesure pouvant favoriser l'intégration des étrangers à Genève, en particulier par l'apprentissage du français. Il nous est toutefois impossible d'accepter une telle motion, qui repose sur des bases inadmissibles. Elle préconise en particulier l'obligation de conclure des conventions d'intégration entre l'Etat de Genève et les migrants, je cite, «présentant un potentiel accru de déficit d'intégration, à savoir les nouveaux migrants et les migrants établis ne maîtrisant pas encore le français». D'autre part, dans l'exposé des motifs, il est question de migrants au profil caractérisé par les termes «chômage», «aide sociale», «criminalité», «surendettement», «problèmes scolaires». (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ces propos sont stigmatisants, discriminatoires et inacceptables. Ils sont, de surcroît, contradictoires et incompréhensibles, du moins à première vue.
A lire la première invite, les motionnaires semblent considérer que tous les nouveaux migrants et les migrants établis ne maîtrisant pas encore le français présentent un potentiel accru de déficit d'intégration. Les motionnaires veulent-ils donc dire qu'il faut également faire conclure des conventions d'intégration aux employés de multinationales ou aux fonctionnaires internationaux ? Bien sûr que non ! Leur réponse est claire: le secrétaire général du parti radical a déclaré, dans la «Tribune de Genève» du 14 janvier 2011, qu'un tel dispositif ne saurait s'appliquer aux ressortissants de l'Union européenne... (Brouhaha.) ...et que seuls seraient concernés les Extra-Européens. Mais pas tous, bien évidemment ! Car il n'est pas question de contraindre les membres de la Genève internationale à passer de telles conventions... On est donc confrontés à une discrimination entre deux catégories d'étrangers: ceux en provenance des pays riches et ceux en provenance des pays pauvres. C'est inacceptable.
Il faut par ailleurs rappeler que le PL 10144, proposant la conclusion de conventions d'intégration avec les nouveaux arrivants de l'étranger, a été refusé par ce parlement, à une claire majorité, il y a peu de temps, soit en janvier 2011. Devant la commission des Droits de l'Homme, le délégué à l'intégration avait expliqué ne pas être favorable à une telle proposition et avait plutôt recommandé des mesures incitatives fortes, ce qu'il est d'ailleurs en train de mettre en place. De nombreuses actions sont en cours, et le Bureau de l'intégration des étrangers fait un excellent travail. Le délégué avait également jugé le dispositif trop contraignant et son application onéreuse et compliquée.
Le président. Il vous reste quinze secondes, Madame la députée.
Mme Irène Buche. Cela va être très rapide. Les socialistes vous invitent simplement à refuser cette motion.
M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la notion d'intégration, telle que pratiquée à Genève depuis plusieurs années, me semble complètement dépassée. Les grandes explications que vient de nous donner notre collègue socialiste m'invitent vraiment à le penser. Cette vision de l'intégration, voulant absolument aller au-devant des étrangers, n'a plus sa raison d'être aujourd'hui dans notre canton, vu l'importance qu'y a prise l'immigration.
Quand on veut parler d'intégration, il faut avoir la possibilité de s'intégrer. Avec un grand nombre d'étrangers tel que nous le connaissons aujourd'hui à Genève, ces étrangers - pour certains d'entre eux, je veux quand même le préciser - ont toutes les possibilités pour ne pas s'intégrer. En effet, ils ont un nombre suffisant de collègues, d'amis et de la famille provenant de leur milieu; ils peuvent regarder les chaînes de télévision propres à leur culture ou à leur nationalité; leurs enfants, qui fréquentent nos écoles, retrouvent leur communauté une fois qu'ils sont chez eux. Car il y a maintenant vraiment des communautés à Genève ! Ainsi, ils ont tout sauf la possibilité, la facilité de s'intégrer, comme on pouvait encore l'imaginer il y a quelques années.
Devant ce fait assez nouveau - et il nous prendra certainement des années avant de l'admettre et de trouver des solutions - la motion présentée peut en offrir une qui permettrait de sortir du carcan de l'intégration telle qu'on la conçoit aujourd'hui et qu'on pense être la bonne solution pour tous les étrangers vivant à Genève. On se flatte de pouvoir faire les choses, alors que, sincèrement, l'intégration ici à Genève ne fonctionne pas. Une intégration qui fonctionne, pour l'UDC, reste une assimilation: c'est, à la longue, des étrangers qui s'adaptent réellement à nos us et coutumes et qui ont envie de devenir suisses. Or, jusqu'à présent, je prétends que l'intégration, telle qu'elle est pratiquée, empêche de parvenir à cette assimilation, que la gauche, en particulier, ne veut pas.
