Séance du
jeudi 9 juin 2011 à
20h30
57e
législature -
2e
année -
9e
session -
50e
séance
PL 10615-A
Premier débat
Mme Nathalie Fontanet (L), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 10615 a été déposé à la suite de la manifestation du 28 novembre 2009, laquelle a donné lieu à des scènes d'émeutes et de violences inacceptables, révélant que la loi sur les manifestations sur le domaine public, adoptée le 26 juin 2008, n'était visiblement pas suffisamment contraignante pour éviter de tels débordements.
Le projet de loi tel qu'il est issu des travaux de la commission vise avant tout à garantir l'ordre public, même pendant le déroulement de manifestations, et à responsabiliser les organisateurs. Il n'est en effet plus acceptable d'entendre les discours de certains organisateurs appelant tout un chacun, y compris les casseurs, à se joindre aux manifestations, et de les voir venir ensuite pleurer qu'ils ont été débordés. Il n'est pas non plus acceptable que le droit de manifester soit assimilé par certains au droit de casser.
Les points principaux de ce projet sont les suivants. Tout d'abord, la désignation d'un interlocuteur privilégié de la police, qui peut être l'organisateur ou une personne désignée par lui. La définition d'un itinéraire adapté et permettant l'intervention de la police en tout temps, mais également la possibilité de limiter la manifestation à un lieu déterminé. La possibilité d'imposer à l'organisateur la mise en place d'un service d'ordre permettant une meilleure collaboration avec la police. La mise en place de contrôles préventifs par la police avant le début de la manifestation. La possibilité d'infliger une amende, jusqu'à 100 000 F, en cas de non-respect des conditions de la loi par les organisateurs. Une nouveauté, également: la possibilité de refuser toute nouvelle autorisation pendant un délai de carence compris entre un et cinq ans en cas de non-respect de la loi, ou si la manifestation donne lieu à des atteintes graves aux personnes ou aux biens matériels. Enfin, le devoir pour l'Etat de se retourner contre les organisateurs lorsque leur responsabilité est engagée selon le droit civil fédéral. Il est à noter que, aujourd'hui, l'Etat a déjà cette possibilité de le faire. Demain, nous souhaitons qu'il le fasse systématiquement.
Lors de son audition, le commandant de la gendarmerie a rappelé que les difficultés rencontrées lors de manifestations provenaient en particulier de l'absence de contact entre la police et les organisateurs. Il s'est montré très favorable à l'instauration d'un service d'ordre, susceptible de développer le lien de confiance et de permettre de tenir la police informée en tout temps.
Ce projet de loi n'est pas contraire à la liberté de manifester, qui est un droit essentiel aux yeux de la majorité de la commission, mais qui ne saurait revêtir un intérêt supérieur à l'ordre public et au droit de chaque citoyen d'être en sécurité.
Pour ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous encourage vivement à accepter ce projet de loi tel qu'issu des travaux.
Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président
Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la minorité, formée des Verts et des socialistes, est totalement opposée à ce projet de loi, dont toutes les dispositions sont excessives, disproportionnées et inacceptables. Elles sont liberticides en ce sens qu'elles visent en réalité à interdire ou, à tout le moins, restreindre de manière excessive le droit de manifester. En effet, ce projet de loi s'en prend avant tout aux organisateurs de manifestations et a pour seul but de leur faire endosser la responsabilité de tous les problèmes causés par des tiers pendant une manifestation, sans qu'ils aient eux-mêmes commis la moindre faute.
D'autre part, ce projet de loi est non seulement inacceptable, mais il est également totalement inutile. Comme nous l'ont dit des représentants de la police et de l'Etat, qui ont été auditionnés par la commission judiciaire, le cadre légal actuel est suffisant. Ce cadre légal est une loi adoptée par ce même parlement le 26 juin 2008 et entrée en vigueur le 1er novembre 2008. L'ensemble de la droite s'était à l'époque félicitée du travail accompli et de l'adoption de cette loi. J'aimerais rapidement citer M. Olivier Jornot, rapporteur à l'époque, qui avait dit: «Un exercice réussi, puisque le projet de loi a été approuvé en commission par 10 oui, 5 abstentions et aucune opposition, ce qui est la preuve du caractère apaisé et serein des travaux. Au final, on a une loi équilibrée: une loi qui atteint son objectif, qui constituera véritablement une loi-cadre utile par rapport à la question des manifestations, et une loi dans laquelle le Conseil d'Etat pourra se reconnaître, puisque la quasi-intégralité de ses propositions a été suivie.»
Que s'est-il donc passé pour que cette loi soit tout à coup décriée à peine une année après son adoption ? Une seule manifestation, Mesdames et Messieurs les députés, la manifestation anti-OMC du 28 novembre 2009. Lors de cette manifestation, tout le monde le sait, ce sont uniquement les agissements de casseurs, sur lesquels les organisateurs n'avaient aucune prise ni aucune responsabilité, qui ont posé problème. Pour cela, certains - je dirai même la majorité de ce parlement - veulent remettre en question la loi existante, qui n'a même pas eu le temps de faire ses preuves, et même le droit de manifester. Car il ne faut pas s'y méprendre: les dispositions proposées sont véritablement une entrave au droit de manifester. Force est d'ailleurs de constater qu'il n'y a eu aucun nouveau problème depuis novembre 2009.
Les différentes personnes auditionnées par la commission judiciaire ont expliqué que le problème ne se situait pas au niveau de la loi, mais bien au niveau de son application concrète. En particulier, Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat a expliqué à la commission, lors de son audition du 7 octobre 2010 - soit après la manifestation du 28 novembre 2009 - que la loi du 26 juin 2008 est une bonne loi, qui donne aux autorités administratives les moyens pour restreindre les manifestations à risque, après une pesée d'intérêts extrêmement scrupuleuse.
Quant à M. Christian Cudré-Mauroux, commandant de la gendarmerie, il a expliqué que, entre 2003 et 2010, la police genevoise a géré 2645 manifestations, dont 385 politiques, 991 internationales, 175 syndicales, 94 alternatives et 5 sportives. Or il ne s'est présenté que trois situations dans lesquelles il y a eu des problèmes, ce qui constitue vraiment un taux marginal. Surtout, M. Cudré-Mauroux a fait état de problèmes qui se posent sur le terrain. Il a prôné des solutions concrètes, basées sur les bonnes pratiques à implémenter, pour que la loi soit effectivement correctement appliquée. Mais il n'a pas prôné de changement de la loi. Il a en particulier préconisé le partenariat avec les organisateurs. D'ailleurs, il faut relever que...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée. Vous avez épuisé votre temps de parole.
Mme Irène Buche. J'y arrive ! ...un service d'ordre existe déjà, et nous n'y sommes pas opposés.
Pour conclure, la minorité est totalement opposée à ce projet. Je reviendrai lors du deuxième débat sur les amendements que nous avons proposés.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Céline Amaudruz (UDC). Je tiens en premier lieu à remercier Mme la rapporteure de majorité, qui a fait un excellent travail dans ce rapport et qui s'est tenue à la conformité des travaux qui ont été accomplis en commission.
Comme vous le savez, le groupe UDC avait déposé en premier un texte, et on s'est retrouvé à un moment donné avec trois textes. Je me félicite du fait que la droite a réussi à se mettre d'accord pour trouver un texte et pour aller de l'avant. En effet, le but aujourd'hui n'est pas de savoir quel parti va gagner, mais d'établir des règles claires pour les Genevois car, comme l'a expliqué Mme Fontanet, ces projets de lois ont été déposés suite à la manifestation du 28 novembre 2009, au cours de laquelle, clairement, il y a eu des dégâts absolument scandaleux.
Aujourd'hui, la gauche nous reproche de poser des règles, car nous allons mettre des entraves. Mais je crois que, dans la vie, nous sommes obligés de poser des règles pour mettre des limites et pour dire ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Ce projet de loi est bon, parce qu'il prévoit des règles claires que tout le monde peut comprendre. Il prévoit, comme l'a expliqué Mme la rapporteure de majorité, qu'il y a un interlocuteur privilégié de la police, qu'il y a un itinéraire défini de manière claire et que, si ce dernier peut présenter des risques, on se limite à un endroit. Il prévoit aussi d'impliquer les organisateurs par le biais d'un service d'ordre, ainsi que la possibilité de se retourner contre les organisateurs si une faute ou une négligence pouvait leur être reprochée.
