Séance du
vendredi 19 novembre 2010 à
17h05
57e
législature -
2e
année -
1re
session -
4e
séance
R 646
Débat
Le président. Je donne la parole à l'auteur de cette résolution, M. le député Michel Forni.
M. Michel Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Permettez-moi de rendre la vérité à son auteur: je n'en suis que le porte-parole ce soir, en tant que président de la commission de la santé.
Je serai bref, Monsieur le président. Comme chaque automne, les primes des assurances-maladie ont pris l'ascenseur: le scandale des réserves, plafonnant largement au-dessus de la moyenne nationale, est de nouveau de rigueur; et le déni, réduisant parfois à néant les efforts mis en place au niveau cantonal, entraîne la progression des coûts qui, une fois de plus, va rejoindre le «déficit béant de la transparence»... Et nous constatons que l'OFSP n'a pas le pouvoir d'empêcher les caisses d'augmenter leurs primes et, surtout, une certaine paralysie des mécanismes de régulation du Conseil fédéral.
C'est la raison pour laquelle certains députés, dont mon collègue Buchs, député PDC, ont été à la base de cette mesure, qui maintenant s'est bien sûr cristallisée avec des portes ouvertes et qui permet aux différents groupes politiques de la commission de la santé de s'y associer et, surtout, par le biais d'un amendement de principe du Conseil d'Etat, de finaliser une résolution que nous vous proposons d'adresser à Berne pour dénoncer cette mascarade coûteuse et ce système devenu pervers !
Je tiens à vous dire que c'est à l'unanimité des membres de la commission de la santé que nous vous soumettons cette résolution qui invite le Conseil d'Etat à soutenir le Conseil fédéral dans sa volonté de réformer le mode de surveillance de la LAMal et qui demande à notre Conseil d'Etat d'être fort dans cette discussion, tout en soulignant que nous avons déjà planté quelques jalons tels que la cantonalisation des réserves des caisses maladie. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que cela soit traité dans les plus brefs délais !
Au nom de la commission de la santé - et en mon nom personnel, bien sûr - je vous invite donc à soutenir cette proposition de résolution.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous me voyez fort honoré que vous soyez venu vous asseoir à la table des rapporteurs. Or, en tant qu'auteur de cette résolution, vous eussiez dû rester à votre place. Mais ce n'est pas grave: maintenant que vous êtes là, restez ! La parole est à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Cette résolution est urgente parce que les Chambres fédérales vont devoir parler de la cantonalisation des réserves durant les réunions de la prochaine législature. Il faut absolument que le Conseil fédéral décide, avant la fin de l'année, de permettre la cantonalisation des réserves et que l'argent que les Genevois ont payé par le biais de leurs primes leur revienne et ne bénéficie pas à un autre canton. Il est en effet essentiel que les gens puissent bénéficier de ce qu'ils ont payé.
Quatre mots reviennent en permanence, lorsque l'on aborde les problèmes des caisses maladie. L'impuissance: chaque année, on est impuissant à juguler l'augmentation et on se demande ce qu'il est possible de faire. L'incompréhension: le peuple ne comprend plus l'augmentation des primes des assurances-maladie et la classe moyenne a de moins en moins les ressources nécessaires pour pouvoir payer ces primes qui prennent l'ascenseur. Et puis, il y a la colère des assurés. Et, enfin, l'opacité totale des comptes des caisses maladie, comptes qui ne sont pas contrôlés. Même le canton de Genève ne peut matériellement pas les contrôler, car il ne dispose que d'une seule journée par an pour examiner les comptes de toutes les caisses maladie !
Or quelque chose a changé: les cantons commencent à se fâcher. En effet, depuis deux ou trois ans, les cantons de Genève, Vaud et Neuchâtel, expriment leur désaccord ! L'augmentation que vous devrez payer au 1er janvier 2011, notamment pour les jeunes à partir de 18 ans, n'aurait pas dû intervenir: elle aurait dû être de 0% ! Il est scandaleux que les Genevois voient leurs primes d'assurance-maladie augmenter. C'est pour cela que nous avons déposé cette résolution, que nous soutenons, bien évidemment.
M. Charles Selleger (R). Cette résolution s'intitule: «Contre l'augmentation des primes d'assurance-maladie»... Elle aurait pu s'intituler aussi: «Contre le vol des réserves accumulées par les Genevois» !
