Séance du
jeudi 17 mars 2011 à
20h45
57e
législature -
2e
année -
6e
session -
30e
séance
M 1996 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous continuons le traitement des urgences. Nous sommes aux points liés 202, 206 et 207. Le débat est de quarante minutes; chaque premier signataire pourra s'exprimer sur son texte, puis les groupes pourront intervenir. Pour la motion 1996, point 202, la parole est à M. le député Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je vous dis franchement que je n'ai pas préparé cette proposition de motion avec plaisir. Mais je me suis senti moralement obligé de la rédiger. Nous avons tous appris avec stupeur la gestion catastrophique du parc immobilier de l'Etat.
Cette proposition de motion est concise. Elle demande la transparence concernant les payements de loyers sous-évalués. Elle veut que ceux qui échappaient à tout versement pour des biens de l'Etat dont ils jouissaient soient dénoncés et punis. Qui paie 600 F un appartement de quatre pièces peut toujours se retrancher derrière le fait qu'il s'est acquitté de ce qu'on lui a demandé; il est difficilement attaquable devant la loi. Mais qui profite d'un bien sans contrepartie ne peut ignorer qu'il est complice d'un vol, au détriment des autres citoyens. Ces personnes doivent payer un loyer qui correspond aux lois du marché, ainsi qu'un arriéré. Sinon, pour nous tous, c'est intolérable et indéfendable.
La lumière doit être faite sur cette gabegie. Je suis fatigué de voir notre classe politique considérée comme les représentants d'une république de petits copains à cause de l'incapacité de quelques-uns et de dysfonctionnements scandaleux, alors que la grande majorité des élus ici présents sont des gens honnêtes et dévoués à leurs fonctions.
Le groupe UDC demande donc que cette proposition de motion soit renvoyée à la commission de contrôle de gestion, car il lui semble difficile qu'elle soit traitée par le Conseil d'Etat, dont l'un des services est mis en cause.
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour la résolution 658, point 206, la parole est à M. Eric Bertinat.
M. Eric Bertinat (UDC). Monsieur le président, cette affaire a fait grand bruit il y a quelques jours. Beaucoup de choses ont été dites, beaucoup d'accusations ont été portées. Les faits ont été, selon les uns ou les autres, grossis ou bien rapportés à des proportions plus acceptables.
L'une des choses qui m'a le plus frappé dans ces affaires est que, finalement, M. le conseiller d'Etat a expliqué qu'il avait hérité de plusieurs dossiers empoisonnés. Certes. Mais il y a aussi cinq ans que cet héritage a été fait. Cela signifie que cela fait cinq ans que les choses auraient dû être améliorées, ou en tout cas que l'on aurait dû être informés que non seulement ces dysfonctionnements existaient, mais qu'en plus il y était apporté des solutions. Or cela n'a pas été le cas. Nous avons été saisis de plusieurs rapports, de la Cour des comptes et de l'ICF, qui nous ont montré que, année après année, les choses n'allaient pas beaucoup mieux, pour ne pas dire carrément qu'elles allaient beaucoup plus mal.
Alors voilà, maintenant l'affaire a éclaté, elle est publique, et ce parlement doit bien entendu, à un moment donné, pouvoir se pencher sur ce sujet et apporter des réponses, qu'il attend bien évidement du conseiller d'Etat. C'est là le thème de la résolution 658 qui vous est proposée. Ses trois invites sont précises et permettront à ce parlement de faire un état des lieux.
La résolution invite le Conseil d'Etat «à présenter dans les meilleurs délais un plan rigoureux de réorganisation du DCTI pour mettre un terme aux dysfonctionnements réguliers qu'il connaît.» Cela me semble d'une logique totale. A un moment donné, et suite aux différents rapports dont nous avons été saisis, le Conseil d'Etat doit bien évidemment nous dire ce qu'il fait à part commenter les critiques que l'on peut trouver dans ces rapports.
Deuxième invite, le Conseil d'Etat est prié d'«annoncer au parlement les actions entreprises depuis novembre 2005 par le chef du DCTI.» En effet, on dit avoir hérité de dossiers empoisonnés alors que l'on a été élu en 2005 et que nous sommes en 2011; eh bien, finalement, il suffit là aussi de nous dire ce qui a été fait ! On sera alors suffisamment objectif, je l'espère, pour dire que oui, évidemment, bien des choses ont été entreprises. Ou que, au contraire, non; non, le département n'a pas été repris en main comme on pouvait l'espérer et M. Muller n'a pas fait un bon travail. Il faudra bien, à un moment donné, que les critiques à l'encontre de M. Muller soient validées; ou, à l'opposé, qu'il soit lavé de tout reproche.