Le seul point où l'UDC a voulu aller un peu plus loin que ce que prévoit ce projet de loi est à l'article 10A, qui introduit un délai de carence dans lequel le département pourrait refuser toute nouvelle autorisation si le bénéficiaire n'a pas respecté les conditions et charges posées par l'autorisation. L'UDC aurait voulu que ce soit une obligation et que l'on puisse aller jusqu'à un délai de dix ans. Cela n'a pas été possible, donc nous allons nous limiter à la possibilité de prévoir une interdiction de un à cinq ans.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous demande d'accepter ce projet de loi car, encore une fois, il est favorable et respecte la liberté de manifester, mais il dénonce le fait de casser.
Une voix. Bravo !
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, ma collègue rapporteure de minorité vous a rappelé le contexte. Je crois important d'y revenir. En 2004, un projet de loi libéral, très liberticide, nous était proposé. A l'époque, j'avais fait un rapport de minorité. Ce projet de loi a été renvoyé en commission, et il est revenu beaucoup plus acceptable, au point que la gauche a dit: «Bon, il ne nous plaît pas tellement, mais nous saluons ce compromis et nous acceptons ce projet de loi.»
Aujourd'hui, vous revenez sur cet accord historique, parce que la problématique que vous avez - et dès le départ - est que vous procédez à un amalgame dangereux entre un groupuscule violent, des gens violents - les Black Blocs, pour ne pas les citer - et la majorité des gens responsables de nos concitoyens, qui ont la pratique et l'envie de manifester.
J'aimerais quand même vous rappeler là où nous sommes, là où nous vivons. Où sommes-nous, Mesdames et Messieurs les députés ? Nous vivons dans la Genève internationale, dans la Genève des droits de l'Homme. Vous vous targuez - vous vous drapez, même ! - de cette Genève, de l'esprit de Genève, de cet esprit de tolérance, d'ouverture. Mais vous vous drapez quand cela vous arrange. Quand cela ne vous arrange pas, vous nous proposez ce nouveau projet de loi, qui est inacceptable. C'est l'une des lois les plus restrictives.
J'aimerais quand même vous rappeler ceci. Les manifestations considérées à l'époque comme illégales sont à l'origine des conquêtes sociales les plus incontestables: le droit de vote, le droit de grève, le congé payé, l'assurance-vieillesse et l'assurance-maternité. J'aimerais également vous rappeler la tradition genevoise de tolérance, qui a prouvé depuis longtemps - tout le monde se rappelle l'Histoire, ce qu'il y a eu en 1932 - qu'il est préférable et plus efficace de privilégier les processus de négociation et de dialogue. Comme ma collègue l'a rappelé, M. Cudré-Mauroux nous a dit que, en dix ans, il n'y a eu que trois cas où des problèmes se sont présentés - je l'ai dit tout à l'heure - avec des voyous qui viennent pour casser. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez légiférer tout ce que vous voulez, les Black Blocs se fichent totalement des lois que nous votons ici et de vos états d'âme.
Nous condamnons et avons condamné... (Brouhaha.) ...tout le temps ces groupuscules dangereux... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...qui viennent à Genève pour casser. Nous l'avons toujours dit, Monsieur le député Jornot, et l'avons toujours fait. Aujourd'hui, sous prétexte qu'il y a des casseurs, vous voulez interdire le droit fondamental et inaliénable qu'est le droit de manifester dans la Genève des droits de l'Homme ! Vous me faites rire avec votre Genève internationale.
Mesdames et Messieurs les députés, ce que M. Cudré-Mauroux a dit, c'est que la problématique était la collaboration directe entre la police, au moment de la manifestation, et les organisateurs. On ne conteste pas votre article 4, alinéa 5. En revanche, ce que nous contestons, ce sont vos articles 8 et 10...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Loly Bolay. Je vais conclure, Monsieur le président. ...article 10 dans lequel vous prévoyez une amende jusqu'à 100 000 F. Imaginez les gens à Genève, dans la Genève internationale, qui examinent la loi et qui voient qu'ils peuvent payer jusqu'à 100 000 F s'il y a des problèmes alors qu'ils ne sont même pas responsables ! Mesdames et Messieurs les députés, soyez cohérents avec ce que vous faites. Soyez cohérents dans l'endroit où vous vivez, dans la Genève internationale.
Je vous demande - nous y reviendrons tout à l'heure - d'accepter les amendements du groupe socialiste et, s'ils ne sont pas acceptés, de refuser cette loi, qui est totalement inacceptable. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, certains disent: «Le vent d'hiver rend fou.» Mais ce n'était pas encore l'hiver. C'était l'automne, une saison propice, comme tout le monde le sait, à la reproduction sexuée des champignons... (Rires.) Et pas seulement: visiblement aussi à la production de projets de lois et de propositions de motions vénéneuses pour les libertés. Parmi la récolte record de projets de lois et de propositions de motions toxiques - pour mémoire, les PL 10603, 10612 et 10615, ainsi que les M 1928, 1929, 1930 et 1931 - issus de l'Entente et de l'extrême droite après la manifestation du 28 novembre 2009 contre l'OMC, nous traitons aujourd'hui le PL 10615, certainement le meilleur, et le plus nuisible, bien sûr, puisqu'il est le meilleur, car élaboré par l'excellent député Jornot. Le reste de la récolte continue de composter depuis deux ans à la commission judiciaire et de la police.
Alors que demande ce projet de loi, rédigé dans la précipitation ? De modifier l'excellente loi, presque toute neuve, sur les manifestations... (Commentaires.) ...prétextant un fait divers, qui a occulté le message des manifestants réunis pour protester contre l'OMC, contre l'accaparement des terres agricoles et contre la spéculation sur les productions agricoles, c'est-à-dire contre la spéculation sur la nourriture. C'était une protestation qui se voulait digne, en soutien à la paysannerie mondiale. Or, Mesdames et Messieurs les députés, la paysannerie mondiale représente une personne sur deux, sur la planète. C'est une manifestation que nous avons dû dissoudre - c'est une première à Genève - devant la violence encagoulée. Voilà donc ainsi rappelé le contexte de cette manifestation, occulté par les bris de glace et quelques fumées occasionnés par quelques cagoulards anonymes, qui vous inspirent ces projets néfastes.
Que demande ce projet de loi, rédigé dans la précipitation ? De pénaliser les organisateurs de manifestations et de leur faire porter des responsabilités qui ne sont pas les leurs. Ce n'est pas acceptable ! Les Verts considèrent la loi actuelle comme largement suffisante. La loi actuelle est suffisante, il suffit de l'appliquer. Cela relève de la responsabilité du Conseil d'Etat et de la police.
Mesdames et Messieurs les députés, la raison revenue, le groupe des Verts vous propose de refuser ce projet de loi, dont les effets pourraient d'ailleurs, si vous l'avez remarqué, aussi s'appliquer plus fréquemment aux manifestations sportives, aux défilés de fans énervés dans les rues de Genève... (Exclamations.) ...qu'aux manifestations contre l'OMC, qui sont assez rares, avouez-le. Ne l'oubliez donc pas. De même, dans un souci de parcimonie de l'effort parlementaire, nous vous saurions gré de retirer les PL 10603 et 10612, ainsi que les M 1928, 1929 et 1931 traitant du même sujet. Cela allégerait l'ordre du jour et nous éviterait de reparler de ces projets vénéneux. Quant aux amendements socialistes à ce projet de loi, il est évident que nous les soutiendrons tous. (Applaudissements.)
Présidence de M. Renaud Gautier, président
M. Fabiano Forte (PDC). «Un autre monde est possible», Mesdames et Messieurs les députés. J'ai retrouvé cela sur le site du Forum social lémanique. C'est intéressant. En ce qui nous concerne, un autre monde est possible, oui, mais sans casseurs. Nous vous invitons à soutenir le projet de loi qui vous est proposé ce soir parce qu'il est excellent et qu'il n'est pas liberticide, et encore moins toxique. Je vous remercie, Monsieur Lefort, de ce brillant cours de mycologie. Pour notre part, ce sont celles et ceux qui mettent à sac la ville et le canton lorsqu'il s'agit de manifester que nous considérons comme toxiques.
Le projet de loi qui vous est soumis - Mme la députée Fontanet vous l'a dit - propose un meilleur encadrement de l'organisation et des organisateurs des manifestations qui utilisent le domaine public. Depuis que le monde est monde dans cette république, on doit demander des autorisations. Cela requiert un certain nombre de cautèles. Il suffit de les renforcer dans certains cas. C'est ce que nous souhaitons faire.
