Séance du
vendredi 10 juin 2011 à
17h
57e
législature -
2e
année -
9e
session -
52e
séance
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Renaud Gautier, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Pierre-François Unger, Charles Beer, François Longchamp, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Mark Muller, président du Conseil d'Etat, et David Hiler, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Beatriz de Candolle, Fabiano Forte, Olivier Jornot, Vincent Maitre, Sylvia Nissim, Philippe Schaller, Manuel Tornare et Jean-Marie Voumard, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Le Conseil d'Etat demande l'ajout et l'urgence du PL 10795-A, rapport de la commission des finances relatif à un crédit destiné à l'acquisition de mobilier, d'équipement, de matériel pédagogique et informatique, dans le cadre du projet «Avenir de l'Ecole de Commerce», d'un Espace Entreprise Centralisé.
Nous votons d'abord sur l'ajout, puis sur l'urgence, et nous traiterons, si c'est accepté, ce point quasiment immédiatement.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du rapport PL 10795-A est adopté par 56 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport PL 10795-A est adopté par 56 oui (unanimité des votants).
Le président. Ce point sera traité juste après les points initiaux.
Annonces et dépôts
Néant.
Interpellations urgentes écrites
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:
Interpellation urgente écrite de M. Mauro Poggia : Retraitement des dispositifs médicaux et sécurité des patients (IUE-1212)
Interpellation urgente écrite de Mme Marie Salima Moyard : Décharge nucléaire dans le voisinage de Genève : que va faire le Conseil d'Etat pour faire appliquer notre Constitution ? (IUE-1213)
Interpellation urgente écrite de M. Bertrand Buchs : Crise à l'AI ! (IUE-1214)
Interpellation urgente écrite de M. Frédéric Hohl : Ethique et politique : lorsque le serment tolère la fraude (IUE-1215)
Interpellation urgente écrite de M. Hugo Zbinden : A quand une nouvelle conception générale de l'énergie ? (IUE-1216)
Interpellation urgente écrite de Mme Anne Mahrer : Promesses de rentrée 2011 explosive à la Haute Ecole de Santé (IUE-1217)
Interpellation urgente écrite de M. Pierre Weiss : Le SPPE est-il une cellule partisane de gauche et/ou une annexe syndicale ? (IUE-1218)
Interpellation urgente écrite de Mme Anne Emery-Torracinta : Emplois de solidarité : combien de retours sur le marché ordinaire du travail ? (IUE-1219)
Interpellation urgente écrite de Mme Anne Emery-Torracinta : Emplois de solidarité : qu'en est-il des établissements publics ou fondations de droit public ? (IUE-1220)
Interpellation urgente écrite de Mme Anne Emery-Torracinta : Emplois de solidarité : qu'en est-il du secteur de l'accompagnement de la personne ? (IUE-1221)
Interpellation urgente écrite de M. Roger Deneys : Compagnie des sapeurs-pompiers de Thônex : éclairez la lanterne ! (IUE-1222)
IUE 1212 IUE 1213 IUE 1214 IUE 1215 IUE 1216 IUE 1217 IUE 1218 IUE 1219 IUE 1220 IUE 1221 IUE 1222
Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante.
Premier débat
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Je vous remercie d'avoir bien voulu accéder à la demande de la modeste rapporteure que je suis et d'avoir pu mettre en urgence ce rapport, voté à l'unanimité en commission des finances. Il est important de le voter - à l'unanimité, si possible - afin que l'Espace Entreprise Centralisé, qui est le projet «Avenir de l'Ecole de Commerce», puisse voir le jour. Ceci est extrêmement important pour les jeunes concernés. Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs.
Le président. La parole n'étant pas demandée, nous sommes en procédure de vote.
Mis aux voix, le projet de loi 10795 est adopté en premier débat par 66 oui (unanimité des votants).
La loi 10795 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10795 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. J'appelle la kyrielle de rapporteurs à bien vouloir venir prendre place à leur table. (Quelques instants s'écoulent. Les rapporteurs s'installent.) Dans un premier temps, je passe la parole à Mme la députée Salima Moyard, rapporteure de majorité. (Remarque.)
Mme Marie Salima Moyard (S), rapporteuse de majorité. J'ai la parole, Monsieur le président ?
Le président. Voyez la petite lumière !
Mme Marie Salima Moyard. Merci beaucoup. Voilà un débat sur un travail dimportance: des mois d'audition, des mois de travail, sur une problématique extrêmement large, la politique énergétique du canton et différentes technologies pour répondre aux besoins énergétiques de lavenir. Rien que ça. Une résolution et une motion qui dans le fond visent grosso modo la même chose, soit à retarder ou à supprimer ce que j'appellerai la CCF, la centrale chaleur-force, projet des Services industriels genevois, qui permet de produire à la fois de la chaleur et de l'électricité, qui a comme combustible le gaz et offre un très haut rendement, à savoir 75%, ce qui s'approche du mieux que l'on puisse faire aujourd'hui, au niveau électrique, avec une récupération quasi totale de la chaleur. Ceci pour un coût de 265 millions, pour la partie de la centrale, et également 105 millions pour l'extension du réseau de chauffage à distance qui reliera et étendra deux réseaux actuels, le CAD et le CADIOM. Evidemment, ce réseau restera, une fois que la centrale, qui est une technologie de transition, aura produit les effets escomptés, car c'est bien ainsi que la majorité de la commission voit l'utilisation de cette centrale à gaz.
D'autre part, 140 millions sont prévus comme investissement de la part des SIG pour compenser le surcroît de CO2 produit par la CCF, émissions qui seront largement moindres que celles qui sont atteintes en moyenne en Europe. Sur le trajet de la CCF et sur celui des deux réseaux de chauffage à distance, ce sera tout cela de chaudières à mazout et autres pompes normales qui seront supprimées, ce qui permettra de dégager moins de pollution dans l'atmosphère qu'aujourd'hui, de manière locale, dans cette région. D'autre part, au niveau des normes fédérales, le CO2 émis doit être compensé à 70% en Suisse. Les SIG ont décidé de le compenser à 70% à Genève et de faire du mieux qu'ils pourront pour procéder en grande partie à Vernier, puisque, pour l'instant, la centrale est prévue sur le site du Lignon.
Il n'est pas question de dire ici, pour la majorité de la commission, que la CCF est la solution miracle. Ce n'est pas du tout la seule ambition au niveau de la politique énergétique d'avenir des SIG. C'est la politique du «et» avec différents éléments à développer. Le premier concerne les économies d'énergie avec le programme ECO21. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le second touche à l'augmentation de l'autoapprovisionnement avec la CFF, d'une part, et, d'autre part, avec la rénovation du barrage de Chancy-Pougny et la construction du barrage de Conflan qui sont des barrages hydrauliques. Le troisième pôle est le développement des nouvelles énergies renouvelables. Les SIG se sont extrêmement bien placés dans l'éolien en Suisse et avancent à grands pas en géothermie pour la production électrique et thermique. Le dernier élément tient à l'efficacité énergétique et en la réduction de la consommation. Donc la CCF n'est pas à prendre seule, mais dans un tout. C'est ça qui est important. Il s'agit ainsi d'un bon projet industriel, apportant un bon équilibre, et de la moins mauvaise solution au sein de la politique énergétique genevoise. Cela fournira 10% d'autoapprovisionnement supplémentaire, ainsi que beaucoup de chaleur qui permettra de chauffer un certain nombre de logements.
Le second élément sur lequel j'aimerais insister, c'est le fait que la commission a travaillé durant plus d'une année pour déterminer si l'on pouvait faire avec le même investissement ou même avec plus - mais ça n'a pas été une question d'argent - la même chose, c'est-à-dire obtenir la même production électrique et calorifique avec des énergies renouvelables. La commission a essayé de toutes ses forces, mais elle n'a pas réussi. C'est la raison pour laquelle nous arrivons à la CCF; ce n'est pas un oreiller de paresse, c'est un élément parmi d'autres. Au niveau hydraulique, je vous ai déjà cité les projets. Au niveau éolien, les SIG ont extrêmement bien avancés aussi. Au niveau biomasse, pour produire la même quantité d'énergie que la CCF, cela nécessiterait 700 tonnes de bois par jour. Sur le canton, nous n'aurions que 5% des besoins en bois pour le gazéifier et le mettre dans une centrale, ce qui est donc totalement irréalisable de l'avis des spécialistes que nous avons entendus. Le photovoltaïque va très bien mais il est beaucoup plus efficace dans le thermique qu'en photovoltaïque, c'est-à-dire pour produire de l'électricité. Et les sommes pour parvenir à la même production que la CCF seraient absolument gigantesques. Notre meilleur espoir était la géothermie, donc aller chercher la chaleur de la terre pour produire de l'énergie, à savoir de l'électricité et de la chaleur. Le problème est le même que celui rencontré dans l'épisode bâlois, dont vous avez peut-être connaissance. Les travaux sont en cours, mais une centrale de production électrique géothermique n'a aucune chance de voir le jour avant une vingtaine d'années au minimum, chose qui nous a été dite par les spécialistes parfaitement indépendants des SIG.
Donc, pour la majorité de la commission, l'idée est de dire que la centrale est une technologie de transition. Certes, elle utilise du gaz, mais avec un très bon rendement et de la meilleure manière possible. Ensuite, il est à relever que le réseau également financé dans le projet, lui, restera. Il pourra alors être utilisé à autre chose, par exemple avec une centrale géothermique si le sous-sol genevois tient ses promesses. Il faudra donc continuer les recherches dans ce sens. La géothermie tient à coeur le Grand Conseil, car je vous rappelle que la motion 1985, dont j'étais auteure, a été renvoyée à l'unanimité au Conseil d'Etat et demandait justement la poursuite très active des recherches sur ce sujet.
Enfin, la question du lieu, à notre sens, n'est pas pertinente pour l'instant. Ce soir nous votons sur le principe de la CCF: voulons-nous oui ou non une centrale chaleur-force à Genève ? Le Lignon, qui a été choisi par les SIG, est le meilleur site d'un point de vue technique, financier et sous l'angle des impacts environnementaux, or il y a eu d'autres études et rien n'est encore décidé pour l'instant. Il pourrait y avoir le site de la STEP d'Aïre, toujours sur la commune de Vernier; il pourrait y avoir le CERN, qui pose plus de difficultés. Une foule d'autres sites ont été étudiés, chacun posant des problèmes qui demanderaient...
Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président
Le président. Il vous faut conclure, Madame la rapporteure.
Mme Marie Salima Moyard. Je vais conclure, Monsieur le président. ...qui demanderaient à être recherchés. Donc, aujourd'hui nous votons sur le principe de cette centrale comme une solution transitoire, parmi un panel d'autres solutions énergétiques pour l'avenir. Je vous prie de refuser la motion et la résolution, et d'accepter le principe de cette centrale chaleur-force. Je vous remercie.
M. Pierre Conne (R), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève a fait preuve de frilosité en n'osant pas entrer en matière sur la motion radicale intitulée: «Pour un approvisionnement électrique propre et sûr». Que défendait cette motion, déposée il y a trois ans, je vous le rappelle, à l'issue de l'annonce du projet de CCF ? Elle défendait simplement la responsabilité politique en matière énergétique. Quelle question était à l'origine de notre motion ? «Avec quoi alimenterons-nous Genève en énergie quand les carburants fossiles seront devenus rares et chers ?» Dans le fond, l'ambition de ce texte est simple, il demande au Conseil d'Etat de mettre en oeuvre la révolution énergétique tournée vers les économies d'énergie et les énergies renouvelables indispensables à notre survie à long terme et de passer des paroles aux actes.
Nous n'avons jamais mis en doute la performance énergétique, ni l'extraordinaire rendement financier de la centrale à gaz avec couplage chaleur-force, centrale proposée par les SIG. La transformation du gaz naturel en électricité, la récupération de la chaleur émise par les turbines pour alimenter un réseau de chauffage à distance, le kilowattheure acheté à 4 cts pour être revendu à 24 cts, tout cela constitue un projet technologique de grande qualité et, disons-le tout de go, une pompe à fric pour les SIG, à faire pâlir d'envie n'importe quel industriel. Dans leur sphère de compétence et de responsabilité, les SIG ont parfaitement rempli leur mission en proposant ce projet. Mais leur mission n'est pas politique.