Alors, ce que nous proposent nos collègues libéraux - si mes souvenirs sont bons, il y a quatre ou cinq ans, c'est Me Halpérin qui l'avait suggéré, du moins nous en avions discuté en commission des Droits de l'Homme, et cela n'avait pas rencontré, il faut l'avouer, une réponse très favorable...
Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député !
M. Eric Bertinat. ...au point que nous avions gelé cette idée. Or elle revient à présent, plusieurs années après. L'UDC votera favorablement le renvoi de cet objet à la commission des Droits de l'Homme, tel que demandé.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous assistons ce soir au plus grand tour d'hypocrite de ces deux jours de session parlementaire. Le PLR, fraîchement né sur la scène politique, a déposé cette motion pour l'intégration. Or il y a exactement un an, lors de l'examen du budget du Grand Conseil en commission des finances, le MCG a demandé d'augmenter de manière drastique les sommes allouées à l'intégration des nouveaux migrants: cela a été refusé. Devinez par qui ! Vous avez trouvé ? (Remarque.) Le PLR ! Le PLR s'est opposé... (Brouhaha. Le président agite la cloche. Commentaires.) Oui, excusez-moi... Excusez-moi ! Ceux qui sont, du reste, aujourd'hui un peu illégaux ! Donc cela a été refusé par les radicaux et les libéraux ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et aujourd'hui, ils viennent nous servir la soupe, en disant qu'il faut mettre les moyens pour intégrer les nouveaux migrants ! Mais franchement, quelle hypocrisie ! Reprenez le Mémorial ! Pour ceux qui nous écoutent, c'est facile: sur le site internet de l'Etat de Genève, vous tapez «Mémorial du Grand Conseil», puis vous consultez les séances consacrées au budget 2011. Même en plénière, nous sommes venus renégocier cela pour augmenter les crédits pour l'intégration. Et qui s'y est opposé ? Eh bien, vous le verrez sur le site du Mémorial du Grand Conseil ! Vous êtes des hypocrites ! (Exclamations. Commentaires.) C'est tout ce que vous êtes ! Mais écoutez, quand on veut faire de l'intégration, il faut s'en donner les moyens ! Alors, quand on vous donne la possibilité d'augmenter les crédits, ne faites pas - excusez-moi - les «culs pincés», les radins... (Exclamations. Le président agite la cloche.) Et ce n'est pas dans le sens péjoratif, bien sûr, c'est imagé ! Alors donnez cette possibilité ! A Genève, il y a plus de 40% d'étrangers: donnons les moyens de l'intégration. L'intégration, cela passe par l'apprentissage de la langue française. Eh bien, au risque de vous surprendre - car nous, nous ne sommes pas dogmatiques - nous allons soutenir votre motion et le renvoi en commission. (Brouhaha.)
Par contre, je mettrai quand même un carton rouge aux socialistes, qui eux prônent l'intégration. Si ce texte des radicaux-libéraux - du PLR, peu importe - a des relents... Comment avez-vous dit ?
Une voix. Nauséabonds !
M. Eric Stauffer. ...des relents nauséabonds, ou je ne sais plus quel terme vous avez employé...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Eh bien franchement, les socialistes, je pense que, là, vous décevez directement votre électorat ! Cette motion doit aboutir ! Même si je viens de mettre en évidence la contradiction des libéraux et des radicaux.
Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je conclus. Donc je vous demande, pour la solidarité et l'intégration, de soutenir aussi cette motion, de même que son renvoi en commission, afin qu'on puisse l'étudier et peut-être remettre encore une fois face à leurs contradictions ces deux partis aujourd'hui mariés, pour le meilleur mais surtout pour le pire !
Des voix. Bravo !