Cela renforce aussi la responsabilisation des organisateurs de ces manifestations. Où était le Forum social lémanique au lendemain des grandes manifestations du G8 ? Il était aux manifestations. Il y avait deux «líder máximo» qui sortaient tous les deux ou trois ans de leur formol - je tairai leur nom - et qui ont travaillé pour l'Etat, n'est-ce pas ? J'aimerais d'ailleurs bien savoir s'ils allaient manifester pendant leurs heures de travail ou leurs heures de pause. Il n'en reste pas moins que le Forum social lémanique naît et disparaît. C'est un phénix. Il renaît de ses cendres lorsqu'il s'agit d'organiser un certain nombre de manifestations.
Ce projet de loi propose également, par la responsabilisation des organisateurs, que la police puisse concentrer son travail précisément pour retrouver, dans une manifestation importante, celles et ceux qui n'ont d'autres idées que de perturber et de casser.
J'aimerais terminer, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, par dire que, finalement, la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Les autres, ce sont les commerçants, qui en ont assez de voir leurs vitrines voler en éclats, ce sont celles et ceux qui ont envie de manifester pacifiquement, tranquillement, parfois même avec leurs enfants, et celles et ceux qui n'ont pas envie, Mesdames et Messieurs les députés, d'être amalgamés avec des gens que nous ne voulons pas voir dans nos rues. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à accepter ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Olivier Jornot.
Une voix. Liberticide ! (Le président agite la cloche.)
M. Olivier Jornot (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, brièvement, au cours des dernières années, subrepticement, on a pu avoir le sentiment que la gauche, en matière de sécurité, en général, avait un peu appris. On avait le sentiment, par exemple, que l'on cessait de nous dire que l'insécurité était dans la tête des bourgeois. On avait le sentiment, même en matière de manifestations, qu'à gauche on cessait de dire que, finalement, la casse était une réponse fort modérée par rapport à la violence du capitalisme, et ce genre de choses. Eh bien ce soir, vous en avez la preuve, la gauche n'a rien appris. La gauche n'a rien appris, puisqu'elle monte au créneau pour dire qu'il est totalement inacceptable de voter quelques mesures, parfaitement simples et de bon sens, qui visent à faire en sorte qu'il y ait moins de casse à Genève lors des manifestations. La gauche, décidément, n'a rien appris. Je vous dirai par la suite pourquoi elle n'a rien appris, ou pourquoi elle fait semblant de n'avoir rien appris.
Mais voici simplement deux mots pour vous dire que ce projet de loi s'organise autour de trois axes. D'abord, il y a l'axe de la meilleure coopération entre les organisateurs des manifestations et la police, une liaison obligatoire pendant la manifestation, de telle manière à être sûr que les injonctions que la police donne pour établir l'ordre soient suivies. Franchement, qui dans cette salle peut s'opposer à une meilleure coopération entre la police et les organisateurs des manifestations ?
Un deuxième axe est celui de la responsabilité des organisateurs, qui devront, comme dans tous les pays du monde, organiser un service d'ordre, parce qu'il n'y a aucune raison qu'ils organisent, eux, les manifestations à potentiel violent et que l'Etat se débrouille ensuite pour gérer la casse qui, inévitablement, l'accompagne. Il y a une responsabilité aussi parce que l'Etat, désormais, lorsqu'il voit des responsabilités du côté des fauteurs de troubles, des casseurs ou des organisateurs, aura l'obligation d'exercer les recours qui sont les siens et qui permettront - un peu - de limiter le dommage.
Enfin, c'est un projet de loi, c'est vrai, qui prévoit des sanctions plus graves, parce qu'aujourd'hui il est scandaleux que vous puissiez soit vous-même commettre des déprédations, soit ne pas respecter l'autorisation qui vous a été accordée, soit ne pas respecter les ordres que la police vous donne, et risquer quoi, à la fin, face aux dégâts considérables qui peuvent être causés ? Au final, devoir au plus payer une petite amende de 10 000 F. Ce n'est pas normal. Ce projet de loi remédie à cela.
Alors pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, pousse-t-on de grands cris en face ? On pousse de grands cris parce que ces manifestations à potentiel violent sont la plupart du temps organisées et/ou coorganisées par les partis qui sont ici dans cet hémicycle, des partis qui savent très bien qu'ils créent des comités avec des groupuscules qui sont violents... (Remarque.) ...ces fameux mouvements de la gauche anticapitaliste, j'en passe et des meilleures. (Brouhaha.) Vous savez très bien que, en vous alliant avec eux pour organiser des manifestations, vous programmez la venue des casseurs. (Commentaires.) Vous savez très bien qu'ils seront là ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Ces casseurs, ce sont les vôtres ! (Commentaires. Exclamations.)
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que ce projet de loi a pour objectif que, vous aussi, vous soyez un peu plus responsables, que vous réfléchissiez un peu plus avant de vous allier avec n'importe qui pour délivrer des messages que, pour le reste, il est parfaitement légitime que vous puissiez prononcer.
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi n'est pas liberticide. Il prévoit des mesures parfaitement compatibles avec notre ordre constitutionnel. Mais ce projet de loi, en effet, au-delà du fait qu'il dit oui à la liberté de manifester, dit non à la casse. Je vous invite à le voter.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Marc Falquet, à qui il reste une minute et trente secondes.
M. Marc Falquet (UDC). Une minute et trente secondes ? Oh, cela suffira !
Que dire après l'excellent exposé de M. Jornot ? Je voudrais quand même souligner que, cette fois, ce qu'a dit M. Jornot est vrai; je ne suis pas du tout d'accord avec la gauche; vous confondez les principes idéologiques avec la réalité du terrain. Vous n'avez jamais participé ou organisé la sécurité d'une manifestation. Vous savez que le syndicat Uniterre et la cause du syndicat Uniterre ont été complètement discrédités - je suis en faveur de la cause Uniterre pour la défense des petits paysans - grâce aux casseurs, que l'on n'a pas voulu extraire de la manifestation. Ils sont arrivés tranquillement en groupe; ils étaient cinquante habillés en noir avec des sacs à dos remplis de pierres; ils se sont installés dans la manifestation. On a expliqué cela aux organisateurs, mais personne n'a voulu bouger. Cette loi va obliger les organisateurs à aviser la police.
Et quand j'entends parler des droits de l'Homme, mais cela me fait rire ! Les droits de l'Homme consistent-ils à laisser des casseurs saccager toute la ville ? Cela s'appelle les droits de l'Homme ? Ce ne sont pas les droits de l'Homme ! Là, vous êtes les premiers à discréditer les causes des manifestations. Je modérerai un peu les propos de M. Jornot quant aux organisateurs qui sont complices. En tout cas, dans la manifestation d'Uniterre, ils n'étaient pas du tout complices des casseurs. Peut-être dans d'autres cas, oui. Là, c'était une manifestation avec une cause noble, que vous discréditez ! Vous allez à l'encontre de vos propres principes avec cette théorie, avec vos théories «bout de bois».
Alors c'est vrai qu'il y a là un autre problème: l'application des lois.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Marc Falquet. Lorsque des casseurs sont dans une manifestation, c'est la responsabilité du gouvernement de les extraire. On peut toujours les extraire avant le départ de la manifestation. Autrement, on ne la fait pas démarrer.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roberto Broggini, à qui il reste cinquante secondes. (Commentaires.)
M. Roberto Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Je serai assez rapide, mais j'aurais beaucoup de choses à vous dire, bien entendu.
On vient de parler de la manifestation Uniterre. Je me rappelle très bien cette manifestation. Monsieur le député, nous avons fait un cordon sanitaire pour isoler le Black Bloc lorsque nous sommes arrivés à Bel-Air, et la police a refusé d'intervenir ! Elle est intervenue bien plus tard. (Remarque.) C'est la responsabilité des organisateurs des manifestations, et nous l'avons assumée.