Notre responsabilité politique consiste à construire un avenir à vue humaine dans lequel nous nous serons affranchis de la dépendance des énergies fossiles et nucléaires pour nos usages domestiques et industriels. Accepter la CCF sans autre engagement de la part du Conseil d'Etat, c'est accepter la fuite en avant avec une vision à court terme, sans savoir comment, dans quels délais et avec quels investissements notre révolution énergétique se fera, et même si elle pourra se faire. Les radicaux n'ont jamais recommandé le rejet pur et simple de la CCF: nous demandons des garanties pour que la politique énergétique durable que le gouvernement actuel a annoncée en début de législature existe concrètement. Nous demandons que le Conseil d'Etat s'engage à cadrer des mesures d'économies d'énergie électrique avec le programme ECO21 - 100 millions dans les dix prochaines années - dans le but d'économiser annuellement 225 GWh, et à obtenir la concession fédérale visant la finalisation du projet et la construction du barrage de Conflan sur le Rhône pour qu'il soit opérationnel en 2020. Nous demandons également à planifier des investissements significatifs dans la production d'électricité et de chaleur à partir d'énergies renouvelables et, également, à optimiser, raccorder et valoriser au mieux les réseaux de chaleur à distance existants. Ensuite, nous demandons que la CCF soit considérée comme une source d'énergie complémentaire pour réaliser la transition entre la situation actuelle et celle où d'autres sources d'énergies renouvelables assureront la couverture de nos besoins. Finalement, et je conclurai par là, le PLR exigera que la CCF, si elle est construite à Genève, offre le meilleur rendement énergétique possible. Je vous remercie.
M. Hugo Zbinden (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez entendu: on peut être pour cette centrale, on peut être contre cette centrale, mais peu importe, je pense qu'il ne faut surtout pas trop en attendre et ne pas surestimer son importance. Certes, elle va produire 10% de l'électricité et 3% de la chaleur du canton, mais il est intéressant de savoir combien d'énergie sera économisée grâce à cette merveilleuse technique, par rapport aux techniques actuellement utilisées. Si l'on calcule ce qui sera économisé en gaz pour produire de l'électricité, par rapport à la fameuse centrale à gaz du Luxembourg, ou si l'on calcule ce qui sera économisé par rapport au chauffage à gaz normal, on aboutit à un gain de moins de 1% de la consommation cantonale. Donc, c'est clair que ce n'est pas cette fraction de pourcent qui va changer notre manière, notre politique énergétique - ce n'est pas la révolution énergétique dont M. Conne parlait. D'autant moins que l'on constate que la consommation électrique continue à augmenter, ce qu'elle a fait de plus de 3% l'an passé. Si elle continue à croître ainsi, il faudrait construire tous les trois ans une centrale à gaz à Genève. Il est donc évident que cette centrale ne peut pas être une solution.
Ce qu'il nous faut, c'est effectivement une nouvelle politique énergétique. Ce n'est pas nous qui le disons, mais le Conseil fédéral. Quelles sont les conditions de la nouvelle politique énergétique ? La première est la société à 2000 watts. D'ici à 2050, nous devrions y arriver, c'est-à-dire qu'il faut réduire notre consommation d'un facteur 3. On ne parle donc pas de fraction de pourcent - de pourcent, comme pour la centrale à gaz. De plus, récemment, nous avons appris que - heureusement - nous allons nous séparer des centrales nucléaires. Il faut ainsi s'attendre à une baisse de la production d'électricité en Suisse, à raison de 40% d'ici à 2034. Finalement, la troisième condition est qu'il faudrait baisser nos émissions de CO2 de l'ordre de 30% d'ici à 2020. Ce sont des objectifs extrêmement ambitieux, mais c'est un pari que l'on peut gagner, même le Conseil fédéral l'affirme.
Comment y parvenir ? Il faut économiser de l'énergie, c'est le premier objectif. Le second vise à augmenter la part des nouvelles énergies renouvelables. Le troisième tient dans l'augmentation de la part de l'énergie hydraulique. En quatrième position dans la liste du Conseil fédéral vient le recours au gaz. Nous, les Verts, nous sommes tout à fait d'accord avec cette hiérarchie des mesures. Il faut donc surtout commencer avec les économies, potentiel qui est énorme. Les SIG comptent avec un potentiel de 700 GWh sur le canton d'ici à 2018, ce qui représente trois fois la centrale à gaz. Au niveau du thermique, le potentiel est bien plus élevé. On sait qu'en moyenne un bâtiment à Genève consomme 600 MJ/m2 par an. Aujourd'hui, on peut construire des maisons qui consomment 100 MJ/m2, voire moins, par an. Le potentiel est donc facilement de 50%, ce qui correspond à dix fois, à vingt fois, la production de chaleur de la CCF.
Je ne vais pas parler des énergies renouvelables, mais ce qu'il nous faut, c'est une feuille de route, un plan, afin d'organiser notre politique énergétique, plan qui manque cruellement. Nous n'avons même plus de conception générale de l'énergie. Il y en avait une de 2001 à 2005 et de 2005 à 2009, et il faudrait vraiment que nous en fassions une nouvelle. Visiblement, ce n'est pas une priorité du département, car la commission de consultation n'a même pas encore été convoquée. Donc, effectivement, avant de se lancer dans une CCF, qui est une mesure facile, nous demandons que soit élaborée une planification sérieuse qui prenne en compte tous les changements survenus ces derniers temps dans notre environnement énergétique.
Si la CCF est construite, c'est tout simplement une distraction de notre objectif principal qui est cette révolution énergétique. La CCF, c'est un confortable oreiller de paresse ! Nous estimons qu'il faut traiter le Conseil d'Etat comme nos enfants: tout d'abord, il faut faire ses devoirs et, ensuite, on peut commencer à jouer. (Rires.) Je vous invite à accepter cette résolution, qui est plus que jamais d'actualité. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce que nous allons décider ce soir va conditionner Genève pour plus de vingt ans. Alors il est nécessaire de prendre un peu de temps pour expliquer les enjeux, mais peut-être de manière plus simple, sinon nos concitoyens vont se perdre dans les chiffres, dans les statistiques, j'en passe et des meilleures.
Quelques mots simples, chers collègues: une centrale à gaz fonctionne donc avec du gaz ! Et le prix du gaz est lié à celui du pétrole ! Voilà ! Donc, quand j'ai dit ça, eh bien... On sait que, dans les années à venir, le prix du pétrole ne va pas baisser ! Au contraire, il va augmenter ! Nous sommes alors en train de conditionner les Genevois à devoir payer toujours plus cher et à être toujours plus dépendants de l'extérieur en matière énergétique. On parle, chers collègues... Encore un mot simple: on parle d'énergie... - bien que ce parlement en soit doté d'un bon nombre d'exemplaires - ...fossile. Et l'énergie fossile est à bannir. Nous voulons de l'énergie renouvelable: de l'énergie propre ! Alors que demande-t-on à un gouvernement ? Que demande-t-on à des ministres ? Que demande-t-on à des conseillers d'Etat ? Ce n'est pas d'être des gestionnaires et, bêtement, quand on accède au pouvoir, de reprendre les dossiers de ses prédécesseurs - qui ont fait de même, avec ceux d'avant - et de dire qu'il faut faire une centrale à gaz ! On demande à ces ministres d'être des visionnaires pour Genève, pas d'être de purs comptables ! Et la vision, c'est quoi ? C'est d'investir aujourd'hui pour récolter les fruits demain.
Je vais vous lire un passage, encore une fois de manière extrêmement simple pour que tout le monde comprenne. Que dit le Conseil fédéral, la Confédération ? - dont, je vous le rappelle, nous dépendons. Elle dit, page 140 du rapport que vous avez, sous chiffre 17: «Quels sont les moyens mis à disposition pour promouvoir le développement de la géothermie ?» La géothermie, je vous explique, pour ceux qui ne sauraient pas: on fait un trou, et plus on descend au centre de la Terre plus il fait chaud, et avec la vapeur on fait tourner une turbine et on produit de l'électricité. Sans énergie fossile !
Une voix. On n'est même jamais allés voir. (Rires.)
M. Eric Stauffer. Monsieur le député, si vous demandez la parole, je pense que le président vous la donnera. (Rires. Le président agite la cloche.)
Je continue. Que dit le Conseil fédéral ? «La géothermie fait partie des technologies qui ont droit à la rétribution à un prix coûtant du prix injecté [...]». Un peu compliqué ! Mais il est ajouté: « [...] les projets de centrale géothermique pour la production d'électricité peuvent également être cautionnés jusqu'à 50% au plus des frais d'investissement, mais pour un montant maximum de 150 millions.» Ça, c'est la Confédération qui le dit. Et nous sommes en train de prévoir, à 100% à la charge des Genevois, d'investir 200 millions. Plus 100 millions pour... Pour je ne sais plus quoi, c'est un peu technique...
Une voix. C'est 265 !
M. Eric Stauffer. Voilà, «265» ! Eh bien, Mesdames et Messieurs, si l'on investissait ces 265 millions dans la géothermie, la Confédération en mettrait autant ! Avec un demi-milliard de francs, on ferait de l'énergie propre, renouvelable, ce que maintenant la population veut, parce qu'elle a compris que les énergies fossiles et le nucléaire étaient à bannir de notre vocabulaire. Alors aujourd'hui on demande quoi à la ministre de l'énergie, Mme Isabelle Rochat ? C'est d'être une visionnaire et de rompre avec cette tradition, consistant à dire: «J'ai repris ce dossier de mon prédécesseur, donc je vais le continuer bêtement.» (Exclamations.) Soyez une visionnaire, Madame la conseillère d'Etat ! Cassez ce cycle négatif pour les Genevois !
En plus, on veut faire une centrale à gaz dans une zone à haute densité d'habitation... On n'a pas hésité à investir près d'un milliard pour faire un palais à la gloire des Services industriels, et aujourd'hui, au lieu d'améliorer la qualité de vie des citoyens de la commune de Vernier, vous allez plébisciter l'installation d'une centrale à gaz dans un milieu urbain ! Non, Madame la conseillère d'Etat ! Soyez une visionnaire ! Montrez votre caractère et oeuvrez pour le futur des Genevois ! Et le futur des Genevois, c'est la géothermie ! Vous le savez aussi bien que nous: il existe une faille entre le Salève et le Jura, laquelle est exploitable en géothermie. Où sont les investissements ? Où sont ces visionnaires, ceux qui ont du culot pour Genève et pour l'avenir de nos enfants ? Je n'en ai pas encore vu, malheureusement. Mais j'espère, Madame la conseillère d'Etat, que vous serez cette personne en qui Genève veut croire pour son avenir.
Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, acceptez ces textes ! Faites un moratoire contre la construction de cette centrale chaleur-force ! Parce que certains vont vous faire croire que, sans elle, on sera en rupture de fourniture... C'est faux ! La centrale à gaz ne représente que 10% du dispositif global, avec le barrage de Conflan, etc. Donc, ne cédez pas au chant des sirènes qui vont vous alarmer en disant: «Mon dieu, si l'on ne vote pas cette centrale, on ne pourra plus utiliser l'interrupteur pour allumer la lumière dans nos salons»... C'est un mensonge! Je vous le dis aujourd'hui: soyons leaders, à Genève ! D'autres viendront vous dire: «La géothermie n'est pas encore prête, regardez, à Bâle, ils ont provoqué des tremblements de terre...». Mais le sous-sol genevois...
Présidence de M. Renaud Gautier, président
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure ! Mais le sous-sol genevois n'est pas comparable à celui de Bâle ! C'est comme si l'on venait vous dire: «Il ne faut pas faire de centrale atomique parce qu'il y a eu un raz-de-marée au Japon; on ne sait jamais si, des fois, depuis Marseille, on avait un raz-de-marée... ». Eh bien, ce serait le même argument ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vous le dis, Mesdames et Messieurs, aujourd'hui soyons tous ensemble des visionnaires ! Ne donnons pas ce lit de paresse au gouvernement, c'est-à-dire en créant une centrale à gaz, et investissons dans la géothermie ! Soutenez aujourd'hui ce moratoire pour les centrales à gaz ! Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Afin de tenter de simplifier un débat qui pourrait devenir compliqué, je vous propose - sous-entendu: j'ai pris la décision - de demander à M. Haldemann de bien vouloir parler maintenant, de façon qu'il puisse expliciter sa proposition d'amendement. Ensuite, nous reprendrons l'ordre normal dans lequel les personnes se sont inscrites. Monsieur Haldemann, vous avez la parole.
M. François Haldemann (R). Merci, Monsieur le président, c'est une très bonne initiative, je pense que cela pourrait clarifier un peu la gestion des débats. Ecoutez, la politique, c'est aussi prendre en compte l'évolution des événements. Vous connaissez la situation qui est survenue... C'est avec sérénité, conviction et sens des responsabilités que nous déposons aujourd'hui cet amendement.
Avant d'en venir à l'amendement, j'aimerais faire quelques rappels concernant la motion qui avait été déposée en 2008. C'était d'abord l'étude des alternatives d'une telle centrale, comme l'a rappelé la rapporteure de majorité. Je crois que les travaux réalisés au sein de la commission de l'énergie ont été constructifs et très intelligents. Le deuxième objectif de la motion était notre volonté affichée d'avoir d'abord - d'abord ! - recours aux énergies renouvelables, avant d'utiliser des combustibles fossiles. Je dirais même qu'aujourd'hui les SIG ont déjà pris en compte cette volonté, puisqu'ils se sont engagés dans un programme éolien de grande envergure avec un objectif de 400 GWh à l'horizon 2015. Et je suis convaincu que la motion aura déjà eu cet effet positif.