Dernière invite: «à annoncer au parlement les actions entreprises depuis la parution du rapport de l'ICF daté du 21 décembre 2010.» C'est ce rapport qui a mis le feu au département, au DCTI. Que s'est-il passé ? Quelles ont été les réactions des principaux responsables dans ce département ? Voilà ce que nous aimerions bien savoir.
Voilà pourquoi l'UDC a déposé cette proposition de résolution et vous prie de la renvoyer au Conseil d'Etat, ce dont nous vous remercions par avance.
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour la résolution 659, point 207, Madame la députée Céline Amaudruz, vous avez la parole.
Mme Céline Amaudruz (UDC). Vous l'avez tous lu, il y a eu un grave problème; le scandale a explosé. Il y a clairement eu une faute grave. On est face à une personne qui a été élue et, cela, on doit le respecter. Mais, maintenant, M. Muller doit faire preuve de sévérité face à ces problèmes et être un vrai manager - vous devez expliquer à la population ce qui s'est passé, car nous dire que vous n'êtes pas au courant, ce n'est pas satisfaisant. A Genève, il y a un réel problème de logement. Vous nous avez annoncé un programme de 2500 logements par année: vous n'avez pas pu le réaliser. Aujourd'hui, les Genevois payent beaucoup d'impôts, or là, clairement, dans ce problème, nous avons manqué de recette fiscales. Il s'agit d'un gain manqué. Alors les Genevois ont le droit de savoir qui habite dans ces logements. Est-ce que ce sont des copains de la politique ? Est-ce que ce sont des gens dans le besoin ? Nous avons le droit à une certaine transparence.
C'est pour cela que nous aimerions vous inviter à faire trois choses: «à faire la synthèse des divers dysfonctionnements au sein du DCTI; à favoriser la libre formation de l'opinion publique en optant pour la transparence dans l'affaire du service de la gérance immobilière; à informer convenablement la population.» Aujourd'hui, il est temps de régler ce problème et de montrer que vous êtes un vrai manager. Merci.
Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons donc de renvoyer cette proposition de résolution à la commission de contrôle de gestion.
Le président. Merci, Madame la députée. Le débat général est ouvert, et je donne la parole à Mme la députée Morgane Gauthier.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Monsieur le vice-président, Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, les Verts regrettent que, une fois encore, le DCTI soit sous les feux de la rampe, non pas pour sa créativité à résoudre la crise du logement, pour sa gestion exemplaire du PAV ou pour encore son organisation interne... - enfin bref ! - ...mais pour un véritable scandale, un de plus - après le scandale de la prison Cento Rapido, dont les préfabriqués - des murs qui s'effondrent - sont construits en Europe de l'Est. De plus, les programmes informatiques dont on vient de parler, les transferts informatiques, les migrations informatiques ne fonctionnent pas. Enfin, le non-respect systématique des accords intercantonaux sur les marchés publics est relevé dans tous les rapports de la Cour des comptes et de l'ICF. Non, Monsieur Muller, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, cela ne fonctionne vraiment pas bien dans votre département. Et non, la confiance n'est pas là !
Les Verts s'exprimeront ce soir sur l'ensemble de la problématique soulevée par la motion et les deux résolutions de l'UDC. Nous tenons à rappeler ici que ce scandale de la gérance immobilière est totalement choquant pour tous les députés que nous sommes, mais également et surtout pour les citoyens de notre canton. Les Verts ne cautionnent pas ces pratiques, qui s'apparentent à du copinage, à de la gestion à la petite semaine, mais surtout à un amateurisme qui fait peur à ce niveau de responsabilité. Pour les Verts, il s'agit bien de la responsabilité du conseiller d'Etat, actuellement président de ce Conseil, qui est mise en cause. Sa légèreté à traiter ce dossier devra être mise à son débit lors de son bilan, tout comme d'autres éléments soulevés, tant par la Cour des comptes que par les rapports de l'Inspection cantonale des finances.