Deux assurances se sont permis de déplacer les réserves des Genevois dans d'autres cantons, nonobstant les résolutions que nous avons envoyées l'année dernière aux Chambres fédérales, dont l'une traitait justement de la cantonalisation des réserves. Comme cela a été indiqué précédemment, cette résolution a déjà passé au niveau du Conseil national - elle a été votée; et, au niveau du Conseil des Etats, elle a également été acceptée par la commission de la sécurité sociale et de la santé.
Malgré cela, les Genevois se voient être privés de sommes qu'ils ont accumulées par le biais de leurs primes - je ne vais pas refaire le débat sur la constitution des réserves des caisses maladie, nous en avons abondamment parlé l'année dernière - et je pense que, dans cette enceinte, tout le monde l'a compris ! C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons - la commission de la santé, unanime - à voter cette résolution.
M. Alain Charbonnier (S). Les commissaires socialistes ont signé cette résolution et participé à sa rédaction au cours des travaux de la commission de la santé.
Le groupe socialiste était toutefois prêt à soutenir la résolution initiale du parti démocrate-chrétien, laquelle demandait au Conseil d'Etat d'intervenir auprès du Conseil fédéral pour demander l'annulation de l'augmentation des primes en 2011 et étudier la possibilité de saisir la justice pour obtenir un effet suspensif. Pour nous, c'est cette résolution qu'il fallait voter ce soir en urgence, car c'était un message très clair des Genevois, que nous représentons, pour arrêter immédiatement toute augmentation des primes d'assurance-maladie. Malheureusement, la majorité de la commission en a décidé autrement. Ce n'est pas tout à fait étonnant vu la composition de ce parlement et le fait qu'une bonne partie des commissaires de la commission de la santé sont du même parti que M. Burkhalter et que M. Ruey, président de santésuisse. Vous pouvez donc imaginer les problèmes que nous rencontrons en commission pour faire passer des messages forts, clairs, en direction du Conseil fédéral ! C'est ainsi que nous nous retrouvons avec une résolution plutôt «gentillette» qui demande au Conseil d'Etat de soutenir le Conseil fédéral dans sa volonté de réformer...
Mais il faut savoir que la première réforme, proposée récemment par M. Burkhalter devant les Chambres fédérales, a été refusée. Il préconisait de distribuer plus largement les subsides afin de compenser le problème de la cantonalisation des primes, cantonalisation qu'il se refuse à appliquer ! M. Burkhalter, l'homme de vos partis, se refuse à appliquer cette mesure, que nous avons soutenue par le biais d'une résolution envoyée au Conseil fédéral l'année dernière.
Nous voterons donc cette résolution, mais un peu la mort dans l'âme, car le message n'aura évidemment aucun effet à Berne tant il manque de fermeté ! Une résolution employant des termes plus directs - comme c'était le cas de la première version - aurait eu, selon nous, plus de chances d'avoir des échos, au moins dans la population. Avec ce texte, les pauvres Genevois ne vont pas vraiment comprendre ce que nous faisons dans ce parlement !
M. Mauro Poggia (MCG). Le groupe MCG a des doutes sérieux quant à la volonté de notre conseiller fédéral, M. Didier Burkhalter, de faire avancer les choses. C'est vrai, diront certains, cela ne fait qu'une année qu'il est à Berne: il faut qu'il étudie ses dossiers et qu'il fasse des propositions... Néanmoins, les seuls signes qu'il a donnés jusqu'ici à la population de notre pays ne sont guère encourageants.
Il dit malgré tout vouloir apporter des améliorations sensibles - sensibles, surtout pour les assureurs: le souhaiterions-nous ? - dans le mode de contrôle des assureurs et en harmonisant les règles de comptabilité, car, aujourd'hui encore, c'est la jungle... La jungle vue de l'extérieur, puisque, malheureusement, les quelques Tarzans de ce pays n'ont pas encore réussi à s'y infiltrer: nous espérons que les choses changeront bientôt !
La solution, nous en sommes convaincus, ne viendra pas du Parlement fédéral, où le lobby des assureurs est malheureusement beaucoup trop puissant: la solution viendra du peuple de ce pays - je le souhaite - bientôt.