Pourquoi le PLR propose-t-il cet amendement seulement maintenant ? Vous allez nous dire: «Maintenant, c'est trop tard; ce soir, c'est un scandale.» Non ! Non. Les événements qui se sont passés dans le monde - et en Suisse ! - eh bien, ces événements sont à considérer. Parce que la déclaration du Conseil fédéral, informant de son intention de sortir du nucléaire d'ici à 2034, ne date que du 25 mai dernier. Et c'est seulement le 8 juin, c'est-à-dire il y a juste deux jours, qu'a été ratifiée cette décision par le Conseil national. Alors sachez que Beznau 1, construite en1969, et Beznau 2, bâtie en 1971, sont des centrales qui seront fermées ! Effectivement, leur clôture programmée va contraindre la Suisse à une gestion compliquée de l'énergie électrique. C'est pourquoi l'utilisation du gaz semble malheureusement - pour une période de transition - la seule solution.
Pourquoi le PLR propose-t-il cet amendement ? Parce que les travaux de commission ont écarté toutes les énergies renouvelables, sauf une. Nous avons vu l'éolien. Mme la rapporteure l'a expliqué, il y a un grand programme, mais il n'est pas dans notre canton, il sera réalisé dans le Jura, sur les crêtes du Jura et dans les Alpes. Pour l'hydroélectrique, qu'avons-nous comme perspective ? Les SIG vont engager des fonds pour une étude de détail pour Conflan, mais nous savons qu'il faudra vingt ans cette réalisation... Et Conflan ne constitue malheureusement pas une alternative rapide.
Au niveau de la biomasse - vous le savez, j'y suis engagé depuis longtemps, c'est quelque chose qui m'intéresse - oui, Madame la rapporteure de majorité, il n'y a qu'un potentiel de 5% à Genève ! Mais il faut avoir une vision un peu plus large, malheureusement. Vous êtes d'accord d'acheter de l'éolien dans le Jura, mais pourquoi ne pas imaginer d'utiliser un potentiel qui ira un peu au-delà de nos frontières genevoises ? Autour de nous, dans l'Ain, dans la Haute-Savoie, il y a des potentiels que nous devrons utiliser, si nous sommes rationnels. Le photovoltaïque ? Malheureusement, ce sont des programmes lents. On parle de la centrale de Palexpo, or il nous faut 250 hectares de panneaux pour arriver à convertir la même énergie que celle qui est prévue par la centrale chaleur-force... La géothermie ? Très long terme, plusieurs milliards d'investissement, et non pas seulement 500 millions...
La seule énergie renouvelable pouvant être valorisée dans le projet et qui fait l'objet de notre amendement, c'est la chaleur résiduelle du Rhône et de la STEP. Ce projet présente une opportunité, il faut la saisir maintenant, il sera peut-être trop tard ensuite. Toute énergie renouvelable - disponible dans le canton ! - doit être utilisée. Vous êtes tous d'accord, vous avez écouté le professeur Favrat, il y a un potentiel. Vous ne pouvez pas dire le contraire, le rapport est clair à ce sujet. Nous avons un potentiel, nous devons absolument l'utiliser ! Nous pouvons l'augmenter, grâce à cette énergie qui n'est pas utilisée et qu'uniquement la pompe à chaleur peut exploiter. Car il n'y a pas autre chose ! Prendre la chaleur résiduelle d'une STEP ? Il n'y a que la pompe à chaleur qui le permette. Et si vous avez envie d'utiliser les énergies renouvelables de ce canton, veuillez, s'il vous plaît, accepter cette proposition d'amendement. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau se propose de clore la liste. En l'état, vont encore s'exprimer... (Remarque.) Et ça ne sert à rien d'appuyer sur le bouton juste quand je dis cela ! Vont s'exprimer: M. Eric Leyvraz, M. Olivier Norer, M. François Gillet, M. Florian Gander, M. Roger Deneys, M. François Lefort, M. Miguel Limpo, M. Serge Hiltpold, M. Gabriel Barrillier, M. Philippe Morel, M. René Desbaillets, M. Daniel Zaugg, M. Hugo Zbinden - qui vient d'appuyer sur le bouton - et Mme Isabelle Rochat. Les rapporteurs ont, par définition, encore la parole. Je la donne à M. le député Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion et cette résolution visent simplement, sous beaucoup de circonvolutions, à empêcher la construction d'une centrale chaleur-force. Du point de vue technique, le projet des SIG est excellent et représente ce qui se fait de mieux aujourd'hui. L'emplacement prévu ne peut rationnellement pas être contesté. Cependant, on peut comprendre l'opposition des citoyens de Vernier: ils expriment leur ras-le-bol parce qu'ils ont l'impression d'avoir le privilège unique et exclusif de recevoir sur leur territoire toutes les nuisances du canton ! Il faut donc les écouter. D'autant plus que les Services industriels ont la possibilité - et ils l'étudient - de construire leur usine dans un autre lieu très favorable et qui ne devrait pas rencontrer d'opposition formelle. Il s'agit du site de la centrale d'épuration d'Aïre.
Amener le réseau de chauffage à distance en ce lieu permettrait en même temps d'installer des pompes à chaleur pour récupérer les calories aujourd'hui perdues de l'eau tempérée qui s'écoule à la sortie du processus d'épuration. Ce point important a été soulevé par un professeur de l'EPFL que nous avons reçu à la commission de l'énergie. Suite aux décisions du Parlement fédéral, qui veut renoncer peu à peu au nucléaire, il faut être conséquent et accepter au plus vite la construction de cette centrale. Je vous rappelle que nous produisons à peine 25% de l'électricité consommée à Genève, que notre population croît de 5000 habitants par année et qu'il faut assurer notre approvisionnement.
Je ne comprends pas l'attitude du PLR face aux problèmes énergétiques. Prenez par exemple le nucléaire: d'abord c'était oui; ensuite on ne savait plus très bien, et puis, finalement, c'est l'abstention au Conseil national. Mais les élections arrivent, et on va dans le sens du vent ! Je suis inquiet, chers collègues ! Est-ce que, comme pour l'escherichia coli allemande, le «girouettisme» PDC a muté et devient contagieux ? Vous me direz que pour le nombre de fois que les PDC et les PLR se serrent la main, le risque de dissémination est peu élevé. (Exclamations. Rires.) Ah, la douceur des grandes familles !
Mesdames et Messieurs les députés, arrêtons de jouer avec le feu: rejetons toutes ces mesures dilatoires ! Et en avant avec cette centrale, s'il vous plaît ! Parce que j'ai bien peur que le négawatt, ce fameux watt si cher aux Verts, ce watt qu'on ne consomme pas, on soit obligé de changer sa définition. Cela deviendra le négawatt», celui que l'on ne consomme pas, car il n'y en a pas ! Quant à l'amendement des radicaux, là je suis évidemment surpris. Pourquoi les ingénieurs des Services industriels, qui planchent sur ce projet depuis des années, n'ont-ils pas demandé aux députés radicaux comment faire pour optimiser leur installation ? On aurait gagné du temps ! Ah, les ignorants ! Ayant, par souci intellectuel, pris des renseignements supplémentaires auprès de personnes compétentes, ces dernières n'ont fait que confirmer ce que je pense: cet amendement confond l'amont et l'aval. Les Services industriels ne peuvent forcer un utilisateur à employer des pompes à chaleur. Vouloir instituer 25% de rendement en plus avant la construction de l'usine, c'est repousser sa réalisation de plusieurs années. Les Services industriels ont des projets, ils nous ont prouvé par leur attitude qu'ils veulent des économies. Mais, bon sang, qu'on leur fasse confiance !
Le groupe UDC est favorable à cette centrale et vous demande fortement de rejeter cette motion et cette résolution. Nous laisserons cependant la liberté de vote à nos deux élus verniolans, ne voulant surtout pas mettre en boule et hérisser notre chère collègue, Mme Meissner. (Exclamations. Applaudissements.)
M. Olivier Norer (Ve). Merci bien, Monsieur le président. Le groupe des Verts et celui de l'UDC partagent au moins une chose ce soir, c'est une certaine cohérence en matière de politique énergétique. Nous avons toujours été contre l'atome, l'énergie nucléaire. L'UDC a toujours été pour: c'est son choix. Le groupe des Verts, effectivement, se rappelle que dans le passé le nucléaire a posé moult problèmes au niveau mondial; on se souvient de l'accident de Lucens en 1969, de Three Mile Island en 1979, de Tchernobyl en 1986, et récemment de Fukushima.
De la même manière, on se rappelle que la problématique de l'effet de serre devrait survenir non pas à chaque fois que se produit un souci au niveau planétaire, mais devrait rester un souci constant pour lequel il faut un traitement régulier et cohérent, donc une politique durable. Nous les Verts, nous pensons qu'il ne faut pas de nucléaire, mais également pas d'effet de serre. En ce sens, la centrale à gaz qui est prévue sur le territoire de Vernier pose plusieurs problèmes, car elle offre non pas la possibilité de fuir le nucléaire et les effets de serre, mais une sorte d'oreiller de paresse - le rapporteur de minorité l'a dit à juste de titre - et cela n'est pas acceptable.
Le groupe des Verts a pris une position tout à fait claire en assemblée générale: nous ne souhaitons pas de centrale chaleur-force sur le site du Lignon, car cela contrevient à plusieurs de nos principes fondamentaux et nous ne voulons pas en changer. Effectivement, nous demandons davantage d'efficience et de sobriété en matière énergétique: nous demandons une réduction de la consommation; de même, nous demandons de l'efficacité en termes énergétiques, c'est-à-dire un meilleur rendement de toutes les installations que nous connaissons. Nous demandons également un recours systématique aux énergies renouvelables, et, à l'heure actuelle, malgré les belles promesses qui sont faites, malgré les beaux discours, les horizons temporels sont assez lointains. Les promesses restent surtout sous forme de paroles, plutôt que de se réaliser en termes de faits, et nous sommes loin du compte si nous voulons sortir du nucléaire et de l'effet de serre.
En ce sens, le groupe des Verts soutient la motion initiale et la résolution, et il se réserve le droit de rejeter la motion si elle était amendée dans le sens proposé par le PLR. Merci.
M. François Gillet (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de remercier Mme Moyard pour son excellent rapport, lequel montre très clairement l'importance des travaux menés en commission pendant plus d'une année. J'aimerais relever quand même l'intérêt des deux textes qui nous occupent ce soir, qui ont effectivement permis d'effectuer un travail de fond important en commission. Je dirai d'une certaine façon que le texte des Verts, qui souhaitaient un moratoire de quatre ans pour pouvoir plancher sur des alternatives, a été mis en pratique, puisqu'en trois ans le travail a été fait: nous avons étudié l'ensemble des possibilités alternatives, et je crois que ce texte, ne serait-ce que pour cela, n'a plus de raison d'être.
Pour la motion... (Brève panne de micro.) ...le travail qui avait été demandé a été fait de façon très complète. Alors, Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut être clairs: les conclusions des travaux de la commission de l'énergie sont limpides. Sauf à faire preuve d'une mauvaise foi crasse, sauf à vouloir faire le jeu des lobbies nucléaires, sauf à vouloir faire preuve d'un dogmatisme d'un autre âge, je crois qu'il est évident aujourd'hui que la CCF est la seule solution de transition crédible pour faire face aux besoins d'électricité de notre canton. Et j'insiste sur un point, c'est important. A entendre les Verts, on a l'impression que hors des économies d'énergie il n'y a pas de salut ! A entendre le MCG, hors de la géothermie il n'y a pas de salut ! Mais, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas «ou l'un ou l'autre», c'est «et l'un et l'autre» de ces domaines qu'il faut développer, sur lesquels il faut mettre l'accent. La politique des Services industriels de Genève, depuis de nombreuses années, va précisément dans ce sens. Il y a une année déjà, il était évident que cette solution était la seule possible pour Genève, en complément évidemment de tout le reste. Mais aujourd'hui, alors même que le parlement fédéral vient de voter la sortie du nucléaire, il est aberrant de chercher encore à bloquer ou à ralentir un projet qui va précisément dans le sens de trouver des solutions alternatives au nucléaire. Aujourd'hui, tous les experts de la Confédération disent que les centrales à gaz, mais surtout les centrales à cycle combiné, du type de la CFF, sont une solution incontournable.
Aujourd'hui, nous avons ce projet pour Genève. Il a été étudié, cela a été dit, il correspondra à l'équivalent de 10% de notre consommation de l'électricité. Il faut aller de l'avant, sans mettre un frein ou de nouvelles conditions à sa réalisation. Dans ce sens, l'amendement du PLR, qui pose précisément de nouvelles conditions, est de nature à freiner le démarrage du projet. Donc, il faut aller de l'avant aujourd'hui ! Un argument a été évoqué dans les rapports de minorité, c'est l'argument du CO2. Effectivement, le gaz n'est pas la solution idéale, le gaz produit du CO2. Mais je rappelle que ce projet est lié au chauffage à distance ! Il faut encore insister sur un point qui devrait être évident pour tout le monde: ce chauffage à distance, lié à la CCF, va permettre de désaffecter des centaines de chaufferies à mazout, infiniment plus polluantes en CO2 et en particules fines que le sera la CCF. Là aussi, il tombe sous le sens que nous avons intérêt, même en termes de bilan CO2, à aller de l'avant avec ce projet.