La commission de contrôle de gestion s'est longuement penchée ces derniers mois sur la gestion du DCTI. Lors de la publication du dernier rapport de la Cour des comptes, contenant les constats alarmants qui nous occupent ainsi que les recommandations préconisées, les membres de la commission de contrôle de gestion se sont emparés de la problématique afin de suivre au plus près ce qui se passe dans ce département. Mais là, comme cela arrive malheureusement de plus en plus souvent, nos travaux n'ont pas pu se dérouler en toute quiétude, du fait que des rapports ou des procès-verbaux de commission ont été transmis à la presse locale, qui s'en est emparée. Depuis lors, la commission travaille sans PV, mais surtout dans un climat délétère. Suite à ces événements, il a aussi été décidé à l'unanimité de ne plus communiquer sur la gérance tant que tous les éléments n'auront pas été éclaircis par la commission.
Nous constatons ce soir que deux groupes n'ont pas respecté la décision unanime de la commission et ont déposé des textes. Nous regrettons, une fois de plus, que la parole de certains députés ne soit pas tenue et continue à péjorer l'image des politiciens, image qui, soit dit en passant, ne favorise pas non plus les démocrates.
Mais à propos de ces textes - venons-en finalement vif du sujet - la proposition de motion nous semble plus que discutable sur le fond, du fait que les fonctionnaires sont soumis à la B 5 05, laquelle permet des enquêtes administratives pouvant déboucher sur des sanctions ou des blâmes, voire un licenciement. Il s'agit donc là d'une redondance avec le droit existant. Mais ce qui nous fait sourire est que ce même parti a invité - le 7 décembre dernier, par la voie d'une conférence de presse - à la désobéissance des citoyens, en demandant une consignation de leurs impôts. Nous avons donc une demande de moralité dans un contexte d'immoralité flagrante, à laquelle l'UDC fait régulièrement appel, soit par le biais de conférences de presse, soit par des affiches plus ou moins douteuses, voire irrespectueuses.
Concernant les deux propositions de résolutions, l'une demande une réforme de la gérance. Mais bien sûr que nous l'appelons de nos voeux ! Mais les réponses sont données dans l'audit de la Cour des comptes, qui propose des actions par le biais de nombreuses recommandations. Le DCTI, par l'action de son président, doit remettre de l'ordre dans ce département mammouth, qu'il a voulu, qu'il a souhaité, qu'il a eu. Mais maintenant, il faut agir, Monsieur Muller ! Nous attendons donc de vous que vous fassiez respecter la loi au sein de votre département même.
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Morgane Gauthier. Oui, j'en arrive à la conclusion ! Ce que les Verts proposent donc peut se résumer en quelques points, que nous avons énoncés en commission, donc c'est un redondance pour les membres de la commission de contrôle de gestion: le suivi très strict des recommandations émises; le suivi, par la commission de contrôle de gestion, du travail de la task force annoncée par le Conseil d'Etat, qui transmettra, entre autres, le cahier des charges précis, la composition de cette task force et son avancée dans la remise en ordre de la gérance. Finalement, nous sommes du même avis que les députés UDC sur ce point - mais ce sera l'unique point ce soir - et il faut que ces trois textes soient renvoyés à la commission de contrôle de gestion, afin qu'un rapport public soit rendu à ce Grand Conseil...
Le président. Vous avez terminé, Madame la députée !
Mme Morgane Gauthier. ...très rapidement. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, je suis le président de la commission de contrôle de gestion.
Des voix. Ah !
M. Eric Stauffer. La tâche n'a pas été facile et, effectivement, nous pouvons regretter qu'il y ait eu certaines fuites dans la presse. Je tiens à dire... (Exclamations. Commentaires.) Je tiens à dire que la commission de contrôle de gestion était en possession de ces documents explosifs depuis décembre et que les fuites ont eu lieu à un certain moment, pas forcément en provenance de la commission de contrôle de gestion ou des commissaires qui la composent. Cela, je tenais à le souligner en tant que président de la commission de contrôle de gestion.
