Séance du vendredi 15 avril 2011 à 20h30
57e législature - 2e année - 7e session - 43e séance

R 618
Proposition de résolution de Mmes et MM. Frédéric Hohl, Patricia Läser, Jean Romain, Patrick Saudan, Nathalie Schneuwly du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonal à propos de la modification de la législation fiscale fédérale (Application de l'impôt à la source (IS) à l'ensemble des salariés et rentiers en Suisse)

Débat

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition radicale est à l'intention - vous l'avez compris - du Parlement fédéral pour obtenir un rapport sur l'impôt à la source.

En Suisse, ce n'est pas un scoop, le système fiscal est extrêmement compliqué. En revanche, l'impôt à la source est d'une simplicité étonnante. Les entreprises, à Genève - on en a l'habitude - sont également rémunérées pour ce travail. En août dernier, l'Assemblée s'est penchée sur la question et elle va continuer ses travaux l'automne prochain.

Mesdames et Messieurs, je vous invite à renvoyer cette proposition de résolution à la commission fiscale, qui pourra travailler autour de celle-ci pour que l'on puisse, ensemble, la renvoyer à l'Assemblée fédérale.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de résolution, effectivement, mérite d'être étudiée. (Rires.) Je pense que, lorsqu'elle sera examinée, les conclusions de l'étude seront évidentes à ceux qui l'ont déposée et qui la soutiennent aujourd'hui. Elles montreront en particulier que ce fardeau qui est mis sur les entreprises - visant à les charger davantage de tâches administratives - ne devrait pas être accueilli avec un enthousiasme débordant par celles-ci. Et, au fond, tout bien considéré, le PLR - dans sa volonté de décharger les entreprises de charges excessives - devrait arriver à la conclusion que c'était une excellente idée à étudier ! Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...je vous rappelle qu'hier la droite, avec le soutien inespéré de la gauche unanime, s'est opposée à ce que la commission de perception pour l'impôt à la source en faveur des entreprises soit ramenée de 3 à 2%.

Dans la suite logique du mouvement, la droite vous propose maintenant d'augmenter l'assiette sur laquelle ce 3% va être perçu. En effet, ce sont l'ensemble des salariés qui seront désormais prélevés à la source par leur employeur, qui pourra ainsi prélever 3% pour cette activité.

Nul doute, Mesdames et Messieurs de la gauche, que vous allez accourir pour soutenir ce patronat besogneux qui, grâce à ce travail minutieux, va pouvoir s'enrichir davantage ! Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Serge Dal Busco (PDC). Ce projet de résolution vise un objectif légitime: simplifier la vie des citoyens contribuables.

Nous avons un gros doute sur la possibilité de généraliser le système de l'imposition à la source. Pour certains contribuables, on peut imaginer que ce soit relativement simple. Mais, pour la majorité d'entre eux, vu le régime des déductions que le système fiscal, tant sur le plan fédéral que cantonal, permet - je citerai, parmi les plus simples, les charges de famille, très différentes d'un contribuable à l'autre, qui suscitent des déductions fiscales, ou encore la situation hypothécaire ou les dettes qui permettent justement la défalcation des intérêts débiteurs - eh bien, tout cela fait que, pour chaque contribuable, en tout cas dans le système actuel, il y a un taux d'imposition réel différent.

On lit dans l'exposé des motifs que l'on pourrait adapter le taux d'imposition à la situation particulière de chaque contribuable. Je ne vois pas très bien là où il pourrait y avoir une simplification. Et comme cela a été dit - n'en déplaise à M. Poggia par rapport à ce qu'il vient de déclarer - je ne pense pas que les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises, voient arriver une telle proposition avec beaucoup d'enthousiasme. En effet - ça, il faut vraiment l'affirmer - c'est une charge qui est reportée ou qui serait reportée sur les entreprises.

Néanmoins, c'est un vaste sujet, qui mérite d'être étudié de manière un peu plus approfondie, de surcroît si c'est un texte qui est destiné à l'Assemblée fédérale. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons quand même le renvoi de cette résolution à la commission fiscale.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Notre groupe voit plutôt d'un bon oeil cette proposition d'imposition à la source. Maintenant, elle nécessite un certain nombre d'études. C'est pour cela que nous irons dans le sens de la demande de renvoi en commission, pas vraiment pour l'argument que M. Poggia a avancé - vouloir enrichir les entreprises et la place - mais plutôt par principe de praticité ou, disons, pour rendre la procédure plus pratique pour les citoyens. Enfin, à voir... En tout cas, nous accepterons cette demande de renvoi en commission.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, à la lecture de cette résolution, nous pouvons nous poser la question de savoir si elle demande une externalisation de l'administration fiscale ou bien si c'est le premier pas vers l'abolition de l'impôt sur la fortune. (Exclamations.) En effet, pour chaque contribuable, il est vrai que la déclaration d'impôt et son remplissage ne sont pas une sinécure, mais de là à accepter comme solution cette résolution, qui propose un impôt à la source pour tous les salariés et les rentiers... Tel qu'il est proposé dans cette résolution, cet outil reste relativement partiel, incomplet. Et il est même proposé que l'imposition à la source soit libératoire, alors que, dans les pays qui la pratiquent - prenons l'Allemagne, qui pourrait être assez proche - on a une double contrainte, c'est-à-dire qu'il y a une imposition à la source et, en plus, une déclaration sur la fortune et les déductions.