Reste l'argument de la localisation. Mme Moyard l'a rappelé, il n'y a pas un mot dans les deux textes nous occupant aujourd'hui qui précise que nous parlons de Vernier ! Or il est évident que les débats de la commission ont été, je dirai, pollués par les préoccupations électoralistes. Vernier est une grande commune - c'est la deuxième ville de notre canton - et il est vrai que Vernier n'a pas toujours été gâtée et n'a pas toujours été entendue au niveau de ses préoccupations en matière d'aménagement. Je crois qu'il y a certainement des relations à améliorer entre le Conseil d'Etat et la commune de Vernier, mais de là à bloquer un projet essentiel pour Genève, sous prétexte que les relations entre la commune et le Conseil d'Etat sont mauvaises, ça paraît un peu fort ! Donc, j'aimerais dire aussi, par rapport à cette localisation, même si ce n'est pas le sujet de ces deux textes, que Vernier a aussi beaucoup à gagner à accueillir cette centrale sur son territoire, soit au Lignon, soit à la STEP d'Aïre, parce que des mesures de compensation intéressantes sont envisageables de la part des Services industriels. Une partie de ces mesures de compensation pourraient être mises en oeuvre sur la commune.
J'aimerais dire pour terminer, Mesdames et Messieurs les députés, que nous ne voyons pas la CCF comme un oreiller de paresse. Ce n'est pas la CCF parce que nous n'avons pas exploré d'autres voies: c'est la CCF et tout le reste qui est déjà en train d'être développé. Les SIG sont aujourd'hui cités en exemple dans toute la Suisse par rapport à la politique menée sur le plan des économies d'énergie; notre canton, vous le savez, a voté, avec la majorité de ce parlement, la loi sur l'énergie la plus progressiste de Suisse. Là aussi, nous sommes à la pointe ! Tout cela va ensemble.
Donc, de grâce, Mesdames et Messieurs les députés, donnons ce soir le feu vert à ce projet important pour Genève: ne mettons pas de frein ou des conditions supplémentaires à sa réalisation. Je vous en remercie.
M. Florian Gander (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, j'ai eu le plaisir d'intégrer en 2009 la commission de l'énergie, et le premier sujet a été cette centrale chaleur-force qui nous a été présentée par les Services industriels comme un paquet-cadeau: une centrale bien ficelée, la seule solution actuelle pour qu'on ait de «l'énergie propre» - cela dit entre guillemets - efficace et immédiate. Les autres énergies ? Il ne fallait pas trop en parler, ce n'était vraiment pas l'idéal, et les SIG n'étaient pas prêts. Leur paquet était parfait, il fallait que l'on vote absolument cette centrale chaleur-force. Or, pendant une année, la commission a énormément travaillé, dans une bonne ambiance, avec quelques conflits, beaucoup de discussions, une superbe motion - la motion 1985 quasiment votée à l'unanimité - pour l'étude du sous-sol genevois. Et j'en suis franchement extrêmement fier, parce que c'est quand même un travail que nous avons a réussi à faire ensemble, et cela permettra, à l'avenir, de pouvoir faire de la géothermie à Genève.
Cependant, mon collègue MCG Eric Stauffer l'a relevé tout à l'heure, la centrale chaleur-force, cela reste du gaz ! Cela reste polluant et c'est une énergie fossile ! Le MCG ne veut pas de cette énergie ! Le MCG a une vision d'avenir et, comme l'a dit tout à l'heure mon collègue, nous souhaitons que le Conseil d'Etat parte dans cette vision d'avenir. Nous voulons, à l'heure actuelle, mettre tous les moyens possibles dans l'étude des nouvelles énergies ! Alors effectivement, on nous signale qu'il ne faut pas dire «que» la géothermie ou «que» l'éolien... On est d'accord de travailler avec le «et», mais on peut travailler avec le «et» en économies d'énergie «et» en énergie propre ! On peut avoir «et» l'éolien, «et» la géothermie, «et» l'énergie solaire ! Nous sommes allés visiter il n'y a pas longtemps une cité solaire à Satigny, où les immeubles ont un rendement magnifique en termes d'économies d'énergie: ils ne polluent pas ! C'est un travail fabuleux qui a été fait là-bas ! Nous devons prendre exemple et construire nos immeubles et nos maisons comme ça ! Mais nous ne pouvons pas accepter aujourd'hui cette centrale chaleur-force !
Vernier ne veut pas de cette centrale chaleur-force. Elle ne veut pas de cette centrale au Lignon. On nous a parlé de la STEP d'Aïre. Dans le pire des scénarios, qui serait pour nous celui où cette centrale doit être construite, ce serait l'endroit le moins catastrophique. Cependant, ce n'est pas l'idéal. Ce n'est pas ce que nous voulons ! Nous voulons que les énergies soient propres et nous voulons travailler sur les nouvelles technologies ! Nous avons un savoir-faire et nous avons des têtes, je l'ai déjà dit dans ce parlement. Nous avons des têtes: nous avons l'EPFL, en Suisse ! Nous avons d'autres écoles où des gens sont capables de trouver des solutions. A l'heure où le Conseil fédéral nous demande de faire marche arrière sur le nucléaire... Je tenais à préciser justement que nous avons auditionné un représentant du Conseil fédéral, qui nous a dit... Enfin, «des énergies», excusez-moi ! L'Office fédéral de l'énergie - je reprends, voilà ! - qui, à l'époque, nous disait: «Le Conseil fédéral ne voit l'avenir qu'avec le nucléaire», nous parlait déjà de ces futures centrales nucléaires qui allaient être votées et construites. Vous voyez, en un an et demi tout peut changer ! Le gouvernement fédéral... Tout a changé ! Ils ont fait marche arrière ! Et maintenant, ils vont mettre tous les moyens imaginables dans ces énergies renouvelables.
Alors nous vous prions de suivre ces deux textes, de refuser cette centrale chaleur-force, de donner tous les moyens au canton et de demander - par des résolutions ou par tous les moyens imaginables - à la Confédération de nous aider à trouver des énergies propres ! Et je suis sûr que ce sera avec plaisir qu'ils nous aideront. C'est pour cela, chers collègues, que je vous demande de soutenir ces deux textes et de refuser cette centrale chaleur-force. Merci ! (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord, en tant qu'ancien président de la commission de l'énergie, remercier Mme Salima Moyard pour son excellent rapport, de même que les membres de cette commission qui ont permis de mener des travaux dans un esprit serein - et manifestement pas constructif jusqu'au bout, même si l'essentiel des travaux l'ont été. J'aimerais aussi remercier les nombreux experts qui nous ont permis de nous forger une opinion, on va dire structurée, intelligente, et qui nous permet aujourd'hui de mener un débat qui, je le rappelle, porte à la fois sur une motion et une résolution. Elles n'ont donc pas de caractère contraignant, ce n'est pas un projet de loi. Et même si nous acceptions cette motion et cette résolution, on ne pourrait pas en déduire que, définitivement, une centrale chaleur-force ne pourrait pas voir le jour à Genève. En fait, fondamentalement, la problématique est connue de tout le monde et nous partageons certains objectifs: nous avons des besoins en chaleur et en électricité. Aujourd'hui, une partie de cette électricité est produite par le nucléaire, une partie de la chaleur vient des énergies fossiles, et nous devons envisager d'autres solutions.
Evidemment, les travaux de la commission ont permis d'étudier les différentes alternatives: le solaire, l'éolien, la géothermie, la biomasse, etc., et de voir quels sont les potentiels de ces différentes énergies pour les prochaines années. Parce qu'entre «y'a qu'à», «y faut qu'on», «dans les quarante-cinq jours qui suivent on va creuser, on va tout faire avec de la géothermie», eh bien, entre cela et la réalité, ma foi, je pense qu'il faut une petite dose de pragmatisme ! C'est bien joli que le Conseil fédéral annonce une sortie du nucléaire, c'est bien joli que les Chambres fédérales - en tout cas au Conseil national - soient sur la même longueur d'ondes, mais la réalité est qu'on sait très bien ce qui se passe: notre consommation augmente chaque année. Donc aujourd'hui, la réalité, c'est que par pragmatisme nous savons que nous avons besoin de produire davantage d'électricité, que nous le voulions ou non. Et nous pouvons trouver des solutions intelligentes pour le chauffage: avec le chauffage à distance.
Donc, le risque est la pénurie. Parce que la décision d'aujourd'hui, au niveau des Chambres fédérales - et je ne me fais pas d'illusion, on sait très bien que les Chambres fédérales peuvent, dans trois ans, changer d'idée... Car Fukushima sera oublié, comme Tchernobyl l'a été, puisqu'on est revenu avec des projets de centrale nucléaire. Pour les mêmes raisons, on pourra revenir en disant: «C'est terrible, nous n'avons plus assez d'électricité pour nos iPhones, iPads, ordinateurs, télévisions, etc.» Notre mode de vie est basé sur la consommation d'énergie, sur la surconsommation d'énergie, et, jusqu'à preuve du contraire, aujourd'hui nous n'avons pas changé d'attitude ! Nous n'avons pas changé suffisamment de comportement et nous n'avons pas inversé la courbe.
Alors, de façon pragmatique, produire une partie de cette électricité à Genève semble être un choix raisonnable, quand il n'y a pas de nuisances particulières pour les habitants. Ce qui est le cas de cette centrale chaleur-force, car elle ne produit pas de nuisances directes dans son environnement immédiat, contrairement à ce qu'affirment certains. De plus, elle permet justement aux SIG, de façon extrêmement intelligente, de faire un programme de compensation des émissions de CO2, qui permet aussi d'instiller dans l'économie genevoise et chez les Genevois des comportements d'économie de CO2. Nous devons nous en féliciter, car c'est quand même les SIG, c'est une entreprise qui le fait, alors qu'on pourrait dire que cela dépend aussi de la responsabilité politique de notre Grand Conseil. Et j'attends encore de voir les lois que nous allons voter pour économiser le CO2 ! Je vais prendre un seul exemple, car tant la résolution des Verts que la motion des radicaux invoquent les problèmes d'émission de CO2 ! Mais que voyons-nous à Genève dans le même temps ?! On demande une traversée du lac: 3 milliards, 4 milliards pour des voitures ! Alors que les voitures, aujourd'hui, c'est 40% des émissions de CO2 ! Et s'il y a bien un potentiel où nous pouvons économiser... (Remarque.) ...le CO2 de façon élémentaire, c'est bien sur l'automobile. (Commentaires.) Donc il est tout à fait raisonnable aujourd'hui de se dire qu'on devrait produire localement ce qui peut l'être et essayer de faire des efforts de façon parallèle ! Car là réside le problème ! En réalité, il n'y a pas besoin d'opposer la CCF aux économies d'énergie que nous souhaitons tous, du moins en théorie.
Les économies d'énergie, l'isolation des bâtiments, il faut voir cela dans le concret. Si la consommation baisse, si la demande en énergie baisse, parce que les maisons sont mieux isolées, eh bien soyons pragmatiques ! Nous pourrons étendre le réseau de chauffage à distance, car nous pourrons chauffer davantage d'immeubles avec la même source. Et puis, nous ne produirons pas seulement 10% de la consommation genevoise d'électricité: nous en produirons 20%, si nous réduisons notre consommation ! Donc, nous produirons localement notre électricité, ce qui est souhaitable.