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, parler de l'intégration, pour le parti démocrate-chrétien, est tout à fait aisé: nous avons un très bel historique, grâce à des personnes comme Guy Fontanet, Dominique Föllmi ou Denise Kessler. Depuis plus de quarante ans, l'intégration a été globalement réussie grâce à tout ce qui a été mis à disposition. Néanmoins, des éléments nous intéressent dans cette motion, et je vais vous dire pourquoi. (Brouhaha.) Le principe de contrat d'intégration n'est pas discriminatoire ou désobligeant. Beaucoup de migrants eux-mêmes le demandent, parce que certains se trouvent en difficulté lorsqu'ils n'ont pas été suffisamment accompagnés et lorsqu'ils n'ont pas compris que cela pouvait être parfois même une obligation.
Les éléments les plus déterminants se trouvent généralement au niveau des familles et des parents, lorsque les enfants - qui eux vont à l'école - bénéficient de l'apprentissage de la langue, et que leurs parents n'ont pas accès à cette connaissance linguistique, ni surtout à celle de nos institutions. Alors les enfants deviennent les parents de leurs parents, et l'on se trouve dans un système devenu extrêmement pervers et inversé: ce sont les enfants qui commandent à la maison, car ils ont la maîtrise de la langue et la connaissance de nos institutions; cela entraîne un décalage dont les parents migrants sont les premiers à se plaindre. Et lorsqu'on leur explique que cela peut être mis à leur disposition, ils demandent que ce soit obligatoire. Vous savez qui le demande ? Ce sont les femmes ! Parce qu'en ce moment deux éléments particulièrement complexes interviennent dans le processus d'intégration, devenu difficile. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! C'est qu'aujourd'hui, dans certains cas, l'égalité hommes-femmes n'est absolument pas comprise comme nous le souhaitons dans nos valeurs. Et il y a une émergence de mariages forcés existant dans certaines communautés, ce que nous ne pouvons pas tolérer, bien évidemment. Donc nous avions déposé un projet de loi, qui n'a peut-être pas été suffisamment bien compris, et nous sommes ravis que les radicaux reprennent des éléments qui nous tiennent effectivement très à coeur.
Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Pour conclure, nous souhaitons renvoyer la motion à la commission des Droits de l'Homme pour que, cette fois, incitation et obligation ne soient pas opposées, mais qu'on se rende compte que, dans certains cas, l'obligation est un moyen de soutenir les gens qui ne peuvent pas le demander eux-mêmes.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux que saluer la décision de renvoi en commission. Si, effectivement, la politique d'intégration nécessite un cadre fédéral, et à cet effet, pour le 1er janvier 2014, une convention-cadre d'intégration spécifique - je dis bien «spécifique», et non globale - devra être élaborée, je crois qu'il faut insister sur le fait que l'intégration passe avant tout par une politique qui est menée au niveau des cantons. C'est en tout cas la position de la CdC de janvier 2011.
J'aimerais aussi rappeler une chose. Je ne peux pas laisser dire que la politique d'intégration du canton de Genève est mauvaise. C'est une bonne politique d'intégration, mais, au vu des nouvelles réglementations fédérales, il est important de pouvoir étudier ce problème en commission, et je vous en remercie.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes donc saisis de multiples demandes de renvoi à la commission des Droits de l'Homme.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1984 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est adopté par 70 oui contre 5 non et 7 abstentions.
Débat
M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, c'est un sujet sans doute plus léger que celui que nous venons de traiter, mais quand même ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) L'UDC, comme la plupart d'entre vous, est soucieuse de la sécurité routière. Bien évidemment, chaque accident mortel est un drame en soi et il convient de tout faire pour l'empêcher. La difficulté commençant à naître de nos technologies de pointe tient dans le fait qu'elles interviennent désormais dans nos vies, là où... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...nous ne pouvons aller, c'est-à-dire dans nos fautes ordinaires, dans les petites erreurs que nous commettons tous les jours et qu'il est humainement impossible d'éviter. Pour celles et ceux d'entre vous qui conduisent, souvent, vous faites des erreurs - et nous en faisons tous - des petites erreurs qui ne mettent pas en péril le trafic routier, les piétons ou les conducteurs de vélo, mais qui sont inhérentes à notre nature humaine. (Brouhaha.)