Nous voulons néanmoins accorder encore quelque crédit à M. Burkhalter et espérer que certains des signes de sa bonne volonté se concrétiseront. A tout le moins, il apportera des améliorations quant aux dysfonctionnements les plus criants de ce système, dysfonctionnements qui sont dénoncés, je le rappelle, depuis maintenant quinze ans. Car cela fait quinze ans - déjà ! - que la LAMal existe et que l'on se plaint. Quelques-uns, d'abord, et, maintenant - heureusement ! - beaucoup de personnes de bon sens, de tous bords politiques, rejoignent les rangs des plaignants, constatant que certains de ces dysfonctionnements, comme celui des réserves qui touche plus particulièrement Genève, ne sont plus tolérables. En effet, nous le savons, les réserves sont considérées comme nationales par nos assureurs, qui peuvent les constituer ici et les utiliser ailleurs pour maintenir artificiellement, pour des raisons encore obscures, des primes en dessous de ce qu'elles devraient être.
Problème des subventionnements croisés... On nous explique en effet que ce sont les assurances privées - entendez par là les assurances complémentaires - qui viendraient sauver les assurances de base. Nos assureurs privés viendraient en aide à l'assurance de base pour que les primes soient plus supportables ou, devrais-je dire, moins insupportables !
Puis la chasse aux bons risques, vous la connaissez... Nous voyons ce qui s'est passé encore récemment: des caisses ont décidé de renoncer au tiers payant pour passer au tiers garant. Le seul but de l'opération étant évidemment de faire partir ceux qui représentent, à leurs yeux, de mauvais risques, et qui sont, pour nous, des personnes malades ayant besoin de ces assurances. Ces personnes devront avancer de leur poche les sommes nécessaires pour se soigner et elles seront évidemment tentées de partir, si elles le peuvent, si elles n'ont pas une assurance complémentaire auprès de ces caisses qu'elles ne peuvent pas abandonner. Cela, sans imaginer les problèmes administratifs insurmontables...
Le président. Monsieur le député, excusez-moi, il vous faut songer à finir !
M. Mauro Poggia. Pardon, Monsieur le président ?
Le président. Il vous faut songer à terminer !
M. Mauro Poggia. Oui, bien sûr ! (Rires.) Merci, Monsieur le président ! Je termine en disant que nous soutiendrons effectivement ce texte, même si nous avons peu d'espoir quant à sa concrétisation. Nous le soutiendrons parce qu'il faut donner un signe clair à Berne. Un signe de plus. Un signe de trop, dirais-je ! (Applaudissements.)
Mme Esther Hartmann (Ve). Les Verts vont évidemment soutenir cette résolution. Nous partageons l'état d'esprit des socialistes: nous sommes en effet très tristes de ne pas avoir pu soutenir la motion du PDC. Nous sommes néanmoins satisfaits de voir que tout le monde ici se rend compte que le système de la LAMal a peut-être atteint ses limites, que la gestion actuelle des réserves est pour le moins opaque, que les primes augmentent sans que ce soit forcément lié aux coûts réels de la santé au niveau des cantons, et que tout le monde commence à se méfier très fortement de la manière dont l'ensemble est géré.
Nous allons donc soutenir cette résolution, tout en étant conscients que la solution se trouve sans doute ailleurs.
Mme Nathalie Fontanet (L). Le groupe libéral, à l'instar des autres groupes, a également pris très rapidement la décision en commission de soutenir cette résolution, pour montrer sa désapprobation s'agissant des augmentations des primes d'assurance-maladie qui ne cessent d'intervenir.
Ce que je peux regretter ce soir, c'est de voir que, malgré cette union que nous voulions unanime - ce message que nous voulions porter tous ensemble - eh bien, certains, par dogmatisme, se permettent d'affirmer qu'ils sont meilleurs que les autres et qu'ils soutiennent cette résolution avec plus de coeur... Mesdames et Messieurs, en tant que libérale j'estime que nous sommes non seulement impuissants par rapport à ces augmentations des primes d'assurance-maladie, mais que nous sommes pris en otage: pris en otage parce que nous n'avons pas d'autre choix que de les payer; pris en otage parce que chacun d'entre nous peut être malade demain; pris en otage parce que l'on peut être libéral et ne pas avoir de gros moyens financiers - on peut être libéral et ne pas être en mesure de payer ses dépenses médicales tous les mois.