J'aimerais revenir sur la question de l'amendement radical, qui est particulièrement... J'ai envie de dire: «pervers»... (Brouhaha.) ...parce que, dans la motion actuelle, il est indiqué que les radicaux souhaitent... Donc, il est demandé au Conseil d'Etat «d'envisager de renoncer». C'est presque une formulation démocrate-chrétienne, mais on va faire avec ! «Envisager de renoncer», alors que dans la nouvelle formulation, après cet amendement, c'est: «à renoncer à la construction» de la centrale chaleur-force, tant qu'il n'y a pas les pompes à chaleur. Alors c'est bien pire ! Aujourd'hui, on casse le projet industriel qui a été monté. Rien n'empêche de faire des pompes à chaleur en parallèle ! D'ailleurs, moi j'aurais invité les libéraux et les radicaux à faire un texte parallèle ! Il n'y avait pas besoin de venir ici pour déposer un amendement - mais évidemment, c'est votre texte, vous voulez le sauver. C'est vrai qu'en l'occurrence, les radicaux, c'est très clair... Votre texte, c'est du «greenwashing» ! C'est comme la Migros avec le WWF ! Vous êtes pour les centrales nucléaires depuis toujours ! Vous vous abstenez aux Chambres fédérales, alors que la majorité est contre le nucléaire ! Mais, ici, vous voulez passer pour des écolos de service ! Alors qu'est-ce que vous faites ? Vous dites: «Ouh, il faut combattre les émissions de CO2» ! Pas celles des voitures, qui occasionnent la majorité des émissions des CO2, mais celles de la centrale chaleur-force, qui représentent une partie infime des émissions du canton. C'est du «greenwashing» des radicaux-libéraux, des radicaux en particulier, pour se faire passer pour plus écolos qu'ils ne le sont. Bien entendu, on voit même qu'entre les radicaux et les libéraux, il y a de l'eau dans le gaz - c'est le moins qu'on puisse dire - sur cette motion, puisqu'en commission les libéraux l'ont catégoriquement refusée.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, pour conclure, je dirai que la question essentielle, c'est le lieu. Et c'est vrai que le Conseil d'Etat n'a pas fait son travail de façon satisfaisante sur ce point. Il aurait été possible d'avancer déjà sur l'alternative que représente la STEP d'Aïre. Mais cette motion et cette résolution, je vous invite à les refuser et, donc, d'accepter cette centrale chaleur-force qui est une solution de transition raisonnable et nécessaire. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne le contestons pas, la CCF un excellent projet économique, élaboré par une entreprise compétente dans son domaine: la production d'énergie. C'est un excellent projet économique qui, même avec l'augmentation prévisible du prix du gaz, restera une entreprise rentable, puisqu'il faudra de toute façon payer l'électricité et la chaleur, quel qu'en soit le prix. Nous restons par contre sceptiques sur l'argument principal selon lequel cette CCF est absolument nécessaire pour financer les économies d'énergie dans le cadre du programme ECO21, et donc pour compenser la production de CO2 de la CCF à gaz. Ce projet, je l'ai dit, est un bon projet économique, mais c'est un vieux projet économique. Parce que, vous l'avez remarqué cette semaine, nous avons changé d'ère. Nous sommes entrés dans l'ère postnucléaire, qui en est à son début. Le changement de ce paradigme historique, que nous venons de vivre avec cette sortie du nucléaire promue par le Conseil fédéral, était une chose totalement impensable il y a deux mois, voire il y a dix jours. Et ce changement de paradigme doit modifier la façon de penser, la façon de planifier la transition. La sortie du nucléaire est enclenchée. Il faut l'accompagner progressivement, sans rompre nos engagements dans la réduction des émissions de CO2, tout en satisfaisant, bien sûr, les besoins énergétiques.
Il est aussi vrai que, parallèlement, l'action des SIG est assez exemplaire: ils sont déterminants dans la production d'énergie éolienne, par leurs investissements massifs qu'ils vont consentir dans la construction de 300 éoliennes; ils sont un moteur de la prospection géothermique dans le canton de Genève; ils sont les promoteurs de l'énergie photovoltaïque, dans le canton de Genève également. Nous leur sommes reconnaissants d'explorer ces solutions vers la production d'énergie renouvelable et décentralisée, mais ils ne sont pas les seuls ! Cette semaine, le Tessin a inauguré une CCF à biogaz. Evidemment, c'est une petite CCF, avec 1,5 million de GWh électriques et 1,8 million de GWh thermiques. Il a été annoncé hier un projet décentralisé de centrale photovoltaïque sur souscription aux habitants et aux entreprises d'Yverdon. Voilà un exemple de production d'énergie renouvelable ! C'est 12 000 m2 de panneaux photovoltaïques. Mais plus important encore, hier, grâce au relèvement du prix plafond de l'électricité d'origine renouvelable voté au Conseil national, 8000 projets de production d'électricité renouvelable viennent d'être débloqués en Suisse. Cela, c'est une donnée extrêmement importante, c'était juste inimaginable il y a quelques jours.
Les SIG, avec leur investissement de 260 millions de francs destinés à la CCF, peuvent être un acteur majeur de la production d'énergie renouvelable et décentralisée à Genève. Dans un cadre favorable, cadre ouvert par la loi sur l'énergie l'année dernière, les SIG veulent construire un gros chauffage à gaz. Pourquoi alors ne pas construire des centaines de petits chauffages solaires couplés à des pompes à chaleur ? La construction de la CCF, son fonctionnement et la construction des réseaux de chauffage à distance, va nécessiter un investissement de 260 millions de francs. Que représentent 260 millions de francs, si l'on achète autre chose ? Eh bien, 260 millions de francs, c'est 260 000 m2 de panneaux solaires de dernière génération, fabriqués en Suisse; c'est 2600 bâtiments de trois étages couverts de panneaux solaires et alimentés par cette chaleur; c'est 8000 logements autonomes des énergies fossiles, à gaz ou à pétrole. Et c'est ce dont nous avons besoin en ce moment ! Les SIG peuvent donc être les promoteurs de cette production massive de chaleur solaire. Ils peuvent en faire une entreprise aussi rentable que la CCF, dans un contexte de construction qui, je vous le rappelle, ouvre actuellement à celle de 12 000 logements planifiés à Genève. Voilà ce que l'on peut faire avec 260 millions ! Les SIG peuvent être les initiateurs de cette transition. Ils peuvent également être les initiateurs des dizaines d'emplois locaux qui accompagneraient cette utilisation du solaire à Genève.
Dans ce contexte-là, vous comprendrez que nous soutiendrons... (Remarque.) Merci... (Brouhaha.) Dans ce contexte-là, nous soutiendrons la motion dans sa version initiale. Nous refuserons l'amendement et, bien sûr, nous vous recommandons de voter la résolution Verte. Merci ! (Applaudissements.)
M. Miguel Limpo (Ve). Monsieur le président, un député de l'Entente me disait l'autre jour que l'on parlait trop souvent de Vernier. Pour une fois, j'étais bien d'accord avec lui. Malheureusement, notre Grand Conseil parle régulièrement de la deuxième ville du canton, et rarement de manière positive. En effet, en l'espace de quelques années, des infrastructures ont été créées, rarement de celles qui agencent en bien la commune. Que ce soit de la part des habitants, des habitantes, ou des autorités, on ne compte plus le nombre de plaintes ou de problèmes liés aux infrastructures cantonales, installées sur le territoire de la dix-septième ville de Suisse: centres commerciaux placés dans des axes engorgés, autoroute scindant la commune en deux, pétroliers empêchant la construction d'entreprises à forte valeur ajoutée, pertes de valeur de terrains dues aux approches de l'aéroport, STEP d'Aïre, et bientôt dépôt TPG. A mon avis, il est clair que la commune a sacrifié une partie de sa qualité de vie pour le bien-être de notre canton.
Ainsi l'implantation d'une CCF sur le sol de la commune est une réelle solution de facilité - pour, peut-être, la majorité de ce Grand Conseil - laquelle aboutira sans aucun doute à des problèmes importants: 120 000 tonnes de CO2, un panache de fumée considérable en pleine zone extrêmement dense. Il y a environ 7000 habitants à côté, soit l'équivalent d'une commune comme Plan-les-Ouates - non, Plan-les-Ouates a déjà 10 000 habitants - donc soit l'équivalent d'une grosse commune. Apparemment, quand il s'agit du Lignon ou quand il s'agit de Vernier, cela ne pose de problème à personne, on entend même dire que la commune a tout à gagner. On a décidé, dans ce Grand Conseil, de séparer la localisation de cette centrale chaleur-force du projet même, comme si sa création à Vernier ne posait aucun problème et comme si cela convenait à tout le monde: je me demande si cette position aurait été la même s'il avait été prévu de l'implanter sur le sol de Plan-les-Ouates, sur celui de Bernex, voire de Cologny... J'en doute fortement.
Juste pour rappel, il me semble assez surprenant de la part de la majorité, notamment libérale, d'aller à l'encontre des décisions prises par ces mêmes groupes au niveau communal. C'est peut-être parce qu'en l'espace de quinze ans le groupe libéral y a perdu une bonne partie de ses électeurs, probablement à cause des positions que cette majorité cantonale a prises. Donc, pour finir, je souhaite rappeler à quel point c'est un oreiller de paresse, non seulement de construire, comme l'a dit mon collègue Hugo Zbinden, une centrale chaleur-force, mais aussi de choisir Vernier, où cela ne soulève de débat pour personne, puisqu'on considère que ces 30 000 habitants supportent déjà assez, mais qu'ils peuvent encore en supporter un petit peu.
Pour toutes ces raisons, et pour une question d'équilibre vis-à-vis de Vernier qui, de nouveau, subit cette majorité du Grand Conseil, je vous demande donc de vous opposer à ce projet de CCF, lequel va encore léser 30 000 habitants, soit la deuxième commune du canton. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, en préambule de mon intervention, j'aimerais tout d'abord relever la qualité du travail du rapport de majorité, qui est très objectif et a décrit les sensibilités des divers groupes. Cela est une première réflexion. Puis, j'aimerais signaler le bon état d'esprit dans lequel se sont déroulés les travaux toute cette année.
Avant de faire le débat sur l'énergie globale de notre pays - les Chambres fédérales s'en occupent - j'aimerais revenir plus précisément sur le projet de la CCF.
Une petite donnée en termes de reconversion renouvelable: cette CCF sur laquelle nous nous posons ces questions, c'est 70 éoliennes. Pour faire tourner une CCF à la biomasse - vous savez qu'en tant que menuisier j'étais très intéressé, ainsi que mon collègue François Haldemann, à valoriser les déchets du bois - on s'est très vite aperçu des difficultés, car il faudrait 700 tonnes de bois par jour, ce qui correspond, après calcul, à 35 camions bennes... C'est devenu assez rapidement irréaliste. En effet, sachant que 255 000 tonnes de bois sont produites par jour en Suisse, cela correspond à 10% de la production helvétique. Donc c'est un voeu pieux que nous avions, mais qui est difficilement réalisable.
Ensuite, avec une analyse objective sur le projet, j'aimerais dire qu'on focalise beaucoup sur la production d'électricité; mais il est important de mettre dans la balance le réseau CAD, déjà effectué, son maintien et la vision d'investissement. Le réseau CAD a été développé il y a quelques années déjà, avec la cité d'Onex, et il est existant. Le développement et le maintien de ce réseau CAD sont valorisés par les déchets des Cheneviers qui avaient une certaine production. Les divers épisodes sur les incinérations des déchets napolitains ne nous ont pas permis... Ils ont diminué la production des Cheneviers qui, en termes d'incinération de déchets, produisaient de la chaleur. Donc cette chaleur n'est plus vendable, elle n'est plus exploitable. Ainsi, il y a une perte sur le réseau CAD. Pour compenser cela, on peut valoriser l'élément de la CCF - et cela, c'est un argument que je n'ai pas encore entendu, on se concentre surtout sur la production électrique. La CCF a aussi un aspect très intéressant, le ratio deux tiers/un tiers, c'est la production du chauffage à distance et le maintien du réseau CAD.
Cela m'amène, non pas à justifier, mais à vous donner des pistes de réflexion sur la validité de notre amendement et sur la préoccupation juste et équilibrée de l'investissement que l'on va faire. On parle de vingt-cinq ans, mais le réseau CAD qu'on a développé est valable pour soixante ou quatre-vingts ans. La question à se poser en tant que politiques et responsables, c'est: comment va-t-on poursuivre le réseau CAD dans vingt-cinq ans, pour les quarante prochaines années consécutives ? Il y a des pistes sur le renouvelable, mais la valorisation maximale d'une centrale chaleur-force, c'est d'augmenter son rendement maintenant. Voilà un premier élément.
Ensuite, j'ai relevé quelques points dans le débat, notamment le fait que le projet n'était finalement pas une question d'argent... Je pense que c'est fondamentalement une question d'argent ! En effet, quand je fais - moi qui suis entrepreneur - un calcul d'investissement, il n'y a pas de sommes mirobolantes; on essaie alors de maximiser son investissement, avec un rendement, une vision, une reconversion, une revente, un impact, un lien énergétique et, aussi, social. Je pense qu'on nous critique, le PLR, pour avoir fait cet amendement à la dernière minute - on pourrait dire «à la hussarde» - mais je pense qu'il s'inscrit dans un souci de société, un souci juste de valoriser le bon projet. Et là, je vais vous parler en tant que bâtisseur et constructeur. Vous savez, je n'ai jamais eu, dans ma vie professionnelle ou dans mon environnement associatif, le but de torpiller un projet, ni de le descendre. J'ai toujours essayé - c'est ma personnalité - de rassembler les gens autour d'une table, de discuter et d'être constructif, c'est une philosophie familiale, et je le dois à ma formation d'indépendant et de bâtisseur.