Compte tenu des expériences, il s'avère qu'il y a très peu de pays ou très peu de systèmes qui permettent une vraie et unique imposition à la source et libératoire. Souvent, l'imposition reste tout de même un travail à double. Que cela devienne plus simple pour le contribuable ou que nous adoptions des façons de faire plus simples pour le contribuable, ça, le parti socialiste peut l'entendre.

Monsieur Poggia, je crois que vous confondez quand vous intervenez en disant que les socialistes ont accepté de subventionner les patrons et qu'ils vont continuer... Non, nous sommes dans deux domaines différents. Hier, nous parlions d'un type de contribuables bien particulier, aujourd'hui, nous sommes avec des contribuables genevois ou, en tout cas, qui habitent le canton.

Nous ne pourrons pas accepter cette résolution comme telle, parce qu'elle réduit et simplifie à l'extrême un sujet complexe qui demande de changer en profondeur non seulement un système fiscal cantonal, mais aussi un système fiscal fédéral - pour que ce ne soient pas nos genevoiseries.

Nous ne comprenons pas pourquoi c'est une proposition qui est faite ici à Genève pour le niveau fédéral. C'est pour toutes ces raisons que, en l'état, nous la refuserons.

M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC ne soutiendra pas cette résolution pour deux raisons. Premièrement, parce qu'elle infantilise le citoyen face à ses devoirs. A mon sens, elle lui ferait de plus perdre un certain sens de la réalité de ce qu'il paie vraiment, puisqu'il ne s'occuperait plus de rien. Tous les mois, il verrait un certain montant retiré de son salaire, ce qui lui ferait perdre tout sens des réalités. Pour ces deux raisons, nous refuserons cette résolution.

Une voix. Très bien !

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de renvoyer cette résolution en commission, ce qui permettra de faire un point de situation sur les différents aspects du dossier. Il y a eu, à ce jour, une consultation qui a été réalisée, en fait, à l'initiative du canton de Neuchâtel. Le canton de Neuchâtel, le canton de Vaud, le canton de Genève ont pris position, à priori, pour la généralisation de l'impôt à la source. Nous ne sommes en Suisse que sept cantons de cet avis.

Vous devez prendre le temps, sans doute, de voir cette résolution, à cause de la problématique de l'impôt des quasi-résidents. Il y a aujourd'hui - j'aimerais quand même attirer votre attention sur ce fait - 270 000 contribuables au barème ordinaire, mais on va maintenant fêter les cent millièmes imposés à la source - résidents ou habitant de l'autre côté de la frontière. Et il est possible que, au niveau fédéral - sous la pression des cantons qui sont moins proches de la frontière que nous - on arrive à l'abolition pure et simple de l'impôt à la source au profit d'un impôt de garantie qui nous obligerait par ailleurs à faire une déclaration. Et boum: 100 000 déclarations de plus à faire ! Pas 5000, 100 000 !

Cette question est donc suffisamment complexe pour que vous ayez peut-être l'ensemble de l'information avant de vous déterminer.

Maintenant, il est vrai que les obstacles qui ont été relevés ne peuvent pas être niés. Il n'est pas possible d'avoir seulement une imposition à la source. Il y a forcément une déclaration pour les gens qui ont une fortune ou un bien immobilier, quelle que soit la forme. Et il faut aussi convenir que le système d'imposition à la source exige une simplification: il est moins individuel. S'il est moins compliqué, c'est qu'il est moins individuel; il est plus forfaitaire. Et je pense qu'il vaut la peine que vous voyiez les avantages et les inconvénients de cela.

Il y a un immense avantage - qu'on a aussi bien avec l'impôt de garantie, à vrai dire, qu'avec l'impôt à la source - c'est de ne pas mettre 50 000 personnes aux poursuites chaque année; enfin, de «faire» 50 000 poursuites, parce qu'en réalité c'est généralement plutôt deux fois 25 000. Ce problème est réel. Et je me rappelle - vous voyez, je me souviens très très bien des affiches du MCG - que c'était l'un des thèmes de la campagne en 2005 sur les bus. Il y avait le nombre de gens poursuivis par les impôts, c'était tout en haut de la grande affiche sur les bus. (Remarque. Le président agite la cloche.)

Beaucoup de gens souhaiteraient même aujourd'hui, dans les milieux modestes - des gens qui n'ont pas une extraordinaire maîtrise des choses compliquées ou du français, à voir - qu'on les protège contre eux-mêmes, si on veut. (Remarque.) C'est vrai. Je pense aussi qu'il vaut la peine d'avoir un système, le cas échéant, qui rapporterait 60 millions à l'Etat, parce que nous avons en permanence 2 milliards dehors. Nous avons 2 milliards de créances fiscales, et il y a cinq ans c'était 4 milliards, mais nous arrivons maintenant aux limites de l'amélioration du système de perception et des interventions plus rapides et plus dures.

Voilà pourquoi je pense qu'il n'est pas absurde que vous preniez le temps de voir, à l'occasion d'une commission fiscale, cette proposition d'initiative.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission fiscale. Je vous la soumets.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 618 à la commission fiscale est adopté par 60 oui contre 19 non.