Maintenant, il est vrai, Mesdames et Messieurs, que la population attend des réponses. Nous travaillons d'arrache-pied, avec la commission de contrôle de gestion; nous procédons à des auditions; nous sommes, de manière assez récurrente, toujours dans l'attente de réponses du Conseil d'Etat, nonobstant plusieurs lettres de rappel. Nous avons même, dans le cadre de nos investigations sur le DCTI, reçu des lettres - je pourrais les qualifier de menaces - du conseiller d'Etat interdisant à ses fonctionnaires de venir déposer devant la commission de contrôle de gestion. C'est une vraie honte, lorsqu'on sait que la commission de contrôle de gestion peut convoquer n'importe quel fonctionnaire et que ce dernier ne peut pas lui opposer le secret de fonction ! Alors on comprend bien l'embarras de certains chefs de département, qui n'ont plus, à ce stade, des cadavres dans les placards, mais de véritables charniers. (Remarque.) Je suis peut-être même encore au-dessous de la réalité !
Mais laissez-moi juste vous expliquer comment va répondre le conseiller d'Etat. Il va vous dire, dans quelques minutes: «J'ai hérité de ce département, lequel présentait déjà beaucoup de dysfonctionnements. J'ai entrepris des réformes. J'ai nommé une task force. L'ICF a fait un rapport.» Oh, on a bien eu le petit mensonge - à la demande du Conseil d'Etat, il a rectifié. J'avais moi-même défié le Conseil d'Etat devant la Télévision suisse romande: s'il maintenait que c'était lui qui avait demandé ce rapport à l'ICF, c'était un menteur. Il s'est rétracté: honneur à lui d'avoir rétabli la vérité. Donc il vous indiquera que le rapport de l'ICF a mis en évidence certaines choses et que des mesures ont été prises ! Eh bien, je vous le dis, Mesdames et Messieurs, vous prenez le balai, vous mettez le tout dans le container, et vous n'écoutez pas ces sornettes ! Cela fait exactement six ans que M. Muller est conseiller d'Etat, et vous allez vouloir faire croire à la population qui nous écoute que, pendant six ans, eh bien on n'a pas encaissé des loyers, on n'a pas augmenté les loyers, on a continué à louer des villas à 200 F ou des appartements de dix pièces à 1000 F ?! Mais de qui veut-on se moquer ?!
Alors, Mesdames et Messieurs, je vous le dis: dans une république normale - dans le canton de Zurich, par exemple - après six ans d'incapacité chronique - il faut le relever, et ce ne sont pas les médecins se trouvant dans cette salle qui vont me contredire - eh bien, un conseiller d'Etat pris comme cela, la main dans le sac, aurait eu un seul choix, c'est de présenter sa démission. Mais ici, évidemment, nous sommes à Genève... Et comme, à Genève, on fait tout de manière «complètement genevoise», alors tout va bien ! On respecte les institutions... On respecte aussi les incompétents. Parce que, ma foi, il ne faut pas être compétent, ce n'est pas une qualité pour être élu ! (Exclamations et commentaires.) Preuve en est... (Brouhaha.) Preuve en est, Mesdames et Messieurs... (Applaudissements.) ...la gérance immobilière. Oui, bien sûr, on peut rigoler...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président ! On peut rigoler, mais quand on voit la gabegie qui règne au DCTI, Mesdames et Messieurs, j'aurais plutôt envie de pleurer en tant contribuable de ce canton, et je regretterais, si j'étais un membre du PLR, d'avoir voté pour ces conseillers d'Etat.
Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, nous allons soutenir tous les renvois en commission. Mais la commission de contrôle de gestion s'est emparée de ce dossier. Cela prendra du temps. Parce que nous sommes des parlementaires de milices, que nous avons affaire à des fonctionnaires qui ont de la réticence...
Le président. Vous avez terminé, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Je conclus. Vous savez, Monsieur le président, c'est vrai, ici on veut limiter les débats... (Brouhaha.) ...sur des sujets tellement importants, mais enfin... J'ajouterai, concernant ce que vous dira le conseiller d'Etat en déclarant «J'ai pris les mesures»: prenez tout cela et jetez-le dans le container. Et utilisez votre bulletin de vote !
M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais quand même recentrer un peu le débat, pour dire que la commission de contrôle de gestion est saisie de ce dossier depuis quelques semaines, qu'elle fait son travail et que nous nous étions mis d'accord dans le cadre de la commission de contrôle de gestion pour travailler ensemble et pour ne pas parler en dehors, afin de pouvoir avancer assez vite dans ce sujet. Tout le monde est préoccupé au niveau de cette gérance immobilière, mais on doit d'abord obtenir la clarté du dossier pour être en mesure de prendre des décisions et de faire un rapport devant ce Grand Conseil.