Je pense que le problème des assurances-maladie que nous vivons aujourd'hui, que nos proches vivent aujourd'hui, que tous les citoyens vivent aujourd'hui, dépasse les partis politiques ! Et le seul moyen à notre portée, c'est de réagir ensemble, comme nous l'avons fait en commission: c'est d'encourager notre Conseil d'Etat à être toujours aussi actif qu'il l'a été ces dernières années, c'est de se battre à Berne pour faire valoir les intérêts de Genève, afin que les coûts des assurances-maladie ne continuent pas à prendre l'ascenseur alors que nous nous opposons pour qu'ils diminuent.
Voilà, Monsieur le président, pourquoi le groupe libéral a également soutenu cette résolution. (Applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). Je vais rebondir sur les propos de Mme Fontanet. Bien que nous ayons accepté la LAMal en votation populaire, nous en subissons chaque jour un peu plus les contraintes. Pour l'instant, nous nous attaquons à ce qui fait mal, c'est-à-dire l'augmentation des primes d'assurance-maladie, et nous sommes effectivement pris en otage, dans la mesure où nous sommes obligés de nous assurer.
En ce qui concerne nos jeunes, dont les primes augmentent de 10%, la situation est assez inquiétante. Que se passe-t-il ? A peine adultes, en raison de la cherté des primes et de l'obligation de s'assurer, ils sont harcelés par les caisses maladie et contraints de payer. Mais nombreux sont ceux qui n'y arrivent pas et se retrouvent à l'Hospice général ou à l'office des poursuites. C'est préoccupant, ces jeunes débutent leur vie d'adulte avec une charge qu'il serait possible de leur épargner et qui, pendant des années, sera un fardeau lorsqu'ils devront chercher un travail ou un logement.
Mesdames et Messieurs, la crise financière des assurances-maladie est surtout un signe alarmant. Le fond du problème n'est pas du tout là... Evidemment qu'on ne s'en préoccupe généralement pas, mais c'est le signe, excusez-moi d'être aussi direct, d'une société à la dérive. Notre société est en effet à la dérive: malgré toutes les déclarations de bonnes intentions en matière de solidarité, nous avons véritablement de la peine à les appliquer, de la peine à vivre en respectant les valeurs que nous ne cessons de prôner. Dès que l'homme détient une parcelle de pouvoir, il en abuse généralement: cela pollue les mentalités, et nous en subissons tous les conséquences. Chacun de nous paie des primes d'assurance-maladie exorbitantes au titre d'une solidarité forcée et, donc, s'en insurge ! Alors, que se passe-t-il ? Chacun en veut pour son argent et fait tout pour «amortir» son assurance. En outre, comme les primes sont chères, chacun exige des soins modernes, sûrs, récents, donc plus coûteux.
Le véritable problème qui se pose, c'est que l'institution médicale socialise les coûts et privatise les bénéfices: c'est ça le scandale ! Et si l'on n'essaie pas de traiter sérieusement les causes du mal, les soins seront toujours plus onéreux, ce qui entraînera immanquablement des restrictions autoritaires des dépenses médicales. Cela va arriver, c'est inéluctable ! Ou alors, dans quelques années, il faudra payer 1000 F de prime maladie par mois !
La recherche médicale et la santé en général sont entre les mains d'intérêts privés qui font certainement passer le sens du commerce et du profit avant le sens de l'humanité. Les grandes compagnies pharmaceutiques entretiennent le mythe du médicament miracle et dépensent des sommes colossales...
Le président. Monsieur le député !
M. Marc Falquet. Oui ?
Le président. Monsieur le député, il vous faudrait songer à finir !
M. Marc Falquet. Déjà ? (Rires.) Oui, mais je ne prends jamais la parole ! (Rires. Commentaires.) Les entreprises pharmaceutiques dépensent des sommes colossales en marketing et exploitent la faiblesse et la peur des gens ! La volonté des acteurs de la médecine est de bien soigner... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...mais elle se trouve en opposition totale avec la dynamique de production commerciale de l'industrie médico-pharmaceutique. Un exemple: les maladies chroniques prétendument inguérissables sont une aubaine extraordinaire pour faire prospérer le système. Personne n'a intérêt à trouver les causes de ces maladies, sous peine de faire perdre beaucoup d'argent à ce système basé uniquement sur le pognon ! (Brouhaha.) Bien, alors je m'arrête là, puisque je suis arrivé au bout de mon temps de parole.