Je peux vous dire que cet amendement n'est pas arrivé par hasard, mais simplement parce que nous avons le choix politique de dire: «Voulons-nous améliorer ce rendement thermique avec des pompes à chaleur ? Nous allons donner - je suis pour la CCF évidemment, mais prenons du recul - un blanc-seing, sans savoir exactement où sera la centrale. Et lorsque vous construisez une maison, la première chose à faire est de définir la parcelle. Ensuite, vous définissez le gabarit et vous placez à l'intérieur ce qu'il y a mettre. Mais là, vous êtes simplement en train de dire: «On fait une CCF. En fait, on ne sait pas où... on verra bien.» Donc l'amendement est parfaitement justifié et je pense honnêtement que, si l'on prend du recul quant au lieu, on peut discuter, on peut trouver des solutions en commission. La solution, je la vois à la STEP d'Aïre. Pourquoi ? Parce qu'on valorise des bacs, des STEP, et n'importe quel argument technique ne peut pas démonter ce projet. C'est peut-être politique, soit ! Mais techniquement, combattre l'amendement est indéfendable: parce qu'en hiver, lorsque vous valorisez le thermique, vous prenez de l'eau du Rhône qui est à 3 ou 4 degrés, alors qu'en la pompant dans une STEP vous êtes à 20 degrés. Vous avez un delta de pratiquement 15 degrés. Ce delta est gratuit, il est là, excusez-moi, c'est de la «merde». Et l'on valorise de la «merde» pour faire un rendement technique. Alors l'expression est très crue, mais je pense qu'en faisant preuve d'honnêteté intellectuelle vous ne pouvez pas combattre l'amendement. Ensuite, en ce qui concerne la géothermie...
Le président: Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.
M. Serge Hiltpold. En ce qui concerne la géothermie, c'est évidemment très favorable. Simplement, en ayant visité la centrale de Soultz, nous avons vingt ans à attendre - avec une certaine prudence. Nous avons meilleur temps de tempérer cet investissement, avant de le faire mal et de briser l'élan dans lequel il est lancé. C'est pourquoi le groupe libéral-radical vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter l'amendement, d'être ouverts et de le voter. Merci ! (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés. Tout d'abord je vous suggère, Monsieur le président, de faire voter la résolution avant la motion, cela me paraît plus logique. Cela dit, pour commencer, j'aimerais dire quelques mots à mon collègue Eric Leyvraz au sujet de la politique fédérale en matière d'énergie et d'économies d'énergie. Je note, cher collègue, que chaque fois qu'au parlement fédéral il s'agit de voter des économies d'énergie, des mesures d'incitation - notamment la rétrocession de la taxe CO2 - pour améliorer la performance des bâtiments - et 600 millions ont été votés pour permettre d'économiser de l'énergie dans la construction - eh bien, votre parti, l'UDC, traîne les pieds ou s'oppose. Donc je crois qu'on n'a pas de leçon, cher collègue, à recevoir de votre parti en ce qui concerne la politique énergétique globale. Mais revenons à Genève, si vous êtes d'accord.
J'étais le premier signataire de cette motion. Nous étions quelques-uns - vous êtes tous là - et peut-être vous êtes vous posé cette question: «Mais quelle mouche a piqué les radicaux - ou avait piqué les radicaux en 2008-2009 - pour avoir déposé cette motion ?» Peut-être étions-nous tombés sur le chemin de Damas ! Cela peut arriver ! Et les changements de circonstances que nous avons connus ces dernières années ont eu un effet sur une prise de conscience quant à l'avenir de la consommation et quant à la production énergétiques; cela, non seulement dans le monde mais dans notre pays. Si nous avons déposé cette motion - à l'époque, personne d'autre n'y avait pensé - c'est parce que nous voulions provoquer un débat. Un vrai débat ! Et tout ce que l'on entend depuis une heure et demie confirme qu'il fallait et qu'il faut ce vrai débat ! Et l'on voit des prises de position. Des positionnements qui ne sont pas forcément attendus de la part de certaines forces politiques. Vous me direz que c'est facile à dire, mais le débat que nous avons maintenant sur un problème de société a été provoqué. Il a été rendu possible par cette motion travaillée en 2008-2009.
Cette motion repose également sur un programme que nous avions établi et qui a été adopté par l'assemblée des délégués du parti radical, à l'époque, programme qui était à la base des élections fédérales voici quatre ans. Je rappelle quand même cet historique. Dans ce programme il y avait des mesures, des propositions très concrètes, sévères et lourdes en matière d'économies d'énergie, notamment dans le bâtiment, puisque c'est là que l'on consomme entre 50% et 60% des ressources non renouvelables, le reste étant consommé notamment dans la mobilité. Donc, je me réjouis, et nous nous réjouissons, que la commission ait travaillé avec sérieux - cela a été dit par plusieurs commissaires - et qu'aujourd'hui il y ait un débat fondamental, porteur d'avenir.
Ce qui me réjouit particulièrement aujourd'hui, c'est l'amendement. Eh bien oui ! «C'est un amendement constructif», a dit mon collègue. Amendement qui vise à un bien meilleur rendement de la part de cette CCF. Cela deviendrait une «CCF+». C'est à la mode ! «+», cela veut dire avec un rendement qui s'approche de 100%. Cette proposition d'amendement ne va pas freiner la réalisation; il n'est pas possible de la freiner davantage, puisque vous n'en avez même pas prévu la localisation ! Cela a été rappelé par M. Deneys, il ne s'agit, avec cette résolution et cette motion, que de textes qui ne sont pas impératifs ! Donc je trouve que cela enrichirait le débat et sa portée, en proposant et en votant cet amendement. Ce qui aura comme résultat de proposer une installation de production proche des 100%. Surtout en utilisant des ressources renouvelables ! C'est cela qui est important ! Cela viendrait confirmer les déclarations de mon collègue Lefort - il n'est plus là maintenant - qui a fait l'inventaire de toutes les mesures que l'on peut prendre, additionnées - c'est bien «et»: additionnées ! - pour économiser de l'énergie et produire de l'énergie électrique de façon plus respectueuse de l'environnement.
Dès lors, je vous demande de voter cet amendement. Ce n'est pas une idée comme ça ! Ce n'est pas une volonté des radicaux et des libéraux de vous mettre en mauvaise posture ! Il n'y a aucun problème à le voter. Le résultat sera positif et ce parlement montrera qu'il est responsable. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il a été pris note de votre proposition sur le sens des votes, entre la résolution et la motion. La parole est à M. Philippe Morel.
M. Philippe Morel (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit ! (Exclamations.) Et comme tout a été dit, je vais paraphraser ce que je fais le plus clair de mon temps en dehors de ce cercle. Nos collègues du MCG proposent une interruption de gestation. On l'a dit: il y a deux ans, trois ans, que ce projet a été mis en route, qu'il a été réfléchi, évalué, soupesé, qu'il a été soumis à des experts, des expertises, des contre-expertises. Et puis, maintenant, on fait une interruption de gestation. Pire: on fait la politique de l'autruche. On met la tête dans le sol... et on cherche la géothermie. (Rires.) Alors, interruption de gestation plus politique de l'autruche, ce ne sera peut-être pas la solution énergétique de l'avenir.
Nos collègues de l'UDC nous font une leçon d'épidémiologie et de transmission des maladies... Dans le fond: serre-moi la main et tu sentiras ma chaleur et ma force. (Rires.) Je suis d'accord, je souscris, je leur serre la main. Nos amis Verts voient dans cette solution une guérison: la guérison du nucléaire, la guérison et l'abstention du nucléaire. Et dès lors que le malade est guéri, eh bien, il n'y a plus de traitement: on ne consomme plus, on ne produit plus d'énergie et, dans le fond, arrêtons-nous là... Cela n'est peut-être pas non plus la solution.
Le PDC a été traité par quelqu'un de «girouette»... Tiens, «girouette» ! «Girouette», c'est peut-être une petite éolienne ! C'est peut-être une source d'énergie de l'avenir. Peut-être qu'une fois de plus le PDC se trouve à la pointe et a trouvé la solution à la production d'énergie. (Brouhaha.) La girouette produit beaucoup d'énergie, beaucoup de chaleur ! Peut-être avons-nous là une part de la solution, en plus de la centrale chaleur-force. Nos collègues socialistes veulent bien un pont sur la rade, mais pas des voitures... Alors fabriquons la centrale chaleur-force sur le pont au-dessus de la rade ! On pourrait y ajouter des éoliennes et y faire passer les piétons et les vélos de la mobilité douce qui nous est chère. Pour ce qui est du PLR, c'est: «Oui, mais». C'est l'indécision. Cela me rappelle les discussions avec mes collègues internistes: «Oui, mais...». Comme chirurgien, c'est plutôt: «Oui», et je coupe !
Trêve de plaisanteries. Nous avons eu l'occasion, pendant les séances de la commission, de voir à quel point ce projet était sérieux, de voir à quel point les Services industriels s'orientent vers des sources, des possibilités, des alternatives différentes, ne ménageant ni les solutions pour économiser l'énergie, ni celles pour trouver de nouvelles sources renouvelables. La politique du «et», du «et», et du «et», mais pas la politique du «oui, mais». Dans cette politique du «et», les Services industriels de Genève sont certainement un exemple national et probablement aussi international, recherchant, investiguant, non pas dans la théorie, mais dans la pratique, l'ensemble des sources potentielles d'énergies renouvelables et, simultanément, procédant aux économies qu'il est nécessaire de faire.
Lorsqu'on a parlé d'avenir, nous avons eu l'occasion d'interviewer récemment et d'entendre le directeur des SIG. Le projet d'avenir est clair au moins à quinze ans, peut-être à plus de quinze ans: la centrale chaleur-force est une étape. Un «et» parmi d'autres «et» ! Il faut que cette centrale voie le jour. Il faut qu'elle voie le jour rapidement ! Comment est-ce que nos concitoyens accepteraient le message d'il y a quelques jours, «On se prive du nucléaire», et qui, demain, dit: «Non, nous ne fabriquerons pas de centrale chaleur-force»... Je ne suis pas sûr que toutes les explications techniques qu'on a entendues soient séduisantes, compréhensibles, et recueillent leur intérêt.
Nous nous privons du nucléaire, nous faisons un pas vers la centrale chaleur-force; avec le maximum d'énergie et, avec, bien sûr, d'autres solutions. Le PDC vous recommande d'accepter la construction de cette centrale, même si une résolution dans le sens du «et» qui pourrait être «et pour stimuler la recherche d'énergie de pompes à chaleur» pourrait être un complément à l'acceptation de la construction de cette centrale dont, je l'espère vivement, les journaux vont parler demain. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. René Desbaillets (L). Merci, Monsieur le président. Ce soir, je dois vous dire que je suis inquiet. Je suis inquiet de voir que, pour un problème purement technique qui est celui de trouver des solutions momentanées et provisoires pour sortir du nucléaire, on en vienne à un débat politique afin de savoir qui a la bonne ou la mauvaise idée. Alors je prendrai ma casquette hors politique, c'est-à-dire celle de membre du mouvement Ecologie libérale - nous sommes quelques-uns dans cette salle aujourd'hui - pour vous dire que cela fait déjà cinq ans qu'on a étudié cette centrale, directement avec les responsables des SIG. Il y a cinq ans que le mouvement Ecologie libérale fait tout ce qu'il peut pour accélérer la construction de cette centrale. Donc tout ce qui a été dit sur les aspects techniques, j'y souscris.
Je voulais simplement ajouter deux mots pour rassurer la population de Vernier, et dieu sait si j'ai milité pour essayer de défendre Vernier, notamment concernant la pollution et le bruit des avions, la circulation, les gravières, Ikea, etc. Je suis «clean» par rapport aux habitants de Vernier. Il faut savoir que le gaz, le dégagement CO2, ce n'est pas de la pollution ! D'un côté, il y a les émissions de CO2 qui se répartissent instantanément sur la planète. Cela veut dire que la centrale, qu'elle soit à Cologny, à Satigny, à Hermance ou à Vernier, eh bien, tous les habitants du canton de Genève auront leur taux de CO2 qui va monter un petit peu, même bien plus loin. Là-dessus, on voit qu'avec la compensation effectuée par la suppression de chaudières on va être quasiment à zéro, alors que, d'un autre côté, il y a les fumées qui se dégagent par du diesel, du mazout ou autres, là où il y a des métaux lourds qui peuvent retomber, des microparticules, etc. Donc, il faut que les habitants de Vernier se rassurent: ce n'est pas une pollution pour les voisins directs de la centrale.
Par conséquent, je pense qu'il faut rapidement construire la centrale, et avec l'amendement du PLR si l'on peut apporter encore une amélioration pour utiliser l'électricité qu'on aura en surplus à certains moments, afin de récupérer la chaleur des égouts genevois, comme l'a expliqué mon collègue, Serge Hiltpold. Et maintenant, je pense qu'il faut arrêter de causer, il faut voter et aller souper ! (Commentaires.)