Actuellement, on en est aux auditions; on est en train d'étudier l'affaire; on a décidé de laisser la task force travailler, de suivre ses travaux à intervalles réguliers, toutes les trois semaines ou tous les mois. Or, que se passe-t-il ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Les partis politiques ne respectent pas leurs engagements. Alors à quoi sert la commission de contrôle de gestion ? (Commentaires.) Oui, on a déposé une motion, mais on a retiré l'urgence... (Commentaires.)
Le président. Madame la députée Gauthier, laissez M. le député Buchs poursuivre ! (Remarque de Mme Anne-Marie von Arx-Vernon.)
M. Bertrand Buchs. Merci, Madame von Arx-Vernon. Ce que je veux dire... (Remarque de Mme Anne-Marie von Arx-Vernon.) ...c'est que l'on a décidé de travailler, et qu'il faut que l'on y travaille en commission de contrôle de gestion. Cela ne sert à rien de tirer sur quelqu'un lorsqu'on n'a pas encore le résultat des investigations. Après, vous pourrez dire tout ce que vous voudrez. Mais, là, vous ne respectez pas la procédure, qui consiste d'abord à aller au fond du problème et, ensuite, à prendre une décision. Le Grand Conseil est assez grand pour prendre cette décision. On sent que le deuxième tour des élections communales approche - le 17 avril - et que l'on est en train de monter en sauce cette affaire.
Tout le monde est d'accord sur le constat que quelque chose ne va pas. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut aller dans les détails: c'est le rôle de la commission de contrôle de gestion. Si l'on commence maintenant à faire les débats à l'avance et qu'on ne laisse plus travailler la commission de contrôle de gestion, à quoi sert-elle ? C'est la question que je vous pose.
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, le rapport de l'ICF a mis le feu aux poudres en dévoilant la gestion calamiteuse de la gérance immobilière de l'Etat. Mais les auteurs du rapport se sont contentés de lever le voile sur une partie seulement du problème. Le problème est beaucoup plus profond et frappe en particulier l'office de l'urbanisme et la direction des autorisations de construire, qui sont les pivots stratégiques de la politique du logement. Les témoignages sont nombreux, même au sein du gouvernement. Vous vous souvenez sans doute, Mesdames et Messieurs les députés, de ce que, il y a quelques mois, le conseiller d'Etat Unger s'était emporté en expliquant qu'il avait dû attendre près de dix mois pour obtenir une réponse du DCTI dans le dossier du MOA. Les dysfonctionnements se généralisent au sein de ce département, cela a été dit.
Mais ce que j'aimerais relever, c'est que tous les citoyens ne sont pas égaux face à ces problèmes. La mauvaise gestion est à géométrie variable et s'apparente à une forme de choix politique. Vous connaissez tous l'aversion profonde de l'Entente et de la Chambre genevoise immobilière pour la LDTR. Du coup, vous ne serez sans doute pas surpris d'apprendre ce soir que l'application de cette loi de protection des locataires fait l'objet d'une incurie toute particulière du département, et je ne suis pas seul à le penser. En effet, le Tribunal administratif, qui pourtant n'est pas un quarteron de gauchistes, a déclaré que «le laxisme du département dans l'application de cette loi était un fait notoire», et je cite.
Mesdames et Messieurs les députés, si la gestion du département est un désastre, ce que j'admire, en revanche, c'est la capacité de récupération des milieux immobiliers. En effet, pour résoudre les problèmes que le chef du département a en partie créés lui-même, il appelle le privé à la rescousse. La proposition frise le ridicule ! Nous avons à la tête du département, Mesdames et Messieurs les députés, l'ancien secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière, la fine fleur du syndicat des bailleurs, qui est secondé par l'état-major des régisseurs. Nul besoin, donc, de s'entourer d'une nouvelle task force, Mesdames et Messieurs les députés: les régisseurs sont déjà dans la place. L'incurie n'est donc pas conjoncturelle, elle est politique. Le DCTI vit le désastre du projet libéral en matière de logement et d'aménagement du territoire, qui se résume en deux propositions: dire et laisser faire. Le résultat, vous l'avez sous les yeux. Ce sont les traitements de faveurs, le soutien à la spéculation immobilière, la pénurie de logements, et les loyers qui explosent.