Or l'acquisition de ce super-radar ira chercher ces petites erreurs, nous mènera une vie d'enfer et apportera une pluie de contraventions - que Mme Forster Carbonnier sera enchantée de régler - car on ne parviendra plus à éviter ces dernières. C'est la raison qui m'a amené à déposer cette motion, ne serait-ce que pour en discuter ce soir, parce que finalement le but recherché est, il faut bien le dire, le racket ! Il s'agit d'un racket pur et simple de la personne qui s'assoit au volant de sa voiture et qui n'a plus les moyens humains, comme je l'ai dit, d'éviter d'être flashée, d'être prise en délit... (L'orateur est interpellé.) Ah oui, à vélo, c'est la bonne remarque ! Je vous en remercie, Madame Forster Carbonnier !
La seule espérance que je peux placer en ces super-radars, c'est qu'ils puissent aussi flasher les vélos qui passent au rouge et qui ne respectent rien sur la route. Là, peut-être que les Verts seront moins chauds à l'achat de ce radar. (Commentaires. Le président agite la cloche.) C'est pour cela que je vous invite, s'il vous plaît, à geler cet achat en acceptant la motion qui vous est proposée.
Une voix. Bravo !
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC est en train d'essayer de copier son désormais grand frère, le MCG, mais de manière très maladroite ! (Exclamations. Rires.) Il y a six ans, nous avons dénoncé le racket des amendes de stationnement. Il n'y avait pas de mise en danger des personnes, il était question des parcomètres, et là c'était un vrai racket. En revanche, venir dire qu'il faut supprimer les contrôles pour la vitesse, les radars... Mais vous êtes des fous dangereux, à l'UDC ! Mesdames et Messieurs, moi j'aimerais savoir... (M. Eric Stauffer déplie une affiche et la montre à ses collègues.) Est-ce que, vraiment, c'est ça que vous voulez ? (Exclamations.)
Le président. Monsieur le député...
M. Eric Stauffer. Non non, mais c'est ça que vous voulez ?
Le président. Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Des accidents et des morts sur la route ?! Big Brother... Regardez: «Big Brother is watching you !» Mesdames et Messieurs de l'UDC... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Monsieur le député !
M. Eric Stauffer (hors micro). ...votre motion doit être refusée.
Le président. Monsieur le député, veuillez plier ce document, je vous prie. (M. Eric Stauffer s'exprime hors micro. Commentaires. Rires. Applaudissements. M. Eric Stauffer poursuit son intervention hors micro.) Je donne la parole à M. Michel Ducret.
M. Michel Ducret (R). Merci, Monsieur le président. C'est une curieuse proposition qui nous est faite, venant d'un parti qui généralement défend - et vient de le faire tout à l'heure - le respect de la loi et de l'ordre, et qui voudrait soudainement refuser les moyens de les faire observer à ceux qui en sont chargés ! C'est comme proposer des agents de police sans, sans... sans carnet à souches ! Et les envoyer, peut-être, en culotte courte, avec une pelle et un seau à sable, pour arrêter les criminels ! C'est vraiment assez curieux.
C'est également très curieux de la part d'un groupe qui réclame sans cesse la prise en compte des volontés communales dans ce canton ! Alors que, il faut le savoir, quasiment tous les radars de Genève sont posés à la demande desdites communes, et que la direction générale de la mobilité passe son temps à refuser la pose de tels radars...
Mesdames et Messieurs, cette proposition de motion nous paraît totalement incohérente, et je pense que le parti des motionnaires aurait dû s'interroger quant à sa cohérence par rapport à la loi, à l'ordre et à l'autonomie des communes, avant de signer ce texte.
Au final, celui qui vous parle pense même que, par endroits, des radars manquent à Genève ! Notamment aux carrefours où les gens s'engagent et bloquent la fluidité du trafic et les transports publics. Cela se produit à plusieurs carrefours ! Et c'est quelque chose d'extrêmement péjorant pour le trafic à Genève, avec des conséquences dramatiques sur la capacité globale du réseau routier. Là ce serait peut-être plus utile. On pourrait se poser des questions sur l'opportunité de mieux placer certains radars, afin que leur installation soit mieux ciblée par rapport aux nécessités du trafic et aux réels dangers. Ce serait peut-être une discussion qu'on pourrait avoir, mais en tout cas pas au travers d'une telle proposition qui, comme les précédentes...
Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député.
M. Michel Ducret. ...et c'est un florilège ce soir, poursuit un but purement publicitaire. Nous vous invitons, en conséquence, à rejeter cet objet.