Maintenant, en substance, vous voulez limiter le droit de manifester, qui est un droit fondamental dans une démocratie, où n'importe quel citoyen, après une décision de ce parlement, peut descendre dans la rue, spontanément, sans aller demander une autorisation pour quinze ou quarante jours plus tard.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roberto Broggini. C'est un droit fondamental. Je me demande comment James Fazy aurait payé ces 100 000 F, suite à sa manifestation qui a changé le parlement de cette république.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, je dois dire que, à titre personnel, je suis contre la mondialisation... (Commentaires.) Non mais je vous le dis. Je vous le dis comme je le pense. Et lorsque les gens... (Commentaires.) Lorsque les gens manifestent, sur le fond, j'estime qu'ils ont raison. Les dégâts que provoque la mondialisation sont une catastrophe pour l'humanité tout entière. On a la moitié de la population qui paie pour faire des régimes et l'autre moitié de la population qui crève de faim. Ce n'est tout simplement pas normal. Donc il faut que l'on soit très clair sur le fondement de ce que défendent les manifestants.
Maintenant, je dois dire que le droit de manifester est un droit constitutionnel qui doit être maintenu. En revanche, Mesdames et Messieurs les extrémistes de gauche... (Commentaires.) Quelques-uns se sont exprimés juste avant moi. Manifester ne veut pas dire - et je pèse mes mots - emmerder les commerçants en leur descendant les vitrines, en cassant et en mettant à sac la ville de Genève. Là, je m'oppose. A ce titre, le MCG va soutenir ce projet de loi.
En effet, maintenant, il faut aussi arrêter l'hypocrisie. Manifester pour des causes nobles, oui, sans problème. Je serais même le premier à participer à ces manifestations. En revanche, à voir les Black Blocs et la dernière manifestation qui a provoqué cette avalanche de textes parlementaires... Eh bien je l'ai suivie et je peux vous dire que les organisateurs étaient bien contents ou bien passifs - allez, on va modérer les propos - lorsque les casseurs se sont organisés pour aller descendre les vitrines sur tout le quai du Seujet, au bord du lac... (Brouhaha.) ...les restaurants, les bijouteries, les magasins d'habits, le Crédit Suisse. (Remarque.) Mesdames et Messieurs, si vous soutenez cela, franchement, les commerçants et la population seront témoins de ce que vous voterez ce soir.
Oui, il faut que la loi soit durcie. Il faut que les responsabilités soient assumées. Puisque le parti des Verts, vous prônez la responsabilité individuelle, assumez-la. Et quand on organise une manifestation, on est responsable de ce qui s'y passe. Le fait de vous laver les mains et d'être tout contents... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...lorsque la moitié de la ville de Genève est mise à sac, vous voyez que, aujourd'hui, cela se retourne contre vous. Pourtant, je pourrais adhérer à ce que vous défendez, parce que - je le dis encore une fois - la mondialisation n'est pas une bonne chose telle qu'elle est conçue aujourd'hui.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés - les Verts et les socialistes, parce que de toute façon vous serez minorisés et ce projet de loi entrera en force - je vous demande, dans un accès de responsabilité, si vous en êtes capables, à tout le moins de vous abstenir, ou de soutenir le présent projet de loi, pour le bien de la population genevoise qui vous a portés aux fonctions que vous occupez aujourd'hui. Sinon, cela veut dire que la porte est ouverte. Et lorsque des gens ne seront pas d'accord avec vos politiques, ils pourront organiser volontairement ou involontairement la venue de casseurs qui détruiront le siège de vos partis, voire prendront à partie vos membres. Or vous conviendrez avec moi que ce n'est pas acceptable.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. On a entendu passablement de choses à propos de cette loi. On a entendu les termes «inacceptable», «inutile» et «liberticide». Mesdames et Messieurs, toute loi - toute loi - est liberticide. Toute loi, dès le moment où elle fixe un cadre légal, est liberticide. Celle-ci pas plus qu'une autre.
On a parlé de la Genève internationale. Mesdames et Messieurs, la Genève internationale est en péril. Elle va mal car elle a mal à sa sécurité. Or des événements comme ceux dont il a été fait mention ce soir ne peuvent effectivement que faire perdurer ce sentiment de malaise qu'ont les organisations internationales en voulant venir s'installer à Genève.
Effectivement, la loi qui existait était - je l'ai dit - une bonne loi. Mais c'est une bonne loi qui ne suffit pas. La loi qui vous est proposée ce soir prône la responsabilité - je répète: la responsabilité, puisque l'on a évoqué les droits de l'Homme - la responsabilité des organisateurs. C'est son point fondamental. Il est donc nécessaire d'approuver cette loi sans hésitation, en sachant qu'elle permettra au département d'assurer, dans le respect de l'ordre public, toute liberté de réunion.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote d'entrée en matière du projet de loi 10615.
Mis aux voix, le projet de loi 10615 est adopté en premier débat par 63 oui contre 23 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 4, alinéa 5 (nouveau).
Le président. Maintenant, cela se complique un peu. Nous sommes saisis d'un amendement MCG à l'article 5, alinéa 4 (nouveau), que vous avez sur vos places. Ce nouvel alinéa - les alinéas 4 et 5 anciens devenant les alinéas 5 et 6 - a la teneur suivante: «Les manifestations ayant pour sujet de fond une organisation internationale ne peuvent avoir lieu qu'à proximité de ladite organisation, en un lieu adapté, sans défilé dans les rues de Genève.» La parole est à M. le député François Lefort.
M. François Lefort (Ve). Oui, sur l'amendement, bien sûr. En introduction à cet amendement MCG, je noterai que l'on ne peut pas laisser le MCG dire que les Verts se satisfont, se réjouissent de la casse dans les rues de Genève. C'est absolument inacceptable de dire de telles choses...
Le président. Non, Monsieur le député ! Veuillez vous exprimer sur...
M. François Lefort. Revenons à l'amendement, effectivement, le croquignolesque amendement du MCG: «Les manifestations ayant pour sujet de fond une organisation internationale...» Mais, Mesdames et Messieurs du MCG, il est très simple de retourner cet amendement. Nous ferons des manifestations contre d'autres objets que les organisations internationales. C'est très simple. Cet amendement est donc tout à fait inutile, et nous le refuserons.
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la députée Loly Bolay, c'est sur l'amendement suivant que vous allez intervenir, pas celui-là... (Remarque.) Très bien. Alors la parole est à M. le député Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Sur cet amendement, c'est très clair. Si l'on se plaint, comme Mme la conseillère d'Etat, du fait que les organisations internationales sont prétendument maltraitées à Genève, il est assez paradoxal de demander que les manifestations se déroulent devant les organisations internationales en question ! Donc, en l'occurrence, on ferait mieux de dire que c'est en tout cas sur la plaine de Plainpalais plutôt que devant l'organisation internationale.
Au demeurant, Madame la conseillère d'Etat, j'aimerais insister sur le fait que, non, ce n'est pas vrai, la majorité des lois ne sont pas liberticides. Quand nous construisons des écoles, quand nous construisons des hôpitaux, les lois ne sont pas liberticides. Donc la majorité des lois dans ce Grand Conseil ne sont pas liberticides. C'est le cas ici - c'est bien dommage - et notamment par les articles suivants, qui visent à sanctionner les organisateurs de façon complètement irraisonnée.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cet amendement est dangereux. Cet amendement demande qu'une manifestation contre l'OMC se passe place Albert-Thomas. Je ne sais pas si vous voyez à peu près ce que cela peut donner en termes de potentiel explosif. Souvent, le danger, dans une manifestation, n'est pas quand les gens défilent, mais c'est la dislocation de la manifestation. Donc si vous demandez aux gens de venir à la place Albert-Thomas, d'y faire la manifestation, avec les tensions qu'il peut y avoir... Lorsque des agriculteurs sont en train de faire faillite et de perdre leur entreprise, il y a une certaine émotion, dans les manifestations. Quelqu'un s'est suicidé lors d'une manifestation anti-OMC; ce n'était pas à Genève, mais ici aussi il y a eu des suicides lors de manifestations. Certaines personnes sont totalement désespérées. Là, vous vous retrouvez avec une manifestation dont vous demandez qu'elle se tienne devant l'organisation. En plus, vous ne prévoyez pas la dislocation.
La difficulté, dans une manifestation, pour avoir participé à pas mal de manifestations... (Exclamations.) Oui, Mesdames et Messieurs les députés, oui ! Pour avoir assumé des responsabilités à l'intérieur des manifestations, je peux dire ce qui s'y passe. Je vais prendre un exemple que vous allez tous comprendre. Vous organisez un match de football et l'équipe de hooligans débarque. En effet, cela va aussi toucher les matchs de football; je vous laisse ensuite organiser des matchs de football avec la loi que vous proposez, mais ce n'est pas grave... Alors les gens sortent du train, viennent jusqu'au stade et cassent parce qu'ils ont bu, etc. Puis, quand leur équipe a perdu et que les deux équipes se chauffent et se frittent au retour, on va mettre des amendes. Donc cela va devenir extrêmement compliqué pour celui qui veut organiser un match de football ou de hockey. Je ne vous parle même pas d'un nouvel an. Parce que, là, c'est l'organisateur qui est responsable de celui, par exemple, qui est ivre le soir et qui marche sur une voiture. On enlève la responsabilité individuelle.