M. Daniel Zaugg (L). Merci, Monsieur le président. J'aimerais aussi faire appel à un peu de réalisme dans ce débat. Aujourd'hui, dans notre monde moderne, on veut développer les transports publics, grands consommateurs d'énergie; on veut développer le télétravail; on parle énormément du «cloud-computing» - le «cloud-computing», c'est des fermes de serveurs énormes, d'énormes consommateurs d'énergie aussi; et l'on veut également sortir du nucléaire. Je vais vous citer quelques chiffres, pas beaucoup, mais quelques-uns: aujourd'hui, l'état de l'approvisionnement énergétique est constitués à 57% d'hydraulique et à 39% de nucléaire, c'est-à-dire que les 96% de notre approvisionnement énergétique sont partagés entre ces deux sources. Les autres 4% qui restent sont négligeables. On parle du potentiel des énergies renouvelables... Dans une projection à 2040, où l'on prend en compte le photovoltaïque, l'éolien, la mini-hydraulique, la géothermie, le biogaz, les grandes centrales hydrauliques, on arrive à 71%. Le potentiel en 2040 est de 71% de nos besoins énergétiques, et non pas de 100%. Donc il va bien falloir encore utiliser des énergies fossiles pour la transition.
Aujourd'hui, M. Stauffer nous a recommandé d'être visionnaires, de voir la Genève, la Suisse du futur, d'investir dans les énergies renouvelables, dans la géothermie... Oui, c'est vrai qu'il faut être visionnaires, mais une vision, ce n'est rien si l'on ne connaît pas le chemin pour y arriver. Quand on n'a pas le chemin, c'est juste un rêve ! Effectivement, diverses solutions alternatives ont été citées, mais c'est un chemin qui est pavé de problèmes ! Quand on parle de l'éolien et qu'on veut en planter dans le paysage, on va avoir des oppositions des Verts. Quand on parle du solaire, c'est une très bonne énergie renouvelable, mais elle ne produit que quand il fait beau. Or, on a besoin de beaucoup d'énergie quand il fait froid et moche ! Pour la géothermie, alors là, on confond tout ! La géothermie à faible profondeur marche très bien aujourd'hui et sert à produire de la chaleur. Mais quand on veut parler de production énergétique, Mesdames et Messieurs, il est question de géothermie à grande profondeur, c'est-à-dire de creuser jusqu'à 2 km ou 5 km. Cette technologie n'est pas mûre. Elle est extrêmement compliquée. Et il faut la développer ! Mais ce n'est pas quelque chose l'on va faire en quarante-cinq jours.
Après, on peut encore se dire, comme M. Zbinden, que l'on peut construire mieux ! Et il a raison ! Certains diraient que, d'abord, il faudrait qu'on construise: c'est vrai aussi. Mais surtout, il faudrait que l'on rénove. Parce que l'immense majorité du parc habitable est déjà construit ! Il faudrait qu'on le change, ce qui est une autre affaire... Et là, on a les socialistes qui vont intervenir avec la LDTR, pour dire: «Attendez, ne changez rien, ne touchez pas aux logements !» Ou alors: «Ne le financez pas»... Enfin bref, c'est compliqué.
Dernière solution, qu'est-ce qu'il nous reste ? Acheter du nucléaire à l'étranger ? Acheter du nucléaire français ? allemand ? Non, allemand on ne peut plus, ils sortent aussi du nucléaire. Donc, acheter de l'électricité à l'étranger... Ce matin, j'étais avec les personnes qui s'occupent du réseau aux SIG. Elles m'ont expliqué qu'aujourd'hui les lignes internationales sont déjà saturées et qu'on ne peut pas y ajouter quoi que ce soit; il faudrait en construire de nouvelles. Alors, des solutions, nous en avons. La dernière que j'ai citée n'était que pour l'exemple. Parce que ce n'est pas une bonne solution que d'aller acheter du nucléaire chez les autres. Mais on n'est pas en train de parler, comme M. Stauffer le disait, du fait qu'on a un problème d'indépendance énergétique. C'est pire que cela ! C'est un problème de survie énergétique. Si l'on ne produit pas l'énergie chez nous, on ne pourra pas aller la chercher ailleurs; et l'on ne va pas produire autrement avant un petit moment. Donc il faut effectivement investir dans ces nouvelles technologies. Il faut aller de l'avant, mais, dans l'intervalle, il va bien falloir qu'on s'alimente. C'est pourquoi il faut absolument soutenir ce projet, qui est un petit projet parmi d'autres, mais dont nous avons besoin. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Ainsi se termine le tour de parole des députés. Je vais redonner brièvement la parole aux rapporteurs, avant de la passer à Mme la conseillère d'Etat. Madame la rapporteure de majorité Salima Moyard, je vous cède la parole.
Mme Marie Salima Moyard (S), rapporteuse de majorité. Président, très rapidement, sur l'amendement, puisqu'il n'avait pas été présenté au moment où j'ai pris la parole: le problème de celui-ci, fût-il intéressant, est que voté tel quel il signe l'arrêt de mort de la CCF. D'accord ? Parce que, non, il n'est pas possible d'avoir, dès sa mise en fonction, une ou plusieurs installations, sinon il faut refaire un nouveau projet, ce qui prendra, deux, trois, quatre ans. Et, non, il n'est pas possible d'avoir un surcroît de 25% d'énergie thermique, tel que c'est rédigé. Je pense que les radicaux n'ont pas lu le rapport jusqu'à la fin et les chiffres avancés par M. Favrat qui étaient en moyenne nationale de 10% à 20%. Donc, à tout le moins, on pourrait être intéressés à accompagner si possible, dès sa mise en fonction, la centrale à gaz d'une ou plusieurs pompes à chaleur.
Autre élément: les SIG ont réfléchi à cette question, mais il faut savoir de quelles pompes à chaleur on parle. Il y en a de petites qui sont dans les immeubles et les maisons des particuliers, qui permettent de rehausser la température. C'est celles-ci qui ont été envisagées par les SIG, ils sont dans un marché libre, ils cherchent à faire de l'incitation sur cette question. Mais ce n'est pas ce qui est visé, je crois, par l'amendement radical. C'est plutôt une grosse pompe à chaleur sur la CCF. Et ceci est un nouveau projet industriel. Donc, voter cela aujourd'hui, c'est retarder de deux, trois ou quatre ans cette CCF. Ce qui correspond à la volonté des radicaux, mais il ne faut pas nous dire en même temps que vous voulez augmenter le rendement de la CCF, dont vous ne voulez finalement pas voir le jour.
Je vous prie encore une fois de rejeter cet amendement et de refuser ces deux textes, cela dans la volonté d'avoir une stratégie diversifiée. La CCF n'est qu'un élément ! Les autres investissements dans les nouvelles énergies renouvelables sont largement plus importants et plus soutenus encore par les SIG et, je l'espère, très bientôt par notre Grand Conseil, dans des mesures législatives, incitatives et coercitives pour la baisse de consommation ! Je vous remercie. (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Je me suis, semble-t-il, trompé dans l'ordre des tours de parole: je vous prie de bien vouloir m'en excuser. J'ai oublié que, dans ce cas particulier, vous auriez dû parler en dernier. La parole est à M. le rapporteur de minorité Pierre Conne.
M. Pierre Conne (R), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement citer le document des Services industriels, «Une centrale chaleur-force à Genève», qui nous dit que vous avez la possibilité de faire un premier étage où vous brûlez du gaz pour faire de l'électricité; pour cela vous aurez un rendement de 55%. Vous avez la possibilité de faire un deuxième étage: brûler du gaz, faire de l'électricité et injecter la chaleur récupérée dans les conduites de chauffage à distance, et vous aurez un rendement de 75%. Et puis, vous avez la possibilité de brûler du gaz, de faire de l'électricité, de récupérer la chaleur des turbines pour l'injecter dans les conduites de chauffage à distance, et de coupler le tout - troisième étage - avec une pompe à chaleur. Je cite les Services industriels: «SIG fait le choix d'un rendement maximal, en densifiant l'installation de pompes à chaleur, ce qui multipliera l'efficience énergétique d'une partie de l'électricité. SIG respecte ses valeurs environnementales et tire parti de 100% de l'énergie utilisée.» Il s'agit d'un document des SIG, ce n'est pas une invention de dernière minute, sortie d'un chapeau ! Pas du tout ! C'est une proposition responsable. Alors certes, peut-être que le projet à deux étages qu'on veut nous faire passer de force, qui n'a qu'un rendement de 75%, qui n'est basé que sur l'énergie fossile, est quelque chose de plus rentable peut-être à court terme pour les SIG, mais il ne répond pas aujourd'hui aux impératifs géostratégiques nouveaux auxquels nous sommes confrontés.
Récemment, le directeur des SIG annonçait qu'effectivement il fallait s'attendre à des bouleversements géostratégiques qui concernaient l'approvisionnement du gaz - cela a été confirmé par Mme Leuthard il y a quarante-huit heures - c'est-à-dire que les réserves de gaz de la mer du Nord sont saturées. Les seules qui restent sont en Russie. D'un jour à l'autre, l'approvisionnement peut être mis en péril, ou en tout cas les prix vont augmenter. Demain, si on se trouve avec cette centrale à gaz, sans aucune réserve de productivité d'énergie supplémentaire liée à la pompe à chaleur, nous allons subir de plein fouet l'augmentation des coûts ! Par contre, si nous avons une réserve qui correspond à 25% d'énergie résiduelle transformable en chaleur, comme cette partie-là sera puisée dans la station d'épuration, elle sera gratuite une fois l'installation payée.
Troisième argument: aujourd'hui, la Suisse peut se passer de la production d'énergie nucléaire trois mois par an en été. Pourquoi ? Parce qu'en été on n'a pas de chauffage. On a besoin de plus d'électricité l'hiver. Pourquoi ? Pour chauffer. Et si demain on sort du nucléaire, il va nous manquer de l'électricité durant l'hiver. Alors dites-moi, quoi de mieux aujourd'hui que d'investir tout de suite dans une centrale à trois étages, avec de l'énergie renouvelable, issue des pompes à chaleur ? Cela va nous garantir une meilleure indépendance financière; cela va nous permettre de mieux sortir de l'énergie nucléaire. Et puis, surtout, c'est un acte politique fort, Mesdames et Messieurs ! Cela signifie que l'on dit: «Oui, on investit dans une centrale dont on a besoin pour produire de l'énergie électrique, mais, en même temps, nous décrétons que nous mettons en place instantanément un système d'énergie renouvelable. Cela, c'est un acte politique fort, et je ne comprendrais pas comment, aujourd'hui, ce parlement aurait le courage d'affronter l'opinion publique en refusant notre amendement et en refusant cette centrale à trois étages: le gaz, la chaleur et la pompe à chaleur. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Hugo Zbinden (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, permettez-moi de répondre à quelques propos qui ont été tenus. M. Gillet nous a dit que cette résolution n'avait plus de sens, que de toute façon on avait assez attendu, et puis que tout avait été étudié en commission. J'aimerais lui rappeler que notre but n'a jamais été de retarder la décision sur la CCF. D'ailleurs on a demandé l'urgence, à l'époque, quand on a déposé cette résolution, urgence qui a été refusée. Et puis, ce ne sont pas douze séances de commission qui vont remplacer les études approfondies que l'on demande dans notre résolution. Les gens disent qu'il faut avoir la politique du «et», on est bien d'accord avec cela, mais on demande une autre priorité. Actuellement, les SIG ont investi 53 millions dans leur projet ECO21, puis on va investir 265 millions dans la CCF. C'est juste le rapport qu'on aimerait inverser: il faut investir d'abord dans les économies.
Il a été souligné que la centrale chaleur-force était une bonne chose parce qu'elle compensait les émissions de CO2. Effectivement, puisque c'est une véritable pompe à fric, cela permet d'investir 7 millions par année dans les compensations, ce qui est d'ailleurs une obligation fédérale. A titre de comparaison, si les SIG n'avaient pas rétrocédé la baisse des tarifs en 2010, on aurait gagné 18 millions. Donc on aurait pu investir bien davantage dans les économies d'énergie. On n'aurait pas eu une compensation, mais une réelle baisse des émissions de CO2. Car c'est cela le but, et pas simplement de les compenser à chaque fois ! Je vous rappelle aussi que même si une augmentation du prix du courant de 0,6 ct/KWh vous fait bondir, au fond, l'économie va y gagner. En effet, si l'on prend l'exemple du programme ECO21 des SIG, les 53 millions financés ont provoqué des investissements supplémentaires de 90 millions par l'industrie locale et les propriétaires des bâtiments. Les investissements sont hautement rentables, parce qu'en cinq ans cela a été remboursé. On a gagné 120 millions à Genève. Alors si vous êtes pour l'économie, il faut être pour les économies d'énergie.