M. Roberto Broggini (Ve). J'ai entendu les mots «racket» et «vaches à lait»: non, je ne le pense pas. L'automobiliste qui respecte les lois n'a rien à craindre. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Les cyclistes qui observent la législation n'ont rien à craindre non plus ! (Commentaires.) Je crois qu'avec cette motion nous sommes encore dans une genevoiserie: nous ne voulons pas appliquer le droit fédéral auquel nous sommes soumis, et puis, à Genève, on devrait bénéficier d'une législation tout à fait particulière ! J'ai entendu un jour un brigadier de gendarmerie me dire qu'on avait une jurisprudence genevoise supérieure au droit fédéral... Bon, eh bien, il faut peut-être casser ce mythe ! Et c'est vrai que nous sommes soumis à la loi fédérale.
Nous avons vingt morts de trop sur les routes genevoises par année; nous avons de très nombreux polytraumatisés, notamment en raison des deux-roues motorisés - actuellement en vogue - qui causent beaucoup de dégâts et de drames familiaux. Je pense que la technologie moderne, notamment développée par les défenseurs de la Formule 1, dont je suis un amateur - mais ça, je vous le confie... (Commentaires.) ...entre nous ! Donc la technologie moderne nous permet d'opérer des contrôles sur les automobilistes, qui doivent respecter la législation.
Or ce même parti qui recommande d'installer des caméras dans les trains - parce qu'on a supprimé les contrôleurs - pour surveiller la population qui s'y trouve, de placer des caméras dans les trams et dans les trolleybus, un peu partout, pour contrôler les piétons sur les places publiques, eh bien ce parti voudrait que les automobilistes, en tout cas ceux qui ne sont pas respectueux de la loi, échappent à la sanction... Eh bien non, Mesdames et Messieurs de l'UDC, nous ne pouvons pas accepter cette motion.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Roberto Broggini. Dans trente secondes, j'aurai terminé, Monsieur le président. (Brouhaha.) Il me semble que nous devons mettre en place des moyens pour empêcher des accidents, des décès, et que des gens deviennent polytraumatisés. Nous devons donc nous doter des moyens de la circulation routière, afin d'amener les automobilistes, les conducteurs de scooter - et les cyclistes, bien entendu - à respecter la loi.
M. Philippe Morel (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il y a quelques années j'ai eu un retrait de permis d'un mois pour un excès de vitesse: 18 km/h de plus, en ville de Bâle. Sur le moment j'étais fâché, mais depuis je suis très content, car chaque fois que je suis pressé ou que je crois devoir aller vite, je fais attention à ma vitesse; peut-être par peur de la sanction mais aussi des conséquences.
En 1995, il y avait 1500 morts sur les routes en Suisse. En 2008, il n'y en a plus que 450, alors que chacun conduit plus souvent, qu'il y a davantage de véhicules et que le nombre de kilomètres parcourus augmente. Pourquoi a-t-on une diminution de deux tiers ? Pour une seule raison: c'est la prévention routière, c'est le contrôle, et c'est essentiellement la limitation de la vitesse.
Mon collègue, M. Stauffer, vous a montré une photo d'une voiture détruite; j'avais apporté avec moi celle d'un cadavre... Mais je sais que cela n'est pas de bon goût, je ne la montrerai donc pas. Il faut savoir que l'importance de la vitesse est directement proportionnelle à la gravité des lésions que les automobilistes, les cyclistes, les motocyclistes ou les piétons subissent. On sait très bien qu'il faut des règles, que ces règles de la circulation nécessitent des contrôles, lesquels eux-mêmes requièrent l'application de sanctions lorsqu'une infraction est constatée. Enfreindre les limitations de vitesse où elles sont imposées et renoncer à la prévention est simplement scandaleux, inhumain et inadéquat. Merci. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Les socialistes sont très surpris par cette proposition de motion, parce que les questions de sécurité routière, les morts ainsi que les accidentés que l'on peut rencontrer sur les routes en Suisse et à Genève sont une problématique extrêmement grave. Il nous semble particulièrement choquant de vouloir réduire les mesures permettant de limiter le nombre de morts et de blessés sur les routes. M. Morel l'a rappelé: ce nombre a diminué de manière drastique. Mais, à Genève, nous ne connaissons pas une situation aussi favorable ! Le nombre de morts sur les routes est encore extrêmement élevé !