Mesdames et Messieurs les députés, il me semble important que nous renvoyions les deux propositions de résolutions, la R 658 et la R 659, à la commission de contrôle de gestion, pour qu'elle puisse examiner les points qui n'ont pas été traités par l'Inspection cantonale des finances. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Irène Buche, à qui il reste une minute et quinze secondes.
Présidence de M. Renaud Gautier, président
Mme Irène Buche (S). Pour revenir à la question de la gérance immobilière de l'Etat de Genève, le vrai scandale est l'inaction et le laisser-aller du chef du département, qui n'a pas réagi devant l'évidence, tout d'abord du rapport de l'ICF de 2005, puis du rapport de la Cour des comptes en 2008. Aujourd'hui, il faut que le DCTI prenne exemple sur la Ville de Genève. Pourquoi ? (Remarque.) Parce que la Gérance immobilière municipale... (Exclamations et commentaires. Le président agite la cloche.) ...se trouvait dans un état calamiteux... (Brouhaha.) La Gérance immobilière municipale se trouvait dans un état calamiteux il y a quatre ans, après des années de gestion libérale. Elle a aujourd'hui été remise sur les rails d'une bonne gestion, avec des critères clairs d'attribution de logements... (Remarque.) ...et des critères cohérents de fixation des loyers. Nous demandons que ces mêmes critères soient, à l'avenir, appliqués à la gérance immobilière de l'Etat de Genève, que la transparence devienne la règle et que M. Muller présente au plus vite un plan de réorganisation efficiente de ce service et du DCTI en général. Nous demandons surtout que ce département, qui est responsable de la construction de logements à Genève...
Le président. Il vous faut conclure, Madame.
M. Irène Buche. ...puisse enfin accomplir ses missions. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons effectivement le renvoi des deux propositions de résolutions à la commission de contrôle de gestion et que nous nous opposons, par contre, à la proposition de motion 1996 qui se trompe tout simplement de cible. (Applaudissements.)
M. Ivan Slatkine (L). Le groupe libéral-radical demandera le renvoi de ces trois objets à la commission de contrôle de gestion. Notre souhait n'est pas de polémiquer, ce soir. Il s'agit de faire un travail de fond, que la commission a commencé à entreprendre, dans des conditions difficiles, il faut le dire, puisque le rapport de l'ICF s'est retrouvé dans un journal et que des journalistes nous appellent en pouvant lire nos PV. Je dois dire que, dans ces conditions, il est difficile de travailler de manière sereine.
Je ne souhaitais pas polémiquer, mais alors, je dois dire que je tombe par terre quand j'entends certains dans cette salle. En effet, la politique des petits copains, Mesdames et Messieurs, politique des petits copains qui est dénoncée dans le rapport 1043 de l'ICF concernant la gérance immobilière, remonte à des faits qui existent depuis vingt ans ! Or, il y a vingt ans, qui était en charge de la gérance immobilière ? Je vous le demande. M. Grobet ? ASLOCA ? Ensuite, il y a eu M. Moutinot ! ASLOCA ! Venir accuser les milieux économiques, les milieux immobiliers, d'être à l'origine d'une politique des petits copains, c'est juste une insulte. Nous ne nous permettons pas, nous, de venir critiquer ou accuser qui que ce soit. Des dysfonctionnements dans l'Etat, Mesdames et Messieurs, il y en a partout ! Si vous voulez que l'on fasse des scandales à chaque séance du Grand Conseil, on va s'amuser à lancer des fuites sur tous les rapports de l'ICF, et cela concernera tous les conseillers d'Etat ! On peut s'amuser à ce jeu... Mais on est ici pour effectuer un travail sérieux et faire en sorte que l'Etat fonctionne au mieux pour les citoyens. Voilà pourquoi la commission de contrôle de gestion essaie de travailler de manière sereine, sans fuites.
C'est pour cela que nous vous demandons le renvoi de ces trois objets à la commission de contrôle de gestion, en espérant que l'on pourra travailler de manière sereine et trouver des solutions. Je suis certain que le Conseil d'Etat viendra avec des propositions. Il a peut-être péché par manque de communication, l'erreur est humaine, personne n'est parfait. Mais jouer à ce petit jeu, de vouloir s'attaquer entre nous sur la base d'un rapport, si c'est cela que l'on veut, Mesdames et Messieurs, la guerre est ouverte et on va bien s'amuser !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). Mes préopinants ont déjà largement parlé des dysfonctionnements de l'administration, de la valse des cadres au niveau de l'administration, de toutes sortes de pratiques, qui ne sont pas toujours très claires, dans l'attribution de logements. Je n'y reviendrai pas.