Pour finir, j'aimerais en venir à l'amendement du groupe radical-libéral. Vous savez que, dès le début, nous avons soutenu la motion radicale. C'est vrai que cet amendement change pas mal le sens de la motion. Cela nous met un peu en difficulté. En même temps, comme M. Conne vient de le dire, c'est une question technique qui est très intéressante à discuter. Puisque c'est une question technique, je pense qu'il faut voir cela en commission. C'est pourquoi je vous demande d'y renvoyer les deux objets. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je propose la chose suivante, c'est de laisser parler le dernier rapporteur de minorité - sans quoi, on va avoir beaucoup de bruit - puis la conseillère d'Etat. Ensuite, nous voterons sur le renvoi en commission de la résolution, puis sur celui de la motion. Monsieur le rapporteur de minorité Eric Stauffer, vous avez la parole.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, beaucoup de choses ont été dites. Je vous avais prévenus lors de ma première intervention que certains allaient faire de l'alarmisme en disant qu'il n'y aurait plus assez d'électricité. Cela a été le cas. C'est ce qui a été développé comme argument. Ce qui est faux, comme vous avez pu vous en rendre compte grâce aux autres intervenants.
Maintenant, il faut être très clair: ce projet tel qu'il est ficelé nous rend encore un peu plus dépendants de l'étranger, avec tous les inconvénients que cela peut comporter. Le premier rapporteur de minorité l'a dit: Mme Leuthard a tiré la sonnette d'alarme par rapport à l'approvisionnement de gaz. Et le gaz, comme vous le savez, est aussi lié au prix du pétrole. Donc, cela n'augure pas de baisses possibles, mais des augmentations extrêmement conséquentes.
Il faut se rappeler qu'à l'époque, chers collègues, il n'y a pas si longtemps que cela, à peine une quarantaine d'années, Genève était autosuffisant en matière énergétique. Evidemment, on s'est beaucoup développé, et puis, surtout, on a fait des erreurs stratégiques monumentales ! J'en veux pour preuve que Genève avait investi dans le barrage de la Grande-Dixence, mais au lieu de faire cela seul, comme le canton de Zurich qui, je vous le rappelle, est autosuffisant en matière énergétique...
M. Roger Deneys. Avec 50% de nucléaire ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
M. Eric Stauffer. Ça c'est faux, Monsieur Deneys, pas avec 50% de nucléaire ! Avec les barrages hydroélectriques dans le canton des Grisons ! Revoyez votre copie au lieu de dire des bêtises, Monsieur le député !
Genève a voulu faire cela avec une usine à gaz, déjà à l'époque, par le biais d'une société qui s'appelait EOS - Energie Ouest Suisse. Cette société est devenue Alpiq, cotée en bourse à Zurich, Mesdames et Messieurs ! Alors vous viendrez m'expliquer... Lorsqu'on est coté en bourse, si ce n'est pas pour faire de l'argent et du rendement sur le dos des citoyens qui sont captifs, puisqu'il y a monopole d'Etat, eh bien, il faudra m'expliquer à quoi cela sert ! Et c'est aussi contre cela que le MCG veut se battre. C'est la raison pour laquelle nous voulons tout entreprendre, mais pas avec des «ou» - pas avec les têtes d'autruches qui nous ont été signalées par quelques coqs de clochers qui tournent avec le vent - mais bel et bien avec une énergie propre et indépendante, comme Genève était capable d'en faire.
Mesdames et Messieurs, c'est très simple, aujourd'hui la position du MCG va être la suivante. Puisque nous sommes ici pour faire de la politique, eh bien allons jusqu'au bout de cette équation politique ! Nous allons soutenir l'amendement déposé; nous allons soutenir le renvoi en commission; et si ce n'est pas renvoyé en commission, et si l'amendement n'est pas adopté, nous nous opposerons à la centrale chaleur-force. C'est-à-dire que nous accepterons la résolution et la motion pour un moratoire. Il faut être clair. Et quand on veut parler de rendement, puisque la rapporteure de majorité en a parlé, j'aimerais juste ajouter, et vous l'avez tous dit ce soir: «La Suisse a décidé de stopper le nucléaire.» Sauf qu'il ne faut pas raconter tout et n'importe quoi: le nucléaire n'a pas été stoppé maintenant ou depuis l'annonce, mais il le sera dans une vingtaine d'années. Donc nous avons largement le temps de prévoir une sortie et un renouvellement. Quand on parle de géothermie, il n'est pas question «que» de géothermie ! Mais «et» de géothermie ! Avec tout le reste: barrages hydroélectriques, éoliennes, chaleur, photovoltaïque, j'en passe et des meilleures. Donc nous sommes aussi dans la politique du «et» ! Et pas du «ou» ! Forts de ce principe, vu que le nucléaire, à part les effets d'annonces instantanées, c'est une sortie sur une vingtaine d'années, eh bien, soyons responsables, n'investissons pas aujourd'hui près de 300 millions de francs en nous rendant encore un peu plus dépendants des produits pétroliers importés ! Parce qu'à la fin c'est toujours le même qui paie le prix de la facture: le citoyen.
J'aimerais quand même rappeler qu'à Zurich, puisqu'ils ont été des visionnaires, ce que j'ai tenté d'expliquer à Mme la conseillère d'Etat... Or, dans quelques secondes, elle va vous expliquer qu'il n'y a pas d'autres solutions. Parce qu'elle aura été endoctrinée par ses chefs de service, afin de défendre, chiffres à l'appui, un projet économique - et, qui sait, on trouvera peut-être un jour cette centrale à gaz aussi cotée en bourse pour faire du fric sur le dos de nos concitoyens... Eh bien, je vous le dis, Mesdames et Messieurs: non ! Je répète avec toute l'énergie qu'on nous connaît - et dieu seul sait si le MCG en a - soyons des visionnaires ! Pour le bien de Genève ! Merci. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés. Je n'ai pas l'habitude d'être endoctrinée, ni instrumentalisée, ni par les SIG, et encore moins par les députés ! Ça, c'est la première chose. Le 25 mai, lorsque la décision du Conseil fédéral est tombée, cette bonne décision, ce virage historique - qu'on peut qualifier de tel - eh bien, j'aimerais quand même rappeler, puisqu'on parle de vision et de préparer l'avenir, que cette décision est quand même due aux femmes ! (Commentaires.) Puisqu'on parle d'avenir, les femmes non seulement enfantent, mais en même temps préparent l'avenir ! C'est la petite parenthèse que vous m'accorderez dans ce monde technique.
Beaucoup de choses ont été dites, beaucoup de données techniques ont été relevées. Vous me permettrez de ne pas revenir sur trop d'aspects du genre et sur trop de chiffres. Je ne vous en abreuverai pas, rassurez-vous. J'aimerais vous dire que si, le 10 novembre dernier, le Conseil d'Etat s'est effectivement prononcé pour la construction d'une centrale chaleur-force, il a fait preuve de raison et d'un certain réalisme. Il ne s'agit pas juste de parler de «et» ou de «ou», mais il est simplement question de dire qu'il n'y a pas d'alternatives. Il n'y a pas d'alternatives ! Lorsqu'il a été question de vouloir sortir des grands trusts mondiaux cotés en bourse à Zurich, à Londres ou à Singapour, eh bien, je rappelle qu'ils nous permettent, Mesdames et Messieurs les députés, de nous fournir en électricité ! Et je crois qu'il faut maintenant revenir à la réalité.
Le 10 novembre, lorsque le Conseil d'Etat s'est prononcé en faveur d'une centrale chaleur-force, il a mis deux conditions. La première était qu'elle ait une durée d'exploitation de vingt ans, ce qui est le temps nécessaire pour développer toutes les énergies renouvelables de façon que l'on puisse proposer un scénario qui tienne la route ! Il s'agit d'être réaliste. Pour la géothermie, on a parlé de profondeurs de 2,5 km et de 5 km... Je peux vous dire, pour être une habitante de Thônex, que c'est une réalité, ces forages sont extrêmement compliqués. Je peux vous dire aussi que les barrages et l'énergie hydraulique - laquelle fait la fortune de certains propriétaires ou de certaines communes valaisannes - c'est tant mieux: on en a besoin ! On a besoin, bien sûr, de développer nos barrages. A quel prix ? Au prix d'inonder un certain nombre de vallées valaisannes ? C'est cela le prix à payer ?! Je crois qu'il faut raison garder. Il faut développer les barrages, celui de Conflan tel qu'il figure dans notre programme de législature. En effet, le programme de législature du Conseil d'Etat a mis l'accent sur le développement de l'énergie renouvelable. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Quant à l'éolien, Genève est pionnier dans le développement de cette énergie sur les crêtes du Jura, et il faut lui rendre hommage.
Lorsque je me rends à des conférences nationales, avec les directeurs de l'énergie, je peux vous dire que je suis extrêmement fière. Fière que Genève soit pionnier dans l'avancement technologique, dans l'avancement de ces nouvelles technologies. Grâce aux SIG, il faut quand même le relever, et grâce à la volonté de nos prédécesseurs, qui ont mis Genève sur la route du développement durable. (Remarque.)
S'agissant de mes prédécesseurs, j'aimerais quand même rappeler que dans une interpellation adressée au Conseil des Etats il a été fait mention de ces centrales à gaz qui seraient des puits de carbone. Je crois que cela mérite d'être souligné. On a dit, le 10 novembre, lorsque le Conseil d'Etat a voté cette centrale chaleur-force, qu'il était important de déconnecter la localisation avec le principe de la centrale, et l'on s'y tiendra.
Il a été dit que le Conseil d'Etat n'avait pas «fait ses devoirs», pour reprendre les propos de M. Zbinden... Non, les devoirs ont été faits ! Les sites alternatifs ont été identifiés et la commission, en août, a demandé aux SIG d'entreprendre une étude complémentaire sur trois sites: l'étude est pratiquement terminée, elle le sera pour fin juin. Il se trouve que je suis particulièrement sensible, en tant qu'ancienne élue communale, aux nuisances qu'une commune subit, de même qu'à la capacité qu'aurait une commune à concentrer sur son propre territoire un certain nombre de nuisances. Je peux vous dire que le soin apporté à ces études pour ces autres sites alternatifs est remarquable. Le site d'Aïre serait effectivement le plus propice dans la mesure où l'on pourrait bénéficier du Rhône. Et il y a le site du CERN. Mais le CERN extra muros, et pas intra muros, puisque cela pose un certain nombre de problèmes. Ce sont les deux sites qui pourraient être tout à fait compatibles avec le projet initial. Il n'est donc pas question de dire que nous n'avons pas travaillé ! Oui, les sites alternatifs sont à l'étude, et je me propose d'en parler tout prochainement avec M. Muller et avec les communes concernées.
Je crois qu'il est important de rappeler encore deux ou trois choses. Lorsque le Conseil d'Etat a voté, le 10 novembre, nous nous sommes engagés sur une durée de vingt ans; nous nous sommes engagés sur le développement d'autres sites que la commune de Vernier; nous nous sommes engagés également au développement intensif des nouvelles énergies renouvelables. Laissez-moi juste vous donner deux ou trois arguments en faveur du vote pour le principe de la centrale chaleur-force. Ne pas construire la centrale revient à accepter délibérément de mal utiliser le gaz pour chauffer les maisons reliées au réseau. Dans vingt ans, nous aurons maîtrisé - nous allons tenter de maîtriser... Le parlement nous a demandé, en 2008 déjà, de faire en sorte que la société à 2000 watts ne soit plus une utopie, mais devienne une réalité. La demande de consommation électrique qui est maintenant de 2.2% pourrait être divisée par deux en 2040, mais on parle d'une consommation qui est de 1.1% - 1.1% ! Réduire de moitié la consommation électrique revient à développer les énergies renouvelables, et nous y veillerons.
Ne pas construire la CCF revient à se priver d'une électricité qui serait produite à Genève. On a beaucoup parlé des dangers d'une exportation, soit du gaz, soit des énergies fossiles: donnons-nous les moyens de pouvoir utiliser de l'énergie produite localement. Ne pas construire la CCF équivaut à acheter l'électricité à l'extérieur, et ce n'est pas quelque chose qui est souhaitable, au-delà de ce qu'on peut imaginer. Ne pas construire la CCF reviendrait à prendre le risque de payer plus cher l'électricité à Genève, et ce n'est pas une décision que votre parlement veut raisonnablement prendre. Je crois qu'il est important de relever que la CCF n'est pas «la» solution, c'est «une» solution, tel que cela vous a été proposé. Je crois, Mesdames et Messieurs, qu'il faut maintenant être réalistes: il ne s'agit pas de deviner l'avenir, mais de le faire. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Comme il a été convenu tout à l'heure, je vous soumets ce renvoi.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 569 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 48 non contre 39 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1831 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 53 oui contre 34 non et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes toujours en procédure de vote. Il faut maintenant nous prononcer sur l'acceptation ou le refus de la résolution. Celles et ceux qui sont favorables votent oui... (Commentaires. Brouhaha.) Non, non ! Attendez ! Soyons tout à fait clairs: la majorité de ce parlement a accepté de renvoyer la motion en commission. Lorsqu'on renvoie en commission, on ne vote pas les amendements; le vote de renvoi précède cela. Actuellement, nous sommes dans une procédure d'acceptation ou de refus de la résolution. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de résolution 569 est rejetée par 52 non contre 31 oui et 5 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux à 20h45.
La séance est levée à 19h10.