Alors votre amendement, là, dit que vous ne pouvez même plus essayer de canaliser la foule de la manifestation. Vous ne pouvez même plus essayer de faire une sortie dans un endroit pas dangereux. Vous mettez les gens à cet endroit-là, vous disloquez, et on verra ce qui se passe. Je pense que l'on va avoir des casses extrêmement fortes. Lors de la manifestation sur le G8 à Genève, le problème est survenu en fin de manifestation, au moment où l'organisation n'était plus là. A ce moment-là, cela a été dramatique ! Oui, j'ai suivi les manifestations à ce moment-là en tant qu'observateur parlementaire. Ce que les policiers ont pris dans la figure sous forme de bouteilles pleines, de violences, etc., était criminel. C'étaient des choses qui pouvaient tuer les hommes qui se tenaient en face et qui se trouvaient là pour protéger les citoyens.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Bavarel. C'est cela que vous voulez organiser à Genève ?! Votre amendement est extrêmement dangereux; nous le refuserons.
M. Mauro Poggia (MCG). Après avoir entendu un grand théoricien de la manifestation - pardon: théoricien et praticien, parce que, apparemment, tout cela se théorise avant de se mettre en pratique - je vous demanderai simplement de revenir au texte qui vous est proposé, qui est simple. Le problème, c'est évidemment ces manifestations à travers les rues de Genève. C'est précisément là que la population risque d'être blessée et les biens publics d'être détruits. Lorsque la manifestation est de nature internationale - ce sont ces manifestations-là qui ont un potentiel de danger important et dans lesquelles s'intègrent les Black Blocs - ils se fichent pas mal de la loi, comme l'a dit très justement Mme la députée Loly Bolay, effectivement. Donc ces gens vont s'intégrer.
Cet amendement qui vous est soumis n'est pas dirigé contre les organisateurs des manifestations. C'est précisément pour les proposer, parce qu'il est beaucoup plus facile d'être débordé par des activistes extrémistes comme sont ces gens-là - ces casseurs, disons-le tout bonnement - dans une manifestation en marche que dans une manifestation sur place.
Alors c'est vrai, Monsieur le député Bavarel, qu'il peut y avoir de l'émotion. Mais cette émotion, j'imagine, est là aussi lorsque les gens défilent. Alors si cette émotion s'exprime, comme vous l'avez dit, par l'envoi de bouteilles pleines à la figure des gendarmes, qui sont là pour exercer l'ordre de la manifestation, j'imagine que ces bouteilles peuvent être projetées lorsque la manifestation est en route contre des passants, des habitants de Genève, des vitrines. L'expérience, malheureusement, nous l'a enseigné.
Ce que nous demandons simplement n'est pas de faire la manifestation devant l'organisation. Si vous lisez bien le texte, il est écrit: «à proximité [...] en un lieu adapté». Il ne faut évidemment pas faire la manifestation dans une rue étroite. Mais la place des Nations, en particulier, se prête parfaitement à ce type de manifestations. C'est un endroit où la sécurité peut parfaitement être contrôlée, alors que des gens qui manifestent dans les Rues-Basses ne peuvent évidemment pas être sous contrôle, et le risque pour les biens et les personnes est beaucoup plus grave.
Donc voilà l'amendement qui vous est soumis. Je ne comprends pas cette levée de boucliers. Le but est simplement de tenir sous contrôle non pas l'ensemble des manifestations, mais uniquement celles qui sont en relation avec une organisation internationale. Ce sont précisément ces manifestations-là qui ont le potentiel de dangerosité le plus important.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, les auteurs de l'amendement ont raison. Il y a des manifestations pour lesquelles il n'est pas raisonnable d'autoriser une promenade au milieu du centre-ville, où sont exposés tous les lieux de risque. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu dans le projet de loi une disposition qui, très précisément, indique que le département «peut prescrire que la manifestation se tient en un lieu déterminé, sans déplacement». C'est à l'article 5, alinéa 3. Donc le projet de loi contient déjà cette idée-là.
En revanche, prévoir en quelque sorte que cette obligation, dans l'amendement, ne concerne qu'un certain type de manifestations, avec un certain thème, est illusoire. D'abord parce que, comme l'a dit tout à l'heure M. Lefort, «nous» choisirons un autre thème, disait-il tout à l'heure. Donc c'est facile de tricher. Et d'autre part parce qu'il n'y a pas de raison de discriminer particulièrement les manifestations qui concernent les organisations internationales.
Pour terminer, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas raisonnable que ces organisations soient, à cause de l'obligation qui serait faite de manifester sous leur nez, soumises à un traitement plus défavorable que les autres victimes des manifestations organisées dans notre canton. Ainsi, bien que les auteurs de l'amendement aient raison quant au principe, nous ne pourrons malheureusement pas les suivre.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur cet amendement du MCG à l'article 5, alinéa 4 (nouveau), les alinéas 4 et 5 anciens devenant les alinéas 5 et 6.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 69 non contre 17 oui.
Le président. Nous sommes maintenant saisis d'un amendement socialiste à l'article 5, alinéa 4 (nouvelle teneur), que je vous lis: «Lorsque cette mesure paraît propre à limiter les risques d'atteinte à l'ordre public, le département impose au requérant la mise en place d'un service d'ordre destiné à la médiation et à la transmission d'informations.» La parole est à Mme la députée Loly Bolay.
Mme Loly Bolay (S). Merci, Monsieur le président. Cet amendement va dans le sens voulu par le commandant de la gendarmerie, M. Cudré-Mauroux, qui a insisté sur le fait que c'est sur le terrain que le problème se pose au niveau de la coordination. C'est pour cela que nous parlons de «la mise en place d'un service d'ordre destiné à la médiation et à la transmission d'informations». En effet, c'est cela qui est important. Il faut voir que le service d'ordre ne va pas remplacer la police, parce qu'il n'est pas fait pour cela. Un service d'ordre a pour mission d'être en permanence en contact avec la police pour donner les informations nécessaires. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande d'accepter cet amendement.
J'en viens à l'amendement à l'article 5, alinéa 5. Cet alinéa est à supprimer, dans la mesure où, à l'article 5, alinéa 3, il y a déjà toutes les cautèles, puisque cet alinéa 3 dit à la fin: «Il peut prescrire que la manifestation se tient en un lieu déterminé, sans déplacement.» Donc il n'y a pas besoin de cet alinéa 5, qui va, pour nous, beaucoup trop loin.
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, on me dit avec justesse que je ne vous ai pas rappelé - parce que j'imaginais que tout le monde les savait - les règles du jeu. Dans le cas qui nous occupe, c'est trois minutes par groupe pour l'entier des amendements, pour l'ensemble des amendements. Cela signifie que peut encore s'exprimer, sur la base de la liste que j'ai ici, M. le député Christian Bavarel pour quarante secondes.
M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il me semble extrêmement important de soutenir cet amendement, parce que nous avons une autre solution. Ce que vous nous proposez est d'avoir un service d'ordre tel qu'il se pratique en France, avec des gens casqués et des battes de base-ball... (Remarque.) ...voire des manches de pioches. C'est cela de mettre un service d'ordre en place dans une manifestation violente. (Remarque.) Lorsque les syndicats français défilent, c'est ainsi qu'ils défilent. C'est ce que vous voulez mettre en place à Genève. Nous vous proposons d'accepter cet amendement. Autrement, vous aurez de vraies manifestations violentes.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Olivier Jornot, à qui il reste trente secondes.
M. Olivier Jornot (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'ensemble des amendements qui sont présentés n'ont qu'un seul et unique but: vider le projet de loi de sa substance, l'affaiblir et faire en sorte qu'il n'atteigne pas son objectif. Tout à l'heure, Mme Bolay parlait de l'alinéa 5. Supprimer l'alinéa 5, c'est supprimer la possibilité, pour le département, de ne pas autoriser une manifestation dont on prévoit qu'elle va déboucher sur de la violence. C'est déjà un alinéa qui existe aujourd'hui. Vous voulez le supprimer. C'est tout simplement grotesque.
Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser l'ensemble de ces amendements, y compris l'amendement qui vise à imposer un service d'ordre «Bisounours» tel qu'il nous est proposé ici. Bien sûr, Monsieur Bavarel, on ne veut pas faire Bastille-République avec un défilé de la CGT. Ce n'est pas ce que l'on souhaite. En revanche, on veut un service d'ordre qui soit un véritable service d'ordre, c'est-à-dire qui ne s'occupe pas seulement d'être un coach de développement personnel pour les manifestants...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Olivier Jornot. ...mais qui joue véritablement son rôle de soutien à la police et d'encadrement. (Remarque.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Fabiano Forte.
M. Fabiano Forte (PDC). Merci, Monsieur le président. Visiblement, le député Bavarel et moi n'avons pas participé aux mêmes manifestations à Paris. Visiblement, vous avez participé à une manifestation qui a lieu le 1er mai, parmi un parti d'extrême droite. Alors là, oui, il y a des casques et des battes de base-ball. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons un service d'ordre tel que la CGT ou Force ouvrière, des forces syndicales qui vous sont proches, l'organisent à Paris. (Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La dernière personne à avoir la parole est Mme la rapporteure de majorité, Mme Nathalie Fontanet, à qui il reste cinquante secondes.
Mme Nathalie Fontanet (L), rapporteuse de majorité. Ecoutez, Monsieur le président, je suis un peu désemparée, ainsi d'ailleurs que la rapporteure de minorité, quant à nos droits de parole.
Cela dit, il faut évidemment refuser l'ensemble de ces amendements, pour les raisons exposées par M. Jornot. On a d'un côté, socialiste, de l'angélisme pur, où il faut finalement de gentilles personnes qui viennent tenter de faire de la médiation. (Remarque.) De l'autre côté, on a l'épouvantail Vert qui nous agite les théories selon lesquelles le service d'ordre donnerait lieu à des blessures violentes.
Mesdames et Messieurs, il faut arrêter ces bêtises. Nous avons besoin d'un service d'ordre qui encadre la manifestation, qui se conforme aux consignes de la police et qui communique. Et nous souhaitons la responsabilisation, maintenant, des organisateurs. Cessez ces messages hypocrites dans lesquels tous les manifestants sont encouragés à venir assister aux manifestations, où l'on met des enfants au milieu du cortège ou sur des chars... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour empêcher l'action de la police. Cela a été fait la dernière fois; cela nous a été confirmé par M. Cudré-Mauroux lors de son audition. Réveillez-vous, Mesdames et Messieurs, et acceptez ce projet de loi tel qu'il est issu des travaux de la commission.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote... (Commentaires.) Vous avez la parole, Madame la rapporteure de minorité.
Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, j'aimerais simplement savoir si je dois m'exprimer sur tous les amendements en une fois.
Le président. Vous avez trois minutes pour le tout.
Mme Irène Buche. J'ai trois minutes ? Je vous remercie.
J'aimerais simplement rappeler, en préambule, que les Verts et les socialistes sont totalement opposés à ce projet de loi. (Remarque.) Cela étant, nous avons quand même essayé de proposer des solutions. Nous pourrions vivre avec certaines dispositions, comme les articles 4, alinéa 5, 5, alinéa 3, et 6, alinéas 2 et 4, si tous nos amendements sont adoptés. Maintenant, nous ne sommes pas opposés à un service d'ordre. Nous ne l'avons jamais été. Ces services d'ordre existent déjà. Cela étant, il faut définir leur mission. C'est pour cela que nous avons proposé à l'article 5, alinéa 4, qu'il soit ajouté: «destiné à la médiation et à la transmission d'informations».
M. Cudré-Mauroux a été interrogé sur cette disposition. Il nous a expliqué que le service d'ordre des organisateurs ne doit pas se substituer à la police, mais doit fournir des renseignements pour faciliter l'action de la police en cas de débordement. Donc il ne s'agit pas d'intervenir physiquement, mais simplement de se concentrer sur la transmission de l'information. Nous sommes par conséquent d'accord avec cela, à condition que la mission du service d'ordre soit bien définie. C'est pour cela que je vous invite à accepter cet amendement.
En ce qui concerne les autres dispositions dont nous avons demandé purement et simplement la suppression de ce projet de loi, je vous dirai en quelques mots les raisons de cette demande. La proposition de prévoir une responsabilité financière des organisateurs est inacceptable, d'autant plus s'ils n'ont pas commis de faute ! La disposition vise en fait à faire payer aux organisateurs... (Brouhaha.) ...les agissements de casseurs, sur lesquels ils n'ont aucune prise, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure. Certains d'entre vous ont tenu des propos inadmissibles. Les organisateurs ne veulent pas des casseurs. Simplement, c'est très difficile à maîtriser. C'est le travail de la police. Mais je réitère mes propos: tout cela peut très bien être fait dans le cadre de la loi actuelle. Ensuite, à l'article 10, on parle d'une amende allant jusqu'à 100 000 F. C'est totalement excessif et disproportionné, et cela a pour seul but de faire peur aux gens, pour qu'ils ne veuillent plus organiser de manifestations. Quant à l'article 10A, quand on dit que toute nouvelle autorisation peut être refusée pour une période allant jusqu'à cinq ans, même si l'organisateur n'a pas commis de faute, c'est tout simplement choquant !
Tout cela est donc tout à fait inacceptable, raison pour laquelle je vous demande d'adopter tous nos amendements, qui sont inscrits sur la feuille que vous avez reçue.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'amendement socialiste à l'article 5, alinéa 4 (nouvelle teneur), tel que je vous l'ai lu précédemment.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 25 oui.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement socialiste à l'article 5, alinéa 5 (nouveau), consistant à supprimer cet alinéa. La parole n'étant pas demandée, nous procédons au vote.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'article 5, alinéa 3 (nouvelle teneur), alinéas 4 et 5 (nouveaux, l'alinéa 4 ancien devenant l'alinéa 6), est adopté, de même que l'article 6, alinéas 2 (nouveau, les alinéas 2 à 6 anciens devenant les alinéas 3 à 7) et 4 (nouvelle teneur).
Le président. Nous sommes à présent saisis d'un amendement socialiste à l'article 8, alinéa 2 (nouveau), visant à supprimer cet alinéa. La parole n'étant pas demandée, nous procédons au vote.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'article 8, alinéa 2 (nouveau), est adopté.
Le président. Nous sommes maintenant saisis d'un amendement socialiste à l'article 10 (nouvelle teneur, sans modification de la note), consistant - petite spécialité ! - à maintenir la version actuelle de l'article 10, c'est-à-dire que cet amendement vise à biffer cet article 10 du projet de loi 10615. Nous procédons au vote.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'article 10 (nouvelle teneur) est adopté.
Le président. Nous sommes enfin saisis d'un amendement socialiste à l'article 10A (nouveau), consistant à supprimer cet article. La parole n'est pas demandée; nous procédons au vote.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'article 10A (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 4, alinéa 5 (nouveau).
Le président. Nous sommes saisis de quelques demandes d'amendements socialistes, à la surprise générale ! Une modification est proposée à l'article 5, alinéa 4 (nouvelle teneur). Pour celles et ceux d'entre vous qui l'ont oubliée, je vous la relis: «Lorsque cette mesure paraît propre à limiter les risques d'atteinte à l'ordre public, le département impose au requérant la mise en place d'un service d'ordre destiné à la médiation et à la transmission d'informations.» Nous sommes dans le cas de figure où chaque groupe a droit à trois minutes. La parole est à M. le député Christian Bavarel.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce qui est en train de se passer ce soir est important. Je pense qu'il faut que vous preniez conscience que nos partis ne pourront plus organiser certaines manifs, et nous ne serons plus dedans. Vous êtes en train de voter un projet de loi pour que les manifestations soient convoquées par des flyers, par des groupes extrémistes. Vous n'aurez plus les partis responsables à l'intérieur.
La deuxième chose que vous aurez - c'est ce que vous êtes en train de choisir - c'est que les manifestations qui seront autorisées le seront avec des services d'ordre musclés. Vous savez ce que cela veut dire et comment cela fonctionne. Donc c'est un choix et c'est votre responsabilité que vous êtes en train de prendre ce soir.