Il y a une chose que l'on a oublié de dire: un changement fondamental est intervenu entre les prédécesseurs du conseiller d'Etat actuellement en charge du DCTI et celui-ci. Les autres avaient leur bureau au milieu de leur administration, là où se trouvaient leurs fonctionnaires et où se trouvait le travail. Aujourd'hui, le conseiller d'Etat en charge du DCTI a quitté David-Dufour. Il s'est retrouvé à la tour Baudet, loin de son administration, et l'on voit le résultat: la tour Baudet est devenu une tour d'ivoire. C'est un problème.
Si l'on veut résoudre les problèmes, il faut être au milieu de ses fonctionnaires, en phase avec eux. En outre, je l'ai déjà dit une fois à M. Mark Muller, il faut aussi aller sur le terrain pour voir ce qui s'y passe. Aujourd'hui, les gens cherchent du logement; ils n'en trouvent pas et sont démunis. Il faut aller à leur rencontre pour en prendre toute la mesure.
Je terminerai en disant une chose: Monsieur Dandrès, nous ne partageons pas toujours les mêmes convictions, mais, pour une fois, je dois dire que les petits propriétaires approuveraient tout à fait ce que vous venez de dire.
Une voix. Bravo, Christina !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Céline Amaudruz, à qui il reste deux minutes et quinze secondes. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Mme Céline Amaudruz (UDC). Pour conclure, au nom de l'UDC, si nous avons déposé ces deux propositions de résolutions et cette proposition de motion, c'est parce que nous voulions un signal clair, qu'il y ait de la transparence, et c'est ce que l'UDC demande aujourd'hui. Le signal est très important ! Je conclurai ainsi: Monsieur Muller, je vous demande de devenir un manager, mais je vous conjure et je vous supplie de ne pas devenir comme Mme Salerno. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...le débat que nous avons ce soir est consécutif à un rapport de l'ICF qui date de la fin de l'année dernière. Ce dernier a mis en évidence deux problèmes bien distincts, qui sont généralement mélangés dans les discours. Le premier type de problèmes consiste en des dysfonctionnements administratifs dans le suivi des dossiers, dans la façon de gérer un certain nombre d'objets immobiliers. Le Conseil d'Etat reconnaît ces dysfonctionnements. Cela a été fait, d'ailleurs, dans le rapport de l'ICF lui-même. Il a créé une task force pour y remédier. Il existe un deuxième type de problèmes, et c'est là, au fond, que le scandale a éclaté: la question de l'attribution de ces logements et le fait que les loyers qui sont pratiqués sont effectivement bas.
J'aimerais faire quelques commentaires à ce sujet. La première chose que j'aimerais dire est que nous parlons très exactement de 146 villas et d'une centaine d'appartements. C'est donc un parc immobilier qui n'a rien à voir avec celui de la GIM, par exemple, qui comporte 5000 logements, dans la mesure où la plupart des logements qui sont propriété de l'Etat le sont à travers les fondations immobilières de droit public, qui gèrent un parc à peu près équivalent à celui de la GIM, un peu plus important depuis que nous avons repris les logements de la Fondation de valorisation de la BCG.
En ce qui concerne le niveau des loyers, tout d'abord, j'attire votre attention sur la nature de ces objets. Ce sont généralement des objets qui ont été achetés par l'Etat en vue de leur démolition, puisqu'ils se trouvent sur des terrains où sont prévus des projets de logements, où il est prévu de faire passer une route, de construire une école ou un autre ouvrage public. La question qui se pose dans ces cas-là est celle-ci: que fait-on de ces objets ? Est-ce qu'on les laisse vides, on mure les fenêtres et on engage des Securitas pour empêcher qu'ils soient squattés ? Ou bien est-ce qu'on les loue, à des conditions totalement précaires ? Car les locataires doivent s'engager à quitter très rapidement leur logement lorsque les travaux vont commencer. De plus, ces conditions sont précaires aussi parce que l'Etat est très clair dès le début: l'Etat ne mettra pas un franc d'entretien dans ces logements. Enfin, ces conditions sont précaires également parce que la situation de ces objets - nous aurons l'occasion de l'exposer à commission de contrôle de gestion - dans énormément de cas, est très mauvaise, proche de l'autoroute, dans des secteurs de nuisance, ou autres.