Une voix. Oui !
Le président. Je vous en suis reconnaissant, Monsieur le député ! La parole est à M. le député Aubert, à qui il reste une minute.
M. Claude Aubert (L). Merci, Monsieur le président. J'ai entendu à plusieurs reprises que nous étions obligés de nous assurer... Nous devons quand même à la vérité un élément très important: c'est que, depuis la LAMal, les assurances sont obligées de rembourser les soins ! En effet, tout le monde oublie complètement qu'avant 1996 aucune assurance ne vous acceptait si vous aviez été malade. Et l'un des miracles de la LAMal a été d'introduire la notion selon laquelle toute personne qui avait été malade ou qui pourrait le devenir devait obligatoirement être acceptée par l'assurance. (Remarque.) Par conséquent, s'il vous paraît que la LAMal a tous les maux possibles, laissez-lui quand même cette vertu ! (Applaudissements.)
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Permettez-moi de rappeler l'importance du combat que nous menons ensemble contre un certain nombre de défauts de la loi sur l'assurance-maladie entrée en vigueur en 1996. Je remercie tout de même le député Aubert d'avoir rappelé ce fondamentum: ce bienfait de la loi sur l'assurance-maladie, qui permet aux malades ou à ceux qui ont été malades une fois de bénéficier d'une assurance, ce qui n'était pas le cas avant. Lui et moi avons suffisamment de cheveux blancs pour nous rappeler les drames que cela impliquait pour les personnes qui ne pouvaient parfois pas avoir accès aux soins.
Alors certes, la LAMal a des défauts, des défauts dont les autorités fédérales semblent mettre beaucoup de temps à se préoccuper avec le sérieux nécessaire. Vous avez rappelé les uns et les autres les initiatives de votre parlement, lesquelles commencent à avoir un écho important à Berne, que ce soit la cantonalisation des réserves, le plafonnement des réserves, la transférabilité des réserves. Et tout cela est bel et bon !
Mais il faut se rappeler que le pire, au fond, c'est que la loi ne permet pas à l'Office fédéral de la santé publique - pas plus qu'au Conseil fédéral, d'ailleurs - d'effectuer des contrôles convenables. La preuve, c'est que lorsqu'il y a deux ans, dans un contexte un peu particulier, le conseiller fédéral avait demandé à une assurance de modérer ses hausses, celle-ci avait recouru - entendez-moi bien: recouru ! - au Tribunal fédéral administratif. Et ce dernier lui avait donné raison contre le Conseil fédéral, expliquant qu'il n'y avait pas de base légale pour que l'autorité fédérale censée approuver les primes ait une compétence quelconque pour les désapprouver...
Cela montre tout simplement que le texte est mal fait ! Vous le savez, l'Exécutif ne porte aucun jugement sur la manière dont la justice rend la justice. On peut toutefois s'interroger sur la vision extrêmement administrative de l'approche du Tribunal fédéral administratif, mais, finalement, c'est son travail... J'ai demandé à M. Couchepin, puis à M. Burkhalter pour quelle raison ils n'avaient pas recouru contre cette décision au Tribunal fédéral - ce qu'ils auraient pu faire étant entendu que ce dernier, dans sa grande sagesse, lit en général les lois avec ce que l'on appelle une «interprétation téléologique», c'est-à-dire en s'attachant à la finalité voulue par le législateur.
Il ne fait aucun doute pour personne, lorsque nous avons décidé que les primes devaient être fixées par canton ou par région, parce que les coûts n'y étaient pas les mêmes, que les réserves - qui sont versées à l'occasion des primes, dont on soustrait la dépense pour constituer la réserve - devaient forcément être localisées là où les primes avaient été payées ! Même un enfant de 4 ans peut le comprendre ! Le Tribunal fédéral administratif l'a admis, mais il a expliqué que cela ne pouvait pas s'appliquer, parce que cela n'était pas formellement stipulé. Bon !