Il est donc particulièrement choquant de voir que l'UDC, le parti se référant en permanence - et pas plus tard que ce soir - au respect de la loi et au fait que les personnes qui l'enfreignent doivent être expulsées, indique ici, en page 4 de l'exposé des motifs, que puisque certains n'observent pas la loi, il n'y a pas de raison que les automobilistes le fassent ! Franchement, est-ce sérieux de tenir ce genre de raisonnement, quand on prétend être le parti de l'ordre et du respect des lois ? C'est tout simplement choquant !
Les victimes d'accidents de la route sont trop nombreuses et, aujourd'hui, la police genevoise ne fait pas suffisamment d'efforts en la matière. Je pense que notre Grand Conseil donne un très mauvais message en essayant de convaincre que ce serait quelque chose de banal, d'anecdotique, et dont il ne faudrait pas parler. Il s'agit de choses extrêmement graves ! Ces morts brisent des vies et des familles, et on ne peut pas l'accepter. Rien que pour cette raison, ces contrôles doivent être renforcés, c'est une priorité, car ce sont des morts qui peuvent être évitées ! Il faut se donner les moyens de le faire, et ces radars y contribuent ! Nous devons renforcer les contrôles ! Et j'invite le Conseil d'Etat à accentuer son action dans le domaine. La police ne doit pas s'occuper uniquement des mendiants sur la voie publique, mais aussi des vrais problèmes qui brisent des familles et des vies ! Je vous invite donc à refuser cette motion. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député André Python, à qui il reste une minute.
M. André Python (MCG). Merci, Monsieur le président, ce sera largement suffisant ! Mesdames et Messieurs les députés, l'une des mesures efficaces pour que les automobilistes respectent la loi est la peur du gendarme, et surtout celle de se faire prendre pour un excès de vitesse... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...au risque d'écoper d'un retrait de permis. Les vaches à lait sont celles qui ignorent la loi, en mettant en danger les autres usagers de la route ! (Brouhaha.) La motion incite à ne pas respecter la vitesse en agglomération, ce qui est criminel. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) De ce fait, nous vous proposons de rejeter cette motion.
M. Ivan Slatkine (L). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral refusera cette motion. Mais, effectivement, on peut comprendre une certaine réaction, lorsqu'on voit que les radars «Traffistar SR590» ne sont destinés qu'à choper - comme j'ai pu l'entendre - les automobilistes ! Non, ils devraient choper tous ceux qui contreviennent aux règles de la circulation ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Donc cyclistes et piétons compris ! (Applaudissements.) Il faut être d'accord ! Et puis on peut aussi avoir un peu de compréhension car, parfois, on a l'impression que les radars se trouvent à des emplacements bien spécifiques juste pour piéger les automobilistes. Alors nous pourrions en appeler au Conseil d'Etat - mais je suis sûr qu'il nous entend - car nous avons besoin des radars et la sécurité routière est une nécessité, afin qu'ils soient installés à des endroits...
Une voix. En vue !
M. Ivan Slatkine. Non, pas en vue, mais bien placés ! Si je prends l'exemple de la sortie du village de Satigny, le radar est placé 25 mètres après le panneau indiquant 50 km/h... On a donc parfois l'impression que ces radars ne servent qu'à «pomper du fric» aux automobilistes ! Raison pour laquelle on peut comprendre ou avoir un peu de compassion pour la motion. Même si elle est totalement stupide... (Rires.) ...elle a un bon fond, et je tenais à le préciser.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Bertinat, à qui il reste cinquante secondes.
M. Eric Bertinat (UDC). Merci, Monsieur le président. Je remercie mon collègue Slatkine...
Des voix. Ah !
M. Eric Bertinat. ...qui semble être à peu près le seul à avoir lu mon texte.
Vous m'avez fait un mauvais procès: à aucun moment je n'ai dit qu'il fallait démanteler les radars, les supprimer ou lutter contre. Je m'en suis pris à ce super-radar, qui va aller chercher nos fautes là où on ne peut éviter de les faire et qui n'est finalement qu'une opération financière ! (Exclamations. Brouhaha. Le président agite la cloche.) J'ai bien compris les propos, entre autres, de notre collègue Morel, qui se l'est jouée très pathétique; il a raison sur le fond, évidemment, mais il me prête des intentions que je n'ai pas. Et je tiens vraiment à rétablir cela avant de voir vos votes.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Desbaillets, à qui il reste une minute quinze.