C'est un changement de culture à Genève. Vous le souhaitez et vous en porterez l'entière responsabilité. Vous êtes certainement dans l'ignorance de la manière dont se passe une manifestation. Pourtant, un match de foot est assez similaire. Lorsque vous avez quelques excités à l'intérieur d'une manifestation, que vous dites que c'est l'organisateur qui est responsable des dégâts causés par ces quelques personnes et que ces personnes-là perdent leur responsabilité individuelle, vous entrez dans une logique de responsabilité collective ou de responsabilité de l'organisateur, et vous déresponsabilisez les individus à l'intérieur de la manifestation. C'est un choix; je le déplore. Je le dis très clairement ce soir, je pense que nous aurons des manifestations beaucoup plus dures à Genève. C'est le choix aujourd'hui de la majorité de ce Grand Conseil. Je trouve cela regrettable. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on vient d'assister à un discours de mon préopinant. On pourrait presque lui donner le bon Dieu ou une plante verte sans confession. Mais il ne sait pas lire ! Je vous lis l'article 10 de la loi, Monsieur le député, pour que vous puissiez le comprendre, parce que c'est effectivement important. Alors, à la place de raconter des balivernes à ceux qui nous écoutent, on va leur dire ce que l'on va voter. Je lis l'article 10: «Celui qui a omis - omis - de requérir une autorisation de manifester, ne s'est pas conformé à sa teneur, a violé l'interdiction édictée à l'article 6, alinéa 1 ou ne s'est pas conformé aux injonctions de la police est puni de l'amende jusqu'à 100 000 F.» Vous vous rendez compte de tout ce qui est cumulatif pour avoir une amende de 100 000 F ?!
Qu'êtes-vous en train de prôner, Monsieur le député ? Qu'on a le droit de manifester - cela, je l'ai dit, nous le soutenons - mais que l'on a le droit de casser Genève et que l'on doit absoudre ? C'est l'impunité totale ?! Mais si des anti-Verts viennent manifester au Jardin botanique où vous travaillez et détruisent toutes les serres, qu'allez-vous dire ? (Brouhaha.) On vous enlève votre outil de travail. Vous allez dire: «Mais alors, qui vais-je poursuivre ?» Réponse: «Ah, on ne sait pas. Ce sont des Black Blocs. Ils étaient anonymes.» Vous avez perdu votre outil de travail, les assurances ne veulent plus vous couvrir. C'est ce qui se passe pour les commerçants ! Les commerçants et les citoyens de Genève en ont marre !
Donc, aujourd'hui, oui - et c'est votre responsabilité - à ce que la loi se durcisse, parce que vous n'avez pas su maîtriser les manifestations et que certains d'entre vous, que l'on a cependant déjà éjectés de ce parlement, ont fait preuve de complaisance - je veux parler d'A gauche toute - avec les casseurs, parce qu'ils étaient bien contents de casser du flic, Monsieur. Je l'ai entendu dans les rangs des manifestants ! Et ça, c'est à combattre. La police, il faut aussi la respecter pour qu'elle vous respecte. Point, terminé, à la ligne !
Aujourd'hui, on vous fait violence. Vos amendements sont balayés, sont mis à la poubelle, et ce projet de loi va passer en force. C'est votre responsabilité. Vous n'avez qu'à rendre des comptes à vos extrémistes de gauche. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, au prétexte de lutter contre les excès commis par les Black Blocs, le Grand Conseil vote ici une loi liberticide, qui vise à criminaliser les organisateurs de manifestations. La preuve, c'est le montant des amendes prévues. C'est tout simplement scandaleux. On ne peut plus s'exprimer devant ce Grand Conseil. On ne peut plus s'exprimer dans la rue. La liberté est morte; vive la liberté !
M. Olivier Jornot (L). Comme d'habitude, on est à ce point crucial du débat où les opposants doivent choisir entre nous dire que ce que nous allons voter ne sert à rien parce que cela existe déjà et la version qui consiste à dire que cela va être le cataclysme. Dans ce projet de loi, on a soutenu les deux. D'ailleurs, dans le rapport de Mme Buche, on trouve les deux versions. A l'instant, maintenant, parce que c'est bientôt l'heure d'aller se coucher, on a choisi la version du cataclysme pour essayer de nous faire croire que, avec ce projet de loi, Genève allait s'écrouler.
M. Bavarel nous a fait la leçon. Il est extrêmement énervé. Il est le seul dans cette enceinte à comprendre comment fonctionne une manifestation. Il nous a donc fait la leçon pour nous expliquer que notre projet de loi allait tout massacrer. Alors oui, vous avez raison sur un point, Monsieur Bavarel: ce projet de loi est important. Il est important parce qu'il marque la volonté de ce parlement de ne pas laisser faire ce qui s'est produit jusqu'à présent, notamment dans cette célèbre manifestation qui a donné lieu à la rédaction du projet.
Mais au-delà de cela, ce que nous voulons, encore une fois, n'est pas faire en sorte que l'on ne puisse plus manifester; ce n'est pas faire en sorte de durcir les conditions à tel point que vous et vos amis pourriez y renoncer. Non, ce n'est pas cela. Nous voulons aussi, Madame Buche, un service d'ordre qui, comme vous le souhaitez, sert à apaiser les tensions lorsqu'il y en a. Mais nous voulons plus que cela ! Nous voulons que les organisateurs - dont nous ne réclamons pas qu'ils fassent le travail de la police; la police le fait très bien, et on la remercie au passage - assument le fait que, en organisant une manifestation sur des thèmes dont ils savent qu'ils entraînent nécessairement des violences, ils doivent contribuer à limiter les risques !
Aujourd'hui, quand vous organisez une manifestation - pas une manifestation politique - une manifestation avec trois buvettes et un bal champêtre, on vous oblige, au département, à avoir un service d'ordre, des Securitas, et des machins et des trucs ! Pourquoi, pour organiser trois buvettes, devriez-vous mettre en place tout un dispositif, tandis que, pour faire traverser 10 000 personnes et 500 Black Blocs à travers la ville, vous n'auriez aucune responsabilité ?! Cela n'a aucun sens, Mesdames et Messieurs.
Tout cela, dans ce projet de loi, est parfaitement équilibré et raisonnable. C'est au contraire une défense de la liberté. Je vous invite à rejeter, une fois de plus, tous ces amendements. (Applaudissements.)
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas acceptable de soumettre une liberté à de telles conditions. Voici le message que la droite de ce parlement envoie aujourd'hui à la population: on s'assoit sur la constitution genevoise, qui a dans son fondement cette liberté-là.
Je souhaite maintenant revenir, Monsieur le président, sur certains propos. J'aimerais dire que je suis choquée - très choquée - par les propos que M. Forte a tenus sur le Forum social lémanique. Monsieur le député, vous n'ignorez pas - vous ne devriez pas l'ignorer - que le Forum social lémanique a été soutenu par Genève, ville de paix; en son sein, il y avait des anciens députés qui sont aujourd'hui à Berne. J'aimerais quand même que vous respectiez cela. Le Forum social lémanique n'est pas constitué de voyous. Je n'accepte pas vos propos.
Je trouve également inqualifiables les propos de M. Jornot lorsqu'il amalgame le parti socialiste, la gauche, aux casseurs. Monsieur le député, je trouve vos propos inacceptables. Je ne les accepte pas, car nous avons toujours condamné - nous l'avons toujours dit - l'attitude de ces voyous... (Remarque.) Non, pas après ! Nous avons toujours condamné l'attitude de ces voyous qui ont cassé Genève. Nous avons aussi souffert... (Remarque.) Les commerçants ont souffert. Je peux vous dire que j'ai de la famille qui a aussi subi des dégâts, et on a dû assumer. Alors ne venez pas dire cela, Monsieur le député, parce que c'est inacceptable !
En revanche, vous dites, vous tous ici, que vous êtes sensibles et que vous voulez la liberté. Mais c'est faux ! Vos actes vous trahissent totalement ! En effet, ce que vous mettez dans cette loi consiste précisément à revenir sur ce fondement qu'est le droit de manifester. C'est un droit fondamental, et vous êtes en train de le piétiner, de vous asseoir dessus.
Mesdames et Messieurs les députés, nous refuserons avec la plus grande fermeté ce projet de loi, qui est totalement inacceptable et indigne de la Genève des droits de l'Homme. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...je crois qu'il est temps de peut-être reprendre raison et de ne pas avoir simplement des défenseurs. Il est vrai peut-être que le parti socialiste ou les Verts, parmi les nobles députés élus qui sont ici, ne représentent pas ces gens. Mais ce sont quand même ces milieux qui représentent leur clientèle.