C'est la raison pour laquelle je vous remercie d'avoir signalé dans cette résolution qu'il fallait accroître très largement non seulement l'autorité de l'Office fédéral de la santé publique, celle du Conseil fédéral, mais aussi associer les cantons à ce mécanisme d'approbation des primes, puisque, au fond, nul autre mieux que le canton, ne connaît la manière dont les primes sont ou non dépensées. A Genève, nous avons un monitoring extrêmement précis avec l'ensemble des partenaires: nous savons exactement où il y a des hausses, où il n'y en a pas, et, parfois, où il y a des baisses. Cet élément est donc important.
Deuxième élément. Vous l'avez également indiqué dans cette résolution: c'est le contrôle fiduciaire des caisses. Il n'y a pas de cahier des charges imposé par l'Office fédéral de la santé publique aux contrôleurs des caisses. C'est la raison pour laquelle le principe des réserves, le principe des provisions, le principe de la comptabilisation des biens mobiliers ou immobiliers sont peu ou prou laissés à la libre appréciation de chacune des caisses. Et cela ne va pas ! On sait qu'un immeuble magnifique en Valais - l'un des plus beaux immeubles du Valais, qui appartient à une compagnie valaisanne - est comptabilisé à une valeur de 1 F: cela prouve que l'on se moque du monde, car sa valeur est indiscutablement plus importante ! On sait que les assurances qui font des placements en bourse - ce qu'elles ont le droit de faire à hauteur de 25% des sommes qu'elles encaissent - peuvent comptabiliser la valeur de ces placements à la valeur la plus basse de la période concernée. Cela veut dire que nos 42% de réserves, à fin 2009, représentent probablement 45 ou 50%, puisqu'en janvier 2009, je vous le rappelle, le SMI - l'index suisse - était aux alentours de 4800 points et qu'il avait fini l'année aux alentours de 6500 points. On le voit bien, ce genre d'éléments doivent pouvoir être cadrés. Je vous remercie encore une fois de nous aider, mais tous les défauts que l'on peut trouver à cette loi et que l'on cherche à gommer - et nous devons le faire - ne doivent pas cacher l'enjeu principal qui est de garder un accès aux soins pour tous. Et pour que cela soit possible, il faut que l'assurance-maladie soit obligatoire, non pas pour pénaliser les malades, mais pour être sûrs, au contraire, qu'ils soient protégés. Il faut préserver la maîtrise des coûts de manière que ces soins puissent être financés. Et, pour cela, il faut que tous les partenaires fassent des efforts, qu'ils soient malades ou qu'ils soient soignants, pour prendre conscience de l'importance que cela revêt.
Et puis, à n'en pas douter, il faudra choisir entre la concurrence et la non-concurrence du système. Vous connaissez mon avis sur ce point. N'est pas concurrentiel un système dans lequel l'assurance est obligatoire: les prestations sont infinies, le tarif, lui, est défini par des tarifs fédéraux. La marge de concurrence ne repose que sur la chasse aux risques. C'est ce que l'on constate avec le scandale d'Intras, qui passe d'un tiers payant pour les médicaments à un tiers garant, pour pousser les gens qui ont des traitements chers à changer de caisse parce qu'ils ne seront plus en mesure de faire l'avance à l'assurance.
Ou, alors, la vraie concurrence, qui mériterait d'être tentée avec les atomisés de la concurrence... Je pense à quelques personnes de santésuisse, bien placées dans le monde de la concurrence: lorsque j'ai proposé de supprimer la compensation des risques et expliqué que, finalement, il ne s'agirait que des faillites de compagnies, que les autres compagnies devraient reprendre les assurés, que cela ne coûterait rien à personne, eh bien, elles étaient tout à coup beaucoup plus réticentes au sujet des systèmes concurrentiels.
Quoi qu'il en soit, entre l'un et l'autre, il faudra choisir, et il faudra que, tous ensemble, nous maîtrisions les coûts en matière de soins au-delà des améliorations ponctuelles que nous cherchons à apporter, notamment à propos des réserves. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la proposition de résolution. Celles et ceux qui sont favorables à cette dernière voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront. Le vote est lancé, mais je vous prie de ne pas bouger avant la fin du vote, car je vous dois une communication.
Des voix. Ah ? (Remarque de M. Gabriel Barrillier.)
Le président. Rêve pas, Gabriel !
Mise aux voix, la résolution 646 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 84 oui (unanimité des votants).