Des voix. Ah ! (Commentaires.)
M. René Desbaillets (L). Evidemment, mille excuses à mes collègues du PLR ! J'étais absent du caucus lorsqu'on a discuté de cette motion. (Exclamations.) Cela peut arriver ! Il y en a qui travaillent la journée, tandis que d'autres doivent vendre leur vin le soir aussi, donc je ne suis pas toujours présent à 19h !
Je me suis exprimé en tant que vice-président de l'Automobile Club de Suisse... (Exclamations.) ...à la Radio suisse romande, la semaine dernière. Ceux qui se lèvent de bonne heure le matin et écoutent la radio romande entre 6h15 et 6h30 ont certainement entendu que j'ai été interviewé sur le principe des nouveaux radars qui mesurent la vitesse sur une distance moyenne de 8 kilomètres, notamment sur l'autoroute, près d'Aigle. (Brouhaha.) Là-dessus, je suis d'accord ! Parce qu'on va sanctionner des gens qui, sur 8 kilomètres, enfreignent les lois ! Ce qui signifie que c'est volontairement, de manière délibérée, que l'on dépasse la vitesse. Mais quand un flash, qui est maintenant souvent placé sur le feu rouge... Admettons que le feu devienne orange et que, par exemple - c'est mon cas - vous ayez souvent des bouteilles dans le coffre... (Rires.) Eh bien oui ! (Brouhaha. Applaudissements. Le président agite la cloche.) Evidemment... Il faudra déduire le temps, Monsieur le président ! Il y a un moment donné où soit vous plantez les freins, puis vous cassez votre chargement... (Brouhaha.) ...soit vous mettez un petit coup de gaz pour ne pas passer au rouge... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et il y a le radar ! Mais ça, c'est rien !
Je prends l'exemple du village de Russin, et la réponse de la DGM concernant l'endroit où est placé le radar a été la suivante, je cite: «On a mis le radar où il y avait de l'électricité !» Faut pas dire que c'est pour... (Rires. Applaudissements.) Cela commence à faire rire ! (Applaudissements.) Et puis, ce qui est beaucoup plus important... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...mais dont on ne parle malheureusement jamais, c'est que les radars, comme d'autres choses, c'est de la sécurité passive pour punir ceux qui enfreignent, et...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. René Desbaillets. Mais, Monsieur le président, je suis sans arrêt interrompu ! Je disais qu'il faudrait une fois en venir à la sécurité active ! Si des gens enfreignent les lois, c'est aussi parce qu'il y a énormément d'automobilistes qui, à l'heure actuelle, ne savent même pas comment on emprunte un giratoire... (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député, il vous faut finir.
M. René Desbaillets. ...et qui y restent bloqués. La sécurité active, c'est surtout apprendre aux jeunes à conduire comme il faut ! Et la première chose à faire en Suisse est de rétablir un circuit automobile, pour que les jeunes... (Exclamations. Applaudissements.)
Le président. Monsieur le député, c'est fini ! (L'orateur s'exprime hors micro. Commentaires.) C'est fini, Monsieur le député ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La parole est à Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je crois qu'il faut de la compassion, sans passion. C'est en tout cas la morale de cette histoire. (Brouhaha.) Au vu de la croissance électrique, de la demande électrique abordée tout à l'heure, je crois qu'il faudrait mettre les radars là où il n'y a ni électricité, ni limitation, ni automobilistes ! (Brouhaha.)
Juste quelques chiffres: on parle de sept véhicules équipés, de douze appareils radars et de sept appareils «Traffiphot», donc je ne pense pas que ce soit abusif.
Une chose est sûre et certaine, c'est que cette motion me permet d'annoncer que, lors de la prochaine réorganisation de la police, il y aura une brigade spécialement dédiée aux infractions à la loi sur la circulation routière, puisqu'il s'agit de celles qui sont le plus commises sur le territoire genevois. (Brouhaha.) Désolée, Messieurs, mais c'est malheureusement une réalité, ce sont toujours les hommes qui commettent des infractions, et je crois qu'il faut quand même le reconnaître. (Applaudissements.) Merci !
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 1988 est rejetée par 62 non contre 13 oui et 3 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance. Bon retour chez vous !
La séance est levée à 22h50.