On vient de nous dire que le droit de manifester est attaqué par ce projet de loi. Moi je vous dirai que c'est le droit de manifester pour tout le monde qui n'est plus respecté par la faute des gens qui sont de votre côté. En effet, regardez ce qui se passe maintenant. Il suffit que quelques groupes qui ne sont pas issus de nos milieux évoquent simplement une vague intention de manifester, ce qui est compris comme une volonté de tout casser, et les autorités font actuellement machine arrière et interdisent nos manifestations. Est-ce cela que vous voulez ?
Je vous invite tous à avoir raison, à refuser ces amendements et à voter pleinement ce projet de loi, qui remettra un peu l'église au milieu du village parmi tous ces gens qui ont oublié que manifester, c'était exprimer des idées et pas mettre une ville à feu et à sang.
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Christian Bavarel, à qui il reste une minute et trente secondes.
M. Christian Bavarel (Ve). Je rappelle simplement que les Verts, aujourd'hui, sont pour que les casseurs soient punis. Ils sont en faveur de la responsabilité individuelle. Ce que nous refusons, aujourd'hui, c'est que vous rendiez responsables les organisateurs des manifestations des dégâts commis par quelques individus. Aujourd'hui, dans notre société, nous voulons que les gens qui cassent portent, eux, la responsabilité et que eux soient punis. Ce que vous êtes en train de faire, c'est totalement l'inverse. Vous demandez aujourd'hui que seuls les responsables des manifestations soient, eux, punis. C'est inadmissible. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député François Lefort, à qui il reste quarante secondes.
M. François Lefort (Ve). Ce sera largement suffisant, Monsieur le président.
Depuis une heure, nous entendons la droite et l'extrême droite nous faire propriétaires des cagoulards. Les cagoulards sont ceux qui portent des cagoules; c'est un vieux mot des années trente, pour ceux qui ont un peu de culture historique, et vous savez de qui on parle.
M. Jornot nous dit: «Ces cagoulards, ce sont les vôtres !» M. Stauffer nous dit: «Ces cagoulards, ce sont les vôtres !» Mais qui nous dit, à nous, que ce ne sont pas les vôtres... (Applaudissements.) ...puisqu'ils ont le même but que vous, soit de réduire nos libertés ?! (Applaudissements.)
M. Fabiano Forte (PDC). Le groupe démocrate-chrétien, vous l'aurez compris, vous invite à rejeter l'ensemble de ces amendements et à voter le projet de loi tel qu'il est issu des travaux de la commission.
Par ailleurs, permettez-moi de répondre, très gentiment - Monsieur le président, vous transmettrez - à ma collègue Loly Bolay. Je n'ai jamais dit que le Forum social lémanique avait cassé. J'ai simplement dit que le Forum social lémanique avait organisé des manifestations. Et lorsqu'il fallait assumer un certain nombre de choses, plus de Forum social lémanique ! En outre, il m'est égal, Madame la députée - Monsieur le président, vous transmettrez - qu'il y ait d'anciens députés dans cette organisation. Je constate qu'elle organise des manifestations et que quand il s'agit de prendre des responsabilités, cette organisation n'existe tout simplement plus.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roberto Broggini, à qui il reste quinze secondes.
M. Roberto Broggini (Ve). En quinze secondes, je vous dirai, Monsieur le président, que je m'étonne de ceci. Alors que la droite est contre la prolifération des lois et des projets de lois, dès que l'on parle de sécurité, on légifère, on légifère et on légifère. (Brouhaha.) J'en ai terminé avec mes quinze secondes.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer, à qui il reste quarante secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on assiste aujourd'hui à un tour d'hypocrisie phénoménal des Verts et des socialistes, qui viennent nous dire qu'ils sont contre les casseurs. Mais c'est exactement la même chose quand ils nous indiquent qu'ils sont contre les dealers. Quand on leur dit: «On doit engager plus de policiers !», il n'y a plus personne au portillon... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) En Ville de Genève, notamment, vous avez fait engager des sociologues à la place d'agents de police municipale. (Commentaires.) Bravo pour la sécurité ! Bravo, Mesdames et Messieurs ! (Commentaires.) La population saura s'en souvenir ! (Brouhaha. Le président agite la cloche. Applaudissements.)
Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Je crois que l'hypocrisie n'est pas là où vient de l'annoncer M. Stauffer. Vous vous voilez la face. Le problème n'est pas là où vous le pensez. Les casseurs dont vous parlez ne sont pour vous qu'un prétexte pour diminuer le droit de manifester, et c'est inadmissible. De plus, vous faites des amalgames qui ne sont pas acceptables. (Remarque. Le président agite la cloche.) Pour être sérieux, je pense que vous devriez y réfléchir à deux fois. En effet, sachez quand même que nous ne sommes pas les seuls à ne pas être d'accord avec cette loi et que ce que vous risquez au bout du compte, si vous persistez à voter cette loi, c'est un référendum. (Commentaires. Exclamations. Applaudissements. Le président agite la cloche.)
Si je peux continuer, j'aimerais revenir sur les propos de Christian Bavarel, qui disait que, si les conditions pour manifester deviennent aussi strictes que vous le voulez, effectivement, c'est là que les manifestations deviendront incontrôlables. (Brouhaha.)
Finalement, je rappelle que même le commandant de la gendarmerie a dit que ce qui importait était ce qui se passait sur le terrain, pas de modifier la loi. Il a des solutions à proposer. Voilà, vous ne voulez pas les entendre, eh bien tant pis ! Nous verrons la suite.
Cela étant, je rappelle que nous avons redéposé nos amendements au troisième débat et je vous invite encore une fois, même si c'est avec peu d'espoir, à les accepter.
Mme Nathalie Fontanet (L), rapporteuse de majorité. Ce projet n'est pas attentatoire à la liberté de manifester. En revanche, Mesdames et Messieurs - et c'est le but - ce projet est attentatoire à la liberté de casser. Nous attendons extrêmement sereinement un éventuel référendum, car nous sommes persuadés que nous aurons à ce moment-là à nos côtés la population, qui en a ras le bol. Soutenez ce projet de loi et, évidemment, ne votez aucun des amendements.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. J'interviens brièvement. Le devoir des autorités est de protéger la population. La police genevoise a une très belle devise que vous voyez lors de chaque prestation de serment de la police. Cette belle devise de la police est la suivante: «Servir et protéger». Mesdames et Messieurs, ce soir, au-delà des clivages, des hypocrisies, c'est sans amendements et sans hésitations que je vous demande de voter cette loi, dans la mesure où il n'est pas concevable, il est même inacceptable pour moi d'imaginer envoyer des forces de l'ordre se faire casser. (Commentaires.) Il est inadmissible d'imaginer que la police, qui doit protéger nos biens publics, doive se mettre dans des situations infernales. Je crois que, au-delà, personne n'a le monopole de la liberté d'expression ce soir. (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
Mme Isabel Rochat. Tout a été dit. Encore une fois, c'est sans hésitations et sans amendements que je vous encourage à voter cette loi.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'amendement socialiste à l'article 5, alinéa 4 (nouvelle teneur), que j'ai déjà lu au moins quatre fois !
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 24 oui.
Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'amendement consistant à supprimer l'article 5, alinéa 5 (nouveau).
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'article 5, alinéa 3 (nouvelle teneur), alinéas 4 et 5 (nouveaux, l'alinéa 4 ancien devenant l'alinéa 6), est adopté, de même que l'article 6, alinéas 2 (nouveau, les alinéas 2 à 6 anciens devenant les alinéas 3 à 7) et 4 (nouvelle teneur).
Le président. Je vous fais maintenant voter sur l'amendement consistant à supprimer l'article 8, alinéa 2 (nouveau).
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'article 8, alinéa 2 (nouveau), est adopté.
Le président. Je mets à présent aux voix l'amendement à l'article 10 (nouvelle teneur, sans modification de la note), consistant à biffer cet article, c'est-à-dire à revenir à la version actuelle de l'article 10.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'article 10 (nouvelle teneur) est adopté.
Le président. Enfin, nous nous prononçons sur le dernier amendement, qui consiste à supprimer l'article 10A (nouveau).
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'article 10A (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Le président. Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote final...
M. Eric Stauffer. Vote nominal !
Des voix. Vote nominal ! (Plusieurs députés lèvent la main.)
Le président. Je vois que vous n'êtes pas suivi ! Ce sera donc un vote nominal.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10615 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 25 non.