Je signale par ailleurs qu'un grand nombre de ces logements sont remis, gratuitement parfois - mais vous pouvez crier au scandale - à des institutions comme Carrefour-Rue, par exemple, pour loger des sans-abris, et à d'autres type d'organisations caritatives. En effet, nous cherchons un moyen d'utiliser ce type d'objets au mieux, dans l'attente de leur démolition. Personnellement, je m'étonne d'entendre le parti socialiste réclamer que nous augmentions les loyers de ce type de logements. Voilà en ce qui concerne les loyers.
L'une des missions de la task force - j'insiste beaucoup là-dessus - va être de vérifier, au cas par cas, pour chacun de ces objets, que les loyers pratiqués, eu égard à ce type de circonstances, sont des loyers corrects, justifiés. Il est possible que, dans un certain nombre de cas, ils ne le soient pas et que l'on nous recommande de résilier ces baux et d'augmenter les loyers avec un nouveau locataire. Personnellement, je serai extrêmement réticent à procéder de la sorte, dans la mesure où les locataires qui sont là le sont souvent, comme l'a dit M. Slatkine, depuis de très nombreuses années; ils sont là de bonne foi et n'ont pas à être pénalisés par une révision des pratiques.
Deuxième élément - et j'aimerais être très clair à ce sujet - lorsque l'on parle de copinage, de passe-droits ou de privilèges, j'aimerais ici vous dire que, à ma connaissance - à ma connaissance ! - il n'y en a pas... (Remarque.) La plupart de ces baux datent effectivement d'une époque où ne j'étais pas chef du département. Lorsque je suis arrivé, j'ai peut-être eu la faiblesse de ne pas aller vérifier le nom de tous les locataires de l'Etat de Genève. Alors, Monsieur Bertschy, lorsque vous serez conseiller d'Etat, je vous invite à procéder de la sorte ! (Exclamations.) Ce n'est pas le travail d'un conseiller d'Etat. Lorsque l'on est au Conseil d'Etat, on ne fonctionne pas dans la suspicion permanente de fraudes ou de passe-droits. Jusqu'à preuve du contraire, il n'existe pas, parmi les locataires de l'Etat, de locataires qui aient été placés là par copinage... (Remarque.) ...ou sur la base de relations personnelles avec le chef du département. Encore une fois, à ma connaissance ce n'est pas le cas. Peut-être que l'inverse sera démontré par la task force, à qui j'ai demandé d'être extrêmement attentive à vérifier ce genre de choses. On verra le résultat.
Nous ferons toute la transparence. Elle est réclamée à juste titre. Je la réclame moi-même. Ce sera fait. D'ici à la fin de l'année, nous aurons un rapport que nous présenterons à la commission de contrôle de gestion. Peut-être que, dans l'intervalle, la commission aura eu accès à d'autres informations et pourra elle-même faire la lumière sur ces événements. Mais je tiens également à ce que cela soit le cas.
J'accueille volontiers le renvoi de ces propositions de résolutions. J'attire l'attention du groupe UDC qu'une résolution n'est pas l'outil adéquat pour demander au Conseil d'Etat de se prononcer. Lorsque vous demandez de ma part que je sois excellent, je demande également que vous le soyez, Mesdames et Messieurs les députés de l'UDC ! En conclusion, je me réjouis de faire la transparence sur ces éléments. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur ces propositions de motion et de résolutions, l'une après l'autre. Il a été demandé que chacune d'entre elles soit renvoyée à la commission de contrôle de gestion. Nous commençons par la proposition de motion 1996: «Pour que l'Etat fasse payer les tricheurs».
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1996 à la commission de contrôle de gestion est adopté par 74 oui contre 14 non.
Le président. Nous sommes toujours en procédure de vote: proposition de résolution 658 «demandant une réorganisation totale et rigoureuse du DCTI, département capharnaüm digne d'une République bananière !»
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 658 à la commission de contrôle de gestion est adopté par 81 oui contre 2 non et 2 abstentions.
Le président. Nous procédons au vote concernant la proposition de résolution 659: «Pour plus de transparence: que le DCTI renseigne la population à propos des dysfonctionnements dans ses services !»
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 659 à la commission de contrôle de gestion est adopté par 76 oui contre 1 non et 7 abstentions.